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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 1 juin 1842

(Moniteur belge n°153, du 2 juin 1842 et Moniteur belge n°154, du 3 juin 1842)

(Moniteur belge n°153, du 2 juin 1842)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l'appel nominal à 1 heure.

M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces de la correspondance.

« Le conseil communal d'Ophoven demande que le gouvernement fasse promptement exécuter les travaux de défense nécessaires pour empêcher le débordement de la Meuse. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Vidrequin, gendarme mis à la retraite, demande une augmentation de traitement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi, disjoint du projet de budget des voies et moyens, qui autorise le gouvernement à réduire temporairement les péages sur les canaux et les rivières

Motion d’ordre

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j'ai fait distribuer à la chambre, il y a quelques jours, tous les renseignements relatifs à la proposition concernant la réduction temporaire, dans certains cas, des péages sur les canaux et les rivières. Le gouvernement attache la plus grande importance à cette proposition, il désire qu'elle soit examinée en sections. J'ignore si elle est mise à l'ordre du jour des sections. (Oui ! oui.)

D'après les renseignements que le gouvernement a reçus, il y a des montagnes de houille dans le Hainaut, et il importe que le gouvernement sache, dans un bref délai, jusqu'à quel point il sera autorisé à en favoriser l'exportation.

Projet de loi apportant des modifications à la loi communale, en ce qui concerne les bourgmestres

Discussion générale

M. le président. - La parole est à M. de Villegas.

M. de Villegas. - Messieurs, la question qui nous occupe est à peu près épuisée. Elle a été traitée dans cette enceinte avec une supériorité de talent que je ne saurais atteindre. Je n'ai demandé la parole que pour motiver mon vote et pour rencontrer quelques observations présentées par M. le ministre de l'intérieur à l'appui de son système de modification de la loi communale.

L'art. 108 de la constitution consacre l'application du principe de l'élection directe, sauf les cas que la loi peut établir à l'égard du chef des administrations communales.

En posant cette base, la constitution n'a fait aucune réserve au pouvoir exécutif. Il n'y a donc aucune restitution à faire à ce pouvoir, puisque la constitution a abandonné à la législature ordinaire le soin de régler l'organisation du principe large et libéral qui proclame l'élection directe.

Comment la base de l'administration communale a-t-elle été organisée ? En décrétant, que tout le corps communal serait élu par les habitants, et que le bourgmestre et les échevins seront choisis par le Roi, mais dans le sein du conseil.

Cette loi de 1836 n'est donc pas inconstitutionnelle, ainsi qu'on l'a soutenu.

Au surplus, pour démontrer qu'elle ne mérite pas ce reproche, consultons à ce sujet le rapport de la section centrale, présenté par l'honorable M. Raikem, sur le projet de constitution.

« L’élection directe. A la section centrale on a été unanimement d'avis, que l'élection directe devrait avoir lieu pour les conseils provinciaux. Mais il n'en a pas été de même pour les conseils communaux. Quelques membres ont pensé qu'il convenait de laisser une grande latitude à la loi spéciale ; qu'il y avait des différences à faire, soit quant aux fonctions communales elles-mêmes, soit quant aux localités ; que l'élection, bonne pour les grandes villes ne l'était pas pour les campagnes et les petites villes, à cause des influences particulières. Des membres demandaient que les bourgmestres fussent nommés par le chef de l'Etat, qui devrait les choisir dans le sein du conseil communal, et que les conseillers communaux fussent nommés par la voie de l'élection directe. D'après cela l'on s'est demandé, à la section centrale, 1° si l'élection directe aurait lieu pour les conseils communaux des villes ; 2° si elle aurait également lieu pour ceux des communes rurales ; 3° comment se ferait la nomination des bourgmestres. Il y a été résolu 1° à l'unanimité, que l’élection directe aurait lieu pour les conseils communaux des villes ; 2° à la majorité de huit voix contre six qu'on s'en rapporterait à la loi pour tout ce qui concerne la nomination des membres des conseils des communes rurales ; 3° à l'unanimité, qu'on devrait aussi laisser à la loi le soin de régler ce qui concerne la nomination des bourgmestres. Cependant, un membre de la section centrale était d'avis que tout ce qui était relatif à la composition des conseils provinciaux et communaux ne devait pas trouver place dans la constitution. Un membre a proposé d'admettre l'élection directe pour les conseils communaux, dans les limites établies par la loi ; cette rédaction a été adoptée à la majorité de huit voix contre cinq. On s'est demandé, à la 9e section, si les nominations seraient à vie. Cette question n'a pas reçu de solution. »

La section centrale avait proposé la rédaction suivante :

« L'élection directe, sauf les limites à établir par la loi quant aux autorités communales. »

Mais dans la discussion, l'exception à l'élection directe a été restreinte aux chefs d'administrations communales et aux commissaires du gouvernement, et la rédaction de l'article actuel a été arrêtée par suite d'un amendement présenté par M. Lebeau.

Il est évident que par les mots chefs de l'administration communale, le congrès n'a entendu parler que des bourgmestres. Si l'art. 2 de la loi communale a étendu l'exception aux échevins, c'est parce que les attributions du bourgmestre et des échevins étant à peu près les mêmes, l'exercice du pouvoir, exécutif leur est simultanément dévolu, d'où la conséquence, que si les attributions cessent d'être les mêmes, si le principe d’homogénéité n'existe plus, si le bourgmestre devenait le seul agent du pouvoir exécutif central, lui seul aussi devrait être considéré comme chef d'administration ; d'où cette conséquence ultérieure, que la nomination des échevins appartiendrait aux habitants.

Le ministère propose des modifications à la loi communale, quant à la nomination des bourgmestres, sans faire mention des échevins et fonde son projet sur l'enquête administrative qui nous a été communiquée. Je ne reviendrai plus sur ce qui a été dit hier sur l'insignifiance de cette instruction, sur l'irrelevance des faits rares qu'elle énumère.

Il a été question de ce document au commencement de la discussion, mais il a cédé son importance aux considérations politiques sur lesquelles le projet de loi est exclusivement basé. Au point de vue administratif, ce projet n'est donc pas sérieusement soutenable.

Si des abus se sont glissés dans quelques administrations, ces abus ont été tellement imperceptibles que l'administration générale, que l'ordre public n'en ont reçu aucune atteinte. D'ailleurs, les abus ne sont-ils pas inséparables de toute institution humaine ? ne peut-on pas y obvier sans anéantir le principe fondamental de la vie communale ?

Mais ces abus sont-ils donc si graves qu'une modification radicale qu'un remaniement complet de la loi communale soient devenus urgemment nécessaires ? M. le ministre de l'intérieur reconnaît lui-même dans l'exposé des motifs qu'un remaniement du système communal n'était pas dans sa pensée ; mais alors pourquoi s'est-il empressé de se rallier aux propositions extensives de la section centrale ? Je concevrai encore que dans des cas rares, pour des motifs d'une gravité non douteuse et suffisamment caractérisée par la loi et de l'avis motivé de la députation permanente, on introduisît une exception à la règle absolue posée dans l'art. 2 de la loi organique, en changeant les attributions ; mais je n adopterai jamais le projet de la section centrale qui sacrifierait la règle à l'exception.

On a dit à satiété que le bourgmestre pris dans le conseil communal est trop souvent préoccupé de sa réélection, et que cette préoccupation lui fait négliger ses devoirs.

Cette préoccupation est légitime, elle est dans le cœur humain. Si elle était un crime, les chefs des administrations communales ne seraient pas les seuls coupables. D'autres orateurs ont suffisamment justifié les bourgmestres du reproche de sacrifier leurs devoirs à cette préoccupation, je me contenterai de dire qu'en qualité de procureur du Roi, j'ai depuis 1830 des relations quotidiennes avec les administrations locales et que je n'ai qu'à me louer du zèle, de l'activité de l'intelligence que les bourgmestres et les échevins ont déployés dans l'exercice de leurs fonctions d'auxiliaires du parquet. Une expérience de 12 années de fonctions judiciaires ne peut-elle pas être mise dans la balance des renseignements fournis par l'administration civile ?

Mais comment se fait-il que ces reproches s'adressent toujours exclusivement aux bourgmestres ? S'ils étaient fondés, ne devraient-ils pas être partagés par les échevins ? Ceux-ci n'ont-ils pas une origine commune et ne remplissent-ils pas aussi bien que les bourgmestres les fonctions d'officier de police, soit administrative, soit judiciaire ? Et cependant on ne demande aucun changement dans le mode de leur nomination. Tout cela ne prouve-t-il pas que le projet ministériel révèle un autre but ?

M. le ministre de l'intérieur dit dans un précédent discours que, dans le système actuel de la loi communale, il y a confusion entre tous les pouvoirs, assujettissement complet du pouvoir exécutif au pouvoir électif ; qu'à ses yeux cet assujettissement, cette confusion, c'était le désordre.

J'ai démontré qu'il n'y avait pas de confusion. La constitution a posé les bases de l'administration communale et a abandonné à la législation ordinaire le soin d'en régler l'organisation.

Il n'y a pas assujettissement du pouvoir exécutif au pouvoir électif, par la raison bien simple que l'un et l'autre sont renfermés dans de justes limites et fonctionnent dans leur sphère constitutionnelle.

Pourrait-on dire qu'il y a confusion entre les pouvoirs et assujettissement du pouvoir central, lorsque, par exemple, le Roi doit nommer un commissaire de police sur une liste de deux candidats présentés par le conseil communal ?

Y a-t-il assujettissement parce que, dans certains cas, le droit de conférer des emplois dans l'administration générale est subordonné à des présentations en dehors desquelles le Roi ne peut pas nommer ? M. le ministre a encore dit que le pouvoir exécutif était entièrement désarmé devant les communes. C'est une erreur. La loi communale accorde au Roi la faculté d'annuler les actes des autorités communales qui sortent de leurs attributions, qui sont contraires aux lois ou qui blessent l'intérêt général.

L'art. 50 de la même loi donne en outre au gouverneur, qui est l'agent direct du pouvoir exécutif, le droit de suspendre et de révoquer, dans certains cas, le bourgmestre et les échevins.

Il ya donc, au profit du pouvoir central, droit de nomination des bourgmestres et échevins pris dans le sein du conseil, sans entraves à la liberté du choix et contrôle sur les actes de l'administration communale.

D un autre côté, la commune conserve le droit d'élection directe et de gestion de ses intérêts particuliers, sauf la tutelle de l'administration supérieure. Ces rouages administratifs sont donc sagement combinés, et il serait dangereux d'en rompre l'équilibre ou d'en détruire l'économie. Il n'y a donc aucune nécessite de modifier dans sa base la loi communale. Les motifs à l'appui du projet de modification manquent ; nous avions demandé, de bonne foi, un complément d'instruction. La majorité de la chambre a pensé qu'elle était suffisamment éclairée, et a rejeté la motion d'ordre présentée par un honorable collègue.

Le moment actuel est-il d'ailleurs bien choisi pour réformer la loi de 1836 ? Je ne le pense pas. Une réforme aussi radicale dans la loi communale est destinée à jeter le trouble dans les administrations, à augmenter la division qui règne dans les esprits et à servir de nouvel aliment aux passions politiques qui agitent le pays.

Un orateur de la droite a pensé qu'en donnant au gouvernement le droit de nommer un bourgmestre hors du conseil communal, les passions politiques disparaîtraient de l'arène électorale. Permis à cet orateur de se laisser aller aux illusions du système qu'il préconise, mais permis à nous de ne pas croire à l'union et à la concorde dans un corps communal présidé par un homme qui sera choisi par le ministère, précisément par cela que l'on saura qu'il n’a pas obtenu les suffrages des électeurs de la commune.

L'orateur auquel je fais allusion a-t-il songé à la position de ce bourgmestre dans le sein d'un conseil dont il ne fait pas partie et aux tracasseries nombreuses et permanentes qu'on lui suscitera, au grand préjudice de l'administration ? Ce point de vue est très important et mérite d'arrêter un instant l'attention de ceux qui voient le côté pratique des choses.

Au total, je pense que l'expérience ne nous a pas démontré la nécessité de modifier, de la manière proposée par la section centrale et les auteurs des amendements, l'article 2 de la loi organique du 30 mars 1836. Si plus tard des modifications sont reconnues indispensables, soyez persuadés, messieurs, que je ne serai pas le dernier à m'y rallier. Ce langage doit vous être d'autant moins suspect dans ma bouche que, par sympathie, comme par principe, je suis sincèrement attaché au gouvernement de mon pays, et que, dans ma carrière judiciaire, j'ai donné des gages non équivoques de mon dévoilement à nos institutions nationales et de fidélité aux devoirs attachés aux fonctions que je remplis depuis la révolution hors de cette enceinte.

Je voterai donc contre les divers projets de loi relativement au mode de nomination des bourgmestres tels qu'ils ont été présentés par la section centrale et auxquels s'est rallié M. le ministre de l'intérieur.

M. Simons. - Je n'avais pas l'intention de prendre part à la discussion générale : en effet, après les débats qui ont eu lieu successivement dans cette enceinte, ainsi que dans celle de l'autre chambre, il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de produire en théorie, au sujet de la nomination des agents du pouvoir exécutif dans la commune, un seul argument pour ou contre tel ou tel système, qui déjà ne se soit fait jour. Tout a été dit, tout a été répété à satiété ; et si jamais matière a été épuisée, c'est sans doute celle qui fait dans ce moment l'objet de nos délibérations.

Quelques-uns des adversaires du projet se sont créé des fantômes, uniquement pour avoir le plaisir de les combattre ; et, détournant constamment les esprits du véritable état de la question, ils ont cherché à les entraîner et à les égarer dans un dédale de possibilités aussi absurdes que ridicules, en présence de notre régime libéral constitutionnel. D'autres attribuent, d'une manière aussi déloyale qu'injuste, des idées liberticides à des noms honorables qui, dans les jours du danger, ont donné des gages non équivoques du plus beau patriotisme, et ils se proclament ensuite, à l'aide de ces exagérations, les défenseurs du nouvel ordre des choses et les seuls véritables conservateurs contre le prétendu esprit envahisseur du gouvernement : Voilà à peu près le résumé fidèle de presque tous les discours que les adversaires du projet de loi ont fait entendre.

En vain les ramène-t-on sans cesse sur le véritable terrain de la question ; en vain leur démontre-t-on que les modifications proposées ne touchent en rien aux intérêts communaux ; que la loi communale reste intacte, tant en ce qui concerne les magistrats municipaux proprement dits, qu’en ce qui regarde les attributions qui leur sont si largement départies par la loi constitutive de l'administration communale ; ils n'en tiennent aucun compte et redoublent d'efforts pour égarer la discussion.

On a beau leur prouver à l'évidence que le projet modificatif dont il s'agit n'a aucun autre but et ne peut avoir d'autre portée que de régler, dans l'intérêt général, un principe constitutionnel non moins important, savoir celui proclamé par l'art. 29 de notre pacte fondamental : au roi appartient le pouvoir exécutif ; ils ne crient pas moins, du haut de la tribune, que le pouvoir en veut aux franchises communales ; que, si la loi est adoptée, il en est fait des libertés constitutionnelles, Quelques-uns poussent même leurs exagérations jusqu'à prédire, avec emphase, une réaction, une contre-révolution.

Eh bien, messieurs, en dépit de toutes ces déclarations, que je m’abstiendrai de qualifier, j’ai foi dans la haute moralité du peuple belge. Non !! Quoique l'on fasse pour exciter les mauvaises passions, ce peuple est trop sage, trop attaché aux libertés qu'il a conquises, au prix de son sang, et surtout trop jaloux des institutions libérales qu'il s'est données, pour qu'il soit jamais possible qu'il serve d'instrument aveugle aux insinuations de ceux qui s'affublent si modestement dans cette enceinte de conservateurs du nouvel ordre des choses.

Je ne suivrai pas ces honorables membres dans leurs aberrations. Je me renfermerai étroitement dans le cercle des considérations qui ont un rapport effectif avec la question proposée à nos méditations ; sans arrière-pensée, comme sans préoccupation, j’examinerai le fait soumis à nos délibérations sur les pièces produites au procès, et qui, dans le cas présent, abstraction de toutes théories, peuvent seules déterminer nos convictions.

De quoi s'agit-il ? Le gouvernement, guidé par une expérience de six ans, nous signale un vice radical dans le système du mode de nomination de l'agent du pouvoir exécutif dans la commune, tel qu'il est consacré par la loi communale de 1836. Il nous dénonce l'inertie, le défaut d'action de ces agents locaux, surtout en ce qui concerne l’exécution des lois, règlements et ordonnances de police. Il nous indique la cause principale de cette inaction, et nous présente en même temps le moyen qui lui paraît le plus propre à porter remède à un état de choses aussi nuisible à la santé des personnes que dangereux pour la tranquillité publique.

Plaçons-nous franchement à ce point de vue examinons impartialement les documents soumis à notre appréciation, et prononçons avec calme sur une question qui se rattache si étroitement à l'intérêt de la société entière. Faisons abstraction des personnes que nous rencontrons sur le banc des ministres !

La question ne présente aucun côte politique, elle est purement administrative et c’est dans ce sens seulement, quelles que soient nos opinions politiques, que nous devons la résoudre.

Eh bien, messieurs, quelles sont les preuves produites à l'appui du projet de loi pour démontrer l'urgente nécessité de la mesure proposée ? Une enquête administrative commencée sous le cabinet précédent et continuée sous les anciens errements par le cabinet actuel.

Cette circonstance ne vous aura pas échappé. Elle mérite d'être tout particulièrement signalée à votre attention, parce qu'elle prouve que si, comme le prétendent plusieurs adversaires, le cabinet actuel aurait été forcé, par des idées liberticides, à vous présenter le projet de loi, ces idées ont été partagées par le cabinet précédent.

Après ce qui nous a été révélé hier à ce sujet par l'honorable M. Liedts, et eu égard à la parfaite homogénéité qui caractérisait si éminemment ce cabinet, l'on aurait mauvaise grâce de vouloir en récuser la solidarité.

Mais revenons à ce document important, qui domine toute la question et dans lequel aurait dû se renfermer toute la discussion.

Vous en aurez sans doute fait le sujet de vos méditations ; eh bien, je vous le demande, l'ensemble de cette enquête laisse-t-il quelque chose à désirer et sous le rapport de la forme et sous le rapport du résultat ? L'élite des fonctionnaires de l'ordre administratif a été mis en cause.

Tous les gouverneurs des provinces ont été entendus, et tous, non pas machinalement, comme l'insinuent plusieurs membres, mais après s'être environnés de tous les renseignements propres à éclaircir le point de la question, après avoir consulté tous les commissaires d'arrondissement, proclament, d'une voix unanime, que le mode de nomination des bourgmestres, comme agents du pouvoir exécutif, , est entaché d'un vice radical, et que ce vice neutralise complètement l'action de la loi, surtout dans les communes rurales ; ils émettent tous l'avis que dans des cas extraordinaires, de guerre ou d'autres événements sinistres, cet état de choses peut avoir les conséquences les plus déplorables ; l'honorable M. Liedts vous l'a répété hier. Unanimement aussi, ils sont d'opinion qu'il faut en attribuer principalement la cause à l'état de dépendance, à l'espèce d'asservissement dans lequel les bourgmestres se trouvent placés vis-à-vis du collège électoral.

Ces honorables hauts fonctionnaires ne sont pas moins unanimes pour provoquer à ce sujet des modifications à l'état actuel des choses.

Et c'est après une enquête aussi solennelle dans sa forme que concluante au fond, qu'on ne rougit pas dans cette enceinte d'attribuer la mesure proposée à une tendance, de la part du pouvoir, vers l'absolutisme, à un misérable calcul pour dépouiller le peuple de ses libertés les plus chères, voire même à une conspiration clérico-aristocratique qui vise à l'omnipotence pour opprimer le peuple.

On ne rougit même pas de faire violence au bon sens, en soutenant à la face du monde du haut de la tribune, que l'enquête prouve au contraire que le système en vigueur a produit les résultats les plus heureux, qu'elle contient la critique la plus amère de la modification proposée et par suite que, bien loin de modifier le système actuellement existant dans un sens restrictif, il faudrait plutôt en étendre les bienfaits, en attribuant le choix des agents du pouvoir exécutif dans la commune directement aux collèges électoraux.

Des exagérations pareilles ne méritent pas qu'on s'y arrête ; elles se réfutent d’elles-mêmes, et si elles prouvent quelque chose, c’est que les meilleurs esprits sont sujets à s’égarer lorsqu’on se laisse emporter par la passion, ou aveugler par un parti pris a priori.

Non, malgré les attaques les plus violentes, je dirai même les plus inconvenantes, qui ont été dirigées contre cette enquête administrative et contre le caractère des honorables fonctionnaires qui y ont pris part, le résultat en est resté intact. En isolant par-ci par là une phrase on a bien pu en fausser le sens, en détachant quelques parties du tout on a bien pu en affaiblir la solidité, mais pris dans son ensemble et surtout dans son résultat et dans ses conclusions, ce document reste et restera toujours la preuve la plus irréfragable, que le gouvernement n'a fait que remplir un devoir impérieux en nous proposant le projet de loi qui fait l'objet de nos délibérations.

Le système vicieux du mode de nomination de l'agent du pouvoir exécutif dans la commune est donc définitivement jugé. Maintenir ce système, malgré l’expérience, qui en a fait justice, c’est exposer le pays, dans des circonstances extraordinaires, aux calamites les plus déplorables ; c'est perpétuer l'inertie dans les communes en ce qui concerne l'exécution des lois et des règlements de police, c'est contester au chef de l'Etat un droit constitutionnel, écrit en toutes lettres dans notre pacte fondamental, c'est en un mot annihiler complètement le pouvoir central dans la commune pour tout ce qui tient à l'intérêt général, et, par une conséquence nécessaire, c'est prêcher partout l'anarchie et le désordre.

Mais, messieurs, je vous le demande, très sérieusement ; pour tout homme qui connaît le cœur humain, et qui réfléchit tant soit peu sur le système tant prôné par une partie des membres de cette assemblée, est-il bien besoin de produire des faits pour vous déterminer à condamner ce système ? Ce système appliqué au bourgmestre, en tant qu’agent du pouvoir exécutif dans la commune, n’est-il pas dans la réalité absurde ?

Je comprends cette théorie en ce qui concerne la nomination des conseillers, spécialement chargés de tout ce qui regarde les intérêts de la communauté. Il est de droit que chaque individu, comme chaque être moral, doit être investi du pouvoir de choisir librement le mandataire chargé de diriger, d'administrer et de régler ses affaires, ses intérêts individuels ou ceux de la communauté dont il fait partie.

Mais je ne comprends pas, même en théorie, et a fortiori encore moins en pratique, un système qui soumette à une élection périodique de la part de ses administrés, un fonctionnaire qui est spécialement chargé de surveiller, de contrôler, de provoquer même des poursuites et des pénalités à charge de ceux-là même auxquels on attribue cette élection.

Un pareil système n'heurte-t-il pas de front le bon sens ? Si quelqu’un vous proposait, au nom du progrès, de la liberté individuelle et de je ne sais quels grands mots, de soumettre les officiers des parquets à l'élection périodique de la part des justiciables, sans doute vous rejetteriez une pareille proposition avec indignation ; vous la taxeriez d'absurde, de ridicule, et certainement pas sans raison. Eh bien, ce système que vous venez si justement de qualifier d'absurde par la loi sur l'organisation judiciaire, vous voulez le rendre applicable à une classe de fonctionnaires auxquels la loi, dans une sphère inférieure il est vrai, confie préventivement les mêmes attributions.

Convenons-en franchement, le système dont il s'agit, en apparence si beau, si libéral en théorie, je parle toujours dans le sens du bourgmestre en tant qu'agent du pouvoir exécutif, est en pratique une véritable utopie, une absurdité.

Je vais plus loin, messieurs ; je soutiens en outre que c'est un système immoral ; et pourquoi ? Parce que vous placez par là tous ces honorables fonctionnaires entre leur conscience et le désir si naturel de la conservation de leur position administrative.

En effet, dans le même moment que vous déclarez, de par la loi que ces fonctionnaires sont dans une dépendance servile des électeurs, qui, au bout d'une certaine période, pourront leur ôter le prestige de la place honorable qu’ils ont occupée, vous exigez de ces malheureux un serment solennel de remplir consciencieusement, envers et à charge de ces mêmes électeurs, le devoir que la loi leur impose. La position que vous leur faites est terrible, et dois-je le dire, chaque fois que mes fonctions m'appellent à recevoir le serment de ces agents, je tremble, et regarde intérieurement ces honorables fonctionnaires avec la douleur la plus vive.

Que ceux qui, grâce aux soi-disant progrès de nos jours, regardent le serment comme une pure formalité, comme un acte insignifiant, haussent les épaules, j'y conseils volontiers. Je sais, par expérience ce que de nos jours l'on entend par sentiments élevés, par progrès, par libéralisme.

Mais que ceux-là y réfléchissent sérieusement, qui savent apprécier ce qu'un serment, un acte aussi solennel et si éminemment religieux, renferme de terrible pour ceux qui, par faiblesse, par condescendance ou par tout autre sentiment transgressent la sainteté d'un pareil acte. Réfléchissez-y, messieurs, le système en vigueur place ces agents constamment entre le parjure ou la perte de leur place pour avoir courageusement accompli leur devoir en bravant leur amour propre et en faisant abnégation de leur personne ; une pareille position est elle tenable ? Je vous le demande, messieurs les officiers du peuple qui siégez parmi nous, voudriez-vous à ces conditions accepter les fonctions pénibles que votre charge vous impose ? Quelles que soient les opinions que vous puissiez avoir sur le système en question, vous vous connaissez, faites franchement la part des faiblesses humaines, et répondez, si, froissés entre vos devoirs et le désir tout naturel de conserver vos fonctions, vous pourrez vous vanter de conserver toujours et dans toutes les circonstances, cette fermeté d'âme et de caractère qui vous feraient braver toutes les attaques d'amour-propre et d'intérêt personnel contre lesquelles vous auriez à lutter.

Il est possible que l'on rencontre par ci par là un homme probe doué d'une aussi haute vertu ; mais vous conviendrez cependant franchement avec moi qu'un pareil être privilégié ferait exception.

Eh bien, messieurs, la position que vous ne voudriez pas accepter vous-même, ne l'imposez pas sans nécessité aux autres.

J'aurais encore d'autres considérations à vous soumettre, qui se rapportent plus particulièrement à des cas particuliers que l'expérience m'a fait observer. Je me réserve de les faire valoir, lorsque nous en viendrons aux articles.

M. Lebeau. - Messieurs, je m'étais fait inscrire pour parler contre le projet de loi, avant que l'honorable M. Devaux ne prît la parole ; mon honorable ami ayant exposé hier les considérations que je me proposais de soumettre à la chambre, considérations auxquelles j'adhère pleinement, je regarde comme un devoir de ne pas contribuer pour le moment à prolonger une discussion qui a déjà pris des développements inaccoutumés. Je renonce donc à la parole, me réservant, si l’utilité m'en est démontrée, de la reprendre dans la discussion des paragraphes.

M. de Theux, rapporteur. - Messieurs, après une aussi longue discussion, dans laquelle toutes les raisons qui peuvent militer pour ou contre les modifications proposées à la loi communale, ont été développées, je pense que je ne dois pas abuser des moments de la chambre ; aussi je me propose d'être court.

Je m'arrêterai sur trois points qui m'ont paru être les points capitaux du débat de la part de l'opposition.

L'on vous a dit, messieurs, que si les modifications proposées étaient adoptées, notre régime municipal serait moins libéral que ne l'était celui des anciennes franchises communales de Belgique ; qu'il serait aussi moins libéral que celui de l’Italie, de la Prusse, de la Hollande et de la France.

On a dit ensuite que la nécessité de modifier la loi communale n'était pas démontrée, que conséquemment ces modifications étaient inutiles et dangereuses.

On a ajouté que les moyens qui ont été proposé par le gouvernement et par la section centrale, ne feraient qu'augmenter les embarras et les difficultés de la situation.

J'examinerai successivement chacun de ces trois points principaux.

Messieurs, en parlant de nos anciennes franchises municipales, l'on n'a sans doute pas entendu parler des communes rurales, car celles-là ne jouissaient anciennement d'aucune franchise ; l'on a donc voulu parler de la moindre portion du pays, c'est-à-dire des villes. Il est à remarquer que sous l'ancien régime ces franchises municipales n'étaient que de véritables privilèges, puisque les institutions qui régissaient les villes n'étaient pas applicables aux communes rurales.

Ces privilèges, messieurs, n'étaient autre chose que le contrepoids d'autres privilèges préexistant à ce que nous appelons les anciennes franchises municipales. Il était donc juste et naturel que tous les privilèges étant renversés par le nouvel ordre de chose qui régit la Belgique, les privilèges municipaux fussent également abolis.

Au surplus, je maintiens que, malgré l'abolition de ces privilèges des grandes villes, celles-ci exercent encore, sous l'empire de nos institutions, plus d'influence dans le gouvernement général de l'Etat qu'à aucune époque antérieure. Je maintiens d'autre part, qu'en ce qui concerne les attributions actuelles des conseils de régence, elles sont plus étendues quelles ne l'ont jamais été, quoique je convienne volontiers qu'à certains égards ces attributions ont été restreintes, par suite du nouvel ordre politique qui a surgi dans ce pays, lors de la conquête par la France.

Quoi qu'il en soit, je suis convaincu qu'aucun des orateurs qui ont évoqué les anciennes franchises municipales, ne voudrait accepter le retour de ces franchises, accompagné du retour des autres institutions qui formaient le régime constitutionnel du pays. Il est dès lors inutile de s'arrêter à un état de choses qui est devenu aujourd'hui impossible.

Messieurs, je croirais manquer à la dignité de cette chambre, si j'établissais une comparaison entre la situation politique de la Belgique quant aux libertés, et la situation de l’Italie.

On a parlé en troisième lieu de la Prusse.

Eh bien, messieurs, je dis qu'on ne peut sérieusement invoquer l'autorité de la Prusse, parce que dans ce pays le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont réunis dans les mêmes mains et par suite de cette réunion, le gouvernement a toujours la puissance nécessaire pour rompre toute résistance qui pourrait se manifester dans les localités. Aussi est-il sans exemple qu'en Prusse, une commune, pas même une grande ville, se soit mise en opposition ouverte avec le gouvernement. La police est toute puissante dans ce pays ; partout l'on y sent la présence, l'action du gouvernement. Nous sommes loin de cet état de choses en Belgique ; je pense, messieurs, qu'on peut vanter la bonne administration de la Prusse, mais je n'ai jamais entendu vanter le libéralisme du régime politique de la Prusse.

L'on a aussi cherché à établir une comparaison entre la Hollande et la Belgique, et l'on s'est notamment prévalu du projet de loi qui vient d'être présenté aux états généraux.

Messieurs, il est très facile de voir par l'examen de ce projet qu'il a pour objet de restreindre les libertés municipales, plutôt que de les étendre.

Vous savez, messieurs, que le règlement de 1817 avait déjà été modifié en Belgique par le règlement de 1825. Le nouveau projet de loi hollandais apporte une amélioration à l'ancien état de choses, en ce que les institutions municipales seront dorénavant régies par la loi, au lieu de l'être par des règlements, variables selon le bon plaisir du gouvernement ; mais c’est précisément à cause que les institutions municipales, en Hollande, vont être régies par une loi, que le gouvernement a voulu se réserver une action plus certaine ; et cette action lui est réellement assurée, aux termes du projet de loi.

En premier lieu, la nomination du bourgmestre qui, d'après les anciens règlements, ne pouvait avoir lieu en dehors du conseil qu'exceptionnellement, pourra être faite en dehors du conseil aussi bien que dans le conseil ; aux termes du projet de loi, la nomination en dehors du conseil ne constitue pas une exception, mais elle forme la règle, tout aussi bien que la nomination dans le conseil.

Il y a plus ; ce projet qu'on nous a présenté comme étant plus libéral que la loi qui résultera de nos débats, si les propositions du gouvernement et de la section centrale sont acceptées ; ce projet, dis-je, accorde dans tous les cas au bourgmestre voix délibérative, alors même qu'il est nommé hors du conseil.

Messieurs, l’on a signalé comme une grande amélioration en Hollande l'élection périodique des conseillers communaux ; le renouvellement, d'après le projet, se ferait par cinquièmes tous les ans.

L’on a aussi considéré comme un avantage la durée plus courte du mandat du bourgmestre et des échevins.

Je conviens que le renouvellement par cinquième des conseils de régence dans les villes, apporte une amélioration à certains égards, en ce que notamment les conseils de régence sont des collèges électoraux pour la représentation des villes dans les états provinciaux. Sous ce rapport, c'est une concession faite à l'opinion publique que le renouvellement par cinquième des conseils de régence considéré comme corps électoraux.

Mais, messieurs, quant à l'indépendance des autorités municipales, il n'en est pas ainsi. La nomination à vie des conseillers municipaux constituait pour les régences une indépendance beaucoup plus grande. Le renouvellement par cinquième tel qu'il est établi par le projet de loi n'amène aucune agitation dans les villes. En Hollande les élections se font indirectement ; à peine s'aperçoit-on même de l'époque des élections. Dans cet état de choses le gouvernement a pu concéder le renouvellement par cinquième, il trouve même un grand avantage dans le renouvellement annuel et partiel, parce que ce renouvellement se faisant ainsi, le conseil municipal n'est jamais composé sous l’influence d'une opinion politique dominant à l'époque des élections, comme cela arrive quand le renouvellement se fait intégralement ou par moitié ; ainsi le gouvernement est plus assuré d’avoir un conseil de régence modéré.

En ce qui concerne le mandat des bourgmestres et des échevins, il est évident pour chacun que plus ce mandat est court, plus ces fonctionnaires restent sous la dépendance du gouvernement, surtout quand ils peuvent être nommées indifféremment dans le conseil ou en dehors du conseil comme cela a lieu pour les bourgmestres. Ainsi, vous le voyez, le projet présenté par le gouvernement hollandais tend à assurer de plus en plus l'action du gouvernement dans les communes.

En ce qui concerne la France, d'autres orateurs ont suffisamment signalé toutes les différences qui existent relativement au régime municipal dans ce pays et en Belgique. D'abord les attributions des conseils sont moins nombreuses qu'ici. En second lieu, la publicité des séances n'existe pas. En troisième lieu, le maire administre seul et il a des pouvoirs plus étendus que nos bourgmestres. Les communes sont ensuite contrôlées par le pouvoir absolu du préfet, tandis que chez nous le gouverneur, quand il s'agit d'intérêts communaux, n'a d'action que comme président de la députation permanente du conseil provincial.

Finalement, le gouvernement a en France plus de liberté pour le choix du maire. En effet, le personnel des conseils communaux est plus nombreux en France qu'en Belgique. Dès lors il y a plus de facilite pour le choix du gouvernement. De plus, il s'est réservé la dissolution des conseils municipaux.

Je conviens avec un honorable préopinant que la dissolution n'amène pas le changement du personnel des régences, qu'il arrive communément que le conseil dissous est réélu intégralement. Mais voici le grand avantage que le gouvernement français s’est assuré par la dissolution des conseils communaux. C'est que pendant un intervalle de trois mois, le gouvernement peut donner l'administration de la commune à un maire et à des adjoints choisis librement par lui dans la liste des électeurs.

Dans un moment critique comme la chose s'est présentée l'an dernier à Toulouse, si un conseil communal cause des embarras graves au gouvernement il en prononce la dissolution et donne l'autorité communale à une commission librement choisie par lui parmi les électeurs. Remarquez encore qu'une dissolution opérée, si la réélection ne lui convient pas, si le conseil continue à lui être hostile, le gouvernement peut prononcer la dissolution une seconde, une troisième fois et s'assurer ainsi pendant un temps presque indéfini l'administration de la commune. Il est donc manifeste que c'est à tort que l'on a combattu le projet par la comparaison des institutions municipales d'autres pays avec celles de la Belgique.

Abordant le second grief principal articulé contre le projet de loi, je fais remarquer que la discussion générale a principalement eu lieu sur la nomination facultative du bourgmestre en dehors du conseil. On ne s'est guère arrêté à l'examen des divers systèmes qui sont en présence, pour apporter remède aux abus signalés. La comparaison de ces systèmes semble rapporter plutôt à la discussion de l'art. 1er de la loi. Aussi je ne répondrai pas aux observations faites incidemment sur ce point. J'attendrai que la discussion soit ouverte sur l’art. 1er pour établir les inconvénients et les avantages des divers systèmes qui sont en présence. .

La nécessité de la nomination du bourgmestre en dehors du conseil a été contestée, l'on a donné dans cette discussion une trop minime proportion aux abus qui ont eu lieu sous l'empire de la loi actuelle. La discussion a particulièrement roulé sur les abus qui se sont rencontrés dans quelques communes rurales d'une faible importance. Ces abus sont plus nombreux et plus graves que quelques membres ne l'ont supposé. Je fonde mon opinion sur les rapports unanimes des gouverneurs et des commissaires de district qui, bien qu'ils ne soient pas entrés dans tous les détails, ne se sont pas moins fortement prononcés pour la modification de la loi. Une opinion aussi unanime et aussi prononcée ne peut être motivée que par des faits nombreux et certains. Aussi, je ne crains pas de dire que l'administration des communes rurales présente à ma connaissance un grand nombre de faits que je n'ai pas vu articuler dans les rapports des gouverneurs de province. Ceci me donne la conviction que j'ai eu raison quand j'ai dit dernièrement que les gouverneurs ont cru devoir apporter une excessive réserve dans l'énumération d'abus qu'ils ne pouvaient spécifier, sans entrer dans des questions de personnes.

L'on n'a rien dit des villes. Cependant il y a aussi beaucoup à dire à cet égard.

Nous avons vu la capitale du royaume pendant plusieurs années dépourvue de bourgmestre. Cet état de choses ne constituait-il pas un véritable scandale pour le pays et l'étranger ? Je ne fais ici d'attaque contre aucune personne, car chacun est libre, quand il est membre du conseil, de ne pas accepter les fonctions de bourgmestre.

Il n'en est pas moins vrai que l'impossibilité où était le gouvernement de donner un bourgmestre à la capitale était un véritable scandale.

Il est d'autres villes où le gouvernement a rencontré des difficultés pour la nomination d'un bourgmestre. La chose se conçoit très facilement. Dans plusieurs villes, même dans un certain nombre de communes rurales, les élections se font sous l'influence d’un esprit de parti. Lorsque le conseil communal a été le résultat d'une élection ainsi dictée et combinée, comment veut-on que le gouvernement fasse un choix désirable dans l'intérêt du pays ? Dans une semblable situation, le gouvernement ne peut pas pourvoir à l'administration municipale, ce qui est son seul devoir, sans subir l'influence des partis dont il devrait toujours pouvoir s'exempter. C'est là, messieurs, un mal très grave.

L'honorable M. Liedts a signalé hier des abus éventuels qui heureusement ne se sont pas présentés, quoique le pays se soit trouvé dans des circonstances très critiques. Mais ce qui ne s'est pas présenté jusqu'ici peut se présenter dans d'autres circonstances. Il pourrait arriver que les administrations communales de quelques villes suscitassent au gouvernement des embarras tellement graves que la tranquillité publique en serait compromise. Or, attendra-t-on, pour pourvoir à de semblables éventualités, qu'elles se réalisent ? C'est une maxime certaine que, quand un remède ne dépend pas de la volonté d'un seul, qu'il ne peut être apporté que par le concours de plusieurs, ce remède est souvent tardif et intempestif. Un projet de loi exceptionnel destiné à réprimer les abus qui pourraient se rencontrer dans l'administration d'une grande commune pourraient ne pas être adopté en temps opportun. On sait d'ailleurs que de pareilles mesures sont toujours odieuses à la commune qu'elles concernent. Il ne faut pas mettre le gouvernement dans le cas de devoir réclamer des mesures qui pourraient ne pas lui arriver en temps, et qui pourraient produire par leur caractère exceptionnel un mauvais effet sur des populations dont le gouvernement est obligé de ménager davantage les susceptibilités.

Ce qui se pratique aujourd'hui, n'est rien d'autre qu'une tendance à renverser les rôles. Ainsi dans les communes l'on tend à gagner la suprématie sur le gouvernement. Quand je dis sur le gouvernement, je dois ajouter sur les chambres, car le gouvernement agit comme pouvoir exécutif, sous le contrôle des chambres. Si le gouvernement est paralysé dans son action, l'action des chambres est également paralysée.

Il ne s'agit d'ailleurs dans aucune des mesures qui sont soumises, de porter la moindre atteinte à la libre administration des intérêts communaux. On ne change en rien les attributions des conseils, le concours des échevins est toujours conservé, soit pour la gestion des intérêts communaux proprement dits, soit même pour l'exécution des lois. La commune trouvera toujours une tutrice bienfaisante dans l'administration provinciale. D'ailleurs, peut-on citer une seule circonstance où le gouvernement aurait intérêt à faire agir les bourgmestres contrairement aux intérêts de la commune ? Cela est impossible. Dès lors on ne doit pas se préoccuper de la crainte de voir sacrifier les intérêts de la commune au bon plaisir du gouvernement.

Dans le moment actuel, il existe encore deux villes qui sont dépourvues de bourgmestre : une de le rang ; une de 3e rang. Il est un grand nombre d'administrations rurales, qui, ou sont dépourvues de bourgmestre, ou n'en ont que de tout à fait incapables de remplir leur mission.

Vous voyez que les inconvénients qui se sont produits dans les premiers temps de l'application de la loi continuent d'exister. Je ne crains pas d'affirmer que si les modifications proposées sont rejetées, ces inconvénients se multiplieront considérablement. Une nouvelle impulsion sera donnée aux abus qui existent déjà aujourd'hui.

Des dissensions déconsidèrent l'administration communale dans plusieurs communes et paralysent son action. Dans tous les cas, elles exercent une influence morale des plus fâcheuse sur la population. Il dépend de vous d'obvier à cet inconvénient qui est très grave, en soustrayant les bourgmestres à l'élection.

Un honorable préopinant vous a dit, dans la séance d'hier, que, sous le gouvernement précédent, alors que les conseils communaux des campagnes étaient nommés par les députations permanentes, on a également senti l'insuffisance de l'administration rurale. J'admets volontiers cette assertion, mais vous admettrez aussi que ces inconvénients doivent être plus nombreux avec le régime de l'élection directe, surtout en ce qui concerne les bourgmestres.

D'ailleurs sous le régime des règlements du gouvernement des Pays-Bas, il n'y avait pas dans les communes ces dissensions aujourd’hui très fréquentes. Le gouvernement n'était pas non plus exposé à recevoir des humiliations à l'occasion de l'élection des bourgmestres, et ces bourgmestres eux-mêmes n'étaient pas exposés à perdre de leur considération.

En ce qui concerne les villes, le gouvernement des Pays-Bas n'était pas non plus exposé aux inconvénients auxquels il est exposé aujourd'hui ; sous l’empire des règlements de 1825, il lui était libre, lorsqu'il existait des motifs graves, de choisir le bourgmestre en dehors du conseil.

D'ailleurs vous le savez, ce n'est pas seulement le régime municipal qui laissait au gouvernement précédent plus de liberté que n'en laisse au nôtre la loi d'organisation communale. Mais il y avait bien d'autres mesures au moyen desquelles le gouvernement contenait toute opposition, mesures dont même il faisait souvent abus.

Ainsi l'arrêté de 1815 confiait à l'ordre judiciaire l’arbitraire le plus absolu, en même temps que ses membres n'étaient pas nommés à vie, et restaient dans l'attente d'une organisation qui leur était promise. Le gouvernement s'était aussi réservé les moyens de comprimer la presse. Il n'y avait pas comme aujourd'hui un jury appelé à prononcer sur les délits de la presse. Vous concevez donc qu'il n'est pas possible de faire une comparaison entre la situation du pays sous le gouvernement précédent et sous le régime que notre constitution a organisé.

La loi actuelle, a-t-on dit, est une transaction. Il ne faut pas revenir sur cette transaction sans des motifs très graves. Nous admettons cette observation. Aussi, pour notre part, nous voulons affirmer avoir cherché à exécuter la loi avec toute la loyauté possible, avoir cherché à éviter tout conflit entre le gouvernement et l'administration municipale. Mais il n'en est pas moins vrai que des inconvénients se sont produits, se produisent encore, et qu’ils continueront à se produire, si la loi n'est pas modifiée.

L'opinion publique, dit-on, n'a pas réclamé le changement proposé par le gouvernement, preuve manifeste que les abus ne sont pas graves. Mais le public a été tellement préoccupé d'événements d'un ordre supérieur aux intérêts de l'administration communale, qu'il n'est nullement étonnant qu'il ne se soit pas occupé de cette administration. On a été dans cette séance jusqu'à demander quels pourraient être les faits qui motivaient les modifications proposées à la loi communale, et personne n'a parlé des faits relatifs à l'administration de la capitale. Personne n'a parlé d'autres faits également graves. (erratum Moniteur belge n°154 du 3 juin 1842) Preuve évidente que les événements d’un ordre supérieur ont dominé les faits municipaux.

Pour moi, je regrette qu'on n'ait pas, dans la discussion de la loi de 1836, admis l'un des amendements proposés qui tendaient à laisser au gouvernement un peu plus de latitude pour le choix du bourgmestre. Nous n'aurions pas à subir la discussion qui nous occupe aujourd'hui. Les abus qui se sont présentés avaient été prévus ; ce qui avait fait proposer d'admettre une exception à la nomination du bourgmestre dans le conseil. Si nous rejetions aujourd'hui les modifications proposées, il arriverait une époque où les abus seraient tellement nombreux, tellement graves, qu'il faudrait une révision de toute la loi communale, et qu'alors il faudrait une véritable réaction pour rendre au gouvernement l'influence, l'action dont il a besoin. Cette assertion, je puis l'appuyer de l'exemple de ce qui s'est passé en France. En 1789, les institutions municipales furent organisées sur des bases extrêmement libérales. Les abus furent tels qu'on supprima en quelque sorte les institutions municipales pour donner tout pouvoir au gouvernement. C'est là la marche ordinaire, lorsque de prime-abord on ne donne pas au gouvernement l'action suffisante pour qu'il remplisse sa mission.

Les considérations que je viens d'émettre répondent aux observations qui ont été présentées sur le danger de modifier les institutions. Mais je ferai remarquer cependant qu'il ne s'agit pas de renverser les institutions municipales, qu'il ne s'agit que de faire quelques modifications dont l’expérience a fait reconnaître la nécessité ; que cette mesure a aussi pour but d'assurer l'existence de ces institutions.

L'argument le plus grave qu'on ait fait valoir contre le projet de loi a été tiré du danger de voir le gouvernement dominer les élections aux chambres. Si ce danger était sérieux, certainement il suffirait pour faire rejeter toutes les modifications proposées ; car aucune opinion dans cette chambre ne peut vouloir confier au gouvernement le droit de faire les élections. Ce serait là l'abolition du gouvernement représentatif. Mais cette pensée n'a jamais été la nôtre, ni celle d'aucun membre de la section centrale, c'est comme contrepoids du choix du bourgmestre par le gouvernement que nous avons proposé la prolongation du mandat de bourgmestre ou la nomination du bourgmestre sans terme pour le soustraire à toute espèce d'influence électorale ; car nous ne voulons pas que les bourgmestres soient des agents électoraux.

On a dit que le droit de révocation qu'on accorde au gouvernement met les bourgmestres dans la dépendance ; c'est une erreur. Aucune révocation ne pourra se faire sans motifs. Si les révocations étaient assez nombreuses pour qu'on y vît un moyen d'influencer les élections, il s'élèverait dans tout le pays un tel cri de réprobation contre cet abus que le ministère qui se le permettrait serait certainement renversé.

L’honorable M. Dumortier a pensé que la section centrale vous proposait le rétablissement du régime des maires. Ce régime, il l'a qualifié très durement. Si les maires ont été odieux en Belgique, c'est qu'ils ont été établis dans le moment de la conquête, dans le moment où toutes les anciennes institutions venaient d'être renversées, et remplacées par des institutions nouvelles qui déplaisaient en général ; c'est que les maires étaient chargés de l'exécution de lois odieuses, telles que celles de la conscription, etc. C'est ainsi que l'institution des maires a encouru la haine des populations.

Au surplus la section centrale ne vous propose aucunement le rétablissement de l'administration d'un seul, mais l'administration collective, telle que la loi en vigueur l'a organisée. Il n'est fait d'exception qu'en ce qui concerne la police. Remarquez-le, déjà la police judiciaire appartient au maire, aux termes du code d'instruction criminelle. Il ne s'agit donc pas de lui attribuer la police judiciaire. Il ne s'agit que de la police municipale. Or, l'attribution exclusive de la police municipale au bourgmestre ne constitue sans doute pas l'administration d'un seul.

Maintenant, messieurs, je passe à quelques observations qui ont été faites sur les inconvénients pratiques des modifications de la loi telles qu'elles vous sont proposées.

Le bourgmestre nommé hors du conseil sera, dit-on, un espion. Il suffit de s'arrêter un instant à la position du bourgmestre qui doit être électeur domicilié dans la commune, qui doit vivre en bonne intelligence avec les échevins, avec les conseillers, avec les administrés, pour être assuré que le bourgmestre ne sera jamais ce qu'on appelle un espion. D'ailleurs cette qualification, si elle doit être donnée à notre bourgmestre, devrait être aussi donnée au bourgmestre tel que le propose le gouvernement hollandais, d'après le projet dont cependant on a vanté le libéralisme. Car le bourgmestre hollandais peut aussi être nommé en dehors du conseil.

Le bourgmestre ne devra plus, dit-on, être payé par la commune. Mais, messieurs, en Hollande le bourgmestre continuera à être payé de même, quoique nommé hors du conseil, et de plus il aura voix délibérative dans le conseil. Et en effet, il doit continuer à être payé par la commune, parce qu'il exerce en définitive l'administration dans la commune.

Le bourgmestre, chargé seul de la police, ne sera qu'un agent de police.

Non, messieurs, telle n'est pas la position que le projet de loi fait au bourgmestre. L'attribution de la police, telle que l'entend la loi, est une attribution honorable. C'est une attribution des plus importantes. Elle n'a d'autre objet que le maintien de la tranquillité publique et la sécurité des citoyens, ainsi que la conservation des propriétés. Envisagé sous son véritable point de vue, cette attribution n'a rien que d'honorifique.

Les causes, a-t-on dit, qui occasionnent souvent beaucoup d'embarras dans l'administration municipale continueront à subsister. Ainsi, on a cité l’exercice d’une profession par les bourgmestres et l'influence que la presse exerce sur ces administrateurs.

Mais le projet en discussion tend à obvier à ce double inconvénient.

Aujourd'hui, si un homme exerçant une profession importante dans une commune, parvient à composer le conseil communal dans son sens, il s'impose à la nomination du gouvernement, mais il n'en sera plus de même lorsque la nomination hors du conseil sera facultative.

Le bourgmestre craint surtout d'être vilipendé par la presse, Mais pourquoi redoute-t-il tant l'influence de la presse ? C'est parce que la presse agit sur l'esprit des électeurs, et que dès lors il craint de recevoir un affront à l'époque des élections. Soustrayez-le donc à l'élection et vous le soustrairez en même temps à l'empire tyrannique de la presse.

La commune, a-t-on dit, nommera des conseillers hostiles pour dégoûter le bourgmestre nommé par le gouvernement.

D'abord, je pose en principe que le bourgmestre qui sera nommé par le gouvernement, quelle que soit la disposition que vous adoptiez, aura presque toujours reçu un premier mandat des électeurs. Car dans l'un et dans l'autre système qui sont en présence, le gouvernement continuera en général les anciens mandats des bourgmestres. Il ne changera ce mandat que là où la nécessité en sera démontrée. Dès lors le bourgmestre se présentera encore avec le caractère populaire de l'élection. Et quand une place deviendra vacante, le gouvernement choisira encore de préférence dans le conseil municipal celui qu'il voudra appeler aux fonctions de bourgmestre. Telle est la marche qu'indique la raison, la marche que commandera au gouvernement la force des circonstances. Mais au moins, lorsque l'intérêt de l'administration lui commandera de faire un choix en dehors du conseil lorsque la prudence lui permettra de faire ce choix, le gouvernement aura la faculté d'agir pour le bien de la commune et de l'Etat.

Je dis lorsque la prudence lui permettra de faire ce choix ; car il est telles circonstances où il vaut mieux subit, un administrateur médiocre que d'amener une lutte qui serait fâcheuse pour le gouvernement et pour les administrés, outre qu'elle aurait pour effet la déconsidération du bourgmestre.

On a dit que la lutte pour la nomination du bourgmestre n'existe que dans les communes rurales, qu'elle n'existe pas dans les villes. C'est là une erreur. La lutte électorale pour la nomination du bourgmestre se produit dans les villes comme dans les communes rurales. Le parti qui porte ses candidats aux élections communales, indique d'avance, en quelque sorte, celui qu'il veut avoir pour chef de l'administration de la ville. Aussi est-il arrivé fréquemment que l'élection consommée, un seul membre du conseil consentait à accepter les fonctions de bourgmestre ; preuve que les autres conseillers comprenaient parfaitement bien la signification du mandat qui leur était conféré par les électeurs.

On a pensé que le remède aux divers inconvénients qui étaient signalés, en ce qui concerne l'administration des villes et en ce qui concerne les divisions qu'amènent les élections dans les campagnes, pouvait être considéré comme suffisant, au moyen des amendements que j'ai proposés. Quant à moi, je considère ces amendements comme ayant un caractère de grande utilité ; mais je ne pense pas que seuls ils puissent atteindre le but que nous devons tous désirer. Je crois qu'ils doivent nécessairement se combiner avec le projet actuellement en discussion, parce que c'est de l'ensemble de ces dispositions qu’il pourra seulement résulter une bonne administration et le remède aux inconvénients qui ont été signalés jusqu'ici.

On a encore ajouté que les secrétaires étaient le pivot de l'administration dans les communes rurales. Eh bien ! Cela peut être vrai dans quelques communes, mais je soutiens que ce n'est là qu'une exception. Le secrétaire n'a généralement rien d'autre à faire que de faire connaître au collège et au conseilles les dispositions législatives et réglementaires en vigueur et de rédiger les délibérations ; mais quant à la délibération, elle se fait bien librement et bien spontanément par le conseil ; et quant à l'exécution, le bourgmestre et les échevins ont grand soin de se la réserver et d'en écarter complètement le secrétaire.

Le gouvernement, dit-on, peut beaucoup pour le mal, il ne peut rien pour le bien. D'autre part, on a dit : le gouvernement peut beaucoup pour le bien, il ne peut rien pour le mal. Je n'admets comme vraie aucune de ces assertions ; je dis que le gouvernement ne peut pas tout pour le bien et qu'il ne peut pas tout pour le mal, parce que la constitution a bridé l'action du gouvernement dans la vue d'empêcher le mal qu'il pourrait faire.

On a dit : Les nominations faites par le gouvernement seront bien plus fréquemment mauvaises qu'elles ne seront bonnes.

Pour moi, je n'admets pas cette assertion. Je dis que si le gouvernement veut faire de mauvaises nominations, il peut le faire dans les conseils tels qu'ils sont composés, mais je dis aussi qu'il ne peut pas toujours faire de bonnes nominations ; admettant, pour rester dans le vrai, que le gouvernement sera souvent dans l'erreur au sujet de la nomination du bourgmestre lorsqu'elle sera faite librement, j'admets aussi que les élections imposent très souvent un mauvais choix au gouvernement lorsqu'il doit être fait exclusivement dans le conseil. Mais au moins en admettant que les abus seraient les mêmes dans l'un et l'autre système, vous auriez cet avantage que les dissolutions auront beaucoup diminué dans les communes, que l'autorité du bourgmestre ne sera plus vilipendée, que l'autorité même du gouvernement ne sera plus exposée à être vilipendée à l'occasion de l'élection du bourgmestre.

La position du bourgmestre qui n'a pas voix délibérative, qui est nommé en dehors du conseil, sera-t-elle réellement difficile devant le conseil communal ? Pour moi, je ne le pense pas. Je crois qu'elle ne sera pas plus difficile que la position du gouverneur vis-à-vis le conseil provincial ; et je considère comme une circonstance heureuse que le bourgmestre n'ait pas voix délibérative dans le conseil communal, parce que, lorsqu'il y aura des partis en présence, il pourra se conduire avec d'autant plus de prudence, qu'il ne sera pas toujours obligé de manifester une opinion dans l'un ou l’autre sens. Sa position sera d'autant meilleure qu'il ne sera pas considéré comme l'élu d'un parti, mais comme l'expression du choix du gouvernement.

Aussi, je ne crains pas que le peuple refuse sa confiance au bourgmestre ainsi nommé par le gouvernement ; le peuple s'arrêtera avant tout aux qualités personnelles du bourgmestre. S'il voit en lui un bon administrateur, un homme éclairé, un homme zélé pour le bien de la commune, se montrant empressé de venir au secours de ses administrés dans toutes les occasions où la chose dépendra de lui, cet homme jouira d'une grande considération et d'une considération beaucoup plus grande que s'il était soumis au contrôle de l'élection.

Je suis arrivé, messieurs, à la dernière objection qui a été faite contre le projet, et cette objection, je l'avoue, je ne m'y étais aucunement attendu et surtout de la part de l'honorable membre qui l'a produite. Il s'agit de l'influence de l'aristocratie.

D'abord, messieurs, les titres n'ont pas plus de privilèges en Belgique que les décorations. Mais ce qui constitue l'aristocratie, c'est la fortune, c'est l'influence, de quelque nature qu'elle soit. Ainsi l'aristocratie peut exister chez un grand propriétaire foncier, alors même qu'il n’a pas de titre ; elle peut exister chez un industriel, elle peut exister chez un notaire qui tient la plupart des habitants de la commune sous sa dépendance financière. Pour moi, je ne connais d'aristocratie en Belgique que celle de la puissance, et la puissance, messieurs, réside là où il y a possibilité de nuire ou possibilité de faire du bien.

L’honorable membre qui craint tant l'influence de l'aristocratie aurait dû, d'après les considérations que je viens d'émettre, redouter sa propre influence, car je crois que personnellement et par sa famille il doit être rangé au nombre des aristocrates de premier ordre. (On rit.)

D'ailleurs je ne conçois pas que l'honorable M. Liedts que cet orateur a supposé avoir été renversé du pouvoir par une pensée aristocratique, ait agi sous les inspirations de l'aristocratie, lorsqu'il a institué une enquête tendant à amener des modifications dans la loi communale. Ainsi, messieurs, c'est là un fantôme que l'on a voulu évoquer, rien de plus.

En résumé la seule question que nous ayons à nous adresser est celle-ci : la loi de 1836 laisse-t-elle une part suffisante à l'action du pouvoir exécutif ? cette question nous devons, je pense, la résoudre négativement ; les électeurs communaux, les conseils communaux ont souvent absorbé à eux seuls toute l'influence dans la commune et ont complètement annihilé celle du gouvernement. Abus pour abus, maintenons plutôt l'indépendance du pouvoir exécutif, l'indépendance du pouvoir législatif qui sont intimement liées entre elles ; car si le pouvoir exécutif n’est point indépendant, c'est en vain que vous portez des lois. Si donc, messieurs, dans l'extrême limite il est impossible de discerner tellement ce qui appartient à la commune de ce qui appartient à l'Etat qu'il ne faille faire un sacrifice d'un côté ou de l'autre, je préfère, moi, faire pencher la balance en faveur du gouvernement, parce que l'intérêt du gouvernement, identifié avec celui de l'Etat, doit dominer l'intérêt local.

Assurons, messieurs, à nos communes une bonne administration, administration que plusieurs ont enviée à la Prusse ; il dépend de nous de leur donner cette administration ; prévenons à temps des dangers d'un ordre beaucoup plus grave ; n'attendons pas que dans des circonstances critiques le gouvernement se trouve dépourvu de toute action dans les grandes villes ; qu'il se forme là un parti qui lui soit hostile, qui soit capable de mettre en question la paix publique. Le remède serait inopportun et tardif, lorsque le gouvernement devrait venir le solliciter du pouvoir législatif en présence de faits peut-être consommés.

Mettons un terme aux dissensions communales des campagnes en soustrayant les bourgmestres à l’élection. Réformons la loi communale avec prudence, avec modération, alors qu'il en est temps encore, et n'attendons point, pour la réformer, que le mal soit devenu tellement grave qu'il faille une réforme radicale, et que les libertés municipales, dont nous devons tous désirer le maintien, doivent être absorbées par une centralisation exagérée.

M. Delfosse. - Il y aurait, messieurs, beaucoup à répondre au discours de l'honorable préopinant, mais pour ne pas trop prolonger la discussion générale, je me bornerai pour le moment à quelques considérations. Le gouvernement fait le procès au pouvoir électif sur lequel il veut empiéter contre lequel il conclut à une espèce de dégradation civique, et c'est nous qu'il prend pour juges ; l’acte d'accusation est dressé par qui ? Par le gouvernement, partie intéressée. Quels sont les témoins entendus ? Les gouverneurs et les commissaires d'arrondissement, agents du gouvernement, partie intéressée, et plusieurs de ces témoins, gouverneurs ou commissaires d'arrondissement, siègent parmi nous comme juges ; quelques-uns même sont des juges assez passionnés, comme vous avez pu le voir par le discours prononcé tantôt par l'honorable M. Simons. Il faut convenir, messieurs, que jamais accusé ne fut traité de la sorte. Ce n'est rien encore, on refuse d'entendre d'autres témoins ; on ne veut pas que la vérité se fasse jour, on craint, pour me servir de l'expression de M. le ministre de l'intérieur, d'exposer les agents du gouvernement à recevoir un démenti.

Je crois effectivement que si l'enquête était complète et impartiale, elle donnerait à ces messieurs le plus éclatant démenti. Ce n'est pas que je suspecte le moins du monde leur bonne foi, ni que je révoque en doute leurs lumières ; je ferai à cet égard toutes les concessions que l'on voudra ; je dirai qu'ils sont presque tous très éclairés, très consciencieux et surtout très indépendants ; mais on devra d'un autre côté reconnaître qu'ils sont, comme d'autres, sujets aux petites faiblesses de l'humanité et qu'ils ne savent pas toujours résister à cette tendance naturelle, qui porte l'homme à étendre son influence et son pouvoir.

En apparence, c'est pour le Roi que l'on nous demande le droit de nommer les bourgmestres en dehors du conseil ; mais en réalité cette extension de pouvoir tournerait au profil des gouverneurs et des commissaires d'arrondissement, sur l'avis desquels les nominations seraient presque toujours faites, et qui trouveraient les bourgmestres beaucoup plus dociles à leurs ordres ; il n'est donc pas étonnant qu'ils soient presque unanimes à regarder cette extension de pouvoir comme une excellente chose.

Voulez-vous, messieurs, avoir quelques preuves de la tendance que j'indique, et qui ne peut d'ailleurs être contestée ? Je vais vous en donner. Le commissaire de l'arrondissement de Verviers avait signalé dans son rapport au gouvernement quelques abus qui doivent, selon lui, être attribués au mode de nomination des secrétaires communaux, et il avait proposé de conférer cette nomination au Roi ; le gouverneur, dans son rapport au ministre, déclare qu'il adopte l'avis du commissaire d'arrondissement de Verviers, mais il se permet d'y faire une légère variante, les secrétaires devraient être nommés par le Roi, ou bien, écoutez ceci, messieurs, par les gouverneurs.

Voilà un gouverneur qui ne demande rien moins que d'avoir à lui seul la nomination de tous les secrétaires de la province, et je suis sûr que ses collègues seraient du même avis à l'exception peut-être de l'honorable M. de Brouckere qui, sous ce point de vue, se montre un peu moins exigeant.

La même tendance se manifeste dans les rapports de quelques commissaires d'arrondissement, c'est ainsi que le commissaire de l'arrondissement de Bruxelles et celui de l'arrondissement de Huy revendiquent pour eux et pour leurs collègues la faculté, dont les gouverneurs et les députations sont seuls investis par la loi d'envoyer des commissaires spéciaux auprès des administrations communales qui mettent de la négligence dans l'accomplissement de leurs devoirs ; mais cette fois, toujours par suite de la même tendance, les gouverneurs n'appuient pas la prétention de leurs subordonnés. Ils veulent bien un accroissement mais non un partage de pouvoir.

Vous voyez, messieurs, que les avis des gouverneurs et des commissaires d'arrondissement ne prouvent absolument rien. Ce n'est pas d'après l'opinion qui était connue d'avance, qui ne pouvait être que ce qu'elle est, mais d'après les faits que nous venons nous prononcer.

Des théories, on vous l'a dit, messieurs, il en y avait assez dans les colonnes du Moniteur, c'est là que M. le ministre, s'il en avait besoin, eût été les chercher. Mais il les connaissait, il avait assisté et pris part (une belle part) aux discussions de 1834, de 1835 et de 1836. C'est donc sur des faits et non sur des théories qu'il entendait interroger les gouverneurs lorsqu’il leur adressait dans les derniers moments de son court passage au pouvoir et à l’insu de ses collègues la circulaire qui vous a été communiquée.

Je crois, messieurs, qu’au point où la discussion est arrivée, il est inutile de chercher à prouver que les gouverneurs et les commissaires d’arrondissement n’ont produit à l’appui de l’accusation, si légèrement lancée contre la loi communale ou plutôt, comme je le disais tout à l’heure, contre le pouvoir électif, qu’un petit nombre de faits peu concluants. Cela a été démontré à satiété par plusieurs de mes honorables collègues, et je croirais abuser des moments de la chambre, si j’ajoutais quelque chose à cette démonstration, qui est aujourd’hui complète.

Il est des gouverneurs et des commissaires d’arrondissement qui conviennent franchement qu’ils n’ont pas de faits à invoquer en faveur de leur opinion. L’honorable M. de Man d’Attenrode lui-même, bien qu’il nous ait dit hier que les commissaires d’arrondissement auraient pu citer beaucoup de faits s’ils n’avaient cru devoir garder quelques ménagements envers les personnes, disait dans son rapport au gouverneur qu’il ne pouvait pour le moment citer de faits arrivés à sa connaissance, et il faut bien croire que cette dernière version est la seule vraie, puisque l’honorable M. de Man d’Attenrode, probablement à défaut de faits dans son arrondissement, est venu en chercher dans l’arrondissement de Liége.

Mais l’honorable membre n’a pas été heureux dans ses recherches, car il n’a pu trouver qu’un seul fait dont il a été beaucoup parlé dans cette enceinte, et qui est antérieur à la loi communale. Si l’honorable membre s’était donné la peine de lire la loi communale, il aurait vu qu’on y a introduit une disposition tout exprès pour prévenir le retour du fait dont il a parlé.

L’honorable membre a qualifié ce fait d’abus ; libre à lui ainsi qu’à d’autres de penser ainsi. Quant à moi, qui suis l’un des coupables, je déclare que je ne me repens nullement et que si je me trouvais encore dans les circonstances où nous nous sommes trouvés à cette époque, ma conduite serait absolument la même. Oui, messieurs, si je me trouvais encore dans les mêmes circonstances, je ferais ce que j’ai fait alors avec quelques honorables collègues, en tête desquels se trouvait l'honorable M. Jamme ; je ferais respecter la volonté des électeurs envers et contre tous.

Je félicite, du reste, l'honorable M. de Man d'Attenrode de l'indépendance qu'il a montrée dans cette occasion. Il a eu le courage de parler, après huit années, d’une régence que M. Nothomb, aujourd'hui ministre de l'intérieur, avait un jour condamnée à l'oubli, peine fort douce à laquelle on peut se résigner plus facilement qu'au mépris qui attend ceux qui sacrifient leur conviction et les libertés de leur pays à une soif immodérée du pouvoir.

Croyez-vous, messieurs, que si l'on soumettait les commissaires d'arrondissement, les gouverneurs et même les ministres, à une enquête aussi sévère que celle à laquelle on s'est livré contre les bourgmestres, ils sortiraient de cette épreuve aussi purs que ces derniers ! Je suis sûr, au contraire, qu'on découvrirait, toute proportion gardée, plus de fautes et plus d'abus ; faudrait-il pour cela ôter la nomination de ces fonctionnaires au Roi ? Non, sans doute ; laissons donc aussi aux électeurs la faible part qu'ils ont dans la nomination des bourgmestres.

Messieurs les ministres, qui avaient d'abord voulu se placer sur le terrain des faits, ont fini, s'y voyant trop à la gène, par se réfugier dans les nuages de la théorie. Il y a solution de continuité, nous a dit M. le ministre des affaires étrangères. Le Roi a le pouvoir exécutif dans l'Etat par les ministres, il a le pouvoir exécutif dans les provinces par les gouverneurs, et il ne l'a pas dans la commune ! M. le ministre des affaires étrangères est-il donc si neuf dans le gouvernement représentatif qu'il ne sache que, bien que le Roi ait en droit la nomination des ministres, l'exercice de ce droit est en fait subordonné à la volonté des représentants du pays ? Ne sait-il pas qu'un ministre, ayant même au plus haut degré la confiance royale, devrait tomber, s'il avait contre lui la majorité des chambres…

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Briey) - Qu'est-ce que cela prouve ?

M. Delfosse. - Vous allez l'apprendre.

Si le pays intervient indirectement dans la nomination des premiers fonctionnaires de l'Etat, pourquoi n'interviendrait-il pas aussi dans la nomination des premiers magistrats de la commune ? Vous voulez pour la commune les règles établies pour l'Etat ; Soyez donc conséquents ; donnez aux conseils communaux une action sur les bourgmestres, comme les chambres en ont une sur les ministres. Et que venez-vous parler des gouverneurs ? Ne savez-vous pas qu'ils ont à côté d'eux des représentants du pouvoir électif, sur lesquels le pouvoir central n'a aucune espèce d'action et qui sont appelés à délibérer avec eux sur l'exécution des lois des plus importantes, et, dans plusieurs cas, à contrôler leurs actes ?

Les théories de M. le ministre de l'intérieur ne sont guère plus plausibles que celles de son collègue. A en croire M. le ministre de l'intérieur, les franchises communales ne consisteraient pas dans la nomination directe ou indirecte du magistrat chargé de l'exécution des lois dans la commune ; elles consisteraient uniquement dans la nomination des personnes chargées du règlement des intérêts communaux. Comment se fait-il donc, si les théories de M. le ministre de l'intérieur sont justes, que chaque fois qu'un gouvernement s'est cru obligé d'accorder ou de rendre les franchises communales, il a inscrit en première ligne en tête de ces franchises la nomination directe ou indirecte du magistrat chargé de l'exécution des lois. La seconde proposition de M. le ministre de l'intérieur est vraie ; les franchises communales consistent dans le droit de nommer les personnes chargées du règlement des intérêts communaux, mais c’est précisément parce que cette proposition est vraie, que l'autre est fausse. Si les franchises communales consistent dans la nomination des personnes chargées du règlement des intérêts communaux, c'est une raison pour que le bourgmestre tienne en tout ou en partie son mandat des électeurs. Car, comme l'a très bien dit l'honorable M. Orts, le bourgmestre s'occupe avec les échevins du règlement de divers intérêts communaux.

Car, comme l'a très bien dit l'honorable M. Doignon, si la loi est d'intérêt général, l'application de la loi à la commune est d'intérêt communal ;

Car, comme l'a très bien dit l'honorable M. Dechamps,

« Il y aura toujours dans la commune des intérêts généraux et des intérêts locaux ; ces intérêts sont distincts, il est vrai, mais souvent ils se confondent, s'agencent de manière à ce qu'il soit difficile d'indiquer la ligne qui les sépare ; si ce fait existe, il me paraît clair que le système qui y correspond le mieux est celui qui établit, dans le mode de nomination et d'attributions, ce principe de fusion et d'homogénéité que la nature des intérêts communaux consacre.

« Je veux bien l'intervention du Roi dans la nomination des échevins, mais je veux positivement que le Roi nomme le bourgmestre dans le sein du conseil. »

Vous voyez, messieurs, que l'honorable M. Dechamps qui disait, il y a deux jours, qu'on n'avait pas répondu et qu'on ne répondrait pas à l'argumentation de M. le ministre de l'intérieur, s'est chargé d'y répondre lui-même.

Je n'insisterai pas davantage sur ce point, les théories de MM. les ministres ont été complètement réfutées en 1836, non pas seulement par l'honorable M. Dechamps, mais par beaucoup d'autres honorables membres qui siègent sur les bancs opposés et dont nous avons déjà cité les paroles. Si nous l'avons fait, ce n'était pas pour le vain plaisir de mettre ces honorables membres en contradiction avec eux-mêmes ; nous ignorions quel devait être leur vote ; nous espérions qu'il serait conforme à leurs antécédents ; mais nous l'avons fait, parce qu'il eût été difficile de mieux dire qu'ils n'avaient dit, parce que leurs paroles étalent de nature à faire une vive impression sur les chambres.

Nos espérances ont été déçues. Autre temps ! autres mœurs ! L'honorable comte de Mérode est venu nous dire qu'il avait changé d'avis, que l'expérience l'avait éclairé. L'honorable M. Desmet a tenu à peu près le même langage, et d'autres membres, je ne le crains que trop, imiteront leur exemple.

Je ne conteste nullement à l'honorable comte de Mérode le droit de changer d'avis ; l'expérience est un maître dont il fait bien de suivre les leçons. Mais je conteste à l'honorable comte de Mérode le droit de manquer à une promesse, alors même qu'il se repentirait sincèrement de l'avoir donnée.

En 1830, pour soulever le peuple, l'honorable comte de Mérode lui a promis des franchises communales. Qu'il laisse donc à d'autres la triste mission de les détruire.

L'honorable M. Desmet, placé moins haut, n'a pas eu occasion de faire une promesse aussi solennelle. Mais que l'honorable membre me permette de lui dire que lorsqu'on a eu en peu de temps trois opinions diverses sur la même question, on est bien près d'en avoir une quatrième, et qu'une aussi grande mobilité d'esprit ne peut pas être un titre à notre confiance.

Dans une autre discussion, je disais à l'honorable M. Dechamps qu’il avait eu en 1830 des opinions bien plus excentriques que celles qu'il m'attribuait. L'honorable membre m'a répondu alors qu'en 1830 il était fort jeune, qu'il sortait à peine du collège, que depuis, l'expérience l'avait éclairé. C'est là une réponse fort commode, au moyen de laquelle on peut toujours se tirer d'embarras. Je suis donc surpris que l'honorable membre n'en ait pas fait usage, pour justifier auprès de ceux qui avaient lu ses excellents discours de 1836, l'appui qu'il prête au projet actuel.

L'honorable membre, mal inspiré cette fois, a préféré soutenir que son opinion d'aujourd'hui peut fort bien se concilier avec son opinion de 1836. Mais le Moniteur, toujours, inexorable, était là pour répondre, et le Moniteur, répondant par l'organe de mon honorable ami M. Verhaegen, a prouvé que l'honorable M. Dechamps trouvait en 1836 absurde ce qu'aujourd'hui il trouve admirable.

Les discours de l'honorable député d'Ath se résument d'ordinaire en 3 points ; éloge du congrès dont il rendrait l'œuvre méconnaissable, si on le laissait faire ; éloge de l'orateur par l'orateur lui-même qui se pose toujours comme un type de modération, laissant l'exagération à ses adversaires ; sortie contre les partisans de la réforme électorale.

L'honorable membre devrait bien garder le silence sur ce dernier point. Il y a peu de temps, nous en avons demandé la discussion, et elle nous a été refusée par une majorité dont l'honorable membre faisait lui-même partie. Croit-il donc que c'est en substituant quelques paroles sonores à une discussion sérieuse, qu'il parviendra à jeter de la défaveur sur l'acte de justice que nous réclamons ?

L'honorable membre nous récuse : « Ce n'est pas à vous, dit-il, à vous qui demandez des changements à la loi électorale, qu'il appartient d'insister pour le maintien d'une autre loi ; ce n'est pas à vous qu'il appartient de faire ressortir les dangers de l'instabilité législative. »

Mais ne pourrions-nous pas, à notre tour, récuser l'honorable membre et lui demander si c'est bien à lui qui défend de toucher à la loi électorale, à lui qui a signalé plus d'une fois les dangers de l'instabilité législative, à se joindre à ceux qui veulent, après six ans, modifier, que dis-je, renverser la loi communale.

L'honorable membre ne veut tenir aucun compte de ce qui a été dit, que la loi électorale est plus ancienne, qu'elle a été faite plus à la hâte, qu'elle a été soumise à plus d'essais ; et qu'à tous ces titres, c'est à elle plutôt qu'à d'autres lois qu'il faudrait toucher.

L'honorable membre devrait se souvenir aussi que nous avons fait valoir contre le projet du gouvernement autre chose que les dangers de l'instabilité législative ; il devrait se souvenir que nous ayons démontré à l'évidence, comme il l’avait fait lui-même en 1836, que le projet, considéré en lui-même, est inacceptable.

Oui, ce projet est inacceptable ; il l'est surtout depuis que M. le ministre l'a demandé à titre de restitution. Une restitution !.... Messieurs, ce mot m'effraie. Si l'on veut des restitutions, il en faut pour tout le monde ; il en faut pour la royauté, il en faut pour le clergé, il en faut pour la noblesse. Mais alors chassez-nous de cette enceinte, fermez-en les portes ; mais alors portez une main sacrilège sur la constitution ; mais alors déchirez l'œuvre de 1830 et de 1789 !

M. de Mérode (pour un fait personnel). - Messieurs, je n'ai que peu de mots à dire.

Il est vraiment inutile de donner ici des explications. Selon l'honorable préopinant, j'ai reconnu que je m'étais trompé à l'égard des institutions communales. Mais, messieurs, jamais je n'ai dit cela ; j'ai expliqué les motifs qui avaient engagé le gouvernement provisoire à porter son arrêté, et j'ai ajouté que si je m'étais trompé, en signant cet arrêté (ce dont je ne convenais nullement, puisqu'il y avait alors des raisons spéciales), j'en conviendrais sans peine, attendu qu'on ne devait pas se considérer comme infaillible.

Je me suis si peu trompé que depuis 1836 jusqu’à présent, je me suis constamment opposé à ce qu'on ôtât au pouvoir exécutif un droit qui lui est assuré par la constitution. Ce que je dis aujourd’hui, je l'ai dit en 1836 ; mes principes ont été invariables sur ce point.

Quant au reproche qu'on me fait de vouloir renverser la constitution, j'ai encore démontré dans mes discours précédents que je restais parfaitement dans les termes de la constitution. Or, peut-on exiger autre chose de nous ?

Ce sont ceux, au contraire qui cherchent à ôter au Roi le pouvoir exécutif, qui veulent réformer la constitution. Je ne puis accepter cette accusation ; autant de fois on la répétera, autant de fois je serai obligé de protester contre elle.

(Moniteur belge n°154, du 3 juin 1842) M. Fallon invite M. Dubus (aîné), vice-président à le remplacer au fauteuil.

M. Dechamps**. -** Je croyais, dans la courte réplique que j'ai faite dans une séance précédente, avoir assez expliqué le sens général des phrases isolées citées par l'honorable M. Verhaegen. Je remercie l'honorable M. Delfosse de m'avoir donné l'occasion de revenir sur cet incident.

Je n'avais pas le Moniteur sous les yeux lorsque j'ai répondu à l’honorable député de Bruxelles, et je n'ai pu rectifié ce qu'il avançait que d'après mes souvenirs.

L'honorable M. Verhaegen, après avoir cité mes paroles, s'est écrié : « Après cela l'honorable M. Dechamps ne m'accusera plus de n'avoir pas rapporté son opinion dans son ensemble, de l'avoir tronquée. »

Messieurs, vous allez vous-même en juger :

La principale citation faite par M. Verhaegen est tirée d'un discours que j’ai prononcé dans la séance du 11 mars 1835.

Je disais : « Vous serez convaincus que toujours le principe du double mandat a été sous-entendu et supposé. Le bourgmestre considéré soit seul, soit en rapport avec les échevins, agit tour à tour comme délégué du gouvernement et comme mandataire de la commune. Si nous décidions que la nomination peut se faire par le Roi hors du conseil, nous ferions jurer ensemble les deux titres de la loi, nous les placerions dos à dos, de manière à ce qu’ils ne pussent jamais se donner la main et former un système uniforme. »

Messieurs, je dois d'abord compléter la phrase laissée inachevée par l'honorable M. Verhaegen : « Et cependant, disais-je, ce sont les attributions qui doivent déterminer nécessairement notre vote dans la question de nomination. »

Je tenais à faire cette première rectification dont vous comprenez tous, messieurs, l'importance pour fixer le sens de la phrase entière.

Mais poursuivons.

Immédiatement après ce passage, voici ce que j'ajoutais : « Mais, va-t-on me dire, ce choix limité, que vous accordez au gouvernement, suffira-t-il pour empêcher la commune de s'isoler trop de l'action du pouvoir central ? J'avoue que si nous bornions à cette part de nomination l'influence de l'Etat dans la commune, que si nous ne laissions pas dans les mains du gouvernement d'autres moyens pour réprimer les usurpations, nous aurions certainement peu tenu compte de l'unité nationale. » Et ma conclusion était que nous devions accorder au gouvernement, sans défiance, les moyens que je nommais répressifs : l'annulation des actes, la coercition, la suspension, la révocation directe et même la dissolution du conseil. Vous voyez, messieurs, que l'honorable député de Bruxelles a scindé ma pensée, de manière à n'en faire connaître qu'une face. Il a cité la première partie du raisonnement que je taisais, en omettant l'autre. N'est-il pas vrai des lors, que mon opinion a été tronquée et qu'elle n'a pas été reproduite dans son ensemble ?

Dans la suite de ce même discours, je faisais comprendre que, si la chambre n'accordait pas ces moyens répressifs, nous aurions peu fait en donnant au gouvernement la nomination du bourgmestre dans le sein du conseil. Certainement, si j'avais pu prévoir que la chambre aurait refusé au gouvernement le droit de révocation directe et celui de dissolution du conseil, je n'aurais pas voté comme je l'ai fait à l'égard des nominations.

Il doit maintenant vous paraître clair comme le jour que l'honorable M. Verhaegen n'a pas rendu compte de mon opinion d'une manière fidèle. Je n'accuse pas son intention, et l'erreur dans laquelle il est tombé est sans doute involontaire.

Dans une autre citation, l'honorable membre reproduit la phrase suivante, qui se trouve dans un autre discours :

« On objecte la responsabilité du pouvoir, mais nous ne pouvons ainsi supposer, pour l'avenir, l’impossibilité d'un gouvernement à tendances rétrogrades, etc., etc. »

Or, il se fait, messieurs, que toute cette citation est prise dans le discours même où je termine en proposant un amendement tendant à autoriser le Roi à nommer le bourgmestre en dehors du conseil, dans certains cas déterminés. Ceci nous prouve de nouveau qu'une citation textuelle peut être en même temps très inexacte, et l’honorable M. Verhaegen voudra bien reconnaître l’erreur dans laquelle il est tombé.

Du reste, messieurs, je n'ai pas soutenu que je n'avais pas modifiée mes opinions antérieures. Mais je ne veux pas non plus accepter une position qu'on voulait me faire et qui n'était pas la mienne.

Je pourrais répondre à toutes ces citations ce que les honorables MM. Rogier et Lebeau répondaient, en 1835, à pareilles allégations qui leur étaient faites. Vous vous souvenez que M. Gendebien et Dumortier, adversaires de MM. Lebeau et Rogier, avaient aussi cherché dans les antécédents de ces honorables collègues les moyens de les mettre en contradiction avec eux-mêmes.

Que répondaient-ils ?

« Je n'ai pas, disait M. Rogier la même prétention que M. Gendebien, d'être toujours d'accord avec moi-même. Je déclare même que mes opinions ont pu être modifiées par la réflexion et la pratique.»

M. Lebeau, disait aussi qu'il n'élevait pas de prétention à l'infaillibilité, qu'il tenait à une seule chose, c'était de rester fidèlement dévoué aux intérêts gouvernementaux. Là était la règle générale de la conduite de l'honorable membre.

Un membre. - Oui certainement.

M. Dechamps. - Je ne cherche pas à vous mettre en contradiction, je répète ce que vous avez dit.

Voici ce que l'honorable M. Lebeau entendait alors par cette règle générale de sa conduite.

Le passage que je vais citer est la réponse la plus péremptoire que l'on puisse faire au discours prononcé par l'honorable M. Devaux, à l'une de nos précédentes séances.

M. Lebeau disait : « Il est une règle de ma conduite que je me suis tracée dès le début de la révolution et à laquelle je pense être resté constamment fidèle. J'ai pensé qu'après avoir démoli, il ne fallait pas toujours démolir, il fallait s'occuper de reconstituer. » (Interruption.)

Une voix. - C'est ce que nous disons encore.

M. Dechamps. - Vous allez voir que ces mots avaient alors pour M. Lebeau un sens tout autre qu'aujourd'hui pour vous.

Voulez-vous savoir ce qu'il entendait par ne plus démolir et par reconstruire ? M. Lebeau va nous l'expliquer lui-même :

« J'ai souvent entendu dire, ajoutait-il en dehors de cette enceinte, mais par d'honorables collègues, qu'on avait fait une bien faible part au pouvoir exécutif dans la constitution de 1830, qu'on regrettait de n'avoir pu se soustraire à des idées de réaction bien naturelles quand on vient de renverser un pouvoir réprouvé par la nation ; j'ai vu se proposer d’accueillir toutes les occasions où la constitution le permettait d'augmenter l'influence du pouvoir central, évidemment trop restreinte ; j'ai entendu dire que, dans les lois organiques surtout, on saisirait l'occasion de fortifier un pouvoir dont la libre action peut seule maintenir l'ordre et, avec l'ordre, les, libertés publiques. L'occasion s'en est offerte plus d'une fois, mais je ne vois pas qu'on l’ait toujours saisie. »

Eh bien, pour l'honorable M. Lebeau, à cette époque, démolir c'était se refuser de saisir toutes les occasions de fortifier le pouvoir central, surtout à propos de lois organiques ; reconstituer, c'était fortifier ce pouvoir central, évidemment trop faible.

A M. Devaux, qui prétend que l'on ne peut modifier la loi communale sans que des faits graves et précis n'en démontrent la nécessité, M. Lebeau répondait que cette nécessité était permanente, qu'elle résidait dans le devoir de saisir toutes les occasions de fortifier le pouvoir, de reconstituer après avoir démoli.

M. Dumortier et tons les partisans de l'élection directe des autorités communales, système qui existait depuis cinq ans, depuis l'arrêté du gouvernement provisoire, disait aussi à leurs adversaires de cette époque : « Mais pourquoi changer ce qui existe ? Quels sont les abus graves que ce mode de nomination a fait naître dans les communes ? Qu'on les signale. Jusqu’ici on ne l'a pas fait. »

« J'en ai signalé de fortes graves, répondait M. Lebeau (c'étaient des abus résultant non de faits mais de principes), j'ai l'habitude de servir le peuple et non de le flatter. Je dis que la loi communale est attendue avec impatience. »

Il est bien clair, bien évident pour moi et pour vous tous, qu'à l'époque que je viens de rappeler, l'honorable membre n'attendait pas que des faits partiels fussent signalés ; la règle de sa conduite était de saisir toutes les occasions de fortifier le pouvoir royal qu'il regardait comme trop faible.

Et cependant cette occasion, le gouvernement la lui offre aujourd'hui, et il la repousse !

M. Verhaegen. - Je suis au regret qu'on revienne encore sur un incident sur lequel on n’avait, ce me semble, plus rien à dire. L’honorable M. Dechamps se débat en vain pour se soustraire à des contradictions que j’ai signalées dans une précédente séance. Elles restent dans tout leur entier, et j’en appelle au Moniteur.

Comment M. Deschamps explique-t-il cette phrase que j’ai citée et qui lui appartient : « Si ce système est absurde, celui de la modification des bourgmestres par le Roi en dehors du conseil est plus absurde encore ? »

L'honorable membre ne veut pas se rappeler que, quand il consentait, au point de vue administratif, à renforcer tant soit peu le pouvoir central, il s'agissait de faire nommer les échevins directement par le peuple. Et on n'est revenu de cette prétention que par esprit de conciliation. C'est en 1836 qu'on a abandonné le premier système et qu'au lieu de donner au Roi la nomination des bourgmestres hors du conseil dans certains cas, et de faire nommer les échevins par les électeurs, on leur a donné la même origine, en attribuant au Roi la nomination du bourgmestre et des échevins dans le conseil.

Voilà dans quelle hypothèse parlait l'honorable membre. Quand j'ai cité des parties de ses discours pour démontrer que ses opinions d'aujourd'hui étaient en contradiction avec ses opinions d'autrefois, je n'ai fait qu'extraire ses paroles du il de 1834 et 1835, et je ne pense pas qu'il puisse m'adresser le moindre reproche d'inexactitude volontaire, ou involontaire, relativement à ces extraits.

Maintenant l'honorable membre se plaint de ce que je n'ai pas cité ses discours en entier, mais cela était impossible. J'en ai extrait ce qui était nécessaire pour établir ses contradictions.

Il aura beau faire et beau dire, il ne pourra pas échapper à cette position.

Je demande à l'honorable membre s'il est vrai, oui ou non, qu'il demandait en 1835 que les échevins fussent nommés directement par le peuple. - Le veut-il encore aujourd'hui ?

Je crains bien qu'il ne me donne pas de réponse catégorique.

M. Dechamps. - L'honorable M. Verhaegen n'a pas voulu me répondre directement. Il a cité, dit-il, textuellement mes paroles. Mais je vous ai prouvé qu'une citation pareille peut être infidèle. M. Verhaegen a laissé ma pensée incomplète, inachevée, en omettant ce qui suivait la citation qu'il vous a faite. Voilà un fait. Je pense avoir assez bien établi ce fait pour ne pas avoir besoin de persister.

Je n'ai jamais prétendu n'avoir jamais modifié en rien mes opinions. Je ne veux pas soutenir, en 1842, tous les mots que j'ai prononcés en 1835. Mais j'ai à dire que l'on me prête, par une citation incomplète, une opinion qui n'est pas celle que je professais.

M. Verhaegen. - Je demanderai à l'honorable M. Dechamps (car il ne répond pas à ceci) : oui ou non souteniez-vous que les échevins devaient être élus directement, en compensation du système de la nomination du bourgmestre par le Roi ? Le soutenez-vous encore aujourd'hui ?

M. Dechamps. - M. Verhaegen s'efforce de tourner la question ; pour éviter de me répondre, il m'interroge sur un nouveau point. Il ne s'agissait pas de la question des échevins. Il s'agissait de la nomination du bourgmestre et des droits de suspension, de révocation et de dissolution des conseils communaux.

A l'égard des échevins, ma réponse sera toute simple, c'est que, dans la question des échevins, j'ai pu voter de deux manières, parce que pour moi, comme pour la chambre, la question du mode de nomination des échevins était subordonnée aux questions d'attributions.

Si l'honorable M. Verhaegen s'était donné la peine de lire plus attentivement ces premiers débats, il aurait vu que telle en effet était alors la position de cette question.

M. Fallon. - J'ai été cité personnellement, et à diverses reprises, sur plusieurs bancs de cette chambre.

On a fait appel aux opinions que j'ai manifestées dans les discussions qui ont précédé l'adoption de la loi qui régit notre organisation communale.

Mais isolant mes paroles du sujet auquel elles s'appliquaient et surtout des conclusions que j'en tirais, on leur a donné une portée qu'elles n'avaient pas.

Je prends la parole pour leur restituer leur véritable signification.

A la différence du parti que, de guerre lasse, l'honorable M. Devaux crut devoir prendre, j'ai refusé mon assentiment à la loi actuelle ; j'ai protesté par mon vote contre son adoption, et l'expérience n'a pas tardé de justifier mon opposition.

Dans les longs débats auxquels cette organisation fut livrée en 1834, 1835 et 1836, je n'ai jamais varié ni de principe ni de système, et c'est à l'application de ces principes que, par la force des choses, on est obligé aujourd'hui de se rapprocher.

Ce n'est pas à dire que si, devançant alors les leçons de l'expérience, j'eusse voté pour le système adopté, j'hésiterais le moins du monde à me prêter à la révision d'un régime qui eût trompé mes espérances, et qui, ne produisant d'abord que des embarras à l'action du pouvoir exécutif dans plusieurs communes, menacerait de finir par paralyser entièrement cette action.

Je ne conçois pas mon mandat de député de la nation comme le conçoivent certains membres de cette chambre, qui, pour empêcher ce qu'ils appellent des conversions, jettent le blâme à la face de ceux qui seraient tentés de modifier leurs premières opinions.

J'honore, quant à moi, celui qui, pénétré de la haute mission qu'il exerce, sait se placer au-dessus de tout vain sentiment d'amour-propre, et faire abnégation de toute prétention d'infaillibilité dans l'accomplissement de ses devoirs.

Aussi, si j'avais à désavouer aucun de mes antécédents dans les discussions de là loi que nous révisons, je tiendrais à honneur de le déclarer loyalement et sans détour.

Si telle n'est pas ma position, comme je viens de le dire, je ne me prévaux cependant nullement de cette circonstance.

Je n'ai cessé d'insister pour la séparation la plus complète entre les intérêts généraux et les intérêts exclusivement communaux ; entre la libre action du pouvoir exécutif dans la commune et la libre action de la commune dans la gestion de ses intérêts domestiques ; séparation de pouvoir qui, selon moi, avait été sagement combinée dans l'organisation provinciale.

J'ai toujours voulu, comme conséquence de ce principe de séparation de pouvoir, que le bourgmestre appartînt au libre choix du Roi, soit en dedans, soit en dehors du conseil, parce que je voulais que seul il fût chargé de l'exécution des lois de police et d'administration générale ; parce que je voulais dans la commune, comme dans le pays qui se résume en communes, que l'action du pouvoir exécutif fût exercée par un agent responsable et non par un collège irresponsable, et surtout par un collège électif.

Comme conséquence encore du même principe, je voulais que le mandat du bourgmestre fût sans terme, parce que je voulais qu'on lui fît dans la commune la même position que le gouverneur occupait dans la province, la même position que tout agent du pouvoir exécutif, amovible, c'est-à-dire toujours soumis à révocation ; parce que je ne voulais pas que l'agent du pouvoir exécutif fût placé sous la contrainte morale et les exigences d'un corps électoral.

Quant aux échevins, mon vote fut toujours subordonné aux attributions dont ils seraient investis.

Dans le cas où, conformément au texte et à l'esprit de l'art. 31 de la constitution, le collège des échevins ne fut chargé que de la gestion des intérêts domestiques et journaliers de la commune, des intérêts exclusivement communaux, je voulais qu'ils fussent députés du conseil et choisis par lui.

C'était là le système auquel je donnais la préférence.

Mais dès lors qu'on donnait à ce collège une participation quelconque aux lois d'administration générale, je voulais qu'outre le mandat électoral, ils réunissent celui du pouvoir royal librement concédé.

C'est dans ce sens, et dans l'espoir que cette dernière combinaison ne serait pas adoptée, que, dans la séance du 8 mai 1835, j'ai proposé moi-même un amendement ayant pour objet de faire nommer les échevins par le conseil, et dans son sein ; cet amendement n'obtint qu'une majorité d'une voix (41 contre 40), et il suffit de revoir ce que j'avais dit dans la séance du 4, pour être convaincu que je ne l'avais présenté que comme moyen d'obtenir qu'après s'être lié par son adoption, on se rallierait au système dont je ne me suis jamais départi, l'application des principes de la loi provinciale à l'organisation communale, tant en ce qui concernait les échevins qu'en ce qui regardait le bourgmestre.

Je ne prétends pas que les 40 membres qui ont voté avec moi pour l'adoption de mon amendement, aient partagé mon opinion sur ce point ; mais ce qui prouve que l'on savait parfaitement que c'était bien dans ce but et sous cette réserve que je l'avais proposé, c'est le discours que prononça l'honorable M. Dechamps, dans la séance précédente. Là, résumant les différents systèmes qui se trouvaient en présence, il dit, en parlant de moi et du système que j'avais développé, que le premier système était celui qui, assimilant la commune à la province, considère le bourgmestre comme l'agent du pouvoir exécutif ; et les échevins comme les magistrats communaux.

Et ce qui prouve encore que ce n'est qu'à cause que la chambre persista à ne pas vouloir se rallier à ce système, que j'ai repoussé le dernier projet, celui qui a été converti en loi, ce sont ces dernières paroles que j'ai prononcées sur ce sujet, dans la séance du 10 février 1836, dont je ne rapporterai que ce seul passage :

« Tout ce qui s'est dit depuis lors, toutes les discussions qu'il a fallu péniblement traverser pour épuiser des débats toujours renouvelés, bien loin de m'ébranler sur la préférence que je réclamais pour l'application à la commune du système provincial, m'ont convaincu de plus en plus que c'est ce système qui se coordonne le mieux avec l'esprit et la lettre de la constitution ; que c'est ce système qui fait la plus juste part du pouvoir central et du pouvoir communal ; que c'est ce système enfin qui sépare et garantit plus efficacement les intérêts généraux, des intérêts communaux., dans l'administration de la commune. »

Tout mon discours ne consista, pour le surplus, que dans la réfutation des objections que l'on opposait à mon opinion.

Deux jours après, à la séance du 12 du même mois, on termina les débats et on soumit au vote diverses questions ; et d'abord celle de savoir si les bourgmestres et les échevins participeraient collectivement à l'exécution des lois générales ; j'ai voté contre cette proposition, qui n'obtint au surplus qu'une faible majorité.

On a posé ensuite la question de savoir si le Roi nommerait le bourgmestre. 82 membres ont répondu oui, et je fus de ce nombre.

On posa, en troisième lieu, celle de savoir si le choix royal serait circonscrit dans le sein du conseil, et j'ai répondu non.

Enfin on posa la question de savoir si le Roi nommerait les échevins, et comme conséquence de mon opposition à ce que le collège des échevins fût chargé d’autre chose que du ménage journalier et domestique de la commune, d'autre chose que d'intérêts exclusivement communaux, je répondis non, repoussant ensuite dans son ensemble l'article proposé.

Au second vote, dans la séance du 7 mars, j'ai repoussé de nouveau le système d'attributions adopté pour le collège échevinal, et dans la séance du 9, j'ai voté contre la loi.

Ce système, que je n'ai cessé de défendre dans ces longues discussions, eut des chances de succès ; j'étais donc dans le vrai, puisque l'on s'en rapproche aujourd'hui ; sa base était la nomination du bourgmestre au libre choix du Roi, comme de tout agent du pouvoir exécutif, amovible et sujet à révocation, comme on le propose aujourd'hui.

Eh bien, messieurs, il ne donna pas lieu aux clameurs que nous avons entendues dans cette enceinte, clameurs qui devaient nécessairement avoir de l'écho à l'extérieur, très propres quelles étaient à soulever les passions populaires, dans la lutte des opinions.

Il ne passa alors par la tête de personne de parler de réélection, de contre-révolution, ni de venir jeter dans les débats semblables germes d'irritation.

Ce n'est pas, messieurs, que je me sente blessé le moins du monde de ces excès de l'intolérance des opinions, ce ne sont là que des exagérations qui, fort heureusement pour le pays, ne produisent, dans cette enceinte, que l’effet précisément contraire à celui qu'on s'en promet.

Les faits qui se sont passés depuis l'adoption de la loi actuelle, et qui sont assez notoires pour que la plupart d'entre nous aient besoin de recourir à l'enquête administrative, sont venus fortifier mes premières convictions.

Conséquent avec moi-même, et sans qu'il soit besoin que je fasse une soumission, toujours respectable dans l'homme d'Etat, aux leçons de l'expérience, j'accepterai les améliorations proposées qui, sans cependant compléter entièrement le système que j'ai toujours désiré voir adopter, s'en rapprochent toutefois beaucoup.

Aussi que l'on ne donne aux échevins, relativement à la commune, que les mêmes attributions dont on a investi les députations des conseils provinciaux, relativement à la province, et je suis prêt, comme je l'ai toujours été, à voter pour la nomination des échevins par le conseil.

J'appuierais même l'amendement qui serait proposé dans ce sens.

Mais aussi longtemps que les échevins seront appelés à partager le pouvoir exécutif, j'insisterai pour le principe du double mandat.

Plusieurs membres. - Très bien.

M. de Muelenaere. - Après huit jours de débats au point où la discussion semble arrivée, je supprimerai toutes les considérations générales. J'ose vous prier de vouloir bien m'écouter avec quelque bienveillance ; je ne serai pas long ; je ne fatiguerai pas votre attention ; quelques instants me suffiront. Je me bornerai à rencontrer brièvement les objections les plus importantes qui m'ont paru avoir été présentées contre le projet de loi.

Mais avant d'aborder ces objections, il me semble utile de fixer nettement l'état de la question. Quel est le projet réellement en délibération ? C'est le projet que l'honorable M. de Theux, au nom de la section centrale, vous a présenté dans la séance du 16 mars avec les dispositions additionnelles, présentées par M. le ministre de l'intérieur dans la séance du 13 mai. Toutes les autres propositions ne sont que des amendements ou des modifications au projet de loi : M. le ministre de l'intérieur, au début de ces débats, vous a déclaré qu'il maintenait sa proposition. Or, sans m'expliquer en ce moment sur les amendements (ils trouveront leur place, lorsqu'il s'agira de la discussion spéciale), je me demande quel est le but du projet ministériel. Ce projet laisse entièrement intact l'article 2 de la loi du 30 mars 1836 : « Le Roi nomme le bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil. » C'est là le principe ; c'est la règle qui, d'après le projet ministériel, continue à subsister. Toutefois le gouvernement vous propose d’investir la couronne du droit de pouvoir aussi prendre le bourgmestre en dehors du conseil, mais par exception, par dérogation à cette règle, à ce principe.

Voilà la question nettement posée ; la voilà dans toute sa nudité, dans toute sa vérité, quant au mode de nomination du bourgmestre.

Eh bien, quelles sont les objections qu'on a faites contre le projet de loi ? Ces objections sont de deux espèces : les unes portent sur le fond ; les autres portent sur la forme.

Les objections sur la forme constituent en quelque sorte une question préalable, une fin de non-recevoir. « L'enquête qui a été faite est, dit-on, incomplète insuffisante ; les faits alléguées ne sont pas concluants ; l'expérience n'a pas justifié la nécessité du projet de loi. » Comme l'a dit hier un honorable député, l'enquête se compose de deux parties : de considérations générales et de faits recueillis à l'appui de ces considérations. Cet honorable membre a reconnu lui-même que les considérations générales sont contraires à ce qui existe, que l'opinion de tous les gouverneurs de province, à une seule exception près, est favorable aux modifications proposées. Or, je vous demanderai comment ces considérations générales peuvent avoir été inspirées aux fonctionnaires qui ont été consultés. Ne l'ont-elles pas été évidemment par l'expérience des abus que ces fonctionnaires avaient sous les yeux, ou qui leur ont été signalés ?

Mais, dites-vous, les faits rapportés ne sont pas pertinents ou ils sont sans gravité. Dans un gouvernement comme le nôtre, où tout se fait au grand jour, où les observations les plus insignifiantes descendues de cette tribune trouvent du retentissement, de l'écho jusque dans le moindre village, est-il étonnant que les fonctionnaires consultés se montrent sobres de faits précis et se renferment, autant que possible, dans des considérations générales.

Puisqu'on veut des faits à tout prix, je dirai que l'honorable M. Liedts, indépendamment de ceux constatés dans le rapport, a cité des faits dans la séance d’hier dont il avait acquis la connaissance, pendant qu'il était à la tête du département de l'intérieur. Voici ce qu'il a dit :

« Il arrive souvent qu'au moment où les élections sont faites dans quelques communes, les élus se partagent les rôles, se disent : vous serez bourgmestre, vous serez échevin ; avec la loi communale qui nous régit, le gouvernement est dans la nécessité de fermer les yeux sur de semblables conventions ; la couronne confie généralement les fonctions de bourgmestre à celui qui est ainsi désigné par le conseil ; mais on est allé dans une commune jusqu'à stipuler un dédit de 2,000 fr. contre tout conseiller qui aurait accepté les fonctions de bourgmestre ; un de ces conseillers fut nommé, et il y eut refus. » En définitive le pouvoir central dut subir la loi du conseil communal. Quand des faits d'une telle gravité, des faits si attentatoires à la dignité du gouvernement et à l'action du pouvoir exécutif nous sont signalés par un ancien ministre, lors même qu'ils ne se seraient produits que dans une seule commune du royaume, vous devriez soustraire le gouvernement à cette avanie, car une pareille position est intolérable. Après cela, il devient inutile de s'appesantir encore sur d'autres faits ; pour tout homme impartial la question est résolue.

Il faut, nous dit-on, renouveler, compléter l'enquête. Mais, messieurs, il me semble que la meilleure enquête que vous puissiez faire, c’est de rentrer en vous-mêmes, de vous interroger, d'évoquer, de recueillir vos propres souvenirs, d'examiner, d'apprécier ce que nous avez vu se passer autour de vous. Vous avez tous des relations soit dans les villes, soit dans les campagnes ; vous savez à peu près comment les affaires se traitent ; eh bien ! veuillez, je le répète, consulter vos souvenirs, et demandez-vous, après cela, s'il y a nécessité oui ou non de modifier la loi.

Je vous ferai encore remarquer que le gouvernement, dans les modifications qu'il demande, est resté en deçà des changements réclamés par la plupart des fonctionnaires qui ont été consultés. Je pense donc qu'on ne peut plus opposer ici la question d'opportunité, et qu'on ne peut pas prétendre non plus que les faits actuellement signalés ne sont ni assez personnels, ni assez graves, pour justifier la modification qui vous est proposée.

Les autres objections principales se rattachent au fond même du projet. Les unes sont politiques, les autres administratives. On attaque le projet sous le rapport politique, on l'attaque sous le rapport administratif.

Sous le rapport politique, la loi proposée, vous dit-on, va donner une influence démesurée au gouvernement sur les élections. Eh bien ! messieurs, un honorable membre de cette assemblée, qui ne partage nullement notre manière de voir, s'est chargé lui-même de répondre à cette objection et de la réduire en quelque sorte à néant. Cet orateur vous a cité des passages de plusieurs discours prononcés en 1835 et en l836 sur la loi qui nous régit actuellement, celle qui confère à la commune la nomination des bourgmestres et des échevins dans le sein du conseil.

Veuillez vous rappeler ces citations, veuillez vous rappeler tous les discours dans cette longue et mémorable discussion : à entendre les orateurs d'alors, la loi actuelle, messieurs, allait donner au gouvernement un pouvoir, une puissance exorbitante en matière électorale. L'effet infaillible de cette loi, disait-on (et je cite ici textuellement), l’effet infaillible de cette loi devait être de fausser la représentation nationale, de corrompre les élections, de mettre le gouvernement à même d'éliminer tous les députés indépendants, de se composer une chambre à son gré, d'y amener toutes ses créatures.

Je conviens même volontiers que, dans la discussion actuelle, on n'a pas poussé aussi loin l'exagération contre le projet qu'en 1835 et 1836. Mais, je vous le demande de bonne foi, la loi de 1836 existe depuis six ans, aucune de ces prévisions sinistres s'est-elle vérifiée depuis cette époque ? Et cependant, je comprends très bien tout ce qu'il pouvait y avoir de légitime dans les craintes, les appréhensions, quoiqu'exagérées, qu'on avait conçues à cette époque sur l'influence que cette loi devait donner au gouvernement en matière électorale. Car, en effet, il s'agissait de substituer un système entièrement nouveau au système que nous avions eu jusque-là ; il s'agissait de transférer au gouvernement la faculté de nommer le bourgmestre et les échevins, dont la nomination, par le décret du gouvernement provisoire, avait été exclusivement abandonnée à l'élection directe.

Mais aujourd'hui que l'on vous demande que, par exception, que par dérogation au principe trop absolu consigné dans l'art. 2 de la loi ou 30 mars 1836, le gouvernement soit autorisé, lorsque les circonstances l'exigent, à prendre le bourgmestre en dehors du conseil, je vous avoue que je ne saisi plus l'importance qu'on peut attacher à un pareil projet sous le rapport purement électif.

Maintenant, messieurs, j'arrive à l'objection faite contre le projet considéré sous le point de vue administratif.

« La loi, parte atteinte aux droits et aux intérêts de la commune, elle viole les franchises communales. »

Il y a dans la commune des intérêts de plus d'un genre ; il y a des intérêts généraux, et des intérêts communaux. C'est une distinction qu'il importe de ne pas perdre de vue.

Tout le monde a protesté, dans des séances antérieures, qu'on ne voulait pas placer l'Etat dans la commune, ni subordonner l'action gouvernementale à l'action communale. Ce serait en effet, messieurs, renverser tous les principes, ce serait bouleverser toutes les notions. Le gouvernement, de l'aveu de tous, à ce qu'il paraît, doit avoir un contrôle, une surveillance sur l'exécution des lois et des mesures d'intérêt général. C'est son droit, c'est sa responsabilité.

Dès lors, messieurs, on ne peut, sans inconséquence, refuser au pouvoir central une part d'influence réelle libre et légitime sur la nomination des fonctionnaires à qui cette exécution incombe.

Cette considération seule justifie pleinement l'exception, la faculté qui vous est demandée par le gouvernement de pouvoir nommer le bourgmestre en dehors du conseil, lorsqu'il ne trouve pas à faire son choix dans le conseil même.

Mais en quoi cette faculté peut-elle porter atteinte aux droits et aux intérêts de la commune ? Il faudrait pour cela que la gestion des intérêts communaux fût confiée au bourgmestre. Or, en est-il ainsi ? Il suffit de voir les dispositions de la constitution, il suffit de lire l'art. 31 et l'art. 108 de ce pacte fondamental ; vous y voyez que la constitution elle-même a posé des principes, et que ces principes attribuent non pas au bourgmestre, mais au conseil lui-même, le règlement de tout ce qui est d'intérêt communal. Il est inutile de vous citer le texte de ces articles ; vous les connaissez tous,

Voyez encore l'article 75 de la loi du 30 mars 1836.

Cet art. 75 a été fait en exécution de la constitution ; il ne fait que rappeler le principe constitutionnel et lui donner ainsi une nouvelle sanction : « Le conseil règle tout ce qui est d'intérêt communal. »

Les autres dispositions de cette loi ne sont que des corollaires, l'application de ce principe, que tout ce qui est d'intérêt communal tombe exclusivement dans les attributions du conseil.

Ce n'est donc pas au bourgmestre, je le répète, c'est au conseil communal seul que la constitution et les lois qui ont été faites l'exécution de la constitution attribuent la gestion de tous les intérêts communaux. C'est le conseil, comme l'a dit un honorable membre, qui a combattu le projet, c'est le conseil lui-même qui est le véritable administrateur de la commune, parce qu'il a la gestion pleine et entière de tous les intérêts communaux quelconques.

Or, le bourgmestre qui serait nommé dans l'hypothèse de la loi que nous discutons, c'est-à-dire le bourgmestre qui, par exception, serait pris en dehors du conseil, n'aurait pas même voix délibérative dans le conseil. Comment voulez-vous dès lors qu'on porte atteinte aux intérêts communaux, lorsque les intérêts communaux, d’après la constitution et la loi, sont exclusivement gérés par le conseil, et que la loi nouvelle elle-même a soin de déclarer expressément, que le bourgmestre pris en dehors du conseil, dans les cas exceptionnels, n'aura pas voix délibérative dans cette assemblée ; il ne pourra donc pas même, par son vote, influer sur le règlement, sur la gestion des intérêts communaux.

Le règlement de ces intérêts, je le répète, appartient et doit appartenir au conseil. La commune les gère par ses élus, par ceux qui ont reçu d'elle un mandat direct et spécial. Si le bourgmestre n’a pas reçu ce mandat de la commune, il ne fera pas partie du conseil, il n'aura pas de vote dans cette assemblée, il ne prendra aucune part au règlement réel et véritable des intérêts communaux. Et dès lors il est impossible de voir, dans le projet qui vous est présenté, une violation quelconque des intérêts, des prérogatives ni des franchises de la commune.

Messieurs, je ne veux pas, dans le moment actuel, pousser plus loin cette discussion déjà assez longue. Je me réserve de présenter d'autres observations, lorsque nous serons arrivés à la discussion des articles.

- La séance est levée à 4 heures et 1/2.