(Moniteur belge n°93 du 3 avril 1841)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Le sieur Sébastien Struelens, militaire pensionné des Pays-Bas, ayant servi depuis 1804 jusqu’en 1827, demande de jouir de l’augmentation de pension accordée par la loi du 24 mai 1838. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Des habitants des communes de Sautour, Cerfontaine, Mahée, Treignies, Gimnée, Villers-deux-Eglises, Villers et Sart-en-Fagne, Neuville, Fagnolle et Senzeille adressent des observations en faveur de la proposition de MM. Brabant et Dubus (aîné). »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la proposition et insertion au Moniteur.
« Des habitants de Farcienne-Ahérée (Philippeville) adressent des observations contre la proposition de MM. Brabant et Dubus (aîné). »
- Même décision.
« Le sieur Manche, ex-capitaine de volontaires et de la garde civique mobilisée, demande une indemnité. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. le président – La discussion est ouverte sur le projet de loi suivant, proposé par la commission, et auquel se rallie M. Donny, auteur de la proposition primitive :
« Art. unique. Sont remises en vigueur les dispositions relatives à la morue, antérieures au décret du gouvernement provisoire du 7 novembre 1830.
« Il ne sera plus accordé de primes pour d’autre pêche de morue que pour celles d’hiver et d’Islande. »
M. Cogels propose par amendement la disposition suivante :
« Art. unique. Les droits sur la morue, provenant de la pêche étrangère, en saumure ou en sel sec, par tonne à poisson ordinaire, du poids brut d’environ cent cinquante à cent soixante kilogrammes sont portées à vingt-cinq francs à l’entrée, libre à la sortie, transit un pour cent. »
M. Cogels – Messieurs, l’objet principal que nous devons avoir en vue, c’est la protection de notre marine nationale, l’encouragement à donner au développement de cette marine. La Belgique n’a pas les mêmes éléments de succès que les autres pays pour le développement de sa marine. Ainsi il lui manque le petit cabotage ; je nomme ainsi les transports par mer d’une partie du pays à l’autre. Ces transports sont nuls en Belgique, par suite des grandes facilités qu’offrent les communications intérieures. Eh bien, d’après le projet de loi, tel qu’il est rédigé par la commission, on vous propose la suppression d’une partie des primes accordées à la pêche nationale. Je regarderais cette suppression comme très dangereuse, parce que peut-être, malgré la protection que vous accorderiez par la prohibition du poisson étranger, vous détruiriez en partie les encouragements donnés à notre marine. Que faut-il après tout ? Une protection suffisante pour la consommation du pays, principalement pour la consommation de la classe moyenne. Le droit, proposé d’abord par l’honorable M. Donny (le double du droit actuel) établissait une protection suffisante pour la consommation en général ; il offrait seulement un accès au poisson étranger pour les classes riches, qui ont le goût plus délicat, et qui ne se contentent pas de ce poisson, lequel jusqu’à présent, il faut le reconnaître, est d’une qualité inférieure.
Un autre avantage de ma proposition, c’est qu’en ne portant pas de prohibition, en permettant encore l’entrée du poisson étranger avec des droits très élevés, vous engagerez la pêche nationale à s’améliorer, c’est-à-dire les armateurs à apporter plus de soin dans la salaison et dans l’apprêt de leur poisson, à atteindre ce degré de perfection qu’on a atteint en Hollande.
On propose de remettre en vigueur les dispositions qui existaient sous l’ancien gouvernement. Mais vous concevez que les motifs qui ont alors dicté la prohibition n’existent plus maintenant ; car nous étions alors réunis à la Hollande. Le poisson offrait alors toutes les qualités que l’on peut désirer. Maintenant il n’en est plus de même. Je pense donc que la proposition primitive de l’honorable M. Donny offre à la pêche nationale plus de protection que n’en offrirait le projet présenté par la commission, et que d’un autre côté elle offre les avantages que j’ai signalés. Ce sont les motifs qui m’ont engagé à la présenter de nouveau à la chambre.
M. Donny – Lorsqu’en 1837 j’ai eu l’honneur de vous présenter mon projet de loi sur la pêche, les armateurs jetaient alors déjà des cris de détresse. Ils soutenaient que le prix de la morue était tombé beaucoup au-dessous de sa limite normale. J’étais alors tellement persuadé qu’ils avançaient la vérité, on m’avait fait voir si clairement que tel était l’état des choses, que je n’hésitai pas à prédire que c’en était fait de la pêche nationale, si la situation s’empirait encore.
Aujourd’hui les prix sont tombés beaucoup plus bas encore, et malheureusement la prédiction que j’avais faite alors s’est déjà réalisée en partie. La pêche d’Islande, celle à laquelle nous devons attacher la plus grande importance, parce que c’est celle-là qui nous fournit les meilleurs marins, attendu qu’elle est constamment entourée de dangers et d’orages, la pêche d’Islande a donné, en 1839, des résultats tellement défavorables que depuis lors aucun armateur belge n’a plus osé l’entreprendre ; oui, messieurs, depuis 1839 la pêche de la morue dans les parages d’Islande est complètement abandonnée en Belgique ; ce fait prouve mieux que tous les raisonnements du monde l’état de souffrance où se trouve cette industrie.
Je vais toutefois vous communiquer un autre fait qui n’est pas moins significatif. Un agent comptable qui administre une trentaine de chaloupes de mer de pêche à Ostende s’est rendu dans le sein de la commission. Là il a déposé sur le bureau tous ses registres et pièces de comptabilité depuis 1826 jusqu’aujourd’hui. Ces pièces ont démontré de la manière la plus claire que la pêche est aujourd’hui dans un état déplorable.
Je ne vous ferai pas le tableau détaillé des résultats de toutes ces écritures. Mais je vous dirai seulement quel a été le produit de la pêche, pour les bateaux dont je viens de parler, pendant la dernière année.
Je tiens en main deux tableaux que je mets à la disposition de tous les honorables collègues qui voudront en prendre connaissance. Ils y verront les résultats que donne la pêche.
Pendant l’hiver de 1839-1840, vingt chaloupes de pêche ont donné ensemble aux armateurs un bénéfice de 8,549 fr. par contre onze autres chaloupes ont donné une perte de 4,786 fr. De sorte que les 31 chaloupes ont procuré ensemble un bénéfice net de 3,762 francs, c’est-à-dire 121 fr. 37 c. par chaloupe, terme moyen.
Le résultat de la saison d’été de 1840 a été plus défavorable encore ; car, d’après le tableau de cette période, chaque bateau de cette pêche n’a présenté qu’un bénéfice de 74 fr. 59 c. ; de sorte que les deux périodes réunies ont donné, par chaloupe, un bénéfice d’un peu moins de 200 francs. Or une chaloupe complètement équipée absorbe un capital de 16,000 francs, de sorte que les armateurs auront retiré, pendant la dernière année, 1 et ¼ p.c. de leurs capitaux ; de capitaux engagés dans des navires, et qui par conséquent diminuent de jour en jour et disparaissent complètement au bout d’un petit nombre d’années. Vous concevez qu’il est impossible qu’aucun homme jouissant de son bon sens continue quelque temps encore cette espèce d’armement.
Pour porter remède à cet état de choses, j’avais eu l’honneur de vous proposer une augmentation de droits, en vue de diminuer la concurrence étrangère ; car c’est surtout la morue d’un pays voisin, qui, encombrant nos marchés, est cause de la vilité du prix. En faisant cette proposition, il entrait dans mes intentions de maintenir les primes que la législature accorde chaque année à la pêche. Votre commission, après avoir entendu les armateurs du port d’Ostende, a été d’une autre opinion ; elle a voulu atteindre le même but ; mais elle a suivi une route différente. Elle a pensé qu’il valait mieux revenir à la législation décrétée, de commun accord avec nos anciens frères du Nord, et qui maintenant encore est en vigueur chez eux. Mais la commission a pensé, par contre, que comme ce système était plus avantageux qu’une simple augmentation de droits on était en droit d’obtenir des armateurs une compensation, et de supprimer une partie des primes et je me suis rallié à cette manière de voir. Aujourd’hui l’honorable M. Cogels vient de reproduire mon premier système.
Quant à moi, je crois que l’un et l’autre systèmes peuvent mener au même but. Je voterai donc pour le premier qui sera mis aux voix ; s’il n’est pas adopté, je voterai pour le second. Je le répète, je les considère l’un et l’autre comme propres à atteindre le but qu’on se propose.
Je ne puis laisser sans réfutation ce qu’a dit l’honorable M. Cogels relativement à la qualité du poisson. Il considère comme un fait reconnu que la qualité du poisson belge est inférieure à celle du poisson hollandais. Je crois qu’il y a ici des distinctions à faire.
La Hollande ne nous envoie qu’une seule espèce de morue, c’est celle qu’on pêche au Doggersbank et en hiver ; tandis que la pêche belge fournit au pays de la morue d’Islande, de Feroë, du Doggersbank, prise pendant l’été, et du Doggersbank, prise en hiver. Il y a donc différentes espèces de morues ; or, les morues d’Islande et de Feroë sont considérées par les Belges aussi bien que par les Hollandais, comme étant d’une qualité inférieure au poisson pris au Doggersbank. Il est donc tout simple que dans le public, il se soit introduit une notion d’infériorité du poisson belge, parce qu’on aura comparé le poisson pris dans les parages d’Islande et Feroë au poisson hollandais.
Quant au poisson pris au Doggersbank, je ne puis admettre qu’il y ait une différence ; et quant à la qualité de ce poisson-là, je suis heureux de pouvoir vous citer un fait qui peut vous être confirmé à l’instant même par un de nos honorables collègues.
La famille de l’honorable M. Zoude s’approvisionne depuis deux ans de morue belge. (Hilarité.) L’honorable membre me permettra d’en appeler à son témoignage ; il s’agit du sort d’une industrie à laquelle il s’intéresse comme à toutes les industries du royaume.
L’année dernière, la famille de l’honorable membre s’est approvisionnée en morue d’été ; et, cette année-ci, elle s’est approvisionnée en morue d’hiver ; et dans ces deux années, je n’ai entendu que des éloges sortir de la bouche de notre collègue. Je suis heureux de pouvoir ici invoquer son témoignage. Sans doute, messieurs, je ne me permettrais pas de le faire, s’il ne s’agissait d’une question de vie ou de mort pour une industrie aussi intéressante que celle-là.
Je dirai encore un mot sur la qualité du poisson si, comme on le suppose, il y avait entre les deux espèces de morue quelque différence autre que celle que je viens de signaler, le fait serait facile à expliquer, et tout aussi facile à faire disparaître dans la suite.
Vous savez, messieurs, que la délicatesse de la morue dépend de la quantité de sel qu’on y met. Moins on met de sel, plus le poisson est agréable au goût ; mais aussi moins on met de sel, moins le poisson peut se conserver.
On conçoit après cela que les pêcheurs hollandais qui peuvent compter sur un débouché certain et à jour nommé dans la Belgique se trouvent dans une position à faire de la morue plus agréable, mais qui se conserve moins, tandis que les pêcheurs belges, qui non seulement ne jouissent pas de cet avantage, mais qui sont certains de trouver le marché encombré par la morue hollandaise, sont peut-être amenés à employer un peu plus de sel.
Si par suite du projet de loi les rôles venaient à changer, si le pêcheur belge trouvait la certitude de placer son poisson de la même manière que les armateurs hollandais, il pourrait l’arranger de la même façon que nos voisins du nord, et y mettre moins de sel.
Mais je crois, je le répète, que la grande différence qu’on trouve entre les produits des deux pays provient de ce qu’on met en comparaison la morue prise dans les parages de Feroë et d’Islande avec celle prise au Doggersbank.
M. Zoude – Je me hâte de répondre à l’appel que m’a fait l’honorable préopinant. On pourrait peut-être croire que nous ne sommes pas compétents sur la matière ; mais je dirai que nous mangeons beaucoup de poisson de rivières, et surtout des truites, et que dès lors on peut être certain que nous avons le palais délicat. (Hilarité.)
Nous sommes d’ailleurs visités par des personnes venant de l’étranger, et tout le monde s’accorde à dire que jamais on n’a mangé de meilleure morue. Nous partageons aussi le poisson avec nos voisins qui disent la même chose.
M. Cogels – Messieurs, ce n’est pas tant en faveur des gourmets que j’ai parlé, qu’en faveur de la marine, et parce que je vois de grands dangers dans le projet de la commission, quant à la suppression des primes.
Ce sont ces primes que je voudrais maintenir, parce que je crains que leur suppression ne soit pas compensée par les avantages qui seront accordés à la pêche par le nouveau projet. C’est là principalement le motif qui m’a guidé ; car vous concevez que pour ce qui regarde la délicatesse du palais des gourmets, ceci n’est qu’un motif tout à fait secondaire.
M. Dumortier – Messieurs, la discussion qui nous occupe est certainement très opportune, car c’est l’époque où on mange du poisson ; elle vient comme marée en carême.
Messieurs, je ne puis partager les craintes de l’honorable M. Cogels sur les résultats du projet de loi. En effet, la morue d’Ostende jouit d’une réputation justement méritée, et d’après les renseignements parvenus à ma connaissance, dans toutes les localités où on en a usé, on a eu à s’en féliciter et à s’en louer, mais il en est souvent de la morue comme de tous les autres produits indigènes : on n’est pas prophète dans son pays ; la morue n’a pas plus de privilèges que tout autre objet, et dans beaucoup de localités il suffit que la morue vienne de notre pays pour qu’on trouve qu’elle ne vaut rien.
Les armateurs d’Ostende ont déclaré à la commission que dans une de nos villes principales, à Liége, ils ne pouvaient placer de la morue. Qu’ont-ils fait pour démontrer la bonté de leur marchandise ? Ils ont envoyé quelques tonnes gratis aux principaux marchands, et quand on a eu goûté de cette morue, on a fini par en demander, et l’on a trouvé qu’elle était aussi bonne que la morue hollandaise. Voilà un fait qui répond clairement à ce que vous a dit l’honorable M. Cogels.
Il est certain que notre pêche fournit de la morue abondamment pour la consommation et d’une qualité aussi bonne qu’on peut le désirer. D’ailleurs, quand la ville d’Anvers se livrera de son côté à la pêche, ce qui peut très bien se faire, il s’établira entre les deux villes une concurrence, on cherchera à perfectionner les produits et cela tournera en définitive à l’avantage de l’industrie de notre pays. Ainsi tombe ce que vous a dit l’honorable M. Cogels quant à la qualité.
L’honorable membre craint le retour à la législation antérieure. Remarquez que le tarif du roi Guillaume a été maintenu en tous ses points à l’avantage de notre industrie, excepté pour l’article qui nous occupe maintenant. Et même, toutes les lois que vous avez votées depuis la révolution ont eu pour but d’augmenter la protection accordée par ce tarif. Je le répète, un seul article, celui qui nous occupe, a présenté un résultat contraire. Pourquoi ? parce que lors de la révolution la pêche en Belgique était presque nulle, par suite de la quasi-fermeture du port d’Ostende par les Hollandais.
Il a fallu créer de nouveau cette industrie. Pour cela on a commencé par dévaser le port d’Ostende ; on a ensuite accordé des primes pour la construction des navires de pêche, et enfin pour la pêche elle-même.
Le résultat de ce système a été prodigieux. Il a amené cet immense avantage, qu’il est démontré par des chiffres que la pêche nationale satisfait à la consommation du pays. Dès lors, les motifs pour lesquels il a été institué n’existant plus, rien de plus simple que de revenir à la législation qui nous régissait antérieurement.
Messieurs, si nous sommes arrivés à un aussi heureux résultat, c’est, je l’admets, au moyen du système des primes. Mais il faut reconnaître une chose ; c’est que le système des primes doit avoir une fin. Le gouvernement doit accorder des primes pour créer une industrie, lorsque cette industrie est nécessaire, lorsqu’elle est indispensable à la prospérité nationale ; et certes, une des branches principales de la prospérité nationale, c’est la navigation ; et vous ne créerez pas de navigation si vous n’encouragez la pêche. Le gouvernement et les chambres ont donc bien fait d’accorder des primes.
Mais faut-il continuer ces primes ? Là est toute la question. Eh bien, je maintiens que lorsqu’une industrie est arrivée à ce point qu’elle peut se suffire à elle-même, qu’elle peut suffire à la consommation nationale, la continuation des primes serait un mal, et puisque vous avez l’occasion de les supprimer en donnant une compensation qui ne retombe pas à la charge du trésor, mais à la charge des consommateurs, vous devez la saisir, d’autant plus qu’il s’agit d’une réduction de près de 60,000 francs dans votre budget.
Je dis que les primes deviendraient un mal. Car si vous continuez à en accorder pour l’entrée de la morue dans le pays, vous arriverez à ce résultat que la production allant toujours croissante, on finira par demander des primes pour l’exportation de la morue.
Au contraire, le jour où vous aurez supprimé les primes, si comme tout porte à le croire, l’industrie de la pêche va toujours en se développant, et si les bénéfices ne sont plus aussi considérables, l’intérêt des armateurs les portera à disposer d’une partie de leurs navires pour d’autres pêches que celle de la morue. Ces mêmes navires se livreront à la pêche du hareng. Peut-être même nous verrons se faire la grande pêche, et c’est là que doivent tendre nos efforts.
Tour concourt donc à vous faire adopter le projet de la commission : d’abord l’intérêt de l’industrie ; secondement l’intérêt du trésor ; en troisième lieu, le moyen qu’il fournit de protéger la pêche du hareng et la grande pêche qui n’existe pas chez nous.
J’ai oublié de vous dire que, selon moi, la prime pour le poisson frais devant tomber en même temps que celle pour le poisson salé, en tant que la pêche s’effectuerait par les mêmes navires. Car le système du projet est que les navires seuls qui auront des sinistres à craindre, recevront des primes.
Quant aux primes pour la pêche au hareng, j’engage le gouvernement à les augmenter. Lorsque vous aurez créé cette industrie, vous verrez fabriquer dans votre pays tous les agrès nécessaires pour cette navigation, et vous obtiendrez tous les bénéfices qu’elle produit.
Je crois qu’il faut accorder tous les encouragements nécessaires pour que nos armateurs se livrent à la pêche du hareng sur une grande échelle, et pour qu’ils entreprennent même la pêche de la baleine, cette pêche si développée en Amérique, en France et en Angleterre, et qui n’existe pas chez nous. Mais si vous continuez le système des primes pour la morue, ne vous y trompez pas, nos armateurs ne s’adonneront pas à d’autres pêches.
Je pense donc que la mesure que nous proposons, indépendamment qu’elle est favorable au trésor et à nos armateurs, est une mesure d’avenir qui doit avoir de grandes conséquences pour le sort des industries les plus urgents et les plus nécessaires à notre prospérité industrielle.
M. Desmet – Messieurs, il me paraît que nous sommes tous d’accord qu’il faut encourager autant que possible la pêche nationale ; mais deux moyens sont en présence, et il s’agit de savoir lequel des deux sera le meilleur. Je sais bien que les primes entraînent souvent des abus, mais il ne faut pas cependant y renoncer alors que des primes sont nécessaires. Or, ici il est indispensable d’accorder des primes, non seulement pour protéger la pêche nationale contre la concurrence étrangère, mais aussi pour donner quelqu’avantage à ceux qui appliquent leurs capitaux à cette pêche.
Les pêcheurs sont divisés sur les mesures qu’il convient de prendre ; les uns demandent un droit protecteur et le maintien des primes, les autres renonceraient aux primes pour avoir la prohibition. Certainement, messieurs, quand la prohibition est réelle, c’est une bonne protection, mais je crains que la prohibition ne serait pas réelle ; il y aura toujours moyen d’introduire la morue étrangère sans qu’on puisse la saisir. On sait comment cela se pratique : les pêcheurs eux-mêmes achètent le poisson étranger et l’introduisent comme s’il provenait de leur propre pêche.
Il me semble donc qu’il faut adopter la proposition de l’honorable M. Cogels, qui établir une protection suffisante pour la pêche nationale. Je crois que le maintien des primes est nécessaire, puisque notre pêche est encore à sa naissance ; qu’il arrive souvent aux armateurs des malheurs qui leur font perdre une partie de leurs capitaux.
Je voterai pour la proposition de l’honorable M. Cogels.
M. Mast de Vries – Messieurs, j’ai peu de chose à ajouter à ce qui a été dit par l’honorable M. Dumortier en faveur de la proposition faite de prohiber l’entrée de la morue étrangère.
Je suis en général ennemi des prohibitions, mais ici je me suis rallié au projet et voici quelques-uns de mes motifs.
D’abord, je ne partage pas la manière de voir de l’honorable M. Desmet, qui pense que si nous adoptons la proposition de M. Cogels, il n’y aura pas d’appât pour la fraude. La proposition de l’honorable M. Cogels établit un droit assez élevé pour donner un appât à la fraude, et si cette proposition est adoptée on fraudera tout aussi bien que s’il y avait prohibition.
Ensuite, messieurs, la mesure proposée est tout à fait dans l’intérêt du trésor. Autrefois il entrait 4 à 5,000 tonnes de morue étrangère qui donnaient au gouvernement un revenu de 50 à 60,000 francs ; mais, d’un autre côté, le gouvernement payait pour 60,000 francs de primes aux pêcheurs belges. Aujourd’hui il n’entre plus que 2 ou 3,000 tonnes de morue étrangère, et le droit ne produit plus, par conséquent qu’une trentaine de mille francs ; cependant nous payons toujours pour 50 ou 60,000 fr. de primes aux pêcheurs d’Ostende. Eh bien, messieurs, les pêcheurs d’Islande demandent eux-mêmes que l’on ne donne plus de primes, mais que l’on prohibe le poisson étranger.
D’après cela, messieurs, j’adopterai la proposition de la commission.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Je regrette, messieurs, qu’après avoir dormi pendant plusieurs années, ce projet ait été reproduit devant cette chambre presqu’à l’improviste et sans qu’il ait été possible au gouvernement de soumettre l’affaire à une instruction complète. Quoi qu’il en soit, messieurs, le peu d’observations que je vais faire prouveront qu’un droit, tel que celui présenté par l’honorable M. Cogels, et que pour ma part je regrette de ne pas voir moindre encore que 23 fr. par tonne, que ce droit vaut cependant infiniment mieux que la prohibition.
Une chose, messieurs, qu’il ne faut pas se dissimuler, c’est que la morue d’hiver, de Hollande, est fort supérieure en qualité à la morue qui vient d’Ostende. L’honorable député d’Ostende en est convenu lui-même, et on le comprend fort bien quand on sait ce qui se passe : en effet, messieurs, les pêcheurs d’Ostende ne pêchent la morue au Doggersbank qu’en été ; à peine si sur les 80 chaloupes de pêcheurs il s’en rend 3 ou 4 au Doggersbank, en hiver. On peut donc dire qu’en règle générale il ne vient d’Ostende que de la morue pêchée en été. Or, messieurs, il est très facile à concevoir que la morue pêchée en été et salée par conséquent en été, devant servir en hiver et même pendant le carême qui suit l’hiver ; il est, dis-je, très facile à concevoir que cette morue est coriace, qu’elle est d’une qualité telle qu’on a peine à la vendre, alors que les Hollandais, qui font la pêche en hiver, pendant les mois de décembre et de janvier, nous amènent de la morue fraîche qui est recherchée par tout le monde.
Une conséquence, messieurs, de cet état de choses, c’est qu’il faudrait pousser les pêcheurs d’Ostende à se rendre au Doggersbank même en hiver. Il faudrait faire en sorte que la pêche nationale pût nous procurer en hiver du poisson d’aussi bonne qualité que celui qui nous est amené par les Hollandais. Mais est-ce là ce que vous allez amener si vous adoptez la prohibition ? Non, messieurs, le résultat sera tout à fait inverse. Adopter la prohibition, c’est dire aux habitants de la Belgique : Je vous défends de manger d’autre morue que la morue d’Ostende, qui a été salée depuis six mois. Je dis que ce serait là un grand mal. C’est au contraire le système des primes, système que l’on critique ici, qui est seul capable d’amener un changement dans ce qui existe aujourd’hui. C’est en poussant les pêcheurs d’Ostende à aller pêcher en hiver, aussi bien que les Hollandais, la morue dont le pays a besoin surtout pendant le carême, que nous les mettrons à même de satisfaire les consommateurs du pays.
On s’est plaint, messieurs, que le bénéfice de la pêche d’hiver est tellement faible que nos pêcheurs ne peuvent pas lutter contre les pêcheurs hollandais ; mais ici encore il existe des causes d’infériorité qu’il dépend de nos pêcheurs de faire disparaître : les pêcheurs hollandais se rendent à la pêche avec de petits navires dont le tonnage va jusqu’à 80 tonneaux, tandis que les chaloupes des pêcheurs d’Ostende ont un tonnage infiniment moindre ; les Hollandais peuvent donc amener à chaque voyage une plus grande masse de poissons que les pêcheurs d’Ostende, et dès lors ils doivent faire des bénéfices beaucoup plus considérables.
Messieurs, si j’avais besoin de trouver une preuve de ce que j’ai avancé tantôt, je la trouverai dans les développements de la proposition de l’honorable M. Donny lui-même, où il dit que la pêche de la morue au Doggersbank se fait pendant l’été principalement, et qu’à peine deux ou trois chaloupes se rendent chaque hiver dans ces parages.
Eh bien, messieurs, vous ne pouvez pas forcer les habitudes du consommateur, il est accoutumé à avoir de la morue fraîche, vous ne pouvez pas le forcer à manger en hiver de la morue pêchée en été, et qui a été salée depuis 6 mois. C’est déjà assez de lui faire payer la morue plus cher qu’il ne l’a payée jusqu’à ce jour, car, quoi que vous fassiez, jusqu’à ce que les pêcheurs d’Ostende fassent la pêche au Doggersbank en hiver, aussi bien que les Hollandais, il n’arrivera pas un tonneau de morue étrangère de moins ; seulement le consommateur paiera plus cher. Eh bien, messieurs, mieux vaut encore admettre un droit de douanes qui élèvera le prix de la morue que de prohiber totalement la morue étrangère. Dans quel moment, surtout, adopteriez-vous cette prohibition, alors que de tous côtés on invite le gouvernement à faire des ouvertures à la Hollande pour arriver à la conclusion d’un traité de commerce, alors que tant d’intérêts sont en souffrance à cause de la privation du marché hollandais ? Par cela seul, que nous n’avons pas encore de traité de commerce avec la Hollande, je crois que, si l’on ne veut pas nuire aux relations diplomatiques entre les deux pays, il ne faut pas procéder par des prohibitions.
Je me rallie donc à l’amendement de l’honorable M. Cogels, qui établit un droit protecteur. Ce droit, messieurs, est tel qu’il équivaut à 62 p.c. En effet, un droit de 24 fr. sur une tonne de morue qui revient, comme l’a dit l’honorable M. Donny, à 40 fr., cela fait bien à peu près 62 p.c. à la valeur. Si avec un encouragement semblable une industrie ne peut pas se soutenir, il fait reconnaître qu’il est impossible qu’elle se soutienne.
M. Dumortier – Je crois, messieurs, qu’il est facile de répondre à M. le ministre de l'intérieur et de lui démontrer que les primes, loin d’être un moyen d’engager les pêcheurs nationaux à se rendre en hiver au Doggersbank, doivent avoir un résultat tout contraire. En effet, messieurs, quel est l’état actuel des choses ? On accorde des primes pour la pêche d’été, et des primes pour la pêche d’hiver, c’est-à-dire qu’on accorde des primes pour la pêche facile et des primes pour la pêche difficile. Il résulte de là que les pêcheurs s’adonnent à la pêche facile pour jouir de la prime et qu’ils abandonnent la pêche difficile dont les désavantages ne sont pas compensés par la prime.
Si vous n’avez que 3 ou 4 navires qui vont chaque hiver au Doggersbank, c’est parce que vous accordez des primes à la pêche d’été : si vous n’accordiez de primes que pour la pêche d’hiver, alors la prime engagerait les armateurs à se livrer à cette pêche. C’est ce qui arrive en Hollande où il n’existe de primes que pour la pêche d’hiver. Suivez le système hollandais et les pêcheurs belges iront pêcher en hiver le poisson dont vous avez besoin pendant le carême.
Si vous adoptez l’amendement de l’honorable M. Cogels, vous aurez à la vérité un droit de 62 p.c. sur le poisson étranger, mais d’un autre côté vous aurez à payer en primes, 69 ou 80,000 francs par an. Eh bien, messieurs, puisque les primes sont devenues inutiles, puisque les armateurs disent eux-mêmes que si vous rétablissez l’ancienne législation, les primes sont inutiles, il me semble qu’il faut dégrever le trésor de cette charge.
Je ne comprends pas alors que c’est l’industrie elle-même qui vient vous dire : Cette prime ne nous est plus nécessaire, si vous voulez nous replacer dans la position où nous étions anciennement ; je ne comprends pas, dis-je, comment on pourrait refuser à l’industrie une pareille protection, à moins qu’on ne veuille faire à l’industrie une pareille protection, à moins qu’on ne veuille faire les affaires de quelques marchands de morue aux dépens de la généralité. Il me semble donc que, dans l’intérêt de l’industrie, comme dans celui du trésor, nous devons accueillir une semblable proposition.
L’honorable M. Desmet craint qu’on ne favorise la fraude en supprimant les primes ; il veut conserver les primes, et, à l’appui de son opinion, il dit que souvent les navires chargent des tonnes de morue en pleine mer. S’il en était réellement ainsi, il est certain que les primes seraient accordées à la pêche étrangère ; mais les choses ne se passent pas ainsi ; voici ce qui se fait quelquefois en pleine mer : il existe une espèce de poisson dont l’introduction seule est permise en Angleterre, je veux parler des turbots ; les turbots peuvent entrer en Angleterre, et comme l’Angleterre paie fort cher les denrées qu’elle consomme, naturellement la pêche nationale a intérêt à introduire des turbots dans ce pays. Eh bien, quelquefois, à ce qu’on nous a assuré, des pêcheurs en pleine mer échangent des turbots qu’ils ont pris contre d’autres poissons pêchés par d’autres navires ; encore les armateurs de qui la commission tient ce renseignement nous ont dit qu’il était douteux que cela fût ainsi, et le doute est tellement fondé que toutes les fois qu’un paquebot anglais quitte Ostende, il emporte avec lui un grand nombre de turbots provenant de la pêche nationale ; de manière que si l’échange du turbot contre d’autres poissons en pleine mer s’effectue, c’est dans des cas bien rares. Nous n’avons donc pas à craindre la fraude ; car si cette fraude se commettait, le système de l’honorable M. Desmet serait un appât offert à l’importation étrangère.
Je ne vois donc pas de motif sérieux pour s’opposer au projet de loi présenté par la section centrale.
M. Cogels – Je crois devoir faire remarquer à la chambre que l’économie qui résulterait de la suppression des primes ne serait pas aussi importante qu’on pourrait le croire. En effet, le crédit affecté à la pêche dans le budget de 1841 est de 80,000 fr. ; ce crédit ne s’applique pas seulement à la pêche de la morue, mais à toute la pêche nationale. Ainsi, l’économie qui serait la conséquence de l’adoption du projet de la commission ne serait pas de 80,000 fr., car des primes seraient toujours réclamées et pour la pêche de la morue d’Islande, et pour la pêche de la morue d’hiver.
Une autre considération faite par le même orateur est relative au commerce de fraude qui se ferait, et qui serait encouragé par des primes, c’est-à-dire que les navires auxquels il est accordé une prime pour la pêche nationale prendraient en pleine mer des poissons provenant de la pêche étrangère. Mais cet inconvénient, s’il existe, vous ne l’éviterez pas par la prohibition, au contraire vous l’aggraverez, car nécessairement le prix de cette morue étrangère que vous ne pourrez peut être pas reconnaître, devant par la prohibition, s’élever beaucoup, vous encouragez vos pêcheurs nationaux à aller aussi prendre en pleine mer des poissons provenant de la pêche étrangère et à les introduire comme s’ils provenaient de la pêche nationale.
Voilà les seules observations que j’avais encore à présenter à la chambre.
M. Donny – Je ne rentrerai pas dans le fond de la discussion, je crois que la question est assez éclaircie ; mais je ne puis laisser la chambre sous l’impression de l’idée qu’on fait en mer une fraude considérable de poissons.
Je dirai d’abord que la fraude en mer du poisson salé est impossible. Le poisson est placé dans des futailles ; or, vous concevrez l’impossibilité de cette fraude quand vous saurez que les futailles des pêcheurs des Flandres sont d’une dimension toute différente de celle des futailles dont se servent les pêcheurs hollandais, et ce n’est que de ceux-ci qu’on pourrait prendre du poissons salé. Les futailles de France sont d’ailleurs aussi d’une dimension différente. Il est donc impossible de se procurer de cette manière du poisson salé, pour l’importer en Belgique.
Quant à la fraude des turbots, j’ai aussi entendu dire, mais il y a de cela un grand nombre d’années, que cette fraude se pratiquait. Je veux croire qu’à cette époque le fait était vrai, mais alors il n’arrivait pas à Ostende un seul turbot, parce qu’on trouvait plus d’avantage à échanger ces poissons en mer. Aujourd’hui au contraire il nous en arrive une grande quantité, et la preuve, c’est que, comme l’a dit l’honorable M. Dumortier, il ne part d’Ostende pour l’Angleterre aucun paquebot qui n’emporte avec lui un bon nombre de ces poissons ; preuve qu’on ne les échange plus en mer, comme cela paraît s’être pratiqué autrefois.
M. Mast de Vries – Je demanderai si pour le cas où l’amendement de l’honorable M. Cogels serait adopté, il entre dans l’intention du gouvernement de conserver toutes les primes.
M. Donny – Je dois faire remarquer à l’honorable M. Mast de Vries qu’il entre bien certainement dans les intentions du gouvernement de laisser toutes les primes dans l’état où elles sont actuellement ; car s’il en était autrement, vous rendriez la position de la pêche plus défavorable qu’elle ne l’est déjà ; elle ne se soutient aujourd’hui que par les primes.
- Personne ne demandant plus la parole, on passe au vote de l’amendement de M. Cogels qui remplacerait les dispositions proposées par la section centrale.
Cet amendement est adopté.
La chambre déclare l’urgence.
Il est procédé au vote par appel nominal.
58 membres y prennent part.
52 répondent oui.
6 répondent non.
En conséquence, le projet de loi est adopté, il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Brabant, Cogels, Coghen, Cools, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Renesse, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, (manque un ou deux noms) Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Hye-Hoys, Lange, Liedts, Lys, Maertens, Mast de Vries, Nothomb, Peeters, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Van Cutsem, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Vilain XIIII et Zoude.
Ont répondu non : MM. Delfosse, Eloy de Burdinne, Milcamps, Pirmez, Sigart et Troye.
M. le président – Il n’y a plus rien à l’ordre du jour ; je vais consulter la chambre sur son ordre du jour ultérieur.
M. Rodenbach – Puisqu’il a été décidé dans des séances précédentes qu’on ne voulait pas s’occuper maintenant de projets de loi importants, il me semble que nous devrions nous ajourner jusqu’au 20 courant, cela ferait une vacance de Pâques de trois semaines. Si cette date ne convient pas ou qu’on propose un ajournement indéfini, la chambre décidera.
M. Milcamps – Il me semble qu’il vaudrait mieux laisser au président le soin de nous convoquer si cela est nécessaire.
Plusieurs membres – Non ! non !
M. le président – Je mettrai d’abord aux voix l’ajournement au 20 avril ; si cette proposition n’est pas adoptée, je mettrai aux voix la proposition de M. Milcamps.
- La chambre consultée s’ajourne au mardi 20 avril.
M. le président – Que mettra-t-on à l’ordre du jour de cette séance ?
M. Rodenbach – Dans des séances précédentes, il a été question de mettre à l’ordre du jour deux projets de loi, la loi d’indemnité et la loi sur les lins. On peut les mettre à l’ordre du jour pour la séance de rentrée.
M. de Garcia – Je demanderai qu’on mette aussi à l’ordre du jour la loi interprétative en matière de cantonnement sur laquelle sur laquelle un rapport a été fait à une des dernières séances. De cette manière, nous serions certains d’avoir quelque chose à faire à notre retour.
M. de Langhe – Je ne comprends pas la nécessité de mettre quelque chose à l’ordre du jour dans la situation où nous nous trouvons. Nous ne savons pas ce qui va arriver. Nous ne savons pas si nous nous réunirons. Comment peut-on, dans cette incertitude, se préparer à discuter des projets de loi aussi importants. Ou il y aura un nouveau cabinet, ou il n’y en aura pas. Quel qu’il soit, il sera tellement absorbé par la gravité de la situation, qu’il ne pourra pas s’occuper d’objets aussi importants et qui demandent des études aussi approfondies que les lois relatives aux indemnités et à la sortie des lins.
Je demande qu’on ne mette rien à l’ordre du jour.
M. Cools – A une séance précédente il a été décidé qu’on ne pouvait, dans la situation où nous nous trouvons, mettre à l’ordre du jour aucun projet de loi important, non plus celui sur les indemnités que celui sur la sortie des lins. Et cela se conçoit facilement. Si on veut mettre absolument quelque chose à l’ordre du jour de notre prochaine séance, il n’y a que le projet dont a parlé M. de Garcia, qui puisse y être mis.
Quant aux deux objets dont a parlé M. Rodenbach, ils sont d’un intérêt si majeur que je crois qu’il sera impossible de les discuter à cette époque.
M. Rodenbach – Si à l’époque du 20 avril la position est la même qu’aujourd’hui, et que la chambre ne veuille pas s’occuper de projets de loi importants, nous pourrons revenir sur notre décision et ajourner ces projets jusqu’à ce qu’une résolution soit prise relativement au cabinet. Mais il convient de mettre quelque chose à l’ordre du jour de notre prochaine séance, et je demande qu’on mette les projets que j’ai indiqués. Nous déciderons le 20 avril s’il convient d’en retarder la discussion.
M. de Garcia – J’insiste sur la mise à l’ordre du jour du projet de loi relatif aux cantonnements. C’est un projet en un seul article. Comme j’ai eu l’honneur de le faire observer déjà, ce serait un déni de justice que de refuser de statuer sur une question d’interprétation, car c’est un véritable arrêt que la chambre est ici appelée à rendre.
C’est en vain que M. de Langhe nous dit qu’il n’est pas certain si nous nous réunirons. Quand la chambre a décidé qu’elle se réunira, il est à présumer que la réunion aura lieu. Si des événements surviennent qui l’empêcheront, le mal d’avoir mis un projet de loi à l’ordre du jour ne sera pas grand.
J’insiste donc pour qu’on mette à l’ordre du jour de notre prochaine séance le projet de loi dont j’ai parlé. Quant à celui relatif aux indemnités, je conviens que la matière est grave et qu’il serait difficile de l’aborder alors ; mais il n’en est pas de même du projet concernant les cantonnements.
M. Demonceau – Je reconnais avec mes honorables collègues, qu’il y aura impossibilité de s’occuper de la loi d’indemnité et de la loi sur la sortie des lins, ces deux lois présentant des questions politiques, en l’absence d’un cabinet stable. Mais il n’en est pas de même de la loi interprétative en matière de cantonnement ; cette loi ne peut avoir trait à aucune question politique. C’est une question que nous devons juger. Vous comprendrez dès lors qu’en l’absence même d’un cabinet, nous pouvons prendre une résolution. Nous pouvons nous borner à mettre à l’ordre du jour de la séance du 20 avril, la loi interprétative en matière de cantonnement, car comme il y a division sur cette question entre les jurisconsultes, cette discussion occupera toute la séance, et nous pourrons alors, si nous revenons, fixer la mise à l’ordre du jour de la loi d’indemnité et de la loi sur la sortie des lins.
M. Rodenbach et M. de Langhe se rallient à cette proposition.
- En conséquence, le projet de loi interprétatif en matière de cantonnement est seul mis à l’ordre du jour de la séance de mardi, 20 avril.
La séance est levée à 2 heures ¼.