(Moniteur belge n°68 du 9 mars 1841)
(Présidence de M. Dubus (aîné))
M. de Renesse procède à l’appel nominal à deux heures et demie.
M. de Villegas donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur Pierre Mersch, teinturier, à Virton, réclame contre une décision de la députation permanente du conseil provincial qui astreint un de ses fils au service militaire. »
« La dame veuve Gondry, ex-maîtresse de poste à Mons, demande réparation de la mesure qui a été prise contre elle en la privant de son relais de poste, sans indemnité. »
« Des cultivateurs du canton de Tirlemont demande des mesures propres à favoriser la fabrication du sucre indigène. »
- Ces trois pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
« Six fabricants de clous d’épingle, de Bruxelles, Liége, Herve et Gand adressent des observations contre l’augmentation proposée du droit sur les fils de fer. »
- La chambre renvoie cette pétition à la commission des pétitions, et sur la proposition de M. Delfosse en ordonne l’insertion au Moniteur, et pour le cas où cette insertion ne pourrait avoir lieu en temps opportun, la lecture et le dépôt sur le bureau.
Message du sénat faisant connaître l’adoption du projet de loi tendant à maintenir, pour 1841, les dispositions provisoires de la loi sur l’enseignement supérieur relative au mode de nomination des jurys d’examen.
- Pris pour notification.
M. Duvivier demande, par lettre, un congé de dix à douze jours.
- Accordé.
M. le président – La discussion est ouverte sur l’amendement introduit à l’article 1er et tendant à y substituer aux mots : « d’une date postérieure à l’époque fixée par l’article précédent, » ceux-ci : « d’une date postérieure à la promulgation de la présente loi. »
M. Peeters – Je m’oppose au projet de loi et à l’amendement . C’est la propriété foncière qui paie la plus grande parie des contributions du pays, elle paie la contribution foncière, les droits d’enregistrement et de succession. Car les possesseurs en portefeuille sont en général très pauvres en mourant, et ne paient presque pas de droits de succession ; c’est donc la propriété foncière qui doit tout payer. Si la valeur déclarée par les héritiers ne paraît pas suffisante au receveur d’enregistrement, il a soin de demander une expertise, ce que l’on ne peut pas faire pour les fortunes en portefeuille. Nous avons déjà voté trois centimes additionnels sur le foncier. D’un autre côté, on ne veut accorder aucune protection à l’agriculture. Le peu de protection qu’on avait, on veut l’ôter ; car M. le ministre de l'intérieur vient de présenter un projet de loi relatif aux céréales, qui tend à supprimer toute protection. La propriété boisée n’a pour ainsi dire pas de protection du tout ; car la loi qui existe équivaut à la libre entrée du bois. Dans un moment pareil, je m’oppose à toute majoration sur les droits de transcription. Où cherchera-t-on les ressources de l’Etat en temps de guerre ou lors des événements calamiteux, si l’on surcharge aujourd’hui la propriété foncière.
(Moniteur belge n°69 du 10 mars 1841) M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je voudrais faire observer à l’honorable préopinant qu’il est rentré dans la discussion du fond, et qu’il ne s’agit que d’un amendement.
(Moniteur belge n°68 du 9 mars 1841) M. Desmet – Je ne pense pas que l’on puisse s’opposer à ce que des membres de la chambre motivent leur vote. Quant à moi, c’est pour cela que je demande la parole.
Vous avez frappé la propriété foncière indirectement par les droits sur la bière et les distilleries et directement par les centimes additionnels à la contribution foncière. Maintenant, vous voulez la frapper encore par l’augmentation des droits de transcription. En vérité, c’est tuer la poule aux œufs d’or ; et quand vous aurez besoin, dans les temps difficiles, de la propriété foncière pour pourvoir aux dépenses de l’Etat, vous ne la trouverez pas. Ce n’est pas tout. Vous modifiez partiellement le tarif des douanes et vous frappez précisément l’agriculture et la fabrication, tandis qu’il est tant d’objets que dans l’intérêt même de l’industrie nationale, on pourrait imposer davantage sans aucun inconvénient. Vous obtiendrez donc le double avantage de protéger l’industrie et de fournir des fonds au trésor.
Je voterai contre le projet.
(Moniteur belge n°69 du 10 mars 1841) M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je regrette de devoir entrer dans la discussion du fond. Mais l’honorable préopinant se plaint de ce qu’on frappe l’industrie et l’agriculture. D’autres ajouteront le commerce. Je répondrai à cela qu’il n’y a pas un objet qui n’appartienne soit à l’agriculture, soit à l’industrie, soit au commerce.
L’honorable préopinant considère comme frappant l’agriculture les droits sur le genièvre et sur la bière. S’il en est ainsi, presque tous les droits atteignent plus ou moins l’agriculture.
L’honorable membre parle aussi des intérêts de l’industrie. Je lui ferai remarquer que la chambre a à son ordre du jour de cette séance un projet de loi qui tend à rétablir des droits plus élevés sur des objets de fabrication étrangère qui sont en concurrence avec des objets fabriqués dans le pays, et qui est par conséquent favorable à notre industrie.
(Moniteur belge n°68 du 9 mars 1841) M. Desmet – M. le ministre ne m’a pas compris. Je me suis plaint de ce qu’on augmente les droits sur les matières premières, tandis qu’on n’augmente pas des droits qu’on pourrait augmenter sans inconvénients, comme les droits d’entrée sur les tabacs et sur les fils étrangers et les droits de sortie sur les lins.
- La chambre adopte définitivement l’amendement adopté à l’article premier, la disposition additionnelle introduite à l’article 2 et la suppression de l’article 4.
Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet de loi ; en voici le résultat :
62 membres prennent part au vote ;
51 votent pour l’adoption ;
11 votent contre.
Ont voté pour l’adoption : MM. Cogels, de Behr, de Brouckere, Dedecker, de Foere, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Potter, de Puydt, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Donny, Dubois, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Leclercq, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rogier, Scheyven, de Baillet, Sigart, Simons, Smits, Trentesaux, Van Cutsem, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Verhaegen et Zoude.
Ont voté contre : MM. de Florisone, de Langhe, de Renesse, Desmet, Doignon, Dubus (aîné), Peeters, Pirmez, Troye, Ullens et Vilain XIIII.
M. le président – L’ordre du jour appelle en second lieu la discussion du projet de loi relatif à divers articles du tarif des douanes.
M. Jadot, rapporteur, présente les rapports de la section centrale du budget des voies et moyens sur les amendements présentés par MM. Mast de Vries et de Renesse, en ce qui concerne les foins et les tuiles, et par M. le ministre des finances, en ce qui concerne les huiles.
M. le président – Comme vous venez de l’entendre, en ce qui concerne les foins, la section centrale propose d’insérer au tableau, entre les article « figues » et « fruits », celui-ci :
« Foins, 1,000 kilogrammes, entrée 5 francs, sortie 50 c. »
(La majoration de droit n’est pas applicable aux foins importés des parties détachées du Limbourg et du Luxembourg.
Le gouvernement prendra les mesures propres à éviter tout abus à cet égard.)
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, j’ai insisté dans la dernière séance pour que cet objet ne fût pas compris dans la loi en discussion. Je crois encore qu’il y a un grand inconvénient à introduire de nouveaux articles dans cette loi.
Le rapport qui vient de nous être lu mériterait au moins d’être examiné ; il devrait être imprimé ; car je crois que nous ne pouvons improviser ainsi une loi, sans que nous ayons pris connaissance du rapport et de la question elle-même.
Messieurs, une enquête a été fait il y a quelques temps déjà par M. le ministre de l'intérieur. Les chambres de commerce ainsi que les commissions d’agriculture ont été interrogées sur le point de savoir s’il convenait d’augmenter les droits d’entrée sur les foins. Sur 16 chambres de commerce, 9 ont été d’avis qu’il ne fallait pas augmenter les droit ; sur 8 commissions d’agriculture 5 ont aussi émis une opinion contraire à toute augmentation.
Je crois que c’est là un motif suffisant pour ne pas précipiter la décision.
M. le ministre de l'intérieur a adressé sous la date du 18 janvier dernier, un rapport au sénat, sur le même objet ; ce rapport tendait à écarter toute majoration de droits. Le ministre est entré dans d’assez longs développements. Il me semble que la chambre pourrait aussi prendre connaissance de cette pièce avant de rien décider.
Je propose donc de ne pas comprendre l’article sur lequel il vient d’être fait rapport dans la loi actuelle, ou du moins d’en ajourner la discussion jusqu’à ce que la chambre ait pris connaissance du rapport de la section centrale et du rapport de M. le ministre de l'intérieur au sénat.
M. Jadot, rapporteur – Je ferai observer à la chambre que la section centrale a pris communication de ce document lorsque son rapport a été fait et qu’elle n’a pas trouvé qu’il y avait lieu de revenir sur sa résolution.
M. Demonceau – Messieurs, la section centrale avait pris sa résolution lorsque M. le ministre lui a communiqué les renseignements qu’il avait déjà transmis au sénat. Nous avons pris lecture de ces renseignements, et je crois qu’il serait en effet convenable que la chambre eût connaissance de ce travail, parce qu’il pourrait exercer de l’influence sur sa résolution.
Nous nous sommes décidés sur l’avis donné par la commission d’industrie ; ce sont les motifs qu’elle a fait valoir qui nous ont déterminés ; il peut sans doute être convenable d’ajourner la discussion, mais je crois qu’il n’y aurait pas le moindre inconvénient d’adopter la proposition de M. Mast de Vries.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, il ne faut pas perdre de vue le caractère de la loi actuelle. Il en s’agit pas du tout d’une loi tendant à protéger tel ou tel produit manufacturé, tel ou tel produit naturel ; il s’agit d’une loi fiscale.
M. le ministre des finances vous a dit dans plusieurs occasions que le but des différentes lois qu’il a présentées et qu’il a en même temps qualifiées de lois de voies et moyens, étaient purement financières. C’est déjà une raison pour ne pas changer facilement le caractère de ces projets de loi et pour ne pas les transformer en lois industrielles, en lois de protection. C’est dans tous les cas une raison pour donner au moins à la chambre le temps de délibérer sur de pareilles propositions.
Messieurs, si je ne m’abuse, la disposition proposée par la section centrale, frapperait surtout les provenances de la Hollande. Eh bien ! je demanderai si le moment est bien choisi, lorsque précisément il y a peu de temps il vient d’être présenté aux états généraux des propositions de loi de douanes dont nous pourrions avoir à souffrir et contre lesquelles votre gouvernement fera valoir par la voie diplomatique tous les moyens d’influence qui sont à sa disposition.
Je ne m’étendrai pas sur cette considération dont la chambre comprendra la portée ; elle suffit, sinon pour repousser la proposition, du moins pour empêcher qu’on l’adopte précipitamment et pour faire accueillir l’ajournement qui lui a été proposé par M. le ministre des finances.
M. Demonceau – Je demanderai à M. le ministre des finances, s’il y a quelque inconvénient à faire imprimer les documents communiqués à la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je n’y vois pas le moindre inconvénient. Il s’agit du rapport fait au sénat par M. le ministre de l'intérieur et de quelques documents statistiques.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je crois qu’en tout état de cause, il serait plus prudent de faire de l’objet en discussion une proposition séparée dont la chambre resterait saisie.
Nous n’entendons pas en décliner l’examen ; mais on doit dans cette chambre comme au banc des ministres peser toutes les considérations pour savoir si on doit ajourner ou admettre une semblable proposition.
Je crois d’ailleurs qu’il faut la séparer de la loi en discussion, parce que, comme cela a déjà été dit, celle-ci est une loi financière et non une loi de protection.
Voilà ce que la chambre doit bien se pénétrer.
M. Desmet – Messieurs, il y a un instant, nous venons de voter une majoration sur l’impôt foncier, et lorsqu’un membre fait une proposition avantageuse à la propriété foncière, on répond que la loi que nous faisons n’est pas une loi de protection, mais une loi fiscale. Eh bien, toutes les lois fiscales qui frappent sur les accises et sur les douanes sont des lois fiscales et des lois de protection, mais toute la différence est que pour frapper utilement et dans l’intérêt de votre pays, il faut établir des droits qui, qu’en même temps qu’ils fournissent des fonds au trésor, protègent les branches nationales de l’industrie !
On dit qu’on n’a pas consulté les chambres de commerce.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Au contraire, je dis qu’on les a consultées.
M. Desmet – Mais les a-t-on consultées pour augmenter l’impôt sur les distilleries ; les a-t-on consultées pour proposer des majorations sur le café, sur la bière ?
Je le répète donc, une loi fiscale est une loi de protection. La seule différence ici, c’est que la protection que propose M. Mast de Vries est avantageuse à l’agriculture, à la propriété et au fisc, puisqu’elle lui procurera des revenus.
Je crois donc que nous devons adopter immédiatement cette proposition et ne pas l’ajourner.
M. Demonceau – Je reconnais avec M. le ministre des affaires étrangères que la loi que nous discutons est plutôt une loi fiscale qu’une loi de protection. Je ne vois pas le moindre inconvénient à ce que le projet sur lequel la section centrale vient de vous faire son rapport soit séparé de la loi actuelle ; mais je demande qu’il reste cependant à l’ordre du jour pour être discuté après l’article Bières.
Je fais une proposition dans ce sens.
M. le ministre des finances (M. Mercier) –Je me rallie à la proposition de M. Demonceau.
- La proposition tendant à ajourner la proposition relative au foin, jusqu’à la discussion de toutes les dispositions du budget des voies et moyens, et à la laisser à l’ordre du jour pour être discutée après ces dispositions, est mise aux voix et adoptée.
M. le président – Le second rapport qui vous a été présenté par la section centrale, est ainsi conçu :
« La section centrale a examiné et la majorité a adopté l’amendement présenté par M. le ministre des finances à l’article « Huiles », en rétablissant l’annotation omise, par erreur, qui se trouve dans le projet primitif du gouvernement, et qui est ainsi conçue :
« Il sera accordé pour le coulage de l’huile de baleine 12 p.c., et pour le lard de baleine 6 p.c. sans distinction des lieux d’où ces marchandises viennent. »
« Et en substituant à l’annotation en marge des huiles ne pouvant servir aux fabriques, celle-ci :
« Le gouvernement est autorisé à prendre les mesures nécessaires pour n’appliquer cette disposition qu’aux huiles d’olive ne pouvant servir aux fabriques. »
« La minorité de la section centrale a rejeté toute majoration sur les huiles, parce qu’elle craint qu’elle n’exerce une influence défavorable sur l’industrie. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je me rallie aux conclusions de la section centrale.
M. Demonceau – Vous remarquerez que les propositions de la section centrale ne différent de celles du gouvernement que sur un point ; et sur ce point, quoique je sois en quelque sorte l’auteur de la proposition que le gouvernement a acceptée, en ce qui concerne les huiles d’olive, je ne suis pas sans inquiétude sur les conséquences de l’adoption de la mesure appliquée aux huiles qui servent aux fabriques.
L’huile d’olive est pour la fabrication des draps surtout, d’une nécessité absolue. Elle entre assez généralement pour un quart dans la confection du drap, c’est-à-dire que pour mettre en fabrication 1,200 kilogrammes de laine, il faut y joindre 400 kilogrammes d’huile d’olive.
Vous voyez par là que dans le district de Verviers seulement, il se fait une consommation considérable d’huile d’olive. Si j’ai égard aux calculs qui nous ont été communiqués par le gouvernement, je vois que la ville de Verviers consomme à elle seule la moitié de toute l’huile d’olive qui s’importe en Belgique. Si l’huile d’olive destinée aux usages de l’industrie devait être soumis au droit proposé, il en résulterait pour le district de Verviers une augmentation de charges de 25,000 francs environ.
Le gouvernement, pour éviter cette augmentation de charges, vous a proposé d’altérer l’huile d’olive destinée aux fabriques. N’étant pas moi-même en état de me prononcer sur cette question, j’ai consulté un de nos premiers industriels.
Cet industriel m’a affirmé que si l’altération se faisait comme le gouvernement le propose, elle rendrait en quelque sorte l’huile impropre à la fabrication. J’ai communiqué cette observation à la section centrale et la majorité de cette section a été d’avis de donner au gouvernement un pouvoir illimité pour opérer l’altération dont il s’agit. Toutefois ce pouvoir illimité ne devrait pas s’étendre jusqu’à altérer l’huile au moyen de la térébenthine, car alors le mal, ne serait pas évité.
L’industriel que j’ai consulté sur ce point, m’a dit que l’huile de térébenthine est l’huile la plus siccative de toutes et qu’elle pourrait faire tort à la fabrication, qu’elle ferait tort également à l’huile qui est destinée à graisser les mécaniques, telles que les machines à vapeur, les mécaniques à filer, etc.
Voici une autre observation, messieurs, qui m’a été faite par le même industriel. Il est de la plus haute importance pour la fabrication des tissus fins surtout, que l’huile employée soit de l’huile d’olive pure, c’est surtout par le goûté que sa qualité se reconnaît ; or, si vous y joignez de l’huile de térébenthine, il y aura impossibilité absolue de reconnaître si elle est pure.
Je trouve, pour mon compte, qu’il y aura, quoi qu’il arrive, de grands inconvénients à augmenter le droit sur l’huile d’olive et cela même en exemptant de l’augmentation l’huile qui est destinée aux fabriques.
J’ai fait le calcul, messieurs, de ce que l’augmentation proposée rapporterait au trésor, et j’ai reconnu que si l’augmentation ne porte pas sur l’huile destinée à l’usage de l’industrie, ce qui ne peut être admis dans aucun cas, il ne restera pas pour le trésor une augmentation de 5,000 francs par an. J’aurais donc voulu que le gouvernement renonçât à augmenter le droit sur l’huile d’olive, à moins toutefois qu’il n’eût trouvé un moyen réellement efficace d’atteindre l’huile destinée à la consommation. La section centrale n’a pas cru devoir partager mon opinion ; elle s’est rangée de l’avis du gouvernement, tout en proposant l’amendement qu’elle vous a soumis.
La chambre aura donc à examiner s’il convent de changer la législation actuelle pour procurer au trésor une ressource aussi minime que celle dont il s'agit. Quant à moi, je ne le pense pas et je voterai contre toute augmentation.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il m’a été impossible, messieurs, d’apprécier quelle est réellement la quantité d’huile d’olive employée dans notre pays comme comestible, je n’ai par conséquent pas pu apprécier non plus qu’elle serait l’augmentation de produits que la proposition procurerait au trésor. Mais je ferai remarquer à la chambre que les tarifs des douanes des autres pays font également une distinction entre l’huile d’olive employée comme comestible et celle qui est destinée à l’industrie. Cette destination existe notamment en France et en Prusse. Je suis persuadé qu’en France le gouvernement s’est aussi réservé les moyens de reconnaître l’huile qui est destinée à l’industrie.
En Prusse il existe une disposition tout à fait semblable à celle que j’ai proposée dans mon amendement. Cependant, sur les observations faites par la section centrale, et attendu que dans le plus grand nombre de cas, il sera facile de distinguer, soit à la simple vue, soit à l’odeur, ou de toute autre manière, les huiles destinées à la consommation de celles qui sont destinées aux fabriques, d’après ces motifs, j’ai consenti à modifier ma proposition, afin de prévenir ainsi toute difficulté.
Il y a cependant quelques cas où il sera nécessaire de faire un mélange quelconque, mais dans ces cas mêmes, la mesure ne donnera lieu à aucun inconvénient.
En effet, messieurs, en Prusse, la mesure dont il s’agit, n’a donné lieu à aucune plainte. Quand bien même une quantité minime d’huile de térébenthine devrait être mélangée avec l’huile d’olive, cela ne serait pas de nature à exercer une influence nuisible dans la fabrication où l’on fera usage de cette huile. Du reste, je le répète, ce ne sera que dans des cas fort rares que ce mélange devra avoir lieu ; ce ne sera que lorsqu’il y aura suspicion de fraude, ou lorsqu’il sera impossible de distinguer la qualité de l’huile, ce qui pourra presque toujours se faire.
M. Demonceau – Messieurs, le ministre sait que je ne raisonne pas ici d’après ma propre opinion, mais d’après l’opinion d’un de plus grands industriels de la Belgique, opinion qui doit faire autorité sur l’administration elle-même. En tout cas, j’espère qu’il sera bien entendu que le gouvernement n’opérera que dans quelques cas qui, j’ose l’espérer, se présenteront rarement, un mélange quelconque pour altérer l’huile destinée à l’industrie ; alors je ne regretterai pas l’adoption de la proposition, car je ne m’oppose en aucune manière à l’augmentation du droit en ce qui concerne des huiles autres que celles qui sont employées dans nos fabriques.
Voici, messieurs, ce que l’on m’a dit encore, et j’avais oublié tantôt de vous faire connaître cette circonstance : c’est que l’huile destinée à l’alimentation arrive en petites futailles, tandis que l’huile destinée à l’industrie de Verviers et environs arrive en futailles de 1,000 ou de 1,200 kilog. Ainsi, messieurs, rien qu’à la grandeur des futailles on pourra jusqu’à un certain point reconnaître à quel usage l’huile est destinée. Quoi qu’il en soit, je persiste à demander le maintien de la législation actuelle dans la crainte que celle proposée pour la remplacer n’apporte des entraves à une industrie qui est digne de toute votre sollicitude.
M. Desmaisières – Messieurs, je pense, comme l’honorable M. Cogels, que l’enquête dont la chambre nous a chargée doit nécessairement conduire à une révision générale de notre tarif des douanes. Cette opinion n’est pas nouvelle pour moi, car la chambre se rappellera que j’ai toujours dit que du moment où nous étions séparés de la Hollande, il y avait nécessité de réviser un tarif établi pour concilier les intérêts divergents des deux parties de l’ancien royaume des Pays-Bas.
Je crois, messieurs, que jusqu’au moment de cette révision générale qui me paraît aujourd’hui prochaine, nous devons être sobres de toute modification à notre tarif des douanes, nous devons surtout être sobres de semblables modifications lorsqu’elles peuvent nuire à nos industries, à l’agriculture ou au commerce.
D’un autre côté, nous devons cependant adopter les modifications qui sont commandés impérativement par les intérêts de ces trois grandes branches de la prospérité nationale, et dans cette catégorie nous devons évidemment ranger celle qui nous est proposée par l’amendement de M. le ministre des finances, consistant dans l’établissement d’un droit plus élevé sur les huiles de baleine qui font un tort considérable et à notre agriculture et à nos tordoirs.
D’après un état remis à la commission par M. le ministre des finances, on aurait importé en Belgique pendant l’année 1840, 26,469 hectolitres d’huile de poisson, de baleine et de chien marin. Vous savez, messieurs, que notre pêche nationale n’a pris aucune part à l’importation de ces huiles et que par conséquent les 26,469 hectolitres dont il s’agit viennent entièrement de la pêche étrangère.
Ce sont surtout les Etats-Unis qui, encouragés très fortement par leur gouvernement, au moyen de primes, nous importent ces huiles, que nous avons la bonté de recevoir, tandis que l’Angleterre et la France les prohibent, et qui font ainsi un tort considérable à nos huiles de graines, à tel point que tous nos savonniers se trouvent forcés d’employer ces huiles de baleine, à cause du bas prix auquel cela leur permet de livrer leurs savons. Eh bien, messieurs, on prétend que les savons fabriqués avec de l’huile de poisson sont très nuisibles sous le rapport de la salubrité publique.
Aussi, messieurs, si M. le ministre des finances n’avait pas changé sa proposition primitive, d’après laquelle le droit d’entrée sur les huiles dont il s’agit, n’aurait été que de 5 francs, j’aurais proposé moi-même l’amendement que M. le ministre nous a maintenant présenté et que j’appuie de tous mes moyens.
L’importation des huiles de poisson provenant de pêche étrangère n’est pas seulement nuisible à nos tordoirs et à notre agriculture, mais elle l’est aussi à notre commerce et à notre navigation, dans ce sens que la plupart des navires des Etats-Unis qui nous importent des huiles, retournent sur lest, tandis que sans cette importation notre navigation maritime nous aurait importé une plus grande quantité de graines du Nord en même temps que d’un autre côté notre navigation intérieure aurait eu plus de transports à faire.
On estime qu’il faut, terme moyen, cinq hectolitres de graines oléagineuses pour remplacer au moyen de leur conversion en huile un hectolitre d’huile de baleine. Ainsi, vous voyez, messieurs, que l’agriculture et la navigation peuvent avoir chacune leur part dans le bénéfice qui doit résulter pour le pays de la répulsion des huiles étrangères.
Maintenant, messieurs, j’aurais à faire une interpellation au ministère sur le point qui concerne les huiles.
La chambre des députés de France vient d’adopter un tarif nouveau sur les graines oléagineuses, et l’on ne s’en est pas caché dans la discussion, ce droit différentiel est positivement dirigé contre nos ports. Nous étions en possessions d’approvisionner de graines oléagineuses les départements du Nord qui possèdent de nombreux tordoirs et qui consomment beaucoup de ces graines. C’étaient nos ports d’Anvers et d’Ostende qui servaient en quelque sorte pour ces importations de port à la France. Le tarif a été augmenté considérablement pour les importations par terre ; ces augmentations sont de 15 à 40 p.c., et, je le répète, on n’a eu d’autre but en cela que de nous priver de cette importation, au profit du port de Dunkerque. Je conviens qu’il est sans doute permis à la France, comme il est permis à la Belgique, de faire ce qui est dans son intérêt ; mais cependant la France est vis-à-vis de la Belgique ou en quelque sorte liée par les modifications au tarif des douanes qui ont été concertées entre les deux gouvernements et que nous maintenons de notre côté. Il me paraît dès lors que pour agir conformément aux vrais principes de justice, on n’aurait pas dû modifier le tarif sur les graines oléagineuses en France, sans entendre au moins le gouvernement belge.
Je demanderai au ministre s’il a reçu des communications à cette égard, avant l’adoption de ce projet de loi par la chambre française.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, avant que le projet de loi dont on vient de parler fût adopté par la chambre des députés en France, mon département n’avait reçu aucune réclamation sur cet objet. Ce n’est que depuis peu de jours qu’il m’est arrivé une pétition de quelques fabricants d’huile de la Flandre occidentale, si je ne me trompe, lesquels réclament fortement contre le nouveau droit imposé à l’introduction de nos huiles. J’ai immédiatement adressé la réclamation à M. le ministre des affaires étrangères, et notre agent à Paris intercédera, autant qu’il dépendra de lui, auprès du gouvernement français, pour obtenir, si c’est possible, une modification à ce tarif.
M. Mast de Vries – Au lieu d’établir le droit à 12 fr. 50 c., ne pourrait-on pas le fixe à 12 fr. ? (chiffre rond.)
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Si on fait ce changement uniquement pour avoir un chiffre rond, il faudrait changer le tarif tout entier, il faut réserver cela pour le moment où l’on procédera à une révision générale du tarif. Dans tous les cas, il y a des centimes additionnels.
- Personne ne demandant plus la parole, l’article est mis aux voix et adopté en ces termes :
« Huiles non provenant de la pêche nationale par hectolitre, 12 francs 30 c. à l’entrée, 5 centimes à la sortie. »
- La chambre adopte ensuite sans discussion l’article suivant :
« Huiles de foie, par hectolitre, 12 francs 30 c. à l’entrée, 5 centimes à la sortie. »
- La chambre passe à l’article « Huile d’olive. »
« Huiles d’olive, par hectolitre 12 francs 30 c. à l’entrée, 5 centimes à la sortie. »
« Huiles d’olive ne pouvant servir qu’aux fabriques, par hectolitre, 2 fr. 12 c. à l’entrée, 5 centimes à la sortie. »
M. Lys – Messieurs, il est bien entendu qu’on laissera le gouvernement libre dans tous ses moyens, pour affranchir l’huile destinée aux fabriques, de l’augmentation du droit, et que par conséquent le gouvernement tâchera d’atteindre seulement l’huile qui doit servir aux aliments, je ne répéterai pas ce que vous a dit mon honorable collègue de Verviers, parce que ce serait renouveler une discussion sans avantage.
Je ferai seulement remarquer que M. le ministre des finances avait lui-même proposé dans le temps de supprimer le droit de 2 fr. 12 c., qui existe actuellement pour nos fabriques. Vous voyez donc que même le maintien de ce droit actuel est un désavantage pour notre fabrication.
- Personne ne demandant plus la parole, les deux articles sont mis aux voix et adoptés.
La chambre adopté ensuite sans discussion les deux articles suivants :
« Huiles de faine, d’oeillette et de pavots, et autres huiles comestibles de même espèce, par hectolitre, 12 fr. 30 centimes, à l’entrée, 5 cent. A la sortie. »
« Huiles de graines, par hectolitre, 12 fr. 30 c. à l’entrée, 5 centimes à la sortie. »
Le reste de l’article « huiles » comme au tarif actuel.
La chambre adopte également sans discussion les articles suivants du tableau.
« Mercerie, quincaillerie et jouets d’enfants, 10 p.c. à l’entrée, ½ p.c. à la sortie. »
« Miel, 10 fr. à l’entrée, 40 centimes à la sortie par 100 kilog. »
« Piment, 10 fr. à l’entrée ; 5 centimes à la sortie par 100 kil. »
« Poivre, 5 fr. à l’entrée ; 5 centimes à la sortie par 100 kilog. »
« Prunes et pruneaux, 10 fr. à l’entrée ; 5 centimes à la sortie par 100 kilog. »
« Raisins, 10 fr. à l’entrée ; 5 centimes à la sortie par 100 kil. «
« Raisins de Corinthe, 10 fr. à l’entrée, 5 centimes à la sortie par 100 kil. »
(Le reste de l’article « Raisins » comme au tarif actuel.)
« Riz, 5 fr. à l’entrée, 40 centimes à la sortie par 100 kilog. »
M. Hye-Hoys – Messieurs, M. le ministre des finances nous propose 5 francs pour 100 kilog. sur le riz qui ne dépasserait pas 8 p.c. de la valeur.
Je ferai remarquer, d’abord, qu’il y a deux espèces ou qualités bien distinctes, le riz de la Caroline de l’Amérique et le riz du Bengale.
Cette dernière qualité, messieurs, est de la plus grande ressource pour la classe pauvre, remplaçant en quelque sorte les pommes de terre, lesquelles, à certaine époque de l’année, se vendent fort cher, lors même que l’année produit une récolte ordinaire ; on devrait donc au moins faire une distinction dans les qualités. Cet article n’est certes pas un objet de luxe, mais de première nécessité, et devrait, sous ce rapport, être considéré plutôt comme non-imposable.
Le riz de la Caroline, messieurs, a une valeur, année ordinaire, de 50 fr. par 100 kilog., soit 200 kilog. 100 fr.
Les droits à 5 francs pour 100 kil., soit pour 200 kil. 10 francs. Syndicat, 16 p.c., soit 11,6 francs au lieu de 8 p.c.
Le riz du Bengale ou des îles hollandaises et anglaises, vaut, prix moyen, année ordinaire, 31 francs pour 10 kil. soit pour 200, 62 francs. Droit 11,6 francs. Fait 75 francs 60 c.
Fait 19 p.c. de la valeur au lieu de 8 p.c. Vous voyez, messieurs, c’est encore le pauvre qui payerait ici à peu près le double des droits sur sa consommation.
Si la chambre est disposée à voter une augmentation de droit sur cet article, je proposerai la division, en portant :
Riz de la Caroline , comme au tableau : 5 francs par 100 kil.
Riz du Bengale, à l’entrée 2 francs 50 c. pour 100 kil.
Voici mon amendement :
« Riez de la Caroline, à l’entrée 5 fr. , à la sortie 40 centimes.
« Riz du Bengale, à l’entrée 2 fr. 50 c., à la sortie 40 centimes. »
M. Mast de Vries – Il me semble qu’il faudrait dire : Riz du Bengale, à l’entrés 2 fr. 50, à la sortie 40 cent.
Pour tous les autres riz, à l’entrée 1 fr., à la sortie 40 centimes.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je pense que le droit de 5 francs par 100 kil. est très modéré, pour toute espèce de riz. Il y en a plus de deux espèces ; pour faire la distinction demandée par M. Hye-Hoys, il faudrait faire une énumération de toutes les espèces et indiquer à quel droit chacune est soumise. Il en est de même de beaucoup de marchandises. D’ailleurs, le riz est déjà une espèce de nourriture de luxe. Ce n’est pas un objet indispensable. Et un droit de 5 francs par 100 kilog. est très modéré. J’ajouterai qu’en France et en Prusse, il est beaucoup plus élevé.
M. Cogels – La distinction proposée est très facile à établir. Il suffirait de ne frapper du droit de 5 francs que les riz de la Caroline qui nous arrivent en barriques ou en tierçons, et de frapper de droits faibles tous les autres riz, de qualité médiocre. Telles sont les riz du Piémont dont il ne nous arrive plus guère ; ceux de Batavia et du Bengale. M. le ministre des finances a dit que le droit proposé sur toutes les espèces de riz serait modique ; c’est une erreur, car pour les riz de qualité médiocre, il équivaudrait à 15 p.c. On ne peut pas appeler cela un droit modique, surtout quand il porte sur un aliment qui n’est pas seulement utile, mais qui est très recommandable, parce qu’il est extrêmement sain et qu’il est devenu presque indispensable à une époque où les pommes de terre manquent ou sont très malsaines.
Il y a une époque où les pommes de terre ne sont plus bonnes, même pour nous, malgré tous nos moyens de conservation. Elles le sont encore moins pour les classes pauvres qui n’ont pas à leur disposition les mêmes moyens, qui n’ont pas comme nous des caves pour les préserver de la gelée et de l’humidité. Je pense qu’il est de l’intérêt public, de l’intérêt des classes pauvres, de ne pas frapper d’un droit aussi exorbitant les riz communs, et de n’en frapper que les riz de qualité supérieure qui sont faciles à reconnaître par la provenance et par l’emballage.
M. Smits – J’avais demandé la parole pour faire les mêmes observations que l’honorable M. Cogels. J’y renonce.
M. Hye-Hoys – Je n’ai rien à ajouter à ce qui vient d’être dit. La chambre peut être certaine que la distinction est facile à faire, car les riz du Piémont et du Bengale et de toutes les grandes Indes sont très communs.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Si l’on admettait la distinction proposée, la disposition en elle-même deviendrai inutile. Ce sont les riz communs qui entrent en plus grande quantité, si on ne leur applique par le droit, au lieu de 143,000 francs, nous n’aurons que quelques mille francs d’augmentation. Le but financier de la proposition serait manqué.
M. Hye-Hoys – Ce n’est pas une raison.
M. Desmet – Il y a un moment où les classes pauvres ne peuvent plus faire usage de la pomme de terre, ou parce qu’elle est très chère, ou parce qu’elle est malsaine. Elle est alors remplacée par le riz. Les militaires et les hôpitaux en font aussi une grande consommation. Je demanderai pourquoi on met 40 c. de droit à la sortie ; je ne peux m’expliquer ce droit, car je ne pense pas que ce soit dans l’intérêt du commerce.
M. de Mérode – Il me semble que les observations de M. le ministre des finances sont dignes d’être prises en considération. Car le but du droit, c’est d’avoir une augmentation de ressources. Quant à moi, je ne demande pas mieux que de réduire le droit sur le riz, comme on le propose. Mais je voudrais qu’on m’indiquât quelques autres objets qui pussent nous procurer des ressources équivalentes pour le trésor public, car c’est là le but essentiel de la loi qui nous occupe en ce moment. Que M. Hye-Hoys, qui demande qu’on fasse une distinction entre les espèces de riz, vous indique ce qui pourrait procurer le produit demandé par le ministre. S’il ne le fait pas, je voterai pour la proposition du gouvernement.
M. Hye-Hoys – On peut imposer les soufres et le stock-visch.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Quelques membres se sont montrés jaloux des intérêts de l’agriculture. Eh bien, le riz fait une concurrence très forte aux produits de l’agriculture. Sous ce rapport, la décision qu’on vous demande lui est favorable. Elle a un double avantage, elle procure des ressources au trésor et diminue en même temps la concurrence que rencontre l’agriculture.
M. Eloy de Burdinne – Quand il s’agira des intérêts de la classe pauvre, on me verra toujours prêt à les défendre. Je ne crois pas que les riz même communs soient la nourriture du pauvre. Il est possible que dans quelques localités les pauvres en usent. Mais dans les trois quarts du royaume, ils ne s’en servent pas. Au surplus, je ferai remarquer que l’impôt qu’on demande n’est que de 2 ½ centimes par livre. Je demande s’il est beaucoup de ménages pauvres qui en consomment plus d’un kilog. par an. Ainsi c’est 5 centimes qu’ils paieront.
C’est, dit-on, une protection pour l’agriculture. Je ne puis admettre cette idée en présence d’un projet de loi qui vient de vous être soumis, et qui sera une protection à la consommation des grains venant de la Pologne et d’Odessa.
Quant à l’observation que les pommes de terre avancées ne sont pas saines, je vous dirai que leur correctif, c’est le sel. Voilà un impôt qui pèse fortement sur les malheureux. Voilà un impôt qu’on peut considérer comme nuisible à la santé des malheureux et qu’on peut appeler révoltant. Personne ne prend la parole pour ce qui les intéresse réellement. La distinction qu’on propose ne leur sera pas d’un grand secours. Par ce motif, je voterai pour la proposition du gouvernement.
M. d’Hoffschmidt – Il me semble que la proposition relative au riz mérite une considération particulière, car c’est celle qui doit rapporter le plus. D’après les calculs du ministre, l’augmentation proposée rapporterait 164,000 francs. Sous le rapport financier, cette augmentation sur les droits d’entrée du riz est d’une très grande importance. (Erratum inséré dans le Moniteur du 10 mars 1841 : ) D’un autre côté, je crois que ce n’est pas la nourriture principale du pauvre, que ce n’est pour lui qu’une nourriture tout à fait accessoire.
(Erratum inséré dans le Moniteur du 10 mars 1841 : ) Du reste, l’augmentation proposée n’est pas forte ; le droit actuel est insignifiant ; il n’est que de 63 centimes par 100 kil. En France, il est plus élevé ; il est, je pense, de 9 fr. Ainsi, en le fixant à 5 francs on ne peut pas dire qu’il soit trop élevé.
M. Hye-Hoys – On vous a démontré que le droit qu’on proposé équivaudrait à 15 ou 20 p.c. et qu’il tombe sur la classe pauvre. On ne consomme peut-être pas du riz en quantité partout, mais dans les Flandres, quand les pommes de terre sont chères ou de mauvaise qualité, on les remplace par du riz.
- L’amendement proposé par M. Hye-Hoys est mis aux voix et n’est pas adopté.
La proposition du gouvernement est adoptée.
« La disposition particulière inscrite sous la lettre F au tarif annexé à la loi du 7 avril 1838, Bulletin officiel n°40, ne sera plus appliquée à l’égard des tissus de soie de toute espèce. »
- L’article est mis aux voix et adopté.
La chambre fixe le second vote à mercredi
M. le président – La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet de loi. La parole est à M. Lys.
M. Lys – Chacun de nous reconnaît la nécessité de pourvoir aux charges de l’Etat ; mais la possibilité d’augmenter le droit d’importation sur le café, sans nuire à la chose publique, est-elle bien établie ? Cette augmentation est loin, messieurs, de se présenter avec avantage.
Lorsqu’une première augmentation vous fut proposée en 1838, tous les genres de commerce auxquels donne lieu le café ne pouvaient en être froissés :
Le consommation n’avait pas de motifs graves de se plaindre ;
La fraude ne pouvait guère en acquérir plus d’activité ;
Le trésor y trouvait un surcroît de revenus.
En sera-t-il de même aujourd’hui ? Non, messieurs, l’augmentation de l’impôt existant serait une calamité pour la classe ouvrière.
Le café n’est plus un objet de luxe, il est devenu de première nécessité.
La cherté des céréales qui continue malgré l’abondance des récoltes ; cette loi de 1834, dont le but unique, le but avoué était d’obtenir le renchérissement des grains, sera peut-être encore longtemps notre loi régulatrice en cette matière, sans disposition aucune qui la modifie.
Dès lors, le renchérissement du café, considéré comme nécessaire à la nourriture du peuple, serait une nouvelle calamité qui amènerait une augmentation du prix de la main-d’œuvre, ou la misère pour l’ouvrier, véritable lèpre pour toute manufacture, parce que le fabricant ne peut plus soutenir la concurrence avec l’étranger.
Le conseil de régence et la chambre de commerce et des fabriques de Verviers, vous annoncent tous que les nombreux ouvriers de fabrique ne se nourrissent que de pain, de pommes de terre et de café, et quant au café la preuve est fournie par le relevé de l’octroi ; car il se consomme à Verviers annuellement 165 mille kil. de cette fève, et la population n’est pas de 20 mille âmes, ainsi 9 kil. par tête. Dès lors l’augmentation de l’impôt pèsera sur Verviers seule pour une somme annuelle de 19,800 francs ; les deux tiers au moins étant consommés par la classe ouvrière, une augmentation d’impôt annuel de 13,200 francs accablerait de ce seul chef le prolétaire, et cela dans le moment où toutes les autres denrées de première nécessité sont d’une cherté excessive.
L’augmentation qui a eu lieu en 1838 était basée sur ce qu’ayant lieu dans des bornes modérées, elle ne pouvait entraver le commerce et maintenait les avantages qu’il retirait sur nos frontières vers la France et vers la Prusse.
Elle était encore fondée sur ce que le café pouvant être considéré comme matière imposable, ce ne serait néanmoins qu’à la condition que l’impôt ne donnerait lieu à une introduction frauduleuse.
Il était alors reconnu que l’impôt devait rendre au trésor ce qui est dû au trésor, et conserver au commerce l’une de ses branches les plus importantes.
On convenait alors qu’un droit d’entrée au-dessus de 8 francs les 100 kil. ne produirait pas au trésor et ne profiterait qu’au trafic honteux de la fraude. Le café plus que tout autre objet, parce qu’il est d’un transport facile et ne se détériore pas, présentant la nécessité d’un droit modéré.
Vous avez, messieurs, par votre loi de 1838 , atteint le maximum de l’impôt sur le café. L’augmenter aujourd’hui, ce serait nuire au commerce, à l’industrie, et cela à pure perte pour le trésor.
Il ne faut pas perdre de vue, messieurs, que la Belgique est, pour ainsi dire, sans frontière défendable contre la fraude.
Et si la France et la Prusse ne peuvent s’en défendre, comment veut-on que la Belgique l’empêche.
Voyez l’étendue de votre frontière du côté de la Hollande, de Blankenberg jusqu’à Mook, et de là en remontant la Meuse jusqu’à Maestricht.
Par l’augmentation proposée, vous perdrez tout le commerce interlope, qui se fait vers la France et la Prusse.
La Hollande jouit déjà d’un avantage sur nous pour ses infiltrations en Prusse ; car le café qu’elle y introduit n’est grevé que d’un droit de 4 fr. 24 c. Chez nous ce droit est de 8 francs, ajoutez que nous ne pouvons nous pourvoir de certaine qualité de café que chez nos voisins les Hollandais.
Si vous augmentez le droit existant, vous perdrez nécessairement les avantages que vous donnaient vos infiltrations à l’étranger ; et, remarquez-le bien, messieurs, ces cafés transportés à l’étranger paient les droits d’entrée en Belgique ; dès lors perte de ce chef pour le trésor de la quantité que nous faisions entrer pour le transporter à l’étranger, perte pour le commerce maritime, perte pour le commerce intérieur.
Mais les Hollandais ne se borneront pas à infiltrer le café en Prusse, ils l’infiltreront aussi en Belgique ; la chambre de commerce de Liége vous le dit positivement ; vous perdez volontairement les droits actuels sur toutes les qualités qui passent en détail à l’étranger, vous voulez encore que le café Java, qui n’est point imposé à l’entrée en Hollande, pénètre en fraude par toute la frontière limitrophe de Belgique, car on ne peut admettre qu’il n’ait pas avantage pour un fraudeur à importer une charge de 15 kil. de café en échange d’une prime non de 2 93 mais bien de 3 48, y compris 16 centimes additionnels.
Vous anéantissez donc, par l’augmentation de l’impôt, non seulement le commerce interlope que fait la Belgique, mais son commerce intérieur, en procurant un nouvel appât à la fraude. Vous savez, messieurs, combien déjà la fraude s’exerce sur un seul point, vers Maestricht ; un droit plus élevé sur le café viendra encore augmenter les articles de fraude.
On ne peut évaluer à moins d’un quart la réduction qui s’opérera par suite d’un nouvel impôt sur le café du chef de la perte sur nos infiltrations. Ce sera aussi faire une évaluation bien modeste des infiltrations de la Hollande en Belgique, que de les évaluer à pareil quart. Voilà, dès lors une réduction de moitié sur les droits d’entrée.
Partant de cette évaluation, j’estime les quantités de cafés importées actuellement en Belgique à 16 millions de kil., qui donnent à l’Etat, à 8 francs les 100 kil., 1,280,000 francs.
Supposons les droits établis à 20 p.c., comme ils ne seront perçus que sur la moitié, soit 8 millions, cela produit à l’Etat 1,600,000 francs.
Il y aurait donc un bénéfice pour l’Etat de 320,000 francs. Mais ce bénéfice n’existera point actuellement pour les quantités entrées dans la prévision du droit.
Vous détruirez par cet impôt la base de tout succès industriel et commercial, l’obtention des produits manufacturés de la meilleure qualité et au plus bas prix possible, car la condition indispensable est le bon marché des articles nécessaires à la vie de l’ouvrier, afin que le salaire de celui-ci puisse être proportionné à celui des objets à fabriquer pour être livrés non seulement à l’intérieur, mais aussi sur les marchés étrangers, où ils sont en concurrence constante avec ceux de l’Angleterre, de la France, de l’Allemagne.
Le café et le sucre étant les deux principaux articles de transaction fréquente et journalière, toute mesure portant atteinte à l’une de ces deux branches, réagira nécessairement sur toutes les autres. Le nouveau droit aura pour résultat d’étendre le privilège qu’ont déjà les Hollandais pour le café de leurs colonies, aux arrivages d’autres provenances. Les cargaisons se dirigeront de préférence vers les ports hollandais, pour de là en déverser la quantité nécessaire à la consommation belge avec l’acquit d’une prime de fraude dont le taux restera toujours en-dessous de la quotité du nouveau droit.
Dès lors, dit la chambre de commerce d’Anvers, les cafés arriveront à moins de frais en Belgique en passant par l’entrepôt de Rotterdam et ensuite par les mains du fraudeur, qu’en s’expédiant en ligne directe sur Anvers.
Dès lors, messieurs, une bonne partie des importations directes du Brésil, de la Havane et de Saint-Domingue venant à nous échapper, on doit en conclure que nos exportations nationales en seront sensiblement atteintes.
Voilà, messieurs, la conséquence funeste du nouvel impôt sur notre commerce maritime.
Il ne sera pas moins nuisible à notre commerce à l’intérieur. Il détruira tout notre commerce interlope vers la Prusse et la France. La Belgique perdra de ce chef un impôt qui pesait annuellement sur l’étranger, de 320 mille francs.
De pareil impôt qui retombera à la charge du chef des infiltrations de la Hollande en Belgique.
Ainsi perte réelle de 649 mille francs.
Par cette augmentation d’impôt, elle nuit à son commerce maritime.
Elle fait souffrir son négoce à l’intérieur, qui, privé de son commerce interlope, nécessitera la suppression de tout le petit commerce sur nos frontières.
De là une perte énorme dans le roulement des affaires, perte pour l’Etat à l’occasion des transports du chemin de fer, perte au produit des barrières par les voies ordinaires, perte sur les droits de patente.
Je crois avoir établi, messieurs, l’illusion des ressources présumées par le nouvel impôt. Je regrette que les considérations adressées par les chambres de commerce n’aient pu être soumises au gouvernement avant la présentation du projet de loi.
M. le ministre a voulu établir, par des calculs, que le commerce interlope pourrait encore continuer malgré le nouvel impôt, qu’il restait une différence de prix d’après la valeur du café en Prusse, en France et dans le Luxembourg, de 6 centimes par kilo à l’avantage de la Belgique.
Mais tout en admettant l’exactitude de son calcul, ne restera-t-il pas toujours vrai, que les Hollandais pourront fournir ce même café à 20 p.c. au-dessous de ce prix, ou si vous voulez, à la différence de toute la valeur de l’impôt que vous établissez, leur frontière présentant même plus de facilité vers la Prusse que la nôtre ; et que devient alors votre commerce interlope ?
Je n’entends pas ici, messieurs, blâmer le ministère de chercher à combler le déficit existant ; je le loue, au contraire, des efforts qu’il fait pour y parvenir. Il serait à désirer que, dès l’année dernière, en supprimant le dixième sur la contribution foncière, on eût chercher à remplacer le déficit que la suppression de cette ressource devait nécessairement occasionner.
Je voterai néanmoins contre toute augmentation d’impôts sur le café.
(Moniteur belge n°69 du 10 mars 1841) M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je regrette que la nécessité de faire face aux dépenses de l’Etat ne nous permette pas de renoncer à une augmentation de droits sur les cafés. Nous avons examiné soigneusement les diverses réclamations adressées à la chambre et au gouvernement sur le droit de consommation. Je crois que les craintes manifestées dans ces réclamations sont extrêmement exagérées. Je crois qu’avec un droit de 20 fr. nous conserverions le commerce dont nous sommes maintenant en possession. Cependant des intérêts s’étaient vivement alarmés, et quelques modifications ayant été faites dans les budgets des dépenses, quelques économies pouvant, ainsi que nous l’avons dit, se réaliser sur le budget de la guerre, le gouvernement consent à réduire le droit à 14 francs au lieu de 20 francs les 100 kilog.
Je suis intiment convaincu qu’avec un droit de 14 francs la fraude sera impossible en Belgique, et que nous conserverons l’intégralité de notre commerce.
Ce droit de 14 francs doit être réduit encore des 10 p.c. que nous accordons au pavillon national ; si jusqu’à présent, avec un droit modique, nous avons reçu de cafés, par pavillon étranger, avec un droit plus élevé, la prime devenant plus considérable, il est probable que la navigation belge servira seule à l’importation des cafés. Il y aura donc sur le droit de 14 francs une diminution de 8 p.c. Or, il est reconnu que la tare n’est pas de 8 p.c. Dans le commerce, on ne l’évalue qu’à 2 p.c. Une partie de la matière imposable est ainsi soustraite à l’impôt. Il résulte de là une diminution de 75 c. et demi par 100 kilog. Le droit en principal se trouve réduit ainsi à 11 francs 84 c. et ½. Voilà le droit qui frapperait la consommation du café en Belgique. Voilà par conséquent la différence qu’il y aurait entre la Belgique et la libre entrée du café des colonies néerlandaises dans les Pays-Bas.
Je crois qu’eu égard aux besoins du trésor et à la nécessité de ne pas créer de déficit, la chambre ne fera pas de difficulté à admettre la majoration demandée qui n’étend le droit en principal qu’à fr. 11 84 c. ½.
Je ferai remarquer que l’importation du café en Belgique est annuellement, terme moyen de 14 à 16 millions. Elle a été de 17 millions en 1838 ; si toute cette quantité de café était consommée en Belgique, chaque individu serait soumis à un impôt de 50 cent. seulement. Or, il est reconnu qu’une grande partie du café s’exporte. Par conséquent, le droit ne s’élève pas à 50 c. par chaque individu. Je ne crois pas qu’un pareil droit puisse être considéré comme exorbitant. Du reste, vous savez qu’en France le droit est de 50 fr. par 100 kilog. pour le café soumis aux conditions les plus favorables. Il est également de 50 fr. en Prusse.
Je sais qu’il faut chercher à favoriser l’industrie et le commerce. Cependant il faut aussi payer ses dettes. Pour cela, il faut établir la balance entre les recettes et les dépenses. Chaque impôt a ses inconvénients : Je ne me dissimule pas qu’un droit sur le café n’ait aussi les siens. Mais ces inconvénients nous sommes malheureusement forcés de les subir.
(Moniteur belge n°69 du 9 mars 1841) M. Cogels – C’est ici qu’il s’agit d’appliquer les considérations que j’ai déjà fait valoir dans une précédente séance. C’est ici qu’il s’agit d’examiner si l’impôt que vous prélèveriez, et qui, selon moi, ne ferait entrer éventuellement qu’une très faible somme au trésor, ne priverait pas d’autre part le trésor de revenus plus considérables ; et si nous ne porterions pas atteinte à la prospérité publique, à la prospérité commerciale un préjudice beaucoup plus grand que les avantages que dans l’hypothèse la plus favorable vous pourriez obtenir pour le trésor.
Ces considérations ont déjà été appréciées par la section centrale ; car la majoration de 20 francs a été rejetée à l’unanimité ; le chiffre de 12 francs a été rejeté par 4 voix contre 2, le chiffre de 10 francs par 4 voix contre 3 ; de sorte qu’en définitive la section centrale s’est prononcée contre toute majoration.
Ici il faut voir quelle a été l’influence du commerce du café sur notre prospérité publique, non seulement depuis 1830, mais antérieurement.
Nous avions autrefois en Belgique un marché de café très peu important. En 1819, le gouvernement hollandais, sentant aussi le besoin d’augmenter les ressources du trésor, établit un impôt sur cette denrée ; il fut fixé à 10 florins par 100 kilog., ce qui équivaut à peu près à la proposition faite en premier lieu par M. le ministre des finances. Quelle en fut la conséquence ? Une lutte entre les agents du fisc et la fraude. Dans cette lutte, la victoire est restée à la fraude ; le fisc a succombé. De sorte qu’après une tentative infructueuse, qui, de 1819 à1822, a empêché tout développement de ce commerce, le gouvernement a senti combien cette mesure avant été préjudiciable.
La loi a donc été rapportée en 1822 ou 1823. Dès lors, nous avons vécu sous une législation plus libérale ; le commerce du café a pris un tel développement, que la place d’Anvers est devenue le premier marché de l’Europe ; ayant acquis la prééminence sur Hambourg, Londres, le Havre, enfin sur tous les autres marchés.
La révolution nous a porté un très grand préjudice en 1830, parce que nous avons été ainsi privés des arrivages directs des colonies hollandaises qui produisent les meilleurs cafés. Ce n’est qu’à force de sacrifices, à force de persévérance que la place d’Anvers est parvenue à conserver une partie de cette branche de commerce, autrefois si prospère. Nos importations ont été à cette époque beaucoup moins considérables qu’autrefois, parce que nous avons été obligés d’aller chercher en Hollande cette qualité de café qui est recherchée par les classes aisées, qui nous est donc nécessaire, et dont on avait autrefois le marché de première main.
Cependant, ce qui prouve combien ce commerce est encore important, c’est qu’en 1840 le total des arrivages a été de trois cents mille balles environ, dont la majeure partie par mer, et le reste venant de Hollande par les eaux intérieures.
Certainement, la consommation de la Belgique ne s’élève pas à beaucoup près à cela. Que faisons-nous du surplus ? Nous l’exportons, nous le vendons à nos voisins ; et ici, les honorables représentants de la province de Liége pourront dire beaucoup mieux que moi combien ce commerce est important pour eux, pour leur prospérité.
Eh bien ! quelles seraient les conséquences de la loi qui vous est proposée, même avec le chiffre de 14 fr. ? Elle aurait pour effet, sinon de détruire complètement ces exportations, au moins de les restreindre ; de faire subir une perte considérable au pays, de donner un appât à la fraude, et de faire changer les rôles ; c’est-à-dire qu’au lieu de voir sortir du pays des cafés qui auraient acquitté les droits, il y aurait des cafés qui entreraient dans le pays sans payer les droits. Ce serait donc une perte pour le trésor, dont il est impossible de calculer l’étendue.
Mais il est une autre considération bien plus importante.
Nous sommes à la veille de contracter un traité avec la Hollande. Eh bien, c’est alors qu’il s’agira de déterminer des avantages réciproques. Nécessairement la Hollande nous demandera quelques concessions pour ses articles, nous aurons également à lui en demander pour les nôtres ; nous aurons des faveurs à leur demander pour les produits de notre sol, les produits de nos mines, les produits de notre industrie, nous aurons de très grands efforts à faire pour reconquérir au moins une partie de ce marché que nous avions autrefois presque exclusivement puisque, lors de la réunion, nous avions pour nous tous les droits protecteurs dont nous sommes privés, maintenant que nous avons à lutter contre la concurrence étrangère.
Serait-il donc bien opportun d’aller, dès à présent, établir une majoration, pour proposer peut-être ensuite une réduction et pour offrir ainsi constamment dans notre tarif cette mobilité si préjudiciable au commerce ? Faut-il agir ainsi à la veille du rapport de la commission d’enquête ? Faut-il, pour une faible augmentation, pour une augmentation plus qu’éventuelle de ressources, frapper la seule branche de notre commerce que nous ayons, pour ainsi dire, sauvée du grand naufrage ? Je ne le pense pas, et j’espère que la chambre, se rangeant à l’avis de la section centrale, repoussera toute augmentation de droit, parce que cette augmentation ne serait pas moins préjudiciable qu’inopportune.
M. Hye-Hoys – Je regrette que le gouvernement nous ait proposé une augmentation de droit sur le café, parce qu’il me semble que le moment doit arriver pour traiter avec la Hollande, nous savons, messieurs, que la majeure partie des cafés nous arrivent de ce pays. Quand il s’agira de droits différentiels, ce seront particulièrement les café Java, que nous consommons le plus, qui seront le plus fortement frappés comme arrivages indirects, c’est un article important à faire entrer dans la balance lors du traité avec nos voisins.
Je voterai contre toute augmentation de droits.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je ferai d’abord observer que les sections ne se sont pas généralement prononcées contre une augmentation de droits.
La première section a rejeté le chiffre proposé, mais elle a adopté une majoration modérée, par sept voix contre deux et fixé cette majoration à 12 francs.
La deuxième section désirerait que pour le moment on n’élevât pas autant cet impôt ; cependant, un membre adopte la majoration, c’est-à-dire le chiffre de 20 francs.
La troisième section adopte purement et simplement ; elle engage son rapporteur à examiner, en section centrale, si la majoration ne nuira pas à la consommation.
Dans la quatrième section, en résultat, on est unanime pour reconnaître que le droit proposé est exagéré ; mais il a été produit des opinions différentes sur le droit que le café pourrait supporter.
Ainsi voilà quatre sections qui toutes sont d’avis qu’il y a lieu d’augmenter le droit sur le café, mais qui ne sont pas d’accord sur la quotité.
La cinquième section propose de réduire le droit à 12 francs.
La sixième présente des objections : la fraude sera considérable ; la Hollande nous privera de notre commerce avec l’Allemagne ; les cargaisons du Brésil se rendront à Rotterdam, au lieu de venir à Anvers ; le peuple abandonnera le café pour les liqueurs fortes. Du reste, elle ne se prononce pas.
Messieurs, si le droit réduit à 14 francs pouvait, dans ma pensée, nuire essentiellement au commerce, je consentirai à une diminution ; mais j’ai la conviction du contraire.
Lorsque le droit a été porté à 8 francs, on a témoigné les mêmes craintes ; on a prétendu que le droit de 8 francs était exagéré, que le commerce souffrirai beaucoup. Eh bien, ces craintes n’étaient pas fondées, le résultat l’a prouvé ; aucune fraude étrangère n’a eu lieu et nos exportations ont toujours été les mêmes.
J’ai déjà expliqué que le droit de 14 francs n’était en réalité qu’un droit de 11 fr 86 ½ c. en principal, que ce droit n’était pas,, vis-à-vis des droits élevés qui existent dans les pays qui nous avoisinent, sauf la Hollande, de nature à nuire à nos exportations, et que, d’un autre côté, il est trop faible pour donner quelque aliment à la fraude étrangère ; car il n’en résulterait qu’un bénéfice de droits de 2 francs à peu près par charge de 14 kil. Or, pour exporter une denrée en fraude, il faut que celui qui se livre à ce trafic puisse également y trouver un avantage, ce qui est impossible puisqu’il faut que bien plus de 2 francs soient donnés à celui qui se charge d’exporter ainsi des marchandises.
J’ai donc la conviction que, sous le rapport de l’importation du café étranger en fraude, nous n’avons rien à craindre, et que, d’un autre côté, notre commerce d’exportation ne sera nullement altéré par un droit si modique, qui, en réalité, ne l’élèvera qu’à 11 fr. 84 ½ c. en principal.
Messieurs, l’honorable M. Cogels a allégué une autre considération, celle qui se rattacherait à des transactions commerciales avec la Hollande.
Mais il est à observer d’abord que tout le café n’est pas importé de la Hollande et que même beaucoup de personnes prétendent qu’il serait dans l’intérêt du pays qu’il nous arrivât toujours directement des lieux de provenance. Nous ne devons pas, parce qu’une partie de cette denrée est importée de la Hollande, sacrifier un produit qui nous est essentiellement utile et cela dans certaines prévisions qui peuvent nous faire défaut et qui, en tout cas, ne se réaliseraient que dans un avenir plus ou moins éloigné.
Par ces considérations, messieurs, je maintiens ma proposition.
M. Demonceau – Messieurs, ainsi que je l’ai dit dans une séance précédente, la discussion, en ce qui concerne les cafés, doit être envisagée sous deux points de vue différents : sous le rapport commercial et sous le rapport de la consommation.
Sous le rapport commercial, il n’y a aucun doute pour moi que si vous haussez le droit, vous allez exposer toute notre frontière à une fraude pour ainsi dire permanente. Au lieu donc de favoriser votre propre commerce, vous favoriserez le commerce de vos voisins. Ce commerce dont on a parlé et qui se fait aujourd’hui en faveur de la Belgique, je pense qu’il se fera en faveur des pays étrangers ; je pense aussi que vous recevez le droit actuel et que vous ne recevrez pas le droit augmenté.
Je conviens avec M. le ministre des finances qua dans certaines sections il y a eu adoption du projet. Mais il faut bien faire attention à cette circonstance que c’est surtout lorsque le projet est arrivé au sen de la section centrale qu’il a subi une plus longue instruction. Vous avez renvoyé à cette section centrale des pétitions qui sont motivées, selon moi, d’une manière évidence, pour prouver que toute augmentation de droit sur le café serait préjudiciable au trésor, au commerce et aux consommateurs.
Je pense donc, messieurs, qu’il faut avoir plutôt égard à l’instruction que le projet a subie dans la section centrale qu’à celle qu’il a subie dans les sections, et je vous le prouverai même par un exemple.
On vous a parlé de la première section qui avait adopté un droit modéré. Eh bien ! cette section qui, du reste, n’a réuni la majorité qu’à charge que le droit n’excéderait pas douze francs, n’a pas balancé pour me nommer son rapporteur à la section centrale, et cependant je m’étais opposé à toute majoration de droits sur le café.
Quoi qu’il en soit, le plus grand nombre des membres qui ont pris part aux délibérations des sections, a rejeté le chiffre proposé par le gouvernement, et tout chiffre supérieur à douze francs ; plusieurs ont déclaré vouloir attendre l’instruction ultérieure que pourrait subir la loi et, je le répète, c’est surtout pour la section centrale que cette instruction a été complétée.
Je ne puis vous donner un calcul exact du commerce considérable de café qui se fait dans la province de Liége, mais je ne crois pas être démenti, lorsque je dirai que ce commerce est un des plus importants. Je n’appartiens pas par état au commerce ; mais j’ai eu la visite de plusieurs négociants qui m’ont assuré de la manière la plus formelle que hausser le droit sur le café, alors que dans la première discussion à propos de ce droit, il a été reconnu que le chiffre de 8 francs auquel on le portait était le maximum qu’on pouvait fixer, ce serait causer un grand préjudice à tous les négociants de la province que j’habite, et faire même perdre au trésor une partie du revenu qu’il perçoit. Je ne dirai que peu de mots en ce qui concerne les consommateurs ; chez nous le café est la boisson de l’ouvrier, du cultivateur et même du propriétaire ; hausser les droits actuels, ce serait aggraver la position de la partie la plus intéressante pour moi du district que j’habite. Je persiste donc dans l’opinion que j’ai adoptée d’abord et qui est contraire à toute espèce d’augmentation.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, le principal motif qu’expose le préopinant consiste en ce que la fraude du café étranger va s’opérer en Belgique. Or, j’ai déjà par des chiffres prouvé, je pense, que cette fraude est impossible.
Avec un droit de 11 fr. 84 ½ en principal par 100 kil., la fraude est impossible, parce que le fraudeur ne trouverait pas de quoi payer se agents et en retirez un bénéfice ; ordinairement une charge est de 15 kilog. ; la fraude profiterait sur un pareil poids environ 2 francs de droits ; il est impossible de trouver là un profit sur le droit, et en outre la rétribution de l’agent de la fraude.
M. Demonceau – Vous trouverez à ce prix-là des fraudeurs tant que vous voudrez.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’expérience prouve, messieurs, que depuis quelques temps il est fort difficile de trouver des agents qui veulent se charger de la fraude ; cela est surtout difficile depuis que les nouvelles mesures prises par le ministère des finances ont amené un grand nombre d’arrestations. Je puis donc assurer que la fraude ne sera nullement à craindre avec un droit nominal de 14 francs, qui par les motifs que j’ai donnés tout à l’heure ne sera en réalité que de 11 francs 84 ½ en principal.
Quant au commerce interlope, je dois faire remarquer à la chambre que les agents de ce commerce, qui se chargent d’exporter des marchandises en fraude, ne se font aucun scrupule de nous importer également en fraude des marchandises changées qui font le plus grand tort à notre industrie. C’est là une chose déplorable, et ce serait une raison pour ne pas porter un vif intérêt à un tel commerce.
Quoi qu’il en soit, messieurs, le droit que nous proposons est beaucoup plus faible que celui qui existe dans les autres pays, et il ne peut en aucune manière nuire à notre commerce.
- La séance est levée à 4 heures ¾.