(Moniteur belge n°123, du 3 mai 1842)
(Présidence de M. Dubus (aîné))
M. de Renesse procède à l'appel nominal à 2 heures un quart.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier dont la rédaction est approuvée.
M. de Renesse fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.
« Le conseil communal de Peronne-lez-Antoing présente des observations contre le projet d'établir les vannes de décharge en amont et près de l'écluse d'Antoing. »
« Quelques propriétaires des provinces de Liége, Namur, Luxembourg et Limbourg demandent des modifications à la législation sur la chasse. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs électeurs et habitants de la ville de Courtray demandent que la chambre rejette le projet de loi relatif à la nomination des bourgmestres. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Le sieur Desmet, médecin adjoint de l'armée, en non-activité, demande que le ministre chargé de l'instruction publique soit autorisé à lui conférer le grade de candidat en médecine, ou à lui faire subir l'examen d'officier de santé civil.
M. Rodenbach. - On a déjà fait un rapport sur une pétition signée par le même réclamant. Je demanderai dès lors que cette pétition soit renvoyée à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur. Elle s'occupe en ce moment de la haute instruction. Elle verra si le pétitionnaire a droit à obtenir ce qu'il demande.
- La proposition de M. Rodenbach est adoptée.
M. Verhaegen annonce à la chambre que M. Orts est retenu chez lui par une ophtalmie.
- Pris pour notification.
M. Zoude, rapporteur. - M. Roelandts, né Belge, a l'honneur d'exposer à la chambre qu'il a fait toutes ses études en France, qu'il a reçu le grade de licencié en droit à l'université de Paris en avril 1830, alors que la constitution et les lois qui nous régissent le permettent encore.
Il cite en preuve l'exemple d'un Belge qui fut admis à la prestation de serment par la cour d'appel de Bruxelles, le 30 janvier 1833, sur la présentation d'un diplôme obtenu à Paris en 1828, lorsque la loi fondamentale du royaume des Pays-Bas interdisait les études à l'étranger.
Cependant, malgré que la loi sur l'instruction fût postérieure de 6 mois à l'obtention de son grade a Paris, on refusa de reconnaître son diplôme, parce que, dit-on, la loi se tait sur les droits que des Belges ont pu acquérir avant sa promulgation.
11 résulterait d'une telle prétention que si, contrairement aux principes d'équité, on voulait faire rétroagir la loi pour motiver le refus qu'il éprouve, c'est qu'il y aurait lacune ou obscurité dans la loi ou qu'on en ferait une fausse application.
Dans l'une ou l'autre de ces suppositions, le pétitionnaire supplie la chambre de vouloir faire un amendement à la loi sur l'instruction en y ajoutant une disposition nouvelle, en vertu de laquelle tout Belge qui aurait obtenu un diplôme de licencié en France pourra l'échanger contre un diplôme belge sans un nouvel examen.
Le pétitionnaire se croit d'autant mieux fondé dans sa demande, que la nouvelle, loi, autorise le Roi a accorder des dispenses à des étrangers ; or, il répugne que ceux-ci seraient traités plus favorablement que des Belges.
Cette dernière considération a surtout déterminé votre commission à appuyer le pétitionnaire en vous proposant le renvoi à la section centrale de l'instruction supérieure.
La pétition n° 301 des sieurs Gaspard Demoulin et Jules Cattin, ayant le même objet et s'appuyant de raisons identiques, votre commission a l'honneur de vous présenter les mêmes conclusions, qui sont le renvoi à la section centrale chargée de l'instruction supérieure.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. le président. - La discussion continue sur l'art. 5 et sur les amendements y relatifs.
La parole est à M. Duvivier pour développer l'amendement qu'il a présenté à la fin de la dernière séance, lequel tend à ajouter au litt. C du § 1er les mots ou de prairie après le mot terre.
M. Duvivier. - Il serait possible que, par suite des changements introduits dans l'article en discussion, je retirasse mon amendement ; je le maintiendrai si les conditions sont maintenues. Les motifs de mon amendement sont fort simples. Sous l'empire de la loi actuelle, qui porte simplement le mot terre, il y a eu des contestations ; on n'a pas voulu admettre à profiter du bénéfice de la loi les distillateurs qui avaient des prairies qu'ils engraissaient avec le produit de leurs distilleries. L'addition que je propose tend à prévenir ces contestations.
Je ne crois pas mon amendement susceptible d'autres développements.
M. Verhaegen. - J'ai voté contre le droit d'un franc proposé par le gouvernement et contre celui de 80 centimes proposé par la section centrale. J'ai pensé qu'une augmentation de droit encouragerait la fraude et que, loin de servir les intérêts du trésor, elle amènerait un déficit dans les caisses de l'Etat. .
On nous a fait le reproche de voter toutes les dépenses et de ne pas vouloir voter les ressources destinées à y faire face. On a même été jusqu'à nous dire, à nous députés de Bruxelles, que nous contrarions par notre conduite l'arrangement que le gouvernement a conclu avec la ville de Bruxelles. Lors de ma discussion de l'art. 2, j'avais demandé la parole pour répondre à cette objection, mais la clôture ayant été prononcée, j'ai dû réserver mes observations pour un autre moment. Ce moment est arrivé, et je suis résolu à m'en expliquer une fois pour toutes d'une manière catégorique. Depuis quelque temps, la convention avec la ville de Bruxelles est devenue un véritable épouvantail ; c'est cet arrangement qu'on jette toujours à travers la discussion, quand on veut obtenir des concessions.
Ainsi, s'agit-il d'une loi de finances, si nous ne votons pas le chiffre le plus élevé, nous contrarions les intérêts de la ville de Bruxelles. Si nous faisons une opposition au ministère, d'ailleurs très consciencieuse, nous contrarions les intérêts de la ville de Bruxelles ; enfin si nous posons un acte politique quelconque, même en dehors de cette enceinte, nous contrarions les intérêts de la ville de Bruxelles.
Quant à moi, je ne suis pas dupe de cette tactique, et je n'accepte pas ce reproche ; dans tous les votes que j’ai à donner comme député, je n'ai d'autre guide que ma conscience, et je ne considère que les intérêts généraux de mon pays. Avant d'être Bruxellois, je suis Belge, et je ne consentirai jamais, par esprit de clocher, à faire ma cour au pouvoir. Je ne voterai jamais une loi qui, dans mon opinion, doit amener la ruine de nos distilleries.
Je trouve d'ailleurs fort extraordinaire qu'à propos des ressources qu'on nous demande, on vienne nous parler de dépenses qui ne sont pas encore votées, et qui peut-être ne le seront jamais.
Oui, je veux des dépenses justes et utiles ; et j'ai assez de foi dans le bon sens et dans l'impartialité de la chambre pour croire qu'elle fera pour la ville de Bruxelles ce qu'elle a fait et fera encore pour d'autres localités, mais tout cela se réduit à une question de majorité. Je trouve fort extraordinaire qu'on vienne nous demander des ressources de plusieurs millions, pour faire face à des dépenses non encore votées. Si, par impossible, et contrairement à mes prévisions, la dépense que nécessitera l'arrangement avec la ville de Bruxelles, toute juste qu'elle est, venait à n'être pas votée, il en résulterait, avec le système que je combats, que le gouvernement aurait obtenu des ressources pour lesquelles il n'y aurait pas d'emploi.
Je tenais, messieurs, à m'expliquer une bonne fois sur une objection qui, en réalité, n'a rien de solide et que cependant on ne cesse de reproduire.
Messieurs, j'ai cru servir les intérêts du trésor, en votant le droit le moins élevé, et je crois servir encore les mêmes intérêts en m'opposant aux amendements de MM. Mast de Vries et Eloy de Burdinne sur l'art. 5.
Quant à ces amendements, je suis charmé de me trouver d'accord cette fois avec les honorables MM. de Theux et Desmet.
L'honorable M. de Theux nous a dit « qu'on ne peut pas arrêter le développement de l'industrie, qu'on ne peut pas enrayer le progrès. » Je partage tout à fait cette idée qui doit servir de base à l'opinion que nous émettons.
Qu'on favorise les distilleries agricoles, c'est très bien, mais qu'on commence par définir les distilleries agricoles ; qu'on distingue les distilleries en diverses classes, c'est ce qui est impossible.
L'honorable M. Eloy distingue les distilleries en distilleries à vapeur ou grandes distilleries, en distilleries moyennes, en petites distilleries, et enfin en distilleries agricoles.
Pour toutes ces diverses espèces de distilleries, il voudrait une échelle de proportion dans les droits ; mais si ce que désire l'honorable M. Eloy de Burdinne était conforme à la justice, alors, comme corollaire de ce système, il aurait dû établir un tarif exceptionnel. et cependant c'est ce que l'honorable M. Eloy de Burdinne n'a pas fait, et c'est d'ailleurs ce qu'il ne pouvait pas faire ; car, messieurs, si nous allions encore un peu plus loin dans cette voie, nous arriverions en définitive à froisser une disposition de la constitution , qui défend qu'il y ait des privilèges en matière d'impôt.
Je ne veux pas dire pour cela qu'il ne faille pas faire quelque chose pour les distilleries agricoles.
Il y a moyen de les favoriser, mais en s'arrêtant dans de justes limites, et en ne se mettant pas en opposition avec la constitution.
Les petites distilleries, dit-on, n'ont pas les mêmes avantages que les grandes.
L'honorable M. Rodenbach, qui a quelque expérience dans cette matière, nous a assuré que les petits distillateurs, comme les grands, peuvent perfectionner la distillerie, et que, s'ils restent stationnaires, c'est à eux-mêmes qu'ils doivent l'imputer.
En définitive, le système que nous combattons tendrait à enrayer le développement industriel : c'est ce que plusieurs honorables préopinants ne veulent pas ; c'est notamment ce que ne veut pas, je le répète, l'honorable M. de Theux, avec lequel je suis d'accord sur ce point.
Que l'on favorise les distilleries agricoles, encore une fois, je le veux bien ; qu'on leur accorde les avantages dont ils ont joui jusqu'à présent sur pied de la loi de 1841, j'y consens. Mais je m'oppose a ce que l'on fasse de nouvelles catégories, et à ce qu'on accorde des déductions plus fortes que 15 p. c., car on ne pourrait le faire sans contrarier les intérêts du trésor.
Mais que faut-il entendre par distilleries agricoles ? Il me semble que sur ce point nous sommes restés tant soit peu dans le vague. Quant à moi, je ne voudrais entendre par distilleries agricoles que celles qui sont établies dans les localités ou l’on a besoin d'engrais, dans les landes, par exemple, où les usines sont réellement utiles à l'agriculture. La dénomination l'indique assez et l'on fait un véritable abus de mots et de choses, quand on prétend qu'il faut entendre par distilleries agricoles les petites distilleries qui ne pourraient pas suivre le marche des grandes distilleries. C'est là tout autre chose, c'est établir des catégories entre les distilleries qui ne sont pas agricoles ; c'est donner des avantage à celles qui n'ont pas fait on qui n’ont pu faire autant de progrès que d'autres , et cela, au détriment de la généralité et surtout au détriment du trésor.
Je voterai donc contre les amendements et pour le projet du gouvernement.
M. Eloy de Burdinne**.** - Messieurs, je commencerai par répondre quelques mots à l'honorable préopinant. J'avais demandé avant-hier la parole pour répondre aux arguments qu'avaient fait valoir l'honorable M. Desmet et l'honorable M. Rodenbach ; j'y viendrai après.
L'honorable M. Verhaegen vous a dit que dans l'amendement que j'avais soumis à la chambre, j'avais divisé les distillateurs en quatre classes. C'est une erreur ; je n'ai proposé que de les diviser en trois classes. Je crois m'être expliqué assez clairement dans le discours que j'ai prononcé il y a deux ou trois jours ; mais comme l'honorable membre ne paraît pas avoir saisi mes idées, je vais en quelques mots les expliquer de nouveau.
Messieurs, je considère comme distilleries de première classe toutes celles dont les vaisseaux désignés ou énumérés à l'art. 1er du projet, sont d'une contenance de 35 hectolitres et plus ; et comme distilleries de 2ème classe, celles qui sont en même temps industrielles, dont les mêmes vaisseaux sont d'une contenance de moins de 35 hectolitres ; telles sont les distilleries comprises dans l'amendement de l’honorable M. Mast de Vries.
Enfin, la 3ème classe comprend les distilleries qui sont tenues par des cultivateurs proprement dits, pour lesquels la fabrication du genièvre n'est qu'un accessoire ; et à celles-là je dis que vous devez accorder non pas une faveur, car rien ne nous autorise à traiter une industrie avec deux poids et deux mesures, mais un avantage pour les mettre à même de lutter avec les autres distilleries ; j'ai donc demandé qu'on leur accorde une réduction d'impôt pour autant que le cultivateur exploite au moins deux hectares de terre par chaque hectolitre de contenance des vaisseaux énumérés à l'art. 1er. Il en résultera que celui qui cultive 10 hectares de terre ne pourra avoir que des vaisseaux d'une capacité de 5 hectolitres. Vous devez reconnaître que ce n'est pas là un privilège, et je vais m'en expliquer.
Les distilleries montées sur une grande échelle, et dont les vaisseaux repris à l'art. 1er sont d'une contenance de plus de 35 hectolitres, sont certes des distilleries industrielles, qui sont dirigées de manière à obtenir beaucoup plus de produits que les distilleries dont la cuve-matière ne renferme pas 35 hectolitres.
Les distilleries agricoles sont loin d'obtenir des résultats aussi favorables que les distilleries industrielles ; il faut donc, pour les mettre sur une même ligne, que vous leur accordiez une réduction, par le motif que la loi n'a pas pour but d'atteindre les cuves, mais les produits, c'est-à-dire le genièvre. Messieurs, un agriculteur qui ne distille que pendant quelques mois de l'année, et peu instruit dans le métier, je vous le demande, obtiendra-t-il la même quantité de genièvre, que l'industriel qui est distillateur par état ?
On nous a dit que la loi accordait 15 p. c. de remise aux distillateurs agricoles ; et on a trouvé que c'était suffisant. Mais, messieurs, avec le droit de 60 cent., vous avez vu disparaître une grande partie des petites distilleries agricoles. Eh bien ! si par la loi que vous discutez, et qui augmente encore le taux du droit, vous ne mettez pas les petites distilleries dans la position de pouvoir travailler concurremment avec les grandes distilleries, il en résultera qu'elles seront toutes anéanties et que le monopole de cette branche d'industrie sera entre les mains des distillateurs dont les usines seront montées sur une grande échelle.
J'en reviens maintenant au discours de l'honorable M. Desmet.
Dans la séance de samedi, l'honorable M. Desmet a cru reconnaître que j'avais commis des erreurs dans la rédaction de mon amendement. Tous les hommes sont sujets à l'erreur ; mais je crois que l'honorable membre n'a pas été heureux dans cette circonstance.
J'aurais désiré pouvoir lire le discours de l'honorable membre. J'ai vu dans le Moniteur de dimanche que l'on y disait que l'on donnerait le discours de l'honorable M. Desmet. Je m'attendais naturellement à le trouver dans le numéro d'aujourd’hui.
M. Desmet. - J'ai dû m'absenter.
M. Eloy de Burdinne.- Je ne dis ceci que dans la crainte de ne pas avoir complètement saisi le discours de l'honorable membre ; mais je crois cependant en avoir tenu une note assez exacte pour pouvoir y répondre.
Si mon honorable contradicteur avait bien examiné l'amendement de MM. Mast de Vries et consorts, sous-amendé par moi, il eût évité de me prêter des ridicules ; il n'aurait pas prétendu que d'après mon amendement, dans certains cas, un distillateur devrait cultiver 1000 hectares de terre pour jouir d'une déduction.
Voyons ce que demandent les amendements qui font le sujet de la discussion.
L'amendement de MM. Mast de Vries et consorts est ainsi conçu :
« Il est accordé aux distillateurs dont les vaisseaux énumérés à l'art. 1er ne dépassent pas la capacité de 20 hectolitres, une déduction de 20 p. c. sur la quotité du droit, et une déduction de 10 p. c. à ceux dont les vaisseaux ont une capacité de plus de 20 hectolitres et moins de 35. »
Voici maintenant ce que dit mon amendement :
« La déduction sera de 30 p, c. et de 20 p. c. si le distillateur est un cultivateur exploitant au moins deux hectares de terre, par chaque hectolitre de contenance des vaisseaux énumérés à l'article 1er. »
Par la lecture que je viens de donner, vous avez reconnu que, pour obtenir 20 p. c. de déduction demandés par M. Mast de Vries, il faut que les vaisseaux énumérés à l'art. 1er ne dépassent pas la capacité de 20 hectolitres, et que si ces vaisseaux sont d'une contenance de plus de 20 hectolitres et moindres de 35, alors la déduction ne sera que de 10 p. c. Là se borne la déduction demandée par les auteurs de l'amendement, qui ne demandent aucune déduction pour les distilleries dont les vaisseaux énumérés à l'art. 1er ont une capacité de 35 hectolitres et plus.
Voyons maintenant ce que je demande par mon sous-amendement :
C'est la déduction de 30 p. c. et de 15 p. c., si le distillateur est un cultivateur exploitant au moins deux hectares de terre, par chaque hectolitre de contenance des cuves dénommés à l'art. 1er en-dessous de 35 hectolitres.
Evidemment ce sous-amendement ne s'applique qu'aux distillateurs cultivateurs dont les vaisseaux énumérés à l'art. 1er sont d'une contenance en-dessous de 35 hectolitres.
Vous voyez, messieurs, que mon sous-amendement réclame une déduction de 30 p. c. en faveur des agriculteurs distillateurs dont les vaisseaux énumérés à l'art. 1er ne dépassent pas la capacité de 20 hectolitres, et dont la culture, à raison de 2 hectares par chaque hectolitres, devrait être de 40 hectares ; et que la même faveur serait accordée à toutes les distilleries dont les vaisseaux seraient d'une contenance inférieure ; c'est ainsi que le distillateur cultivant huit hectares, par exemple, pour obtenir la déduction de 30 p. c. , devrait avoir les vaisseaux énumérés à l'art. 1er de la loi, seulement de quatre hectolitres.
Quant aux cultivateurs distillateurs dont les vaisseaux aussi énumérés à l'art. 1er ont une capacité de plus de 20 hectolitres et moindre de 35, cultivant deux hectares pour chaque hectolitre de la contenance desdits vaisseaux, soit au plus pour une contenance de 11 hectolitres 68 hectares, ceux-ci auraient une déduction de 15 p. c.
Ici se borne la protection que je réclame en faveur des distillateurs agricoles. .
D'après mon amendement, les distillateurs-cultivateurs qui auraient des distilleries dont les vaisseaux énumérés à l'art. 1er seraient d'une contenance de trente-cinq hectolitres et au-dessus, n'obtiendraient aucune réduction quand même ils cultiveraient les mille hectares dont nous a parlé l'honorable M. Desmet, et qui auraient, comme M. Claes de Lembecq, des vaisseaux d'une contenance de 500 hectolitres.
Tel est l'esprit et la lettre de mon amendement, qui, je le dis à regret, n'a pas été compris par mon honorable contradicteur.
J'ai une autre réponse à lui donner. Cet honorable membre m'a demandé comment pourraient avoir la même déduction les distillateurs du pays de Waes, qui ne cultivent que deux ou trois hectares de terre. Je réponds que je considère les distillateurs qui ne cultivent que 2 ou 3 hectares de terre par chaque hectolitre de la contenance des vaisseaux énumérés à l'art. 1er comme devant appartenir à la classe des distillateurs industriels, et que si les distillateurs du pays de Waes sont dans la catégorie des distillateurs désignés dans l'amendement proposé par M. Mast de Vries, ils jouiront de 20 ou de 10 p. c. de déduction, comme le demande cet amendement.
J'espère avoir suffisamment démontré que mon amendement ne renferme pas d'erreurs, et que, s'il y a erreur, c'est dans les reproches que m'a adressés l'honorable député d'Alost.
J'ai un mot de réponse à donner à l'honorable M. Rodenbach, qui, dans la séance du 30 avril, vous a dit que, par suite de l’adoption de nos amendements, il résulterait un déficit pour le trésor. Je répondrai à cet honorable député que je ne puis partager cette crainte ; je dirai plus, que j’ai lieu de croire que s’ils ne sont pas adoptés, alors les petites distilleries devront cesser de travailler et qu’alors les grandes distilleries auront le monopole de la fabrication du genièvre en Belgique, et qui, produisant beaucoup plus que les petites avec la même quantité de matière première, alimenteront la consommation intérieure en payant beaucoup moins de droits sur la matière produite.
En apparence, la déduction proposée est une faveur ; je ne puis l’envisager ainsi. C’est un moyen de les placer dans la possibilité de travailler concurremment avec les grandes distilleries, et si mes renseignements sont exacts, ces derniers peuvent obtenir un avantage sur les petites distilleries de 20 à 30 p. c. ; et, je vous le demande, avec un tel avantage est-il possible de pouvoir lutter ? Non, certainement. La protection que nous réclamons est d'intérêt général, d'intérêt agricole ; je dirai plus, dans l'intérêt du trésor même.
L'honorable M. Rodenbach, qui se montre si soucieux des intérêts du trésor en même temps que des intérêts de l'agriculture, qu'il veuille bien me dire pourquoi il s'est refusé à voter le chiffre de un franc demandé par le gouvernement qui, s'il avait été accordé, en réduisant l'impôt, comme le demande M. Mast de Vries, et moi, sur les petites distilleries tant industrielles qu'agricoles, le chiffre de un franc eût été supporté seulement par les grandes distilleries, et les distilleries de deuxième classe et agricoles obtenant 20 et 30 p, c. de déduction, aurait ramené l’impôt à 80 c. environ comme il a été voté. J'ajouterai qu'en soutenant les petites distilleries qui devront, par suite de l'adoption de la loi en discussion, cesser de travailler, on aurait produit au trésor une augmentation de recettes, tandis que si, comme le veulent les opposants à nos amendements, la loi est admise, il en résultera plutôt réduction qu'augmentation dans les recettes.
De manière que l'honorable M. Rodenbach, par son système, favorisera les grandes distilleries en tuant les petites, industrielles et agricoles, et le résultat sera en opposition avec les intentions de cet honorable membre, qui veut soutenir les intérêts du trésor et de l'agriculture, car telles sont ses intentions ; je ne puis en douter, si je les juge d'après ses paroles et non pas par ses actes.
On m'a fait remarquer, messieurs, que dans plusieurs localités il se trouve des distilleries destinées principalement au défrichement des bruyères et qui sont établies sur une culture infiniment moindre que celle qui est exigée pour pouvoir jouir des réductions qu'il s'agit d'accorder. Eh bien, si les membres appartenant à ces localités trouvent qu'il faut sous-amender encore mon sous-amendement qu'ils présentent leurs idées à cet égard ; quant à moi, je voterai tous les amendements qui tendront à favoriser l'agriculture et qui ne seront pas de nature, bien entendu, à nuire à l'industrie ; je ne veux pas avantager les distilleries agricoles de manière à anéantir les distilleries agricoles ; il faut que nous recherchions les moyens de soutenir toutes les industries en Belgique, et je crois que les distilleries agricoles ont autant de droits, si pas plus, que bien d'autres industries à la sympathie de la chambre.
M. Delehaye. -Messieurs, tous les amendements et la proposition de M. le ministre des finances constituent une véritable dérogation aux règles généralement suivies pour toutes les industries du pays à l'égard desquelles on n'établit d'autre différence que celle du chiffre plus ou moins élevé du droit de patente, selon l'importance de l'établissement. Ainsi (pour choisir la profession qui a le plus d'analogie avec celle de distillateur), le brasseur qui exerce son état sur une grande échelle est distingué de celui qui exerce le même état sur une échelle moindre, par le droit de patente plus élevé qui lui est imposé. Je crois que cette règle fort naturelle est fort sage et que l'on ne devrait pas s'en écarter pour ce qui concerne les distilleries. Je voudrais que le droit basé sur la quantité produite, soit par une grande soit par une petite distillerie, fût le même. Seulement le droit de patente varierait. Ce n'est pas cette règle que l'on veut suivre ; on veut établir une distinction en faveur de ce qu'on appelle les distilleries agricoles, et jusqu'ici on a toujours semblé croire que ces distilleries agricoles sont toutes de petites distilleries. Or, messieurs, ce qui prouve que c'est là une erreur, c'est que certaine distillerie agricole est beaucoup plus grande que la plupart des distilleries urbaines. Le propriétaire de pareille usine est-il assez riche pour désirer beaucoup de terres et pour pouvoir exercer l'état d'agriculteur en même temps que celui de distillateur, il jouira de la déduction de 15 p. c.
Si à côté de ce distillateur il en est un qui ne soit pas comme lui favorisé de la fortune et qui ne puisse pas, par conséquent, cultiver le nombre d'hectolitres voulu par la loi ; celui-là, par cela seul qu'il n'est pas riche, n'obtient aucune déduction. Je suppose deux distillateurs cultivateurs qui tous les deux travaillent le même nombre d'hectolitres en matière, mais dont l'un possède encore 30 hectares en propriété, et dont l'autre ne possède que 20 hectares ; je suppose encore qu’ils produisent tous les deux la même quantité de genièvre et qu’ils le produisent en qualité égale ; il en résultera que le plus riche jouira de la déduction de 10 p. c., tandis que l'autre, par cette seule raison qu'il est moins fortuné, ne jouira d'aucune déduction et devra verser au trésor une somme beaucoup plus forte que celle payée par son voisin. Voilà, messieurs, la conséquence des exceptions que nous établissons.
Je vais plus loin, je suppose qu'un distillateur soit établi aux environs d'une ville qui renfermera d'autres distilleries. Les industriels établis dans la ville ne peuvent pas se procurer des terres puisque dans les villes les terrains sont extrêmement chers ; ils ont en outre à supporter des droits d'octroi dont leur concurrent est exempt ; ils doivent payer la main-d'œuvre beaucoup plus cher ; ils doivent vendre le résidu de leur distillerie aux cultivateurs qui se trouvent à une distance plus ou moins rapprochée de leur usine. Eh bien ! malgré tous ces désavantages de leur position, ils doivent payer le droit tout entier, tandis que leur concurrent, homme riche, ayant ses usines hors de la ville, où il n'a aucun droit d'octroi à payer, où il peut se procurer des terres avec facilité, où il peut se défaire plus avantageusement du résidu, où il obtient la main-d'œuvre à meilleur compte, jouira d une déduction de 10 p. cent.
Un des honorables membres qui ont proposé le premier amendement, l'honorable M. Duvivier, a proposé ensuite d'ajouter le mot prairies à celui de terres ; si cet amendement est adopté, il aura ce résultat, dans la province que j’habile, que le gouvernement ne recevra presque plus rien.
Les distillateurs moyennés prendront en location quelques hectares de prairies ; la saison arrivée, ils vendront le foin, et pour avoir fait cette opération, ils jouiront de la déduction de 15 p. c., tandis que le distillateur qui n'aura que quelque faible somme à sa disposition, n'obtiendra aucune déduction et se trouvera ainsi dans l'impossibilité de lutter avec ses concurrents plus riches.
Je dois faire une autre observation, messieurs, c'est qu'en Flandre il est presque impossible à un distillateur de cultiver 20 hectares de terres ; il est presque impossible que dans les Flandres un distillateur trouve dans les environs de son usine 20 hectares de terres à sa convenance. Dans les provinces du Limbourg, du Luxembourg et d'Anvers, il est facile de se procurer 100 ou 150 hectares de terre ; voilà donc un avantage qu'auront les distillateurs de ces provinces et que n'auront pas ceux des provinces où les terres sont plus difficiles à obtenir. Or, comment voulez-vous que ces derniers puissent concourir avec les autres, alors surtout qu'ils voudront prendre part à la consommation étrangère ? Comment voulez-vous que sur les marchés étrangers nos distillateurs urbains se trouvent dans la même position que ceux des provinces dont je viens de parler, alors que vous accordez à ces derniers une déduction de 15 p. c. et que vous faites payer le droit entier aux autres ?
Je crois donc qu'il est impossible d'accueillir les amendements qui sont en discussion.
Cependant, je comprends fort bien que l'agriculture a besoin de protection, qu'il importe de lui accorder quelques faveurs ; mais faut-il aller jusqu'à lui donner une déduction aussi considérable, déduction qui équivaudrait à près du cinquième du montant des droits payés ?
Parmi les plus grandes distilleries qui existent dans une province, il y en a deux qui sont agricoles, le plus grand nombre de distilleries moyennes, sont également agricoles, elles jouiront des faveurs indiquées dans la loi, tandis que les autres, dont la position sera moins favorable, en seront privées. Cependant, sous le rapport de l'importance beaucoup de distilleries agricoles ne le céderont point aux distilleries urbaines ; celles-là feront donc aux dernières une concurrence qui ne pourra être longtemps soutenue.
Un alambic de 5 hectolitres ne suppose déjà plus une petite distillerie. Voulez-vous réellement propager les petites distilleries ? Eh bien, insérez dans la loi la condition que l'alambic ne pourra pas dépasser quatre hectolitres. Si vous admettez ce système, voici l'avantage qui en résultera : les petites distilleries se multiplieront, et alors elles seront plus réellement utiles à l'agriculture. Ce sera peut-être l'unique moyen d'avoir des distilleries agricoles. Mais du moment qu'il s'agit d'un alambic de 5 hectolitres, vous vous trouvez en présence de grandes distilleries.
Messieurs, des modifications multipliées apportées à la loi amèneront toujours une grande perturbation dans une industrie. L'industriel cherche toujours à tirer le plus grand avantage possible du mode prescrit à ses travaux. Si vous adoptez les amendements, il modifiera sa manière de travailler, il changera ses ustensiles, son alambic ; par là il fera quelques dépenses dont peu de personnes profiteront, et finira par jouir des mêmes avantages, au détriment toujours du trésor.
Aujourd'hui, la plupart des petites distilleries sont établies de manière qu'elles puissent tirer le plus grand parti de la loi existante. Si l'on va tout d'un coup modifier cette législation, vous allez imposer à ces distillateurs des dépenses considérables, mais ils ne reculeront pas, et pourquoi ? parce qu'ils voudront jouir des faveurs accordées par la nouvelle loi. Votre loi contiendra des dispositions conditionnelles qu'ils chercheront à éluder. Leurs distilleries feront une concurrence redoutable aux grandes distilleries ; ce sont ces dernières qui, cependant, rapportent le plus au trésor et qui seules permettent à la Belgique de lutter pour cet article sur les marchés étrangers. Si vous voulez favoriser les exportations, vous devez donc les maintenir.
Et en parlant ainsi, je ne suis certes pas animé d'un patriotisme de clocher. Il n'y a guère de grandes distilleries dans ma province ; mais au point de vue de l’équité et de l'intérêt général, je pense qu'il ne faut pas détruire les grandes distilleries ; il ne faut pas favoriser les petites distilleries au détriment des grandes.
Je prie M. le ministre des finances d'y bien réfléchir ; si l'amendement en discussion passe, j’ai la conviction que l'impôt ne produira pas ce que le gouvernement attend de la loi.
J'engage donc M. le ministre des finances à soutenir la proposition du gouvernement ; pour ma part, je repousserai de toutes mes forces l'amendement, que je regarde comme contraire aux intérêts du trésor et de l’industrie elle-même.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, tout a déjà été à peu près dit sur distilleries agricoles ; j'aurai donc peu de chose à ajouter.
Je ferai observer que c’est par la loi de 1837 qu'une protection a été accordée pour la première fois aux distilleries agricoles. Cette protection avait été fixée alors 10 p. c., sous certaines conditions servant à prouver que les distilleries étaient réellement agricoles. Ainsi l'on avait obligé ceux qui voulaient jouir de la faveur stipulée par la loi, de justifier de l'élévation d'une certaine quantité de bétail et de la culture d'un certain nombre d'hectares de terres.
Par la loi de 1841, on a élevé la faveur de 10 p.c. à 15 p. c., faveur que les honorables MM. Mast de Vries, Scheyven et Duvivier proposent de porter à 30 p. c., en abrogeant les conditions qui avaient été stipulées par les lois précédentes.
Dans ma manière de voir, l'adoption de cet amendement aurait de graves inconvénients pour une partie de l'industrie et pour le trésor public ; car, veuillez le remarquer, messieurs, si la chambre le sanctionnait, il y a certaines distilleries urbaines qui voudraient profiter des faveurs réservées par la loi aux distilleries exclusivement agricoles.
Pour jouir de ces faveurs, toutes les distilleries intermédiaires seront portées à changer leurs alambics et à les porter à 5 hectolitres, de manière que les distilleries de cette catégorie pourraient faire une concurrence redoutable aux grandes distilleries. Le but de la loi ne serait plus atteint.
Je comprends que les distilleries de certaines villes peuvent être l'objet de quelques exceptions ; mais, dans les grandes villes, cela est inutile, parce que l'agriculture y trouve plus de ressources que dans les autres localités.
Voici maintenant quelle serait la conséquence de l'adoption de l'amendement pour le trésor public.
Il y a en ce moment en Belgique 736 distilleries en activité. De ce nombre il faut défalquer sept grandes distilleries qui travaillent à la vapeur ; restent 729 qui, presque toutes, vont s'établir de manière à pouvoir profiter de la faveur qui est l'objet de l'amendement en discussion. Ces 729 distilleries donnent 14,680 hectolitres par jour ; à raison de 88 centimes, l'impôt rapportera 3,207,600 fr. ; 15 p. c. sur cette somme serait donc une perte de 481,000 fr. pour le trésor.
Il est bien vrai que de cette somme il faut déduire la perte déjà résultant des faveurs accordées par la loi en vigueur, qui s'élève à environ 107,400 fr.
Eh bien, déduction faite de cette somme, il resterait toujours un déficit de 575,600 fr., si vous adoptez les amendements proposés. Or, si la loi doit avoir pour résultat d’amener un déficit, vous aurez voté un impôt pour ne pas le recevoir. Ce n'est pas là, messieurs, le résultat que vous pouvez vous proposer.
M. le président. - M. Dedecker propose un amendement ainsi conçu :
« Il est accordé une déduction de 15 p. c., sur la quotité du droit aux distillateurs qui n’emploient qu’un seul alambic d’une capacité inférieure à 5 hectolitres, et servant alternativement à la rectification, et qui nourrissent dans l'enclos même de la distillerie et pendant toute la durée des travaux une tête de gros bétail (les chevaux non compris), par chaque hectolitre et demi de la capacité des vaisseaux soumis à l'impôt.
« Une déduction de 20 p. c., aux distillateurs de la même catégorie qui, de plus, cultivent par eux-mêmes, dans la distance de 5 kilomètres au plus de l'usine, un hectare de terre par chaque hectolitre et demi de la contenance des vaisseaux imposés. »
M. Dedecker. - Messieurs, un mot suffira pour faire comprendre l'importance de la modification que je propose. D'après le projet du gouvernement la réduction de 15 p. c. ne pouvait s'obtenir qu'en remplissant trois conditions. A la séance de samedi, j'ai eu l'honneur de démontrer que la troisième de ces conditions, celle de cultiver un hectare de terre par hectolitre et demi de la contenance des vaisseaux imposés, était une condition inexécutable dans les Flandres, à cause du prix élevé des terres. Cependant je conviens avec M. le ministres des finances que si l'on admettait l'amendement de M. Mast de Vries et collègues dans leur ensemble, il en résulterait une perte pour le trésor, parce que beaucoup de petites distilleries des villes profiteraient de la déduction de 15 p. c. D'après mon amendement on ne pourrait avoir droit à une déduction qu'en remplissant les deux premières conditions, celles de n'avoir qu'un seul alambic d'une capacité inférieure à 5 hectolitres et demi de la capacité des vaisseaux soumis à l'impôt.
C'est aussi, je pense, le système de M. de Theux. Je me suis occupé des intérêts du trésor. J'ai proposé 15 p. c. de déduction de plus pour les distilleries qui cultiveraient un hectare de terre par hectolitre et demi de la capacité des vaisseaux soumis à l'impôt. Mais je suis persuadé que cette condition ne pourra être remplie que dans quelques provinces, dans la Campine, dans le Limbourg et le Luxembourg, où l'augmentation de la déduction serait un encouragement au défrichement des bruyères non encore défrichées.
Voilà le double but que je me suis proposé par l'amendement que j'ai eu l'honneur de présenter.
M. Rodenbach. - Messieurs, M. le ministre des finances a parfaitement bien saisi la question. Je m'aperçois qu’il a eu peur de la diminution du produit pour le trésor. Il a très bien expliqué comment il perdrait 763 mille fr. ; mais je crois que la perte serait encore beaucoup plus considérable ; je vais tâcher de l'expliquer.
D'abord, les distilleries moyennes et les grandes distilleries qui sont a la campagne, car c'est à tort qu'on présente toujours les grandes distilleries comme étant établies dans les villes ; dans la Flandre, c'est précisément à la campagne qu'elles se trouvent ; je dis donc que les propriétaires des distilleries moyennes et même des grandes distilleries établiront dans des maisonnettes, dans des hangars de petits alambics qui ne coûtent pas fort cher ; de petites chaudières au-dessous de cinq hectolitres, ne sont que de grandes marmites ; ils achèteront trois pipes vides d'esprit qu'on vend de 20 à 25 fr., Pour 75 à 80 fr. ils auront trois cuves, matière de 6 hectolitres de contenance. Moyennant cela, on aurait la faveur de 20 p. c. que propose M. Mast de Vries par son amendement. Ces distillateurs établiraient une quantité d'alambics semblables, et quand le flegme serait fait, d'après la loi ils en ont le droit, ils transporteraient l’esprit au grand établissement où se ferait la rectification, qui n’est soumise a aucun droit. On établirait 12 ou 15 de ces petites distilleries ; les 20 p. c. de déduction en vaudraient bien la peine.
Ce serait autant que le gouvernement ne recevrait pas. Au lieu d'une réduction de 763 mille fr., Il en résulterait une d'un million et demi. Je demande si c'était la peine de faire une nouvelle loi pour recevoir un million et demi de moins.
Je répète ce que j'ai déjà dit, que les petits distillateurs qui connaissent leur métier peuvent aussi bien faire fermenter dans une petite cuve que dans une grande ; il n'y a de différence entre les petits et les grands établissements que dans l’économie que ces derniers peuvent faire sur le combustible. Accorder une faveur aux petites distilleries, c'est donner une prime à l'ignorance, à l'incapacité. Est-ce là un système libéral ? D’ailleurs, est-ce que dans toutes les industries les grands établissements .n'ont pas des avantages sur les petits ?
M. Mast de Vries. - Et la question des lins ?
M. Rodenbach. - Il ne s'agit pas de la question des lins en ce moment ; quand nous en serons là, je vous répondrai et je montrerai que je suis plus raisonnable que l'honorable membre qui m’interrompt. Je ne suis pas rétrograde. Le siècle marche, il faut le suivre.
Je dis donc que dans toutes les industries les grands établissements ont des avantages sur les petites, surtout au moyen des machines à vapeur. Est-ce que les scieries de bois à la vapeur ne font pas du tort aux scieurs de long. Les moulins à vapeur qui font la farine à l'américaine, ne font-ils pas du tort aux meuniers. Je pourrais ainsi passer en revue toutes les industries. Il faudrait supprimer la vapeur et devenir stationnaire, sinon rétrograde.
J'attendrai que M. Mast de Vries ait réfuté mes observations pour lui répondre.
M. Zoude, rapporteur. - Ce n'est plus aux bruyères qu'il faut défricher ni aux terres arides qui ont besoin d'engrais qu'on veut borner la faveur de la remise d’une portion du droit, c'est aux prairies qu'il faut maintenant l'appliquer, c'est à-dire à la portion également la plus riche de nos exploitations rurales ; c'est, messieurs, créer à nos distilleries vraiment agricoles une concurrence plus fâcheuse que celle des distilleries à grand appareil.
On veut, en effet que les usines qui sont dans les localités où la culture est déjà riche et qui pour la plupart jouissent de tous les avantages d'un placement facile de leurs résidus et de leur genièvre, qui d'ailleurs sont d'autant mieux dirigées que l'exploitation de leurs terres exige moins de soins et d’engrais ; on veut disons-nous, qu'elles soient favorisées à l’égal de celles qui sont à l’écart, dans des terres maigres où l'engrais manque, les seules enfin que, dans son intention primitive, le législateur avait voulu protéger.
Admettre de pareils amendements, c'est porter le coup de grâce aux petites distilleries, c'est arrêter le défrichement de nos nombreuses bruyères, c'est en interdire la culture.
Messieurs, si vous consentez à agrandir le cercle des réductions du droit, si vous ajoutez à ces concessions ruineuses pour le trésor, celles réclamées pour les jours fériés, il resterait un devoir à remplir par M. le ministre des finances, ce serait de retirer la loi.
M. Vandenbossche. - Je tiens pour principe que, quels que soient les besoins de l’Etat, on ne peut jamais imposer une industrie quelconque, de manière à lui enlever les moyens de concourir avec les industries analogues des pays étrangers. C'est pour cela que j'ai voté contre toute augmentation, que j'ai même rejeté le chiffre de la section centrale.
Quant à l'intérieur, les distilleries que nous voulons conserver, nous devons les maintenir de manière à pouvoir soutenir la concurrence entre elles.
On dit, et tout le monde paraît assez d'accord, que les petites distilleries ne peuvent pas rivaliser avec les grandes, et pour cela, j'admettrai une réduction du droit pour les petites distilleries. J'admettrai aussi une réduction plus grande pour les distilleries agricoles, ou qui cultivent des terres. Mais les petites distilleries, pour avoir droit à la réduction, devraient, d'après moi, entretenir, engraisser du bétail dans l'établissement.
On a beaucoup parlé de la fermentation et de l'accélération de cette fermentation. Je ne pense pas, comme M. Rodenbach, que les petites distilleries peuvent faire fermenter aussi vite que les grandes. Mais ce n'est pas là la question, je pense. Il y a de grandes distilleries, et notamment des distilleries qui ne nourrissent pas de bétail, qui commencent la distillation avant que la fermentation soit arrivée à sa maturité. Ceci mérite encore notre attention.
La fermentation est occasionnée par une espèce de putréfaction des matières premières, et elles deviennent par là nuisibles aux bestiaux. Pour les rendre propres à la nourriture des bestiaux, on doit en tirer tout l'alcool qu'elles contiennent. Si on accélère trop la macération, alors tout l'alcool ne peut pas en être extrait, il y a une aigreur qui reste dans le résidu et qui fait mal aux bestiaux. C'est à cela qu'on peut attribuer la grande mortalité que nous avons eue dans les bestiaux de certains distillateurs. Aujourd’hui les distillateurs qui engraissent eux-mêmes des bestiaux, laissent fermenter leurs matières premières jusqu'à complète maturité. C'est de cette manière qu'ils emploient jusqu'à 24 heures pour la macération. Si d'autres distillateurs opèrent après 14 heures de macération, ils distillent une matière qui n'est pas arrivée à sa complète maturité. Cc sont ces distillateurs qui ont un très grand avantage, parce qu'ils vendent leurs résidus à des étrangers, ne s'inquiétant pas si cela fait du bien ou du mal aux bestiaux.
Ce n’est donc jamais comme loi fiscale que je voudrais qu'on augmentât l'impôt. Ou a dit : Mais l'état a besoin d'impôt. Faut-il chercher cet impôt sur les industriels ? Il y a une infinité de matières qui sont susceptibles soit d'augmentation d'impôt, soit d'impôt. J'ai eu l'honneur de présenter un projet de loi tendant à frapper les rentes d'un impôt. J'étais seul connu comme auteur d'un projet de ce genre, lorsque je le présentai. A présent, le ministère anglais semble avoir présenté un projet analogue, et même il l’étend. Je crois qu'un pareil impôt mérite au moins l'attention de M. le ministre des finances. Si mon projet a besoin d'être amendé, comme je le suppose, on pourra y proposer des amendements. Mais le projet mérite d'être examiné par le gouvernement.
J'ai encore signalé d'autres moyens pour pourvoir à nos dépenses. J'ai dit que nous avions à récupérer à la charge de la Hollande 68 millions de florins, indépendamment de l'avoir du syndicat et les erreurs de calcul commises par nos commissaires à Londres, dans le partage des dettes, et montant à plus d’un million de florins de rente. J'en ai donné les pièces et les développements à M. le ministre des affaires étrangères. Si mes chiffres ne sont pas exacts, ou s'ils ne sont pas basés sur des principes incontestables, il peut les contester, si toutefois il les a lus (hilarité générale). J'en ai parlé à plus d’un ministre, même avant lui. Mais j'ai vu qu'ils étaient par trop occupés pour pouvoir penser aux intérêts du pays.
J'ai aussi réclamé à deux différentes reprises la discussion de la grande question de la banque. Je reviendrai là-dessus dans une autre séance, et je présenterai des explications ultérieures.
De cette manière, je ne pense pas que nous ayons besoin de recourir à des impôts qui pourraient perdre l'industrie des distilleries ; et je préférerais même qu'on augmentât l'impôt foncier pour avoir de quoi payer nos dépenses, si cela était nécessaire, quoique je sois un de ceux qui n'ont d'autre revenu que ceux provenant de propriétés foncières.
Sous aucun point de vue, je n'accorderai mon assentiment à une loi qui peut enlever à nos industriels les moyens de concourir entre eux ou avec l'étranger.
J'adopterai l'amendement de M. Dedecker, de préférence à ceux de MM. Eloy de Burdinne et Mast de Vries.
Quant à ces petites distilleries, dans les villes, qui n'engraissent aucun bétail, je ne pense pas qu'elles méritent une considération quelconque de la part de la législature. Elles peuvent se soutenir, sinon elles n'ont qu'à devenir de grandes distilleries. Une grande distillerie serait même plus profitable à l'Etat que cinq ou six petites.
M. Desmet. - L'amendement de MM. Mast de Vries et consorts contient deux exceptions.. La première consiste en une déduction de 20 p.c. en faveur des distillateurs dont les vaisseaux énumérés à l'art. 1er ne dépassent pas la capacité de 20 hectolitres. La seconde consiste en une déduction de 10 p. c. en faveur de ceux dont ces vaisseaux ont une capacité de plus de 20 hectolitres et moindre de 35. Cet amendement a été sous-amendé par l'honorable M. Eloy de Burdinne, qui d'abord élève la déduction à 50 p.c. pour les deux catégories et ensuite la soumet à des conditions. C'est pour ces conditions que j'ai cru qu'il y avait erreur. Il veut que les distillateurs de la première catégorie, pour profiter du bénéfice de la disposition, aient deux hectares de terre par chaque hectolitre. Ainsi, ces petits distillateurs devraient avoir 20 hectares de terre. Sur ce point, j'ai fait remarquer que dans le pays de Waes, pays essentiellement agricole, il n'y avait pas un distillateur qui cultivât 20 hectares de terre.
La disposition de la loi serait donc illusoire. Ainsi, j'ai pu croire qu'il y avait erreur de la part de l'honorable membre. Je viens à l'amendement de l'honorable M. Dedecker. J'en appuie la première partie qui maintient la condition d'un certain nombre de têtes de bétail à nourrir et à engraisser. Il faut que l'avantage soit pour ceux qui nourrissent et engraissent le bétail. C'est la condition première. Quant à la seconde partie de l'amendement, je la crois indifférente, parce qu'on n'en profitera pas.
M. Duvivier**.** - J'ai peu d'observations à faire dans la discussion actuelle ; seulement je dirai que l'honorable M. Delehaye, lorsqu’il veut absolument assimiler les petites distilleries aux grandes, a des inquiétudes qui ne sont nullement fondées. Il faut songer que la contenance des alambics exigée pour les petites distilleries ne peut excéder 5 hectolitres. Des lors, comment ces établissements pourraient-ils être assimilés à de grandes distilleries ?
Quant à la déduction, ce n'est rien de nouveau, elle existait sous l’empire des lois antérieures.
La loi de 1822 admet une déduction de 20 p. c. Ainsi, nous sommes en-dessous de cette disposition. Mes honorables collègues, MM. Mast de Vries et Scheyven, ainsi que moi, avons voulu améliorer le sort de ces établissements en admettant une déduction pour ceux dont les vaisseaux ne dépassent pas une certaine capacité. C'est à la chambre à en décider. Mais on doit rester dans les termes des lois antérieures, de la loi en vigueur et du projet de loi en discussion. Je rappelle que la loi de 1822, une des plus sévères sur la matière, accordait une déduction de 20 p. c. aux distilleries de l'espèce.
Je ne conçois pas que l'on suppose que des établissements aussi restreints puissent faire le moindre ombrage aux grands établissements, et qu'on ait un autre but que de favoriser la culture. Il faut distinguer les petites distilleries des grandes ; il faut favoriser les premières et laisser marcher les grandes qui traitent les affaires en grand et avec un succès tel, que déjà plusieurs petites distilleries ont été obligées de cesser.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Il n'en est pas moins vrai que l'amendement de MM. Mast de Vries, Scheyven et Duvivier transformerait les distilleries urbaines en distilleries agricoles. Il y a là quelque chose qui choque la raison. On fait aux petites distilleries des villes les mêmes faveurs qu'aux petites distilleries des campagnes ; on efface les conditions que le projet de loi avait stipulées ; on n'oblige plus les distilleries à élever du bétail, à cultiver un certain nombre d'hectares de terre. Qu'en résultera-t-il ? Que les distilleries établies dans les villes diminueront leurs alambics, de manière à jouir de la faveur accordée par la loi aux seules distilleries agricoles. Dès lors ces distilleries feront une concurrence nuisible aux grandes distilleries établies dans les mêmes localités et supportant les mêmes charges. Les grandes distilleries ont aussi leur utilité ; il ne faut pas les détruire, pour avantager les autres. Que veut-on ? favoriser les établissements ruraux, les distilleries établies à la campagne, le défrichement de nos landes. Ce résultat, vous ne l'obtiendrez pas par l'amendement proposé.
Vous voulez, messieurs, accroître les revenus du trésor, parce que vous avez décrété des dépenses considérables ; mais quand on a voté les dépenses, il faut voter les ressources. Sans cela il faut des emprunts, et il n'en pas toujours possible d'en faire avec avantage.
M. Duvivier. - Puisque M. le ministre considère comme indispensable la condition du bétail, je m'y rallie. Ainsi, je me rallie à l'amendement de l'honorable M. Dedecker.
M. Mercier. - Je me réunis à ceux de mes honorables collègues qui ont combattu les amendements proposés. Celui qui a été produit en dernier lieu me paraît devoir amener à peu près les mêmes résultats que les précédents.
Dans la loi qui nous occupe, nous avons à considérer trois intérêts distincts : l'industrie, l'agriculture et l'administration. Sous le rapport de l'industrie, considérée en elle-même, s'il n'y avait pas de considération d'une autre nature, il ne faudrait favoriser que les grandes distilleries, parce qu'elles emploient des procédés plus perfectionnés et qu'elles produisent à meilleur marché. Mais un second intérêt, celui de l'agriculture s'oppose à ce qu'il en soit ainsi.
On a fait observer avec raison que toutes les distilleries sont agricoles ; quelle est donc la distinction à établir entre les distilleries ? Je n'en vois qu'une. Il y a les distilleries disséminées dans le pays, qui ne sont qu'une industrie accessoire du cultivateur, qui tendent à rendre fertiles des terres incultes ou ingrates ; c'est en faveur de ces distilleries qu'on a établi avec raison une déduction de 15 p. c., par la loi du 25 février 1841.
Quant aux autres distilleries mentionnées dans les amendements, est-ce par le motif qu'elles sont petites qu'on voudrait les favoriser ?
Cette raison ne peut être admises. Ce ne peut être que parce qu'elles sont de peu d'importance ; car sous le rapport de 1’industrie il serait plus avantageux, je le répète, de favoriser les grands établissements. Plusieurs petites usines dans une même localité ne sont pas plus utiles, sous le point de vue de l'intérêt général, qu'une grande distillerie d'une production équivalente.
Il ne faut donc pas accorder de déduction sur le droit, aux distilleries qui ne cultivent pas de terre. On a fait observer qu'ainsi il y aurait des parties du pays où les distilleries ne jouiraient pas de cette faveur : je ferai observer que nous n’agissons pas ici en vue de telle ou telle localité, mais en vue de l'intérêt général du pays. Peu importe que les distilleries qui profiteront du bénéfice de la loi soient situées dans la Campine, dans le Luxembourg, dans la Flandre ou ailleurs.
Quant à l'intérêt administratif et à l'intérêt financier, ils sont également d'accord pour faire préférer les grandes distilleries ; d'abord parce qu'il n'y aurait aucune déduction à établir sur l'accise, et ensuite parce que la surveillance serait bien plus facile, qu'il faudrait y employer un personnel bien moins nombreux, si l'administration n’avait, comme en Angleterre, qu'un petit nombre d'établissements à contrôler.
D'après ces considérations, je pense qu'il ne faut faire de déduction qu'en faveur des petites distilleries disséminées dans tout le pays et qui sont pour les cultivateurs une industrie accessoire. En envisageant ainsi la question, nous agirons dans l'intérêt de l'agriculture, sans porter atteinte aux revenus du trésor. Par ces motifs, je voterai contre tous les amendements proposés.
M. de Theux. - Je n'ai que peu d'observations à présenter. Vous aurez remarqué que l'amendement de l'honorable M. Dedecker ne s’écarte du projet du gouvernement qu'en un seul point, la quotité de la déduction : il propose d’accorder une déduction de 20 p. c. aux distilleries énoncées dans l’art. 5 du projet, au lieu de la déduction de 15 p. c., proposée par le gouvernement. Pour le surplus il est conforme à la proposition de M. le ministre des finances (Non ! non !)
Je désirerais entendre une seconde lecture de l'amendement.
M. le président donne de nouveau lecture de l'amendement de M. Dedecker.
M. de Theux**.** - D'après cette nouvelle lecture, je m'aperçois que j'avais mal compris l’amendement. Il établit deux catégories : la première renferme les industriels qui se bornent à engraisser du bétail ; la seconde ceux qui engraissent du bétail et cultivent la terre, comme l'exige le projet du gouvernement.
Je n'hésite pas à me prononcer eu faveur de la seconde partie de cet amendement, c’est-à-dire en faveur d’une remise de 20 p. c. pour les cultivateurs qui tout à la fois engraissent le gros bétail et cultivent la terre.
La raison en est que l'expérience a démontré que la remise de 15 p. c. est insuffisante, puisque les distilleries agricoles sont pour la plupart tombées. Il est donc nécessaire de majorer la remise qu'on leur accorde, et en la portant à 20 p. c. on en reviendrait exactement, ainsi que vous l'a dit l'honorable M. Duvivier, à la loi de 1822.
Quant à la déduction de 15 p. c. qui serait accordée aux distillateurs qui, bien que nourrissant du gros bétail, ne cultiveraient pas la terre, je demanderai à M. le ministre des finances quelle serait la portée de cette disposition relativement aux revenus du trésor.
Si elle était de nature à diminuer considérablement les recettes, je ne pourrais l’admettre ; je me bornerais à voter pour la second catégorie.
M. Mast de Vries. - Je ne croyais plus prendre part à cette discussion ; mais j'y suis rappelé par l'honorable M. Rodenbach, par suite de la manière dont il a, dans la séance de samedi et aujourd'hui encore, exagéré les résultats qu'aurait ma proposition.
Dans la séance de samedi, il vous a dit que l'adoption de mon amendement entraînerait pour le trésor une perte de un million et demi, et même de deux millions. Aujourd'hui il s'est arrêté au chiffre de un million et demi. Messieurs, il faut bien se rendre compte des résultats qu'aurait amenés mon amendement et je viens vous le démontrer en peu de mots.
J'ai dit, en développant mon amendement, que les distilleries pouvaient se diviser en trois classes. Les renseignements que je vous ai donnés à cet égard sont officiels ; je les ai puisés au département des finances. J'ai dit encore qu'un tiers de la quantité de matières mises en macération pouvait être attribué à chacune de ces trois classes ; c'est-à-dire un tiers aux distilleries à la vapeur, un tiers aux distilleries non à vapeur, mais ne jouissant pas de la réduction de 15 p. c., et un tiers aux distilleries agricoles. J'ai évalué la matière en macération par chacune de ces classes à 1 ,900,000 hectolitres. C'est encore le chiffre fourni par le département des finances.
L'impôt, tel qu'il est aujourd'hui, rapporte 4,000,000. Je donne des chiffres ronds, pour que l'honorable M. Rodenbach puisse les saisir ; car il paraît qu'il a pris à tâche de dénaturer la portée de ma proposition. Le tiers de cet impôt, sur lequel les 15 p. c. sont réduits, s'élève donc à 1,300,000 fr. ; de sorte que la réduction accordée aujourd'hui présente un total de 195,000 fr. Pour cette classe de distilleries, je propose de porter la remise de 15 à 20 p. c., c'est-à-dire de l'augmenter du tiers, ce qui majorerait la remise de 65,000 fr. et la porterait à 260,000 fr .
Maintenant, la seconde classe, pour laquelle je demande aussi une réduction et qui comprend les petites distilleries qui ne sont pas précisément agricoles, est aussi comprise dans le chiffre du revenu pour un tiers, c'est-à-dire pour fr. 1,300,000. Je demande pour celles-là une réduction de 10 p. c., ce qui ferait 130,000 fr. Or, 260,000 fr. et 130,000 fr. forment un total de 390,000 fr. Voilà ce que l'honorable M. Rodenbach a évalué à des millions,
M. Rodenbach.- Je vous ai bien compris ; je vous répondrai.
M. Mast de Vries. - Eh bien, si vous m'avez compris, vous m'avez très mal rendu. Bien que je ne sois pas disposé à votre toutes les augmentations d'impôts que l'on voudrait demander, je tiens autant que qui que ce soit, à ce que le trésor retire des distilleries ce qu'il désire en retirer, pourvu cependant qu'il permette que chacune puisse vivre.
Vous voyez donc que la réduction que je proposais aurait, avec les recettes actuelles, présenté un chiffre de cent quatre-vingt quinze mille francs de plus qu'aujourd'hui. Je compte que l’impôt s'élèvera à 5,300,000 fr., par suite de l'adoption du chiffre de 80 centimes, avec 8 centimes additionnels. Calculée sur une base d'environ 6 millions d'hectolitres de matières mises en macération, la réduction que je proposais aurait présenté un chiffre de deux cent soixante mille francs en moins que celui du gouvernement. Voilà quelle était toute la portée de mon amendement que M. Rodenbach a traduit en millions.
J'ai encore un mot à ajouter relativement à ce que vous a dit M. le ministre des finances. Au lieu de 34 distilleries à la vapeur qui existaient lorsque j'ai pris mes renseignements, il y en aurait maintenant 37. Vous voyez qu'avec le système que nous suivons, les grands distilleries augmentent toujours et que les petites finiront par disparaître.
Du reste, comme l'amendement de l’honorable M. Dedecker paraît obtenir l'assentiment d'un grand nombre de membres, je m'y rallie.
M. Scheyven. - Je me rallie aussi à l'amendement de M. Dedecker.
M. Demonceau. - Messieurs, il ne reste plus maintenant en discussion que l'amendement de l'honorable M. Dedecker. Je crois que les auteurs des amendements primitifs les ont abandonnés, sauf l'honorable M. Eloy, qui probablement maintiendra son sous-amendement.
Si j'ai bien compris la proposition de l'honorable M. Dedecker, il voudrait accorder une réduction aux distillateurs qui n'emploieraient qu'un seul alambic d'une capacité inférieure à celle de 5 hectolitres. Cette réduction serait de 15 p. c., à la condition seulement que ces distillateurs eussent une certaine quantité de bétail.
Messieurs, je vous ferai remarquer que nous ne possédons aucune espèce de donnée pour pouvoir apprécier la portée que peut avoir sur les recettes une pareille proposition ; car il s'agit d'une innovation complète ; j'engage beaucoup la chambre à ne pas innover avec légèreté à une loi qui a déjà subi tant de modifications.
Quant à la seconde partie de l'amendement de l'honorable M. Dedecker, la seule différence qu’il présente avec les propositions du gouvernement, c'est qu'il porte à 20 p. c. la remise que le gouvernement propose de fixer à 15 p, c. Si nous procédons d'après les mêmes gradations que précédemment, l'honorable M. de Theux vous a dit que pour peu que vous donniez 10 p. c. quand le droit était de 40 centimes , et 15 p. c. quand le droit était à 60 centimes, il faudrait maintenant porter la réduction à 20 p. c. Mais c'est le contraire qu'il faudrait faire, selon moi. Je pense qu'il faudrait plutôt réduire la remise que de l'augmenter ; car les 15 p, c. qu'on accorde aujourd'hui sont basés sur les droits actuels ; mais les droits étant élevés, il est certain que la remise sera plus forte, et que dès lors les petites distilleries jouiront maintenant d'un plus grand avantage sur les grandes.
Par ces motifs, je n'adopterai que les propositions de M. le ministre des finances. Le trésor a besoin de recettes ; si vous ne voulez pas être trompés dans vos calculs, n'adoptez pas légèrement des amendements dont vous ne sentez pas toutes les conséquences. Soyez persuadés que les distillateurs savent mettre en usage tous les moyens possibles pour éluder la loi. Je ne les en blâme pas, dès qu'ils sont en droit de le faire ; mais si mes renseignements sont exacts, je crois que quelques-uns ont abusé du droit qui est accordé aujourd'hui, car il m'a été assuré que l'on a fait, dans le voisinage de certaines villes, des conventions au moyen desquelles on est parvenu à être considéré comme distillateur agricole, alors que l'on ne cultive pas un pouce de terrain.
M. Rodenbach. - Je pense comme l'honorable M. Demonceau que l'amendement de M. Dedecker consacrerait un système nouveau dont les conséquences seraient peut-être fatales au trésor.
L'honorable M. Mast de Vries et d'autres orateurs ont dit que la législation actuelle avait anéanti toutes les distilleries. Mais, messieurs, il y a dans le pays au-delà de 700 distilleries, et je ne pense pas que du temps de la réunion avec la Hollande, qui avait cependant un nombre immense de distilleries, il y en eût plus de 700 dans tous le royaume des Pays-Bas, Qu'on ne dise donc pas que la législation belge a anéanti les distilleries dans le pays.
L'honorable M. Mast de Vries nous a dit encore que les chiffres étaient officiels, qu'il les avait puisés au département des finances où il se les a sans doute fait remettre par les employés. Eh bien, messieurs, je considère plutôt comme officiels les chiffres qui nous ont été communiqués par M. le ministre des finances lui-même. Or, M. le ministre des finances nous a démontré mathématiquement que la diminution qui résulterait, dans les recettes du trésor, de l'adoption des amendements irait jusqu’à 763,000 francs.
J'ai déjà démontré qu'il serait très facile aux distillateurs de se mettre dans la catégorie de ceux qui jouiraient de la déduction de 15 p. c., je crois qu'il est inutile d'insister davantage sur ce point. Vous savez que, lorsqu’il s agit de trouver des moyens pour gagner de l’argent, les industriels ne restent jamais en arrière.
M. de Theux. - Messieurs, l'honorable M. Demonceau m'a prêté un raisonnement que je n'ai pas tenu : Je n'ai pas dit que la position des petits distillateurs serait empirée par suite de l'élévation du droit ; j'ai dit que, sous l'empire de la législation actuelle, les distilleries agricoles vont en diminuant. Or, toute la chambre a toujours porté un grand intérêt aux distilleries agricoles, et c'est ce qui l'a engagée à introduire dans la loi de 1837 la disposition qui forme l'art. 1er du projet en discussion. Eh bien, messieurs, il est évident que le but que la chambre s'est proposé alors n'a pas été atteint. J'appuie donc la deuxième partie de l'amendement de l'honorable M. Dedecker, qui porte la déduction de 15 à 20 p. c., mais en maintenant les conditions stipulées par le projet du gouvernement. Quant à la première partie de l'amendement, je ne l'appuierai pas parce qu'on n'a pas pu me donner des explications suffisantes sur le résultat que pourrait avoir cette première partie, en ce qui concerne le trésor public. Je demanderai donc la division de l'amendement.
Je ferai observer que la seconde partie de l'amendement serait utile même aux distillateurs des localités où les terres sont à un prix élevé, l'augmentation de la déduction viendrait en aide à ceux qui ont maintenant de la peine à se procurer des terres, à cause de l'élévation du loyer.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je ne puis pas calculer exactement en ce moment quels seraient les résultats financiers de ce que propose l'honorable M. de Theux, mais je dois faire remarquer à la chambre que la position des distillateurs agricoles s'améliore à mesure que l'impôt augmente.
Sous le régime de la législation de 1833, lorsque l'impôt était de 20 centimes ou de 22, avec les additionnels, ils jouissaient seulement d'une déduction de 3 ½ centimes à peu près par hectolitre ; aujourd'hui que l'impôt sera de 80 centimes ou 90 avec les additionnels, ils jouiront d'une déduction de 3 ½ centimes. La différence est grande, et il me semble, d'après cela, qu'il ne faut pas ajouter de nouvelles faveurs à celle qui leur est déjà accordée.
De toutes parts. - La clôture.
- La discussion est close.
M. le président. - L'amendement de MM. Mast de Vries et collègues ayant été retiré, je demanderai à M. Eloy de Burdinne s'il maintient son sous-amendement.
M. Eloy de Burdinne. - Je vois que j'ai peu d'espoir de voir adopter ce sous-amendement, bien qu'il soit dans l'intérêt de l'agriculture. Je me rallierai donc à la partie de l'amendement de M. Dedecker, qui exige que l'on élève du bétail et que l'on cultive des terres pour être considéré comme distillateur agricole.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Pour concilier autant que possible tous les intérêts, je ne serai pas éloigné de porter à 3 hectolitres le nombre de 1 ½ hectolitre exigés dans le projet du gouvernement sous les littera B et C du paragraphe 1er de l'art. 5.
M. Desmet. - Mais, messieurs, de quoi s'est-on plaint ? On s'est plaint de ce que le nombre d'hectolitres fixé par le projet était trop élevé, et voilà que M. le ministre des finances propose de doubler ce nombre !
M. Delehaye. - Ne conviendrait-il pas de faire imprimer ces amendements et de remettre la discussion à demain ?
M. le ministre des finances (M. Smits) - Vous pouvez y revenir au second vote.
M. de Theux. - Messieurs, l'amendement proposé par M. le ministre des finances rentre davantage dans le sens de l'amendement de M. Dedecker, parce qu'il rentre jusqu'à un certain point à la première partie de cet amendement, mais je crois que l'amendement de M. le ministre des finances aura une influence plus défavorable sur les revenus du trésor que la déduction de 20 p. c. que je propose en maintenant l'intégralité des conditions du projet du gouvernement. A la vérité, avec l'amendement de M. le ministre des finances, la déduction ne serait que de 15 p. c., mais le nombre de distillateurs qui jouiraient de cette réduction serait bien plus considérable.
Je ferai remarquer en outre que cet amendement est moins favorable au défrichement des terres que la partie de l'amendement de M. Dedecker dont je demande l'adoption, puisque, d'après cette partie de l'amendement de M. Dedecker, les distilleries vraiment agricoles jouiraient d'une déduction de 20 p. c., tandis que la déduction ne serait que de 15 p. c. d'après la proposition de M. le ministre. (Aux voix ! aux voix !)
- L'amendement de M. Dedecker est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'amendement de M. de Theux, est ensuite mis aux voix est n'est pas adopté.
M. le ministre des finances (M. Smits) déclare retirer son amendement.
M. Desmet déclare qu'il le fait sien.
- L'amendement est mis aux voix et n'est pas adopté.
Reste à voter l'amendement présenté par M. Duvivier.
M. Duvivier déclare le retirer.
- L'art. 5, tel qu'il a été proposé par le gouvernement est ensuite mis aux voix est adopté.
La séance est levée à 5 heures moins un quart.