(Moniteur belge n°170, du 19 juin 1842)
(Présidence de M. de Behr)
M. de Renesse fait l'appel nominal à midi et demi.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance.
M. Delfosse. - Le bruit que l’on fait m’a empêché d’entendre la lecture du procès-verbal ; je suppose qu’il mentionne que c’est pour M. David et non pour moi que j’ai demandé hier un congé. Un journal annonce, par erreur, que c’est pour moi que je l’ai demandé.
M. Scheyven. - Le procès-verbal est exact, il mentionne que c’est pour M. David que M. Delfosse a demandé un congé.
- Le procès-verbal est adopté.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les membres du tribunal de Marche demandent la suppression de la 4° classe des tribunaux de première instance. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi relatif aux traitements de l’ordre judiciaire.
« La chambre de commerce de Liége présente des considérations en faveur du projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à réduire les péages sur les canaux et rivières. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
« Les élèves de l’université catholique présentent des observations concernant le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et demandent que ce projet ne soit pas adopté. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
M. Delehaye**.** - Je demande l'insertion au Moniteur.
- Adopté.
« Les habitants de Waillet demandent que cette commune continue à faire partie du canton de Rochefort. »
- Renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur la circonscription cantonale.
M. le président**.** - Le bureau a composé de la manière suivante les commissions que la chambre l'a chargée de nommer :
Commission pour l'examen du projet relatif à la rectification des limites d'Eekeren et de Cappellen : MM. Cogels, Mast de Vries, Peeters, de Nef et Henot.
Commission chargée d'examiner le projet qui fixe les limites entre les communes d'Ougrée et d'Esneux : MM. David, Eloy de Burdinne, Vandensteen, Demonceau, Fleussu.
M. le président**.** - Les sections ayant autorisé la lecture de la proposition déposée hier sur le bureau, M. Zoude a la parole pour donner cette lecture.
M. Zoude**.** - J'ai l'honneur de proposer l'addition suivante à la loi sur la milice :
« Le milicien remplacé sera libéré lorsque la maladie ou infirmité du remplaçant n'aurait été découverte qu'après deux mois de l'incorporation. »
Si la chambre y consent, je donnerai immédiatement les développements de ma proposition.
L'article 30 de la loi du 27 avril 1820, est ainsi conçu :
« Art. 30. Les maladies ou défauts qui seraient découverts dans les deux mois qui suivent l'incorporation d'un remplaçant, seront censés avoir existé avant son incorporation, à moins qu'il ne soit constaté que ces maladies ou défauts ont été contractés après l'incorporation. »
Pour apprécier l'esprit dans lequel cet article a été rédigé, je crois nécessaire de rappeler à la chambre que lors de la discussion de cette loi, les états-généraux avaient reconnu que le remplacement était plutôt dans l'intérêt public que dans celui des miliciens, parce que les citoyens ne peuvent tous indistinctement suivre la carrière militaire ; que dans un état il faut des fonctionnaires civils, des hommes professant des arts libéraux, des négociants, des artistes. (Discours de M. Lieffman, dans la séance du 22 août 1820.)
M. Lieffman, s'expliquant encore, dit que l'art. 30 aggrave la responsabilité du remplacé, mais que cette disposition est juste parce qu'il est des maladies ou infirmités muettes dont le remplaçant doit répondre, à moins qu'il ne soit constaté qu’elles ont été contractées après l'incorporation.
Mais comme cette responsabilité doit avoir son terme, l'art. 30, continue M. Lieffman, ne rend le remplacé garant de ce chef que pendant 2 mois. La volonté du législateur est donc bien clairement exprimée ; la garantie du remplacé est bornée à 2 mois.
Il résulte à toute évidence que la loi a été conçue dans le but de favoriser le remplacement, que l'interprétation forcée tout arbitraire du département de la guerre tend a le rendre difficile, onéreux, disons mieux, impossible, car en effet dans l'esprit du ministre il n'y a plus de terme au rappel, il dépendrait du caprice, et la responsabilité pèserait sur le remplacé pendant toute la durée du service.
C'est évidemment ce que la loi n'a pas voulu ; c'est ce que la législature ne tolérera pas.
Il est pénible, messieurs, d'occuper le temps précieux de la chambre pour interpréter un article de loi qui est clair pour tout le monde, sauf pour le département de la guerre ; et c'est pour faire cesser jusqu'à la possibilité du doute que j'ai l'honneur de proposer d'ajouter à l'art. 30 la disposition suivante :
« Le milicien remplacé sera libéré, lorsque la maladie ou infirmité du remplaçant n'aura été découverte qu'après deux mois de l'incorporation. »
- La proposition est appuyée.
La chambre décide qu'elle s'occupera immédiatement de la prise en considération.
Personne ne demandant la parole, la prise en considération est mise aux voix et prononcée.
La proposition est ensuite renvoyée à l'examen des sections.
M. Delehaye**.** - La chambre se rappellera probablement que j'avais annoncé les interpellations que je devais adresser au gouvernement et que j’avais ajournées au retour de M. le ministre des affaires étrangères, que des motifs sans doute très graves avaient forcé de s’absenter ; mais, comme nous sommes sur le point de nous ajourner et que nous tenons peut-être à notre dernière séance, j’espère que la chambre me permettra de revenir sur cette résolution et de faire les interpellations que me suggère l'intérêt seul du pays.
Je demanderai au gouvernement si M. le ministre des affaires étrangères n'a pas communiqué à ses collègues les observations qu'il se proposait de faire sur mes interpellations. Il me semble que la gravité de la question que j'ai soulevée méritait bien qu'on prît la peine de donner une explication. Je viens demander si messieurs les ministres sont à même de nous satisfaire.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Si l'honorable membre veut répéter ses interpellations, nous chercherons à y satisfaire.
M. Delehaye. - Vous n'ignorez pas combien est grave la question qui se rattache à l'industrie linière. Vous avez vu par les journaux que la France se proposait d'augmenter encore les droits d'importation sur les fils et les toiles. Le tarif qui existe aujourd'hui en France est tel que nous sommes en droit de nous en plaindre ; car, par suite d'arrangements antérieurs, la Belgique a modifié le sien dans l'intérêt de la France ; à condition que celle-ci réduirait le sien ; c'est le contraire qui a eu lieu. C'était donc là un acte d'hostilité. Malgré ces actes d'hostilité, la Belgique a continuellement modifié son tarif en faveur de la France : Vins, articles de fantaisie, etc., tout a été favorablement accueilli.
Nous sommes en droit de demander non seulement le maintien du statu quo, mais même une réduction des droits, comme suite de nos concessions faites précédemment. Nous avons voté des réductions. On n'en a tenu aucun compte ; aujourd'hui même il paraît que la France veut encore augmenter son tarif. J'avais demandé s'il n'était pas possible d'empêcher la mesure qu'on supposait à la France. M. le ministre avait répondu que le gouvernement négociait et avait l'espoir que cette mesure ne serait prise que contre l'Angleterre. Quoique j'eusse pu réclamer, j'ai borné là mes observations. Je me suis contenté de dire que je n'avais pas grande foi dans cette espérance du ministre.
Le gouvernement français n'a encore apporté aucune modification à son tarif. Les choses sont dans le même état. Je ne veux pas me répéter, mais je persiste dans ce que j'ai dit. Nous ne pourrons jamais obtenir quelque chose de la France, tant que, de notre côté, nous ne prendrons pas de mesures contre d'autres puissances. Ces mesures, la prudence me force à ne pas les indiquer aujourd'hui ; d'ailleurs le gouvernement sait à quoi je fais allusion.
J'avais demandé aussi où en étaient nos négociations avec l'Espagne. Jamais nous n'avons été dans une position plus avantageuse pour avoir un tarif favorable à notre industrie ; je ne sais si le gouvernement en est informé. Mais j'ai, pour ma part, des renseignements positifs de négociants belges, établis en Espagne : l'on m'assure que la ville de Barcelone, qui est celle dont les intérêts sont le plus intimement liés avec ceux de la Belgique, a soumis au gouvernement espagnol un tarif qui, s'il était adopté, serait très favorable à notre industrie. Quand nos réclamations sont conformes à celles des négociants espagnols, notre tâche est facile, d'autant plus que nous pouvons intéresser à notre position les propriétaires de vignobles et les négociants en vins qui, voyant la possibilité d'obtenir une réduction de droits sur leurs produits, plaideraient eux-mêmes notre cause.
Pour cela il faudrait modifier notre tarif, en ce qui concerne les vins espagnols. J'ai la conviction que le tarif que demande une des villes les plus importantes de l'Espagne serait adopté si, de notre côté, nous prenions cette mesure, et nous en tirerions les plus grands avantages.
J'ai appelé l'attention du gouvernement sur une troisième question. S'il est vrai, que, contrairement à ce qu'a annoncé le discours du trône, nos négociations avec le gouvernement hollandais étaient loin d'être terminées, que la Hollande en appelait à la conférence et mettait en doute non seulement ce qui se rattache à la question financière, mais encore à la délimitation territoriale et à la navigation fluviale. Ces faits ont été annoncés par des journaux allemands dont le caractère est assez officiel pour mériter toute notre attention.
Messieurs, je n'ai pas la prétention de croire que mes paroles ont assez d'importance près de vous pour être restées dans votre souvenir, par ce motif, je me permettrai de rappeler qu'il y a quelques années je me suis opposé aux paiements qu'il s'agissait de faire à la Hollande ; j'ai dit qu'on avait tort de faire ces paiements alors qu'on n'était pas d'accord sur les questions de limite. Aujourd’hui mes prévisions sont en partie réalisées. Si le gouvernement hollandais paraissait vouloir remettre en question sa position vis-à-vis de la Belgique, une pareille intention serait de nature à nécessiter, de la part du gouvernement belge, la suspension du paiement de la dette : si ce paiement n'avait pas eu lieu tout serait terminé depuis longtemps.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L'honorable préopinant, en adressant ses interpellations au gouvernement, remplit un devoir que je ne conteste pas. Mais le gouvernement, de son côté, a aussi des devoirs à remplir ; et un de ces devoirs, quand il s'agit de nos relations extérieures, est une extrême circonspection, quelque défavorable que puisse paraître cette circonspection, cette réserve ; il doit même au besoin accepter toutes les défaveurs qui peuvent résulter de son silence.
J'ai récemment, en l'absence de mon collègue des affaires étrangères, donné quelques explications sur nos relations commerciales avec la France. Je ne puis pas aller au-delà. Les faits jusqu'à ce jour n'ont pas subi de changement, les négociations sont toujours ouvertes. Nous en attendons le résultat. Je ne puis pas, je ne dois pas en dire davantage. Si je ne craignais pas de faire quelque peine à l'honorable préopinant, je lui dirais que les dernières interpellations ont pu avoir des suites désavantageuses pour nous.
Quant à l'Espagne, je dois saisir l'occasion qui m'est offerte pour dire que le chargé d'affaires et le commissaire commercial, qui est resté quelque temps à Madrid, ont été parfaitement accueillis par le gouvernement espagnol ; je puis donc démentir les bruits qui ont été répandus.
Vous savez que le tarif de douane qui régit l'Espagne a été introduit par ordonnance. Les cortès, dans leur session de 1840, avaient, à la fin de la session, autorisé le gouvernement à changer le tarif par ordonnance.
Le gouvernement a en effet changé le tarif par ordonnance. Ses pouvoirs étant épuisés par la promulgation d'un nouveau tarif, le gouvernement s'est de nouveau adressé aux cortès, pour avoir l'autorisation de modifier le tarif par ordonnance. Cette proposition était faite, lorsque le ministère Gonzalès est tombé ; une crise ministérielle est survenue en Espagne. Nous espérons que, quand le ministère sera constitué, la proposition faite aux cortès sera reprise, et que le régent sera autorisé à modifier le tarif, que déjà une première fois il avait modifié par ordonnance. Nous aurons recours à toutes les influences que nous pouvons avoir pour que les pouvoirs qu'aura le régent s'exercent en notre faveur. Nous ne négligerons pas l'influence qu'a indiquée l'honorable préopinant.
A La Haye, on continue les négociations. Le principe adopté par tous les ministères, depuis le traité du 19 avril, a été d'arriver à la solution simultanée de tous les points en litige. C'est d'après ce principe que nous avons suivi les négociations, et que nous les avons activées autant que possible. Nous ne désespérons pas d'arriver prochainement à une solution convenable.
Quant à en référer à la conférence, j'ignore s'il faudra en venir là. On conçoit néanmoins que, dans une négociation si importante, il peut y avoir, de part et d'autre, des moments où l'on désespère d'une solution. Il est impossible que cela n’arrive pas.
M. Delehaye. - Du moment que le gouvernement hollandais en référerait à la conférence, je pense que notre gouvernement suspendrait les payements. J'ai énoncé à cet égard mon opinion, et j'y persiste.
Quant à ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur, que le gouvernement espagnol a modifié le tarif, le fait est vrai. Mais il faut remarquer qu'en Espagne l'Angleterre a toujours eu une très grande influence ; toutes les modifications au tarif ont toujours été faites dans l'intérêt de l'Angleterre.
Il me suffit, du reste, que le gouvernement déclare qu'il portera son attention sur ce point, pour que je croie ne pas devoir insister. Je me bornerai à lui signaler, comme je l'ai déjà fait, la position du commerce et les mesures à prendre en faveur des propriétaires de vignobles. Ces mesures sagement combinées nous vaudront leur appui.
M. le ministre de l'intérieur m'a fait un reproche ; il a dit que j'étais la cause que les affaires n'avaient pas tout à fait bien tourné. Je dois répondre à cette accusation. Je m'adresse à la bonne foi des membres de la chambre. Lorsque j'ai fait ma première interpellation, j'ai commencé par dire que je n'attendais pas du ministre une réponse qui pût être interprétée contre nous. Si donc il y a eu quelque imprudence, c'est M. le ministre de l'intérieur qui l'a commise, en disant que la France pourrait peut-être faire une exception en notre faveur, et que la mesure ne serait prise que contre les toiles et fils anglais.
Des le premier instant, M. le ministre n'a pas répondu comme aujourd'hui. S'il l'avait fait, la connaissance que j'ai des égards diplomatiques et des intérêts du pays m'aurait déterminé à ne pas insister. Mais non ; M. le ministre m'a fait une réponse imprudente, dont j'ai le droit de lui faire un reproche. Je ne l’aurais pas fait cependant, s'il ne m'avait pas accusé le premier.
Au reste, il était de mon devoir de renouveler mon interpellation, à cause de la déclaration qu'a faite, il y a quelques jours, M. le ministre de l'intérieur, que d'un jour à l'autre le Moniteur français pouvait contenir une ordonnance qui exigerait notre présence à Bruxelles. Ces mots ont jeté de l'inquiétude dans le pays. On s'est demandé : quelle grande nouvelle peut donc exiger à Bruxelles la présence de nos députés ? Voilà la question que tout le monde s'est faite ; et chacun attendait avec impatience une solution. J'ai cru de mon devoir de la provoquer.
M. Dumortier**.** - Je suis bien loin de vouloir créer des embarras au gouvernement, dans les circonstances actuelles. Je crois l’avoir prouvé dans une séance précédente. Toutefois vous me permettrez de faire quelques réflexions au sujet de la question soulevée par l'honorable député de Gand.
J'ai examiné avec soin ce qui s'est passé dans la presse française, d’après les interpellations qui ont été faites à cette tribune ; et il est vrai qu'une chose m'a frappé, c'est que la presse française parait méconnaître tout à fait l'état de la question, posée comme j'ai eu l'honneur de la présenter hier. Il importe donc de rappeler un peu les faits, afin que non seulement la Belgique, mais encore la France connaisse bien ce qui a été fait depuis 10 ans pour l'une et pour l'autre.
Ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire dans une séance précédente, il y a, entre la position de la Belgique vis-à-vis de la France et celle de l'Angleterre vis-à-vis de la France, une différence considérable. Depuis dix ans la Belgique a toujours diminué ses droits sur les produits français, tandis qu'au contraire la France a toujours augmenté ses droits sur les produits manufacturés belges. Depuis 10 ans l'Angleterre a diminué quelques droits sur les produits français, mais la France, au lieu d'augmenter les droits sur les produits anglais, comme elle l'a fait sur les produits belges, a diminué les droits sur certains des produits anglais. C'est là une différence de la dernière importance, pour l'intelligence de la situation actuelle. A la suite de la révolution, quel a été le premier acte international fait en matière de tarification ? Ça a été la suppression du droit de sortie sur les houilles belges qui entrent en France.
C'est le congrès qui a pris cette mesure. Le droit de sortie sur les houilles rapportait un demi-million de florins, un million de fr. à la Belgique ; et avec l'accroissement de consommation qui a eu lieu depuis, le droit dont la Belgique s'est privée, en faveur de la consommation française, pourrait monter aujourd'hui à une somme de 2 millions de francs, annuellement. C'est là un véritable sacrifice que nous faisons en faveur de l'industrie française. Je ne veux pas demander le rétablissement d'un pareil droit ; tout à l'heure quand nous discuterons le projet de loi qui tend à autoriser le gouvernement à réduire les péages sur les canaux et rivières, je répondrai à M. le ministre de l'intérieur. Je me borne à signaler un fait certain : La suppression du droit établi en Belgique, à l'exportation de la houille. A quelque temps de là, nous avons réduit le droit d'entrée sur les vins ; puis nous avons pris une mesure qui permet l'entrée des vins de France par terre. Vous savez que l'entrée des vins de France par terre était prohibée sous le roi Guillaume. Cela frappait les vins de Champagne, de Bourgogne et du pays de Bar. Nous avons levé cette prohibition, et nous avons autorisé l'entrée des vins de France par terre, comme par mer. C'est un avantage considérable que nous avons fait dans cette circonstance au commerce français, De plus, beaucoup de droits différentiels et prohibitifs envers la France existaient encore dans notre tarif, en vertu de la loi de 1822. Vers 1834, une négociation eut lieu avec la France, à la suite de laquelle il intervint un arrangement entre le gouvernement belge et le gouvernement français. Par suite de cet arrangement, la Belgique devait abaisser les articles du tarif qui frappaient les produits français de droits prohibitifs. La France, de son côté, devait faire à la Belgique des avantages équivalents. Nous avons fait notre part. Nous avons abaissé entièrement les barrières qui frappaient de droits prohibitifs ou différentiels les produits français. Ainsi nous avons levé la prohibition sur les draps français ; nous avons abaissé les droits sur les cristaux, sur les houilles françaises, sur les acides, sur les faïences, sur la bonneterie, en un mot sur tous les fabricats français. Nous avons introduit des améliorations considérables en faveur de la France. J'ai dit que nous avions agi ainsi en vertu d'un arrangement international. Je ne pense pas qu'il y ait eu convention. Mais il y a eu arrangement. Nous étions donc en droit d'attendre, de la part de la France, des mesures de réciprocité, Eh bien, à notre grand regret, nous devons le proclamer hautement, non seulement ces mesures de réciprocité n'ont jamais été prises, mais nous avons vu, chaque année, la France augmenter les droits sur les produits manufacturés de notre sol. C'est un point que le gouvernement français parait méconnaître et que, dans tous les cas, la presse périodique française et la tribune méconnaissent complètement. Ce n'est pas ainsi qu'on doit se conduire entre gouvernements. Je sais que la Belgique n'est qu'une petite puissance. Mais je sais parfaitement aussi que c'est le marché le plus important pour le commerce français, spécialement pour le commerce de Paris.
La Belgique, par sa proximité, offre à la France un débouché facile et un commerce sûr, à raison de la richesse de ses commerçants et de la loyauté de ses habitants. C'est donc pour la France une chose de la dernière importance que d'avoir des facilités commerciales dans notre pays. Aussi, vous voyez comment les choses se sont passées. A la suite de la réduction apportée à notre tarif, l'importation des produits français a considérablement augmenté, tandis que, par suite de l'augmentation de droits que la France a établis sur tous nos produits manufacturés, l'importation des produits belges en France a toujours été en diminuant. Voilà de ces choses qu'il ne faut pas perdre de vue et qui dominent toute la question actuelle. La France vous dit : Nous recevons vos houilles, vos fers ; nous recevons vos marchandises pour des capitaux considérables. Mais remarquez que la France n'agit ainsi que dans son intérêt. Si elle n'avait pas besoin de nos houilles et de nos fers, elle ne nous accorderait pas les avantages qu'elle nous accorde.
Remarquez, messieurs, que le département du Nord, en particulier, s'est toujours opposé à ce qu'on élevât les droits sur nos houilles dont il a absolument besoin dans l'intérêt de ses fabriques. Remarquez encore que plusieurs départements de France ont demandé avec de vives instances l'abaissement des droits sur les fers belges, qui seraient d'un immense intérêt pour la fabrication française et pour l'agriculture.
Ainsi le tarif français a été jusqu'ici basé exclusivement sur l'intérêt français. Je ne veux pas en blâmer le gouvernement français, rien n'est plus juste. Mais alors peut-on trouver mauvais que nous basions aussi nos tarifs sur l'intérêt du pays ? Non, sans doute ; il faut bien vouloir chez les autres ce que l'on veut chez soi-même. Si les mesures que l'on devait prendre par une juste réciprocité internationale sont ainsi mises à néant, si nous, parce que nous sommes faibles, nous devons subir la loi et maintenir les mesurés que nous avons prises dans l'abaissement des droits sur les produits français, sans jouir des avantages qu'une juste réciprocité doit nous faire obtenir, avantages qui d'ailleurs paraissaient nous être assurés par l'arrangement international dont je vous ai parlé, je dis qu'une pareille position ne serait pas tenable.
Messieurs, j'aime la France et son gouvernement ; mais avant tout il faut vivre ; c'est la première condition ; et si plus tard nous étions forcés de prendre des mesures en faveur de notre commerce, ce n'est pas à nous qu'on devrait en faire un reproche ; le reproche ne devrait être adressé qu'à ceux qui, après avoir fait des arrangements internationaux, ne les ont pas tenus.
Je dis donc, messieurs, qu'exiger aujourd'hui de nous de nouveaux sacrifices, c'est méconnaître ceux que la Belgique a déjà faits, et qu'elle a faits non pas pour conserver le statu quo sur les toiles, mais pour obtenir des droits plus bas que ceux qui existent actuellement. C'est là ce que l'on s'était proposé, et nous n'aurions jamais fait ces sacrifices si nous avions pu prévoir qu'on aurait élever les droits comme on l'a fait en France. La discussion qui a eu lieu en 1835 et 1836 a spécialement eu pour but d'obtenir un abaissement des droits d'entrée sur nos toiles ; c'était là, messieurs, le prix de la chose ; c'est le prix pour lequel nous avons consenti à la suppression des mesures prohibitives contre la France, et à l'abaissement des droits sur ses produis.
Eh bien ! nous n'avons pas obtenu cette réduction.
Voilà ce qui paraît être ignoré par le gouvernement français, voilà ce que la presse française veut absolument ignorer et mettre de côté. Et je saisis cette occasion pour le proclamer hautement ; car je suis convaincu qu'il y a en France des hommes d'une grande loyauté, qui, lorsqu'ils connaîtront bien les faits, avoueront qu'on ne peut prendre, vis-à-vis une sincère alliée comme la Belgique des mesures d'un genre tel qu'on ne les prendrait pas vis-à-vis un ennemi politique. La Belgique qui s'est montrée si dévouée à la France ne peut être traitée de la sorte.
Que si, malgré ces considérations on voulait frapper nos produits de droits plus élevés, je dis encore, avec beaucoup de regret, mais chacun de vous le comprendra, qu'il est impossible que nous ne remplissions pas un devoir. Ce devoir, messieurs, nous aurions plusieurs moyens de le remplir ; mais comme il est question que la chambre s'ajourne, je ferai une observation au gouvernement. J'espère que ce que je vais dire n'aura pas de résultat, parce que j'espère que la France comprendra la position dans laquelle nous nous trouvons. Mais il y aurait un moyen ; ce serait d'imposer les vins français et les produits de Paris d'un droit modéré et d'attribuer ce droit au remboursement de l'augmentation de celui que l'on frapperait sur nos toiles à l'entrée en France. Par ce moyen, messieurs, nous aurions fait quelque chose d'utile à notre commerce, et on ne pourrait pas nous en blâmer ; car nous avons pour nous le bon droit. Nous avons fait des sacrifices ; on voudrait les méconnaître ; la Belgique doit faire dans un cas semblable ce que ferait tout homme qui se respecte.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne puis, à mon tour, accepter les reproches que m'a adressés l'honorable M. Delehaye. Mes reproches ne s'adressaient d'ailleurs pas directement à ce qu'il avait dit ; l'observation que je faisais s'appliquait à l'interpellation en général.
Ce qui a blessé la susceptibilité française, et j'en appelle sur ce point aux journaux français, ce sont les menaces prématurées de représailles. Voilà sur quoi portait mon observation.
M. Delehaye. - Messieurs, si j'ai dit à M. le ministre que l'imprudence venait de lui, et non de moi, je n'ai point prétendu que cette imprudence était bien grave, En effet, messieurs, il n'était point nécessaire pour le gouvernement anglais, que M. le ministre fît cette déclaration ; nos démarches auprès du gouvernement français sont suffisamment connues.
Quant à ce qui concerne nos menaces à la France, je sais qu'il serait inconvenant d'en faire ; mais dire que la Belgique ferait bien de prendre, dans l'intérêt de son industrie, les mêmes mesures de protection que prend la France, ce n'est point la menacer. Faisons comme la France, donnons à notre commerce, à notre industrie, la protection dont ils ont besoin, cherchons à leur assurer le marché intérieur. La France ne saurait s'en offenser. Elle ne saurait regarder comme menaces la manifestation d'un désir que nous n'émettons qu'à son exemple.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je vois que l'honorable préopinant suppose que c'est par nous que l'Angleterre aurait appris qu'il pourrait arriver que l'ordonnance ne fût pas applicable à la Belgique, il n'en est rien. La diplomatie anglaise est assez bien instruite pour savoir que la Belgique sollicite une exception. Elle le savait ; il y avait là un intérêt important qui disait que la Belgique informée, par ce qui s'était passé à la chambre française, qu'une ordonnance devrait paraître, ne laisserait pas paraître cette ordonnance sans s'enquérir si elle s'appliquait à la Belgique, sans savoir si on ferait une exception, si on établirait, par exemple, une division de zones, comme cela existe pour les houilles. Tout cela, l'Angleterre le savait, et ce n'est pas nous qui le lui avons appris.
M. Delehaye. - Pourquoi avez vous dit qu'on avait commis une imprudence ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J'ai parlé de l'imprudence que présentent les interpellations en général ; et j'en appelle à ce qui vient de se passer ; c'est, je le répète, la menace prématurée des représailles qui a blessé l'amour-propre français.
M. Dumortier. - Je prie la chambre d'être bien persuadé que dans ce que j'ai dit il n'y a pas la moindre apparence de menace ; je serai fortement peiné qu'on le prît de la sorte. J'ai seulement voulu faire connaître la position réelle du pays, position qui ne paraît pas comprise, et qu'il est nécessaire de faire connaître.
M. d’Hoffschmidt. - Je demande la parole pour adresser une interpellation à M. le ministre des travaux publics, interpellation qui, je crois, ne présentera pas le moindre danger ; car il n'y s'agit pas de nos relations extérieures.
Messieurs, des bruits circulent d'après lesquels il paraîtrait qu'à notre première réunion, le gouvernement demandera à la législature un nouvel emprunt pour subvenir aux travaux de construction du chemin de fer. D'après ces bruits, cet emprunt s'élèverait à une somme de 30,000,000 de francs. Je crois, messieurs, qu'il serait bon que nous fussions instruits, dès maintenant, si ces bruits sont fondés, parce qu'il serait utile que nous eussions le temps de réfléchir mûrement sur les conséquences qu'une dépense pareille peut entraîner pour les finances du pays. Il serait bon aussi que nous eussions le temps de nous enquérir pourquoi les travaux du chemin de fer entre Liége et la frontière prussienne sont aussi onéreux qu'on l'annonce.
D'après les premiers calculs, la lieue ne devait coûter qu'un million de francs. On a dit ensuite qu'elle coûterait 2,200,00 fr. et enfin il paraît maintenant que la lieue entre Liége et la frontière prussienne coûtera la somme énorme de 3 millions de francs !
Je prierai M. le ministre de bien vouloir nous dire ce qu'il y a de fondé dans ces bruits. Je crois qu'il serait nécessaire que nous le sachions maintenant, si toutefois nous devons nous occuper de cette question lors de notre première réunion.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs l'interpellation de l'honorable M. d'Hoffschmidt, pour n'avoir pas trait à des questions de relations extérieures, n'en présente pas moins de danger. Car l'annonce prématurée d'un emprunt affecte immédiatement le crédit public. Je crois donc qu'il est du devoir du gouvernement de ne pas répondre à ces sortes de questions.
Si la construction des travaux du chemin de fer exige un emprunt, le gouvernement vous le demandera ; mais, quant à moi, je ne suis encore saisi d'aucune demande officielle de ce genre de la part de M. le ministre des travaux publics. Les mesures à prendre dépendront des rapports à établir entre son département et celui des finances. Mais, je le répète, ces questions sont imprudentes, parce que l'annonce intempestive d'un emprunt est de nature à comprimer la rente et à affecter le crédit.
M. d’Hoffschmidt**.** - Messieurs, je crois que je n'ai commis aucune imprudence en faisant l'interpellation que je viens d'adresser. Car, il a déjà été question de la somme et de la dépense dont j'ai parlé dans un rapport qui a été distribué à la chambre et dont il n'a pas été donné lecture, mais qui est à l'impression.
Certes, que le pays se procure cette somme par un emprunt ou de toute autre manière peu importe ; mais ce qu'il y a de certain, c'est que par le rapport que je viens de mentionner, ainsi que par les bruits qui s'accréditent chaque jour, il est connu de tous qu'il sera nécessaire de se procurer une somme pour achever les travaux du chemin de fer.
Du reste, je n'insisterai point ; ce qui m'a guidé dans l'interpellation que je viens d'adresser, c'est que si le gouvernement se propose de demander sous peu à la législature de nouvelles sommes pour les travaux du chemin de fer, j'espère bien qu'il n'oubliera pas d'y comprendre les deux millions que les députés du Luxembourg ont demandés pour travaux de route dans cette province.
Je rappellerai au gouvernement que la loi avait promis un embranchement du chemin de fer au Luxembourg, et que cette promesse subsiste toujours. Il est vrai qu'elle est remplacée maintenant par la proposition qui tend à ce qu'il soit accordé des routes ordinaires à cette province jusqu'à concurrence de deux millions de francs. Mais il serait profondément injuste que nous votassions encore de nouvelles sommes, que l'on construisît dans le pays pour une valeur de 160 millions de chemins de fer et qu'une province tout entière, qui reste encore la plus grande du royaume, fût exclue des bienfaits d'une pareille communication, et n'obtînt rien en compensation.
J'espère donc que le gouvernement comprendra dans les sommes qu'il devra nous demander les fonds nécessaires pour les routes du Luxembourg.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Quant aux renseignements que demande l'honorable préopinant sur le coût des travaux du chemin de fer de Liège à la frontière prussienne et sur le coût des autres parties du chemin de fer, il les trouvera dans le compte-rendu que j'ai déposé sur le bureau de la chambre et qui sera incessamment distribué. S'il peut résulter de ce travail que de nouvelles sommes seront nécessaires plus tard pour l'achèvement des travaux, il n'est pas dit pour cela que le gouvernement doive recourir à un emprunt, c'est là une question qui n'est pas décidée et qui devra être l'objet d'une instruction ultérieure de la part du ministre des finances. Mais, je le répète encore, il est imprudent de parler prématurément des moyens de faire face aux besoins qui peuvent résulter de la nécessité d'achever les travaux du chemin de fer.
M. d’Hoffschmidt. - Je ne puis nullement accepter, je le répète, le reproche d'avoir commis une imprudence en faisant la question que j'ai soumise au ministère. Il est certain qu'il faudra de nouveaux fonds pour achever le chemin de fer. C'est ce dont personne ne doute. Qu'on dise maintenant qu'on se les procurera par un emprunt ou d'une autre manière, peu importe. J'admets bien volontiers que le gouvernement peut avoir des motifs pour ne pas déclarer de suite qu'il aura recours à un emprunt, mais je n'ai fait que remplir un devoir en lui adressant la question que vous venez d'entendre. Du reste, il est toujours libre au gouvernement de répondre, comme il l'entend, à de semblables questions, et c'est ce que ses organes disent qui peut seul engager les intérêts du pays.
M. Malou, au nom de la section centrale, dépose le rapport sur le projet de loi relatif à la police maritime.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport.
M. de La Coste, rapporteur. - Messieurs, je voyais hier la chambre très pressée d'en finir, et je croyais que l'on allait en venir immédiatement à une décision, c'est ce qui m'a engagé à abréger beaucoup ce que j'avais à dire ; comme la discussion continue, je demanderai la permission d'ajouter encore quelques développements à ceux dans lesquels je suis entré.
Je commencerai par répondre à quelques observations de M. le ministre de l'intérieur. Je ne pense pas avoir rien dit d'où l'on pût inférer que la section centrale ait considéré la seconde des propositions soumises à la chambre comme insolite. Elle nous a paru seulement donner ouverture à des questions fort graves.
M. le ministre a fait ensuite une comparaison dont l'exactitude me semble contestable, à l'égard de cette même proposition.
Ici je prie la chambre de vouloir bien se rappeler que le projet embrasse deux propositions ; la première relative à l'exportation des produits de notre sol ou de notre industrie ; la seconde relative à l'importation des matières premières étrangères.
La faveur proposée pour faciliter l'exportation de nos produits, et qui est vivement sollicitée dans l'intérêt des houillères du Hainaut et de la province de Liége, a été admise par la section centrale sans aucune restriction, quoiqu'elle fût repoussée par deux sections. C'est l'autre disposition, qui concerne les matières premières importées, sur laquelle il y a eu dissentiment. M. le ministre a comparé cette faveur aux droits modérés que l'on perçoit sur certaines matières premières à l'entrée dans le royaume ; mais je ferai remarquer qu'il y a une grande différence entre ces deux mesures, car lorsqu'on établit un droit modéré sur les matières premières, on n'accorde pas une prime ; au contraire, on impose encore une charge ; le droit, tout faible qu'il est, est encore une charge, tandis qu'ici on accorde une véritable prime aux matières premières exotiques, au détriment des matières premières indigènes. Voilà sur quoi nous avons basé une partie de nos observations.
L'honorable M. Delehaye a semblé croire que nous nous étions uniquement préoccupés du sucre. Nous avons, il est vrai, été frappés de voir M. le ministre poser en principe qu'il ne s'agissait que d'objets n'ayant pas de similaires indigènes, et comprendre parmi eux le sucre ; mais ce n'est pas là le seul objet que nous ayons en vue. Un membre, entre autres, a fait observer que l'huile de baleine, après avoir été épurée, sert maintenant aux mêmes usages que l'huile de colza ; serait-il juste d'accorder la faveur dont il s'agit à l'huile de baleine, qui viendrait faire concurrence à l'huile de colza, tandis que celle-ci n'en jouirait point ?
M. le ministre a cité pour exemple le tarif du chemin de fer, mais autant que je sache, ce tarif n'est pas l'ouvrage de la chambre, et on ne peut donc pas le lui opposer ; si ce tarif offre de semblables disparates, il faudrait plutôt le corriger en ce point que de le prendre pour modèle.
Je demanderai, à cette occasion, si la laine importée par chemin de fer jouit de la réduction de 20 p.c. accordée aux matières premières ? La laine a bien droit, sans aucun doute, à cette dénomination, c'est la matière première du drap et de diverses étoffes. Si l'on refuse la réduction aux laines étrangères, j'y vois une injustice, et pourquoi ne l’accorderait-on pas alors au transport des laines indigènes ?
Ce sont là des questions, messieurs, qui me paraissent mériter un examen sérieux.
On a encore agité cette autre question : en ce moment il est nécessaire de venir au secours des houillères ; mais il y a quelques années que le combustible était fort cher ; à cette époque n'aurait-il pas tout aussi utile, et même davantage, de favoriser sa circulation à l’intérieur au profit de nos fabriques que de favoriser l'exportation ?
En ce moment les céréales sont assez chères, cependant il n'y a point de disette ; mais dans le cas où il y eût disette, ne serait-il pas avantageux que les céréales et les pommes de terre pussent également jouir de la faveur dont il s’agit ?
Toutes ces questions, messieurs, ne nous ont pas paru susceptibles de recevoir une solution immédiate, et ne voyant pas d'urgence dans la deuxième disposition dont il s'agit, nous avons pensé qu'il vaudrait mieux ajourner cette deuxième disposition jusqu'à ce que M. le ministre ait pu examiner mûrement les questions qui s'y rattachent, en profitant, à cet effet, des observations des chambres de commerce.
Celles de Louvain et de Bruxelles ont présenté sur la matière des considérations fort intéressantes. Il est dit, par exemple, dans les avis de ces chambres de commerce, que les formalités auxquelles il faut se soumettre pour obtenir la réduction du droit sont tellement onéreuses, qu'en certains cas elles anéantissent la faveur accordée.
Voici maintenant, messieurs, dans quelle position se trouvait la section centrale à l'égard des sections particulières : deux sections avaient absolument refusé d'adhérer à la mesure qu'elles regardaient comme contraires aux principes constitutionnels et aux intérêts du trésor ; deux autres sections avaient adopté la proposition ; deux autres sections, qui adhéraient à la première partie, faisaient des réserves quant à la seconde ; l'une voulait que les matières premières ne fussent admises à jouir de la faveur à l'importation qu'autant qu'elles n'eussent pas de similaires dans le pays ; l'autre, qui m'avait choisi pour son rapporteur, pensait qu'il y avait lieu de rendre la mesure plus générale, qu'il fallait l'appliquer aux matières premières indigènes ct même aux engrais.
C'est, messieurs, parce que nous avons trouvé la question si délicate, si compliquée que nous avons voulu non pas écarter la deuxième partie du projet, mais simplement l'ajourner provisoirement. Dans l'esprit de ma section et dans le mien, il y a plutôt lieu à rendre la mesure plus générale qu'à la restreindre. Si maintenant la chambre ne croit pas devoir adopter cet ajournement, notre but sera également atteint si M. le ministre s'engage à profiter des observations qui lui ont été faites, dans l'intervalle qui s'écoulera d'ici au moment où il nous présentera quelque chose de définitif.
M. Delfosse. - Mon intention n'est pas d'entrer dans le fond de ce débat qui a déjà été fort long. Je me bornerai à exprimer le vœu que le gouvernement mette, autant que possible, les péages du chemin de fer en rapport avec ceux des canaux ; il ne faut pas que les houillères de Liège soient sacrifiées à celles du Hainaut, ni les houilles du Hainaut à celles de Liége ; le gouvernement doit montrer la même sollicitude pour les deux bassins houillers. Je suis sûr que le sentiment que j'exprime est partagé par tous nos honorables collègues du Hainaut ; mais l'honorable M. David m'a remis hier, au moment de son départ, une note dont il m'a prié de donner lecture à la chambre ; je vais la lire, si la chambre le permet.
M. Dumortier. - On pourrait l'insérer au Moniteur.
M. Delfosse. - Elle est très courte, et il peut être utile d'en donner lecture avant le vote.
Des membres. - Lisez.
M. Delfosse. - Voici cette note :
« Je regrette de ne pouvoir assister à la discussion sur la loi de prorogation des péages sur les canaux et rivières.
« Je me proposais deux choses que je vais dire en trois mots, afin que les amendements que je voulais soumettre soient peut-être repris par d'autres de mes honorables collègues.
« 1° Je voulais la prorogation jusqu'à la fin de 1843, parce qu'au terme de l'année où nous en sommes venus, la prorogation demandée ne sera valide que pour quelques mois à partir du jour de sa promulgation.
« 2° Je voudrais étendre l'abaissement des péages sur toutes les productions, pour la circulation intérieure comme pour l'importation et l'exportation, et rédiger l'article unique comme suit :
« Le gouvernement est autorisé à réduire les péages des canaux et rivières. »
« Je ne vois pas pourquoi nous nous traiterions moins bien, nous qui sommes propriétaires des canaux, que les intérêts étrangers qui les empruntent pour naviguer.
« Enfin, j'aurais demandé que le gouvernement profitât de cette prorogation pour ramener les péages (qui, d'après le § 5 du rapport du ministre, présente les anomalies les plus étranges) à un mode simple, tel que celui adopté en France, au moyen d'une échelle graduée, qui présente le chargement réel sur lequel le droit est assis. On apprécie facilement l'avantage et surtout la justice qu'il y aurait à établir cette base pour les bateliers, pour la navigation de la Meuse, qui, sous le règlement actuel, paient sur l'entièreté du tonnage de leurs bateaux, alors que dans les eaux basses, qui ont souvent lieu sur cette rivière, ils doivent charger dans 4 bateaux ce qu'un seul pourrait transporter. De là naît l'élévation du fret et même l'interruption de la navigation pour échapper au péage.
« L'état si déplorable de la navigation de la Meuse me fait espérer que M. le ministre voudra bien au plus tôt avoir égard à cette réclamation, ce qui consolerait un peu l’industrie houillesse et le batelage, en attendant les grandes améliorations qu'on se propose de faire au fleuve, mais qui sont encore loin de nous. »
M. Desmet. - Messieurs, j'appuie le projet du gouvernement. Il est fort utile de conférer pour un certain temps au gouvernement le pouvoir de modifier le tarif, à l'effet de prendre des mesures pour favoriser l'industrie et le commerce du pays.
Le gouvernement n'abusera pas de la loi, je n'ai aucune inquiétude à cet égard ; il tâchera, sans doute, de maintenir les recettes du trésor, tout en accordant un avantage au commerce et à l'industrie. Je suis convaincu qu'il appliquera la loi avec impartialité.
On a parlé de la mesure qui va être prise en Angleterre. Sans juger cette mesure en elle-même, je dirai que la Belgique doit en profiter, pour conquérir un marché qu'elle ne possède pas aujourd'hui exclusivement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, on a cité plusieurs fois dans cette discussion la mesure projetée par le nouveau tarif anglais à l'égard de la sortie des houilles. Le premier projet frappait la sortie des houilles de quatre schellings ; nous avons reçu hier la nouvelle que ce droit sera réduit à 2 schellings ; dès lors, les espérances que nous avait fait concevoir le nouveau tarif anglais, viennent à disparaître en grande partie.
M. Sigart. - Messieurs, je n'ai demandé la parole dans la séance d'hier que pour calmer les inquiétudes de l'honorable M. Dumortier, relativement à la diminution de la recette, diminution qui serait la conséquence de l'abaissement des péages. Messieurs, cette diminution n'est pas possible parce qu'il n'y a pas de recette ; et pourquoi n'y a-t- il pas de recette ? parce qu'il n'y a pas d'exportation.
Messieurs, on ne peut pas appeler exportation ce qui a été expédié en Hollande jusqu'ici. Les expéditions qu'on a faites n'ont eu lieu qu'à titre d'essai, et cette tentative d'exportation cesserait immédiatement si, contre toute attente, la mesure proposée par le gouvernement n'était pas adoptée.
Messieurs, on a expédié en Hollande une douzaine de mille tonneaux de houille (je ne parle que de Mons, car je sais que Liége expédie davantage, et je dirait peut-être pourquoi) ; or, une douzaine de mille tonneaux de houille compose une exportation absolument insignifiante, en comparaison de l'importance du marché hollandais, car dans les seules distilleries de Schiedam, Dordrecht et Rotterdam, on en consomme au-delà d'un million.
Je dirai encore un mot, en réponse à l'honorable M. Dumortier, qui a exprimé la crainte que le gouvernement, au lieu de rendre au couchant de Mons le marché qu'il a perdu, ne le livre à un autre bassin houiller, par exemple, aux charbonnages du centre. Je sais bien que le gouvernement pourrait abuser de la loi, je dirai même que pour cela il n'aurait qu'à suivre le régime de l'arrêté de 1841, il faut que le gouvernement ne rembourse point une quotité du péage, mais rembourse une certaine somme par tonneau (nos exploitants estiment qu'elle doit être d'un franc), mais je suppose que le gouvernement voudrait être injuste envers nous, et remarquez qu'il n'a aucune raison pour cela, il ne pourrait pas nous nuire, attendu, comme je vous l'ai dit, que nous n'expédions rien, il ne ferait que nous laisser dans la position où nous nous trouvons.
Au surplus, je remercie l'honorable M. Dumortier de l'intérêt qu'il veut bien prendre aux charbonnages du couchant de Mons, mais j'aurais désiré qu'il eût réservé cette marque de sympathie pour d'autres occasions. (On rit.)
M. Dumortier - Messieurs, je croyais bien faire, en prenant à cœur, dans cette circonstance, les intérêts des charbonnages du couchant de Mons ; mais du moment que les défenseurs directs et naturels de ces charbonnages viennent proclamer que l'application de la loi ne peut, dans aucun cas, leur faire du tort, je n'ai, comme vous pensez, plus rien à dire, et je retire mes observations.
Messieurs, quant à la loi elle-même, je conçois qu'il existe des motifs qui militent en faveur de l'adoption du 1er paragraphe du projet du gouvernement ; les explications qu'on a données sur ce point me paraissent assez satisfaisantes ; mais je regrette beaucoup que l'on n'ait pas fait de la mesure l'objet d'un projet de loi ; pour ce motif, je tiens beaucoup à ce que, conformément à la proposition de la section centrale, la durée du pouvoir qu'on veut conférer au gouvernement soit fixée au 31 mars 1843. Il y aurait des inconvénients à fixer ce terme au 31 décembre ; la chambre se réunissant vers la mi-novembre, ne pourrait voter une loi sur cette matière avant le 1er janvier, tout son temps étant absorbé jusque-là par la discussion des budgets. Il est donc beaucoup plus sage d'adopter la proposition de la section centrale, qui limite la durée de la loi au 31 mars.
Messieurs, je dois ici repousser un reproche que M. le ministre de l'intérieur m'a adressé. Il vous a dit que j'aurais prétendu qu'il fallait rétablir les droits à l'exportation des houilles. Je n'ai rien dit de semblable. Je me suis borné à signaler ce que nous avions fait pour le commerce des houilles ; mais je n'ai pas demandé qu'on rétablît des droits à la sortie. C’est une manière par trop commode de combattre un adversaire, que de lui prêter des idées qu'il n'a pas eues.
Revenant au projet de loi, je dirai que, si je donné mon assentiment au premier paragraphe, je ne vois absolument aucun motif pour adopter le second. On n'a présenté aucune considération qui milite en faveur de cet article, et les arguments présentés par la section centrale contre l'article sont extraordinairement saillants. Comment ! vous voulez, par l'abaissement du péage sur les canaux, vous voulez accorder un avantage à l'importation des produits étrangers en concurrence avec nos propres produits ; vous faites donc une véritable guerre à vos matières premières. Des laines arrivent de l'étranger ; la Belgique ne produit-elle pas des laines ? Des huiles arrivent de l'étranger ; mais, encore une fois, la Belgique ne produit-elle pas des huiles ?
Vous voyez donc bien, messieurs, que vous allez favoriser les produits étrangers au détriment de vos matières premières, des produits de votre sol. Ne serait-ce pas vouloir, par le second paragraphe, le contraire de ce que vous aurez voulu et décidé par le premier ? Que veut le premier paragraphe ? Favoriser l'exportation de nos produits. Que veut le second paragraphe ? Mettre les matières premières du pays, les produits de notre sol dans une situation moins favorable que les mêmes produits venant de l'étranger. Voilà donc bien deux dispositions qui sont diamétralement opposées l’une à l’autre.
Messieurs, je ne vois absolument aucune utilité à voter le second paragraphe. En ce qui concerne la houille, on dit qu'on n'en transporte pas aujourd'hui en Hollande, de manière qu'en diminuant les frais du transport, on augmentera les exportations, et le trésor recevra quelque chose ; ici, au moins, il y a utilité, mais rien de semblable n'existe quant à l'autre point, Si, dans ce cas, vous accordiez une réduction, ce serait une perte réelle que vous feriez, un sacrifice sans aucun motif. Voilà ce qui a frappé la section centrale, et les raisons qu'elle a fait valoir, à l'appui du rejet du second paragraphe, sont corroborées par les puissantes considérations que l'honorable M. de La Coste a présentées tout à l'heure.
Je voterai donc contre ce second paragraphe de la loi.
M. Rogier. - Messieurs, je vois avec grand plaisir, dans le rapport qui a été présenté par M. le ministre de l'intérieur, qu'il professe les principes que je me suis toujours plu à professer, principes qui consistent à faire transporter à bon compte les objets qui se rapportent à l'industrie du pays, soit comme matières premières, soit comme produits même de l'industrie. Le rapport de M. le ministre de l'intérieur est, à mon avis, le meilleur mémoire justificatif qui ait été publié en faveur de la réduction des péages sur le chemin de fer.
Du reste, ce qu'on demande aujourd'hui pour les canaux n'est que l'application des principes qui, en dernier lieu, ont été adoptés par M. le ministre des travaux publics sur le chemin de fer.
En effet, nous avons vu que, par arrêté ministériel du 21 avril, M. le ministre des travaux publics a cru devoir accorder une réduction considérable à certains produits indigènes destinés à l'exportation, et à certaines matières premières exotiques destinées à l'industrie du pays. C'est aussi à ces deux catégories de produits que l'on propose d'accorder une réduction sur les canaux, cette autre voie de transport.
Pour mon compte, je donnerai mon approbation aux deux paragraphes du projet du gouvernement. Je dois dire cependant que, dans mon opinion, la proposition est incomplète et qu'elle présente même une sorte d'inconséquence.
Le gouvernement demande de pouvoir accorder une réduction de péages aux matières premières servant à l'industrie nationale ; mais je demanderai pourquoi on n'accorderait pas cette même réduction aux matières premières indigènes servant à l'industrie nationale ? Sous ce rapport, je ne puis que me rallier aux observations qui ont été présentées par deux honorables préopinants.
Comment se fait-il que la houille destinée à l'exportation, à alimenter l'industrie étrangère, soit transportée à meilleur compte que celle destinée à alimenter l'industrie nationale. La houille est le principal agent moteur de l'industrie. Une des premières conditions de la prospérité de notre industrie, le moyen de lui permettre de concourir avec l’industrie étrangère, soit sur les marchés de l'intérieur, soit sur les marchés étrangers, c'est de lui procurer la houille à bon compte. Je ne vois pas pourquoi la houille destinée à l'industrie indigène serait grevée de péages plus élevés que la houille destinée à l'industrie exotique.
Je viens de dire que le principe du projet concernant les canaux s'applique également au chemin de fer. Eh bien, la laine de Tirlemont, quand elle devra servir à la fabrication de Verviers, paiera des droits plus élevés par le chemin de fer que quand elle sera destinée à la fabrication d'Eupen. Pourquoi accorder cette faveur à l'industrie exotique ? Pourquoi la matière première destinée à l'industrie indigène ne jouirait-elle pas de la même faveur que celle destinée à l'industrie exotique ? Sous ce rapport, on devrait compléter l'art. 2 et dire : « Le gouvernement est autorisé à réduire les péages sur les matières premières exotiques et indigènes servant à la fabrication indigène. » Certainement jamais je ne me plaindrai des faveurs accordées à l'exportation des matières premières indigènes, mais cependant je ne veux pas que ce soit à ce point d'en augmenter le prix sur les marchés du pays.
Si l'on ne veut pas protéger exclusivement, par une réduction de péage, la fabrication indigène, il faudrait au moins maintenir sous ce rapport l'égalité entre elle et la fabrication étrangère.
Je ne proposerai pas d'amendement, parce que je ne sais pas si cela convient au gouvernement, je me borne à faire cette observation. Je crois qu'on sera amené forcément à accorder à la matière première, destinée à la fabrication indigène, la même faveur qu'à celle destinée à la fabrication étrangère. Ainsi la houille transportée par le chemin de fer à St-Trond ou à Tirlemont ne doit pas payer plus que la houille destinée an premier village de la frontière hollandaise. Vous avez, dans la province d'Anvers, le village de Putte qui est moitié hollandais, moitié belge. La houille destinée à la partie belge serait soumise à un péage plus élevé que la houille destinée à la partie hollandaise du village. Cela n'est pas juste. Il faudrait mettre les deux parties du village sur la même ligne.
Un membre. - Il y a le droit d'entrée en Hollande.
M. Rogier. - Ce droit pourrait être supprimé par la Hollande, et alors la partie hollandaise serait favorisée. Si c'est une prime d'exportation qu'on entend donner indirectement, c'est différent ; si on vent compenser le droit d'entrée qu'on paie en Hollande, c'est autre chose. Je ne sais pas si ce droit est de 4 fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il est de 2 florins.
M. Rogier. - Messieurs, par l'application de la nouvelle loi aux canaux et rivières, les houilles du bassin du Hainaut vont être transportées à meilleur compte sur le marché hollandais. Je suis très favorable à cette mesure ; mais c'est à une condition que les houilles d'un autre bassin n'aient pas à en souffrir, ne se trouvent pas exclues des marchés hollandais par suite de cette faveur accordée au bassin du Hainaut. Il faut qu'il demeure bien entendu que si les houilles du Hainaut ont un avantage sur nos canaux afin d'entrer plus facilement en Hollande, les houilles de Liége jouiront de la même faveur, non seulement par la voie d'eau, mais aussi par la voie de fer.
Ainsi, quand le chemin de fer a été créé, il a eu, surtout en ce qui concerne la province de Liége, pour but d'amener ses houilles sur le marché de Louvain, de Malines et d'Anvers. Je crois qu'il faut mettre les bassins de Liége en mesure de lutter sur le marché d'Anvers avec les houilles du Hainaut. Il importe que cette concurrence existe même ailleurs que sur le marché d'Anvers. Il importe que la houille se vende à bon compte dans tout le pays.
On dit qu'il y a encombrement. Il est certain cependant que cette matière première si précieuse pour toutes les industries et toutes les familles, est à un prix très élevé, et il serait à désirer que ce prix diminuât. En favorisant l'exportation, on augmente l'extraction, et par suite l'on peut amener une réduction dans les prix. Cependant ce résultat ne me paraît pas, quant à présent, probable.
Je crois donc, et sous ce rapport je m'en remets à la sagesse du gouvernement, je crois qu'il faut que les choses s'arrangent de manière que les houilles de Liége ne soient pas repoussées des marchés hollandais par les houilles du Hainaut, et que les houilles des deux bassins puissent se faire, dans le pays même, une concurrence qui sera favorable à tous les intérêts. Je suis loin de demander une faveur pour les houilles de Liége ; je demande seulement qu'il y ait nivellement dans les prix de transport,
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, c'est sur ma proposition que la chambre a, il y a quelques années, fait rentrer dans le domaine public les canaux et rivières dont l’administration avait été confiée aux provinces. En faisant cette proposition, j'étais préoccupé d'une idée : j'avais été frappé des anomalies que présentent les tarifs des péages, c'est à ce point qu'on peut dire que véritablement il n'y a pas ici égalité devant la loi. On ne pouvait faire cesser ces anomalies qu'en faisant rentrer les canaux et rivières dans le domaine public. Le gouvernement seul pouvait se charger de la révision des tarifs. Ce que nous faisons aujourd'hui est un premier pas.
Si les canaux et rivières étaient restés confiés aux provinces, d'abord les provinces n'auraient pas été dominées par des considérations d'intérêt général. En second lieu, il aurait fallu établir un accord entre les provinces pour arriver à des bases communes de perception de péages. Voilà comment la mesure que nous ébauchons aujourd’hui se rattache à une autre grande mesure qui a été prise, il y a quelques années. La proposition actuelle est une proposition partielle très incomplète, nous en convenons, mais c'est tout ce que nous pouvions demander dans le moment actuel. La question n'est pas suffisamment instruite. L'instruction commence seulement. Il fallait faire imprimer tous les tarifs de péages. Sans ces pièces, il eût été impossible aux membres de la chambre et aux chambres de commerce, en un mot à tous ceux qui s'occupent de la question des frais de transport, de cette question si importante dans le mouvement commercial et industriel, il leur eût été impossible de l'étudier. Aujourd'hui, on le peut, au moyen du recueil imprimé.
La mesure n'est et ne pouvait être que partielle. Nous venons le résultat. Nous reconnaissons que la mesure étant partielle présente des inconvénients qu'on peut même aller jusqu'à lui reprocher des injustices dans l'application. C'est là le caractère de tout ce qui est provisoire, de tout ce qui n'est qu'essai. Le gouvernement aussi doit tenir compte d'une nécessité. Il ne faut pas que, par une mesure générale, bien qu'avantageuse, il compromette les recettes du trésor. C'est pour cela qu'on ne vous a proposé qu'une mesure incomplète. Il a fallu mettre une limité dans le projet et ajourner certaines réclamations, certaines prétentions, fussent-elles mêmes justes, je vais jusque-là ; c'est la situation financière du pays qui lui en fait la loi.
Mes honorables collègues et moi avons toujours été d'accord avec l'honorable préopinant sur les principes qui doivent dominer la fixation de tous les tarifs de péages soit pour les chemins de fer soit pour les canaux et rivières. Ces principes, je les ai développés dans le travail que vous connaissez, et j'ai eu soin d'indiquer la limite de ce principe. C'est qu'il faut chercher à augmenter le mouvement sans diminuer la recette totale. C'est là ce qu'exige notre situation financière. On n'est pas toujours parvenu à concilier ces deux intérêts. On procède quelquefois par tâtonnement. En un mot, le problème doit être posé comme je l'ai posé à la page 16 de mon rapport : « Augmenter le mouvement sans diminuer la recette totale, tel est le problème. Il y a un point qu'il faut saisir et qu'on ne découvre quelquefois qu'à la suite de tâtonnements, point où le mouvement augmente sans diminuer le total des recettes. »
C'est là ce que nous devons chercher, Nous sommes entièrement d'accord avec l'honorable membre. Il arrive même que l'on peut, à l'aide de réductions sagement calculées, augmenter à la fois et le mouvement, quant au transport, et la recette.
C'est là la solution avec tous les avantages possibles. Je crois que le moyen le plus complet, le plus rationnel, serait de faire ce qu'a proposé M. Delfosse, au nom de M. David. Mais il serait impossible de prendre une mesure de ce genre. Le gouvernement, en présence de notre position financière, ne peut en prendre la responsabilité.
Nous demandons que la proposition soit votée, telle qu’elle a été présentée. Nous n'en dissimulons pas les côtés faibles. Mais je le répète, c'est une mesure partielle et provisoire.
M. Osy. – Par arrêté du premier septembre 1840, on a réduit le péage sur la Sambre de 10 centimes le tonneau par lieue de parcours, ce qui nous a procuré pendant les deux semestres de 1841 un excédant de recette, seulement pour les trois objets principaux d'exportation : les ardoises, le charbon de terre et le fer de fonte ; une somme de fr. 25,000, ou plus de 17 p. c.
Mais si vous comparez maintenant le bénéfice que le pays retire par cet abaissement de tarif, vous verrez que nos exportations ont considérablement augmenté, et que pendant l’année du premier septembre 1840 au 31 août 1841, on a expédié en plus que dans la même époque du 1er septembre 1839 au 31 août 1840 :
273 p. c. de plus en ardoises ;
81 1/2 p. c. de plus en charbons ;
plus de 200 de plus en fer de fonte.
Le trésor a donc gagné, les exploitants et industriels ont considérablement augmenté leurs débouchés ; beaucoup plus de bras auront été occupés, la navigation intérieure a été beaucoup plus active, ce qui aura encore donné un second bénéfice au gouvernement pour le droit de patente et les autres impôts indirects.
Je crois que ceci répond victorieusement aux assertions faites hier par l'honorable M. Dumortier, et je pense que s'il avait lu avec attention le rapport de M. le ministre, il aurait joint ses efforts aux nôtres pour engager le ministre, après lui avoir accordé la loi maintenant en discussion, de prendre des mesures en abaissant le taux de transport par canaux et rivières, de mettre bien en concordance les tarifs à établir sur les canaux du Hainaut avec celui de la ligne de navigation de la province de Liége et les transports par le chemin de fer, pour qu'aucune partie du pays n'ait une préférence sur l'autre, et que tous puissent lutter pour tâcher d'augmenter nos exportations, sans se nuire réciproquement.
Comme ce n'est que par un essai qu'on pourra connaître exactement ce qu'il faut faire à ce sujet, j’accorde avec plaisir au gouvernement le projet de loi proposé, et je trouve que nous devons laisser cette loi en vigueur, soit jusqu'au 31 mars 1843, ou jusqu'au 31 décembre 1843 ; mais je ne puis me rallier à la nouvelle proposition de M. le ministre, d'accorder cette faculté jusqu'au 30 juin 1843.
En accordant l'époque du 31 mars, le gouvernement sera obligé de nous présenter un projet de loi définitif des péages dans la session prochaine, qui ne pourra pas être aussi longue que celle de cette année, à cause des élections pour la moitié de la chambre, au mois de juin.
En accordant, comme le demande le ministre jusqu'au 30 juin, il est à craindre que la session prochaine se terminera sans la présentation de la loi, et alors, à partir du 30 juin, il faudra rétablir les anciens péages ; si on ne contribue pas par la diminution pendant un an à faire du bien au trésor et à nos exportations, nous verrons ralentir ce bien-être jusqu'à l'adoption de la loi pendant la session de 1843 à 1844. Je propose donc de rejeter la proposition ministérielle ; mais si on n'acceptait pas l'époque proposée par la section centrale, de se rallier à la proposition faite par ma section, d'accorder cette faculté jusqu'au 31 décembre 1843, je me réserve de faire un amendement à ce sujet si la proposition de la section centrale était rejetée.
Il me reste à vous faire un résumé du bien-être qu'a produit l'arrêté du 17 juillet 1841, et vous verrez que, pendant le deuxième semestre, les exportations ont augmenté de 15 millions de kil. de houille, en comparaison du premier semestre de la même année 1841, et de 28 millions de k. de plus que pendant les trois semestres du 1er janvier 1839 au 1er juillet 1840. L'ordonnance du 17 juillet n'étant que pour augmenter les exportations de houille vers la Hollande, il ne faudra pas oublier maintenant l'art. 1er.
Comme je pense que nous ne devons pas avoir de craintes de voir de sitôt épuisés nos houillères, je crois très contraire de voir rétablir un droit d'exportation, et certainement, je ne voudrais pas dans ceci imiter l'exemple de l'Angleterre, qui a raison d'augmenter ses droits d'exportations parce qu'elle aura encore des grands avantages sur nous, et pourra nonobstant cela, lutter avec la Belgique, ses frais de transport par mer étant beaucoup moins coûteux que nos transports intérieurs, nonobstant les dégrèvements raisonnables que nous aurons à attendre de la loi en discussion.
J'aurais désiré voir adopter la seconde partie du projet, mais je dois regretter que les informations du gouvernement à la section centrale laissent trop à désirer pour pouvoir lui accorder l'autorisation demandée. Certainement, comme l'a dit l'honorable M. Delehaye, il faudrait que les matières premières pour nos fabriques soient également soulagées par des droits modérées de navigation intérieure ; mais je crois qu'il n'y a pas de périls en la demeure d'attendre un an, parce que Gand pour ses besoins de coton, sucre, etc., les tire presque tous par les arrivages directs à Anvers, ou si elle fait des achats en Angleterre ou au Havre, ses importations se font principalement par le port d'Ostende, où il y a maintenant une navigation régulière à vapeur par pavillon belge. Cependant si M. le ministre pouvait nous donner quelques renseignements exacts sur les arrivages par le canal de Terneuse, je ne serais pas éloigné d'autoriser le gouvernement à faire quelques réductions par cette voie sur les matières premières.
Mais je crois pouvoir dire, que si, en 1840 et 1841 les négociants de Gand ont reçu directement des navires d'Amérique avec des cotons et de la Havane avec des sucres, ces arrivages seront presque nuls en 1842 : les fabricants de Gand préféreront, d'après l'expérience des années antérieures, faire leurs achats sur un grand marché, comme Anvers, où ils trouvent toutes les facilités possibles, et je pense que, par les bas prix de toutes les marchandises d'importation, ils achèteront cette année à plus bas prix à Anvers qu'aux sources de productions : c'est vous dire en passant que l'année commerciale est bien mauvaise et que les importateurs font de grandes pertes ; aussi, est il plus que temps que nous pensions à tous les intérêts matériels du pays, et si nous prenons des mesures maintenant pour faciliter les exportations de nos produits, nous devons faciliter les arrivages directs, en accordant des faveurs raisonnables à notre pavillon et à notre commerce avec les pays de production, et j'espère que l'honorable M.de Foere, à notre rentrée, pourra nous proposer un projet de loi et que nous pourrons le discuter avant la session de 1843. J'espère aussi qu'à notre rentrée nous aurons le rapport sur la loi des sucres, article qui intéresse tant notre industrie et notre navigation ; je ne puis assez engager notre section centrale à s'en occuper pendant notre ajournement.
On a aussi parlé de ce que la navigation à vapeur s'alimente de houille étrangère ; mais je dirai que comme les houilles belges reviennent trop cher à Anvers, à cause des trop forts péages des canaux. Il est à espérer qu'on voudra, dans le projet de loi, comprendre les houilles pour alimenter cette navigation, et si alors on peut acheter à aussi bon compte que les houilles étrangères, soyez persuadé que la société anversoise est assez nationale pour employer de préférence des produits belges.
M. de Mérode. - La faculté que demande le gouvernement ne doit être exercée qu'autant qu'elle ne portera ni directement ni indirectement aucun préjudice aux intérêts du trésor public. Il ne peut donc être question de réduire les droits de navigation que pour les charbons que l'on essaierait d'exporter en Hollande ; car les objets qui concernent le second paragraphe ne seront dégrevés de frais de transport qu'en nuisant au revenu de l'Etat. Or, il y a un moment, l'honorable M. d'Hoffschmidt vient de vous rappeler les sommes énormes que coûtera encore le chemin de fer vers la Prusse. Si le gouvernement est autorisé à toute espèce de réductions dans les recettes, il doit l'être aussi à faire pleuvoir des cailloux d'or et d'argent qui rempliront les déficits de nos finances. Je voudrais, messieurs, que la chambre pût donner largement au commerce et à l'industrie et ne rien prendre aux contribuables. Malheureusement elle n'a pas cette toute puissance, et quelle que soit la gêne des exploitations privées, leur souffrance ne sera jamais, dans mon opinion, aussi nuisibles au pays que la ruineuse situation financière, qu'on nous prépare, de l'Etat.
Je ne voterai donc que pour le premier paragraphe du projet.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je dois répondre à l'honorable M. Osy, qui a parlé du canal de Terneuzen. Il faut distinguer entre la navigation intérieure et la navigation maritime. Pour la navigation maritime, nous avons soutenu qu'aucun péage n'est dû. La Hollande, malgré le traité, à tort selon nous, perçoit un péage sur le canal de Terneuzen. Mais pour la navigation intérieure, nous ne percevons rien.
Il résulte de là que pour les laines qui viennent par mer les navires ont payé 1 fl. 50 pour la partie qu'on emprunte à l'Escaut. Ils se dirigent sur Gand, après avoir payé le droit que perçoit, indûment selon nous, la Hollande sur la partie du canal de Terneuze, qui lui appartient. Mais on ne paye rien sur la partie du canal qui appartient à la Belgique.
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
La chambre passe au § 1er de l'art. unique du projet.
M. Delehaye. - Le gouvernement a proposé un n° 2 dont la section centrale propose la suppression. Je suppose qu'il le maintient. Sans doute il ne faut pas accorder des avantages aux produits exotiques qui sont en concurrence avec les nôtres, par exemple, aux laines dans l'intérêt de notre industrie, aux huiles de baleines dans l'intérêt de notre industrie et de l'hygiène publique. Mais pour les cotons, par exemple, que nous faisons venir de France ou d'Angleterre et pour lesquels nous avons des frais de commission, de chargement et de déchargement considérables, il est certain que, dans l'intérêt de notre commerce, il faut accorder une réduction sur les péages.
Je dois ajouter un mot sur ce qu'a dit M. le ministre relativement au canal de Terneuzen. Je pense qu'il considère comme fondée la réclamation du commerce de Gand, et que le gouvernement persiste dans son opinion à ce sujet.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Assurément.
M. Delehaye. – Fort bien.
M. Dumortier. - Mon honorable collègue est d'accord avec moi, qu'il n'y aurait aucun avantage à accorder des facilités pour réduire les droits sur les laines et sur l'huile de baleine. Mais, dit-il, il faut qu'on puisse accorder des facilités pour les cotons. Ma réponse sera facile. Par quelle voie les cotons arrivent-ils à Gand ? Par Anvers, ou par le canal de Terneuzen. Par Anvers, il n'y a pas de droits ; ainsi il n'y a rien à rendre. Par le canal de Terneuzen, il n'y a pas de droits ; ainsi il n'y a rien à rendre. La disposition du projet ne peut donc pas s'appliquer à cet article.
Si quelques balles de coton arrivent dans le pays par une autre voie, si dix ou douze balles de coton se trouvent à bord d'un navire, faut-il que, pour cela, le gouvernement soit autorisé à réduire les péages ? Evidemment non. Un dégrèvement ne peut avoir lieu que pour un chargement complet.
L'honorable membre reconnaît lui-même que pour les laines et pour l'huile de baleine, il n'y a pas lieu à appliquer, la disposition. Pour le surplus, son système ne tient pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il faut mettre l'article aux voix par paragraphe.
M. le président**.** - En ce cas, je vais mettre aux voix le 1er § ; il est ainsi conçu :
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à réduire les péages des canaux et rivières, perçus au profit de l'Etat :
« 1° Sur les productions du sol ou de l'industrie qui sont exportées. »
M. Osy. - Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il comprend dans sa proposition les charbons qui seront employés par les bateaux à vapeur naviguant entre Anvers et Londres ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ces charbons peuvent être considérés comme des charbons exportés, puisqu'on les consomme dans le trajet entre Anvers et Londres. C'est là une véritable exportation.
- Le § est adopté.
M. le président**.** -. - Le § 2 est ainsi conçu :
« 2° Sur les matières premières exotiques servant à l'industrie nationale. "
M. Cogels. - Messieurs, j'adopterai le projet du gouvernement, parce que je crois qu'effectivement il sera très utile aux intérêts de notre industrie d'accorder des réductions sur les péages, dans plusieurs circonstances qu'il serait difficile de préciser en ce moment ; je pense d'ailleurs que le gouvernement n'aura aucun intérêt à abuser de cette faculté.
Quant aux observations que vous a présentées tout à l'heure l'honorable M. Delehaye, je crois devoir rectifier quelques erreurs qu'il a commises en parlant des cotons. Il vous a dit que nous ne pouvions pas les aller chercher maintenant aux lieux de production parce que nous n'avions pas de droits différentiels. Messieurs, les droits différentiels n'exerceraient aucune influence sur' les cotons par la raison bien simple, qu'ils ne sont soumis qu'à un droit assez insignifiant. Les droits différentiels seraient plutôt nuisibles que favorables dans cette circonstance.
Messieurs, les cotons nous arrivent généralement des lieux de production ; ils nous viennent des Etats-Unis par cargaisons entières, et si nos fabricants les ont quelquefois été chercher dans les entrepôts d'Europe, c'est parce que cela était favorable à leurs intérêts ; c'est que, par suite d'opérations imprudentes de la part des négociants des Etats-Unis, il est arrivé, après la crise de 1837, que les cotons ont été souvent à meilleur marché au Havre et à Liverpool que sur les lieux de production même.
Lorsque j'ai demandé la parole en premier lieu, c'était pour répondre au vœu émis par un de mes honorables collègues qui siège à côté de moi. Il a émis le vœu que votre section centrale s'occupât de l'examen du projet de loi sur les sucres pendant la vacance de la chambre, pour qu'elle fût en état de présenter son rapport à la rentrée.
Messieurs, la section centrale s'est occupée de cette question très grave avec toute l'activité, mais aussi avec toute la maturité qu'elle réclamait. Car vous concevez qu'il y a ici plusieurs intérêts fort difficiles à concilier. Je crois devoir dire à la chambre qu'aujourd'hui encore, elle s'en est occupée aussi longtemps qu'elle l'a pu ; qu'elle s'en occupera encore demain, et qu'il est probable et même presque certain qu'à la rentrée de la chambre, l'honorable M. Mercier pourra vous présenter son rapport.
M. Delehaye**.** - Messieurs, je dois répondre deux mots à ce qu'a dit l'honorable M. Cogels. En parlant de l'importation des cotons, je n'ai seulement pas eu en vue la ville de Gand, mais j'ai pensé que du moment où le gouvernement l'avait comprise dans le projet, il fallait que la mesure fût applicable aux quelques autres localités qui reçoivent des cotons.
Maintenant, quant aux lieux de provenance, je sais qu'une partie des cotons employés à Gand ont été achetés sur les marchés français, et principalement au Havre, où de fortes quantités ont été introduites.
Messieurs, ce n'est pas le moment de nous occuper des droits différentiels. Je sais que ces droits ne sont pas applicables pour le moment aux cotons ; mais je crois que si vous aviez établi plus tôt des droits différentiels, vous auriez pu vous créer une marine marchande qui nous procurerait aujourd'hui à plus bas frais les matières premières dont notre industrie a besoin.
- Le 2° est mis aux voix et adopté.
M. le président**.** -. - Le dernier § est ainsi conçu :
« Les pouvoirs qui résultent de cette disposition cesseront (au 31 décembre 1842), s'ils ne sont renouvelés avant cette époque, et, en cas de non-renouvellement, les anciens tarifs reprendront leur cours de plein droit, à la même époque, quand même aucun terme n'aurait été indiqué dans les mesures prises par le gouvernement. »
La section centrale propose de substituer à la date du 31 décembre 1842 celle du 31 mars 1843.
M. le ministre de l'intérieur a proposé la date du 1er juillet 1843.
M. Osy a déposé un amendement par lequel il propose la date du 31 décembre 1843.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je me rallie à l'amendement de l'honorable M. Osy. Je dois reconnaître la justesse de ses observations. Le 1er juillet est une époque assez mal choisie l'année prochaine, où la session devra probablement, à cause des élections, être close en avril.
M. Dumortier. - Je renouvellerai l'observation que j'ai faite tout à l'heure. Si vous admettez la date du 31 décembre, vous serez dans l'impossibilité de rien décider pour cette époque.
Vous vous réunissez le 15 novembre ; jusqu'au 31 décembre vous n'avez que six semaines, et dans ces six semaines, vous devez vérifier les pouvoirs, voter l'adresse, discuter les budgets. Quand donc aurez-vous le temps de discuter une pareille question ? C'est dire à l'avance que vous ne la discuterez pas.
M. Coghen. – Messieurs, la section centrale avait proposé la date du 31 mars ; mais je crois que, dans l'intérêt de l’expérience à faire, il convient de proroger le délai et d'adopter la date du 31 décembre.
Cette année nous allons avoir le chômage des canaux, et pendant ce temps, il n'y aura pas d'essai possible. Viendra ensuite l'hiver, et jusqu'au mois de mars la navigation sera interrompue. Nous n'aurons donc pas eu d'essai.
D'un autre côté, un honorable membre nous a fait observer qu'il y aurait peut-être impossibilité de discuter avant le premier juillet sur l'effet de la nouvelle loi, parce que la session devra se terminer de bonne heure, à cause des élections.
Si, au contraire, nous adoptons la date du 31 décembre, nous aurons l'expérience acquise pendant 18 mois, et nous pourrons nous prononcer avec maturité sur le projet à intervenir.
M. Osy. - Messieurs, je dois ajouter à ce que vient de dire l'honorable M. Coghen que, si au 31 décembre nous n'avions pas voté une nouvelle loi, il n'y aurait pas grand mal, parce que certainement pendant le mois de janvier, on pourrait la discuter, Il n'y aurait, d'ailleurs, aucun inconvénient à ce que les anciens tarifs fussent rétablis pendant quelque temps, parce que, à cette époque, il n'y a pas de navigation.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Dire le 31 décembre 1843, c'est dire le 1er avril 1844. Car nous avons trois mois d'hiver pendant lesquels il n'y a pas de navigation.
- La date du 31 décembre 1843 est mise aux voix ; elle est adoptée.
Le paragraphe, ainsi que l'ensemble de l'article, sont adoptés.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
58 membres prennent part au vote.
54 adoptent le projet.
4 s'abstiennent.
Ont voté pour le projet :
MM. de La Coste, Cogels, Coghen, Cools, de Baillet, de Behr, Delehaye, Delfosse, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Devaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, B. Dubus, Dumont, Duvivier, Fleussu, Hye-Hoys, Huveners, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau. LeJeune, Lys, Maertens, Malon, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Nothomb, Osy, Peeters, Pirmez, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rogier, Scheyven, Sigart, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vanden Eynde, Van Hoobrouck, Van Volxem, Wallaert et Zoude.
Se sont abstenus : MM. Doignon, Dumortier, Eloy de Burdinne et Orts.
MM. les membres qui se sont abstenus sont appelés à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Doignon. - Messieurs, je voulais bien de la première disposition qui a été adoptée à l'unanimité par la section centrale, mais je ne pouvais donner mon assentiment à la deuxième disposition qui a été rejetée par la même section.
M. Dumortier. - J'ai déclaré que je ne m'opposerais pas au 1er § relatif à l'exportation de nos houilles ; quant au 2ème § on n'a pas dit quelles seraient les marchandises venant de l'étranger que l'on pourrait introduire par chargements complets, et comme il ne s'agit pas de donner l'autorisation pour 1/8, pour 1/16, pour 1/32 de chargement, j'ai cru que la mesure était absolument impossible à exécuter. Or, comme je n'ai pas l'habitude de voter des impossibilités, je me suis abstenu.
M. Eloy de Burdinne. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que l'honorable M. Dumortier. J'ajouterai toujours que je suis très disposé à voter des réductions d'impôt lorsque la situation du trésor le permet, mais je ne pense pas qu'il en soit ainsi dans ce moment.
M. Orts. -Je me suis abstenu parce que je n'ai pas pu assister à la discussion.
M. le président**.** -. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi concernant le bétail. L'article unique de ce projet est ainsi conçu :
« La loi du 31 décembre 1835 sur le bétail (Journal officiel, n° 2) est rendue applicable à la partie de la frontière de la province de Liége vers le duché de Limbourg, qui s'étend de la Meuse inclusivement jusqu'au territoire prussien au-delà de Gemmenich.»
- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet. .
56 membres prennent part au vote.
48 adoptent.
8 rejettent.
En conséquence le projet est adopté.
Ont voté l'adoption : MM. de La Coste, Cogels, Coghen, Cools, Delehaye, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Devaux, d'Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Donny, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Henot, Huveners, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Nothomb,Orts, Osy, Peeters, Puissant, Scheyven, Simons, Smits, Trentesaux, Van Cutsem, Vandenbossche, Vanden Eynde, Van Volxem, Wallaert et Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Delfosse, Fleussu, Pirmez, Raikem, Raymaeckers, Sigart, Troye et de Behr.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - Messieurs, le conseil provincial du Hainaut, dans sa dernière session, avait pris une résolution au sujet de la sonnerie des cloches ; le Roi, usant du droit qui lui est conféré, a suspendu indéfiniment l'exécution de cette résolution, parce que le gouvernement a pensé que le conseil provincial était sorti de ses attributions. Aux termes de la loi provinciale, un projet de loi devrait être présenté à cet égard dans la première session des chambres. C'est ce projet que le Roi m'a chargé de vous apporter, je vais vous en donner lecture.
- M. le ministre donne lecture de l'arrêté royal qui l'autorise à présenter ce projet et de l'article unique du projet lui-même, qui est ainsi conçu :
« La délibération du conseil provincial du Hainaut, en date du 15 juillet 1841, relative à la sonnerie des cloches, est annulée. »
La chambre ordonne l'impression et la distribution du projet et le renvoie à l'examen des sections.
AJOURNEMENT DE LA SESSION
M. le président. - La chambre, est-elle d'avis de se réunir demain.
Plusieurs membres. - Non, non ; l'ajournement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il me paraît être dans les intentions de la chambre de cesser au moins momentanément ses travaux ; il faudra alors se contenter d'un ajournement indéfini. Nous ne savons pas si le sénat ne nous renverra pas, avec des amendements, l'un ou l'autre des projets urgents que nous lui avons transmis ; en deuxième lieu, vous n'ignorez pas, messieurs, quelle est la question qui inquiète en ce moment le gouvernement et le pays ; nous ne pouvons donc pas nous prononcer en ce moment sur la durée de l'ajournement, mais le gouvernement fer tout ce qui lui sera possible pour faire cesser au plus tôt toute incertitude à cet égard.
- La chambre s'ajourne indéfiniment.
La séance est levée à 5 heures et demie.