(Moniteur belge n°343, du 9 décembre 1842)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure et quart.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse communique les pièces de la correspondance.
« Les brasseurs de Tongres présentent des observations contre les projets de loi tendant l’une à majorer les centimes additionnels sur le principal de l’accise des bières, l’autre à modifier la loi de 1822 sur les bières. »
« Mêmes observations des brasseurs de Charleroy et des environs, de ceux de Moerseke, du canton d’Herenthals, de la commune de Stavelot, des sieurs Van Sieleghem, Guestier et Heyvaert, et des brasseurs des arrondissements de Malines et de Turnhout. »
M. Peeters. - Je demande le renvoi de ces pétitions à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur les bières.
- Ce renvoi est ordonné.
« Le sieur Jean-Pierre Poppelsdorff, négociant-commissionnaire se plaint d’être illégalement arrêté sous la prévention d’escroquerie ou de tentative d’escroquerie. »
« Plusieurs habitants de Solevoster demandent un subside pour la reconstruction de leur église. »
« Plusieurs habitants des hameaux de Xhavée, Souverain, Wandre, Lamotte, Rabosée, Chefneux et Priesvoie demandent que ces hameaux soient séparés de la commune de Wandre et érigés en une commune distincte. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Il est fait hommage à la chambre par M. Bivort d’un exemplaire de son ouvrage : La loi communale expliquée et interprétée.»
Dépôt à la bibliothèque.
Par dépêche en date du 7 décembre, M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) informe la chambre qu’un le Deum sera chanté le 16 de ce mois dans l’église des SS. Michel et Gudule, à l’occasion de l’anniversaire de la naissance du Roi, et que l’escorte d’usage sera mise à la disposition de la chambre, si elle se propose d’y assister.
- La chambre consultée décide qu’elle se rendra en corps à la cérémonie.
M. le ministre de la guerre (M. de Liem) présente un projet de loi ayant pour but d’autoriser un transfert à son budget pour l’exercice 1842.
- La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi dont il vient de donner communication, en ordonne l’impression et la distribution.
M. de Theux. - Je propose de le renvoyer à la section centrale chargée d’examiner le budget de la guerre.
- Ce renvoi est ordonné.
M. Dedecker dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1843.
- Ce rapport sera imprimé et distribué et la discussion est renvoyée après les autres budgets à l’ordre du jour.
M. de La Coste. - J’ai l’honneur de présenter le rapport de la section centrale qui a été chargé de l’examen du projet de loi relatif au remboursement des péages sur l’Escaut.
Plusieurs membres. - Les conclusions !
M. de La Coste. – Les conclusions sont de proroger le terme de l’art. 2 de la loi du 5 juin 1839 pour deux ans au lieu de trois, comme l’avait proposé M. le ministre de l’intérieur.
- L’impression et la distribution de ce rapport sont ordonnées.
M. Hye-Hoys. - Je propose de mettre ce rapport à l’ordre du jour après le vote de la convention avec la Hollande.
M. de Theux. - Nous avons des objets plus urgents, les budgets et la loi sur le sucre. Rien ne presse de discuter ce rapport. La chambre pourra fixer ultérieurement l’époque de la discussion.
- La chambre décide que le jour de la discussion sera ultérieurement fixé.
M. Mercier. - Messieurs, je suis parfaitement d’accord avec l’honorable M. de Foere sur l’importance qu’il attache à établir l’équilibre entre les recettes et les dépenses et d’éviter de nouveaux déficits qui, chaque année, augmentent notre dette, mais je ne comprends pas aussi bien la pensée de l’honorable membre quand il conseille d’adopter les systèmes suivis dans d’autres pays, en ce qui concerne la dette flottante. Je crois que ces systèmes dépendent de circonstances locales qui ne se rencontrent pas en Belgique. En Angleterre, le système de la dette flottante est fondé sur la confiance qu’inspirent une ancienne nationalité, la force de ca grand empire et sa situation qui le met l’abri des commotions politiques auxquelles d’autres Etats sont exposés.
La dette flottante est divisée en trois catégories. La première a beaucoup de ressemblance avec la dette consolidée ; elle en diffère cependant sous trois rapports : le premier en ce que le gouvernement peut rembourser les obligations à l’échéance qui a lieu douze mois après leur émission ; le second, c’est que si ces remboursements n’ont pas lieu, les porteurs peuvent faire usage des billets de l’échiquier pour payer les contributions et droits de l’Etat ; en troisième lieu, les porteurs peuvent les faire renouveler à l’échéance, ce qui arrive presque toujours, à cause de la prime qui résulte de la négociation de ces billets.
Il y a une seconde catégorie d’obligations pour les avances à faire à des corporations, à des provinces, ou des corporations pour des établissements d’utilité publique et aux Indes occidentales. Ces effets sont hypothéqués et remboursés à des époques déterminées.
La troisième catégorie est celle qui a le plus d’analogie avec la dette flottante que l’honorable membre voudrait seulement conserver en Belgique ; elle comprend les bons émis pour faciliter le service du trésor quand les revenus de l’Etat ne rentrent pas en temps opportun pour faire face aux dépenses courantes ; cette catégorie d’effets n’entre pas dans la circulation en Angleterre ; ils sont déposés à la banque comme garantie des sommes avancées par elle pour le service public.
L’émission des bons du trésor qui repose sur un degré de confiance qui ne peut s’établir qu’avec le temps, s’est élevée en Angleterre à 56,700,000 liv. st., 1,417,000.000 de fr. en 1818. En 1840, ce chiffre n’était plus que de 500 millions. C’est encore un chiffre fort élevé. Quant à la forme de billets, elle ne diffère guère de celle qui est adoptée en Belgique, si ce n’est que l’intérêt du montant de l’obligation est indiqué par jour, et que le porteur peut ainsi très facilement établir le montant de la valeur qu’il possède, et qui en facilite l’échange.
Dans la position où se trouve la Belgique, je suis d’accord avec l’honorable M. de Foere que l’émission de la dette flottante ne devrait avoir lieu que pour faciliter le mouvement du trésor, et non pour couvrir un déficit. Il n’y aurait pas grand intérêt, si nous arrivions à cette situation, qui serait une situation normale, à changer ce qui existe aujourd’hui ; car, dans cette hypothèse, l’émission des bons du trésor serait très restreinte. Du reste, je voudrais plus encore qu’un semblable équilibre ; je voudrais qu’au lieu d’un déficit permanent dans nos caisses, nous eussions une réserve bien réelle, une épargne de quelques millions. Si, au lieu d’un découvert de 2 millions, nous avions une réserve de 7 à 8 millions, nous éviterions pour l’avenir la position critique dans laquelle nous nous sommes trouvés en 1840, en présence du traité du 15 juillet.
Je dirai quelques mots du vœu émis par la section centrale relativement aux fonds de la caisse d’amortissement. Ce vœu a été exprimé plusieurs fois dans cette enceinte. En 1840, une commission avait été créée pour formuler un règlement de l’emploi de ce fonds ou un projet de loi qui aurait déterminé le mode d’amortissement des fonds publics, et indiqué la marche à suivre pour les achats à faire, soit par la caisse des consignations, soit par d’autres caisses qui existent au département des finances, comme par exemple la caisse des cautionnements.
L’honorable M. Rodenbach semblait croire qu’il pourrait naître de là quelques abus, que cette commission pourrait se livrer à des spéculations ; cette commission ne ferait que surveiller l’exécution des règlements, et les règlements étant publiés, on aurait une entière certitude que tout se passe régulièrement. Sans doute on n’a aucun motif de croire qu’il en ait été autrement jusqu’ici. Mais enfin, c’est une institution qui existe ailleurs, dont on a reconnu les bons effets ; et il y aurait lieu, selon moi, de l’établir en Belgique. Aujourd’hui les fonds d’amortissement ne sont pas très considérables. Mais indépendamment des motifs indiqués par M. Cogels, qui veut prévoir le cas d’une dépréciation, d’autres circonstances, par exemple, une conversion de l’emprunt à 5 p. c., peuvent donner une forte action à l’amortissement. D’ailleurs, comme on l’a fait observer, il ne s’agit pas seulement de la caisse d’amortissement, mais de la caisse des cautionnements et de celle des consignations.
En France c’est la même commission qui surveille ces différentes caisses, bien qu’elles soient parfaitement distinctes de la caisse d’amortissement. Elle surveille aussi la caisse des fonds de retraite.
A cette occasion, je ferai remarquer qu’il existe quelques caisses de fonds de retraite qui ne sont pas gérées par le département des finances. C’est, selon moi, une irrégularité ; leur centralisation au ministère des finances ajouterait encore aux attributions de cette commission qui, du reste, exercerait ses fonctions gratuitement, comme l’a fait observer l’honorable M. Cogels ; car elle n’aurait pas un travail très considérable, puisqu’elle n’exercerait guère sa surveillance qu’à des époques déterminées.
Il est vrai que M. le ministre des finances nous renvoie à la loi de comptabilité. Cependant je crois qu’il peut être très utile d’émettre le vœu que cette institution soit formée par M. le ministre ; il ne paraît pas avoir l’intention d’en proposer la création ; en effet, il ne nous dit pas qu’il en soit fait mention dans son projet de loi sur la comptabilité. Je pense donc que les membres qui la croient nécessaire ont bien fait d’exprimer de nouveau leur opinion sur la convenance de l’introduire en Belgique.
M. Demonceau. - Je n’avais prêté hier que peu d’attention à la discussion générale ; j’ai relu aujourd’hui ce qui a été dit. Je me suis aperçu qu’on attribuait à la section centrale l’idée positive de vouloir une commission de surveillance pour les fonds de cautionnements, de consignations et d’amortissement. Au sein de la section centrale, je n’ai pas contesté combien une telle commission pouvait être utile, mais j’ai fait remarquer à mes collègues que ce n’était pas seulement pour ces fonds, mais en général pour tous les fonds de l’Etat qu’il fallait des mesures de surveillance. Si l’on veut émettre un vœu, il convient de l’émettre tel qu’il l’a été par la section centrale. Je fais cette observation, parce que j’ai cru m’apercevoir que l’honorable M. de Foere, qui paraît être d’accord avec moi en principe, a attribué à la section centrale des idées qu’elle n’a pas eues.
Voici ce qu’a dit la section centrale :
« Vous aurez été frappés sans doute, messieurs, des observations de la cour des comptes (page 20 du dernier cahier), sur l’absence complète de tout contrôle dans une branche aussi importante de l’administration de nos finances. Ces observations ont fixé toute l’attention de la section centrale ; mais, considérant qu’elles ne s’appliquent pas à cette seule branche du service, elle croit devoir réitérer le vœu déjà si souvent exprimé, de voir présenter au plus tôt une loi de comptabilité bien complète, et qui soit de nature à régler convenablement la surveillance de toutes les recettes et dépenses des deniers de l’Etat, à quelque branche du service qu’elles appartiennent. Ce vœu sera sans doute partagé par toute la chambre.»
Lorsque nous avons émis cette opinion, nous, majorité de la section centrale du budget de la dette publique, nous avions sous les yeux la législation française, à laquelle on a fait allusion. Eh bien, la législation française qui règle la comptabilité de l’Etat, contient un titre spécial pour la commission de surveillance des fonds de dépôts, de consignation et d’amortissement.
Je partage entièrement l’opinion de mes honorables collègues, qu’il faut que les fonds d’amortissement soient surveillés. Mais je vous avoue que, quand même vous auriez une commission, de la manière que nous faisons les emprunts, il ne serait guère possible de surveiller l’amortissement ; car il se fait à l’étranger pour la majeure partie de nos emprunts. Plus tard, sans doute, il faut l’espérer, nous obtiendrons des conditions moins défavorables. Mais celles que nous avons obtenues jusqu’ici nous mettent dans l’impossibilité de surveiller l’amortissement, à moins que pour la partie qui se fait en Belgique.
J’ai entendu dire aussi qu’on désirait que cette commission exerçât son mandat gratuitement, et que les fonds de l’Etat n’étaient pas tout à fait en sûreté au ministère des finances. Je ne sais si j’ai bien compris, mais il me semble qu’on a dit qu’il serait bien possible que les fonds de l’Etat disparussent.
Je dirai qu’une commission de surveillance ne serait probablement pas mieux que le ministre des finances qui prend sans doute toutes les précautions nécessaires pour que le trésor reste intact. La commission ne ferait rien de plus. Mais il faudrait qu’elle prît des mesures pour l’emploi des fonds, qu’elle achetât des rentes inscrites aux livres de la dette publique. Mais si alors vous appliquez ce système aux cautionnements et aux consignations, cette même commission serait obligée de vendre, quand il faudrait restituer les fonds déposés à charge de restitution,
Toutes ces questions doivent être mûries attentivement. Pour moi, je n’ai pas d’opinion arrêtée. Mais je pense que les fonds de l’Etat doivent être surveillés avec la plus grande attention. Je ne pense pas qu’il faille se borner aux fonds de cautionnements, de consignations et d’amortissement. Je crois qu’il faut une bonne loi de comptabilité, qui assure la surveillance de tous les deniers de l’Etat, et sur ce point, je crois être parfaitement d’accord avec la cour des comptes et avec l’honorable M. de Foere.
M. Cogels, rapporteur. - Je crois que la chambre est pressée de clore la discussion générale. Je dirai donc peu de mots en réponse à l’honorable M. Demonceau.
Il est très vrai que, pour la plupart de nos emprunts, l’amortissement a lieu à Paris, en tout ou en partie. Ainsi il a lieu :
Pour le premier emprunt de 100 millions à Paris ;
Pour l’emprunt de 30 millions à 4 p. c. à Bruxelles et à Anvers ;
Pour l’emprunt en 3 p. c., moitié à Bruxelles, moitié à Paris ;
Pour les autres emprunts faits depuis lors, moitié à Paris et moitié en Belgique, avec cette seule différence qu’il se fait à Paris par les soins du gouvernement belge et non par l’entremise obligatoire de la maison contractante.
Dès lors vous comprenez que la surveillance de la commission d’amortissement, que quelques membres de la section centrale ont exprimé le vœu de voir créer, pourrait exercer sa surveillance aussi bien à Paris qu’à Bruxelles, parce qu’elle réglerait la manière dont on opérerait. Quant aux rachats qui se feraient en Belgique, la surveillante serait immédiate.
Venons-en aux mesures de conservation.
J’ai dit en effet hier qu’en mettant de côté toute espèce de doute sur la délicatesse et la probité du ministre, il pourrait arriver qu’une clef fût surprise, et des fonds soustraits par un employé inférieur. C’est ce qui est arrivé à Paris ; on se rappelle l’affaire Kessner. Ce n’est pas à la caisse d’amortissement, c’est à la caisse centrale du trésor public que cela est arrivé.
Voici les mesures de conservation que l’on prend ordinairement : quant il y a des effets au porteur, on les met dans une caisse à trois clefs. Le ministre a une de ces clefs, et deux commissaires en ont chacun une. De cette manière pour qu’il y ait soustraction, il faut le concours de 3 personnes.
Une mesure de conservation bien plus certaine, c’est d’inscrire au grand-livre, et de rendre les inscriptions nominatives ; car veuillez remarquer que l’on a la faculté de convertir en inscriptions nominatives les titres au porteur. Plusieurs porteurs en ont usé. M’étant rendu à la direction du grand-livre, j’y ai vu qu’il y avait pour 117,000 fr. de rentes d’inscrits ; le chiffre est peu important. Je voudrais que le grand-livre devînt plus populaire. De cette manière on pourrait faire un appel aux petits capitaux et, intéresser au crédit de l’Etat toutes les personnes qui ont des économies à placer, et qui en retireraient un intérêt plus élevé que celui qu’ils retirent du placement à la caisse d’épargne.
- La discussion générale est close.
Les 7 premiers articles du chapitre premier sont successivement adoptés sans discussion ; ils sont ainsi conçus
« Art. 1er. Intérêts de la dette active inscrite au grand-livre auxiliaire : fr. 611,894 17
« Complément de la rente annuelle de 10,582,010 francs 58 c. ( cinq millions de florins ), à payer en exécution de l’art. 13 du traité signé à Londres le 19 avril 1839 : fr. 9,970,116 41.
« Total : fr. 10,582,010 58. »
Art. 2. Intérêts de l’emprunt de 100,800,000 fr., à 5 p. c., autorisé par la loi du 16 décembre 1831 : fr. 5,040,000
« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 1,008,000
« Total : fr. 6,048,000 »
« Art. 3. Frais relatifs au payement des intérêts et à l’amortissement dudit emprunt : fr. 122,000 »
« Art. 4. Intérêts de l’emprunt de 30,000,000 de francs, à 4 p. c., autorisé par la loi du 18 juin 1836 : fr 1,200,000
« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 300,000
« Total : fr. 1,500,000 »
« Art. 5. Frais relatifs au payement des intérêts et à l’amortissement du même emprunt : fr. 4,500 »
« Art. 6. Intérêts de l’emprunt de 50,850,800 fr., à 3 p. c., autorisé par la loi du 25 mai 1838 : fr. 1,525,524
« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 508,508
« Total : fr. 2,034,032. »
« Art. 7. Frais relatifs au payement des intérêts et à l’amortissement dudit emprunt : fr. 32,000 »
M. le président. - La chambre passe à l’art. 8, ainsi conçu :
« Art. 8. Intérêts de l’emprunt de 86,940,000 fr., à 5 p. c., autorisé par la loi du 26 juin 1840 : fr. 4,347,000
« Dotation de l’amortissement de cet emprunt, fr. 869,400
« Total : fr. 5,216,400 »
« Art. 9. Frais relatifs au payement des intérêts et à l'amortissement de cet emprunt = fr. 108,000 »
M. de Theux. - Nous voyons que les fonds de l’amortissement restent improductifs dans les caisses de l’Etat. Cet état de choses peut continuer pendant six ans pendant lesquels l’amortissement ne peut avoir lieu. Ainsi une somme considérable restera improductive. Il me semble qu’il y aurait lieu de la part du gouvernement, à émettre au moins des bons du trésor, au lieu de laisser les fonds improductifs chez le caissier de l’Etat ; car c’est là une perte considérable pour le trésor et sans aucune utilité.
M. Osy. - J’appuie l’observation de l’honorable préopinant. Mais il ne suffit pas d’émettre de nouveaux bons du trésor. Il faut savoir que, d’après les règles de notre comptabilité, les crédits dont on n’a pas fait usage après 3 ans restent comme boni au trésor. De manière que M. le ministre des finances devrait disposer de ces sommes, prendre réellement des bons du trésor, et les faire fructifier à l’avantage de la caisse d’amortissement ; car sans cela, en 1843, les crédits de 1840 seraient annulés. Je demanderai à M. le ministre des finances si cette opération se fait de cette manière.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Si je comprends bien l’honorable M. Osy, il voudrait que non seulement on appliquât la somme disponible pour le fonds d’amortissement, mais qu’on fît en même temps fructifier cette somme au profit de l’amortissement. Or, messieurs, il peut naître de cela des inconvénients. D’abord, je ferai remarquer que ce n’est pas une obligation d’après le contrat de l’emprunt de 86 millions. Le contrat pour la première partie de cet emprunt, qui s’élève à 20 millions, portait en effet que les sommes qui ne seraient pas employées à l’amortissement seraient productibles en faveur de cet amortissement. Mais la seconde partie de l’emprunt n’a pas été contracté sous la même condition.
Que résultera-t-il, messieurs, de l’exécution de la pensée de l’honorable M. Osy ? C’est que le fonds destiné à l’amortissement et dont il ne serait pas fait emploi, s’augmenterait annuellement par les intérêts que gagnerait ce même fonds ; de sorte qu’au bout de six ans, alors que votre remboursement commencerait, qu’il serait facultatif au gouvernement, vous auriez, au lieu d’un amortissement calculé à 1 p. c. par an, 7 ou 8 années d’amortissement qui devraient être appliquées, ce qui mettrait les porteurs d’obligations dans une condition autre que le contrat d’emprunt ne leur a fait. Le porteur pourrait dire : Vous pouvez amortir à raison d’un p. c., mais vous n’avez pas le droit, à la fin de la 6ème année, d’amortir 7 ou 8 p. c.
M. Rogier. - Vous pouvez racheter.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Oui, on pourrait racheter ; mais y aurait-il intérêt à racheter, alors que le cours de la rente serait extrêmement élevé ?
Quoi qu’il en soit, la pensée de l’honorable M. de Theux est très utile. L’Etat examinera s’il n’y a pas lieu de faire fructifier les sommes restées disponibles du chef de la dotation de l’amortissement. Ce que je dis seulement, c’est qu’on ne peut considérer comme une obligation de faire fructifier ce fonds d’amortissement au profit même de l’amortissement.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, j’ai toujours vu avec beaucoup de regret la clause de la suspension du remboursement, qui a été introduite pour la première fois dans l’emprunt contracté au mois de septembre 1840, parce que je considère cette clause comme plus ou moins en opposition avec le texte et surtout avec l’esprit de la loi. Que nous dit la loi ? Qu’il y aura une dotation d’au moins 1 p.c., indépendamment des intérêts des obligations rachetées. Ce que le législateur a eu en vue par là, c’est d’assurer d’abord à l’emprunteur l’amortissement ou le remboursement de son prêt ; c’est en même temps d’assurer au pays l’extinction progressive de la dette au moyen des intérêts composés.
Maintenant, messieurs, que résulte-t-il de la stipulation qui a été mise dans le contrat ? C’est que dans le cas où l’on ne ferait pas fructifier le fonds d’amortissement, nécessairement son action se trouverait diminuée, et au lieu d’amortir comme on le fait, par les intérêts composés, dans un terme de 37 ans, il faudrait un terme plus long.
Qu’arrive-t-il encore, messieurs ? C’est que vous allez voir ce fonds s’accumuler et qu’a l’expiration du terme pendant lequel l’amortissement doit être suspendu, terme qui expire au 10 novembre 1846 pour l’emprunt de 86 millions et au 8 octobre 1848 pour le dernier emprunt, vous aurez dans l’année qui suit, à faire un tirage au sort pour 7 p. c., ce qui nécessairement jettera encore une grande dépréciation sur vos obligations. Car si vos fonds sont au-dessus du pair et que vous fassiez tout à coup un tirage au sort pour 7 p. c., il en résultera nécessairement une baisse dans les cours des obligations menacées du remboursement ; et c’est ainsi que l’on a constamment, par la nature des obligations que l’on a créées, comprimé l’élan de notre crédit. Car si on avait laissé un libre essor à notre 5 p. c., notre 3 p. c. ne serait aussi élevé, et nous ne verrions pas notre 3 p. c. au taux de 72, à côte d’un 3 p. c. danois qui est à 84.
J’appuie donc la proposition de l’honorable M. de Theux et de l’honorable M. Osy, et je voudrais que, si l’opération ne se fait pas réellement, car c’est le gouvernement qui paie et qui reçoit, elle fût facultative, comme cela se pratique en France. Car en France il y a également une réserve de l’amortissement pour le 5 p. c. Eh bien qu’a-t-on fait ? On a placé cette réserve en bons du trésor, tant que l’émission de la dette flottante était suffisante ; et quand la réserve a été trop forte, on a fait une loi qui permet d’employer l’excédant en travaux publics, sauf à le réintégrer quand la rente serait au-dessous du pair, et que l’action de l’amortissement deviendrait de nouveau obligatoire.
M. Mercier. - Messieurs, le but de la proposition ou de l’observation de l’honorable M. de Theux n’a jamais cesse d être rempli ; car je ne pense pas que M. le ministre des finances ait fait une caisse particulière pour le fonds destiné à l’amortissement de l’emprunt de 86 millions, et qu’il n’ait pas eu égard à cet encaisse dans l’émission de la dette flottante. Il a émis moins de bons du trésor à mesure que cet encaisse augmentait. Cela est évident. Il ne pouvait en être autrement.
Quant à l’opinion qu’a exprimée l’honorable M. Osy, que le fonds d’amortissement devrait être placé de manière à porter intérêt au profit de l’amortissement, je dirai que si, en effet, la somme destinée à l’amortissement doit être réservée, il me semble qu’une conséquence de la réserve elle-même c’est qu’elle doit profiter à la caisse d’amortissement de l’emprunt.
Messieurs, la question de savoir si ce fonds doit être réellement réservé n’a pas été tranchée dans nos débats antérieurs. Dans le premier contrat de l’emprunt, il est clairement stipulé que le gouvernement a la faculté de ne pas réserver ce fonds. Mais c’est une simple faculté, et comme la loi de l’emprunt a fixé un amortissement d’un p. c. par an, il faudrait une autre loi, sinon pour suspendre momentanément le rachat des obligations, au moins pour être dispensé de continuer à alimenter le fonds destiné à cet amortissement. Mon intention était d’en proposer une, parce que je jugeais cette suspension de l’amortissement utile, et que je ne trouvais pas qu’il y eut nécessité de réserver les fonds qui ne sont pas employés, alors que l’emprunt est au-delà du pair.
Ainsi le contrat ne renferme que la faculté pour le gouvernement, de ne pas amortir quand la rente est au-dessus du pair ; pour user de cette faculté et pour pouvoir ne pas réserver un fonds d’amortissement, une nouvelle loi paraît nécessaire. C’est de cette pensée qu’il a été convenu avec les bailleurs que la suspension de l’amortissement serait facultative.
Il y a donc dans cette clause du contrat un avantage réel, parce qu’elle ne lie pas et qu’elle accorde une simple faculté dont on peut ne pas faire usage. Si cette faculté n’a aucune utilité, eh bien, qu’on amortisse. Je pense que l’observation de l’honorable M. Cogels sur ce point ne se rapporte pas au contrat, car si le gouvernement juge qu’il y a aujourd’hui avantage à amortir, il peut le faire ; le contrat n’exige pas qu’il y ait amortissement, mais il le permet ; ce qu’il interdit pendant six années, c’est le remboursement forcé au pair. Or, ce rachat par tirage au sort a été maintes fois signalé avec raison dans cette chambre, comme funeste à notre crédit et comme étant un obstacle à ce que nos fonds s’élèvent au taux des fonds étrangers. C’est donc dans un but essentiellement utile, que dans le contrat de l’emprunt de 86 millions, il a été introduit une clause qui permet au gouvernement de ne pas amortir lorsque les fonds sont réellement au-dessus du pair et qui lui interdit le rachat au pair par tirage au sort.
Sous quelque point de vue qu’on l’envisage, la clause qui se trouve dans le contrai est avantageuse. Si le gouvernement n’était pas de cet avis, à l’instant même il amortirait au-dessus du pair ; si, au contraire, ii est d’avis qu’il n’y a pas lieu d’amortir et que les fonds ne doivent pas être réservés, il peut proposer une loi pour être autorisé à user de la faculté qui lui est concédée ; en vertu du premier contrat, la question n’est pas douteuse. Quelques doutes ont été émis sur le droit de ne pas réserver ces fonds d’après le second contrat ; cependant, comme il fait suite au premier et que l’intention du gouvernement a été de rester libre de suspendre l’amortissement et de faire emploi des fonds, je crois qu’un examen attentif des deux contrats conduirait à cette conclusion, que le gouvernement peut très bien ne pas faire la réserve de ce fonds, s’il y est autorisé par une nouvelle loi. Mais, encore une fois, il ne le peut dans l’état actuel des choses, parce que la loi de l’emprunt a établi d’une manière absolue un amortissement fixé à 1 p. c. par an.
M. Demonceau. - Messieurs, la question soulevée par l’honorable M. Osy, et appuyée par l’honorable M. Cogels, est une de ces questions qu’il est bien difficile de pouvoir examiner attentivement, sans avoir sous les yeux les pièces qui servent de base à l’opinion émise par ces honorables membres.
Ainsi que vous l’a dit l’honorable M. Cogels, par la loi qui autorise un emprunt, il est dit qu’il sera affecté 1 p. c. à l’amortissement, et par le contrat qui a eu lieu, il a été stipulé qu’on affecterait 1 p. c. à l’amortissement de l’emprunt, mais on s’oblige en même temps à ne pas rembourser pendant six ans.
L’opinion émise par l’honorable M. Osy, est en désaccord complet, messieurs, avec les observations de l’honorable M. de Theux, et avec celles de l’honorable M. Mercier. Je vais vous le prouver.
S’il est vrai que l’intérêt des fonds réservés à l’amortissement doit être mis en réserve pour être affectés à l’amortissement, vous ne pouvez les employer à un autre usage, ou si vous le faites vous devrez plus tard les restituer à la caisse d’amortissement en principe et intérêts ; vous ne pourriez en faire un usage autre que celui auquel l’honorable M. Osy prétend qu’ils sont destinés.
Mais c’est précisément la question de savoir si l’on doit affecter à l’amortissement les intérêts à provenir des fonds qui sont destinés à cette opération. Ainsi, par exemple, par suite des stipulations consenties par le gouvernement, il a été formellement convenu entre le prêteur d’une part et l’emprunteur de l’autre, que pendant six ans, le remboursement au-dessous du pair ne pourra être fait. Mais on doit cependant faire les fonds nécessaires à cet amortissement. Or, à l’expiration des six années il aura été affecté pour l’amortissement, sans qu’on ait pu en faire usage, une somme de 5,216,400 francs. Au jour où l’amortissement pourra s’opérer, vous aurez ces cinq millions. Qu’en ferez-vous ? Serez-vous obligés de les appliquer immédiatement à l’amortissement ? Si le gouvernement est lié par les contrats, vous devez les y appliquer et vous aurez beau faire une loi, le contrat que vous avez signé, M. Mercier, est loi pour les parties contractantes ; vous pouvez bien difficilement y déroger même par une loi.
Le contrat, il est vrai, autorise le gouvernement à amortir, mais à amortir au-dessus du pair ; or, si vous devez amortir au-dessus du pair, l’opération devient encore plus mauvaise. Il ne restera plus alors qu’un moyen : c’est la conversion.
Ainsi, messieurs, la conversion devient inévitable au bout de six années, à moins qu’on n’interprète le contrat autrement que de la manière dont je pense qu’il doit être interprété. Je déclare toutefois que ces contrats ne me paraissent pas assez exprès et que moi-même, je n’ai pas une opinion bien arrêtée sur ce point
M. Mercier. - Messieurs, je suis tout à fait d’accord avec les honorables MM. Osy et Cogels, quoique l’honorable M. Demonceau semble croire le contraire. L’honorable M. Osy a exprimé l’opinion que si l’on réserve les sommes portées au budget pour l’amortissement, elles doivent porter intérêt au profit de la caisse d’amortissement. L’honorable M. Cogels est du même avis, et je partage aussi cette manière de voir.
Mais il y a une autre question à examiner : c’est celle de savoir si les allocations dont il s’agit doivent être réservées. Eh bien, messieurs, je pense que jusqu’à présent cette question doit être résolue affirmativement, puisque la loi d’emprunt porte qu’il est affecté à l’amortissement un pour cent par an.
Maintenant, cette réserve doit-elle avoir lieu toujours ? Non, messieurs, il dépend du gouvernement de nous présenter un projet de loi qui autorise à user de la faculté que lui donne le contrat, de ne pas faire cette réserve.
Le premier contrat, comme je l’ai déjà fait observer, stipule cette faculté, de manière à ne lui laisser aucun doute ; le deuxième contrat renferme la même clause, quoique d’une manière moins explicite ; je fais du reste observer que ce n’est pas en vertu du contrat que la retenue doit avoir lieu ; mais bien qu’elle est exigée par la loi d’emprunt, que nous pouvons la modifier.
Le gouvernement, messieurs, s’est interdit pendant six ans la faculté de rembourser l’emprunt au pair ; pourquoi l’a-t-il fait ? C’est par une mesure de prévoyance ; c’est pour augmenter le crédit de la Belgique, c’est parce qu’il a vu que par suite du tirage au sort annuel pour le remboursement au pair d’une partie du précédent emprunt à 5 p. c., la rente belge ne s’élève pas au même taux que celle d’autres nations, qui ne devraient cependant pas avoir plus de crédit que nous.
Je crois, messieurs, qu’en vertu du contrat du premier emprunt à 5 p.c., nous avons le pouvoir de convertir cet emprunt. Cependant, cette faculté nous est contestée par les bailleurs qui ont fourni à l’appui de leur opinion un mémoire des jurisconsultes les plus renommés du barreau de Paris. Cette difficulté est écartée dans les contrats de l’emprunt de 86 millions ; la conversion est interdite pendant six ans dans l’intérêt du crédit public, mais à l’expiration de ce terme, la conversion ou le remboursement au pair pourront s’opérer sans opposition aucune.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, quoique ce soit M. Mercier qui ait fait le contrat d’emprunt dont il s’agit, je doute que ce contrat puisse recevoir l’interprétation que l’honorable membre vient de lui donner, c’est-à-dire qu’on puisse en tirer cette conclusion que, du moment où les fonds de l’amortissement sont tenus en réserve, ces fonds doivent être appliqués au profit de l’amortissement. Voyons à cet égard les contrats.
(Le ministre donne lecture des articles relatifs à l’amortissement.)
Ainsi, messieurs d’après le premier contrat il est formellement stipulé que les fonds destinés à l’amortissement et qui n’auraient pas été affectés à cet projet profiteront au profit de l’amortissement mais cette clause, ainsi que vous l’aurez remarqué, a complètement disparu du deuxième contrat ; or, messieurs, c’est le second contrat qui a servi à la formation des obligations, qui sont les titres des porteurs, et ces titres ne donnent à ces derniers d’autre droit que celui de voir assigner par la législature 1 p. c. par an au fond de l’amortissement
Maintenant l’action de l’amortissement reste suspendue pendant six ans. Si pendant ce délai vous attribuez à l’amortissement l’intérêt de la somme qui y est affectée annuellement, il est évident qu’à l’expiration de la sixième année le fond de l’amortissement sera bien plus élevé, qu’il ne doit l’être en vertu du contrat. Si donc nous procédions de cette manière, les porteurs pourraient nous dire que nous amortissons plus que nous ne pouvons amortir, puisque nous ne pouvons affecter à l’amortissement que 1 p. c. par an
Certes, messieurs, si les fonds de l’amortissement peuvent être appliqués au profit de l’Etat, il faut qu’ils le soient ; mais ils ne doivent pas l’être rigoureusement au profit de l’amortissement lui-même, ainsi que le propose M. Osy.
M. Mercier. - Je n’ai pas dit, messieurs, comme semble croire M. le ministre des finances, que c’est en vertu du contrat que le gouvernement doit se servir des fonds destinés à l’amortissement. J’ai dit, au contraire, que c’est la loi d’emprunt qui lui impose cette obligation. Il est d’usage, en effet, que quand la loi assigne une somme annuelle à l’amortissement d’un emprunt, les intérêts de cette somme profitent à cet amortissement. M. le ministre est également dans l’erreur lorsqu’il pense que cette obligation dérive du premier contrat ; cela ne résulte ni du premier ni du deuxième contrat, mais, je le répète, cela résulte de la loi d’emprunt.
Au surplus, messieurs, je ne pense pas que la question soit d’un bien grand intérêt : si les fonds dont il s’agit ne profitent pas à l’amortissement, ils profiteront à l’Etat. Je voulais seulement constater que j’ai fait dériver l’obligation de réserver les fonds de l’amortissement, non pas du contrat, mais de la loi, que nous ferons changer.
M. le ministre des finances (M. Smits) - L’honorable M. Mercier se méprendrait sur mes intentions, s’il croyait que je fais dériver du contrat lui-même l’obligation de réserver les fonds de l’amortissement ; je sais très bien que cette obligation dérive de la loi ; toute la différence qu’il y a entre l’opinion de l’honorable membre et la mienne, c’est que, selon moi, le fonds de l’amortissement doit être appliqué, non pas au profit de l’amortissement lui-même, mais au profit de l’Etat.
Ainsi, plus la réserve résultant de la loi d’emprunt sera grande, plus l’encaisse de l’Etat sera considérable et moins on émettra de bons du trésor. Voilà de quelle manière l’Etat profitera de la réserve de l’amortissement.
M. Devaux. - Autant qu’on peut comprendre cette discussion sans avoir les pièces sous les yeux, une chose me paraît prouvée ; c’est que le gouvernement n’a pas le droit de suspendre l’amortissement sans une loi. La loi d’emprunt porte qu’il sera annuellement consacré 1 p. c. à l’amortissement. Il est bien vrai, messieurs, que le contrat stipule pour le gouvernement la faculté de faire exception à cette disposition de la loi, mais le gouvernement ne peut pas faire usage de cette exception, sans y être autorisé par une loi nouvelle qui modifie la première.
A l’occasion de cette loi nouvelle, on pourrait, si elle était présentée, examiner toutes les questions qui se rattachent à cette matière. Quelques-unes de ces questions sont très intéressantes ; on verrait alors, par exemple, s’il est de l’intérêt du gouvernement de suspendre l’amortissement ou de racheter au-dessus du pair. C’est une question qui n’a pas encore été traitée.
M. Demonceau. - Moi, je ne regrette pas d’avoir soulevé cette question qui mérite toute l’attention de la chambre. Dans la loi, nous avons dit qu’il y aurait un pour cent affecté à l’amortissement ; mais par la même loi, nous avons donné au pouvoir exécutif le droit d’ouvrir un emprunt aux conditions les plus avantageuses au pays. Or, dans le contrat qu’il a passé, le gouvernement a dit : J’affecterai annuellement 1 p. c. à l’amortissement ; je m’engage, en outre, à ne pas rembourser pendant six ans. Avec un pouvoir en quelque sorte illimité que la loi accorde au gouvernement, à côté d’une disposition qui dit qu’il y aura 1 p. c. consacré à l’amortissement, voici un contrat où l’on se met dans l’impossibilité de rembourser pendant six ans.
Le seul moyen, selon moi, d’examiner la question, car après l’avoir étudiée avec la plus scrupuleuse attention, je le dis, ces contrats ne m’ont pas donné tous mes apaisements, c’est de faire imprimer les contrats, pour que chacun comprenne toute la portée des contrats, en les combinant avec la loi. Si le gouvernement voulait nous remettre cette pièce imprimée, je suis certain qu’à la première occasion nous pourrions discuter cette question avec plus de maturité que nous ne pourrions le faire en ce moment.
Du reste, quant à présent, la question n’a pour moi aucune importance ; seulement il y a une grande différence entre pouvoir disposer à volonté des fonds qui vont se trouver dans la caisse du trésor, et entre être obligé de les employer à l’amortissement.
J’espère que l’honorable M. Devaux comprendra la différence ; pour moi je préférerais pouvoir adopter l’opinion de M. le ministre des finances ; il y aurait certainement moins de préjudice que si l’opinion de l’honorable M. Mercier qui a signé le contrat, prévalait.
M. Devaux. - Je comprends très bien la différence qu’il y a entre affecter l’intérêt de ces fonds à l’amortissement, ou l’affecter aux autres dépenses de l’Etat ; il n’est pas besoin de grands efforts pour comprendre cette différence ; mais la question de savoir lequel de ces deux emplois est plus favorable aux intérêts publics n’est pas aussi claire, vaut-il mieux pour la chose publique que l’intérêt soit affecté à l’amortissement, ou bien affecté aux services généraux ? Moi, je penche pour l’amortissement ; je suis disposé à croire qu’on doit conserver les droits de l’amortissement et que ce n’est pas trop peu que de prendre sept années pour amortir la dette. Je ne voudrais pas proroger le terme de son extinction en affaiblissant l’action de l’amortissement, J’inclinerais donc pour que dans ce moment les fonds d’amortissement continuassent à agir par intérêts composés.
Quant à ce qu’a dit l’honorable M. Demonceau, qu’il y a une contradiction, sous un autre rapport, entre le contrat et la loi, je ne vois pas que l’interdiction du remboursement pendant six ans soit un obstacle absolu à l’amortissement ; l’amortissement peut agir par une autre voie que par le remboursement, en rachetant au-dessus du pair. Il n’y a guère que dans notre pays qu’on ne rachète pas au-dessus du pair.
Je désire que cette question puisse être mieux approfondie dans une autre occasion. Quant à moi, dans le doute, je suis toujours disposé à me prononcer en faveur de l’amortissement.
M. Mercier. - Messieurs, quoique j’aie tout à l’heure exprimé de la manière la plus claire que l’obligation de faire profiter à l’amortissement les fonds qui seraient ainsi réservés, dérive, selon moi, non des contrats, mais de la loi, l’honorable M. Demonceau vient encore de dire : « M. Mercier qui a signé le contrat, est d’opinion qu’on doit, d’après le contrat, faire fructifier ces fonds pour l’amortissement. » Je n’ai rien dit de semblable, j’ai dit le contraire ; j’ai dit que l’obligation résulte de la loi, et non du contrat ; je n’ai pas argumenté du contrat, mais j’ai argumenté de la loi.
L’honorable M. Demonceau a parlé d’un second point ; il semblerait, d’après lui, que la clause de la suspension de remboursement au pair pendant six ans est une clause défavorable ; mais cette clause a été insérée au contrat dans l’intérêt de notre crédit ; on s’était souvent plaint que le tirage au sort pour le remboursement était une condition nuisible à notre crédit. J’ai donc stipulé un délai de 6 ans au moins (délai sans doute très court), pour donner une garantie aux préteurs que pendant ces 6 années au moins le remboursement au pair ne serait pas opéré. Je crois que cette condition est très favorable.
M. Cogels, rapporteur. - Je pense, messieurs, que cette question ne peut pas être discutée pour le moment parce qu’elle devrait être approfondie ; c’est en effet une question assez grave que celle de savoir si le gouvernement est tenu, oui ou non, d’employer les fonds de l’amortissement à des rachats, même au-dessus du pair. Mais ce que je dirai pour le moment, c’est qu’il y aurait grande convenance, dans l’intérêt de notre crédit et surtout eu égard aux circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, d’opérer ces rachats même au-dessus du pair, et de faire ainsi un léger sacrifice pendant quelques années ; car vous savez, messieurs, (et je regrette de ne pas voir à la séance l’honorable M. Meeus), ce qui m’empêche de parler de la question de la conversion.
Vous savez que dans le traité qui nous est soumis, se trouve une clause par laquelle il nous est permis de nous libérer d’une rente de deux millions de florins. Certainement si, avant 1844, nous parvenons à relever notre crédit de l’état de torpeur où il se trouve, nous trouverons par la capitalisation de cette rente des conditions tout à fait favorables, et qui pourront procurer au pays une très grande économie.
- Personne ne demandant plus la parole, l’article 9 est mis aux voix et adopté.
« Art. 10. Complément des mêmes frais pour 14 mois (du 1er novembre 1840 au 31 décembre 1841) : fr. 91,000. fr. »
- Adopté.
« Art. 11. Intérêts calculés à raison de 5 p.c. de l’emprunt d’un capital effectif de 29,250,000 fr., autorisé par la loi du 29 septembre 1842 : fr. 1,462,500.
« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 292,500.
« Total : fr. 1,755,000 »
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, comme l’emprunt a été élevé au-dessus du pair, nous n’avons à payer les intérêts que sur une somme de 28,621,718 fr. 38 c, ; cette somme devrait conséquemment remplacer celle de 29,250,000 fr. ; partant l’intérêt, au lieu d’être de 1,462,500 fr. doit être réduit à 1 million 431,085 fr. 92 c.
Le second article « dotation de l’amortissement », au lieu d’être de 292,500 fr., serait de 200,217 fr. 10 c. ; total 1,717,303 fr. 10 c. Il en résulterait une différence de 37,696 fr. 90 c., somme que je proposerai de reporter à l’art, suivant (12) pour frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement d’un emprunt, en d’ajoutant ces mots : confection des titres. De cette manière, rien ne sera changé au budget. J’ajouterai, pour justifier la modification, que le budget était à l’impression lorsque le contrat de l’emprunt a été signé.
M. Rogier. - Il me semble qu’il y aura confusion entre le capital fixé par la loi d’emprunt et celui qui sera indiqué dans le budget de la dette publique. Le capital fixé par la loi est de 29,250,000 fr. Cette indication devrait être maintenue dans le budget de la dette publique ; parce qu’on pourrait croire qu’il y a deux emprunts, l’un de 28 millions, l’autre de 29 millions.
Ce chiffre de 29,250,000 fr. répond à celui indiqué dans la loi d’emprunt. Pour les autres emprunts, on n’a pas fait de distinction de capital effectif et de capital nominal, on n’a mentionné que le capital indiqué dans la loi autorisant l’emprunt.
M. Demonceau. - Pour les autres emprunts, on indique le capital nominal, parce qu’ils ont été contractés au-dessous du pair ; le dernier, au contraire, a été contracté au-dessus du pair. Pourquoi dès lors portera-t-on une somme supérieure à celle que le gouvernement s’est engagé à rembourser. Si le gouvernement ne s’est engagé à rembourser que la somme capitale indiquée par M. le ministre des finances, pourquoi dire dans le budget 29,250,000 quand les intérêts ne doivent être payés que sur ce que nous avons reçu réellement ?
De même aussi nous ne devons affecter que 1 p c. à l’amortissement, de cette même somme capitale, et je ne vois pas pourquoi nous mettrions davantage.
M. Cogels, rapporteur. - L’observation de M. Demonceau est d’autant plus juste que c’est ce qui a été pratiqué pour les autres emprunts. Vous en trouvez un exemple à l’article relatif à l’emprunt du 25 mai 1838. La législature n’avait pas autorisé le gouvernement à contracter un emprunt de 50 millions, mais de 35 millions ; comme l’emprunt a été contracté en 3 p.c., le capital dont on s’est reconnu débiteur s’est trouvé porté à 50,850,800 fr. et c’est le chiffre qu’on a porté au budget. Pour bien connaître le capital effectif de notre dette, on doit mentionner le capital dont on s’est reconnu débiteur, c’est-à-dire qu’on aura à rembourser pour se libérer vis-à-vis de ses créanciers.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Si on indiquait 29 millions comme chiffre de l’emprunt, il n’y aurait plus de rapport avec celui des intérêts et de l’amortissement.
M. Rogier. - J’attache peu d’importance à mon observation. Je l’avais faite parce qu’on n’avait jamais fait mention du capital nominal et du capital effectif des emprunts dans le budget. Je conçois qu’il y a plus de régularité à mettre les intérêts et l’amortissement en rapport avec le capital de l’emprunt. Sous ce point de vue, je pense qu’il y a utilité à admettre la rédaction proposée par M. le ministre des finances.
- La rédaction proposée à l’art 11 par M. le ministre de finances est adoptée.
« Art. 12. Frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement de cet emprunt : fr. 30.000 »
M. le président. - M. le ministre des finances propose d’ajouter les mots suivants : et confection des litres, et de porter le chiffre à 67,696 90
« Art. 13. Intérêts de l’emprunt de 1,481,481 fr. 48 c., à 5 p.c., autorisé par arrêté royal du 21 mai 1829, pour l’érection de l’entrepôt d’Anvers : fr. 74,074 07
« Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 14,814 81
« Total : fr. 88,888 88 »
« Art. 14. Frais relatifs au même emprunt : fr. 200 »
- Ces articles sont adoptés.
« Art. 15. Indemnités pour pertes causées par les événements de guerre de la révolution
« En numéraire : fr. 1,000,000
« Intérêts à 3 p. c. du 1er février au 31 décembre 1843, sur 7,000,000 de francs, montant approximatif des obligations à créer : fr. 192,500
« Dotation de l’amortissement des obligations à créer (pour 11 mois) : fr. 64,166 67
« Total : fr. 256,666 67 »
M. le président. - La section centrale propose diverses réductions à cet article. Elle propose d’abord de réduire à 250,000 fr. le chiffre de 1 million et ensuite de supprimer l’allocation de 64,166 fr. 67 c., demandée pour l’amortissement des obligations.
M. le ministre des finances (M. Smits) se rallie à ces amendements.
- L’article ainsi amendé est adopté.
« Art. 16. Frais relatifs à l’émission, au payement des intérêts et à l’amortissement des mêmes obligations : fr. 25,000 »
M. le président. - La section centrale propose de réduire le chiffre de 25 mille francs à 5 mille.
M. le ministre s’est rallié à cet amendement.
- Cet article ainsi amendé est adopté.
« Art. 17. Intérêts calculés à raison de 5 p. c., des obligations à créer en vertu de la loi du 26 juin 1842 pour la construction d’un canal de Zelzaete à la mer du Nord : fr. 27,500
« Dotation de l’amortissement des obligations à créer : fr. 5,500. »
« Total : fr. 33,000. »
- Adopté.
« Art. 18. Frais relatifs à l’émission, au payement des intérêts et à l’amortissement des mêmes obligations : fr. 4,000. »
M. Cogels. - Vous aurez remarqué que la section centrale a adopté le chiffre proposé, mais que cependant elle a fait une observation relativement à l’émission de cet emprunt ; elle ne voudrait pas voir créer une nouvelle catégorie de dette pour une si faible somme. On pense que le gouvernement pourrait se dispenser d’émettre des obligations et couvrir la dette au moyen de bons du trésor ou autrement. Tout en accordant la somme on pense que le gouvernement satisfera au vœu exprimé et n’augmentera pas le livre d’échantillons de notre dette.
- L’art. 18 est adopté.
« Art. 19. Rente à payer par suite de la convention conclue avec la ville de Bruxelles : fr. 300,000 »
La section centrale a propose l’ajournement de cet article.
M. Cogels, rapporteur. - Le chiffre de 300 mille fr. a été rétabli, la loi étant promulguée, j’en ai fait la déclaration hier au début de la discussion. Mais la section centrale maintient sa proposition relative à la suppression du chiffre de 8 mille fr., parce qu’elle ne pense pas qu’il y a lieu d’émettre des titres.
- M. le ministre s’est rallié à cette proposition.
L’art. 19 est adopté.
« Art. 20. Frais relatifs à l’émission des titres et au payement de cette rente : fr. 8,000 »
- La suppression de cet article est adoptée.
« Art. 21. Intérêts et frais présumés de la dette flottante sur une émission éventuelle de 10,000,000 de francs, à 5 p. c., 500,000 fr. »
M. le ministre des finances (M. Smits) propose de réduire cet article à 350 mille fr. et de faire un article spécial des 150 mille fr. retranchés, sous le libellé suivant : « Intérêts et amortissement du capital de la British Queen : fr. 150,000. »
Cet article formera le 26ème.
- L’art. 21 est adopté.
« Art. 22. Intérêts de la dette viagère : fr. 5,500 »
- Adopté.
« Art. 23. Intérêts à payer aux anciens concessionnaires de la Sambre canalisée : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 24. Intérêt à payer à la société Générale pour favoriser l’industrie nationale, en exécution de la transaction avec lesdits concessionnaires, autorisée par la loi du 26 septembre 1835 : fr. 230,705 fr. 89 c. »
- Adopté.
« Art. 25. Indemnité de reprise à payer à la société concessionnaire du canal de Bruxelles à Charleroy, aux termes de l’article 26 de la convention du 6 novembre 1834, entre cette société et le gouvernement : fr. 661,375 fr. 66 c. »
- Adopté.
« Art. 26. Intérêts et amortissement du capital de la British-Queen : fr. 150,000. »
- Adopté.
Les articles composant le chapitre II, Rémunérations, sont successivement mis aux voix et adoptés. Ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Pensions ecclésiastiques : fr. 370,000 »
« Pensions civiles : fr. 525,000
« Pensions civiques : fr. 190,000
« Pensions militaires : fr. 1,907,000
« Pensions de l’ordre Léopold, 23,000
« Arriéré des pensions de toute nature pour les exercices clôturés : fr. 5,000
« Total : fr. 3,020,000 »
« Art. 2. Traitement d’attente (wachtgelden) : fr.36,000
« Traitement ou pensions supplémentaires (toelagen) : fr. 48,510 03
« Secours annuels (jaarlyksche onderstanden) : fr. 7,128 04
« Total : fr. 91,638 07 »
« Art. 3. Subvention à la caisse de retraite : fr. 200,000 »
« Art. 4. Crédit supplémentaire remboursable sur le fonds de la caisse de retraite des employés du département des finances, retenu en Hollande : fr. 609,000 »
« Art. 5. Avances à faire aux titulaires de pensions acquises depuis le 1er octobre 1830, à la charge du fonds des veuves et orphelins, demeuré en Hollande : fr. 9,947 08 »
Les articles composant le chapitre III, fonds de dépôt, sont successivement mis aux voix et adoptés. Ils sont ainsi conçus.
« Art. 1er. Intérêts des cautionnements dont les fonds sont encore en Hollande : fr. 110,000
« Arriéré des intérêts dus sur des exercices clôturés : fr. 1,000
« Total : fr. 111,000 »
« Art. 2. Intérêts des cautionnements versés en numéraire dans les caisses du trésor public de l’Etat, pour garantie de gestions comptables, pour sûreté du payement de droits de douanes et accises, pour garantie de la gestion des receveurs de communes, de bureaux de bienfaisance, etc., etc. : fr. 194,000
« Arriéré des intérêts dus sur des exercices clôturés : fr. 1,000
« Total : fr. 195,000 »
« Art. 3. Intérêts des consignations faites dans les caisses du trésor public de l’Etat : fr. 60,000 »
« Art. 4. Intérêts et remboursements des consignations dont les fonds sont encore en Hollande : fr. 20,000 »
« Article unique. Liste civile (mémoire) : fr. 2,751,522 fr. 75 c. »
- Adopté.
« Article unique. Sénat : fr. 22,000. »
- Adopté.
« Article unique. Chambre des représentants : fr. »
- Sur la proposition de M. Dubus (aîné), la chambre laisse ce chiffre en blanc, jusqu’à ce qu’elle ait adopté son budget en comité secret.
« Art. 1er. Membres de la cour : fr. 45,386 fr. 20 c. »
- Adopté.
« Art. 2. Personnel des bureaux : fr. 65,000 »
- Adopté.
« Art. 3. Matériel et dépenses diverses : fr. 16,900 fr. »
- Adopté.
M. le président. - La chambre sursoit au vote sur l’ensemble de ce budget, jusqu’après l’adoption en comité secret de son budget particulier qui doit former l’art. unique du chap. IlI.
M. le président. - Nous allons passer à la discussion du budget de la justice.
M. David. - M. le président, plusieurs membres demandent que l’on s’occupe d’abord du projet de loi relatif à la pension de madame la veuve Thorn. J’en fais la proposition.
- La proposition de M. David mise aux voix est adoptée.
M. le président. - Le projet est ainsi conçu Léopold, etc.
« Voulant récompenser dans la personne de la veuve de Jean- Baptiste Thorn, les services rendus au pays par son mari dès les premiers jours de la révolution ;
« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Article unique. Une pension annuelle et viagère de la somme de quinze cents francs (1,500) est accordée, à dater de la promulgation de la présente loi, à la veuve de Jean-Baptiste Thorn, ancien gouverneur du Luxembourg et du Hainaut. »
- La discussion est ouverte.
Personne ne demandant la parole, l’article unique et le préambule sont successivement adoptés.
Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet.
71 membres répondent à rappel nominal.
62 adoptent le projet
6 le rejettent.
3 s’abstiennent.
Ont voté pour le projet : MM. Brabant, de La Coste, Cogels, Cools, Coppieters, David, de Baillet, de Behr, Dechamps, de Foere, Delfosse, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Muelenaere, de Potter, Deprey, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, Dolez, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumont, Duvivier, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lejeune, Lys, Malou, Manilius, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Puissant, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Smits, Trentesaux, Van Cutsem, Vandensteen, Vanderbelen Van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude et Raikem.
Ont voté contre : MM. Delehaye, de Roo, Huveners, Mast de Vries, Peeters et Van Hoobrouck.
Se sont abstenus : MM. de Garda. Henot et Vanden Eynde.
Les membres qui se sont abstenus, sont invités à en faire connaître les motifs.
M. de Garcia. - Messieurs, je n’ai pas voulu par un vote négatif contester les droits que la veuve de M. Thom pouvait avoir à la bienveillance nationale, mais je n’ai pas voulu non plus, par un vote affirmatif, consacrer un système que je regarde comme fâcheux, comme désastreux pour la chose publique.
M. Henot. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Vanden Eynde. - Je ne m’oppose pas à ce qu’il soit accordé des pensions aux veuves des personnes qui ont rendu des services au pays, mais il ne m’est pas démontré que Mme Thorn se trouve dans ce cas ; il ne m’a pas été prouvé qu’elle ait droit à une pension pour les services rendus au pays par son mari.
M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion du budget de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem). - M. le président, j’ai l’honneur de proposer par amendement à la chambre de porter à 61,000 francs le chiffre de 58,000 francs, compris à l’art. 2 du chapitre 8 du budget de la justice. Je pense qu’on pourrait renvoyer cet amendement à la section centrale qui nous ferait demain son rapport sur ce point.
- L’amendement de M. le ministre est renvoyé à l’examen de la section centrale.
M. Verhaegen. - Messieurs, c’est une habitude constitutionnelle de s’occuper successivement, au sujet des budgets des dépenses, de chacun des ministres et de formuler les griefs que l’on peut avoir contre eux.
En commençant aujourd’hui par M. le ministre de la justice, je me bornerai à articuler quatre griefs que je considère comme principaux et dignes de fixer l’attention de la chambre.
Le grief qui se présente toujours en première ligne et que je ne puis manquer de signaler sans manquer à mes devoirs, est celui qui prend sa source dans la position faite à la magistrature. Que M. le ministre de la justice ne s’y trompe point, c’est sur lui seul que pèse la responsabilité de tout ce qui concerne l’ordre judiciaire.
Quant à moi, je crois avoir rempli ma tâche ; advienne maintenant que pourra.
Messieurs, en 1838, j’ai fait une proposition aux fins d’augmenter les traitements des membres de l’ordre judiciaire. En la faisant j’ai cru poser un acte de justice envers la magistrature, mais aussi, et avant tout, j’ai cru être utile à la société tout entière qui ne peut trouver de garantie dans le pouvoir judiciaire que pour autant qu’il soit indépendant de fait comme de nom.
J’ai fait tous mes efforts pour que cette proposition fût prise en considération et discutée ; le renvoi aux sections fut ordonné, et, après un intervalle assez long, la section centrale allait s’en occuper, lorsque M. ministre de la justice jugea à propos de nous faire connaître que lui-même se proposait de présenter un projet de loi concernant la magistrature. Il nous fit entrevoit qu’une proposition du gouvernement avait plus de chances de succès qu’une proposition d’un membre prenant l’initiative. Trop confiant peut-être, je me laissai aller à cette considération, et je résolus d’attendre le projet qu’on venait de me promettre avec une apparence de bienveillance ; mais je m’aperçus bientôt que j’étais trompé dans mon attente. Depuis je fis des réclamations pressantes, et je les réitérai souvent, les prétextes ne firent point défaut ; M. le ministre de la justice me répondit en se donnant plus d’un démenti ; tantôt les besoins du trésor ne permettaient pas encore de présenter le projet qu’il avait si pompeusement annoncé ; tantôt pressé de plus près, un projet avait été élaboré, mais le Roi était absent et n’avait pas pu le revêtir de sa signature ; tantôt encore c’étaient d’autres excuses, jusqu’à ce qu’enfin, poussé dans ses derniers retranchements, force fut à M. Van Volxem de présenter un projet tel quel. Mais comment le présenta-t-il ? Avec l’intention, je dois le dire, de le voir mal accueilli par la législature. A côté du projet d’augmentation de traitement, il présenta un projet d’augmentation de charges (et l’on sait que les projets de finances augmentant les charges existantes ne sont ordinairement pas très bien accueillis dans cette enceinte). Cette tactique avait pour objet de nous signaler à nos concitoyens comme voulant aggraver la position des contribuables au profit de la magistrature.
Nous ne reculâmes point devant cette accusation, parce que, voulant obtenir le résultat, nous devions bien donner au gouvernement les moyens de nous le procurer, c’est-à-dire de créer la ressource pour faire face à la dépense.
Je fus le premier à dire que ce projet d’augmentation des charges était le corollaire indispensable de l’augmentation de besoins que créait le projet de M. le ministre de la justice. Ces projets furent examinés simultanément, et, plus tard, celui d’augmentation de charges ayant pour objet 4 centimes additionnels sur l’enregistrement, greffe, etc., fut fondu dans le budget des voies et moyens tout en conservant à ces centimes additionnels leur destination primitive, lors de la discussion des voies et moyens.
Nous étions bien décidés à voter l’amendement demandé pour la magistrature, et ce malgré le reproche que M. le ministre de la justice provoquait contre nous de la part des contribuables. Mais quel fut notre étonnement lorsque, vers la fin de la discussion, on voulut affecter aux besoins généraux du trésor cette ressource qu’on avait déclarée spéciale dans le principe.
Les objections qui ont été faites à cet égard par l’honorable M. Demonceau, dans une séance précédente, s’adressaient bien plutôt au cabinet qu’à nous. Nous ne faisions, nous, que suivre les errements posés par messieurs les ministres.
Eh bien, messieurs, cette ressource que le ministère avait créée spécialement pour la magistrature fut donc affectée aux besoins généraux de l’Etat. J’ai eu l’honneur (et plusieurs de mes honorables collègues m’ont appuyé) de faire un appel à la loyauté et à la bonne foi du ministère.
Mes observations ont été vaines ; les 4 centimes additionnels qui avaient été proposés comme une ressource spéciale pour satisfaire aux besoins à résulter du projet relatif à la magistrature, ont été définitivement fondus dans le budget général des voies et moyens, et, de ce moment, dans mon opinion, le projet de M. le ministre de la justice a été renvoyé aux calendes grecques. C’est, messieurs, par ce motif que j’ai voté contre le budget des votes et moyens. Et, je ne le regrette point, car, par ce vote, j’ai voulu protester contre l’acte que venait de poser le ministère.
J’ai jugé à propos, messieurs, de rappeler tout ce qui s’est passé au sujet du projet concernant la magistrature pour qu’on ne s’y trompât point, pour que l’on sût bien que c’est sur M. le ministre de la justice, et sur lui exclusivement qui doit peser la responsabilité de la position qu’il vient de faire à l’ordre judiciaire ; c’est dans mon opinion un grief permanent que la magistrature belge aura à élever contre lui.
Si de la magistrature ordinaire je passe, messieurs, à une magistrature que j’appelle extraordinaire, si je passe aux juges consulaires, à ces juges qui sont nommés par les notables et considérés comme les pairs des négociants, je trouve un nouveau grief contre les ministres ; ces magistrats rendent des services continuels à la société, gratuitement, et en sacrifiant leur temps et leurs intérêts à la chose publique, en même temps qu’ils donnent au trésor des ressources considérables ; car, si mes renseignements sont exacts les tribunaux de commerce rapportent annuellement plus de 800,000 fr. au trésor, et cependant ces magistrats sont encore aussi mal traités que ceux dont nous nous sommes occupés ; d’abord les juges consulaires qui méritent les plus grands égards, ont été froissés dans leurs intérêts moraux et ont à se plaindre du gouvernement sous plus d’un rapport ; certains tribunaux de commerce ont été l’objet de mesures extraordinaires, et quand je ne citerais, messieurs, que ce qui s’est passé tout récemment à l’égard du tribunal de commerce de Bruxelles, il y aurait plus qu’il n’en faut pour étayer l’opinion que je me permets d’émettre en formulant mon deuxième grief.
Les juges consulaires sont nommés par les notables, les présidents le sont de la même manière, Il y a un an les notables de Bruxelles s’étaient réunis pour nommer des juges et un président. Ces nominations, aux termes de la loi, devaient se faire pour 2 ans, et elles ont en effet été faites pour ce temps.
Eh bien, M. le ministre de la justice a jugé à propos de dire aux notables que puisque le président nominé (M. Vangelder), avait été juge pendant un an, il ne serait président que pendant une année seulement. Dans mon opinion, messieurs, et, je le démontrerai à l’évidence, si la chambre me le permet, la loi a été violée dans cette circonstance. On a convoqué les notables à l’expiration de l’année, à l’effet de nommer un autre président ; les notables ont résisté, ils n’ont pas voulu se rendre à l’élection ; on les a convoqués une deuxième fois, une troisième fois ; ils ont résisté de nouveau, et, je dois le dire, chaque fois que la résistance est légale, chaque fois qu’elle est dirigée contre une violation de la loi, elle est respectable, et pour mon compte je la respecte, comme la respecte tout le commerce de Bruxelles. M. le ministre de la justice n’a pas tenu compte de la résistance des notables, et le tribunal de commerce de Bruxelles est en ce moment sans président et il n’y en aura pas pendant toute l’année. Tout au moins cet état de choses est fâcheux et un ministre de la justice qui se met dans une position pareille, alors qu’il est déjà dans une position très fâcheuse, vis-à-vis de la magistrature ordinaire, accumule sur lui des griefs nombreux. Ces griefs je ne pouvais pas me dispenser de les énumérer.
L’honorable M. Malou vient de demander la parole, sans doute pour rappeler qu’un rapport a été fait naguère sur une pétition présentée par tous les juges du tribunal de commerce, par tous les membres de la chambre de commerce, et par tout ce que le commerce compte de plus important dans la ville de Bruxelles ; ces notables se sont adressés à la législature pour lui demander son appui contre les exigences de M. le ministre de la justice. Par une espèce de fatalité cette pétition s’est trouvée confondue dans un bulletin de pétitions, et, je dois vous l’avouer naïvement, elle a échappé à mon attention et sans doute à celle de beaucoup d’entre nos honorables collègues ; cependant son objet était de la plus haute importance.
Un rapport avait été fait sur ce point par l’honorable M. Malou, il y a, je pense, quinze jours. Cet honorable membre a pensé que M. le ministre de la justice avait eu raison, il a développé ses motifs, et il a demandé que l’on déposât la pétition au greffe à titre de renseignements. Personne ne contredisant, ces conclusions ont été adoptées.
Messieurs, si la chambre me le permettait, je me ferais fort de démontrer, à l’évidence, que la pétition des notables de Bruxelles est marquée au coin de la justice en même temps qu’elle est basée sur un texte formel de loi, et étayée sur l’autorité du conseil d’Etat et sur l’opinion de tous les auteurs ; enfin qu’elle est même appuyée par les arguments que M. le rapporteur a fait valoir pour défendre son opinion. Je m’empresse de le dire, je tiens cette opinion pour très consciencieuse, et je la respecte ; mais je pense, d’un autre côté, que l’opinion de mon honorable collègue, donnant son avis sur la pétition, ne pouvait être autre que celle qu’il a eu probablement à émettre précédemment et en une autre qualité sur la même question.
M. Malou. - Le rapport a été fait au nom de la commission des pétitions et approuvé par elle.
M. Verhaegen. - Je ne dis pas non ; mais tout le monde sait comment les choses se passent à la commission des pétitions ; la commission s’en rapporte ordinairement à l’avis de son rapporteur ; or, l’honorable M. Malou ayant, dans cette circonstance, une opinion faite, l’a soutenue et l’a fait prévaloir comme rapporteur de la commission. Je regrette de n’avoir pas pu rencontrer les objections que M. Malou a formulées à l’appui de son système ; je pense que la question était au moins assez importante pour qu’on ordonnât l’impression du rapport et qu’on fixât un jour pour le discuter.
Je n’en dirai pas pour le moment davantage à ce sujet ; si l’honorable M. Malou prend la parole pour entrer dans des détails, je me réserve de lui répondre.
Messieurs, voilà donc la position de M. le ministre de la justice vis-à-vis de la magistrature belge en général, et vis-à-vis d’une magistrature exceptionnelle, si je puis l’appeler ainsi ; magistrature toute désintéressée, qu’on a froissée dans son intérêt moral et qu’on a obligée de répondre à l’acte du gouvernement par une abstention, par une résistance légale, que j’appellerai encore une fois respectable.
Messieurs, à ces deux griefs je dois en ajouter d’autres.
J’ai toujours pensé qu’au ministère de la justice surtout on devait respecter les lois ; eh bien, messieurs, à mon grand étonnement, j’ai acquis la preuve qu’au ministère de la justice on violait les lois, qu’on se substituait même à la prérogative royale. Je m’explique,
Messieurs, que diriez-vous d’un membre du cabinet qui, dans une circonstance, prend la place du Roi ? Que diriez-vous d’un ministre qui au lieu de contresigner un arrête, le signe lui-même ? Que diriez-vous enfin d’une ministre qui, au lieu de laisser épuiser en matière administrative un second degré de juridiction qui appartient au Roi, décide lui-même ? C’est, messieurs, ce qui vient d’arriver an département de la justice.
Quand un gouvernement prend une décision, j’ai toujours pensé que le second degré de juridiction est le droit. Eh bien, il est arrivé dans une circonstance récente et importante que des habitants d’une localité qui avaient à se plaindre d’une décision d’un gouverneur, se sont adressés en degré d’appel, administrativement parlant, au Roi.
Vous croyez, sans doute, qu’il est intervenu un arrêté royal contresigné par le ministre ! point du tout ; le ministre a répondu tout court aux réclamants, que leur demande n’était pas accueillie. Voici les faits.
Un conseil de fabrique existait dans une commune ; c’était la commune de Lombeek-Ste-Catherine. Ce conseil de fabrique, par des motifs que je n’ai pas à examiner, ne convenait pas à certaine coterie : on le mit de côté ; l’évêque nomma quelques nouveaux membres, le gouverneur en nomma quelques autres ; les anciens fabriciens résistèrent, parce qu’ils prétendaient qu’ils avaient pour eux le décret de 1809, et par suite ils se maintinrent en possession de tout ce qui concernait la fabrique, registres, fonds, etc.
Les nouveaux membres intentèrent un procès aux anciens fabriciens, en reddition de comptes et en remise des objets que les anciens fabriciens détenaient ; ceux-ci répondirent que les nouveaux fabriciens étaient sans titres. Un tribunal de première instance ayant admis la compétence du pouvoir judiciaire, on en appela de cette décision à la cour d’appel qui réforma le jugement, en décidant que c’était à l’administration qu’il fallait avoir recours pour faire résoudre la question. Elle était décidée administrativement en premier ressort par l’arrêté du gouverneur, lequel avait confirmé la décision épiscopale. On s’adressa donc en second ressort au roi, et on demanda la réformation de l’arrêté, Eh bien, messieurs, il n’y a pas eu d’arrêté royal, il n’y a eu qu’une simple lettre de M. le ministre de la justice par laquelle il informait les réclamants que leur demande n’était pas fondée. A ces griefs vient se joindre encore l’inaction du ministère. J’aurai l’honneur de demander à M. le ministre de la justice de nous indiquer l’époque à laquelle il espère enfin pouvoir nous présenter quelques-unes des nombreuses et importantes lois qu’il avait promis de soumettre aux délibérations de la législature. Je ne parle pas ici de la révision du code civil, ni de la révision du code pénal : ce serait une œuvre au-dessus de ses forces. Mais je demanderai si l’on s’est déjà occupé de la révision de la législation des faillites et des sursis, révision dont la constitution elle-même fait une obligation au gouvernement, ce qu’on a fait pour le système hypothécaire, etc.
M. le ministre de la justice a les prisons dans ses attributions. Je voudrais qu’il me dît s’il a cherché des moyens pour parer aux graves inconvénients que j’ai signalés l’année dernière. Les prisons sont encombrées, et encombrées surtout de militaires, par suite de la dégradation qui est attachée à certaines peines et que les militaires recherchent pour se soustraire au service militaire. La dernière émeute qui a eu lieu dans les prisons militaires d’Alost et qui a failli avoir des conséquences graves, était due à cette circonstance, qu’on avait soustrait quelques militaires à la dégradation. Quelles mesures M. le ministre de la justice a-t-il prises pour remédier à ce fâcheux état de choses ? Rien, absolument rien.
Au total en résumant tout cela, je vois que tout est resté en souffrance, toutes les promesses qu’on nous a faites sont demeurées sans résultat, et je rencontre beaucoup d’inconvénients.
Le petit compte que j’avais à régler avec M. le ministre de la justice est arrêté quant à présent, au moyen de ces observations, sauf une omission.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - Messieurs, je m’empresse de répondre à l’acte d’accusation que l’honorable préopinant vient de formuler contre moi. Il avait, disait-il, un nombre considérable de griefs à articuler à ma charge, et cette foule de griefs s’est réduite aux quatre points. qu’il vous a signalés et que la chambre à déjà sans doute appréciées à leur juste valeur.
Le premier reproche qu’il m’adresse résulte de la position que, suivant lui, j’ai faite à la magistrature belge. Je demanderai à la chambre depuis combien de temps on s’occupe de l’amélioration de la position de la magistrature. Et je demanderai quel ministre a proposé un projet de loi pour améliorer sa position. La chambre est saisie d’un projet. C’est moi qui l’ai présenté. L’honorable député de Bruxelles l’a qualifié de projet tel quel. Quand il sera mis en discussion, on l’appréciera et on verra ce que la chambre décidera.
Il s’est plaint de ce qu’en proposant ce projet, le gouvernement a présenté un projet de loi autorisant la perception de centimes additionnels pour faire face à l’augmentation de dépense qui résulterait de l’augmentation des traitements de la magistrature,
Je voudrais savoir quel autre moyen nous aurions pu employer. Si le projet eût été adopté à la session dernière, comme nous le désirions, il fallait, pour le mettre à exécution, trouver les moyens de faire face à la dépense. Les budgets étaient clos, il fallait pourvoir à ce qui allait être porté à la charge de l’Etat. Nous avons à cet effet proposé des centimes additionnels.
L’honorable député de Bruxelles n’a pas trouvé le projet mauvais, puisque naguère, il voulait voter les centimes additionnels pour autant qu’ils fussent employés à satisfaire à l’augmentation des traitements de la magistrature.
Ou n’a pas pu voter le projet de loi dans le cours de la session dernière, j’espère que cela aura lieu pendant la session actuelle et les quatre centimes proposés primitivement pour augmentation de ressource, qui n’auraient pas dû servir à payer l’augmentation des traitements de la magistrature, mais à rétablir l’équilibre entre les recettes et les dépenses, ces 4 centimes sont fondus dans les recettes générales de l’Etat. Connaissez-vous un système financier où l’on attribue à telle branche de dépenses, telle branche de recettes ? Cela n’existe nulle part, ce serait contraire à toute régie de comptabilité. La chambre a fait justice de l’opinion de ceux qui soutenaient le système d’application spécial.
Un membre. - Personne ne soutenait cela.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - C’était donc pour ce seul but qu’on voulait voter les centimes, plusieurs membres en ont demandé formellement l’application à la magistrature.
On a scruté mes intentions, je ne reconnais à M. Verhaegen non plus qu’à d’autres le droit de le faire et surtout de les présenter comme hostile à la magistrature. Il a prétendu que j’avais proposé mon projet avec l’intention de le faire avorter. C’est une calomnie ! Il n’appartient pas à un membre de cette chambre de faire de pareilles suppositions
Que M. Verhaegen m’attaque quand cela lui plaira, je lui répondrai quand je jugerai à-propos de le faire, mais je n’entends pas qu’il inculpe mes intentions.
Le projet de loi relatif à l’ordre judiciaire sera mis en discussion quand la chambre le permettra. Je fais des vœux pour que ce soit après le vote des budgets, et j’en ferai la demande formelle. Comme je l’ai déjà dit, je souhaite que le sort de la magistrature soit fixé en supposant qu’on ne puisse pas mettre la loi immédiatement à exécution, encore est-il important de discuter et de voter la loi le plus tôt possible. Je ferai tous mes efforts pour que ce soit prochainement. Voila pour le premier grief.
Voyons le second.
J’aurais faussé la loi sur la durée des fonctions d’un président le tribunal de commerce. Mais l’honorable membre a mis des réticences dans ce qu’il a dit. Les négociants notables de Bruxelles avaient choisi pour leur président un juge. Ce juge avait déjà desservi ses fonctions de juge, pendant environ un an. J’ai cru que la qualité de juge et celle de président ne pouvaient pas durer ensemble plus de deux années. Je le crois encore ; la loi est formelle. Je n’entrerai pas dans l’examen de cette question. J’ai proposé un arrêté d’institution de président pour le temps qu’il avait encore à faire en sa qualité de juge. Je crois que je suis dans la légalité et que la chambre a sanctionné ma manière de voir. En effet, les négociants de Bruxelles lui ont adressé une requête prétendant à faire décider que j’avais violé la loi.
L’honorable M. Malou a fait sur cette requête un rapport détaillé et pas une seule voix ne s’est élevée pour contredire son rapport. Le silence gardé par la chambre a suffisamment justifié ma conduite.
Je ne suis d’ailleurs pas le seul ministre qui ait interprété de cette façon le code de commerce. Mon honorable prédécesseur M. Leclercq a agi de la même manière vis-à-vis du tribunal de commerce de Gand. Ce président ayant reçu un arrêté qui l’instituait pour le temps restant à courir pour achever les deux années, s’est plaint de ce qu’il était l’objet d’une mesure exceptionnelle et outrageante. M. Leclercq lui répondit qu’il croyait avoir interprété sainement la loi et qu’il le priait de ne pas regarder la mesure comme exceptionnelle et outrageante. Ce négociant a exercé la présidence jusqu’à l’expiration des deux années.
Le troisième grief consiste à dire que je viole les lois et que j’ai usurpé la prérogative royale, que je me suis mis à la place de Sa Majesté et que j’ai signé un arrêté, au lieu de le contresigner seulement.
Je n’ai pas présente à la mémoire l’affaire à laquelle M. Verhaegen fait allusion. Je ne m’attendais pas à être interpellé à ce sujet. Je pense que ce que j’ai fait se pratique dans tous les ministères. Quand on ne juge pas à propos de soumettre un arrêté au Roi, c’est le ministre qui répond, sauf à en rendre compte au Roi, quand l’affaire est importante
Le quatrième grief est fondé sur ce que je n’ai pas encore présenté de projet de loi pour la révision de la législation sur le régime hypothécaire, etc. Je commencerai par faire observer que c’est la constitution promulguée le 7 février 1831, il y a bientôt 12 ans, qui a imposé l’obligation de réviser ces lois. On est arrivé au mois d’avril 1841 sans que cette révision ait eu lieu. Doit-on en faire plutôt un grief à moi qu’à mes prédécesseurs ? A cet égard cependant, je dirai que j’ai présente au Roi des arrêtés pour nommer des commissions chargées de procéder à la révision de plusieurs lois. J’attends le résultat des travaux de ces commissions.
Je finirai par demander quelle aurait pu être l’utilité de présenter des projets de loi dont l’examen ne pourrait se faire même d’ici à longtemps.
Je crois avoir répondu à tous les griefs articulés par l’honorable député de Bruxelles.
M. Malou. - Messieurs, je n’ai qu’un seul article de compte à régler avec l’honorable M. Verhaegen. Il est très vrai que j’ai fait le rapport sur la pétition des notables de Bruxelles. Il est vrai encore que je connaissais la question avant qu’elle se présentât dans cette chambre ; ce n’a pas été un motif pour moi de m’abstenir. Je n’ai pas cru que les membres de cette chambre ayant une opinion sur des questions, les ayant étudiées, fussent par cela même dessaisis du droit de participer à leur solution. S’il n’en était pas ainsi, l’honorable M. Verhaegen devrait se récuser sur mille questions de droit qu’il a eu à examiner.
Je n’entrerai pas dans l’examen du fond. Il est de toute évidence pour moi, d’après le texte et l’esprit de la loi, que la question doit être résolue comme elle l’a été. Je pourrais citer une autorité qui est d’un bien grand poids, L’autorité de M. Leclercq. La question a été décidée par lui comme elle l’a été depuis pour la ville de Bruxelles, elle se présentait pour le tribunal de commerce de Gand. On s’est rendu aux motifs exposés par le ministre de la justice.
Je regrette que l’honorable membre n’ait pas été présent quand le rapport a été fait, mais je pense que la chambre a dû apprécier les motifs qui y étaient développés ; ce n’est qu’ainsi que je puis expliquer l’adoption des conclusions du rapport. Ces conclusions étaient très nettes. Si la chambre est d’avis que l’opinion de négociants de Bruxelles peut être soutenue, il y a lieu de renvoyer la pétition au ministre avec demande d’explications. Dans le cas contraire, il y a lieu de déposer la pétition au bureau des renseignements. C’est sur des conclusions ainsi formulées que la chambre a ordonné le dépôt au bureau des renseignements.
Si la décision prise par la chambre pouvait encore être remise en discussion, je pense qu’il serait facile d’établir à l’évidence que l’interprétation donnée par le gouvernement est juste et fondée sur le texte et le véritable esprit du code de commerce.
M. Verhaegen. - J’ai quelques mots à répondre à M. le ministre de la justice, non sur le fond, car pour le fond, quoi que l’on puisse en dire, je ne pense pas qu’il ait détruit mes allégations.
J’ai formulé quatre griefs, je les maintiens, Il est facile de dire qu’on ne s’attendait pas à l’attaque et qu’on ne peut pas s’en expliquer d’une manière catégorique. C’est ce qui s’appelle tourner la difficulté.
Quant à la forme de la réplique, je ne sais si M. le ministre comprend comme moi les discussions parlementaires. Je combats mes adversaires souvent avec force, mais toujours je reste dans les convenances parlementaires.
Je n’ai rien dit qui puisse s’appliquer à M. le ministre de la justice, comme homme privé, et lorsqu’il s’est servi du mot calomnie, il est évidemment sorti des bornes parlementaires, et a oublié sa position et son rôle. Je ne le suivrai pas sur ce terrain des personnalités, parce que j’ai toujours pensé que celui qui sort des justes limites, et qui, pour me servir d’une expression triviale, se fâche à la tribune, est dans son tort. Je ne me suis pas servi d’expressions inconvenantes envers M. le ministre de la justice, mais je l’ai attaqué. La chambre appréciera de quel côté est le tort, libre à M. le ministre, à l’avenir, de ne pas me faire l’honneur de me répondre, ce qui le mettra mieux à l’aise.
Je n’ai qu’un mot à dire en réponse à l’honorable M. Malou. Je ne sais s’il m’a bien compris. Je ne lui ai pas fait un reproche d’avoir fait un rapport sur une question qu’il avait examinée précédemment au ministère de la justice. J’ai dit seulement qu’il n’était pas étonnant que l’honorable M. Malou ait exprimé une opinion conforme à celle de M. le ministre de la justice, alors qu’il avait déjà exprimé cette opinion précédemment ; j’aurais pu y ajouter cette considération qu’alors qu’un homme a déjà émis une opinion il y tient d’ordinaire.
La chambre a statué sur les conclusions de la commission des pétitions ; mais elle n’y a attaché aucune importance.
Si vous voulez que la question soit décidée en connaissance de cause, décidez que le rapport sera imprimé et distribué.
Ce n’est pas parce qu’elle émane d’un ministère que je combats, que je blâme la mesure qui a été prise. Je l’eusse fait sous le ministère de M. Leclercq, comme je le fais sous le ministère Van Volxem. J’ai la conviction que la loi a été violée ; l’art. 622 du code de commerce est tellement clair que je ne conçois pas qu’il ait pu entrer dans l’esprit de qui que ce soit de lui donner un autre sens que celui que j’y donne. Pour étayer mon système, j’ai l’opinion de tous les auteurs, les discours des orateurs du gouvernement, un avis du conseil d’Etat. J’ai en un mot, toutes les autorités pour moi ; vous n’en avez aucune, sauf une opinion émise, à ce qu’il paraît, par un autre ministre de la justice. Je respecte beaucoup l’opinion de M. Leclercq ; mais tout ce qui a été fait par lui ne doit pas être suivi aveuglément ; j’aurais, je le répète, combattu cette doctrine sous le ministère de M. Leclercq, comme je la combats sous le ministère de M. Van Volxem.
Si vous trouvez que cela est tellement clair, laissez, comme je le disais tout à l’heure, imprimer et distribuer le rapport. En attendant, ce qui est beaucoup plus clair, c’est que les notables vous répondent par une force d’inertie, par cette résistance légale contre laquelle vous ne pouvez rien.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - La chambre jugera entre M. Verhaegen et moi lequel des deux est sorti des convenances. La chambre se souviendra que cet honorable membre m’a positivement imputé d’avoir présenté un projet de loi sur la magistrature, en faisant des vœux pour son rejet. (Adhésion.)
Il semblerait que c’est un parti pris pour le ministère d’être hostile à la magistrature ; il n’en est rien ; le gouvernement a présenté un projet de loi tendant à améliorer la position des membres de l’ordre judiciaire, tandis qu’il n’a rien proposé encore en faveur des fonctionnaires de l’ordre administratif, quoique plusieurs sections aient fait observer qu’il serait juste d’améliorer leur sort.
- La séance est levée à 4 heures et demie.