(Moniteur belge n°106, du 16 avril 1842 et Moniteur belge n°107, du 17 avril 1842)
(Moniteur belge n°106, du 16 avril 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse procède à l'appel nominal à midi et quart.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Charles-Antoine Deshayes, né à Paris, adjudant sous-officier au 8e régiment de ligne, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Un grand nombre de bateliers demandent une réduction sur le droit de patente. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif à cet objet.
« Le sieur Fournay, soldat congédié, blessé au service et décoré de la croix de Fer, renouvelle sa demande pour obtenir une pension ou un secours. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les autorités communales de Nederbrakel, Pareeke et Martens-Lierde réclament contre la suppression du canton de Nederbrakel. »
« L'administration communale de Michelbeke demande qu'en cas de suppression du canton de Marie-Hoorebeke, celui de Nederbrakel soit maintenu avec adjonction de la commune de Michelbeke. »
« Des notaires des Flandres et de la province de Liége, demandent que la chambre s'occupe de la loi sur la circonscription cantonale. »
M. de Villegas. - Messieurs, vous venez d'entendre l'analyse d'une pétition datée de Bruxelles et qui émane de quelques notaires des Flandres et de la province de Liége demandant que la chambre veuille s'occuper de la loi d'organisation cantonale. A cette occasion, qu'il me soit permis de demander à la commission chargée de l'examen de ce projet où en est son travail. Si dans l'espace de cinq à six semaines l'honorable M. de Garcia et moi nous avons renouvelé cette interpellation, la chambre voudra croire que nous n'avons été mus que par le désir de voir arriver le jour où serait enfin discutée cette loi si impatiemment attendue. C'est ce motif qui me porte à demander que M. le président de cette commission, s'il est présent, veuille bien donner à la chambre quelques renseignements.
M. le président. - C'est le président de la chambre qui préside cette commission et qui fera connaître à la chambre où en sont ses travaux.
La commission chargée de l'examen du projet de loi sur les circonscriptions cantonales s'est réunie hier, et quand elle a voulu aborder les circonscriptions de la province d'Anvers, elle s'est trouvée arrêtée par différentes questions de principes sur lesquelles les documents lui manquent. La section centrale à l'unanimité a décidé que la demande de divers renseignements serait adressée à M. le ministre de la justice, et M. Cogels a été chargé de la rédaction de cette demande. Aussitôt que les renseignements demandés lui seront parvenus, la section centrale se réunira de nouveau ; cependant elle ne peut pas espérer de voir terminer ses travaux pendant la session actuelle,
M. de Villegas. - C'est une mauvaise nouvelle, M. le président. Toutefois, je demanderai si dès à présent M. le ministre n'a pas connaissance officieuse de la nature de ces renseignements, et s'il ne pourrait pas les fournir dans un bref délai, de manière que nous ne soyons pas forcés de renoncer à l'espoir de discuter pendant cette session la loi sur la circonscription cantonale.
M. le président**.** - M. le ministre ne peut pas avoir connaissance des renseignements dont le défaut a arrêté la section centrale, car c'est hier seulement que M. Cogels a été chargé d'en rédiger la demande.
M. de Villegas**.** - Un membre de la commission présent à la séance, ne pourrait-il pas faire connaître à M. le ministre les renseignements dont on a besoin ? J'insiste, parce qu'il est important qu'on s'occupe de la loi sur la circonscription cantonale.
M. de Garcia. - Ce serait avec peine que je verrais que ce projet de loi ne fût pas discuté pendant cette session. La justice de paix réclame depuis longtemps une organisation nouvelle et cette organisation est impossible avant que nous n'ayons terminé la loi sur les circonscriptions cantonales. J'ai été appelé, dans le sein de la commission chargée de l'examen de cette loi, bien que je n'en fasse pas partie et ce par le motif que la commission a résolu d'entendre tous les députés de chaque province une fois et à mesure que le travail de chaque province sera fait, mais il a été demandé au gouvernement de nouveaux renseignements.
Ces renseignements portaient sur l'influence qu'avait exercée la loi nouvelle de la compétence civile sur la besogne des juges de paix. Il est très difficile d'apprécier aujourd'hui cette influence. Cependant, si nous faisons dépendre la fixation des circonscriptions cantonales de cette influence, il nous sera impossible de nous en occuper avant un ou deux ans ; circonstance qui serait désespérante pour cette partie de la magistrature.
Vous savez tous que la position des juges de paix est déplorable, qu'ils ne sont pas rétribués. Il est urgent de les en faire sortir. Si nous devons attendre pour cela l'expérience de la loi nouvelle sur la compétence, je ne sais où cela nous conduira. Puisque M. le ministre de la justice est présent, je lui demanderai s'il croit pouvoir nous donner prochainement des renseignements sur l'influence de la nouvelle loi de la compétence civile.
Quant à moi, je n'attache pas autant d'importance que quelques membres de la section centrale à l'influence de l'application de la loi nouvelle ; car si par l'effet de cette loi quelques juges de paix ont une augmentation de besogne on leur nommera un assesseur, un suppléant. Nous pourrions donc aujourd'hui ou incessamment nous occuper des circonscriptions cantonales, car c'est une loi toute matérielle des plus urgentes.
M. le président. - On ne peut pas introduire dans la chambre les discussions de la section centrale. Il faut au moins attendre que M. le ministre, prévenu des questions qui lui seront adressées, puisse donner des explications.
M. de Garcia.- Je demande que la parole me soit continuée pour démontrer que je ne suis pas sorti de la proposition de M. de Villegas. Je désire que la loi sur les circonscriptions cantonales soit discutée dans cette session et j'exprimais mes motifs. Je suis étonné que M. le président m'ait rappelé à l'ordre.
M. le président. - Je ne vous ai pas rappelé à l'ordre, je vous ai fait observer que la discussion dans laquelle vous entriez serait sans objet dans l'état des choses.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - Aussitôt que la demande de renseignements me sera parvenue, je l'examinerai et je fournirai ceux que je pourrai réunir au département de la justice. Mais il est impossible de connaître aujourd'hui l'influence qu'a eue sur les judicatures de paix la nouvelle loi sur la compétence civile.
Le temps depuis lequel elle est appliquée est trop court pour qu'on puisse apprécier son influence.
M. Vandenbossche. - Je pense qu'on ne peut pas procéder à la discussion du projet de loi sur les circonscriptions cantonales avant d'avoir examiné s'il n'y a pas lieu d'opérer des changements dans les chefs-lieux d'arrondissement. Voilà ce que je voudrais recommander à l'attention de M. le ministre de la justice, car c'est un point important.
- Le renvoi à la commission pour la circonscription cantonale est ordonné.
« Plusieurs distillateurs de la province de Brabant adressent à la chambre des observations sur le projet de loi relatif aux distilleries. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
M. Verhaegen. - Je demanderai l'insertion de cette pétition au Moniteur. Elle renferme des renseignements très importants.
M. Delfosse. - Je demande également l'inscription des autres pétitions au Moniteur.
- Ces insertions sont ordonnées.
M. le président. - Je prie M. le ministre de déclarer s'il se rallie aux propositions de la section centrale,
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - La majorité de la section centrale a fait deux propositions, l’une subsidiaire à l'autre. La première a pour objet d’ajourner le projet de loi en ce qui concerne le tribunal de Gand. Je ne puis y adhérer. La proposition subsidiaire, pour le cas où l'ajournement ne serait pas adopté, a pour objet de réduire à huit au lieu de sept le nombre des juges. A cette proposition, qui est aussi émanée de la majorité de la section centrale, je déclare me rallier.
M. Delehaye. - J'ai fait partie de la majorité de la section centrale qui a demandé l'ajournement du projet en ce qui concerne le tribunal de Gand. Les motifs qui avaient engagé la majorité à faire cette proposition me paraissaient si naturels, si justes, qu'il y a trois ou quatre semaines, avant notre séparation, j'ai communiqué à M. le ministre de la justice des pièces authentiques qui détruisaient les chiffres qu'il avait produits, et qui valaient bien la peine qu'il prît quelques renseignements. Je regrette d'avoir à dire que ces renseignements n'ont pas été demandés.
Si je m'oppose à la réduction du personnel du tribunal de Gand, ce n'est ni par esprit de localité, ni par affection pour les membres qui le composent, car la position d'aucun juge n'est mise en question. Mais par cette mesure on pourrait, selon moi, entraver la marche de la justice ; c'est l'unique motif qui me guide.
Lorsque le gouvernement a fait la proposition de réduire le personnel, il était mû par des considérations tirées de la statistique qu'il avait en sa possession. Il paraissait que le tribunal de Gand n’avait à s'occuper que d'un nombre d'affaires infiniment restreint ; dès lors, il pouvait y avoir lieu à une réduction de personnel. A cet égard je partage entièrement l'avis de M. le ministre de la justice : Mais lorsque je lui prouve par des pièces authentiques qu'il s'est trompé, lorsque je lui prouve que les renseignements statistiques qui ont été fournis sont erronés, ce qu'il y avait de mieux à faire, n'était-ce pas de prendre des renseignements et de vérifier les données statistiques fournies au ministre et qui sont de beaucoup inférieures à celles que j'ai produites ? Voici ces données :
Successivement :
Années judiciaires, affaires civiles, affaires correctionnelles
1837-1838 : 874, 982
1838-1839 : 867, 1019
1839-1840 : 753, 1092
1840-1841 : 770, 1,122.
La moyenne des affaires civiles et correctionnelles est de 1,869.
Indépendamment de ces affaires 407 affaires sont soumises annuellement au juge d'instruction. Remarquez que je ne présente aucun chiffre qui ne soit authentique. J'avais fourni à M. le ministre de la justice le moyen de se convaincre que les chiffres qu'il a présentés étaient erronés.
Peut-être objectera-t-on que la nouvelle loi sur la compétence civile diminuera le nombre des affaires, mais d'après les renseignements toujours irrécusables que j'ai recueillis, il s'en faut que, sous l'empire de cette loi, le nombre des affaires ait diminué.
Je tiens un certificat fourni par le greffier, à la demande du président et procureur du Roi, d'où il résulte que depuis le 15 octobre dernier jusqu'au 1er avril de cette année, le tribunal a été saisi de 413 affaires civiles et de 778 affaires correctionnelles ; c'est le relevé des affaires pendant moins de six mois. Ainsi vous voyez que la loi sur la compétence n'a pas diminué le nombre des affaires. D'après cela, ne convenait-il pas de prendre des renseignements ultérieurs, et cela ne justifie-t-il pas la demande d'ajournement ? Cette demande vous paraîtra encore plus fondée, si vous considérez que pour le moment la loi n'est pas applicable au tribunal de Gand. Le juge le plus âgé n'atteint pas la cinquantaine, et à la cour de Gand il n'y a pas d'apparence de vacature prochaine. Il est possible que d'ici à six ans il n'y ait pas lieu d'appliquer la loi. Elle n'aura donc pour effet que de décourager les juges suppléants, qui ne sont cependant pas inutiles à Gand. Il y en a un, les pièces authentiques que j'ai le prouvent, qui a assisté l'année dernière à 391 affaires.
Voici en abrégé la manière dont la besogne au tribunal de Gand a été répartie. Le tribunal est divisé en deux sections, l'une est chargée des affaires civiles, et l'autre des affaires correctionnelles. Ce partage nécessite, aux termes de la loi qui nous régit, la présence de six juges, les affaires à l'instruction dépassant de bien loin, comme je l'ai dit, le chiffre de 400, réclament deux juges d'instruction, il ne reste qu'un juge pour assister aux enquêtes civiles, aux vues de lieu, aux expertises, aux rapports des affaires parachevée, et en outre, il doit se charger de la taxe des états présenté par les avoués et les notaires.
Les enquêtes en matière sommaire durent en moyenne 4 heures, et il se présente au moins deux audiences extraordinaires par mois pour ces affaires.
Ajoutez, messieurs, à cette forte besogne le travail du cabinet, les délibérés, les auditions de comptes, les règlements d'ordre, les instructions sur demande pro Deo, les tentatives ad accordandum**, et enfin l'étude que réclament les fonctions de la magistrature.
Vous voyez, messieurs, qu'il est difficile de justifier la mesure proposée par le gouvernement ; si, comme je l'ai dit, un juge suppléant assiste à 391 affaires, vous n'admettrez aucune réduction.
D'autres considérations militent en faveur de mon opinion ; d'abord il est possible que sous peu l'on modifie le mode de la tenue des assises, que les tribunaux de première instance soient de nouveau chargés de la connaissance des affaires aujourd'hui dévolues aux cours d'appel. Cette possibilité doit nous faire abstenir ; si à la vacature d'une place, les affaires sont assez peu importantes pour proposer une réduction, M. le ministre saisira la chambre d'un nouveau projet de loi, alors sera venu le moment opportun pour examiner la question, aujourd'hui la loi ne pouvant être appliquée, son examen devient inutile, elle ne saurait tendre qu'à décourager les magistrats qui ont fait preuve d'un zèle digne d'éloges.
Ne perdez pas de vue, messieurs, que la réduction que vous ordonneriez pour le personnel de Gand doit entraîner celle du tribunal de Bruxelles, qui, n'ayant à statuer que sur 250 à 300 affaires au plus, n'a pas besoin d'un personnel aussi nombreux.
N'entravons pas la marche de la justice pour une économie peu importante, alors que le premier devoir d'un Etat est de rendre bonne et prompte justice.
M. de Villegas, rapporteur. - En section centrale, j'ai combattu la demande d'ajournement. Un membre de la section centrale avait fondé cette demande sur deux motifs, Le premier était qu'il n'y avait pas urgence, puisqu'il n'y avait pas de vacature ; le second est que si l'on donnait suite au projet de loi présenté le 10 mars 1834, et si l'on restituait au tribunal de Gand le service des assises et des appels correctionnel, les nombre de sept juges serait insuffisant. J'ai indiqué ces deux motifs dans le rapport de la section centrale.
Malgré les considérations qu'a fait valoir l'honorable préopinant pour faire adopter l'ajournement, je déclare que je ne puis m'y rallier.
Il est évident que le projet de loi en discussion n'a aucune connexité avec le projet de loi du 8 mars 1834. Vous savez que ce projet de loi tendait à apporter des modifications à la composition des cours d’assises et à dégrever les cours d'appel. Mais la preuve que ce projet de loi est entièrement effacé des souvenirs de la chambre, c’est que, depuis deux ans, il ne figure plus dans le tableau de l'arriéré de ses travaux. Je ne pense pas que d'ici à longtemps la chambre soit disposée à s'en occuper, d'autant plus que le personnel de certaines cours d'appel a été augmenté.
Quant au fond de la question, c'est-à-dire, quant à la question de savoir si le nombre des juges du tribunal de Gand doit être réduit à 7, ou maintenu à dix, comme le propose l'honorable préopinant, j'aurai l'honneur de faire observer que c'est à raison des attributions multipliées, dévolues alors au tribunal de Gand, que par décret du 18 août 1810, on a institué dix juges. Vous savez que depuis la loi du 4 septembre 1832, relative à l’organisation judiciaire, ces attributions sont diminuées. Il est donc évident que le personnel peut être modifié, alors surtout qu'il n'en résulte aucun inconvénient pour l'expédition des affaires. En fait, le tribunal de Gand n'a jamais été partagé qu'en deux sections. Chaque chambre siège au nombre fixe de trois juges et n'a que trois séances par semaine. La durée moyenne de chaque séance est de 3 heures. Je vous demande si c'est là une besogne écrasante pour le tribunal de Gand.
Remarquez en outre que, comme il n'y a que deux sections, il faut un roulement continuel pour y admettre les juges qui sont de trop.
Ces deux sections tiennent constamment les affaires au courant. Les documents statistiques fournis par M. le ministre de la justice prouvent qu'il n'y a jamais eu à Gand un arriéré considérable. Les considérations qui précèdent prouvent que deux sections de 3 juges ayant 3 audiences de 3 heures par semaine, suffisent pour l'expédition des affaires. Mais, a-t-on fait observer, les tableaux statistiques fournis par M. le ministre de la justice sont erronés. L'honorable préopinant ajoute que ceux qu'il a communiqués à M. le ministre de la justice sont seuls exacts ; il s'est fondé sur ces pièces pour demander le maintien d'un personnel plus nombreux. Je ferai observer à cet égard que les tableaux statistiques produit par le gouvernement ont été fait par des membres attachés au tribunal de Gand.
Quant à ceux dont j'ai pris communication à l'instant même, ils ne sont signés par personne. Il faut donc admettre que les données statistiques transmises officiellement au ministère de la justice sont les seules exactes et véritables. Quelle que soit d'ailleurs la valeur de ces renseignements, il est certain (et cette objection est capitale) que le tribunal de Gand, borné à deux sections, a suffi pour tenir les affaires au courant.
Maintenant, je ne m'oppose pas à ce que le nombre des juges soit porté à 8. J'adhère à cet égard à la proposition du gouvernement. De cette façon on pourra pourvoir à toutes les éventualités du service.
Si le ministre croit que la nomination d'un second juge d'instruction est nécessaire, il faut le laisser juge de cette nécessité. Les circonstances actuelles exigent-elles qu'un second juge d'instruction soit nommé à Gand ? C'est au gouvernement, ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de le dire dans mon rapport, à apprécier cette exigence, d'après les tableaux statistiques qui lui sont annuellement transmis par les autorités judiciaires.
Il me reste à faire une dernière observation : l'ajournement, s'il était adopté, équivaudrait à un rejet, et je ne sais si, constitutionnellement parlant, nous pouvons agir de la sorte.
M. Verhaegen. - Messieurs, je viens appuyer l'ajournement proposé par l'honorable M. Delehaye, mais je suis mu par d'autres considérations que lui.
Le projet dont nous nous occupons a pour but de diminuer le personnel de quelques tribunaux, et, par conséquent, c'est une loi d'économie ; elle a pour objet de dégrever le budget de la justice. Si, sans nuire au service public, on peut arriver à ce résultat, je n'y vois aucun inconvénient, et moi-même je suis prêt à y donner la main.
Certes, l'économie est une très belle chose, mais la justice distributive est plus belle encore ; et au sujet de la magistrature, il y a un grand acte de justice à faire ; cet acte, je le réclame depuis plusieurs années. Je reviens toujours et je ne cesserai de revenir à la proposition que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre depuis plusieurs années et qui tend à améliorer la position de la magistrature. Cette proposition a été renvoyée aux sections ; les sections l'ont examinée, et il ne s'agit plus que de s'en occuper en section centrale. Si on ne l'a pas fait jusqu'à présent, c'est qu'on a fait valoir plusieurs moyens dilatoires ; tantôt la situation du trésor public ne permettait pas de faire droit à ma demande, tantôt il fallait attendre le projet du gouvernement. Plusieurs années se sont écoulées depuis. Je commence à croire, messieurs, que mieux vaudrait de rejeter tout d'un coup toute proposition d'amélioration, que de nous forcer sans cesse à renouveler nos réclamations en faveur d'un pouvoir tout aussi indépendant que celui auquel nous nous adressons, et pour lequel en définitive nous ne demandons qu'un acte de justice, loin de le présenter comme sollicitant une faveur.
Ma proposition n'a pas eu de suite, parce que M. le ministre de la justice nous avait dit qu'il allait présenter un projet tendant au même but. Comme un projet présenté par le gouvernement est de nature à satisfaire souvent toutes les exigences plutôt qu'une proposition individuelle, j'ai consenti à attendre le travail de M. le ministre de la justice. Mais la promesse qu'il nous a faite n'a pas reçu son exécution. Bien des fois j'ai rappelé cette promesse, et dernièrement encore, le 19 mars, le jour où nous nous sommes séparés, j'ai renouvelé mes instances pour qu'un projet fût enfin présenté, annonçant qu'à défaut de cette présentation, je demanderais qu’il plût à M. le président de réunir la section centrale, afin d'examiner définitivement ma proposition. M. le ministre de la justice s'est engagé alors de la manière le plus positive à nous soumettre son projet le jour de la rentrée. Je me suis borné à prendre acte de cette promesse solennelle, en énonçant le vœu que M. le ministre de la justice voulût bien employer les jours de vacances à compléter ce qui pouvait encore manquer à ce projet. Nous nous sommes retirés.
Voilà le troisième jour que nous sommes réunis. Je n'ai pas fait d'observation le premier jour, parce que j'espérais que M. le ministre allait tenir parole. Je comptais même encore attendre deux ou trois jours, mais maintenant que nous sommes arrivés à discuter un projet qui concerne la magistrature et qui a pour objet de faire quelques économies sur le budget de la justice, j'ai cru de mon devoir de saisir l'occasion pour rappeler à M. le ministre de la justice, ce à quoi il s'était engagé formellement. Je dois dire que je n'ai pas été peu étonné de voir le résultat négatif que je signale.
Il serait temps enfin de s'occuper une bonne fois de ce qui concerne la magistrature en général ; si on \veut des économies qui entrent en ligne de compte, on pourrait aussi faire ce que la justice réclame, et il me paraît qu'il n'y aurait pas d'inconvénient à renvoyer le projet en discussion jusqu'au moment où l'on s'occupera du projet qui concerne l'amélioration de la position de l’ordre judiciaire. Ce serait peut-être un moyen d'obtenir un résultat auquel sans cela nous n'arriverons pas. Quant à moi, je suis fâché de le dire, mais d'après les précédents je crains que la session ne se passe sans que rien ne soit fait. J'ai rempli mon devoir. Si M. le ministre de la justice ne remplit pas le sien en nous prescrivant le projet en question, je prie M. le président, je le répète, de convoquer la section centrale pour qu’elle s'occupe définitivement de ma proposition.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - Messieurs, deux orateurs se sont prononcés pour l'ajournement du projet, en ce qui concerne le tribunal de Gaud. L'un a puisé ses motifs dans le nombre de causes qui seraient portées annuellement à ce tribunal, l'autre a puisé les siens dans des circonstances tout à fait étrangères au projet.
Ainsi que vous l'a fait observer M. le rapporteur, le tribunal de Gand ne se partage qu'en deux sections. Ces deux sections ne peuvent siéger qu'au nombre de trois juges. Elles ne siègent, ainsi qu'il résulte de la statistique officielle transmise au département de la justice par les autorités compétentes, et qui a été communiquée à la section centrale, elles ne siègent que trois fois par semaine et chaque audience n'est que de trois heures. D'après cela il est évident que le personnel du tribunal de Gand, tel qu'il est aujourd'hui, est trop nombreux. Il est de dix juges y compris le président et le vice-président.
M. Delehaye**.** - C'est une erreur, il n'y en a que neuf.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem)**.** - Il est toujours démontré qu'il n'y a que deux chambres qui jugent, l'une au correctionnel, l'autre au civil, et que ces deux chambres ne peuvent occuper que six juges.
Le juge d'instruction s'occupe de sa besogne, et les autres ne seraient pas occupés s'ils ne venaient, par une espèce de roulement siéger tantôt à l'une tantôt à l'autre chambre.
C'est là un état de choses qu'il faut faire cesser, c'est à cette fin que je vous ai présenté le projet. Il ne porte aucune atteinte aux droits des juges en fonctions ; ceux-ci occuperont leur siège jusqu'au temps où ils seront pourvus d'autres emplois ou jusqu’au temps où ils seront décédés. C’est donc dans l'avenir que cette loi doit recevoir son exécution.
On nous a objecté que les données statistiques qui avaient servi de bases au projet étaient inexactes.
Il me paraît surprenant qu'on conteste ces données, qui ont été fournies par les autorités compétentes, par le procureur-général, par le procureur du roi et par le président du tribunal. Comment ces données ont-elles été fournies ? C'est à l’aide du registre des pointes qui se tient chaque jour. Car, d'après les décrets sur la matière, on sait qu'à l'entrée de l'audience on inscrit quel est le juge qui juge, à quelle heure il arrive et à quelle heure il part. Eh bien ! il est impossible que de pareils registres soient fautifs, et que dès lors les renseignements qu'on m'a fournis soient inexacts.
Ceux qu’on y oppose sont dépourvus de tout caractère d'authenticité ; ils ne sont pas même signés. J'en ai fait prendre des copies, je tiens ces copies, et je n'y vois pas de signatures.
Je suis donc dans la nécessité de persister à soutenir que les renseignements que j'ai fournis, et qui sont puisés dans des documents authentiques, doivent mériter croyance. Ceci me semble suffire pour réfuter les observations de M. Delehaye.
Au moyen du huitième juge que la section centrale propose subsidiairement, proposition à laquelle je me rallie, il sera pourvu à toutes les éventualités. S'il faut un juge d'instruction secondaire, soit temporaire, soit définitif, s'il faut des juges chargés d'enquête, de vues de lieu, il restera toujours un nombre suffisant de magistrats pour siéger en l'absence de celui qui serait occupé à ces besognes ; au moyen de ce huitième juge, le tribunal pourra toujours être au complet.
L'honorable M. Verhaegen a dit qu'il appuyait l'ajournement, mais par d'autres motifs, et en vérité je dois avouer que, dans ce qu'il a dit, je n'ai rien trouvé qui fût relatif au projet en discussion. Il ne s'en est pas occupé ; il a dit que c'était un projet utile sous le rapport de l'économie, mais qu'il fallait avant tout songer à l'amélioration de la position de la magistrature.
Il me semble que, soit que l'on s'occupe ou non de cet objet, il ne doit avoir aucune influence sur la question de savoir si le tribunal de Gand doit être ou non réduit. Quand on aura changé le traitement des magistrats, vous n'aurez pas un argument de plus ou de moins pour la proposition qui vous est faite relativement au tribunal de Gand.
L'honorable M. Verhaegen désire vivement, et nous désirons tous que le sort de la magistrature soit amélioré. Eh bien ! le moyen d'arriver à cette amélioration, puisqu’il faut pour cela des fonds, c'est d’introduire des économies là où il est possible de le faire sans nuire au service public. Tel est le but du projet, comme aussi de rendre plus respectable un tribunal où tous les membres seront occupés.
L’honorable M. Verhaegen a fait une récapitulation de ce qui s'est passé relativement au sort des magistrats, et il a parlé de la séance du 19 mars. J'ai dit alors que j'espérais pouvoir présenter à la rentrée, un projet au sujet de l'augmentation des traitements de la magistrature. Ce projet est prêt ; mais il doit être délibéré en conseil en présence de Sa Majesté, ce sera une des premières affaires dont on s'occupera.
C'est donc à tort que l'honorable M. Verhaegen pense que l'on est disposé à ne pas traiter ce point important. Le discours du trône a annoncé qu'un projet serait présenté, et il le sera effectivement.
Je dois faire une observation générale au sujet de cette proposition d'ajournement ; elle n'est autre chose qu'une proposition déguisée de rejet. En Angleterre on ne rejette pas les bills qui sont proposés, on les ajourne à six mois, et cet ajournement est considéré comme un rejet. De même ici un ajournement indéfini devrait être considéré comme un rejet. Or, ni la section centrale, ni aucune des sections, ni aucun membre de cette assemblée, n'a pas proposé le rejet du projet. Il me paraît que ce serait un antécédent fâcheux que d'admettre ainsi indirectement un mode de rejet d'une proposition qui vous est soumise, sans la rejeter effectivement et décidément.
Je crois donc, sous ce rapport, devoir, d'abord quant à la forme, m'opposer à l'ajournement ; je m'y suis opposé aussi quant au fond, parce qu'on n'a pas pu présenter des motifs assez puissants pour détruire les observations qui ont été faites par l'honorable rapporteur de la section centrale.
M. Verhaegen**.** - M. le ministre de la justice pense que les considérations que j’ai fait valoir à l'appui de l'ajournement du projet, sont tout à fait étrangères à cette proposition d'ajournement, car, dit M. le ministre de la justice : « Le meilleur moyen de venir au secours de la magistrature, c'est de faire des économies sur le budget de la justice.» Eh, mon Dieu, s'il fallait attendre les économies qui résulteront du projet en discussion, nous serions renvoyés bien loin, car le personnel des tribunaux dont il s'agit ne sera réduit qu'au fur et à mesure des vacatures.
Ainsi, dans l'opinion de M. le ministre, il faudrait renvoyer ma proposition jusqu'au moment où, par suite de vacatures, il y aurait lieu à faire des économies. Mais ce n'est pas ainsi que je l'entends ; je ne réponds à l’objection que dans le sens de l'objection même. Je dis qu’il convient d’examiner la proposition qui vous est soumise en même temps que la proposition concernant l'amélioration du sort de la magistrature. Je désire que ces projets soient discutés simultanément, et pourquoi ? Parce que si d'un côté l'on peut faire des économies, on sera beaucoup plus disposé de l'autre à voter une augmentation en faveur de la magistrature. Si l'on peut faire sans inconvénient une économie par suite de la réduction du personne de certains tribunaux, ce sera déjà une chose que l'on aura en perspective, comme pouvant contribue, avec d'autres ressources que nous pourrons trouver, à compenser l'augmentation de dépenses qui résultera de l'augmentation des traitements des membres de l'ordre judiciaire. La proposition d'ajournement vient donc parfaitement à propos.
Je me suis plaint, et avec raison, ce me semble, des retards qui ont été constamment apportés, et, il faut bien le dire, par le ministère de la justice à la discussion de ma proposition.
Si l'on veut rejeter cette proposition, qu'ou la rejette ; alors au moins la magistrature saura à quoi s'en tenir. Mais vouloir que la magistrature se trouve constamment devant nous dans une position de suppliante, vouloir qu'elle nous tende les mains pour nous demander une augmentation de traitements, traîner cette affaire en longueur, c'est déconsidérer, un des pouvoirs indépendants de l’Etat. C'est pour cela que j'insiste sans relâche pour qu'on veuille bien en finir.
C'est sur mes observations que, le 19 mars dernier, M. le ministre de la justice a pris l'engagement formel de présenter un projet de loi le premier jour de la rentrée de la chambre. Et j'en appelle ici au Moniteur, M. le ministre ne s'est pas borné à dire qu'il se proposait de présenter un projet de loi ; il a pris l'engagement formel de présenter ce projet dans la séance qui suivrait la vacance. J'ai pris acte de cet engagement et je n'ai pas donné suite à ma proposition. Il me semble que, quand on s'est engagé ainsi, que celui envers lequel on s'est engagé a pris acte de la promesse faite, il y a un contrat parfait. Eh bien je demande l'exécution de cette espèce de convention que M. le ministre a faite avec moi, dans l'intérêt du pays.
M. le ministre vient dire que le projet est prêt, mais qu'il doit être délibéré en présence du Roi et que le Roi est absent, que par conséquent on ne peut pas s'en occuper. M. le ministre de la justice n'est pas tout à fait d'accord ici avec son collègue des travaux publics ; celui-là avait un projet relatif au chemin de fer, et il en a pressé la rédaction, afin qu'il pût être soumis an Roi avant son départ ; des erreur ont été commises dans ce projet, peu importe, vous savez, messieurs, ce qui en est résulté ; à l'arrêté royal on a substitué des arrêtés ministériels. Sous ce rapport, les deux membres du cabinet ne sont pas d'accord entre eux.
Il m'est impossible de ne pas faire à cet égard une observation, parce qu'il s'agit ici de quelque chose de sacré. A en croire MM. les ministres, il semblerait que l’absence du Roi fût un obstacle à la marche des affaires ; ces messieurs découvrent à chaque instant la royauté. Le Roi, messieurs, ne peut pas être mis en cause dans nos débats, les ministres sont responsables ; il ne leur appartient pas de se mettre à l'abri derrière la royauté, et de venir dire : Je ne puis pas faire telle chose parce que le Roi est absent ; le Roi ne doit pas servir de manteau au ministère. Il n'est malheureusement que trop vrai qu'il y a eu sous ce rapport des attaques inconvenantes, mais c'est le ministère qui occasionne ces attaques, ce sont les ministres qui en prennent l'initiative, en venant nous dire que si les affaires ne marchent pas, c'est à cause de l'absence du Roi.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - Je n'ai jamais dit, messieurs, que le sort du projet relatif aux traitements des membres de l'ordre judiciaire dépendît de l'effet que doit produire le projet qui nous occupe en ce moment. Il serait absurde de venir soutenir que, lorsque les magistrats, dont il s'agit de supprimer les places peuvent encore rester en fonctions pendant 10 ou 20 ans, il faudrait attendre pendant tout ce temps pour s'occuper d'une loi tout à fait étrangère à la mesure dont il est question, et qui ne doit en aucune manière subir l'influence de cette mesure.
On m'a reproché de ne point encore avoir présenté un projet de loi relatif aux traitements de la magistrature ; on a dit que j'avais pris à cet égard un engagement formel, et que cet engagement avait été accepté par l'honorable M. Verhaegen ; qu'il y avait un contrat formé entre nous et que l'on demandait l'exécution de ce contrat.
Il faudrait ajouter que l'on conclut à des dommages-intérêts contre moi. (Hilarité.)
M. Verhaegen. - Des dommages intérêts moraux.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - J'ai eu l'honneur de dire que le projet est préparé, mais qu'il doit être délibéré en conseil des ministres, qu’il le sera incessamment et, qu'il sera présenté aussitôt après. En donnant cette explication, je ne crois pas avoir découvert la royauté ni porté atteinte au respect qui est dû à la personne du Roi.
Libre à M. Verhaegen d'insister pour que sa proposition soit discutée ; s'il le juge à propos, il peut le faire ; mais, quant à moi, je crois que ce serait tout à fait inutile ; il s’écoulera peu de temps avant que le projet ne soit présenté.
M. Delehaye. - Je ne puis m'empêcher, messieurs, de relever deux erreurs graves dans lesquelles est tombé M. le ministre de la justice. Il s'est d'abord trompé lorsqu’il a dit qu'au tribunal de Gand il y aurait dix juges ; je ne conçois pas comment il a pu commettre cette erreur, alors qu'il est connu de tout le monde que, depuis l832, ce tribunal ne se compose plus que de neuf membres.
M. le ministre a commis une autre erreur tout aussi inconcevable que la première. Il a dit que je réponds aux pièces qu'il a fournies à la chambre par des pièces non signées. Mais le tribunal de Gand a adressé au gouvernement une pétition dans laquelle il donne les renseignements statistiques sur lesquels je me suis appuyé. Evidemment cette pétition n'est pas une pièce non signée, et l'on ne peut pas dire dès lors que j'oppose des pièces non signées aux pièces présentées par le gouvernement.
Ne soyez pas étonnés, messieurs, que, lorsqu'il s'agit de données statistiques, on ne soit pas d'accord. Dans le principe on était souvent obligé de renvoyer jusqu'à 6 ou 7 fois les statistiques à celui qui était chargé de les faire ; on ne s'y comprenait pas. Ceux qui sont attachés au ministère ou au parquet peuvent confirmer ce que j'avance, ce n'est guère que depuis un ou deux ans que l'on peut trouver des renseignements certains dans les statistiques.
Une autre observation a été faite, messieurs, et je suis étonné qu'elle l'ait été par un magistrat. On a dit que les juges du tribunal de Gand n'ont que 9 heures de travail par semaine. Certes, messieurs, si la besogne des juges se bornait à siéger pendant 9 heures par semaine, il n'y aurait là rien d'écrasant ; mais vous savez tous que le travail le plus pénible du magistrat, c'est le travail du cabinet. Et à Gand, messieurs, cela est plus vrai que partout ailleurs : en général les avocats de Gand ont l'habitude de plaider sur mémoire ; il n'est pas de tribunal dans tout le pays où l'on plaide plus laconiquement qu'à Gand. C'est donc le travail du cabinet qui forme la partie la plus importante de la besogne des juges du tribunal de Gand.
On a dit que ce tribunal ne présente aucun arriéré ; mais d'abord, messieurs, on n'a pas dit ce que les magistrats ont fait pour obtenir ce résultat. J'ai été attaché au tribunal de Gand depuis 1832, et j'ai par conséquent été à même de voir ce qui s'y passait. Aujourd'hui je n'ai aucune espèce d’intérêt à ce qu’il y ait a ce tribunal 9 juges plutôt que 8 ; je suis aussi désintéressé que qui que ce soit dans cette question ; le seul intérêt que j’y aie, c est de voir la justice bien rendue.
Eh bien, messieurs, lors de mon entrée en fonctions, il y avait au tribunal de Gand un arriéré considérable ; le tribunal a pris ses devoirs à cœur ; il a siégé souvent 5 ou 6 fois par semaine, et si l'on en doute, je prouverai encore une fois ce que j'avance par des pièces authentiques. La chambre civile et la chambre correctionnelle ont souvent siégé jusqu'à 5 jours par semaine jusqu'à ce que l'arriéré fût écoulé. Malgré cela, il existe encore aujourd'hui un arriéré de 200 affaires ; le juge d'instruction se trouve saisi en ce moment de 90 affaires.
Je vous en prie donc, messieurs, ne mettez pas un obstacle à l'administration de la justice, n'allez pas décourager les juges suppléants sans utilité réelle ; un seul d'entre eux a expédié plus de 391 affaires. Si plus tard vous croyez devoir réduire le personnel, attendez au moins qu'il y ait une vacature ; alors, si la chose est nécessaire, proposez un projet de loi pour réduire le personnel et si la mesure est alors convenable, personne ne s'y opposera.
Voilà pour quel motif je suis obligé de m'opposer maintenant à l'adoption du projet de loi. C'est que, connaissant mieux que M. le ministre de la justice le tribunal de Gand, je suis profondément convaincu que cette loi serait de nature à mettre obstacle à la prompte expédition des affaires.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - Messieurs, d'après le décret du 18 août 1810 qui est encore en vigueur, le personnel du tribunal de première instance de Gand doit être composé de dix magistrats, d'un président, d'un vice-président et de huit juges ; à la vérité on n'en a nommé que neuf, mais il n'en est pas moins vrai que le nombre légal est encore, comme je l'ai dit, de 10 juges.
Les attributions du tribunal de Gand ont été fort restreintes. Le tribunal ne siège plus aux assises ; il n'a plus la connaissance des appels en matière correctionnelle ; et, par l'effet de la loi sur la compétence des juges de paix, il a encore diminué le nombre des causes qu'il était primitivement appelé à juger.
On dit que je n'ai pas fait attention aux chiffres qui se trouvent dans le mémoire du tribunal de Gand ; ces chiffres n'ont pas échappé à mon attention, mais je dois dire que quand M. le président, M. le vice-président et M. le procureur du Roi de ce tribunal m'ont remis leur mémoire, ils sont convenus avec moi que huit magistrats suffiraient pour faire face à toutes les exigences.
M. de Garcia. - Messieurs, à plusieurs reprises l'honorable M. Verhaegen a représenté la magistrature comme venant en suppliant réclamer devant vous une augmentation de traitement.
Messieurs, j'ai l'honneur d'appartenir à la magistrature, j'ai l'honneur de connaître un grand nombre de mes collègues, et j'ai plusieurs, fois eu occasion de converser avec eux, de connaître leur manière de voir. Aucun d’eux, j’en suis convaincu, ne voudrait accepter la position suppliante, où veut les placer l'honorable M. Verhaegen. Quant à moi, je répudie hautement cette position suppliante. Elle ne peut convenir à aucun membre de la magistrature belge, aussi distinguée par son intégrité que par ses capacités. Les magistrats ont trop le sentiment de leur devoir, un patriotisme trop vif les anime, pour désirer actuellement une amélioration dans leur état, au prix d'une surcharge d'impôts pour la nation.
La position des membres de l'ordre judiciaire a été fixée à une époque qui n’est pas éloignée de nous. Cette position, il est vrai, a été réglée dans un moment où la représentation nationale était animée d'un esprit prononcé d'économie, esprit que peut-être nous avons malheureusement un peu perdu.
Au surplus, quand les finances du pays nous permettront de majorer les traitements des membres de l'ordre judiciaire, ceux-ci recevront avec reconnaissance ce que la nation voudra bien leur accorder. Mais qu'on ne les représente pas comme des suppliants : aucun magistrat, j'en suis convaincu, ne voudrait accepter une position aussi humiliante.
Pour appuyer la proposition de l'ajournement du projet de loi, on vous a dit : « Attendons qu'on améliore le sort des magistrats pour nous occuper du projet de loi. » En d'autres termes, attendons les dépenses avant de faire des économies et des ressources à l'Etat.
Eh ! messieurs, telle est ordinairement la marche vicieuse que nous suivons : nous décrétons toujours des dépenses sans vouloir réaliser des économies, sans créer des voies et moyens. C'est au système contraire que nous devons en venir ; songeons, avant de créer des dépenses, à trouver les ressources qui les couvriront.
Je combattrai l'ajournement du projet de loi uniquement sous ce point de vue, Je dois reconnaître que, sous le rapport de l'instruction des affaires au tribunal de Gand, l'honorable M. Delehaye a présenté quelques considérations qui ont exercé une certaine influence sur mon esprit. Cependant il est quelques-uns de ces motifs que je ne puis pas adopter : il voudrait qu'à chaque vacature, on proposât la suppression de l'emploi.
M. Delehaye. - Je n'ai pas dit cela.
M. de Garcia. - Je croyais l'avoir compris ainsi ; si vous ne l'avez pas dit, je retire mon observation.
M. Verhaegen. (pour un fait personnel) – Messieurs, l'honorable M. de Garcia ne m'a pas compris, ou bien il a donné à mes paroles une portée qu'elles n'avaient pas ; j'aime mieux adopter la première hypothèse. .
Je n'ai pas dit que la magistrature se présentait comme un suppliant ; j'ai dit au contraire que la magistrature ne devait pas se présenter comme tel, elle qui constitue un des trois pouvoirs indépendants de l'Etat. J'ai ajouté que, pour qu'elle ne se présentât pas ainsi, je préférais voir ma proposition rejetée de bonne foi à devoir y revenir constamment. Voilà ce que j'ai dit, c’est donc précisément le contraire de ce que l'honorable M. de Garcia prétend que j'aurais dit.
Maintenant, il me reste à ajouter un dernier mot. Je comprends très bien qu'il y a des magistrats, des magistrats célibataires, par exemple, qui ont des revenus, qui peuvent faire sonner bien haut leur patriotisme, et renoncer à leurs émoluments ; mais je parle des magistrats, pères de famille, qui ont à songer au sort de leur famille, de leurs enfants, et qui dans cette position, quel que soit leur patriotisme, peuvent très difficilement s'occuper des affaires qui leur sont confiées ; ce sont de ces magistrats que j'entends parler. On ne veut pas sans doute exclure de la magistrature des capacités et n'y admettre que ceux qui ont de la fortune.
M. Delehaye.- Je n'ai pas dit qu'il fallait proposer une suppression à chaque vacature ; j'ai dit que, selon toutes les probabilités, il n'y aurait pas de vacature de longtemps à Gand ; mais que dans le cas où des vacatures auraient lieu, le ministre pourrait, pour ce qui concerne le tribunal de Gand, venir faire une demande à la chambre.
M. Raikem. - Messieurs, le projet de loi qui est soumis à vos délibérations concerne le personnel de trois tribunaux. Le personnel de ces tribunaux a été fixé par le décret impérial du 18 août 1810. Ces tribunaux sont ceux d'Anvers, Namur et Gand, dont le personnel a été fixé respectivement à 10, 9 et 10 juges.
M. le ministre de la justice, par le projet qu'il avait d'abord présenté ; proposait de réduire à 7 le nombre des juges de chacun de ces trois tribunaux.
Aujourd'hui l'on a reconnu qu'il y avait utilité à faire une exception, quant au tribunal de Gand, et l'on propose de réduire seulement à 8 juges le nombre des membres dont ce tribunal se compose.
On a fait l'observation que, dans le moment actuel, le personnel du tribunal de Gand était composé de neuf juges. Eh bien, que résultera-t-il de l'adoption du projet, c'est-à-dire de la réduction du nombre des magistrats du tribunal à huit ? c'est que M. le ministre ne pourra nommer un dixième juge, et qu'en outre, lorsqu'il y aura une vacature, le personnel sera réduit à huit juges.
Dans cette position, je ne conçois pas, pour moi, les motifs de l'ajournement.
On a parlé de l'intérêt que devaient naturellement inspirer les juges suppléants ; je conçois qu'il doit y avoir une carrière ouverte aux juges suppléants, rien n’est plus juste ; mais pour ouvrir cette carrière de la manière dont le propose un honorable préopinant, il ne faudrait pas ajourner le projet, car cet ajournement n’ouvre nullement une carrière, mais il faudrait absolument le rejeter. Quant à moi, je ne vois pas de différence entre le rejet et l’ajournement. Voyons donc s’il y a lieu de rejeter le projet ou bien de l’adopter.
Quant au tribunal d’Anvers et à celui de Namur, on paraît d’accord pour adopter la proposition de réduction qui concerne chacun de ces deux tribunaux ; personne n’a demandé le maintien du personnel actuel de ces tribunaux, tel qu’il a été fixé par le décret impérial du 18 août 1810. Nous n’avons donc qu’à examiner s’il y a utilité, oui ou non, à maintenir le personnel du tribunal de Gand, ou plutôt s’il y a utilité à maintenir le personnel tel qu’il existe actuellement ; car certainement, s’il n’y a pas utilité à maintenir le personnel tel qu’il existe actuellement il y aura par cela même utilité à le réduire à 8 juges, tel qu’on le propose.
La chambre sentira aisément qu’il me serait impossible d’entrer dans tous les détails statistiques dont ont parlé et l’honorable député et M. le ministre de la justice. Je n’envisageai donc la question qu’en thèse générale, et en la coordonnant avec l’état de chose existant dans le moment actuel.
Vous savez, messieurs, qu’il y a une différence entre la position du tribunal de Gand, telle qu’elle était à l’époque où furent portées les lois de 1810, et la position actuelle de ce même tribunal. Il n’existait pas à ladite époque de cour impériale à Gand ; Gand ainsi que Bruges ressortissaient à la cour d’appel de Bruxelles ; c’était par le motif qu’il n’existait pas de cour d’appel à Gand et que les assises s’y tenaient, que le nombre de juges avait été porté à 10. C’est ce qui résulte du décret lui-même, l’on voit que, dans les villes importantes où il existait des cours d’appel, les tribunaux n’avaient pas un nombre de juges aussi grand que les chefs-lieux de province où il n’existait pas de cour impériale.
Le système introduit par le décret de 1810 est encore le même système qui nous régit actuellement ; c'était de voir combien de chambres étaient nécessaires, utiles à l'expédition des affaires.
Eh bien, combien y avait-il de chambres à Gand ? Il y avait deux chambres ; c'est le texte du tableau annexé au décret ; et néanmoins l'on fixe le nombre des juges à 10 ; l'on avait également fixé à 10 le nombre des juges du tribunal d'Anvers. Je viens d'expliquer les motifs de cette disposition.
Mais lorsqu'il y avait une cour impériale, alors le nombre des juges du tribunal, quoiqu'il fût divisé en deux chambres, n'était pas aussi élevé ; il était plus considérable, lorsque le tribunal était partagé en trois chambres.
Nous examinerons tout à l'heure s'il convient de diviser en trois chambres, au lieu de deux, le tribunal de Gand. Pour le moment, il s'agit uniquement de se fixer sur la question de savoir combien de juges il convient d'établir dans un tribunal, lorsqu'il est divisé en deux chambres, et lorsqu'il existe dans un chef-lieu où siège une cour d'appel qui, en vertu de la loi, a dans ses attributions la tenue des assises et les appels de police correctionnelle.
Or, quand il y avait trois chambres, le nombre des juges était de douze, mais il n'était que de huit quand il y avait deux chambres. Ainsi, à Bruxelles, à Toulouse, à Liége, le nombre de juges était de huit, et cependant dans le décret impérial les tribunaux de ces localités sont placés sur la même ligne que le tribunal de Gand, puisque l'un et l'autre de ces tribunaux se divisent en deux chambres.
Il y a même des tribunaux de chefs-lieux où siègent les cours d'appel, qui n'avaient que sept juges. Ainsi, quand nous divisons en deux chambres le tribunal, nous trouvons que, pour Gand, huit juges est le maximum de ce qui peut être nécessaire, car il était celui des tribunaux de première instance qui n'avaient que deux chambres dans les lieux où siégeait une cour impériale.
L'expérience a démontré que huit juges suffisent pour deux chambres ; car l'on a trois juges pour chaque chambre et un juge d'instruction ; et même si l'on a besoin d'un second juge d'instruction, on a un huitième juge. C'est ce qui a lieu à Liège, où il y a deux juges d'instruction et un tribunal de première instance divisé en deux chambres, qui est constamment occupé et remplit parfaitement sa mission.
Fixés sur ce point, que, par l'installation d'une cour d'appel, le nombre de huit juges suffit à un tribunal composé de deux chambres, nous avons à examiner si, pour expédier les affaires, trois chambres sont nécessaires à Gand ou si deux suffisent.
Remarquez que quand on a augmenté le personnel du tribunal de Bruxelles, on l'a fait afin d'avoir une chambre de plus, parce qu'on avait reconnu que l'existence de trois chambres était nécessaire. Si l’on veut conserver le nombre de dix juges, parce qu'il est nécessaire pour l'expédition des affaires, je le conçois ; mais alors il faudrait changer le décret lui-même, diviser le tribunal de première instance en trois chambres et nommer un nouveau vice-président. Si on établit trois chambres, il faut un président et deux vice-présidents. Mais on ne nous a pas fait cette proposition, on n'a pas dit que trois chambres fussent nécessaires. Si deux chambres suffisent, huit juges suffisent. A quoi serviront deux juges en plus ? à faire siéger alternativement deux juges avec le président. Si le président siège tous les jours, les juges peuvent aussi siéger tous les jours d'audience, sauf à se faire remplacer en cas d'empêchement par un juge suppléant qui remplit des fonctions accidentelles.
Réduire la question à ces termes, c'est la décider dans le sens du projet. Si on conservait au tribunal de Gand, le personnel tel qu'il est, je ne le concevrais qu'autant que, dans l'état actuel des choses, on proposerait de le diviser en trois chambres. Vous savez que le motif qui avait fait fixer le personnel de ce tribunal à dix juges est venu à cesser par l'établissement de la cour d'appel de Gand.
M. le président. - Voici le nouveau projet que présente M. le ministre :
« Le personnel du tribunal de première instance de Gand est réduit à huit juges, et celui des tribunaux siégeant à Anvers et à Namur, est réduit à sept juges y compris le président et le vice-président.
« Cette réduction pour les tribunaux de Gand et de Namur sera opérée au fur et à mesure des vacatures. »
Si personne ne demande la parole, je vais mettre cette proposition aux voix.
M. Delehaye. - Il faut mettre aux voix la proposition de la section centrale.
M. le président. - Je ne vois pas dans le projet de la section centrale de proposition relativement au tribunal de Gand.
M. Dubus (aîné). - La section centrale a proposé l'ajournement.
M. le président. - Je ne vois pas d'ajournement proposé par la section centrale. Seulement elle propose de réduire le projet aux tribunaux d'Anvers et de Namur.
M. de Villegas. - La section centrale a formule sa proposition d'ajournement en retranchant le tribunal de Gand du projet.
M. le président. - Alors je vais mettre aux voix la question de savoir si le siège du tribunal de Gand sera compris dans le projet de loi. .
- La chambre consultée se prononce pour l'affirmative.
M. le président. - Si personne n'a d'observation à présenter sur le nouveau projet du gouvernement, je vais le mettre aux voix.
Le projet se composant d'un article unique, il est procédé à l'appel nominal.
62 membres répondent à l'appel.
2 s'abstiennent,
52 répondent oui,
7 répondent non.
Le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.
M. Orts. - Je me suis abstenu parce que je n'ai pu assister à la discussion.
M. Vandenbossche. - Je n'ai pas voté contre la loi, parce que je ne veux pas m'opposer à la réduction du personnel des tribunaux quand elle est compatible avec la célérité que demandent les affaires. D'un autre côté, je sais que le tribunal de Gand est celui dont le ressort comprend la plus grande population de tout le royaume, que les causes y sont très nombreuses ; et comme M. Delehaye semble avoir démontré que le nombre actuel des juges n'est pas supérieur aux besoins du service, je n'ai pas cru pouvoir voter en faveur de la loi. Je me suis abstenu.
Les membres qui ont répondu oui sont : MM. de La Coste, Cools, Coppieters, David, de Behr, Dedecker, de Foere, de Garcia de la Vega, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Nef, Deprey, de Renesse, Desmaisières, de Terbecq, Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), Dumont, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Huveners, Jadot, Lejeune, Lys, Maertens, Malou, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Pirmez, Puissant, Raikem, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem et Fallon.
Les membres qui ont répondu non sont : MM. Delehaye, de Potter, Desmet, Hye-Hoys, Kervyn, Manilius et Verhaegen.
(Moniteur belge n°107, du 17 avril 1842) M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) – Messieurs, le rapport fort complet présenté à la chambre, le 8 décembre 1837, par mon honorable prédécesseur au département des travaux publics, aujourd'hui mon collègue chargé du département de l'intérieur, me dispense de vous entretenir longuement de la question du canal de Zelzaete.
La chambre est aujourd'hui saisie de deux documents postérieurs à ce rapport ; ce sont :
1° Le rapport présenté le 19 février 1841, par la section centrale chargée de l'examen de la proposition de l'honorable M. Lejeune, et
2° Le travail général de M. l'inspecteur des ponts et chaussées Vifquain, que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau de la chambre à la séance du 13 de ce mois, travail dans lequel la question du canal de Zelzaete se trouve de nouveau traitée.
Afin de faciliter la discussion, vous jugerez sans doute convenable d'ordonner l'impression :
A. De la partie du travail de M. Vifquain qui traite du canal de Zelzaete ;
B. Des amendements que j'aurai à vous présenter ;
C. D’un tableau dans lequel ces amendements sont placés en regard des divers projets adoptés ou proposés jusqu’à ce jour ;
D. Des considérations succinctes que je vais avoir l'honneur d'émettre à l'appui de mes amendements.
L'utilité, la nécessité même d'un canal d'évacuation de Zelzaete à la mer du Nord ne peuvent faire question.
Il y a à, cet égard, chose jugée parles deux chambres, puisqu'un projet de loi décrétant la première section du canal a été adopté par la chambre des représentants, dans toutes ses dispositions, et par le sénat, en ce qui concerne le principe de l'exécution du canal.
Ces deux votes sont, l'un du 20, l'autre du 26 avril 1836.
Pour ce qui est de l'entretien du canal, l'on a été généralement d'avis qu'il doit être supporté par les propriétés intéressées, soit directement, soit par l'intermédiaire des provinces, celles-ci exerçant alors leur recours contre les propriétés intéressées.
Le projet adopté par la chambre des représentants, le 20 avril 1836, la proposition de l'honorable M. Lejeune du 16 mars 1837, et le projet proposé par la section centrale, le 19 février 1841, sont conçus en ce sens, quant à l'entretien.
La seule question qui reste à décider aujourd'hui, et sur laquelle il y a eu désaccord entre les deux chambres, est celle du concours des propriétés intéressées à la construction du canal.
Le projet adopté par la chambre des représentants mettait la construction entièrement à la charge du trésor du l'Etat.
Le sénat a pensé, au contraire, que la dépense du premier établissement devait être répartie de la manière suivante :
Une moitié à charge de l'Etat ;
Un quart à charge des provinces ;
Un quart à charge des propriétés intéressées.
M. Lejeune, dans sa proposition du 16 mars 1837, a admis le principe du concours des propriétés intéressées, non, à la vérité d'une manière certaine et pour une portion déterminée d'avance de la somme à dépenser, mais en raison de la plus-value que ces propriétés pourraient acquérir par la construction du canal et à concurrence de la moitié de cette plus-value, proportion établie par l'art. 30 de la loi du 16 septembre 1807.
Le projet présenté le 10 février 1841, par la section centrale chargée de l'examen de la proposition de M. Lejeune est conçu dans un sens plus restreint que la proposition, en ce qu'il limite la contribution, sur le pied de l'art. 30 de loi du 16 septembre 1807, aux criques et autres terrains qui ont toujours été inondés jusqu'a présent et que le canal parviendrait à assécher.
A l'approche de la reprise de la discussion sur le canal de Zelzaete, le gouvernement a eu à se fixer lui-même sur la question du concours aux dépenses de construction.
Il était naturel qu'il prît, comme point de départ de la discussion de cette question, le projet de la commission du sénat, qui veut le concours le plus large.
Le concours des provinces, demandé par le sénat, n'a pas paru au gouvernement suffisamment justifié ; mais il a pensé que les propriétés intéressées pourraient être appelées, ainsi que le sénat l'avait demandé, à supporter le quart de la dépense, non, à la vérité, par le versement de cette quotité préalablement à l'exécution, mais par voie de remboursement endéans un certain nombre d'années, l'Etat faisant l'avance de tous les frais.
Il a paru que la période de remboursement pourrait être fixée à 25 ans, ce qui permet aux propriétés intéressées de rembourser le quart de la dépense totale, soit un million de francs, au moyen de 25 annuités de fr. 71,000.
Le projet de loi, adopté par les deux chambres en 1836, se bornait à décréter un canal de Damme à la mer.
Il suffit de se reporter aux discussions qui ont précédé ce vote, pour être convaincu que les chambres ont entendu décréter, non un canal de Damme à la mer, considéré isolément, mais un canal de Damme à la mer, comme section extrême d'un canal de Zelzaete à la mer.
Nous pensons, messieurs, qu'il est convenable que le sens d'une loi soit fixé par son texte même, et, dès lors, nous regardons comme une nécessité de décréter le canal entier de Zelzaete à la mer, sauf à limiter l'exécution immédiate à la partie de Damme à la mer.
Le principe de l'exécution du canal entier nous paraît devoir être posé par trois raisons principalement :
1° Parce qu'il est hors de doute que, dans un avenir plus ou moins prochain, l'exécution du canal entier deviendra une nécessité ;
2° Parce que l'on ne peut arrêter les projets d'exécution du canal de Damme à la mer ni régler ses dimensions ainsi que celles des ouvrages qui en dépendent, sans savoir si ce canal doit être traité et exécuté comme ouvrage local, ou comme section extrême d'un canal de Zelzaete à la mer ; dans ce dernier cas, les dimensions doivent être beaucoup plus grandes, et il est nécessaire que le gouvernement trouve, dans la loi même, les pouvoirs de faire un canal d'écoulement à grande section ;
3° Parce qu'il s'agit maintenant de poser les bases d'après lesquelles les propriétés intéressées seront appelées à concourir aux dépenses de construction du canal, ce qui n’admet point de fractionnement, du moment que la section de Damme à la mer est considérée et exécutée, non comme ouvrage local, mais comme section extrême du canal de Zelzaete à la mer, comme ouvrage intéressant toutes les propriétés, sans distinction de bassin, qui verseront un jour leurs eaux dans le canal de Zelzaete à la mer.
En ce qui concerne spécialement le concours des propriétés ayant un intérêt immédiat à l'exécution de la section de Damme à la mer, il est à observer que les terres qui, avant 1830, avaient leur évacuation dans le Zwyn, pourraient être convenablement asséchées au moyen d'un canal exclusivement affecté aux besoins de la localité et qui, en raison de ce but plus restreint, pourrait être établi sur des dimensions beaucoup moindre.
Un canal ainsi conçu est évalué par les ingénieurs à fr. 825,000, tandis qu'un canal de Damme à la mer, du moment qu'on le destine à recevoir toutes les eaux de la contrée qui longe la frontière à partir de Zelzaete, ne peut se faire que pour une somme approchant de deux millions.
Il a paru équitable de n'imposer le bassin du Zwyn, qui seul pourrait verser ses eaux dans le nouveau canal (aussi longtemps qu'on ne le prolongerait pas au-delà de Damme vers Zelzaete), qu'en raison de la défense qu'il faudrait faire dans l'intérêt de cette localité considéré isolément, c’est-à-dire en raison d'une dépense de fr. 825,000.
Le quart de cette somme étant de fr. 206,250, le bassin du Zwyn se libérerait de sa part contributive, en payant pendant 25 ans une annuité de fr. 12,643-75.
Cette annuité se trouverait comprise dans l'annuité totale de fr. 71,000 à supporter par tous les intéressés à l'établissement du canal de Zelzaete à la mer.
En outre, l'Etat serait chargé, en attendant le prolongement du canal, de Damme à Zelzaete, des deux tiers des frais d'entretien de la section de Damme à la mer ; ce qui réduirait, pour le bassin du Zwyn, la charge d'entretien à ce qu'elle serait dans l'hypothèse de l'établissement d’un canal purement local.
Après ces observations générales, il convient de donner quelques explications sur les divers amendements que j'ai l'honneur de vous proposer.
L'art. 1er de mes amendements, par les motifs ci-dessus énoncés, pose le principe de l'exécution du canal entier de Zelzaete à la mer, aux frais du trésor public et avec le concours des propriétés intéressées.
L'art. 2 détermine en quoi consistera, pour le canal entier, la contribution des propriétés intéressées. C'est le remboursement, avec les intérêts calculés à 5 p. c., du quart de la dépense totale et effective d'exécution, par annuités, en 25 ans.
L'art. 3 concerne les ouvrages à faire pour conduire les eaux au canal. Ces ouvrages sont entièrement à la charge des propriétaires ; les projets doivent être approuvés par le département des travaux publics, lorsqu'il s'agit du débouché des conduits et rigoles dans le canal.
L'art. 4 déclare l'entretien et l'administration du canal une charge provinciale, sauf le recours de la province contre les intéressés. Ce principe est admis par M. Lejeune et par la section centrale de la chambre des représentants.
L'art. 5 pose le principe de l'exécution immédiate de la section de Damme à la mer.
L'art. 6 détermine quel sera, quant aux frais d’établissement, le concours des propriétés qui feront usage du canal de Damme à la mer ; ce sera le remboursement, non du quart de la dépense effective, mais du quart du coût présumé du canal limité aux besoins de la localité. Ce remboursement a lieu, comme pour le canal entier, par annuités, en 25 ans.
L'art. 7 limite, pour le bassin du Zwyn, la dépense d’entretien du canal de Damme à la mer, au taux présumé de l'entretien d'un canal local, et cela en mettant, en attendant le prolongement du canal vers Zelzaete, les deux tiers de l'entretien à la charge de l'État.
L'art. 8 renvoie à un règlement d'administration générale pour organiser les concours des propriétés intéressées aux dépenses de construction et la répartition entre elles des dépenses d'entretien.
L'art. 9 ouvre au gouvernement un crédit de 550,000 fr., pour les premiers travaux. Le montant de ce crédit doit être couvert, soit provisoirement, par une émission de bons du trésor, soit définitivement, par la création d'obligations à charge de l'Etat, en 3 ou 5 p. c.
Le gouvernement aurait ainsi la faculté ;
soit d'émettre des bons du trésor, ce qui ne constitue et ne peut constituer qu'un moyen provisoire, en attendant la création d'obligations à charge du trésor ;
soit de recourir, de prime abord, au moyen définitif, la création d'obligations à chiffre du trésor ;
Ces obligations en 3 ou 5 p. c, dotées du même amortissement que les emprunts déjà émis, pourraient être négociées à la bourse, au cours du jour et au fur et à mesure des besoins.
Ce mode de négociation serait très avantageux au trésor :
en ce qu'il permettrait d'éviter les commissions et les frais qui généralement accompagnent les négociations d'emprunts ;
en ce qu'il ne grèverait pas le trésor d'intérêts inutiles avant que le moment de faire emploi des fonds ne fût venu.
Il ne semble pas douteux qu'il soit entièrement praticable, surtout lorsqu'il ne s'agit que de sommes peu élevées et dont l'emploi doit se faire successivement et avec certaine lenteur.
En ouvrant, dès maintenant, au gouvernement un crédit de 550,000 fr., les chambres rendraient possible, dès l'année 1842, le commencement d'exécution d'un ouvrage reconnu nécessaire par elles depuis six ans, ce serait une année de gagnée, car la proposition du gouvernement, relative aux canaux, ne pourra convenablement être présentée qu'après que le gouvernement aura pu s'éclairer par l'espèce d'enquête qui résultera de la publication du travail général de M. l'inspecteur Vifquain.
Mais il est évident que la section de Damme à la mer, la seule qu'il soit question d'exécuter actuellement et qui exige l'emploi d'une somme de deux millions environ, ne se trouvera définitivement assurée que par la loi qui complétera les voies et moyens que cette section exige, en ouvrant un nouveau crédit d'environ 1,500,000 fr.
Le canal de Zelzaete demeure ainsi lié au projet de compléter le système des travaux hydrauliques du pays par l'érection du produit des voies navigables en fonds spécial, à l'instar de ce qui existe pour le produit de la taxe des barrières.
M. le président. - Je demanderai à l'auteur de la proposition s'il se rallie à ces amendements.
M. Lejeune. – Pour autant que je puis comprendre les propositions du ministre, elles rentrent dans le principe que j'ai moi-même proposé. J'ai admis le principe de la proposition par les particuliers, mais j'ai besoin, à cause des antécédents que cette question a déjà eus dans cette chambre, d'entrer dans de nouveaux développements. Je demanderai à M. le président de m'accorder pour cela la parole.
M. le président. - Je demanderai à M. Lejeune de déclarer d'abord s'il se rallie ou s'il ne se rallie pas aux amendements du ministre, afin que je sache sur quel projet je dois ouvrir la discussion.
M. Lejeune. - Je me rallie au principe des amendements. Il ne porte atteinte au projet de loi que sur un point, sur les moyens de contributions à exige des propriétaires. Je me rallie définitivement à ce principe de faire contribuer les propriétaires ; mais je voudrais qu'il me fût permis de m'expliquer, afin de faire connaître les motifs qui m'ont amené à me rallier à cette proposition.
M. le président. - Ainsi la discussion générale est ouverte sur le projet de la commission.
M. Doignon. – Il ne s'agit pas d'ouvrir la discussion. M. le ministre a dit que ces pièces devaient être distribuées, notamment un extrait du rapport de M. l’inspecteur Vifquain. Il a annoncé la communication d'autres pièces. D'un autre côté les amendements que vient de présenter M. le ministre forment un nouveau projet de loi. Ce projet de loi devrait, ce me semble, être renvoyé aux sections ou à la commission ; dans tous les cas, il n'est pas possible d'ouvrir la discussion aujourd'hui. Je demande que les nouvelles propositions soient imprimées et distribuées avec toutes les pièces dont le ministre a fait mention et je demande qu'un nouveau jour soit fixé pour la discussion, soit mardi ou mercredi.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - J'ai déjà fait connaître que toutes ces pièces pourraient être distribuées demain soir, je crois donc que la chambre pourrait fixer la discussion à lundi.
M. Dubus (aîné). - Il me semble que le délai n'est pas suffisant. Il y a à l'ordre du jour d'autres projets de loi qui pourraient utilement occuper la chambre. Je ne vois pas pourquoi on n'accorderait pas à ceux qui veulent examiner les pièces le temps de les examiner. On dit qu'elles seront distribuées demain soir mais dans une matière où il faut connaître les faits et les chiffres, il ne suffit pas d'avoir des documents dans son dossier pour prendre part utilement à la discussion. Il faut étudier ces documents afin de se former une opinion et de pouvoir la défendre à la chambre. M. le ministre présente un projet nouveau, il faut que nous ayons le temps de l'examiner. Si nous étions moins pressés par le temps, je demanderais le renvoi à la commission, car ce nouveau projet mérite bien l'examen d'une commission. Si l'on ne croit pas devoir adopter ce renvoi parce qu'il entraînerait trop de retards, je demanderai qu'il y ait entre la distribution des pièces et la discussion les trois jours prescrits par le règlement. Il en est ainsi dans toutes les matières importantes, il doit en être ainsi surtout dans une matière où il faut connaître les chiffres et les faits pour se former une opinion. Je ne sais si beaucoup de membres se mettent vite au courant des chiffres ; quant à moi, je n'ai pas cette facilité, il faut que j'aie le temps de les étudier pour émettre un vote en pleine connaissance de cause.
Il a été fait à la chambre, il y a deux jours, une autre communication, dont elle a apprécié l'importance. M. le ministre l'a présentée comme étant de nature à jeter des lumières sur ces sortes de discussions ; c'est un travail général sur les voies navigables de la Belgique. La chambre en a ordonné l'impression, et on pense qu'il serait fort utile pour la discussion actuelle. Faudrait-il beaucoup de temps pour obtenir la distribution de ce travail ? Ne pourrait-il pas être distribué lundi ou mardi ? Si ce qui est relatif au canal de Zelzaete est distribué demain soir, on pourrait aborder la discussion mercredi ; j'en fais la proposition.
Je demanderai aussi qu'on ajoute à l'ordre du jour le projet de loi relatif à la pension de la veuve Buzen, projet urgent par sa nature, qui ne donnera pas lieu à de longues discussions.
M. Lejeune.- Si l'honorable M. Dubus borne sa proposition à un ajournement déterminé, je n'ai pas à m'y opposer. Je n'ai jamais refusé le temps nécessaire pour examiner les pièces qui concernent spécialement une question. Si comme il paraissait au début, il s'était agi d'un ajournement indéfini, je m'y serais certainement opposé. Pour la question du canal de Zelzaete, il n’y a pas à craindre l'examen. J'ai dit depuis 1835 que cette question devait être et pouvait être examinée de toutes les manières, qu'elle ne ferait que gagner à l'examen. Je conçois un ajournement à quelques jours pour procéder à cet examen, mais un ajournement qui aurait au-delà de quelques jours, ne devrait pas, ce me semble, être adopté par la chambre.
M. le ministre des travaux publics vient de présenter, dit-on, un nouveau projet de loi, cela n'est pas exact. Il y a une différence, c'est qu'une foule de charges qui, d'après la décision de la chambre, devaient être supportées par le pays, seront supportées par les propriétaires. Déjà plusieurs fois la chambre, la commission des travaux publics, la commission spéciale et la section centrale, se sont prononcées pour des propositions plus onéreuses pour l'Etat que celle que vient de faire le ministre. Ainsi ce n'est pas un nouveau projet, c'est le même projet qui a subi quelques modifications quant aux moyens d'exécution.
Si on propose l'ajournement à quelques jours, je n'ai pas à m'y opposer.
M. Cools. - Je ne veux pas m'occuper de la manière dont le projet de loi doit être examiné. Je crois que cet examen demande une grande maturité. J'ai seulement une observation à faire sur les pièces qu'il s'agit de faire imprimer. M. le ministre a dit qu'il convenait de faire imprimer une partie du travail de l'inspecteur Vifquain qui a trait au canal de Zelzaete. Je crois que cela ne suffit pas, parce que le canal de Zelzaete a été projeté dans le but de dessécher les terres des Flandres. Eh bien ! le canal de Zelzaete aura une grande utilité, mais pour la partie des Flandres qui est située à l'occident du canal de Terneuze ; il n'en aura aucune pour les terres situées à l'orient de ce canal. Il est certain que le canal de Zelzaete à Damme n'est que la première section d'un canal fort étendu qui ira non pas de la mer au-delà de Damme à Zelzaete, mais de la mer à Zelzaete, au Fort-Marie sur l'Escaut. Je le démontrerai dans la discussion du fond. Je me bornerai maintenant à demander s'il ne conviendrait pas de faire imprimer toute la partie du travail de M. l'inspecteur Vifquain, qui a trait au dessèchement des Flandres.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - La chambre a pu voir, lorsque j'ai déposé les pièces qui composent le travail de M. l'inspecteur Vifquain, que ces pièces sont extrêmement volumineuses. Je suis arrivé ici avec deux cartons tout remplis, pourquoi ? parce que ce travail embrasse tout le système hydraulique de la Belgique et que dans la partie historique il remonte à des temps très reculés.
Mais, messieurs, j'ai déjà annoncé à la chambre que j'ai pris des mesures pour que demain même la partie du travail de M. Vifquain qui est relative au canal de Zelzaete, puisse être distribuée aux membres de la chambre, et il n'est nullement besoin d'attendre l'impression et la distribution des autres parties du travail de M. l'ingénieur Vifquain, ce qui peut-être ne pourra avoir lieu que d'ici à un mois, pour se décider sur la question du canal de Zelzaete, attendu que déjà il y a six ans, la chambre, à une grande majorité, a admis le principe de la construction par l'État de ce canal. Il s'agit donc d'une question qui a été décidée par la chambre et qui ne se lie nullement aux autres parties du travail de M. Vifquain.
Maintenant, messieurs, l'honorable M. Dubus a proposé de postposer le jour de la discussion à mercredi : je me rallierai volontiers à cette proposition, pour autant qu'il soit bien entendu que ce sera là un jour tout à fait fixe pour s'occuper de cette question. Car il y a urgence. Le Zwin est presque entièrement envasé et la navigation du canal d'Ostende se trouve très souvent interrompue, parce qu'on doit faire évacuer les eaux par ce canal.
M. Desmet. - Messieurs, quand il s'agit d'un projet aussi important que celui du canal dont il est question, et quoique la discussion en était déjà commencée, car je ne voudrais pas m'opposer à la motion de l'honorable M. Dubus, qui tend à en fixer la discussion à mercredi prochain, je m'y rallie surtout que le ministre vient de présenter une série de nouveaux amendements.
Mais quand on voudrait attendre jusqu'à ce que le travail de l’inspecteur Vifquain sur le système général des canaux de toute la Belgique soit imprimé, il me semble qu'on voudrait pousser l'ajournement un peu loin, car ce ne sera pas en huit jours qu'ou pourra imprimer cette énorme farde, et d'ailleurs pourquoi, dans quel but ? Le système présenté par M. Vifquain ne concerne que les canaux de navigation, et le canal dont nous nous occupons est tout simplement un canal d'écoulement ou de dessèchement.
Messieurs, je ne pourrais en ce moment répondre à l'honorable M. Cools comme je le désirerais, parce que je devrais entrer trop loin dans le fond de la question ; je dois cependant relever une expression dont on se sert souvent quand on parle du canal de Zelzaete. On dit presque toujours et surtout ceux qui ne connaissent point le but spécial de ce canal : ce canal doit servir à l'écoulement des eaux des Flandres. Mais, messieurs, cela est très improprement dit, ce n'est pas pour l'écoulement des eaux de Flandre que ce canal doit servir, mais uniquement pour l'écoulement des eaux du bassin de l'Escaut, qui sont en plus grande partie celles de France et du Hainaut. Parce que cette énorme masse d'eau qui descend de France et du Hainaut passe par un coin de Flandres, doit-on dire que ce sont les eaux des Flandres ? Alost et tout son district est bien en Flandre, cependant cette contrée ne profitera en rien, absolument en rien, du canal de Zelzaete ; l'écoulement des eaux du bassin de la Dendre ne trouvera pas le moindre avantage dans le creusement de ce canal.
Messieurs, quand on voit en ce moment quels désastres sont occasionnés par les inondations qui ont lieu depuis Gand jusqu'à Mortagne, et dont les eaux ne peuvent s'écouler, à cause qu'il n'y a pas de voie d'écoulement suffisante pour chasser les eaux vers la mer, je crois qu'on ne balancera pas longtemps à décider qu'on doit s'occuper sans le moindre retard d'un projet qui procurera cette voie.
Que M. le ministre des travaux publics envoie sur les lieux, on verra combien toute cette contrée est dans la plus grande calamité ; qu'il envoie à une commune qui se nomme Laplaigne, à deux lieues au-delà de Tournay, on y verra qu'il y a au moins 80 habitations qui sont dans l'eau, l'église et plus que deux cents hectares de terres cultivées sont compris dans l'inondation. Ah ! messieurs, il est temps, plus que temps, qu'on vienne au secours de ces malheureuses populations, et qu’on ne laisse pas tous les ans essuyer des pertes si énormes à l'agriculture par un mal auquel on peut facilement remédier et dont le remède a déjà été remis trop longtemps.
M. Cools. - Je regrette de devoir insister pour obtenir de M. le ministre des travaux publics qu'il fasse imprimer toute la partie du travail de M. l'ingénieur Vifquain, qui est relative à l'écoulement des eaux des Flandres. J'y suis obligé, parce que, au moment de la discussion, je prouverai à la chambre que la prolongation du canal de Zelzaete jusqu'au Fort-Marie se lie intimement au travail que nous allons examiner. Si cette partie du travail de M. Vifquain n'était pas imprimée, la chambre ne pourrait apprécier mes observations, n'étant pas suffisamment au courant de la question,
M. Dubus (aîné). - D'après ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics, il paraît que le travail de M. l'ingénieur Vifquain , dont le dépôt a été fait l'autre jour, ne sera pas distribué avant un mois. Ainsi nous serons privés de ce document lorsque nous nous occuperons de la question du canal de Zelzaete, Je ne crois pas qu'il puisse en être ainsi ; j'espère donc que ce travail restera déposé sur le bureau pendant la discussion ; et il ne pourrait en être ainsi si on le livrait à l'impression.
Puisqu'on doit imprimer un extrait de ce travail, j'appuierai la motion de l'honorable député de St-Nicolas, pour qu'on comprenne dans cet extrait tout ce qui est relatif au projet d'une prolongation du canal de Zelzaete, projet qu'on vient de faire connaître et que j'ignorais. Je vois par là qu'en votant le projet actuel, ce n'est pas le principe d'une dépense de cinq millions que nous votons, mais le principe d'une dépense de 8 à 10 millions. Or, il faut que la chambre comprenne la portée de ce qu'elle vote ; il faut qu'elle sache que le canal dont il s'agit n'ira pas seulement (Erratum, Moniteur belge n°111 du 21 avril 1842 :) jusqu'à Zelzaete, mais jusqu'au fort Ste-Marie, et qu'il coûtera 8 à 10 millions,
M. le président. - M. le ministre ne voit aucun inconvénient à ce que le rapport de M. l'ingénieur Vifquain reste déposé sur le bureau ?
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Pas le moindre, M. le président.
Messieurs, l'honorable M. Cools demande que je fasse imprimer un extrait du travail de M. l'ingénieur Vifquain qui ne se rapporte pas au canal de Zelzaete. Du reste, voici l'ordre que j'ai donné à cet égard ; je l'ai donné à M. Vifquain lui-même ; je lui ai dit : Occupez-vous de faire imprimer tout ce qui se trouve dans votre travail, que vous jugez nécessaire pour la discussion du projet de loi sur le canal de Zelzaete. Je pense que personne ne peut être meilleur juge de ce qui est nécessaire pour éclairer la question que l'auteur même du travail. Il est même très possible que M. Vifquain joigne à l’extrait qui vous sera distribué, la partie que réclame l'honorable M. Cools. L'impression est commencée, et il m'a été assuré que ces pièces pourraient être distribuées demain aux membres de la chambre. Ainsi vous voyez que vous aurez le temps d'examiner ces divers documents et que vous pourrez vous préparer à la discussion, alors surtout qu'il s'agit d'une question qui a déjà été décidée à une grande majorité par la chambre.
M. Lejeune. - Je regrette que l'honorable M. Cools soit entré dans le cœur de la question ; il faudrait discuter la question tout entière pour lui répondre.
J'ai demandé la parole lorsque l’honorable M. Dubus, par suite de la motion de l'honorable M. Cools, a cru voir qu'il s'agissait de donner au canal de Zelzaete une prolongation jusqu'au fort Sainte-Marie. Je ne sais si un pareil projet existe ; mais je puis dire, et c'est le seul motif pour lequel j'ai pris la parole, c'est que le canal de Zelzaete se détache entièrement de tout autre projet, et que s'il est question de faire maintenant au plus tard un canal à la droite du canal de Terneuse, c'est là une affaire spéciale.
Je le répète, il ne s'agit pas de prolongation du canal de Zelzaete ; ce canal sera un canal parfait, complet et qui se détache entièrement de toutes les autres propositions que pourrait renfermer le travail de M. l'ingénieur Vifquain.
M. Cools. - Je ne répondrai pas aux observations de l'honorable M. Lejeune, parce qu'elles se rattachent au fond de la question. Je ne prends une troisième fois la parole que pour déclarer que je me contente des observations que vient de nous donner M. le ministre des travaux publics, à l'égard des instructions qu'il a données à M. l'ingénieur Vifquain.
Je demande toutefois qu'il soit bien entendu que tout le travail de cet ingénieur restera déposé sur le bureau pendant la discussion du projet sur le canal de Zelzaete, pour qu'on puisse y recourir au besoin (Oui ! oui !)
La chambre décide qu'elle met à l'ordre du jour de mercredi la discussion du projet de loi sur le canal de Zelzaete, et qu'elle met en premier lieu à l'ordre du jour de demain la proposition de M. Dumortier relative à la pension de la dame veuve Buzen.
M. le président. - Après le projet de loi relatif à la pension de la dame veuve Buzen, viendra le projet de loi relatif aux inscriptions hypothécaires.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, je demanderai que le projet de loi relatif au renouvellement des inscriptions hypothécaires soit mis à l’ordre du jour après les autres projets qui s'y trouvent encore.
Ce projet a été présenté par le département de la justice, il tendait uniquement à remettre en vigueur l'article 2154 du code civil.
La commission chargée de l'examen de ce projet a proposé à la chambre un tout autre système. J'ai cru, vu la gravité de la chose, devoir consulter sur cette matière les hommes pratiques, les conservateurs des hypothèques. Leurs rapports ne me sont point encore tous parvenus ; cependant je désire recueillir les faits les plus complets pour me former une opinion définitive sur une matière aussi importante,. Je demanderai donc que ce projet soit mis à l'ordre du jour après le projet de loi sur les distilleries.
M. le président. – Dans ce cas, après le projet relatif à la pension de la dame veuve Buzen, nous aurions le projet de loi sur le colportage.
Quant au projet de loi sur les distilleries, je prierai M. le rapporteur de presser l'impression de son travail.
M. Zoude. - Messieurs, vous avez renvoyé à la section centrale, plusieurs pétitions sur lesquelles je dois faire un rapport supplémentaire à celui que j'ai déjà déposé. Plusieurs de ces pétitions sont fort longues et je n'ai pas encore eu assez de temps pour terminer mon travail.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je dois faire remarquer relativement au projet de loi sur les distilleries, qu'il m'importe beaucoup d'avoir les observations de la section centrale pour que je puisse les examiner. Jusqu'à cette heure je n'en ai pas encore la moindre connaissance.
La séance est levée à trois heures et un quart.