(Moniteur belge n°62, du 3 mars 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. Kervyn fait l'appel nominal à midi et demi.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Kervyn communique les pièces de la correspondance.
« Les cabaretiers de la commune de Zomergem adressent des observations sur le projet de loi relatif à l’abonnement pour la vente des boissons distillées. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet.
« Le collège échevinal de Saint-Genois transmet à la chambre une expédition d’une délibération du conseil communal tendant à ce que cette commune fasse partie du canton d’Avelghem. »
« Le conseil échevinal de Helchin transmet à la chambre une expédition d’une délibération du conseil communal, tendant à ce que cette commune soit réunie au canton d’Avelghem. »
- Renvoi à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription cantonale.
« Des médecins de Tournay demandent qu’il soit défendu aux médecins de l’armée de pratiquer pour le civil. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L’administration des poldres de Lillo, Stabroeck, Santvliet et Beerendrecht s’étonnent de voir que, dans le rapport du gouvernement, le chiffre de l’indemnité en faveur des propriétaires et locataires de ces poldres est de plusieurs millions inférieur à celui que portent les états dressés par les autorités locales et demande qu’avant de fixer ce chiffre, on s’en réfère à ces états fournis par les administrations desdits poldres. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les indemnités.
M. Zoude**,** organe de la commission des pétitions, présente les deux rapports suivants :
Messieurs, par pétition datée d'Anvers, le 27 février 1842, le colonel Brialmont commandant de place d'Anvers, possédant des propriétés situées dans la partie cédée du Limbourg, demande qu'il soit alloué une indemnité pour la dépréciation qu'ont éprouvée ces propriétés.
Le pétitionnaire qui, dans sa modestie, paraît peiné de se mettre en évidence, vient rappeler à regret les services qu'il a rendus au pays dès le début de la révolution et notamment sa coopération la plus active dans la prise de Venloo, qui a produit à la Belgique un riche matériel en canons et munitions de guerre de tout genre.
Investi du commandement de cette forteresse, il sut la faire respecter, quoiqu'avec des faibles moyens, jusqu'au moment où le fatal traité le força à l'abandonner ; mais en le quittant ce ne fut pas seulement le monument de sa gloire qu'il abandonnait, mais encore une propriété à laquelle il avait consacré ses capitaux et ses soins avant la révolution pour s'y ménager une retraite, pour pouvoir se reposer des fatigues d'une longue vie militaire.
Cette propriété située à 800 mètres de la forteresse et qui lui offrait des ressources d'utilité, d'agrément et de bonheur, il dut l’abandonner pour ainsi dire à la discrétion d'un gouvernement, notre ennemi pendant 10 ans, et qui devait pardonner à la paix, mais pouvait aussi ne pas oublier les actes révolutionnaires ; et en effet les membres les plus inoffensifs de sa famille, ont, dit-il, été obligés de chercher un refuge en Belgique. Quant à sa propriété qui était hors du rayon, alors, qui ne s'étendait qu'à 700 mètres et qui est porté aujourd'hui à 1,100, elle se trouve comprise en partie dans cette étendue, et cette circonstance en a tellement déprécié la valeur, que, quoique composée de 33 hectares de terre et de 15 bâtiments, il a dû la vendre pour 35 mille francs, lorsque les bâtiments seuls étaient estimés en valoir 34 mille.
Cependant, quoique avec tous les propriétaires de Venloo et ceux de l'arrondissement de Ruremonde, il eût éprouvé une perte considérable dans ses revenus, par suite de la fermeture de la Meuse tant vers Maestricht que vers la Hollande, il est de notoriété publique que sa maison et sa bourse étaient ouvertes à toutes les victimes de la révolution.
Le malheur qu'il éprouve, et dont la cause est toute spéciale, provient de ce que sa propriété était contiguë à la forteresse, ce qui constitue le pétitionnaire dans une position tout exceptionnelle et certainement unique dans les pays cédés.
Cette circonstance lui fait espérer que le gouvernement, en lui accordant une indemnité, ne craindra pas de poser un antécédent fâcheux, puisque nul ne pourrait en réclamer l'application.
Il vient donc avec confiance s'adresser à la législature pour obtenir une indemnité des pertes qu'il a faites par suite du dévouement et du zèle avec lesquels il a servi le pays, ainsi que pour les souffrances et persécutions dont sa famille a été l'objet.
Il invoque enfin un acte récent par lequel la chambre a accordé pour un cas spécial une indemnité à laquelle il croit que sa spécialité lui donne un titre plus particulier encore.
Il termine, et la commission se plaît à consigner ici les dernières expressions de sa pétition : élevé, dit-il, à l'école des privations et de la résignation, s'il le plaint, c'est en vertu du devoir qui lui impose sa qualité de père de famille.
Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à MM. les ministres de la guerre et de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Zoude**,** organe de la commission des pétitions. – « Le conseil communal de Verviers demande que cette commune soit indemnisée des sommes qu'elle a dû payer, par suite de condamnations judiciaires pour pillage, lors de la révolution. »
Messieurs, votre commission des pétitions, sans vouloir porter la moindre atteinte à la gloire dont la ville de Bruxelles s'est couverte, dans les mémorables journées de la révolution, ne peut cependant se dissimuler que si des renforts n'étaient accourus à son secours et particulièrement des parties wallonnes, les efforts de la capitale eussent été insuffisants et que la révolution eût été étouffée dans son berceau.
Mais l'élan révolutionnaire, et l'histoire prouve qu'il en a toujours été ainsi, l'élan révolutionnaire n'électrisa les populations qu'à la suite des dévastations, et, ce qui est un grand malheur assurément, leur mesure est presque toujours pour les villes celle de la coopération plus ou moins active que le peuple prend à une révolution.
D'après les faits bien constants, c'est en vain que les hommes sages, les amis de l'ordre voudraient s'opposer au torrent dévastateur, ils seraient bientôt compromis eux-mêmes dans leurs personnes et dans leur fortune ; aussi, comme le disent les pétitionnaires, ce n'est pas par la force qu'ils ont essayé de calmer l'effervescence verviétoise, mais par des négociations et des promesses, et c'est ainsi, qu'après avoir apaisé le peuple, l'ordre fut rétabli.
Cependant les tribunaux ont prononce contre la ville l'application de la loi de vendémiaire an IV, et quelle que fût sa rigueur, la ville ne négligea aucun effort pour satisfaire au jugement qui l'avait frappée, et après avoir épuisé toutes ses ressources ordinaires, avoir ajourné des travaux presqu'indispensables, avoir disposé des fonds qu'elle destinait à des établissements de bienfaisance, elle fit un emprunt de près de 300 mille francs ; cependant à tous ces sacrifices de la généralité, le collège échevinal en avait fait et en continue encore de particuliers, il a renoncé au traitement auquel il avait légalement droit, et le sacrifice s'élève plus de 40,000 fr.
Les victimes du pillage furent, à la vérité, apaisées, mais la ville entière est dans la souffrance, et comme le disent les pétitionnaires, les sinistres qu'ils ont éprouvés ont été l'effet du mouvement révolutionnaire qui a procuré la liberté et l'indépendance de la Belgique : à ce titre ils se croient fondés à réclamer une part dans l'indemnité que la chambre allouera, sans doute, aux victimes de la révolution.
Toutes les pièces justificatives désirables sont jointes à la pétition.
Votre commission, messieurs, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministres de l'intérieur.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. le président**.** - L'ordre du Jour appelle la discussion générale du projet de loi relatif aux indemnités ; en vertu du pouvoir qui m'est attribué par l'art. 33 de la constitution, je demande que la discussion générale s'ouvre en comité général ; les motifs de la mesure vous seront donnés en comité : la chambre prendra alors les dispositions qu'elle jugera convenir.
- La chambre se forme en comité secret.
La séance secrète est levée à 4 heures, pour être continuée demain.