(Moniteur belge n°167, du 16 juin 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. Kervyn fait l'appel nominal à midi et quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Kervyn présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Jean Mengelkock, boulanger à Arlon, né à Gillenfeld (Prusse), le 31 décembre 1841, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Roulleau, sergent au 8e régiment d'infanterie, renouvelle sa demande en naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
« Le sieur Cochen, secrétaire des communes d'Onnezies et d'Angreau, demande que des dispositions de nature à améliorer la position des secrétaires communaux soient introduites dans les projets de loi modifiant la loi communale. »
« Même demande du sieur Martin, secrétaire de la commune de Bellefontaine. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des projets, et ensuite renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
« Les exploitants des houillères au couchant de Mons demandent que la chambre adopte le plus tôt possible le projet de loi concernant les péages sur les canaux et les rivières. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.
« Des bateliers demeurant à Stekene réclament l'intervention de la chambre pour obtenir le curage et le creusement du canal de Stekene. »
M. Cools. - Je demanderai que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport sur cette pétition. Je n'avais pas connaissance de cette pétition ; mais je connais assez les faits pour assurer que ce canal demande d'être immédiatement curé. Pendant une partie de l'été il est complètement impraticable.
- Le renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport, est adopté.
« Les habitants d'un quartier d'outre-Meuse et du faubourg d'Amercoeur de la ville de Liége demandent que la chambre alloue au département des travaux publics les fonds nécessaires à la déviation de la Meuse, en amont du pont de la Boverie. »
M. Raikem. - Messieurs, je demanderai le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport. En même temps, j'appellerai l'attention de M. le ministre des travaux publics sur l'objet de cette pétition. On y demande la déviation de la Meuse, qui véritablement est une nécessité. Plus on tardera de s'occuper de cet objet, et plus il en résultera de maux.
Je ne sais pas à quoi en est maintenant l'instruction que M. le ministre des travaux publics avait fait faire sur cet objet ; j'espère qu'il voudra bien nous donner quelques explications sur ce point, afin qu'on puisse être rassuré à cet égard.
Messieurs, je n'entrerai pas dans des détails, parce que naturellement cet objet n'est pas à l'ordre du jour. Mais les motifs qui sont exposés par les pétitionnaires et qui sont connus dans la localité établissent que si on tarde trop longtemps à s'occuper de cet objet, les plus grands maux pourront en résulter ; dans le cas où il surviendrait de grandes eaux, non seulement les propriétés, mais les personnes seraient exposées. D'ailleurs des malheurs sont déjà arrivés sur cette partie que parcourt la Meuse. Ces malheurs out été signalés par les journaux ; et je crois, messieurs, qu'il est encore plus intéressant de prévenir les accidents qui peuvent arriver aux personnes que ceux qui peuvent arriver aux propriétés.
J'espère donc que M. le ministre emploiera tous ses efforts pour accélérer cette déviation de la Meuse qui, comme je l'ai dit, est une véritable nécessité.
M. Delfosse. - J'appuie les observations de l'honorable M. Raikem ; je vous les avais déjà présentées dans une autre circonstance. M. le ministre des travaux publics nous avait promis alors de s'occuper activement de cette affaire ; il a commencé à tenir sa promesse ; j'espère qu'il ne s'en tiendra pas là.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Comme vient de le rappeler l'honorable M. Delfosse, j'avais déjà fait connaître à la chambre dans une autre occasion, qu'après avoir visité les lieux, j'avais dû reconnaître que cette déviation de la Meuse était nécessaire ; mais qu'il s'agissait là d'une question financière ; qu'il fallait faire des études, et examiner jusqu'à quel point le gouvernement pourrait entreprendre cet ouvrage à raison de la question de finances.
Maintenant ces études sont terminées, et le rapport de l'ingénieur qui a été chargé de ce travail, est soumis à l'examen du conseil des ponts et chaussées. Aussitôt que le conseil aura fait son rapport, je serai à même de prendre une décision.
M. Raikem. - Je n'ai qu'un mot à dire. Je ferai observer que si dans une autre circonstance, notamment lors de la discussion du budget des travaux publics, je n'ai pas insisté sur la nécessité de la déviation de la Meuse, c'est, messieurs, parce que, par suite d'un accident qui m'était arrivé, il m'a été impossible pendant quelque temps d'assister à vos travaux ; sans cela, messieurs, j'aurais joint mes instances à celles de mes collègues pour tâcher d'obtenir cette déviation.
M. le ministre des travaux publics nous a dit que les études étaient maintenant achevées, qu'elles étaient soumises au corps des ponts et chaussées. J'espère qu'ou ne se bornera pas à une simple étude ; j'ai toute confiance à cet égard dans M. le ministre des travaux publics, et j’espère, comme le demandent les pétitionnaires, qu'il s'empressera, aussitôt que la chose sera possible, de présenter une demande de crédit pour effectuer un ouvrage qui, comme je l'ai dit, est de toute nécessité.
M. Lejeune. - Messieurs, votre commission, nommée hier à la fin de la séance, m'a chargé de vous présenter un rapport verbal sur le projet de loi déposé, dans votre dernière séance, par M. le ministre de l'intérieur, et ayant pour objet la prorogation du délai pour la révision des règlements provinciaux sur les chemins vicinaux.
Votre commission, messieurs, vous propose, à l'unanimité des suffrages, l'adoption pure et simple de ce projet. Elle le trouve suffisamment justifié par l'expose des motifs. En effet, il y a plusieurs règlements provisoires qui ne datent que de l'année courante ; celui de Liège, par exemple, du 7 février ; celui de la Flandre occidentale, du 8 mars ; celui d'Anvers, du 20 avril 1842.
L'expérience de l'application de ces règlements est non seulement insuffisante, mais elle est jusqu'ici nulle dans plusieurs provinces ; car il en est plusieurs qui n’ont encore reçu aucune application.
Votre commission vous propose en conséquence l'adoption du projet en ces termes :
« Léopold, etc.
« Art. unique. La révision par les conseils provinciaux des règlements provisoires sur les chemins vicinaux, arrêtés par les députations permanentes, en vertu de l'art. 39 de la loi du 10 avril 1841, pourra être ajournée à la session ordinaire de 1843. »
M. le président. - Ce projet est porté à l'ordre du jour.
M. Delfosse. - Messieurs, nous avons reçu hier les explications de M. le ministre de la guerre sur la pétition de la dame Ve Verbeke ; elles sont à peu près les mêmes que celle qu’il nous avait données sur la pétition du sieur Altenloh. Il en résulte que M. le ministre de la guerre persiste dans l'interprétation qu’il a donnée à l'art. 30 de la 101 du 27 avril 1820, et qu'il en désaccord sur ce point avec la commission des pétitions.
La commission des pétitions pense qu'un milicien doit être entièrement libéré, lorsque son remplaçant a été congédié pour des infirmités qui n’ont été constatées qu'après les deux mois de l'incorporation ; M. le ministre de la guerre pense autrement ; il prétend que le milicien peut être tenu de servir ou de fournir un autre remplaçant, alors même que les infirmités pour lesquelles son premier remplaçant a été congédié, n’ont été constatées, qu’après les deux mois de son entrée au corps.
Je crois, messieurs, que la chambre ferait bien de s’occuper de cet objet avant de se séparer. Il y a urgence. Il est plusieurs miliciens qui se trouvent dans le même cas que les pétitionnaires ; selon votre commission, c'est illégalement qu'on les retient sous les drapeaux, jamais question ne fut plus urgente que celle-là.
Je ne reproduirai pas les raisons que j'ai fait valoir lors du rapport de la commission des pétitions ; je persiste dans ce que j'ai dit alors, nonobstant les explications données par M. le ministre.
M. le président. - Pour que la chambre pût s'occuper de ce point, il faudrait présenter un projet de loi.
M. Delfosse. - La chambre a décidé que les explications de M. le ministre de la guerre seraient insérées au Moniteur, pour que chaque membre pût en prendre connaissance ; il me semble qu'elle a manifesté par là l'intention de se saisir directement de la question.
M. le président. - Il est d'usage de déposer les explications données sur des pétitions au bureau des renseignements. Chaque membre peut, après en avoir pris connaissance, user de son droit d'initiative et faire telle proposition qu'il juge convenable.
M. Delfosse. - Je ferais volontiers une proposition, si cela était nécessaire. Mais cette proposition devrait suivre la filière indiquée par le règlement, et il serait impossible à la chambre de s'en occuper avant son ajournement, qui paraît prochain.
Je ne suis pas partisan de cet ajournement ; nous avons encore beaucoup de choses à faire et nous devrions continuer nos travaux ; mais comme je ne fais pas la majorité, il faudra bien que je me soumette à la décision que la chambre semble vouloir prendre ; je ne puis donc qu'exprimer le regret de ne pouvoir mettre dès à présent un terme à l'illégalité dont on se plaint.
M. de Garcia. - Messieurs, il s'agit d'une question d'interprétation de la loi. M. le ministre de la guerre l'a interprétée dans un sens inverse de celui que lui donne l'honorable M. Delfosse. Et ce n'est pas seulement M. le ministre de la guerre actuel qui a interprété de cette manière la loi pour les faits auxquels a fait allusion M. Delfosse ; mais la loi a toujours reçu cette interprétation de tous les ministres de la guerre qui se sont succédé.
Je crois, messieurs, que la chambre ne peut imposer à un ministre l’obligation de suivre l'interprétation qu'un membre ou qu'une commission des pétitions donne à une loi. Je fais cette observation pour répondre à ce qu'on vient de dire, que la commission des pétitions interprète la loi dans un autre sens que M. le ministre. On ne peut imposer à un fonctionnaire chargé d'appliquer une loi, l'obligation de le faire de telle ou telle manière. Ce fonctionnaire interprète la loi en conscience, et c’est tout ce qu'on peut exiger.
Si la loi est mauvaise, que l'on fasse une proposition pour la changer. Quant à moi, j'appuierai une pareille proposition. Je trouve aussi qu'il y singulièrement de l'arbitraire à laisser à des chirurgiens de régiment le soin de constater si une infirmité d'un soldat remonte à six ou à dix mois. Je le répète, il y a la beaucoup d'arbitraire, et j'appuierais toute proposition qui aurait pour objet de remédier à un pareil état de choses. Mais vous ne pouvez obliger M. le ministre de la guerre à interpréter la loi autrement qu'il ne l'a fait, alors surtout qu'elle a été interprétée de cette manière par tous ses prédécesseurs.
M. Delfosse. - Je suis surpris que la commission des pétitions ne dise pas un mot dans cette circonstance.
M. Zoude. - Messieurs, je ne demande la parole que pour dire que, si cela est nécessaire, je me chargerai de faire une proposition. Je crois qu’il y a beaucoup d'arbitraire dans la conduite de M. le ministre de la guerre. Son principal argument est de nous dire qu'il interprète la loi de cette manière, parce que c'est ainsi que ses prédécesseurs l'ont interprétée.
M. de Brouckere. - J'entends l'honorable M. Zoude annoncer une proposition tendant à interpréter une des dispositions de toute législation sur la milice. Mais je dois déclarer que cette législation présente tant d’autres vices, et je ne crains pas de le dire, bien plus grands que ceux qu’on a signalés, que je désirerais plutôt qu’on engageât M. le ministre de l'intérieur à s’occuper de cette matière, et à nous présenter, à la session prochaine, un projet modifiant la loi sur la milice.
Dans mon opinion, messieurs, nous n'avons pas de plus mauvaise loi que la loi sur la milice. Dans cette matière si importante, on a pour ainsi dire tout laissé à l’arbitraire. J’engage donc l’honorable M. Zoude à ne pas présenter un projet de loi spécial au cas dont il s’agit en ce moment, et je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir donner les ordres nécessaires pour que, dans ses bureaux, l’on s’occupe de cette matière, afin qu’il puisse, dans un bref délai, nous présenter un projet de loi tendant à modifier la législation sur la milice.
M. Zoude. - Il s'agit d'un milicien qui a épuisé sa fortune pour se faire remplacer ; son remplaçant a été atteint d’une maladie que M. le ministre prétend avoir existé dans les deux mois après son entrée au service. Cependant trois médecins ont déclaré qu’il jouissait d’une très bonne santé lorsqu’il est venu sous les drapeaux ; les médecins du régiment eux-mêmes ne font remonter la découverte de la maladie qu’à une époque postérieure de deux mois à l’entrée au service de ce remplaçant. Pour toute raison, M. le ministre de la guerre dit que son prédécesseur a décidé que lorsque la maladie est contractée après les deux premiers mois de l’entrée au service on peut encore obliger le remplacé à mettre un nouveau remplaçant ; je crois que cette décision est arbitraire et qu’elle devrait être rapportée.
M. David. – Messieurs, j’ai dit que j’avais quelques observations à présenter sur le projet de prorogation de la loi du 12 avril 1835, concernant les péages et la police des chemins de fer.
Je sais, messieurs, que cette importante loi doit nécessairement être votée par les deux chambres et promulguée avant le 1er juillet prochain. Mais, messieurs, savons-nous bien ce que nous allons voter, est-ce bien l’article 1er de la loi du 12 avril 1835 dont M. le ministre nous demande la prorogation, ou est-ce une loi nouvelle pour le maintien du régime actuel, qui abandonne complètement la fixation des tarifs et leurs modifications au ministre et même à ses agents ?
Voici les termes de l’article premier de la loi du 12 avril 1835.
« Provisoirement, en attendant que l’expérience ait permis de fixer d’une manière définitive les péages à percevoir sur la route susdite, conformément à l’art. 5 de la loi du 1er mai 1834, ces péages seront fixés par un arrêté royal. La perception s’en fera en vertu de cet arrêt jusqu’au 1er juillet 1836. »
Cette loi a été ensuite prorogée d’année en année, et on s’y est conformé ponctuellement en 1835, 36, 37, 38 et même jusqu’à ce jour, sauf quelques dérogations, qui toutes ont été, suivant moi, nuisibles au chemin de fer et au public.
Ces dérogations, les voici :
1° La classification des voyageurs de wagons en deux classes, c’est-à-dire à deux prix différents, à partir du 1er juillet 1839.
L’administration reconnut elle-même plus tard le vice de cette mesure et la fit disparaître.
2° L’arrêté du 2 septembre 1840, qui autorisait le ministre à modifier les tarifs royaux existants, cet arrêté est en opposition avec le texte et l’esprit de la loi de 1835.
3° Le régime actuel fondé sur l’idée doublement fausse que l’arrêté du 2 septembre 1840, ayant conservé force et vertu, conférerait au ministre le pouvoir exorbitant de modifier non seulement les arrêtés royaux existants, mais encore ceux à intervenir.
Je désire franchement savoir si c’est dans l’intention de l’exécuter franchement à l’avenir que l’on nous demande la prorogation de la loi du 12 avril 1835, ou si le vote que l’on nous demande n’est qu’une simple formalité derrière laquelle on s’abritera pour perpétuer l’instabilité des péages et l’arbitraire actuels.
Aujourd’hui, messieurs, personne de nous ne saurait dire ce qu’on paie aux chemins de fer. Ce n’est plus l’arrêté royal du 22 mars qui fixe le péage à percevoir ; ce n’est même plus l’arrêté ministériel du 21 avril, qui a complètement modifié l’arrêté royal : Ce sont des ordres de service ou décisions administratives, non publiées officiellement.
Je profiterai de cette discussion pour demander à M. le ministre, de vouloir faire disparaître les lacunes que j’ai signalées dans ma lettre du 25 avril, lacunes qui existent encore dans les tarifs aujourd’hui en vigueur, en ce qui concerne les frais de chargement et de déchargement des marchandises en vrac, tant à la station de départ qu’à la station d’arrivée, frais laissés au compte de l’expéditeur et du destinataire.
L’arrêté royal du 22 mars porte : Art 29. « Les marchandises en vrac (marchandises sans emballage et qui ne sont pas susceptibles d’être chargées avec d’autres objets) ne seront admises au transport que par charge complète de wagon (4000 ou 4500 kil. suivant les saisons.)
« Le chargement et le déchargement de ces marchandises se feront par les soins et aux frais des expéditeurs ou destinataires. »
L'arrêté ministériel du 21 avril n'ayant pas modifié cet article de l’arrêté royal, cet article subsiste donc encore dans son entier. Mais le public, le commerce, ignorent encore aujourd’hui le coût de ces frais de chargement et de déchargement, qui dans bien des circonstances constituent une notable partie des frais de transport.
Aucune disposition ni officielle, ni officieuse n’a été publiée à cet égard. Le commerce peut ainsi être considéré comme livré à l’arbitraire, au bon plaisir, aux préférences de l’administration.
Dans ma mettre à la chambre du 25 avril dernier, en faisant l’évaluation du coût des transports des marchandises en vrac destinées à l’exportation, j’évaluais les frais de chargement à la station de départ et ceux de déchargement à la station d’arrivée, ensemble, à 15 centimes les 100 kil., ou 1 franc 50 centimes par tonneau. Cette évaluation, que M. le ministre n’a pas contredite, a été critiquée par le journal de Bruxelles et par le journal du chemin de fer, qui, eux, prétendent savoir de bonne source que ces frais ne s’élèvent ensemble qu’à un et demi centime par 100 kil, ou quinze centimes par tonneau de 1000 kil. !
A la vérité, ces journaux n’ont avancé ce chiffre ridicule de un et demi centime, pour chargement et déchargement de 100 kil. que parce qu’il s’agissait de houille seulement. Mais mes observations portaient sur les marchandises en vrac en général. J’avais pris la houille comme exemple.
Je demanderai donc à M. le ministre de me dire, s’il le peut, et de faire publier officiellement le plus tôt possible, combien le commerce, soit particulier, soit messagiste, doit payer pour ces opérations de chargement au départ et de déchargement à l’arrivée pour les marchandises en vrac, telles que pavés, briques, pannes, houilles, bois, cuirs, etc.
J’ai dit et je pense avoir prouvé à l’évidence, dans la même lettre du 25 avril, que les 20 p.c. de remise accordés pour favoriser le transit, n’étaient qu’une faveur sans effet réel, pour nous permettre la concurrence avec le Rhin. J’ai établi que le coût actuel du transport d’un tonneau, 2ème classe, du quai d’Anvers à Liége étant de 15 fr. 70 c., et la distance de Liége à Cologne étant sensiblement la même que celle d’Anvers à Liége, et, pour ce transport de nouveau 15 fr. 70 c., le tonneau coûterait d’Anvers à Cologne 31 fr. 40 c. Qu’en conséquence la concurrence avec la Hollande à ce prix sera absolument impossible, même après l’achèvement complet du railway et en supposant les mêmes tarifs et remises adoptés par nos voisins.
A plus forte raison cette concurrence ne saurait-elle exister aujourd’hui avec nos tarifs actuels, le trajet de Liége à Aix devant se faire encore par le roulage.
Je serais très reconnaissant à M. le ministre des travaux publics de mettre sous les yeux de la chambre le tableau détaillé des expéditions en transit qui ont profité de la faveur des 20 p.c., en indiquant les lieux de provenance et de destination, d’après les acquits de paiement ou permis de sortie à produire pour être en droit d’obtenir la réduction stipulée.
Je prierai également M. le ministre de vouloir me donner quelques explications sur les griefs que je pense que l’arrêté ministériel du 21 avril, laisse encore subsister contre l’arrêté royal du 22 mars, et que j’ai signalés dans mes lettres des 23 mars et 25 avril derniers. Je saurai beaucoup d’obligation à M. le ministre, si les chiffres que j’ai avancés dans ces deux lettres étaient inexacts, qu’il voulût bien les redresser ou les faire redresser par l’administration, en m’indiquant pourquoi et comment je me serais trompé. Dans l’examen de ces chiffres, je le prie surtout de porter une attention toute particulière sur celui du nombre de lieues (27,800 lieues) que j’ai trouvé être plus que suffisant pour les marchandises et qui dans les rapports de la commission est porté à 46,760 lieues.
(Voir ma lettre du 23 mars 1842 et les tableaux y annexés.)
De ce point essentiel dépend le bon marché des transports. Si le chiffre de 46,760 lieues est maintenu, M. le ministre voudra bien alors, comme je l’ai demandé, se faire donner le détail de ce nombre de lieues parcourues pour les marchandises par convoi et par ligne.
Quand on réfléchit, messieurs, à l’importance d’une bonne loi sur les péages, on voir que d’elle dépend la prospérité de nos chemins de fer et du commerce de tout le royaume. Oui, messieurs, du bon marché seul dépend toute cette prospérité.
Prenons-en un exemple, saisissant dans les documents à consulter, produits par M. Nothomb, sur la question de l’abaissement des péages sur canaux et rivières, et vous verrez, page 6, quel a été le résultat de l’abaissement des péages sur la Sambre canalisée. En rapprochant ces résultats du mouvement des transports avant et après l’arrêté royal du 1er septembre 1840, on trouve : que du 1er septembre au 31 août 1840, on n’a transporté que 68,050 tonnes, tandis que du 1er septembre 1840 au 31 août 1841, le tonnage s’est élevé à 127,200 ; et on trouve encore, bien que les péages aient été réduits de moitié, que le produit a augmenté dans une progression très sensible. Ce sont les paroles de M. Nothomb, ce sont des faits constatés, et nous pourrions citer plus loin ces autres paroles du même ministre, qui, en présence de ces résultats, dit :
« Que toute autre démonstration en faveur d’une réduction analogue sur d’autres voies de navigation deviendrait inutile. » Or, messieurs, si ce résultat est vrai pour les canaux, pour les rivières, pourquoi cesserait-il de l’être pour les chemins de fer ? D’ailleurs, messieurs, nous sommes loin d’avoir atteint la dernière limite des économies sur nos chemins de fer, et pour preuve n’éprouve-t-on pas le plus grand étonnement, la plus vive peine, quand on apprend que la dépense d’un convoi par lieue de 5 mille mètres sur le railway de Paris à Versailles (rive droite) ne coûte pas 12 francs, en y comprenant tous frais quelconques, tandis que notre dernier compte-rendu en Belgique porte cette même dépense à plus de 15 francs !
Voilà, messieurs, je le pense, un fait bien surprenant, que vous trouverez consigné dans la feuille parisienne portant le titre de Moniteur des chemins de fer, sous les dates de 6 et 9 avril dernier, page 6 et 15.
Mais, messieurs, si l’on marche à Paris à 3 francs de moins par lieue qu’en Belgique, en employant du coke qui coûte 38 francs, quand il peut ne nous revenir qu’à 20 fr. les 100 kil. dans notre pays ; quand on pense aux prix plus élevés du fer, des machines, de la main-d’œuvre même, aux environs de Paris, n’arrive-t-on pas à se poser ce dilemme :
Ou l’administration en Belgique exploite de la manière la plus absurde, ou les calculs sur lesquels elle se base sont complètement inexacts ?
En présence de résultats incontestables du compte-rendu à l’assemblée générale des actionnaires du chemin de fer de Paris à Versailles, résultats que je viens de signaler, ne suis-je pas autorisé à soutenir que les dépenses par lieue de convoi en Belgique ne peuvent s’élever à 9 francs ?
Encore, messieurs, la dépense évaluée à 9 fr., est-elle calculée sur le pied de l’organisation actuelle du service, à laquelle il y a tant d’améliorations, de réductions et de simplifications à apporter.
Oui, messieurs, de simplifications, car c’est aujourd’hui une grande chose que la simplification, car le dédale, le chaos où nous nous trouvons engagés, repoussent autant le commerce que les hauts prix. Je suis fatigué de répéter tout cela, après tout ce que j’en ai écrit, je n’ai plus qu’à me redire. C’est un véritable code à consulter que celui des nombreux tarifs d’aujourd’hui, avec toutes leurs exceptions corrigées et recorrigées à satiété. Le plus simple négociant les eût, sans nul doute, mieux pensés, mieux rédigés, surtout pour attirer la pratique ; il est vrai que celui-là n’eût pas craint le trop de travail dans ses bureaux.
On dira peut-être que je parle toujours de bas prix, sans poser la véritable limite à laquelle il faudrait s’arrêter.
Je répondrai à cela, messieurs, qu’ailleurs que devant la chambre, j’indique dernièrement, dans diverses lettres, des limites qui me semblaient devoir être à peu près définitives. Elles consistaient dans l’abaissement des prix jusqu’à 25 centimes par lieue et par tonneau, pour les marchandises de la première catégorie, et à 40 centimes pour celles de la deuxième.
Mais, depuis lors, messieurs, le cercle de mes idées s’est agrandi. Je me suis dit qu’il existait une puissance au-dessus de celle de la volonté de notre petit Etat, cette puissance qui trace irrévocablement le niveau, le point auquel nous aurons à nous arrêter ; cette puissance, messieurs, c’est la nature elle-même, ce sont les éléments. D’Anvers jetons un regard direct sur Cologne. Cologne doit être notre point de mire, notre grand, notre seul vrai but. Disons-nous bien ceci (et ici la question de la prospérité de notre chemin de fer, de notre navigation, de notre travail, de tout notre commerce) ; disons-nous bien ceci : La Hollande transporte au prix de 18 à 20 fr. le tonneau de marchandises, de ses ports jusqu’à Cologne ; le chemin de fer de fer a pour mission de lui faire concurrence. Il faut qu’il transporte au même prix. C’est pour lui la question de vie, le be or not to be.
Voilà donc, messieurs, la question nettement posée. Voilà ce que nous devons faire et voilà ce que la force des choses ne fera faire.
Partant de ce principe de fixation de tarif, vous aurez donné à la Belgique une position miraculeuse ; vous aurez, par un chiffre, racheté toutes les pertes occasionnées par la révolution de 1840.
Une fois ce chiffre posé, je désire, moi, qu’il soit généralement appliqué, c’est-à-dire que toute la circulation intérieure en profite en Belgique. Les faveurs alors ne seront plus nécessaires au transit.
M. de Man d’Attenrode. – Messieurs, je profite de l’ordre du jour pour vous faire quelques observations sur nos chemins de fer.
Lors de la première discussion relative à cette grande entreprise, on fixa un chiffre présumé de la dépense que nécessiterait l’établissement des chemins de fer ; beaucoup d’entre nous se basèrent sur ce chiffre pour lui accorder leur vote approbatif. Depuis lors, les dépenses n’ont cessé de dépasser les chiffres présumés d’une manière effrayante.
Quand, en 1840, on discuta un emprunt de 80 millions, on nous dit formellement que cet emprunt était destiné à achever le chemin de fer, et beaucoup d’entre nous le votèrent parce qu’il fallait terminer les travaux commencés ; mais il paraît que l’on s’était encore trompé en nous disant que cet emprunt suffirait, car on nous prépare petit à petit à l’idée d’un nouveau sacrifice de 23 millions pour le chemin de fer, et l’on nous fait même pressentir qu’il faudra 200 millions pour l’achever.
Ces dépenses énormes qui vont encore nécessiter ces emprunts, sont faites pour effrayer tout homme qui s’intéresse à son pays. Jeunes encore, nous nous hâtons de nous créer une dette à l’instar des vieilles nationalités, mais nous allons un peu vite.
Si les dépenses sont démesurément imprévues, et cette imprévoyance dans les devis, comme pour ceux de la section d’Ans à la frontière de Prusse, qui ont dépassé 4 ou 5 fois les prévisions, provient ou d’une manière de nous engager presque malgré nous dans des dépenses exorbitantes, ou dans l’incapacité de ceux qui les rédigent ; si, dis-je, les dépenses sont démesurément imprévues, je pense que ce surcroît de dépenses doit être pour le gouvernement un engagement de plus de rendre les chemins de fer aussi productifs que possible. Quant à moi, je suis bien décidé à ne voter des fonds nouveaux qu’à cette condition.
Mais je vous le demande, messieurs, serait-ce rendre le chemin de fer de l’Etat, pour lequel le pays fait tant de sacrifices, productif, que de concéder à des compagnies l’établissement de lignes parallèles à celle de l’Etat ? ce serait tout simplement le rendre très peu productif, car je remarque qu’une compagnie, qui semblerait avoir de chances de réussite près du gouvernement, d’après un journal semi-officiel s’offre à établir un chemin de fer sans demander un centime de subside ; ce qui prouve combien elle compte faire de bonnes affaires à nos dépens. Si cette compagnie obtient ce qu’elle demande, il en est d’autres qui se présenteront pour obtenir des concessions semblables dans d’autres parties du pays, et qui aussi seront onéreuses au chemin de fer de l’Etat.
A l’origine des chemins de fer, il n’était question que d’une entreprise d'intérêt général. Quelques années ensuite, cette entreprise prit le caractère d'intérêt provincial ; après le chemin des Flandres, on vota celui du Hainaut, puis celui de chaque province et même celui du Luxembourg. Maintenant les prétentions vont plus loin encore, et bientôt chaque arrondissement se prétendra lésé s'il n'a pas de chemin de fer.
J'ai regretté et je regrette encore le vote de 1837, qui a chargé l'Etat des lignes d'un intérêt secondaire ; c'est ce vote qui embarrasse tant nos finances, mais puisqu'il en est ainsi, puisqu'on ne peut en revenir, c'est une raison de plus pour moi de protester contre toute concession qui tendrait à faire une concurrence nuisible aux produits de nos chemins de fer, produits sur lesquels nous avons compté en les votant.
Il me reste encore à dire un mot, l'épouvantable catastrophe de Meudon a répandu des alarmes qui sont très concevables ! Il importe à l'intérêt de nos chemins de fer de les dissiper ; car elles sont de nature à éloigner le public de cette manière de voyager. Il résulte des enquêtes auxquelles on s’est livré, que l'emploi de deux locomotives pour la remorque d'un convoi offre des dangers ; aussi n'est-ce pas sans surprise que j'ai remarqué que l'on maintenait le service des convois à double locomotive. M. le ministre doit avoir acquis des assurances de sécurité bien sérieuses pour engager sa responsabilité d'une manière aussi redoutable. J'espère qu'il voudra bien nous donner quelques explications concernant cette mesure.
M. Pirmez. - Je pense aussi qu'il serait utile que les péages sur les chemins de fer fussent établis par la loi, et c'est principalement parce que la loi seule me semble avoir assez de force pour résister aux intérêts particuliers, qui tendent sans cesse à faire abaisser les péages du chemin de fer. Le gouvernement ne me paraît pas assez fort pour y résister.
On a comparé, sous le point de vue de l'abaissement des péages les canaux avec les chemins de fer ; mais il n’y a aucune comparaison à faire entre ces deux voies de communication. Dans aucun cas la grande quantité des bateaux qui naviguent sur un canal ne peut porter préjudice au trésor public ; le nombre de bateaux sera triple et quadruple que cette circonstance ne nuirait pas au contribuable. L’Etat ne fournit aux négociants ni les bateaux ni les moyens de les traîner.
Dans les chemins de fer, au contraire, vous ne pouvez faire marcher un convoi sans que cette opération n'occasionne, en combustible et en destruction de matériel, une dépense considérable ; si des dépenses constituent l’Etat en perte, plus les transports seront nombreux, plus la perte de l’Etat sera considérable. Il n’en est pas ainsi des canaux, une grande navigation ne chargerait pas plus le trésor qu’une navigation beaucoup moindre.
L’honorable M. David a critiqué la mesure prise sur le transit, en ce que 20 p.c. de réduction ne sont pas assez considérables pour produire un effet satisfaisant. Mais, à mon sens, on n’aurait pas dû faire cette réduction. C’est une mesure exceptionnelle et de principe, qui ne devrait être prise que par une loi. Je ne peux comprendre pourquoi les marchandises produites à l’étranger et destinées à l’étranger sont transportées à meilleur marché que les marchandises produites dans le pays et destinées au consommateur étranger, ou bien produits à l’étranger et consommés en Belgique. Si cette mesure produit une perte, comme je le pense, n’est-il pas évident que vous établissez un impôt sur le contribuable belge, en faveur du consommateur et du producteur étranger ? Il faut que le mot transit ait un singulier prestige pour nous amener à prendre une pareille résolution.
M. David a parlé des frais de transport sur les chemins de fer français comparés aux frais de transport sur le chemin de fer belge. Je ne sais pas où l’honorable M. David a pris les chiffres qu’il a cités ; je ne puis donc pas les contester, mais je me défie beaucoup des chiffre que les sociétés particulières livrent à la publicité.
M. David. – Je vous ferai voir le journal où je les ai puisés.
M. Pirmez. – L’honorable M. David me ferait voir 20 journaux, que je n’attacherai pas plus d’importance aux chiffres dont il s’agit. C’est souvent dan un intérêt de spéculation, d’agiotage que des chiffres de cette nature sont communiqués aux journaux.
Quant aux calculs de la commission, ils reposent sur des documents qui ont été examinés avec beaucoup d’attention et dont la commission a tiré des conséquences qui ne sont pas contestables.
L’honorable M. David a dit aussi que nous devons faire en sorte de transporter a aussi bon compte que la Hollande, que c’était là le but principal du chemin de fer. Il s’agit de savoir, messieurs, si la chose est possible, et si elle ne l’est pas, il ne fait pas l’entreprendre, car alors force vous serait bien d’y renoncer.
M. David. – Je dois faire remarquer à l’honorable M. Pirmez que je me base uniquement sur les calculs de la commission. Je n’en dirai pas davantage maintenait, parce que j’aurai probablement tout à l’heure l’occasion de présenter quelques nouvelles observations à propos du projet relatif au transit. Je prouverai alors qu’il y a un moyen d’augmenter de 100 p.c. les bénéfices du chemin de fer.
Je n’ai pas dit que la différence de 20 p.c. en faveur du transit n’était pas assez forte ; je ne me suis pas occupé de cette question, mais j’ai dit qu’il était impossible d’obtenir cette réduction de 20 p.c. J’ai fait plus, j’ai prié M. le ministre de bien vouloir prouver, par des documents, quelles sont les marchandises qui peuvent jouir des 20 p.c. dont il s’agit.
M. Delehaye. – Je pense, comme l’honorable M. David, que pour ces produits surtout, pour le placement desquels nous avons à lutter avec les produits étrangers, il est nécessaire d’abaisser autant que possible les prix du transport. Cette nécessité a également été sentie par le gouvernement, qui veut accorder certaines réductions sur les péages des canaux et du chemin de fer, afin de permettre à notre industrie de placer ces produits avec avantage sur les marchés étrangers. Toutes les fois que le gouvernement proposera de semblables mesures dans l’intérêt de notre industrie, il obtiendra mon approbation ; mais lorsqu’il voudra accorder à l’étranger des avantages qu’il refusera à l’industrie belge, je le combattrai, parce que je considère une telle mesure comme contraire, non seulement aux intérêts du pays, mais encore aux principes de l’équité.
Aujourd’hui, lorsque les houilles sont transportées à l’étranger, soit par le chemin de fer, soit par les canaux, elles entraînent moins de frais de transport sur les marchés étrangers qu’en Belgique ; ainsi, par exemple, dans une ville comme Commines, dont la moitié appartient à la France et l’autre moitié à la Belgique, la partie française recevra la houille à meilleur marché que la partie belge. Je dis que des mesures qui amènent un semblable résultat sont mauvaises ; sans doute, vous devez accorder à notre industrie les avantages qui peuvent lui faciliter l’accès des marchés étrangers, mais quand il s’agit d’un objet indispensable à l’industrie, comme la houille, il est inconvenable de la procurer aux étrangers, nos rivaux, à un prix plus bas que celui que doivent la payer les industriels du pays ; une semblable mesure me paraît un véritable abus.
Je ne puis me dispenser de considérer ce fait comme une véritable anomalie, comme une erreur. Que le gouvernement cherche à se rendre maître des marchés étrangers, et que dans cette vue il fasse toutes les concessions compatibles avec nos intérêts, rien de mieux, ces mesures auront mon approbation, et à cet égard, je ferai observer que les députés du Hainaut, qui demandent un abaissement de péages sur les canaux et rivières, forment un vœu conforme aux intérêts du pays. Mais c'est une véritable erreur que de faire profiter exclusivement les étrangers de ces concessions. Il est important sans doute que nous ayons, par exemple, le marché de la Hollande, ce marché nous sera plus tard d'une grande utilité ; mais dans aucun cas il ne faut pas que la houille belge puisse être achetée à meilleur compte en Hollande (qu'elle n'est livrée au consommateur belge. Plus le transport sera éloigné, plus la houille sera chère, sans doute ; mais lorsque les villes se trouveront près de frontières, elles auront la houille à meilleur compte que les indigènes mêmes. Ainsi, je vous ai cité tout à l'heure l'exemple d'une ville française dont une partie appartient à la Belgique ; c'est la ville de Commines ; eh bien, il est de fait que dans la partie française la houille belge se vend à meilleur compte que dans la partie belge. C'est là un fait qui est vraiment intolérable. Je ne conçois pas qu'on puisse livrer ce combustible à nos rivaux à des conditions plus favorables que celles auxquelles nos industriels peuvent se le procurer.
M. Peeters. - Messieurs, puisque l'on demande que les frais de transport soient encore diminues sur le chemin de fer, où déjà l'on transporte presque pour rien, je profiterai de cette occasion pour prier instamment M. le ministre de vouloir bien hâter l'impression du rapport de M. Vifquain ; il y a six semaines qu'il a été livré à l'imprimeur. Je désire que ce rapport nous soit envoyé en province, afin que nous puissions l'examiner ; je désire également que M. le ministre fasse aussi imprimer le rapport de M. Kummer sur la canalisation de la Campine.
Si l’on doit en croire des bruits, le gouvernement nous proposera bientôt un nouvel emprunt, pour le parachèvement du chemin de fer, à la construction duquel on a déjà consacré 125 millions, L'on vient de demander une nouvelle réduction sur le chemin de fer ; eh bien, en présence de pareilles prétentions, et surtout avant qu'on nous propose un nouvel emprunt, il faut enfin s'occuper des parties du pays qui n’ont encore rien obtenu. Je suis bien certain aujourd'hui que lorsque nous serons saisis de la nouvelle demande d'emprunt. Je ne serais plus seul pour voter contre la loi ; mais tous les députés du Limbourg, du Luxembourg et de la province d'Anvers seront unanimes pour dire avec moi : Pour obtenir de nouveaux subsides pour le chemin de fer il faut redresser les griefs.
J'engage donc sérieusement le gouvernement à nous présenter le projet de canalisation de la Campine, et en même temps à demander un crédit pour la construction de quelques routes dans le Luxembourg, en compensation du chemin de fer qui avait été promis à cette province, et auquel, à cette condition, cette province a renoncé. J'engage vivement le ministre à nous faire celle proposition, car je désire que ce soit un ministre du Roi qui la fasse, du Roi plus vénéré dans ces localités délaissées que dans les parties les plus favorisées ; mais si le gouvernement négligeait de faire cette proposition au commencement de la session prochaine, je le déclare dès à présent, j'userais de mon droit d'initiative pour soumettre moi-même un projet aux délibérations de la chambre. Je ne cesserai de réclamer jusqu'à ce qu'enfin justice nous soit rendue.
M. David**.** - Messieurs, voici ce que je voulais avoir l’honneur de dire à l'honorable M. Dumortier, lorsqu'il m'a interrompu. Il est vrai que le discours que j'avais préparé, et dont je vais donner lecture, devait être prononcé dans la discussion du projet de loi sur le transit, mais comme ce dernier projet a beaucoup d’analogie avec la loi en discussion, il me semble que les observations que j’avais à faire sur le transit peuvent tout aussi bien trouver leur place ici. Cela me dispensera au reste de prendre la parole plus tard.
Messieurs, j'applaudis ici à la mesure que propose le gouvernement, tout eu reconnaissant qu'elle n'est qu'un moyen très accessoire pour parvenir au but qu'on se propose. On cherche à détourner le transit du Havre et de Rotterdam, en l'amenant par notre territoire. Le moyen héroïque d'arriver à ce détournement, messieurs, c'est l'abaissement des péages de notre chemin de fer.
J'ai dit, à plusieurs reprises, que ce n'était point par des tâtonnements, par des essais incessants, que l'on atteindrait le but ; j'ai dit que ce n'était point non plus par des primes de 10 ou 20 p.c., hérissées de difficultés, d’impossibilités. Je crains que les mesures nouvelles, toutes bienveillantes qu'elles soient, messieurs, mesures présentées par MM. les ministres de l’intérieur et des finances, tendant à diminuer les formalités de douane, n'aient guère un résultat plus satisfaisant que celles prises par M. le ministre des travaux publics, aussi longtemps que l’administration des chemins de fer ne comprendra pas la nécessité d'une exploitation plus judicieuse, plus libérale.
Pour obtenir le transit par la Belgique, de la mer et de l'Escaut au Rhin, il faut que les frais de transport ne dépassent pas 20 fr. par tonneau d'Anvers à Cologne, et par conséquent 10 fr. d'Anvers à Liège, pour toutes les marchandises de 2° classe, denrées coloniales, etc.
Et pour assurer en même temps l'exportation de nos houilles, de nos fils, de nos pierres, etc., les retours vers la mer pour ces produits de 1ère classe, ne peuvent être taxes à plus de 5 fr. 75 cent. de Liège à Anvers, ou 2 1/2 cent. par cent kilogrammes et par lieue (soit 25 cent. par tonneau), c'est-à-dire moitié moins cher environ que ce que la commission des péages avait proposé.
Qu'on ne dise plus, messieurs, que ces prix de 5 fr. 75 cent. par tonneau, pour les marchandises de 1ère classe et de 10 fr. pour les marchandises de 1ère classe sont trop faibles par rapport aux dépenses d'exploitation.
Les convois de marchandises, à la descente de Liége vers Anvers, peuvent et doivent être composes de 100 à 120 tonneaux, et à la remonte d'Anvers à Liége, de 70 à 80, et au prix que je propose, les chargements seront toujours au grand complet.
A ces prix, le convoi à la descente (sans tenir compte des marchandises de la 2ème classe qui pourront faire partie du chargement), le convoi, dis-je, produira en recette sur 110 tonneaux à 5 fr. 75, 632 fr. 50 c.
A la remonte (sans tenir compte non plus des marchandises de 3ème c1asse, comme vins, spiritueux, etc.), le convoi rapportera, pour 75 ton., à 10 fr., soit 750 fr.
Soit, produit d'un convoi, aller et retour : fr. 1,382 50
Or, les frais de toute nature, par convoi et par lieue, ont été portés, dans les rapports de la commission des péages d'après les données qui lui ont été fournies par l'administration de l'exploitation, à 15 francs pour l'exercice 1841, et ces 15 fr., messieurs, comprennent tous les frais de camionnage que l'on a dit si onéreux. Eh bien à ce compte, et sans rien déduire pour le camionnage, dont il ne peut être question, ni pour le transit, ni pour l'exportation, les 46 lieues de Liége à Anvers et retour, ne donneraient en dépense, à raison de 15 francs par lieue, que 690 fr., d'où bénéfice net, assuré de 100 p. 100 et plus sur les frais d'exploitation : fr. 692 fr. 50.
La seule objection de l'administration contre ce bon marché des transports, c'était que l'on ne pouvait espérer des convois complets et des retours à charge. Cette objection serait tombée d'elle-même si l'on avait voulu franchement essayer de ce système. Cette objection fut mise en avant par le journal le Chemin de Fer, comme réfutation des chiffres que j'ai eu l'honneur de vous soumettre par ma lettre du 25 avril, adressée à la chambre et insérée au Moniteur du 26. Ce journal, rédigé probablement par des agents de l'exploitation et peut-être même subsidié sur les fonds du chemin de fer, se posant comme organe de l'administration, m'engageait à prendre pour mon compte les convois aller et retour, pour 720 fr.
Je m'empressai, non uniquement dans mon intérêt personnel, mais bien plus encore dans l'intérêt du commerce, dans l'intérêt du chemin de fer, d'accepter cette espèce de défi, qui ne pouvait partir que de l'administration, car on m'y disait : « 500 fr. de bénéfice par jour ne sont pas à dédaigner. Il ne tient qu'à M. David de les réaliser. »
Mais j'eus le regret de voir l'administration reculer devant mon acceptation et m'empêcher de réaliser ce qu'elle pouvait mais ne voulait pas faire.
Eh bien ! messieurs, sachant d'après la commission des péages, et en acceptant toutes les exagérations de dépenses sur lesquelles elle avait dû baser ses calculs, que le coût par lieue de convoi, y compris le camionnage pour remise à domicile, ne s'est élevé en moyenne pour voyageurs et marchandises pendant l'année 1841, qu'à 15 fr.
Déduisant pour les frais de camionnage, non les 36 p. c., comme la commission évalue ces frais (voir page n°19 de son deuxième rapport), mais les évaluant seulement à 20 p. c., je ne défalque que 3 francs du chiffre de la, ci 3 francs ;
Il resterait pour toute dépense par convoi et par lieue, pour le transport de station à station, 12 francs, ou pour les 46 lieues, aller et retour, 552 fr.
Eh bien, dis-je, j'offre encore aujourd'hui à M. le ministre des travaux publics, en présence de la chambre, en présence de tout le royaume, de prendre ces convois entre Liége et Anvers, qui n'occasionneront qu'une dépense de 552 francs, au maximum, j'offre de prendre ces convois, non à 720 francs, comme on semblait me les assurer, mais à raison de 900 francs ; d'où bénéfice net pour le trésor par chaque convoi, aller et retour, d'au moins 348 francs !
Je dis au moins 348 fr. parce que j'ai évalué la dépense à 12 fr. par lieue pour le transport de station à station, et vous avez vu qu'au chemin de fer de Paris à Versailles (rive droite), ce taux de 12 fr. comprend les frais d'omnibus, de régie, etc., etc.
Ce n'est pas tout, messieurs, si l'administration accepte cette proposition, qui est loin d'être faite exclusivement dans mon intérêt personnel, je prends ici également, en présence, de tout le pays, l'engagement solennel d'assurer au commerce le transport des marchandises de première classe, à raison de six francs, et des marchandises de deuxième classe à 10 fr. de Liège à Anvers et vice-versa ; et pour tous les points intermédiaires de la ligne, et vers Bruxelles même, si on le désire, au prorata de la distance.
Ainsi, messieurs, nous aurons doté la Belgique du transit ; ainsi, messieurs, nous aurons ouvert à nos produits, des débouchés assurés vers l'étranger.
J'espère cette fois, car il n'y a plus moyen de reculer, j'espère que cette proposition méritera d'être sérieusement examinée par M. le ministre.
Je demande même qu'au besoin elle soit soumise aux chambres de commerce du pays tout entier. Ainsi nous aurions réalisé pour les provinces de Liége, de Namur et d'autres encore, le bienfait qu'amènera pour le Hainaut l'abaissement des péages sur les canaux et les rivières.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, les observations que vient de faire l'honorable M. David, et à l'aide desquelles il a cherché à prouver qu’on pouvait faire un bénéfice de cent pour cent sur les frais d'exploitation, renferment une erreur involontaire, sans doute ; l'honorable membre a toujours parlé de la possibilité d'une réduction de cent pour cent sur les frais d'exploitation ; il a probablement entendu parler d'une diminution de 50 p. c., car une réduction de 100 p. c. réduirait les frais d'exploitation à zéro.
M. David. - Je n'ai pas parlé de cette réduction.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Quoi qu’il en soit, les observations de l'honorable membre sont fondées sur le principe de la charge complète des waggons. L'honorable membre pense qu'il faut prendre des mesures pour arriver à compléter le plus possible la charge des waggons, ainsi que celle des convois.
Messieurs, je dois le dire, je suis entièrement d'accord avec l'honorable membre sur ce principe, et je crois en avoir donné des preuves dans les mesures du 22 mars. Je puis même annoncer à la chambre que déjà ces mesures ont produit ce résultat que la charge moyenne des waggons a été considérablement augmentée.
C'est ainsi qu'à la station d'Anvers, qui est la station principale pour le transport des marchandises, nous voyons que chaque waggon a produit :
Système du 10 avril 1841 : en janvier, 31 fr., en février, 32 fr., en mars , 30 fr.
Système du 22 avril : en avril, 54 fr.
Vous voyez donc que le principe sur lequel sont fondées les observations de l'honorable M. David est parfaitement exact, puisque l'expérience du tarif du 22 mars prouve que lorsqu'on prend des mesures pour pousser aux charges complètes, on obtient un revenu plus considérable et une dépense moindre.
Comparons maintenant les recettes des marchandises. Nous trouvons que les recettes de 1842, comparées aux recettes de 1841, présentent les résultats suivants :
Pour les bagages et les petites marchandises,
la recette brute du mois de janvier 1842 a été de 16.13 p. c. plus considérable qu'en 1841 ;
celle de février 1842, 24 22/100 plus forte qu'en 1841.
L’augmentation pour le mois de mars 1842, comparés à la recette du mois de mars 1841, a été de 22.50 ; c'est-à-dire qu'il y a une augmentation moyenne de 20.95 p. c.
Pour les trois premiers mois de 1842 ; les mesures du 22 mars ont été mises en vigueur le premier avril, et la recette du mois d'avril a été de 35 p. c. plus forte cette année que celle du mois d'avril 1841.
Voici maintenant les résultats qu'a présentés le transport des grosses marchandises. La recette des trois premiers mois de 1842, comparée à la recette des trois mois correspondants de 1841, a été augmentée :
Pour le mois de janvier de 49,40
Pour le mois de février, de 6,4/2
Pour le mois de mars, de 32,72
C’est-à-dire une augmentation moyenne, pour les trois mois, de 29,54.
Maintenant, quant aux frais de camionnage, ils ont été :
En janvier 1842, 540 p.c. plus élevés qu’en 1841,
En février 1842, 750 plus élevés qu’en 1841,
En mars 1842, 700 p.c. plus élevés qu’en 1841,
En avril 1842, 160 p.c. plus élevés seulement qu’en 1841.
Le résultat total est celui-ci :
En janvier 1842, déduction faite de simples frais de camionnage payés aux entrepreneurs, la recette s'est élevée à 22 1/3 p. c. de plus qu'en janvier 1841 ; pour le mois de février l842, déduction faite des mêmes frais, la recette a été inférieure de 6 1/2 p. c. à la recette de février 1841 ; en mars, elle a été de 13 1/2 p. c, plus forte en 1842 qu'en 1841. Par conséquent, terme moyen, la recette a été de 9 à 10 p. c. plus forte pendant les trois mois de janvier, février et mars 1842 que pendant les mêmes mois de 1841. En avril elle a été de 38 40/00 p. c. plus forte en 1842 qu'en 1841. Or, il est à remarquer que par l'effet des charges plus complètes qu'ont provoquées les mesures du 22 mars, la dépense d'exploitation a, en outre, fortement diminué.
Vous voyez que ces résultats tendent encore à prouver la vérité du principe mis en avant par l'honorable M. David, qu'il faut non seulement chercher à augmenter les recettes, mais aussi à diminuer les dépenses, et pour cela rendre les charges les plus complètes possible.
M. Dumortier. - C'est aussi le principe de la commission.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - En effet, car c'est sur ces principes que sont fondés les tarifs du 22 mars, que les modifications du 21 avril ont quelque peu altérés, sous ce rapport, dans le but de satisfaire à plusieurs des réclamations faites alors.
L'honorable M. David a cru devoir faire la critique de l'arrêté royal du 3 septembre 1840, qui autorise le ministre à apporter des modifications aux tarifs existants. Je crois avoir répondu suffisamment à cette objection, dans une autre occasion, et selon moi, mon honorable prédécesseur a fait chose très utile en provoquant la signature de cet arrêté royal, car tout le monde peut le savoir, en fait de tarif, rien n'est plus difficile à établir, rien ne peut être moins stable que les taxes qui frappent le commerce et l'industrie, parce que les données sur lesquelles on s'appuie, pour fixer ces taxes, varient constamment. Il faut bien que le ministre ait la faculté de ne pas toujours devoir recourir au Roi pour les modifications à introduire. Je crois donc, je le répète, que mon honorable prédécesseur a agi très sagement en provoquant la signature de cet arrêté royal.
Je ne crois pas devoir entrer dans toute la question de chiffre qu'a soulevée l'honorable M. David. On comprend qu'on ne peut pas ainsi, dans une discussion orale, dans une discussion imprévue, saisir toute la portée de ces chiffres.
M. David. - Je l'ai reconnu ; je ne doute pas d'ailleurs que votre administration contestera mes chiffres.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Pour ce qui est des frais de chargement et de déchargement pour les marchandises en transit, je dirai que les nouveaux tarifs ont, en effet, mis ces frais à la charge des expéditeurs.
J'ai déjà eu l'occasion de dire en particulier à l'honorable membre qu'il ne s'agissait là que d'une expérience à faire, et que si l'expérience me démontrait qu'il faut établir un tarif spécial pour ces frais de chargement et de déchargement, bien certainement je n'hésiterais pas à le faire, mais on conçoit qu'il a fallu d'abord commencer par mettre ces frais à charge des expéditeurs. Ces transports de marchandises en vrac sont très considérables, et en même temps très irréguliers. Pour se fixer sur le prix à faire payer par les expéditeurs, il faut nécessairement une certaine expérience, pendant une durée assez longue pour pouvoir apprécier non seulement les frais réels de chargement et de déchargement, mais les faux frais qui résultent de ce qu'il faut toujours tenir un personnel prêt pour opérer le chargement et le déchargement d'expéditions qui varient extrêmement leurs quantités.
Je puis dire cependant qu'à la station de Louvain les ouvriers du canal ont entrepris le déchargement à raison de 5 centimes par 100 kil. et que, d'après les renseignements que m'a donnés l'administration du chemin de fer, il y a peu de jours, renseignements qui avaient été recueillis d'après mes ordres, sur les frais qu'on paye actuellement, le gouvernement pourrait entreprendre, tous faux frais compris, le chargement et le déchargement à raison 7 1/2 c. par 100 kil.
Quant à l'observation de l'honorable M. de Man, qui engage le gouvernement à ne pas concéder de lignes du chemin de fer parallèles à celles de l'Etat, je crois que la compagnie à laquelle l'honorable membre a voulu faire allusion, est celle qui a demandé la concession du chemin de fer de Gand à Anvers.
M. de Man d’Attenrode. - Précisément.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) – Messieurs, vous n’ignorez pas que cette demande a été soumise à une enquête qui a été faite très minutieusement et très longuement, et dont aujourd'hui les résultats me sont parvenus. Les rapports de la commission d'enquête et des députations permanentes qui ont été consultées, sont soumis en ce moment à la commission des ponts et chaussées qui, je pense, ne tardera pas à faire son rapport. Je puis donc assurer à l'honorable membre, qui avait exprimé des craintes a cet égard, que cette concession n'a pas encore été donnée, et que, pour ce qui est de moi, je n'ai pas encore d'opinion formée sur ce point, puisque je n'ai pas encore reçu les rapports des ponts et chaussées.
L'honorable M. Peeters a demandé si l'on pouvait espérer que le travail de M. Vifquain sur les canaux serait bientôt imprimé et distribué aux membres de la chambre. L'impression de ce travail a été longue ; mais aussi, quand vous le recevrez, vous jugerez de son importance et de la difficulté qu'il y avait de le hâter pour l'honorable M. Vifquain, qui en a été chargé et qui a été aussi chargé de suivre l'impression au milieu des autres travaux qui ne lui manquent pas. J'espère que, sous très peu de temps, ce travail sera imprimé et pourra être distribué. Et si la chambre vient à se séparer, je m'engage volontiers à l'envoyer au domicile de messieurs les représentants.
M. Dumortier. - La discussion du projet soumis à vos délibérations nous ramène sur la question des tarifs du chemin de fer qui vous a si vivement occupés, il y a quelques mois.
L'honorable M. David est venu présenter des chiffres nombreux à l'appui des opinions qu’il a émises. Vous comprenez bien l’impossibilité de suivre, à la simple audition, des chiffres aussi nombreux, et d’entrer dans l’examen de tous les calculs présentés. L'honorable membre le sait lui-même. Mais je répondrai aux bases sur lesquelles il s'est appuyé, et si je le fais, je crois que j'aurai réfuté toute son argumentation. Je ne conteste pas les calculs de l'honorable membre, je suis convaincu qu'ils sont très justement calculés, mais là n'est pas la question, elle est dans les bases posées par l’honorable député de Liége, et c’est de ces bases que je veux prouver la fausseté.
La commission chargée par le gouvernement d'examiner les tarifs du chemin de fer, a établi son travail sur deux bases principales : 1° les marchandises en vrac, et en second lieu, les chargements complets. Je suis charmé de voir que le système de M. David repose sur les mêmes données, de manière qu'en adoptant ce système, tout en critiquant le travail de la commission, il rend en définitive hommage à ce travail, puisqu'il avoue que le système qu'elle a proposé est bon ; il lui rend hommage en rentrant dans les bases principales qu'elle a adoptées, et dont il ne doit pas s'attribuer les mérites. .
Quant aux chiffres, quoi qu'en dise l'honorable préopinant, nous n'avons pas posé des chiffres en l'air ; mais nous avons raisonné sur les chiffres de l'administration elle-même, sur des chiffres comptables. Nous avons opéré nos calculs sur les sommes entrées et sorties de la caisse de l'Etat. Je crois qu'il n'est pas de donnée moins sujette à contestation que celle-là. Nous avons vu les sommes entrées provenant des produits du chemin de fer et les sommes sorties pour les dépenses. Voilà quelles ont été les bases de nos calculs.
Maintenant, dans l'exécution de ces tarifs, le ministre avait cru devoir s'écarter, pour plusieurs articles, des propositions de la commission pour se rapprocher par transition du système existant. Les points dans lesquels on s'était écarté de ses propositions ont donné lieu à de vives réclamations. Le gouvernement est revenu, à peu de chose près, à ces propositions, et les réclamations ont cessé.
Cela prouve combien le travail de la commission était consciencieux et satisfaisait à tous les besoins. Mais l'honorable député de Liége n'est pas satisfait ; il a trouvé un moyen certain, infaillible de faire produire 100 p. c. de plus qu'aujourd'hui à la ligne de Liége à Anvers. Ce serait pour l'Etat un bénéfice de 325 mille fr. de plus par an. Si l'honorable membre possédait un tel secret, nous devrions l'en féliciter grandement. Pour mon compte je serais le premier à lui adresser des grands éloges pour une pareille découverte.
M. David**.** - Qu'on m'accorde la concession.
M. Dumortier**.** - Nous verrons cela tout à l'heure ; mais, messieurs, avant d'arriver là, il y a cependant à examiner les bases du calcul de l'honorable préopinant, et je crois pouvoir démontrer que ces bases ne soutiennent pas l'examen. Quelles sont les bases de l'honorable membre ? Diminuez, dit-il, de 50 p. c. les frais de transport des marchandises pondéreuses, vous transporterez plus que le double, et alors vous arriverez à avoir un revenu plus considérable. Voilà la base de l'argument de l'honorable député de Liège.
M. David**.** - Je n'ai pas dit cela. La commission des péages, avait fixé le prix à cinq centimes. J'ai dit qu'il fallait le diminuer de moitié c'est-à-dire le fixer à 2 centimes et demi. Mais les prix actuels, notez-le bien, messieurs, sont pins élevés que ceux proposés par la commission, de manière que ceux-là, il faudrait les réduire de plus de 50 p. c.
M. Dumortier. - Le prix de transport de la commission était de 5 centimes. L'honorable membre veut réduire ce prix à 2 centimes et demi. C'est une diminution de moitié. J'avais donc raison de dire qu'il voulait une réduction de 50 p. c. Voilà la base des calculs de l'honorable préopinant. S'il prétend aller plus loin, l'erreur de son opinion sera encore plus manifeste.
D'abord je ferai remarquer que s'il est vrai qu'en fait de tarifs 2 et 2 ne valent pas toujours 4, il n'en faut pas conclure que la moitié de 2 vaut toujours 1. C'est une manière de raisonner tout aussi fausse que la première ; car la conséquence rigoureuse de cette manière de faire amènerait, si elle était vraie, cette conséquence, que l'impôt le plus productif est celui fixé à zéro. En matière de tarifs, il existe des limites censées qu’on ne peut franchir, et au delà desquelles il n'y a que des mécomptes.
Quant à l'application, je conçois que si vous transportez à un prix extrêmement bas les houilles de Liège vers la partie occidentale de la Belgique, vous aurez un accroissement considérable, immense de vos produits. Cependant il faut aussi tenir compte d'un fait, c'est que la consommation ne peut jamais se faire que sur les houilles que réclament les besoins du pays. Si donc, vous diminuez considérablement le prix du transport des houilles de Liège vers le Brabant et Anvers, qu'arrivera-t-il ? Que le consommateur du Brabant et d'Anvers, au lieu de consommer les houilles du Hainaut, consommera les houilles de Liège ; c'est-à-dire que vous sacrifierez les intérêts des houillères du Hainaut aux intérêts des houillères de Liège ; car ce n'est pas une diminution de 2 centimes et demi sur le prix du transport qui doublera la consommation. La consommation est ce qu'elle est ; elle a une marche régulière ascensionnelle ; la réduction que désire l'honorable membre n'y changerait rien. Mais si vous transportez les houilles de Liège à meilleur marché que celles du Hainaut, vous ruinez les houillères du Hainaut, au profit des houillères de Liége. Voilà quelle serait la conséquence du système de l'honorable M. David. S'il ne l'entend pas ainsi, il serait possible de transporter la masse de marchandises dont il a parlé.
Quand on a indiqué des résultats pareils, je vous le demande, est-il possible qu'on puisse donner son assentiment à un pareil système ?
Mais, vous dit l'honorable M. David, il y a un moyen bien simple ; diminuez les droits sur les canaux, alors tout viendra à tomber. Si vous arrivez à ce résultat que, pour maintenir les industries dans leur pondération, il faille baisser les droits sur les canaux, je demanderai où vous aurez des recettes pour le trésor public ; car le trésor perdra les revenus sur les canaux et sur les routes. Que lui restera-t-il pour payer les dépenses ? A force de diminuer ainsi tous les revenus, vous finirez par avoir zéro dans vos caisses.
Je dis donc que, de deux choses l'une, pour doubler le transport des houilles de Liége, ou bien vous entendez déplacer les houilles du Hainaut de leur marché, ou bien vous ne le voulez pas. Si vous ne voulez pas les déplacer, le transport de la houille ne sera pas plus considérable. Si vous voulez déplacer les houilles du Hainaut, la mesure que vous proposez est une iniquité que la législature et le gouvernement ne peuvent jamais sanctionner.
Vous le voyez, il n'est pas possible de donner son adhésion à un pareil projet. Dans un pays, quel qu'il soit, il existe entre tous les intérêts une espèce d'association mutuelle. Il faut que le législateur fasse en sorte de ne pas sacrifier une localité aux intérêts d'une autre localité.
J'ai déjà eu l'occasion de rappeler que, lors de la discussion de la loi relative au chemin de fer, on avait posé en principe qu'il fallait ruiner les houillères du Hainaut pour avantager les houillères de la province de Liége. Voilà le principe qui a été posé, et contre lequel mon honorable ami M. Gendebien et moi nous sommes élevés de la manière la plus forte. C'est encore ce même principe qui domine cette discussion. Je vous demande cependant si l'on peut sacrifier une industrie, je ne dirai pas, pour en favoriser une autre, mais pour la petite gloriole d'abaisser le tarif du chemin de fer.
Que si vous abaissez le tarif dans la direction de Liége à Bruxelles, il est manifeste que vous devez l'abaisser, et à plus forte raison, sur les autres lignes ; car de quel droit, sur le chemin de fer qui a été le plus onéreux pour l'Etat, qui a été ruineux pour le trésor public, qui a coûté 3 ou 4 millions par lieue, transporteriez-vous à 50 p. c. au-dessous du prix de transport établi sur le chemin de fer des Flandres, qui n'a coûté que de 7 à 8 cent mille fr. par lieue ? Ce serait injuste ; ce serait irrationnel. Le jour donc où vous admettriez une réduction de 50 p. c. sur les chemins de fer de la Belgique orientale, vous devriez admettre la même réduction pour la Belgique occidentale ; car il n'y a pas de raison pour que la Belgique occidentale, dont la route en fer est très profitable pour l'Etat, paye moins que la Belgique orientale dont la route en fer est si onéreuse pour l'Etat. Voilà cependant quel est le système de l'honorable préopinant. Il dit : Dormez-moi la concession de la route de Liége à Bruxelles. Je demanderai à l'honorable M. David s'il voudrait prendre en concession la Belgique entière, en réduisant les prix de 50 p. c. en assurant un revenu double.
Assurément, il ne le ferait pas. Or le gouvernement n'a pas deux poids et deux mesures. Si l'honorable M. David a deux poches, une pour lui et une pour le gouvernement, le trésor n'en a qu'une seule. Il est impossible qu'on divise ainsi les éléments du trésor public dans la question du chemin de fer. Il faut qu'il n'y ait qu'un seul système ; et s'il y avait des avantages à accorder, ils devraient être pour les localités où le chemin de fer a coûté le moins ; car supposez que dans la discussion de la loi du 1er mai 1834 le principe de la concession ait été adopté, qu'arriverait-il ? Que les chemins de fer de la Flandre, qui ont coûté de sept à huit cent mille francs par lieue, auraient pu transporter les marchandises et les personnes à un taux plus modéré que les routes qui ont coûté 4 millions par lieue, tandis qu'au contraire l'honorable membre veut que les chemins de fer qui coûtent 4 millions transportent les marchandises à 50 p. c. meilleur marché que ceux qui ne coûtent que 700,000 fr. Là est la question, vous pouvez maintenant apprécier les caluls de l'honorable membre. Ils peuvent être justes ; mais les prémisses sont fausses et inadmissibles ; car ce serait la ruine d'une partie du pays, au profit de l'autre.
Je devrais, messieurs, m'arrêter ici, mais puisque j'ai la parole, je rencontrerai une observation de l'honorable député de Louvain. Cet honorable membre me paraît être tombé dans une singulière erreur, lorsqu'après avoir reconnu que la route de Liége à Verviers a coûté cinq fois plus que les prévisions, il a dit que la loi de 1837 était la cause de la gêne actuelle. Il n'aurait pas dit cela s'il s'était rappelé sa phrase précédente, que la route de Liége à Verviers avait coûté 5 fois plus que les prévisions. Que l'honorable membre se tranquillise. Les routes qui seront le résultat de la loi de 1837 ne seront pas onéreuses au trésor public, à moins qu'on ne le veuille.
Pour moi, qui ai examiné avec le plus grand soin la question du trésor public, je persiste à dire qu'il serait facile de faire en sorte que le chemin de fer couvrît ses dépenses, les intérêts et l'amortissement de l'emprunt, tout en faisant chose essentiellement utile au commerce, c'est-à-dire, tout en abaissant les péages sur les prix existants avant le chemin de fer.
Avant de finir, j'adresserai une observation à Ml. le ministre des travaux publics. Dans la localité que j'ai l'honneur de représenter, on se plaint de ce que le gouvernement ne prend pas une mesure qu'il lui serait facile de prendre ; j'en ai déjà parlé à M. le ministre des travaux publics ; puisqu'il n'a pas fait droit à mon observation, je suis obligé de la renouveler. Lorsqu'on a exproprié les terrains pour la continuation du chemin de fer, on avait promis aux petits particuliers de les faire payer sur les lieux. Aujourd'hui le gouvernement exige qu'ils viennent toucher à Bruxelles une somme de deux à trois cents francs. Pourquoi exige-t-on que les personnes dont la propriété a été coupée en deux par le chemin de fer viennent à Bruxelles, pour toucher une somme aussi minime ? Je ne conçois pas comment pareil état de chose a pu durer jusqu'aujourd'hui. Déjà l'honorable M. Rogier avait compris l'importance de cette observation, et il avait ordonné que, pour la route de la Vesdre, les paiements se feraient sur les lieux.
J'insiste donc pour que M. le ministre fasse cesser cet abus. Le trésor n'y perdra pas une obole. Hier encore, messieurs, j'ai reçu une lettre de plaintes du canton de Templeuve ; on y disait que pour une somme de 50 francs on devait se transporter à Bruxelles, c'est-à-dire que celui qui a vendu pour 50 ou 100 francs de terrain doit en dépenser 20 ou 30 pour faire le voyage de Bruxelles.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier a beaucoup abrégé ma tâche ; j'aurai cependant quelques observations à ajouter à celles qu'il vous a présentées.
Il est certes extrêmement populaire de chercher à réduire les péages ; tous ceux qui sont appelés à transporter des denrées par le chemin de fer verraient avec beaucoup de plaisir que le système de l’honorable M. David fût adopté. Mais, messieurs, il a toujours été entendu que le chemin de fer devait rapporter ses frais ; quand on l'a voté, ç'a été sous cette condition. Sans doute, cette prévision que le chemin de fer couvrirait entièrement la dépense, je n'y ai jamais accordé grande confiance ; j'ai toujours cru que cette entreprise serait une charge, et une charge très pesante pour le pays.
Quand je disais qu'on finirait par dépenser cent millions, et que je faisais remarquer que les devis des ingénieurs étaient toujours dépassés de beaucoup, on disait : Les ingénieurs ont mis la plus grande attention à établir le coût du chemin de fer ; leurs prévissions ne seront pas surpassées. Et, en effet, messieurs, le chemin de fer étant, je ne dirai pas terminé, mais ébauché, on est venu nous dire : Eh bien ! vous voyez, vous vous êtes trompé lorsque vous avez dit que la dépense irait au double des estimations. Oui, messieurs, ce chemin de fer, on a pu l'inaugurer ; on a pu aller à Malines, à Tirlemont, mais ou a failli ne pas pouvoir en revenir. Il est des sections où les réparations ont demandé une dépense presque double de ce que les premiers travaux avaient coûté. On a bénévolement employé du bois de bouleau, du peuplier du Canada, en un mot, du bois qui s'est conservé à peine un an ou deux en terre. On disait que c’était un avantage d’employer ce bois, parce qu'avec le prix d'une bille on n'en aurait qu'une 1/2 d'un autre bois. Mais, messieurs, après quelque temps on s'est hâté de remplacer ces billes, qui étaient entièrement consommées, par du bois de chêne ; et c'était par là qu'on aurait dû commencer. A la vérité, si l'on avait vu que les dépenses se seraient élevées si haut, on n'aurait pas été entraîné à voter de nouvelles voies.
L'honorable M. David a sans doute d'excellentes intentions ; il veut, en baissant le prix des péages des marchandises, faire percevoir à l'Etat des sommes bien supérieures à celles qu’il reçoit. Ah, messieurs, je serai tenté de croire aux beaux résultats qu'on nous promet, si nous n'avions pas fait une petite expérience, et tout récemment encore ; l’honorable M. David pense que plus on transportera de marchandises, et plus le trésor se remplira. Eh bien, voyons, messieurs. On n'a jamais transporté plus de marchandises que de 1840 à 1841, dans ce moment où on avait baissé les péages. Qu'en est-il résulté ? C'est que nous nous sommes trouvés en présence d'un petit déficit de 3 à 4 millions.
On nous dira peut-être que le camionnage était pour quelque chose dans ce déficit. Mais je crois aussi que le transport à trop bon marché peut ruiner celui qui transporte. C'est ainsi qu’on a vu souvent des entrepreneurs de messageries se ruiner complètement en transportant le public et les marchandises à bon marché.
Messieurs, je crois avoir bien prévu ce qui devait résulter de ce travail gigantesque ; aussi je n'ai voté jusqu'à présent aucun fonds pour le chemin de fer ; j'ai refusé d'en allouer à tous les ministres qui, à différentes époques, ont été chargés du département des travaux publics ; et je continuerai à en agir ainsi, parce que je crois que nous allons nous mettre dans une position tellement fâcheuse que nous devrons négliger de donner aux localités qui ont besoin de communications, et entre autres à la Campine, des canaux et des routes empierrées ; Notre position financière sera malheureusement telle que nous n'aurons pas le moyen de satisfaire à des réclamations que je considère comme justes et comme très urgentes.
Messieurs, j'en reviendrai encore à vous faire remarquer que nous marchons dans une voie bien déplorable. Tous les jours nous réduisons nos ressources ; et cependant de toutes parts nous arrivent de nouvelles réclamations de réduction. Ainsi nous avons commencé notre session par faire disparaître l'impôt sur l'orge. Eh bien ! qu'en est-il résulté ? C'est que le pays a perdu 160,000 francs d'impôts, bien que sans cette mesure le brasseur n'aurait pas payé son orge plus cher, par la raison que l'étranger qui a de l'orge à placer, doit la transporter là où il peut s'en défaire. Eh bien les pays tels que la Suède, le Danemarck, qui ont trop d'orge, ne peuvent certes en transporter ni eu Angleterre ni en France ; en Angleterre, parce que les droits y sont infiniment plus élevés que ceux qui frappent cette denrée en Belgique ; et en France, parce que la France produit trop d'orge pour sa consommation, et qu'elle doit elle-même chercher à transporter son excédant dans les pays étrangers. Nous nous sommes donc privés d'une ressource qui était payée par l'étranger. Voila, messieurs, un exemple qui vous prouve combien notre système financier est pauvre et déplorable.
Messieurs, vous avez réduit, il y a très peu de jours, la patente des bateliers. C'est encore 150,000 fr. de recettes de moins.
On vous demande des réductions sur les canaux ; on vous demande des réductions sur les chemins de fer ; on vous demandera des réductions sur les péages des routes ; et on en aura le droit, parce que si vous réduisez ailleurs, on peut assurément vous demander aussi des réductions sur ces voies de communication.
Tout en réduisant nos recettes, nous augmentons considérablement nos dépenses. Nous agissons comme un jeune homme de famille qui dépense tout son bien, qui mange tout son patrimoine, parce qu'il rencontre des personnes qui veulent bien lui fournir de l'argent, mais qui finalement se trouve ruiné. Je suis vraiment peiné de voir que nous suivons la même voie.
Messieurs, à la vérité, en baissant les péages sur les canaux, sur les chemins de fer, sur les rivières, sur les routes, il est certain, vous dira-t-on, qu'on peut livrer au consommateur à meilleur marché. Mais je suis parfaitement de l'avis de l'honorable M. Pirmez : s'il s'agissait, en puisant dans le trésor, en supprimant ses ressources, de favoriser le consommateur, c'est au consommateur belge que j'accorderai la préférence, et non au consommateur étranger.
Eh, messieurs, vous n'avez pas besoin d'aller chercher des réductions de péage sur les canaux, sur le chemin de fer pour favoriser le consommateur belge. Si vous voulez favoriser une classe intéressante du pays, la classe moyenne, eh bien, demandez plutôt que l'on fasse disparaître l'impôt sur la bière, qui est un impôt de nécessité, j'en conviens, mais qui est un impôt révoltant ; demandez que l'on fasse disparaître un impôt plus révoltant encore, l'impôt sur le sel. Vous le savez, messieurs, le dernier des malheureux ne peut s'en passer, et on ne lui laisse pas la faculté de manger une pomme de terre sans payer l'impôt à l'Etat. Voilà sur quoi devraient porter les réductions.
Mais pas du tout, on veut favoriser une seule classe en Belgique, la classe du commerce et de l'industrie ; c'est en faveur de cette classe que M. David vous fait des réclamations. Mais je ne veux pas enrichir cette classe au détriment du trésor, au détriment de la veuve et de l'orphelin, à qui l'on viendra demander des contributions pour faire face à l'insuffisance des revenus du chemin de fer.
M. Mast de Vries. - Messieurs, je crois qu'il est très difficile, et même impossible, de diminuer les péages du chemin de fer. Je me mets donc en opposition, dès le premier moment, avec les calculs de l'honorable M. David, et je vais étayer à mon tour mon opinion de quelques chiffres et de quelques considérations.
L'honorable membre, pour demander une diminution de péages, vous dit qu'il faut ajouter à chaque convoi partant de Liége cent à cent vingt tonneaux de houille. Je viens, messieurs, de faire un calcul ; et en supposant qu'il n'y eût qu'un convoi par jour, et je crois que c'est bien suffisant, je trouve qu’on amènerait à Anvers annuellement la quantité de 40 millions de kilogrammes de houille.
.Maintenant, d'un autre côté, pour que les calculs de l'honorable M. David soient exacts, il faudrait aussi transporter journellement d'Anvers vers Liége 80 tonneaux de marchandises, ce qui ferait annuellement 30 millions de kilogrammes de marchandises.
Si maintenant, vous vous représentez que le bassin de la Meuse ne transporte pas un seul kilogramme de houille à Anvers, je vous laisse à penser ce que feraient sur la place d'Anvers 40 millions de kilogrammes. Car 40 millions de kil de houille, que l'honorable M. David voudrait faire transporter pour rien ou à peu près, ce n'est rien moins que la charge de cinq cents navires de Charleroy, ce qui fait plus que la consommation d'Anvers.
Mais, dit l'honorable membre, c'est pour favoriser le commerce d'exportation que je demande que les péages soient réduits.
Messieurs, il est assez remarquable que dans un moment où l'Angleterre, malgré les immenses quantités de houille dont la nature l'a dotée, impose les charbons, à la sortie, d'un droit de p.c., il est étonnant, dis-je que dans un pareil moment on prenne chez nous des mesures tout à fait contraire. Pourquoi l'Angleterre établit-elle un semblable droit ? Parce qu’elle sait que la houille est un objet de première nécessité pour l'industrie, et que si elle l'abandonne aux autres nations, elle leur donne par là un moyen de lui faire concurrence sur tous les marchés où elle veut exercer le monopole. Comment voulez-vous que nous, qui ne sommes pas sous ce rapport dans une position aussi favorable que l'Angleterre, nous allions pousser à l'exportation de la houille ? Je sais bien que cela enrichira les propriétaires des houillères, mais cela sera loin d'enrichir le pays.
Une autre observation a été faite par l'honorable M. David, relativement au tarif du 22 mars et aux réductions que M. le ministre y a introduites quelque temps après sa publication, réductions qui entrent tout à fait dans les vues de la commission. L'honorable membre a demandé où M. le ministre a puisé le chiffre de 20 % qu'il a adopté pour la réduction. Comme membre de la commission, j'ai été obligé de revoir aujourd'hui les documents qui lui ont été adressés, et j'ai vu dans ces documents que les chambres de commerce applaudissent au tarif ; j'y ai vu que la diminution que nous avons proposée à M. le ministre, et qui a été adoptée par lui, est précisément la proposition la plus large qui a été fait par les chambres de commerce : la chambre de commerce de Bruxelles, par exemple, a demandé une réduction de 20 % sur les marchandises de la catégorie pour laquelle cette diminution a été accordée.
Je bornerai ici mes observations, mais si nous devions discuter à fond la question des tarifs, je prouverais à la dernière évidence que les calculs de la commission sont exacts, qu'ils ont été établis sur des documents certains ; que lorsque la commission a porté à 15 fr. par lieue et par tonneau les frais de locomotion, elle n'a tenu compte que de dépenses qui ont réellement été faites.
Je ferai encore une seule remarque : on a comparé le chemin de fer aux canaux et rivières ; eh bien, il est évident que si vous abaissez le prix du transport sur le chemin de fer, vous devez aussi rabaisser sur les canaux et rivières ; mais il n'en résulte pas du tout que si vous l'abaissez sur les canaux et rivières, vous devez par cela même rabaisser aussi sur le chemin de fer. Il y a, messieurs, une différence immense entre le chemin de fer et les canaux et rivières ; quel que soit le nombre des navires qui passent dans un canal, cela ne vous fait pas dépenser un centime de plus, mais sur le chemin de fer vos dépenses augmentent en proportion de l'augmentation de circulation, et si vous transportez à perte, plus vous transporterez plus votre perte sera grande. (Aux voix ! aux voix !)
M. David**.** - J'avoue que M. le ministre des travaux publics vient de constater des améliorations, mais je voudrais qu'il eût la bonté de dire si ces améliorations sont plutôt dues au tarif royal qu'au tarif ministériel qui l'a remplacé.
Je ne trouve pas qu'en général M. le ministre ait répondu à mes chiffres, et cela ne m'étonne pas, M. Dumortier en a dit la raison, c'est qu'ils sont peut-être un peu nombreux et un peu difficiles à saisir sur une simple énonciation. J'espère que M. le ministre et M. Dumortier voudront bien examiner ces chiffres dans le Moniteur pour y revenir lorsque nous discuterons le compte-rendu du chemin de fer.
Quant à la proposition que j'ai faite d'entreprendre ces transports par le chemin de fer, M. le ministre n'en a pas dit un mot ; il faut cependant bien que l'on fasse ou qu'on laisse faire, autrement les choses resteront dans le statu quo. Aussi, à entendre l'honorable M. Eloy de Burdinne et l'honorable M. Mast de Vries, il est fort à craindre que l'on n'avance pas d'un seul pas la question des chemins de fer en Belgique.
J'ai demandé à M. le ministre de bien vouloir répondre à mes lettres du 22 mars et du 25 avril ; j'espère qu'il aura la bonté de relire ces lettres et de nous présenter alors les observations qu'elles lui auront suggérées.
Je vois, au moins, d'après ce que vient de dire M. le ministre, que pour le commerce le prix du chargement du charbon est fixé à 7 ou 8 centimes, et celui du déchargement à 5 centimes. Je crains cependant que le prix du chargement ne s'élève à 10 c., et alors mes prévisions resteraient exactes. Il y aurait toujours debout les chiffres de 1 fr. 50 c.
Dernièrement j'ai eu l'honneur de remettre, avec l'honorable M. Fleussu, à M. le ministre des travaux publics, une lettre d'un des premiers industriels de Liége, dans laquelle il faisait des observations extrêmement graves sur le changement que l'achèvement des plans inclinés a apporté à la position des houillères du bassin de Liége, qui se trouveront maintenant dans l'impossibilité de lutter avec celles des parties hautes. M. le ministre nous avait promis de faire à cet égard tout ce qu'il pourrait ; cependant jusqu'ici nous n'avons obtenu aucune solution.
L’honorable M. Dumortier paraît craindre extrêmement qu'on étende notre marché ; mais si nous faisons des communications nouvelles, si nous coupons, par exemple, le Luxembourg de canaux, si nous construisons des routes nouvelles, de nouveaux chemins de fer ; si le chemin de fer déjà fait présente de nouveaux moyens d'étendre nos débouchés, faut-il que tout reste dans le statu quo ? Ne faut-il pas que le commerce et l'industrie profitent de tous ces moyens de communication ? alors mieux vaut ne plus rien construire.
Je suis tout à fait d'accord avec l'honorable M. Dumortier, qu'il faut tâcher de compléter autant que possible la charge des voitures. C'est là un principe que personne ne peut contester ; il est bien certain qu'un voiturier ne se contentera pas de charger 1,000 k. s'il peut en prendre 2,000. Est-ce là un système ? Il n'y pas là de système.
J'attendrai, pour en dire davantage, que l'honorable M. Dumortier veuille bien me répondre sur les chiffres que j'ai présentés et j'espère qu'il voudra bien le faire aussitôt qu'il en aura l'occasion.
M. de La Coste**,** au nom de la section centrale, présente le rapport sur le projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à réduire les péages perçus au profit de l'Etat sur les canaux et rivières.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et met, sur la proposition de M. le ministre de l'intérieur, le projet à l'ordre du jour, après le vote définitif du projet de loi relatif au fractionnement des communes.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier prétend que je suis tombé en contradiction avec moi-même en disant que les routes décrétées par la loi de 1837 étaient onéreuses à l'Etat, après avoir dit, que la route d'Ans à la frontière prussienne coûtait 4 ou 5 fois plus qu'on ne le présumait. Je répondrai à l'honorable membre que j'envisage la construction de la route d'Ans à Verviers toute aussi onéreuse que lui. Quant à celles dont nous a doté la loi de 1837 je les trouve onéreuses pour un autre motif, parce qu'on aurait pu s'abstenir de les faire faire par l'Etat. Mais je lui demanderai, s'il était possible d'éviter cette route de Liége à la frontière ; cette route n'était-elle pas le résultat du premier vote sur les chemins de fer ? Tandis qu'il eût été peut-être très convenable d'épargner à l'Etat la construction des routes d'un intérêt secondaire, sans faire tort à la grande pensée d'une voie en fer de la mer à l'Allemagne.
J'en viens aux chemins de fer, pour lesquels des compagnies demandent des concessions. Après ce que vient de dire M. le ministre, il ne me reste, qu'à former un vœu, c'est qu'il envisage les projets de lignes du chemin de fer parallèles à celui de l'Etat au point de vue de l'intérêt général ; il est incapable d'en agir autrement, j'en ai la confiance.
Il me reste à le prier de vouloir bien répondre quelques mots aux paroles que j'ai prononcées tantôt sur le système maintenu en Belgique de remorquer les trains par de doubles locomotives.
M. de Mérode. - Messieurs, dans toutes les dépenses de l'Etat on a cherché, autant que possible, à contenir le ministère dans des bornes précises. Mais à l'égard des chemins de fer, tant pour les constructions que pour l'exploitation, la multitude des emplois et leur rétribution, on a tout livré à la discrétion ministérielle. Il est défendu d'ajouter cent francs au traitement d'un juge, mais on peut donner à un commis du chemin de fer une solde indépendante de toute limite légale quelconque, et ajouter à cette solde 1,000 et 2,000 fr. sans obstacle.
Il en est de même pour les frais de construction, mais sur une bien plus large échelle. Ainsi nous venons d'apprendre que chaque lieue d'Ans à la frontière de Prusse coûtera trois millions, c'est-à-dire 27 millions sans compter les imprévus de l'avenir. Ainsi, messieurs, 35 ou 40 kilomètres de cette voie coûteront autant que 120 lieues de route pavée ; et rien n'empêchait, en prenant un autre tracé, d'économiser la moitié de cette somme ; par conséquent, de donner à une foule de communes, embourbées pendant 6 et 8 mois par an, des subsides qui auraient créé 100 lieues de chemins ; car ces communes, avec un secours de moitié des frais d'établissement, eussent créé les routes qui manquent dans les parties les plus fertiles du pays et aux portes mêmes de Bruxelles.
Aussi peut-on dire que c'est bien inutilement que l'on a, dans cette chambre, épluché les budgets avec tant de fatigues et d'ennui depuis douze années. On a ainsi économisé quelques centaines de mille francs sur quelques emplois, tandis que, d'autre part, on répand les ressources du trésor public par millions.
Il me semble, messieurs, qu'il est temps de fixer les tarifs par la loi ; car si par malheur, un seul ministre abandonne, pendant quelques mois, les intérêts de nos finances et qu'il veuille se rendre complaisant pour les exigences des spéculateurs, une habitude de bon marché s'établit au préjudice des contribuables, et l'on ne peut plus reprendre le prix normal qu'avec mille difficultés et en subissant une tempête de réclamations que peu de ministres savent affronter courageusement.
M. Masui vient de dire, dans l'assemblée du chemin de fer rhénan, que chaque convoi de voyageurs y rapporte, l'un portant l'autre, près de trois fois autant qu'en Belgique. Si le tarif était fixé par la loi, nous ne verrions pas une telle différence, et l'on prendrait en plus sérieuse considération les calculs de l'honorable M. Dumortier.
Quel tribut, en effet, est moins onéreux que celui qui se perçoit pour un service rendu ?
Pour moi, dès aujourd'hui, je cesse d'accorder au gouvernement une latitude indéfinie de réduction dans les tarifs. Ce n'est point par défaut de confiance dans le ministre actuel des travaux publics, mais pour rentrer dans l'ordre constitutionnel en ce qui concerne les recettes et les dépenses.
Les malheureux fileurs des Flandres n'ont rien gagné aux chemins de fer, et l'Angleterre, qui en est sillonnée, voit ses ouvriers mourir de faim, malgré sa toute puissance commerciale et industrielle, qui n'aboutit à rien d'autre qu'à surcharger le pays d'un excès de population misérable que le sol n'est plus en état d'alimenter .
Je demande que M. le ministre nous propose un tarif légal pour le traitement des employés du chemin de fer ; à la première occasion où l'on s'occupera de cet objet. (Aux voix ! aux voix !) .
M. Coghen. - Je vois que la chambre est impatiente d'aller aux voix. Je répondrai donc aux observations de l'honorable M. David, dans une autre occasion qui ne tardera pas à se présenter.
M. David. - Nous ne demandons qu'une seule chose, c'est de pouvoir arriver à Anvers au même prix que le Hainaut. Or, le Hainaut y arrive maintenant à 6 fr. (Aux voix ! aux voix !)
M. Coghen. - Il ne peut pas rester vrai dans le pays que la province de Liége est sacrifiée à d'autres provinces. Pour arriver soit à Anvers, soit à Bruxelles, la distance de Liège est la même. L'honorable M. David vient de dire que le tonneau de charbon coûte par le chemin de fer 11 à 12 francs ; eh bien, de Seneffe a Bruxelles, la distance est de 8 lieues, et le tonneau de charbon paie pour péage et transport fr. 5 25 cent., ce qui pour une distance de 23 lieues ferait pour Liège 15 fr.
Ainsi, la réclamation de l'honorable M. David n'est nullement fondée, parce que le transport se fait de 11 à 12 francs par tonneau.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) -Messieurs, l'honorable M. David m'a demandé pourquoi je n'avais pas encore répondu aux lettres qu'il a fait insérer dans le Moniteur. La raison en est toute simple ; c'est que M. David ne m'a pas adresse ces lettres ; s'il me les avait adressées, il y a longtemps que je lui aurais répondu ; je m'engage cependant volontiers à lui faire une réponse, si l'honorable membre veut m’écrire pour m’en demander une.
Quant à la réclamation que les honorables MM. David et Fleussu m'ont remise au nom des propriétaires des houillères qui se trouvent dans le bassin de Liège, on conçoit qu'il a fallu éviter dans le principe, d'avoir sur les plans inclinés des transports trop considérables.
La chambre se rappellera que, dans les premiers essais qui ont été faits des plans inclinés, un accident assez grave est arrivé et que ces essais ont eu lieu avec des transports de marchandises. Il a donc fallu, dans l'intérêt de la sûreté des voyageurs et des fonctionnaires de l'administration, ne pas encombrer tout de suite les transports qui se font par les plans inclinés.
D'un autre côté, la question a dû être examinée sous toutes ses faces, et l'on a dû prendre aussi en considération que les fours à coak se trouvent situés à Ans et qu'on n'en a pas encore pu construire à proximité de la station des Guillemins.
La question est maintenant complètement étudiée, et j'ai approuvé un cahier des charges pour l'adjudication de la houille à fournir aux fours à coak d'Ans ; mais les entrepreneurs seront admis à donner leur soumission pour livrer à la station des Guillemins, sauf qu'ils auront à encourir la responsabilité de leur charbon jusqu'à Ans ; ainsi les propriétaires des différentes houillères pourront concourir à cette adjudication. L'annonce en a dû être insérée aujourd'hui au Moniteur, sinon elle le sera demain.
Quant à l'observation faite par l'honorable M. de Man sur le danger qu'il trouve dans l'emploi de deux locomotives, lorsque les convois sont nombreux, tous les membres de la chambre ont pu voir dans le Moniteur les explications que j'ai données à cet égard au sénat. (Oui ! oui !) Certes, il peut y avoir dans certains cas du danger à faire usage de deux locomotives, mais grâce aux bonnes mesures de précaution prises jusqu'ici, ce danger ne s'est pas révélé sur nos chemins de fer, et il y a toujours plus de danger à séparer les convois. Or, lorsque les convois sont trop nombreux, il faut bien cependant employer l'un ou l'autre de ces deux moyens. Eh bien, l'administration emploie le moyen que jusqu'ici l'expérience a prouvé être le moins dangereux.
M. David. – Je tiens à signaler, messieurs, que quand j'ai répondu à l'honorable M. Coghen, qui me demandait le prix des transports de houille de Liége à Bruxelles, je n'ai pas lui indiquer à la dérobée que celui de 11 à 12 francs par 1,000 kilog., mais messieurs, je ne veux plus rentrer dans la discussion, car il y a à ajouter toutes sortes d'autres frais à ces 11 à 12 francs que je calculerai alors comme M. Coghen les calcule pour le Hainaut. Ainsi des frais très considérables sont faits pour amener seulement les houilles soit à la station de Guillemins, soit à celle d’Ans. Le tarif du parcours des plans inclinés est aussi un obstacle, et tout cela est en dehors du prix de 11 à 12 fr. que j'ai indiqué comme approximatif, n'ayant pas toutes les pièces sous les yeux pour dire exactement le chiffre. (Aux voix ! aux voix.)
- La clôture de la discussion est prononcée.
L'article unique du projet est ainsi conçu :
« Sont prorogés au 1er juillet 1843 :
« 1° L'art. 1er de la loi du 12 avril 1835 (Bulletin officier, n°196) ;
« 2° Les articles 2, 3 et 4 de la loi du 31 mai 1838 (Bulletin officiel, n°203). »
On procède à l'appel nominal.
75 membres prennent part au vote.
74 répondent oui.
1 (M. de Mérode) répond non.
En conséquence, le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. de La Coste, Cogels, Coghen, Cools, Coppieters, David, de Baillet, de Behr, de Brouckere, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Renesse, de Roo, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Henot, Hye-Hoys, Huveners, Jadot, Kervyn, Lange, Lejeune, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Peeters, Pirmez, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, vau Cutsem, Vandenbossche, Vanden Eynde, Vanderbelen, Wallaert, Zoude.
M. le président. - Ce projet de loi est ainsi conçu :
« Art. 1er. Le gouvernement pourra apporter au régime d'importation et de transport de marchandises en transit direct et en transit d'entrepôt, telles modifications qu'il jugera favorables au commerce et compatibles avec les intérêts du trésor et de l'industrie nationale. »
« Art. 2. La présente loi n'aura d'effet que pour un an et sera exécutoire à partir du jour de sa promulgation. »
- La discussion générale est ouverte.
M. Hye-Hoys**.** - Messieurs, le projet de loi, maintenant en discussion, n'a d'autre portée que de favoriser le transport des marchandises en transit par les chemins de fer, sans nuire aux intérêts du trésor ni à l'industrie nationale, ainsi l'a compris votre section centrale d'après les explications données par M. le ministre des finances ; et dès lors messieurs, il est tout dans l'intérêt du pays de favoriser le transit, qui est pour la Belgique d'une importance que nul pays ne peut lui disputer, si les lois des douanes ne viennent pas paralyser les avantages par des fiscalités, par des entraves et par des frais mal établies et mal perçus.
Quand on considère que les villes d'Hambourg et de Brême, dont le commerce principal, les bénéfices les plus importants pour leurs négociants sont le transit, et que ces villes anséatiques n'ont que 5 mois par an de libre navigation, les 7 autres mois étant interrompus par les glaces ; que la Hollande, les ports d'Amsterdam et de Rotterdam, pour lesquels le transit est également le commerce le plus important, et qui n'ont que sept mois par an de navigation, que ne peut-on attendre et espérer pour la Belgique, où les ports d'Ostende, d'Anvers et de Gand peuvent recevoir les navires, à peu d'exceptions près, les douze mois de l'année !
Les chemins de fer, qui présentent une ligne droite et par conséquent la plus courte, faisant face et se trouvant au milieu des grands ports d'exportation de l'Angleterre, c'est-à-dire offrant le trajet le plus court entre Londres et Hull, toutes les marchandises doivent se diriger sur nos ports. Jamais les ports du Nord ne pourront rivaliser avec les nôtres, et nous n'avons pas plus à craindre les ports de France d'où la distance pour l'Allemagne devient considérablement plus forte et où les entraves seront toujours plus pratiquées ; la France n'ayant jamais connu ni permis de système libéral et protecteur pour le commerce, il y aura toujours une teinte des droits réunis qui complique le tout par des théories vexatoires et incompatibles avec le véritable commerce, qui ne se développe et ne prospère que dans sa liberté ; liberté bien entendue cependant, qui se soumet au payement des droits justement établis et en raison des intérêts nationaux et des rapports internationaux. Mais si le législateur a jugé équitable de faire payer une marchandise 15 centimes par cent francs de la valeur, peut-on concevoir que les employés de la douane exigent pour émolument, par exemple, sur un hectolitre de graines de chanvre, qui vaut en ce moment 15 francs l'hectolitre et paie pour droits de transit, au trésor, 2 fr. 14 c. et pour émolument aux employés de la douane, 3 centimes par hectolitre. Les émoluments des employés sont donc de 3/4 de centime par hectolitre de plus que les droits du trésor. Si la législation a voulu ne faire payer au transit qu'un droit modique, comment peut-elle laisser percevoir le double par les employés à titre d'émolument, pour droit de pesage ou mesurage ; pesage et mesurage que le négociant doit en outre faire effectuer à ses frais par des mesureurs ou peseurs jurés de la ville, outre les frais de convoi et de plombage que les employés exigent, malgré que la loi dit positivement que la marchandise sera convoyée ou plombée.
Voilà du moins ce qui se pratique à Gand, et qui a pour résultat de nous enlever le transit de toutes les graines du Nord, en destination pour les départements du nord de la France, que nous pourrions obtenir, par l'économie que Gand avait apportée dans ses frais de perception et d'expédition, et qui se trouvaient nivelés avec ceux de l'expédition par le port de Dunkerque, mais que les faux frais de mesurage, convoi et plombage, ont tellement enflés, que l'avantage est resté aux importations par Dunkerque. C'est ainsi que le port de Gand, perd une grande partie de sa navigation, les nombreux ouvriers et fournisseurs leur salaire et leur bénéfice, l'octroi ses droits sur la grande consommation des marins, et le trésor des droits de tonnage et de transit sur les marchandises, dont le port de Dunkerque seul profite.
Un autre transit non moins important est celui des huiles d'œillettes, qui s'expédient en si grandes quantités de Lille et environs pour la Hollande et l'Allemagne. La ligne directe par Gand était préférée au détour par Dunkerque ; mais à peine le commerce de Gand avait, après bien des efforts et des démarches, obtenu la préférence par cette voie, et les masses d'huiles étaient sur le point de traverser la Belgique, lorsque l'idée a pris aux employés de la douane de Menin, premier bureau frontière en arrivant de Lille, de faire poser sur la bande de chaque petit baril d'huile qui contient un hectolitre, un cachet pour pouvoir le faire paye 15 centimes d'émolument, faire décharger et recharger les voitures à Menin, et causer ainsi tant de frais que le transit, qui n'en était qu'à son essai, a cessé tout d'un coup. Les huiles ont repris le chemin de Dunkerque, où on cherche à provoquer toutes les économies pour paralyser le transit par la Belgique, et il a été prouvé que le cachet à peine posé, et les barils roulés à deux pas, était cassé et avait disparu ; ce qui se conçoit sans peine, la cire étant sèche casse, et au moindre contact se détache, ce n'est donc purement que pour pouvoir mettre l'expédition à contribution de 15 centimes par baril que cette formalité se remplit.
Le projet a donc pour but de faire disparaître non seulement ces abus, ces vexations, qui font un grand préjudice au transit de la Belgique, mais de supprimer, autant que possible, les mesures vexatoires et frayeuses, qui paralysent le commerce du transit en Belgique, et qui, par les communications directes du chemin de fer, pourront être supprimées sans inconvénients ; les convois et les plombs deviendront parfaitement inutiles pour toute marchandise en transit en Belgique et sortant de ce royaume par les lignes du chemin de fer sans rompre charge, pourvu que dans chaque station on établisse un poste de douane d'un, de deux ou trois employés, selon l'importance du service, qui visent les acquits de transit là où la marchandise devrait séjourner la nuit, à défaut de communications immédiates.
Les employés du chemin de fer, également employés de l’Etat, étant chargés de ne laisser sortir des stations respectives aucune marchandise arrivant d'au-delà des frontières, sans qu'elles fussent accompagnées des acquits de payement des droits de douane, ou des acquits de transit lorsque l'expédition de ces marchandises doit se faire hors du royaume par d'autres voies que les chemins de fer, par exemple, lorsque des marchandises arrivant de France et destinées pour la Hollande doivent continuer le transit de Gand par eau, le bureau de Zelzaete, ou d'Anvers, par le bureau de Lillo.
La Belgique ayant eu de grandes exportations de machines et mécaniques pour le Mexique, les propriétaires de ces machines avaient voulu dernièrement compléter les cargaisons des navires qu'ils emploient pour le transport à la Vera-Cruz, par des marchandises achetées en France, qu'ils avaient fait diriger de Lille en transit par Menin sur Ostende ; eh bien, toutes ces marchandises précieuses ont été déballées à Menin, estampillées et remises dans les caisses d'une manière à tout détériorer, tout gâter. Une seconde expédition devait se faire, mais elle a été dirigée sur le Havre, et la Belgique a perdu droits, commission, transports et main-d'œuvre aux ouvriers.
La voie des chemins de fer, offrira bientôt un passage direct sans interruption ni séjour, on pourra donc par la nouvelle législation sur la matière faire disparaître au fur et à mesure toutes les formalités inutiles, et surtout ces émoluments onéreux.
Les employés du chemin de fer étant salariés et commissionnés pour veiller aux droits de l'Etat comme les employés de la douane, aucune fraude ne peut être possible le long des lignes en exploitation. Je voterai cette loi de confiance n'étant que pour le terme d'un an.
- Personne ne demandant plus la parole dans la discussion générale, on passe aux articles qui sont adoptés sans discussion.
On passe à l'appel nominal ; le projet de loi est adopté à l'unanimité des 68 membres qui ont pris part au vote. Il sera transmis au sénat.
« Article unique. La révision par les conseils provinciaux des règlements provisoires sur les chemins vicinaux, arrêtés par les députations permanentes, en vertu de l'art. 39 de la loi du 10 avril 1841, pourra être ajournée à la session ordinaire de 1843. »
- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 65 membres qui ont répondu à l'appel nominal.
Il sera transmis au sénat.
Les membres qui ont répondu à l'appel sont : MM. Cogels, Coghen, Cools, Coppieters, David, de Brouckere, Dedecker, de Foere, de Garcia de la Vega, Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Renesse, de Roo, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Doignon, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Henot, Hye-Hoys, Huveners, Jadot, Kervyn, Lejeune, Lys, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Sillions, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vanden Eynde, Vanderbelen, Wallaert, Zoude et Fallon.
M. le président. - La chambre veut-elle entreprendre maintenant la discussion du projet de loi relatif aux secrétaires ?
Un grand nombre de membres. - Non ! Non ! A demain.
- La séance est levée à 4 heures.