(Moniteur belge n°71 du 12 mars 1841)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures.
M. de Villegas lit le procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Des propriétaires des houillères du bassin de Liége adressent des observations en faveur de la fabrication du sucre de betterave. »
M. de Renesse – Messieurs, par pétition datée de Liége, du 1er mars courant, des propriétaires des charbonnages de la province de Liége, parmi lesquels ont signé : MM. Orban, Braconnier, Dandrimont-demet, Vincent Malarche, Richard Lamarche, Francotte, Grisar, Rossires, M. Corbisier, Waltery, Watrin, Koeler, et plusieurs autres des plus recommandables, demandent à la chambre de vouloir, dans la discussion de la question des sucres, ne point perdre de vue les intérêts de la fabrication du sucre des betteraves ; si cette fabrication était sagement protégée, elle doterait le pays d’une industrie indigène qui deviendrait très importante, et exercerait une heureuse influence sur l’industrie charbonnière ; les pétitions exposent : que depuis les événements politiques de 1830, les propriétaires des charbonnages de la province de Liége ont perdu leur principal débouché au dehors ; le marché hollandais est resté ferme, depuis cette époque, à leurs produits, la mise en activité d’un grand nombre de hauts fourneaux a remplacé pendant deux années seulement le marché extérieur ; la crise financière, que le pays a subie, jointe à beaucoup d’autres causes, a amené un temps d’arrêt dans la production de ces grandes usines, dont plus de la moitié sont actuellement fermées ; par suite de cette fermeture, plusieurs grandes exploitations houillères ont été forcées de réduire leur extraction, et de régler leur production sur les besoins de la consommation intérieure ; les fabriques du pays sont restées les seuls débouchés un peu importants pour leurs charbons ; parmi elles, les pétitionnaires signalent en première ligne, pour la grande quantité de houilles, que chacune d’elles consomment, les fabriques de sucre de betteraves.
Ils ajoutent que l’on peut constater par leurs livres de recettes que chaque fabrique de sucre indigène consomme, pendant une fabrication de six mois, 3 millions de livres de houille, ainsi les 36 fabriques de sucre qui se sont établies en Belgique, consomment annuellement 108 millions de charbon. Cette consommation sera doublée et triplée le jour où le gouvernement accordera à cette nouvelle industrie les conditions nécessaires à sa prospérité.
Les pétitionnaires ajoutent, en outre, qu’aucune autre industrie du pays ne peut offrir une telle importance pour le placement des produits charbonniers, et comme le commerce de la ville d’Anvers a pétitionné en faveur du commerce du sucre exotique, ils croient faire acte de justice et de loyauté en recommandant à la chambre l’industrie du sucre de betteraves, que les véritables intérêts matériels du pays commandent de favoriser.
J’ai cru que la pétition des propriétaires des charbonnages de la province de Liége était assez importante pour en faire une analyse plus détaillée, et qu’il était nécessaire d’attirer déjà, avant la discussion de la question des sucres, l’attention de la chambre sur l’importance qu’attache l’industrie charbonnière de Liége au maintien des fabriques de sucre de betteraves.
Je demanderai le dépôt de cette pétition sur le bureau de la chambre pendant la discussion du projet de loi sur les sucres, et insertion au Moniteur.
- La proposition de M. de Renesse est adoptée.
« Des habitants de la commune de Wyneckt demandent l’augmentation du droit à l’entrée sur les toiles étrangères et sur les lins et étoupes à la sortie. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à la sortie du lin.
« Des habitants de Donceel demandent des mesures protectrices de la fabrication du sucre indigène. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les sucres et insertion au Moniteur.
Par dépêche en date du 25 février le sénat renvoie à la chambre le projet de loi relatif à la compétence civile, projet qu’il a amendé.
Ce projet de loi est renvoyé à la commission qui a été chargée de l’examen du projet primitif.
La chambre charge le bureau de nommer un membre de cette commission en remplacement de M. Liedts.
(manque quelques mots) qu’il a rejeté les demandes en naturalisation ordinaire, formées par les sieur Arniz et Aulart.
- Pris pour notification.
Par divers messages de la même date, le sénat adresse à la chambre 21 demandes en naturalisation qu’il a prises en considération.
- Renvoyé à la commission des naturalisation, pour qu’elle formule des projets de loi.
M. Jadot monte à la tribune et dépose le rapport de la section centrale qui a été chargée de l’examen de la proposition de M. Verhaegen relative aux sucres. M. Verhaegen ayant consenti à l’ajournement de sa proposition, la section centrale propose à la chambre de s’occuper de la disposition du budget des voies et moyens qui concerne les sucres.
- La chambre met cet objet à l’ordre du jour de demain.
L’article unique du projet est conçu comme suit :
« La loi du 24 mars 1838 (Bulletin officiel n°20) est applicable à la vente faite en présence d’un concours d’individus convoqués à s’assembler à jour et à heures fixes, dans un local ouvert au public, dans lequel les marchandises exposées sont successivement mises en vente à la criée, et attribuées à celui qui déclare les prendre pour le prix fixé par le vendeur. »
M. Van Cutsem – Messieurs, appréciant enfin le mérite des nombreuses plaintes qui lui parvenaient de toutes les parties du pays, le gouvernement proposa, en 1838, à la législature un projet de loi pour empêcher les ventes à l’encan qui occasionnaient le plus grand tort au commerce de détail établi à demeure ; ce projet fut approuvé par le pouvoir législatif et acquit force de loi le 24 mars de la même année. Quoiqu’il fut évident pour tout homme qui interprète les lois autant par leur esprit que par leur texte, que le législateur avait voulu restreindre non seulement les ventes à l’encan faites d’une manière régulière, avec l’intervention d’un officier public, mais encore toutes les ventes publiques par adjudication qui auront lieu d’après un autre mode, et que toute interprétation différente tendrait à annuler complètement la protection qu’on a voulu assurer au commerce régulier, les individus qui parcourent le pays pour vendre leurs marchandises avec l’intermédiaire d’un officier public essayèrent d’éluder la loi, en faisant des ventes en présence d’un concours de personnes convoquées à s’assembler à jour et heures fixes dans un local ouvert au public dans lequel ils mettaient successivement leurs marchandises en vente à la criée et les attribuaient à celui qui déclarait les prendre pour le prix fixé par le vendeur.
Ce nouvel abus donna lieu à de nouvelles plaintes de la part d’un commerce qui est digne de toute la sollicitude du gouvernement, et ce fut pour y faire droit que des poursuites furent dirigées contre ceux qui se permettaient des ventes de cette espèce ; certains tribunaux condamnèrent les contrevenants, d’autres les acquittèrent, enfin la cour suprême a considéré la loi du 24 mars 1838 comme applicable au marchand qui, dans un local ouvert à tous, met successivement en vente les marchandises étalées aux regards d’un concours d’individus convoqués par annonces et affiches et attribue ces marchandises à celui des assistants pour le prix fixé par le vendeur. C’est cette interprétation de la cour régulatrice que le gouvernement vous propose d’adopter par une loi.
Je ne viens pas combattre la proposition du gouvernement, mais je viens vous dire qu’elle sera encore insuffisante pour protéger le commerce de détail de nos villes et communes aussi longtemps que nous ne prendrons pas une disposition législative qui mette un terme au colportage, ou qui l’astreigne au moins à de telles formalités qu’il ne se fera plus sur une échelle telle qu’il tue le commerce de détail à demeure fixe : la loi de 1838 défend les ventes aux enchères, le projet dont nous nous occupons défend les ventes publiques à des heures déterminées, mais aucune disposition légale n’interdit aux colporteurs d’exposer leurs marchandises de villes en villes, de communes en communes, même devant la demeure de personnes détaillant des objets similaires, et d’attirer vers eux le public par des moyens illicites, par des moyens qu’on peut qualifier d’escroquerie ; nous voyons chaque jour des affiches immenses annoncer ces sortes de vente, nous voyons même distribuer des cartes pour être admis dans les locaux où elles ont lieu, et chose incroyable, pendant que les magasins de nos malheureux détaillants sont vides, le public fait queue à la porte des colporteurs pour s’y faire tromper. Quand je dis que le public est dupe des manœuvres frauduleuses des colporteurs, je ne dis rien de trop, car il y a certainement manœuvre frauduleuse lorsque, pour attirer le public, ces industriels donnent au commencement de la vente du jour leurs marchandises à 50 p.c. au-dessous du cours, telles que des bottes neuves à 5 fr., du café à 50 centimes le kilogramme, pour leur faire payer un peu après ces marchandises dont le public ne connaît ni la qualité ni la valeur normale une fois autant qu’elles valent ; quand un homme a acheté des articles dont il connaît la valeur pour la moitié de ce qu’il les payerait ailleurs, il croit acquérir les autres au même taux et c’est alors qu’il est trompé et qu’il est trompé au moyen de manœuvres frauduleuses, au moyen d’escroquerie, car sans ces manœuvres il n’aurait pas acquis, parce que l’homme un peu prudent n’achète que les objets dont il connaît la valeur, et ce n’est qu’en le faisant raisonner du connu à l’inconnu qu’on lui enlève ses deniers.
A l’aide de cette comédie, cette espèce d’escrocs fait des affaires considérables et porte le découragement chez les négociants de tous les endroits qu’il visite.
Si ces ventes nuisent au commerce honnête, elles ne sont pas moins désastreuses pour le consommateur ; car les bonnes marchandises qu’il achète de ces gens, il les pays à un prix plus élevé que s’il les prenait aux magasins établis dans nos villes ; celles qu’il acquiert à bon compte ne lui sont d’aucun usage.
Devons-nous laisser ruiner notre commerce de détail par cette espèce de commerce qui s’exerce par des juifs et des étrangers ? devons-nous permettre que de pareils aventuriers trompent impunément nos consommateurs ? non, nous ne pouvons pas tolérer plus longtemps un pareil scandale ; nous ne pouvons plus souffrir que des étrangers, des gens sans aveu, puissent, au moyen d’une patente insignifiante, venir porter le trouble dans l’ordre établi et compromettre ainsi le sort des petits négociants sans qu’il en résulte aucun avantage pour le consommateur. Ces sortes d’affaires ne peuvent que porter atteinte à la moralité publique, et, pour ce motif encore, nous devons les empêcher dans un pays qui s’est toujours distingué par sa bonne foi dans les affaires mercantiles ; nous devons encore les empêcher, alors même que le public ne serait pas trompé par ces colporteurs, parce que dans un pays comme le nôtre, où les communications sont si étendues et si faciles, nous n’avons pas besoin des affaires de cette espèce. La grande concurrence, qui existe déjà dans toutes les industries et dans tous les commerces, n’assure-t-elle pas assez le bon marché au consommateur ?
Depuis longtemps nos chambres de commerce se sont plaintes au gouvernement du colportage, et je suis étonné que jusqu’à présent, on n’ait proposé aucune mesure pour l’empêcher ou le rendre moins fatal au commerce et au pays. Au commencement de notre indépendance, il s’exerçait dans le Borinage seulement. Aujourd’hui il se pratique sur toute l’étendue de notre pays, et il finira par anéantir notre commerce de détail à demeure, si on ne met une barrière a ses débordements.
Depuis quelque temps ce trafic honteux a tellement grandi, que le colportage a pris rang dans le commerce, que le négociant lui réserve des marchandises spéciales, et que l’industrie a mis en jeu toute sa finesse pour lui plaire ; l’industrie fabrique particulièrement pour le colportage une qualité apparente qui trompe l’œil, qui imite le bon ; c’est par suite de ce stratagème que les toiles à la mécanique tissés dans les environs de Roulers, qui ne peuvent se débiter sur nos marchés, commencent à être colportées et vendues pour toiles de fil à la main.
Nous vous avons démontré que le colportage est immoral et nuisible au consommateur, nous ajouterons encore quelques mots pour constater que la loi le favorise injustement aux dépens du détail.
Il est un principe immuable de droit, qui proclame tout le monde égal devant la loi, et nous vous le demanderons, y a-t-il égalité entre le colporteur et le détaillant ? l’unp aie des loyers élevés, des taxes communales, des contributions personnelles et des patentes ; il reste sans bouger sans son domicile et doit attendre l’acheteur ; l’autre échappe à toutes ces charges au moyen d’un simple patente, il bat le pays et traque le consommateur.
Ne soyez donc pas étonné, messieurs, que je vienne aujourd’hui élever la voix contre ce trafic honteux et injuste ; mes plaintes sont provoquées par la détresse dans laquelle se trouve le commerce de détail qui doit tomber entièrement, si nous ne prenons pas contre le colportage des mesures semblables à celles qui sont proposées contre les ventes à l’encan ; et pourquoi ne les prendrions-nous pas puisqu’il y a les mêmes motifs d’agir contre l’un comme contre l’autre ?
Si une mesure répressive ne peut être prise contre le colportage, parce qu’elle porterait atteinte à la constitution qui proclame la liberté de commerce, ne pourrait-on pas dans ce cas prendre quelques dispositions en harmonie avec la loi général sur les patentes, et dire :
1° Que par extension de la loi générale sur les patentes, tout colporteur, indépendamment de sa patente obligatoire pour parcourir le pays, sera tenu de se procurer au secrétariat ou chez le bourgmestre ou chez son délégué au besoin, de chaque ville ou commune qu’il désire parcourir une patente particulière ;
2° Que cette patente ne pourra lui être délivrée que sur l’exhibition de son passeport en due forme, et de sa patente acquittée en conformité de la loi générale ;
3° Qu’elle sera, quant au taux approximativement la même que celle prescrite par la loi générale ;
4° Qu’elle sera considérée comme taux communal ou municipal, que son produit sera affecté au profit des villes ou communes afin de contribuer à l’allègement des charges des contribuables où le colportage s’exerce ;
5° Que le produit des amendes pour les contraventions en matière de colportage appartiendrait, pour les trois quarts, aux saisissants et, pour le surplus, à la ville ou à la commune où la saisie aurait été faite, afin d’exciter l’émulation des gardes-champêtres, des aides de police et des gendarmes, chargés de l’exécution de la loi à porter.
Tels sont, messieurs, les quelques renseignements et réflexions que j’ai cru devoir vous soumettre à l’occasion de la discussion du projet de loi portant interprétation de la loi du 24 mars 1838, relative aux ventes à l’encan, et j’ose espérer que le ministère et cette assemblée voudront bien y avoir égard pour protéger une classe si intéressante de la société qui s’adresse à eux par mon organe.
M. Pirson – Je ne pense pas, messieurs, que le projet dont il s’agit puisse rencontrer la moindre opposition : mais les faits que je vous ai signalés hier prouvent qu’il y a autre chose à faire et après les développements dans lesquels l’honorable M. Van Cutsem vient d’entrer à cet égard, tout le monde sentira que le projet actuel est insuffisant pour remédier au mal.
Par suite de faillites qui ont lieu, non seulement en Belgique, mais même dans les pays voisins, on vient vendre à vil prix des quantités considérables de marchandises. Dernièrement encore, on a vendu, à Dinant, une masse de marchandises provenant d’une banqueroute frauduleuse qui avait eu lieu en France. Nous ne pouvons pas tolérer un semblable moyen de vol, car ce sont de véritables vols que ces sortes de banqueroutes.
Le pis de tout cela, messieurs, c’est que de semblables exemples pourraient peut-être engager quelque grand spéculateur étranger à venir faire des ventes de cette espèce dans nos différentes villes et surtout dans nos campagnes. On pourrait ainsi venir établir des masses de marchandises que l’on vendrait à 50 ou 100 p.c. de perte dans le but de ruiner nos fabriques et d’enlever notre argent.
Je crains, messieurs, que si l’on adopte immédiatement le projet de loi qui nous est soumis, les mesures signalées par l’honorable M. Van Cutsem ne soient encore ajournées pour longtemps. Je voudrais que l’on chargeât une commission de vous proposer de semblables mesures, ou que M. le ministre de la justice voulût bien examiner la chose et nous présenter un projet de loi. C’est un objet de la plus haute importance pour le pays et qui est peut-être plus urgent qu’on ne le pense.
M. de Renesse – Messieurs, depuis quelques temps, des plaintes se sont élevées dans diverses parties du royaume, contre les abus du colportage ; ces abus paraissent prendre chaque jour plus d’extension, et font éprouver une perte très considérable au commerce de détail de beaucoup de localités ; aussi, les commerçants regardent actuellement le colportage comme un plus grand fléau que les ventes à l’encan, dont la loi du 24 mars 1838 a heureusement restreint les abus.
Les colporteurs ou déballeurs sont la plupart des étrangers, ne payant qu’un faible droit de patente ; parfois même, ce sont des faillis, des banqueroutiers, qui viennent inonder le pays de marchandises étrangères ; il s’associent aussi à des commerçants indigènes, qui se trouvent en état de gêne, et qui se servent de l’intermédiaire de ces colporteurs pour débiter à vil prix leurs magasins ; il est impossible que le commerce régulier des villes et communes puisse lutte contre l’extension extraordinaire que prend le colportage. Il est urgent d’aviser aux moyens d’empêcher, ou du moins de restreindre les abus d’un commerce irrégulier, de manière à ce qu’il ne puisse nuire au commerce de détail, qui est soumis à des faits assez considérables, mérite par conséquent toute l’attention de la chambre et du gouvernement.
Au moyen du commerce de colportage, il arrive souvent que les acheteurs et surtout les campagnards sont les dupes de ces détaillants, qui parcourent beaucoup de communes, et leur vendent des marchandises à la vérité à des prix inférieures à la valeur réelle, sous la garantie d’être de bonne qualité ; mais l’usage malheureusement apprend trop tard aux acheteurs que ce sont des marchandises rebuts de magasins, et par conséquent, de nulle valeur, et qu’ils ont été les dupes de ces charlatans marchands.
Les abus du colportage ont engagé les commerçants de plusieurs villes et communes, d’envoyer des délégués à une réunion de commerçants qui a eu lieu à Bruxelles ; un comité a été formé, chargé de la rédaction d’une adresse aux chambres, et de provoquer des mesures propres à empêcher les abus du colportage qui, s’ils continuaient, porteraient un grand préjudice, particulièrement au commerce de détail.
Je crois, messieurs, qu’il y a lieu d’appeler l’attention de M. le ministre de la justice sur les abus du colportage, pour que le gouvernement puisse aviser au plus tôt aux moyens propres à empêcher les abus du colportage, qui cause la ruine du commerce de détail ; mais il faudrait que les mesures à prendre fussent proposées dans un bref délai, pour que les chambres puissent les discuter avant la clôture de la session actuelle.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, les observations que vous venez d’entendre sont toute relatives au colportage et par conséquent étrangères à la présente loi qui n’a d’autre objet que l’interprétation d’une disposition en vigueur, interprétation devenue nécessaire par suite d’une dissidence entre la cour de cassation et deux cours d’appel. Quoi qu’il en soit, je prendra note de ces observations, mais je dois faire remarquer qu’elles ne concernent pas mon ministère, elles concernent mon honorable collègue de l’intérieur, et j’aurai soin de les lui communiquer.
M. Pirson – Il est vrai, messieurs, que le projet qui nous est soumis en ce moment n’est qu’un projet de loi interprétatif de la loi sur les ventes à l’encan, et je suis persuadé que personne peut-être ne le repoussera. Cependant, l’interprétation dont il s’agit devient peut-être inutile, car ceux auxquels la loi pourrait s’appliquer ont trouvé le moyen de s’y soustraire ; ils ne font plus de ventes à l’encan ; ils étalent leurs marchandises dans une boutique, ils y mettent des prix et ils annoncent d’avance qu’ils vendent à 25, 50 et même 100 p.c. ; de rabais. Il arrive souvent qu’au commencement ils vendent à 100 p.c. de perte ; quelque jours après, ils vendent un peu plus cher, mais il n’en est pas moins vrai qu’ils attirent ainsi une masse d’acheteurs. Il est urgent, messieurs, de porter remède au mal, et je crains bien que si le projet actuel est voté immédiatement, la chose ne soit de nouveau perdue de vue.
Je voudrais donc que le projet qui nous est soumis en ce moment fût ajourné jusqu’à ce que le M. le ministre de l'intérieur nous ait présenté d’autres mesures sur le colportage. Je voudrais que nous nous occupassions simultanément de ces mesures et de l’interprétation dont il s’agit aujourd’hui. Je ne veux pas empêcher l’interprétation, mais je désire provoquer des mesures relativement au colportage.
M. Rodenbach – Je partage en grande partie l’opinion qui a été émise par l’honorable M. Pirson et l’honorable député de Courtray, mais je n’appuierai pas l’ajournement, puisque les manœuvres que l’honorable M. Pirson vient de signaler devront cesser par suite de l'interprétation dont il s’agit.
Il est vrai qu’il existe d’autres abus ; mais les idées qui ont été émises par l’honorable M. Van Cutsem doivent être mûrement examinées. Le colportage présenté sans doute des abus ; mais il y a aussi un colportage que nous ne pouvons pas empêcher : il y a des gens qui ne peuvent pas vendre chez eux, chez qui les acheteurs ne se présentent pas, et qui sont par conséquent poussés au-dehors par le besoin. Peut-être leur patente est-elle trop minime, c’est possible ; je pense que M. le ministre de l'intérieur examinera cette question. Il y aura peut-être moyen d’élever la patente des colporteurs ; alors les autres débitants qui paient de lourds impôts pourraient soutenir la concurrence, mais je pense aussi qu’il ne faut pas anéantir, par des amendements, le colportage ; car le colportage est aussi un commerce. Je sais qu’il y a beaucoup de personnes qui se livrent à ce genre de commerce dans le but de faire des dupes ; mais il y a aussi d’honnêtes gens que le besoin force d’exercer le colportage.
M. Delehaye, rapporteur – Messieurs, je suis loin de prétendre que les observations qui ont été faites par d’honorable préopinants ne soient pas fondées ; je me permettrai seulement de dire que ces observations sont extrêmement étrangères à l’objet tout spécial de la discussion qui nous occupe. Un fait a été constaté à Termonde. Ce fait a été envisagé par le parquet, comme constituant un délit aux termes de la loi du 24 mars 1838. Les deux cours d’appel qui ont été appelées à se prononcer sur ce fait, ont jugé qu’il ne tombait pas sous l’application des dispositions de la loi de 1838. La cour de cassation n’a pas partagé cette opinion ; de là nécessité pour la chambre d’interpréter la loi, nécessité pour elle d’examiner si le fait qui a été constaté à Termonde rentre dans les cas prévus par la loi. C’est la seule appréciation à laquelle la chambre doive se livrer maintenant. Il ne s’agit pas dans ce moment de prohiber ou de restreindre le colportage, il ne s’agit pas d’examiner combien le colportage est nuisible au commerce ; il s’agit uniquement de savoir si le fait qui s’est passé à Termonde tombe bien réellement dans les dispositions de la loi de 1838. Je pense que le réquisitoire de M. le ministre de la justice, alors procureur-général à la cour de cassation, ne peut laisser à cet égard aucun doute. Les conclusions de ce réquisitoire ont été adoptées par la cour de cassation, et la commission qui a été chargée d’examiner le projet de loi a été également d’avis, après avoir examiné les pièces, que la loi de 1838 est applicable au fait dont il s’agit ; c’est donc dans le sens présenté par le gouvernement que la commission demande que la chambre interprète la loi ; mais en ce qui concerne le colportage, je dois faire observer que la loi de 1838 ne s’y applique nullement, et qu’on l’on ne peut pas de ce chef comme le demande l’honorable préopinant, amendement le projet de loi qui n’est qu’une loi interprétative.
M. Rodenbach – Je n’ai pas parlé d’amender la loi.
M. Delehaye, rapporteur – Je retire alors mon observation, mais j’avais cru que vous aviez parlé d’un amendement. Dans tous les cas, je me permettrai de dire que si le gouvernement ne propose pas de mesures pour réprimer les abus du colportage, j’userai de mon droit d’initiative, et je m’entendrai avec mes honorables collègues pour présenter un projet de loi.
M. de Muelenaere – Messieurs, comme l’honorable préopinant vient de dire qu’il est disposé à s’entendre, le cas échéant, avec ses collègues, pour présenter un projet de loi répressif des abus du colportage, les observations que je voulais soumettre à la chambre deviennent en quelque sorte sans objet. Je suis d’accord avec l’honorable préopinant, que les considérations qui ont été présentées ne se rattachent pas au projet de loi en discussion. Ce projet a pour but d’interpréter une loi antérieure, la loi du 24 mars 1838. Cette loi ne prévoit que les ventes à l’encan. Mais l’honorable M. Pirson a fait observer, selon moi avec beaucoup de raison, que le gouvernement serait dans l’erreur, s’il croyait avoir, au moyen de cette loi interprétative, remédié aux abus que présente le colportage : cette loi est entièrement impuissante pour prévenir ces abus ; ces abus, tout le monde le reconnaît, sont graves, ces abus sont nombreux, ils sont patents. Dès lors je suis entièrement de l'avis des honorables préopinants, que les abus du colportage doivent fixer l’attention sérieuse du gouvernement, et qu’il serait désirable qu’au moyen d’une loi, sans prohiber tout à fait le colportage, dans certains cas, on pût en prévenir les abus, abus qui ont été signalés de tous côtés, par le commerce, par les autorités locales elles-mêmes et par les particuliers.
M. Pirson – D’après la promesse que vient de faire l’honorable rapporteur de la section centrale, de s’occuper, de concert avec ses collègues, de ma proposition sur le colportage, et de s’entendre avec M. le ministre de l'intérieur à cet égard, je renonce à la proposition que j’avais faite, d’ajourner la discussion du projet de loi.
M. Delehaye, rapporteur – Je n’ai pas dit que je m’entendrais à cet égard avec M. le ministre de l'intérieur ; j’ai dit qu’à l’effet de prévenir les abus du colportage, j’userais de mon initiative de député, et présenterais un projet de loi, pour le cas où le gouvernement ne proposerait pas lui-même des mesures dans ce but.
- Personne ne demandant plus la parole, il est procédé à l’appel nominal sur l’article unique du projet de loi.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 60 membres qui ont pris par au vote. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu à l’appel : MM. Buzen, Cools, de Behr, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, Demonceau, de Muelenaere, de Potter, de Puydt, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez, Donny, B. Dubus, Dumont, Eloy de Burdinne, Fallon, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lange, Leclercq, Lys, Maertens, Manilius, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Peeters, Pirmez, Pirson, Puissant, Raikem, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Trentesaux, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude.
M. le président – Avant de passer au second objet à l’ordre du jour, je rappellerai à MM. les présidents des sections que la chambre est saisie d’un projet de loi assez urgent, puisqu’il intéresse le trésor. Ce projet de loi a pour but de réduire les pénalités en matière de timbre et d’enregistrement. Je prierai MM. les présidents des sections de vouloir bien instruire ce projet en sections ; les sections pourraient s’occuper en même temps de la proposition de MM. Seron et Puissant. (Oui !)
Le bureau à nommer M. Raikem pour remplacer M. Liedts, comme membre de la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la compétence civile, qui vient d’être renvoyé par le sénat.
L’article unique du projet de loi, amendé par la commission, d’accord avec M. le ministre de la justice, est conçu comme suit :
« Le personnel du tribunal de Bruxelles est augmenté d’un juge.
« Par modification à l’article 56 du Code d’instruction criminelle, le gouvernement est autorisé à nommer un troisième juge d’instruction dans l’arrondissement de Bruxelles. »
- Personne ne demandant la parole, il est procédé à l’appel nominal. Le projet de loi est adopté à l’unanimité de 63 membres qui ont répondu à l’appel nominal. Il sera transmis au sénat.
Les membres qui ont pris par à ce vote son les mêmes que ceux qui ont répondu au premier appel nominal, plus MM. de Brouckere, Raymaeckers et Smits.
M. Peeters – En 1837, M. Heptia a fait une proposition tendant à supprimer la quatrième classe des tribunaux de première instance. La chambre en a ordonné le renvoi aux sections. Mais les sections ne s’en sont pas occupées. Je demande que cette proposition que j’ai faite mienne soit examinée par les sections.
M. le président – j’appellerai l’attention de MM. les présidents des sections sur l’observation faite par l’honorable membre.
« Article unique. La loi du 7 mars 1837, qui autorise le gouvernement à accorder, dans certains cas, la remise des droits d’entrée sur les machines et mécaniques introduites dans le pays, est prorogée par un terme de trois années.
« Le bénéfice de cette prorogation sera applicable aux machines et mécaniques qui, depuis le 7 mars 1840, ont été importées dans le pays et remplissent les conditions voulues par la loi. »
- Personne ne demandant la parole, il est procédé à l’appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 61 membres présents.
La section centrale propose de supprimer les considérants.
M. le ministre se rallie à cette suppression.
« Art. 1er. La section de Robelmont, y compris les fermes de Verly et Harpigny, est détachée de la commune de Villers-la-Loue, province de Luxembourg, et érigée en commune distincte sous le nom de commune de Robelmont. Les limites de cette nouvelle commune sont fixées telles qu’elles existaient avant sa réunion à Villers-la-Loue, opérée en 1823. »
- Adopté.
« Art. 2. Le cens électoral et le nombre des conseillers à élire dans la commune de Robelmont seront déterminés par l’arrêté royal fixant le chiffre de sa population. »
- Adopté.
« Art 3. Les états de classification des communes, annexés à l’arrêté royal du 12 avril 1836, seront modifiés par le Roi, s’il y a lieu, en ce qui concerne la commune de Villers-la-Loue. »
- Adopté.
Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet qui est adopté à l’unanimité des 59 membres présents.
M. le président – Nous avons maintenant des projets de loi de naturalisations ordinaires. Conformément aux antécédents de la chambre, j’ouvrirai la discussion sur chacun des projets, et si aucun ne rencontre d’opposition, on passera à l’appel nominal sur l’ensemble des projets.
- Le projet de loi suivant est mis aux voix et adopté.
« Léopold, Roi des Belges,
« A tous présents et à venir, salut.
« Vu la demande du sieur Alexandre-Josep Collard, chirurgien-accoucheur, né le 4 mai 1793 à Aire (France), domicilié à La Hulpe, canton de Wavre, district de Nivelles, tendant à obtenir la naturalisation ordinaire ;
« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835 ont été observées ;
« Attendu que le pétitionnaire a justifié des conditions d’âge et de résidence exigées par l’article 5 de ladite loi ;
« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Article unique. La naturalisation ordinaire est accordée audit sieur Alexandre-Joseph Collart. »
- La formule qui précède est applicable à chacune des demandes des sieurs :
Jean-Joseph Bouillon, né à Malmedy (Prusse), le 17 ventôse an V, demeurant à Liége.
Louis Debert, né à Bailleul (France), horloger, demeurant à Ostende.
Vincent Ciaberlani, chevalier de l’Eperon-d’Or, demeurant à Beveren (Flandre orientale), né à Monte-St-George (Italie).
Barthélemi Peemans, sans profession, né à Bregel (Prusse), demeurant à Stevensweeert (Limbourg).
Jean Debruyer, né à Paris, le 8 janvier 1798, propriétaire demeurant à Zenzeilles (province de Namur).
Charles-Frédéric-Guillaume Wantzel, né en mars 1807, à Corbach (Hesse-Darmstadt), géomètre à Namur.
Louis Didry, marchand épicier à Néchin (Hainaut), né à Flers (département du Nord).
Antoine-Joseph Quesney, né à Bracquemont (France), le 23 janvier 1781, propriétaire et commerçant, domicilié à Baelen, district de Turnhout.
Jean Bleyel, né à Filmar (duché de Nassau-Weilbourg), le 16 septembre 1784, éclusier au village de Nederweerdt (Limbourg)
Jean-Godefroid-Joseph-Mathieu Renette, né le 30 fructidor an VI, à Malmedy (Prusse rhénane), tanneur, demeurant à Andenne (province de Namur).
Charles Matagne, cultivateur, domicilié à Soire-sur-Sambre (province de Hainaut), né à Bousignies (France)
Christophe-Théodore Pelerin, capitaine de première classe d’état-major et faisant les fonctions d’inspecteur des études à l’école militaire, né à Châtillon (France), le 11 prairial an VII de la république française (30 mai 1799).
Jean Wilgé, cultivateur à Frisange (Luxembourg), né à Himmelange (France), le 21 août 1789.
Pierre-Louis-Noël Petit, lieutenant de vaisseau, au service de la marine belge, né à Calais (France), le 13 novembre 1804.
Amand-Louis Tardieu, avocat, sténographe de la chambre des représentants, né à Rouen (France), le 22 avril 1807.
Jean-Joseph Gravez, marchand de bois, membre du conseil communal à Sivry, né à Beaurieux (France), le 6 août 1783.
Jean-Baptiste-Gabriel Lemaire, tonnelier de profession, né à Wazemmes près de Lille, le 11 janvier 1774, demeurant à Nieuport.
Antoine Tschuschner, né à Deutschzlatnick (Bohème), le 7 août 1780, domicilié à Bruges.
François Begrand, commissionnaire et négociant, résidât à Halanzy, province de Luxembourg, né à Longwy (France), le 15févier 1787.
Jean-Chrétien-Nicolas Zerran, capitaine de navire, domicilié à Ostende, né à Lubeck, en Allemagne, le 10 octobre 1802.
Mademoiselle Amélie Wood, demeurant à Bruxelles, né » à Bredgor (Angleterre), le 19 mai 1811.
François-Joseph Cabra, Français, instituteur, demeurant à Rumes (Hainaut).
Jean-Baptiste-Hilaire De Tulle Du Poujal, ancien militaire, négociant à Beveren (Flandre occidentale), né à St-Géniés, département du Lot (France), le 15 septembre 1774.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur ces 25 projets de loi ; en voici le résultat :
51 membres sont présents.
50 votent pour l’adoption.
1 (M. de Puydt) vote contre.
La chambre adopte.
La séance est levée à 3 heures trois quarts.