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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 6 mars 1841

(Moniteur belge n°67 du 8 mars 1841)

(Présidence de M. Dubus (aîné))

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi trois quarts, et donne lecture du procès-verbal de la précédente séance dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présence ensuite l’analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Le conseil communal de la ville de Louvain adresse des observations en faveur de la proposition de MM. Brabant et Dubus (aîné) tendant à ériger l’université catholique en personne civile. »

- Renvoi, sur la proposition de M. Mast de Vries, à la section centrale chargée d’examiner le projet et insertion au Moniteur.


« Des cultivateurs des communes de Landen, Petit-Hallet, Grand-Hallet, Thines, Wansin, Avernas-le-Beaudouin et Wamont adressent des observations sur le projet de loi relatif aux céréales. »

- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet.


« Les administrations communales de Berzée, Ronnée, Thy-le-Château (Namur) demandent l’exécution du chemin de fer de la Sambre à la Meuse. »

- Renvoi à la section centrale chargé d’examiner la proposition de MM. Seron et collègues.

Rapports sur des pétitions

M. Zoude, rapporteur – Messieurs, un nombre considérable de notables des communes de Caneghem et Wonterghem viennent réclamer de la chambre, en faveur de l’industrie linière une protection devant laquelle le gouvernement semble reculer toujours ; cette protection, c’est celle d’un droit à la sortie du lin.

Les pétitionnaires vous parlent au nom d’une population ouvrière s’élevant à un dixième de la population totale du royaume.

La majeure partie de ces ouvriers, disent-ils, est réduite à vivre du pain de l’aumône, et si elle ne fait jusqu’ici que de le solliciter avec prière, c’est qu’elle est encore fidèle aux principes de moralité dans lesquels elle a été élevée ; mais prenons-y garde, le désœuvrement forcé d’un côté, la lassitude de donner de l'autre, pourraient entraîner cette classe à des excès qu’elle a en horreur aujourd’hui, mais que la nécessité finira pas lui faire paraître excusables.

Si les pétitionnaires s’adressent à la chambre après avoir invoqué vainement l’appui du gouvernement, c’est qu’ils ont la conviction que votre voix aura plus de retentissement.

Longtemps, messieurs, on a cherché à vous effrayer en prétextant le tort que ferait à l’agriculture un droit à la sortie du lin ; eh bien, messieurs, ce sont les paysans agriculteurs de ces communes populeuses qui viennent solliciter ce droit. Ce sont des centaines de contribuables, dont quelques-uns paient presque le cens sénatorial, un grand nombre de 2 à 500 francs, beaucoup de 1 à 200, et enfin une quantité de 50 à 100 francs. Ils déclarent que sans la population nombreuse que la filature et le tissage entretiennent, la culture du lin qui, dans certaines saisons, a besoin de beaucoup de bras, dégénérerait bientôt et notamment sous le rapport de la bonne qualité.

On s’était fait une grande illusion quand on avait essayé de nous faire croire que, dans la plupart de nos provinces, le lin pourrait prospérer. Beaucoup d’essais on été faits, mais abandonnés d’abord, dans plusieurs localités, et cela n’est pas étonnant, si l’on considère que dans les cantons les plus favorisés par la nature du sol et le nombre élevé de la population, à peine un douzième des terres est bien propre à cette culture, et encore ce n’est qu’après une révolution de 7 à 8 ans qu’on peut y espérer une récolte de bonne qualité.

Messieurs, si le lin est précieux dans notre pays, c’est bien plus par la masse d’ouvriers employés au filage et au tissage que par la richesse qu’il procure au cultivateur, qui aurait souvent plus de bénéfice à la culture des céréales ; ces cultivateurs vous demandent ce que deviendra le marché de lin, lorsque vous aurez laissé périr l’industrie linière ? Et s’il est vrai, comme le disent nos adversaires, que presque tous les pays de l’Europe sont propres à en produire de bonne qualité, et même ceux au-delà des mers, où manque l’élément essentiel, la population, on vous le demande, quelle sera la concurrence sur nos marchés ?

On répondra sans doute que nos filatures à la mécanique sauront employer nos produits et faire concurrence à l’Angleterre. N’en croyons rien, messieurs ; l’Angleterre, où les machines ont pris naissance, saura y apporter de nouveaux perfectionnements qui nous laisserons toujours en arrière d’elle, ses nombreux débouchés la mettront constamment à même de faire des sacrifices pour stimuler le génie à la découverte de nouveaux moyens d’amélioration. Et ces mécaniques que l’on vante peuvent-elles donc lutter avec succès contre les immenses importations de fils anglais qui envahissent nos marchés ?

Messieurs, que la leçon du passé nous instruise enfin, car là est tout le mérite de l’histoire.

L’Angleterre s’est enrichie par l’émigration de nos ouvriers drapiers ; la France a recueilli nos meilleurs blanchisseurs ; prenons garde à une perte plus sensible encore, celle de nos tisserands appelés au-dehors par une protection qui leur est refusée au-dedans.

Petit à petit le système de nos voisins démolit nos industries, c’est ainsi que la commission d’enquête vous signalera que la fabrique d’armes, qui faisait la gloire de Liége et alimentait une partie de sa population, tremble aujourd’hui pour son avenir en présence de l’émigration de ses meilleurs ouvriers, dépourvus de travail au-dedans, tandis que la séduction les appelle en Hollande, en Prusse, en France, en Russie même.

Messieurs, votre commission, pénétrée de la position malheureuse dans laquelle se trouve l’industrie linière, unit ses vœux à ceux des pétitionnaires pour engager le gouvernement à venir à son secours. C’est pourquoi elle a l’honneur de vous proposer le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de l'intérieur.

M. Rodenbach – Messieurs, il y a quelque temps j’ai réclamé un prompt rapport sur les pétitions de Caneghem et de Wonterghem.

On a souvent dit dans cette enceinte que ce n’était que les intéressés, que les tisserands, que les marchands de toiles qui réclamaient un droit à la sortie des lins. Maintenant, messieurs, ce ne sont plus les tisserands, ce ne sont plus les marchands qui réclament, ce sont des propriétaires qui, comme vient de vous le dire l’honorable rapporteur, paient des impôts presque assez élevés pour se trouver sur la liste des candidats au sénat ; ce sont des propriétaires, des laboureurs qui paient mille, douze et quatorze cents francs de contribution.

Cela provient, messieurs, je le répète, de ce que dans les Flandres la misère est à son comble. On m’a taxé d’exagération il y a quelques mois, lorsque j’ai dit qu’il y avait de la misère dans ces provinces ; eh bien, vous l’apprendrez de plus en plus. Lorsque nous sommes dans notre province, nous n’entendons que des plaintes. Il paraît que de la ville de Courtray, ainsi que de la ville de Bruges, des centaines de ballots partent avec nos lins pour l’Angleterre, et cela continuera tant que vous ne mettrez pas un droit à la sortie.

Messieurs, il y a encore dans ce moment du lin dans le pays ; mais si nous avions une année malheureuse, les Flandres deviendraient un pays de misérables ; car la moitié de la population doit vivre de l’industrie linière.

Je demande donc que le gouvernement s’occupe sérieusement de la question, et nous présente un projet pour imposer les lins à la sortie. Je le demande au nom des habitants de la Flandre. Je demande même qu’il nous présente ce projet d’urgence ; car, je le répète, on a eu tort de me taxer d’exagération, lorsque j’ai dit que la misère était à son comble.

M. de Langhe – Messieurs, comme je suis du nombre de ceux qui ont taxé d’exagération l’allégation que la misère était à son comble en Flandre, qu’on y mourait pour ainsi dire de faim, je prends la parole pour répondre à ce que vient de dire l’honorable préopinant.

Sans doute, et il ne faut pas même être des Flandres pour le savoir, il y a de la misère dans ces provinces, dans une classe nombreuse d’ouvriers qui, par suite, non pas de la sortie du lin (car je crois que la sortie du lin n’y fait rien), mais qui, par suite de l’invention et du perfectionnement de la filature à la mécanique, se trouvent sans travail, ou du moins ne gagnent qu’un salaire insuffisant.

Mais j’ai dit, et je dis encore, que cette misère, misère exagérée à mes yeux, est atténuée par les travaux de l’agriculture. Par une très bonne raison, c’est que tous ceux qui s’occupent du tissage ou de la filature, s’occupent en même temps des travaux de l’agriculture. Et j’ai dit que ce qu’ils perdent d’un côté, ils ne le gagnent peut-être pas complètement de l’autre, mais que leurs pertes et leur misère étaient atténuées de ce chef.

Voilà ce que j’ai dit, et ce que diront tous ceux qui connaissent les Flandres, et je connais aussi bien que l’honorable préopinant le pays dont il parle. Je ne suis pas tellement éloigné du pays où la filature et les tissages sont en activité pour ignorer ce qui s’y passe.

M. Delehaye – Messieurs, je me suis permis quelquefois de dire dans cette enceinte que les tisserands des Flandres se trouvent dans la misère.

M. de Langhe – Je n’ai pas dit le contraire.

M. Delehaye – On vient vous dire que cet état n’était pas tel qu’on l’a supposé, parce que, vous dit-on, si on ne s’occupe plus du travail des toiles, par contre, on travaille dans les champs.

Je réponds qu’il n’en est pas du tout ainsi. Nous ne nous apitoyons pas seulement sur le sort des tisserands, mais encore sur le sort des fileuses. Les fileuses s’occupent principalement en hiver, et ce n’est pas en hiver qu’on travaille dans les champs.

M. de Langhe – En hiver ou en été.

M. Delehaye – D’ailleurs, messieurs, je vous ai déjà présenté un grand nombre de pétitions qui émanent, non de tisserands et de fileuses, mais de propriétaires domiciliés dans les campagnes, qui vous ont exposé le sort de malheureux ouvriers.

D’un autre côté, à entendre l’honorable M. de Langhe, il paraîtrait qu’il existe une rivalité entre l’industrie ancienne et la nouvelle. C’est là une grande erreur. Je dis qu’alors même que la nouvelle industrie prospérerait, les tisserands pourraient encore avoir du travail, et je vais vous le prouver.

Les tisserands ne sont pas ceux qui s’occupent exclusivement du filage ; ce sont ceux qui font la toile. Si la nouvelle industrie procure le fil à un meilleur marché, ils pourront se procurer cette matière d’autant plus facilement.

Mais, comme vous l’a dit l’honorable M. Rodenbach, le mal pourrait bien provenir de la faculté d’exporter le lin ; c’est parce que le prix du lin vert n’est pas en rapport avec le prix de la toile que le tissage est en souffrance.

Je vais citer un fait que l’on ne peut réfuter.

Ce n’est pas la première fois que nous demandons non la prohibition de la sortie, mais un droit à la sortie. Que nous a-t-on répondu ? on a dit que l’agriculture serait anéantie. Eh bien, voici des faits certains, des faits positifs que l’on ne réfutera pas. C’est que lorsqu’il y a près de 50 ans la sortie du lin était prohibée, non seulement l’agriculture était prospère, mais on vendait plus de 20,000 pièces de toiles par an au-delà de ce qui se vendait avant la prohibition. C’est ce qui est constaté par des pièces officielles que je communiquerai à la chambre.

Messieurs, en vous présentant ces observations, je n’ai voulu que répondre à l’honorable M. de Langhe, parce qu’en répétant sans cesse que nos tisserands ne sont pas malheureux, il pourrait en résulter qu’on tarderait à prendre des mesures à leur égard. Et puisque j’ai la parole, j’en profiterai pour prier M. le ministre des finances de s’entendre avec son collègue de l’intérieur pour examiner le plus tôt possible le rapport de la commission linière. Il y a 16 ou 18 mois que cette commission a été nommée. Je ne veux pas attaquer son travail, je ne le connais pas ; mais pour moi, je pense que si le ministère précédent avait voulu porter remède à l’état de choses actuel, il ne fallait pas une enquête de 16 mois, il ne fallait que consulter les personnes intéressées. Six semaines auraient suffi pour nous donner un rapport détaillé.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Le gouvernement reconnaît la haute importance des questions qui se rattachent à l’industrie linière. Vous n’ignorez pas, messieurs, qu’une commission a été constituée pour procéder à une enquête sur cet objet. Le rapport de cette commission n’était pas parvenu à M. le ministre de l'intérieur, il y a peu de jours, mais je suis informé cependant qu’il devait être fourni très incessamment. Je ne sais si dans ce moment il est entre les mains de mon collègue, mais dans tous les cas la question sera examinée avec empressement par le gouvernement. Aussitôt qu’il sera nanti du rapport de la commission, rien ne sera négligé pour que des propositions puissent être soumises le plus promptement possible à la chambre. Il n’a pas dépendu du gouvernement, comme a paru le croire l’honorable M. Delehaye, que le travail de la commission lui fut remis plus tôt.

Du reste, j’engagerai la chambre à ne pas entamer aujourd’hui une discussion sur cet objet. Cette discussion ne produirait aucun résultat. Elle viendra plus à propos lorsque les propositions du gouvernement lui seront soumises. Il serait donc à désirer que cet incident n’eût pas aujourd’hui d’autres suites.

M. Desmet – Je vois que l’honorable M. de Langhe reconnaît avec moi que la misère est grande, qu’elle est à son comble dans les Flandres et particulièrement dans les parties où la classe ouvrière vivait de la fabrication des toiles et du filage du lin.

Messieurs, vous ne pouvez vous imaginer combien est grande cette misère ; jamais elle n’a été comme aujourd’hui.

Mais, d’après l’honorable député d’Ypres, la souffrance est particulièrement dans la classe moyenne des cultivateurs, qui ne s’occupent plus de la fabrication des toiles. Messieurs, il est très vrai que cette classe de fermiers a beaucoup perdu depuis qu’à côté de sa culture elle ne s’occupe plus de la fabrication des toiles, mais que l’honorable membre veuille rechercher la cause pourquoi ces fermiers ne fabriquent plus de toiles. C’est justement parce que les lins sont accaparés par l’étranger et sont trop chers pour les fermiers, qui, par cette cause, ne savent plus fabriquer et donner du travail aux nombreux ouvriers qu’ils employaient, avant la sortie des lins, dans cette fabrication.

Ainsi, l’honorable M. de Langhe même doit reconnaître ici que c’est la sortie du lin et son accaparement par les étrangers qui sont cause que cette fabrication est perdue pour le pays.

J’appuie donc les observations faites par l’honorable collègue, M. Rodenbach, et j’espère, comme lui, que, pendant cette session, on fera quelque chose d’efficace pour conserver dans le pays la précieuse valeur du lin et que nous aurons quelque égard aux nombreuses réclamations et plaintes que nous recevons de toutes les parties du pays, des nombreux ouvriers qui se trouvent sans travail et sans pain et qui, comme l’a très judicieusement fait remarquer l’honorable M. Zoude dans le rapport qu’il vient de nous faire, sont sans la plus grande détresse, et qu’on réclame, comme remède à leur malheur, qu’un droit soit établi sur le lin à la sortie, et il vous a fait remarquer que, dans les pétitions de Caeghem et de Wonterghem, c’est particulièrement les propriétaires et les cultivateurs qui font cette réclamation et demandent un droit sur le lin à la sortie.

M. de Langhe – Messieurs, je crois, comme l’a très bien dit M. le ministre des finances, que le moment n’est pas venu de discuter à fond la question de la sortie des lins.

L’honorable M. Delehaye vous a dit qu’il n’était pas de mon avis ; permis à lui ; mais permis à moi aussi de n’être pas du sien ; voilà pourquoi y a des discussions, ce n’est pas pour qu’on soit tous du même avis.

On a parlé de pétitions, messieurs, on sait comment se font les pétitions, surtout à la campagne : les trois quarts, si non les neuf dixièmes des signataires ne savent pas ce qu’ils signent.

On vous a dit que les pétitions sur lesquelles on vient de vous faire un rapport, sont signées par un grand nombre de propriétaires qui paient presque le cens sénatorial. Mais est-il dans les communes de Caneghem et de Wonterghem des propriétaires qui paient le cens sénatorial ? Ce serait la première fois que j’aurais entendu parler de pareils propriétaires dans ces villages.

Quoi qu’il en soit, je ne prétends pas discuter aujourd’hui la question de la sortie du lin ; quand on la discutera, il me sera facile de vous démontrer que la gêne à la sortie du lin en diminuera la culture et n’amènera pas le bon marché.

M. Mast de Vries – Messieurs, je n’entends pas traiter aujourd’hui la question de la sortie du lin, mais je pense que l’irritation qu’elle produit doit engager le gouvernement à nous présenter le plus tôt possible un projet sur cette matière, surtout, messieurs, que c’est à peu près le temps des semailles.

Je ferai d’ailleurs observer que, si d’un côté vous avez des pétitions de propriétaires des Flandres qui réclament des droits à la sortie du lin, il ne serait pas difficile que nous en eussions aussi beaucoup de la province d’Anvers, qui demanderaient qu’on n’imposent pas de droits à la sortie. Et ces pétitions donneraient des motifs tout aussi forts que celles des Flandres.

Je ne veux pas préjuger la question. J’ai été en Flandre comme membre de la commission d’enquête ; je sais qu’il y a de la souffrance dans ces provinces. Mais, je le répète, cela doit engager le gouvernement à nous faire de suite ses propositions.

M. Rodenbach – Messieurs, la question de la sortie des lins est certes très graves ; je désire moi-même que la chambre puisse s’éclairer ; aussi je demande à cris que le gouvernement veuille nous présenter l’enquête linière ; il doit s’y trouver des documents qui pourront éclairer la chambre.

Qu’en s’empresse donc de nous présenter le travail de la commission, mais ce travail tout entier et non des fractions. On verra les réponses faites par tous les habitants où on s’occupe de l’industrie des lins, et on pourra s’assurer s’il y a dans ces communes de la misère, oui ou non.

Messieurs, pour ne pas abuser des moments de la chambre, je ne répondrai que quelques mots à l’honorable député d’Ypres.

Je conçois que l’on ne remarque pas beaucoup de misère dans son district, qui n’est pas manufacturier, mais qui est pour ainsi dire un district purement agricole. Car je pense qu’il y a à peine cinq ou six communes de ce district qui s’occupent du tissage des toiles.

(Erratum inséré dans le Moniteur du 9 mars 1841 : ) Si je suis bien informé, 4 ou 5 communes du district d’Ypres ont refusé le faible subside que le gouvernement accorde ; il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les plaintes ne viennent point de ce côté, mais ceux qui sont en contact avec les fileurs et les tisserands peuvent assurer que la misère est réellement grande dans les Flandres.

M. de Langhe a dit qu’il n’y a pas de grands propriétaires parmi les signataires des pétitions ; mais, messieurs, c’est l’honorable M. Zoude lui-même qui nous a dit qu’il s’en trouve qui paient 1,000 et 1,200 francs, qui paient (Erratum inséré dans le Moniteur du 9 mars 1841 : ) presque le cens voulu pour être éligible au sénat ; je ne pense pas que l’honorable rapporteur de la commission puisse être accusé d’avoir voulu en imposer à la représentation nationale, et aussi longtemps que l’honorable M. de Langhe n’aura pas démontré que les assertions du rapport sont fausses, je m’en tiendrai à ce qu’il porte.

M. Vandenbossche – Messieurs, tout le monde convient que la misère est grande dans les Flandres et que la cause en est dans la stagnation de l'industrie linière ; cependant l’honorable M. de Langhe semble vouloir atténuer un peu cet état de choses. Eh bien, messieurs, il y a des endroits où l’on trouve jusqu’à 4 et 500 mendiants en un jour ; le district d’Alost est dans ce cas.

Quant aux droits à établir sur la sortie du lin, les cultivateurs sont divisés sur ce point ; il en est qui s’y opposeraient, mais il en est aussi qui trouveraient la mesure utile. Un cultivateur, et un grand cultivateur, m’a dit qu’il désire l’abaissement d’un semblable droit dans l’espoir que cela le mettrait à même de donner du travail aux classes pauvres.

M. le ministre dit qu’il s’occupera de cet objet et qu’il nous présentera un projet de loi ; mais ne pourrait-il pas nous dire à quelle époque à peu près cela pourrait se faire ? Attendra-t-il le rapport de la commission ? Mais, messieurs, ce rapport ne nous apprendra guère plus que ce que nous savons tous et ce que nous avons lu depuis plus d’un an, que nous avons besoin d’un droit de sortie sur les lins, droit qui peut être faible, mais surtout d’un droit d’entrée sur le fil anglais.

Je prierai aussi le gouvernement d’engager les régences à faire maquer les toiles, afin que les marchands puissent reconnaître les toiles faites avec du fil filé à la main et celles qui sont faites avec du fil mécanique. Nous voyons, messieurs, que l’on commence dans les pays étrangers à vendre des toiles faites avec du fil mécanique pour des toiles des Flandres, lesquelles se trouvent ainsi dépréciées.

Je désire, messieurs, que le gouvernement ne tarde pas à nous présenter le projet de loi qu’il nous a annoncé.

Les conclusions de la commission sont mises au voix et adoptées. En conséquence, les pétitions dont il s’agit sont renvoyées à M. le ministre de l'intérieur.

Projet de loi, disjoint du projet de budget des voies et moyens, portant diverses modifications au tarif des douanes

Discussion de l'article unique

M. Delfosse – Messieurs, M. le ministre des finances nous a dit hier qu’il s’occupe de la révision de notre tarif des douanes. Je l’en félicite. Il y a dans ce tarif des anomalies qu’il est urgent de faire disparaître. Beaucoup d’objets sont frappés à la sortie de la moitié du droit qu’ils paient à l’entrée ; c’est là une chose qui ne peut guère se justifier ; si tout droit d’entrée à pour but de protéger les produits de notre sol et de notre industrie, en mettant des entraves à l’importation des produits similaires de l’étranger, on va en sens inverse de ce but en mettant également des entraves à l’exportation. D’un autre côté, tout droit à la sortie suppose que l’importation est avantageuse, et alors il ne faut pas de droit d’entrée. La coïncidence de droits d’entrée et de sortie sur le même objet ne peut s’expliquer que dans un but purement fiscal et contraire aux intérêts du commerce et de l'industrie.

Les auteurs du tarif des douanes ont trop perdu de vue que la législation douanière doit être conçue de manière à concilier les intérêts du commerce et de l’industrie avec ceux du trésor. C’est ainsi qu’ils ont mis des droits sur des matières premières que votre sol ne produit pas et qui sont indispensables à nos industriels. On nous a placés par là dans une position d’infériorité à l’égard des étrangers, on a fermé en quelque sorte des débouchés qu’il aurait fallu ouvrir.

Les changements partiels que M. le ministre des finances propose, pour le moment, au tarif des douanes, ne me paraissent pas tous de nature à l’améliorer ; il en est qui tendent, au contraire, à en compléter la bizarrerie, à en faire une véritable pièce de marqueterie. Pourquoi augmenter les droits d’entrée sur les fers étrangers, alors que les fers indigènes jouissent déjà d’une protection suffisante ?

M. de Langhe – Les fers sont disjoints du projet actuel.

M. Delfosse – Les fers sont disjoints du projet actuel, mais la proposition d’augmenter le droit d’entrée sur les fers n’étant pas retirée, je dois la comprendre dans les observations que j’ai à faire sur l’ensemble des majorations proposées.

Il est, messieurs, des qualités de fers que nos industriels doivent nécessairement tirer du dehors. Nous devons, par exemple, tirer de l’Angleterre les fils de fer dont nous avons besoin pour la fabrication des clous. La proposition d’augmenter le droit d’entrée sur les fils de fer, aura, si elle est adoptée, pour résultat inévitable de diminuer l’exportation de nos clous, et, par suite, l’importation des fils de fer. Il y aura ainsi perte pour nos fabricants de clous et perte pour le trésor. M. le ministre des finances verra, cette fois encore, que toute augmentation de droits n’est pas une augmentation de recette.

Dans l’examen des propositions de M. le ministre des finances, soit qu’elles aient rapport aux douanes, soit qu’elles aient rapport à d’autres branches de recettes, je me réglerai, messieurs, d’après les principes suivants, qui, j’en suis sûr, seront aussi les vôtres.

Je rejetterai toue proposition qui serait de nature à nuire au développement du commerce et de l’industrie.

Je rejetterai toute majoration d’impôt qui pèserait d’un manière quelque peu sensible sur les classes pauvres.

C’est vous dire assez, messieurs, que je voterai contre la proposition de majorer le droit, déjà si élevé, qui frappe la bière, boisson saine, qu’il faut, autant que possible, substituer au genièvre dans la consommation du peuple. Le grand nombre de réclamations qui nous on été adressées contre cette proposition, et la force des motifs qu’elles contenaient, auraient dû engager M. le ministre des finances à la retirer.

Je sais bien, messieurs, que les ministres des finances sont en général portées pour les impôts qui frappent des objets d’une consommation générale, parce que c’est impôts sont extrêmement productifs.

Mais ce n’est pas seulement ce qui est productif qu’il faut avoir en vue ; nous devons avant tout, rechercher ce qui est juste.

Lorsqu’Aristide eut dit aux Athéniens : « Le projet de Thémistocle est utile, mais il n’est pas juste, » les Athéniens s’écrièrent d’une voix unanime : « Nous n’en voulons pas. »

Je ferai comme eux, messieurs, je rejetterai toutes les majorations d’impôts qui frapperaient les classes pauvres. Elles seraient peut-être fort utiles au trésor, mais elle seraient injustes ; je n’en veux pas.

Je l’ai dit, messieurs, dans la discussion générale des budgets, c’est celui qui a quelque chose et non celui qui n’a rien, c’est le riche et non le pauvre qu’il faut faire payer. Pourquoi ne suivriez-vous pas le conseil que l’honorable M. Pirmez nous a donné hier, pourquoi ne rendriez-vous pas l’impôt sur le sucre plus productif ? C’est là un impôt qui aurait un double avantage : il porterait sur un objet qui est, en quelque sorte, de luxe, et dont il se fait néanmoins une grande consommation.

Vous pourriez aussi frapper d’un impôt les équipages et les livrées ; cet impôts serait à la fois productif et moral, et il ne nuirait en aucune manière à l’industrie. Celui qui est assez riche pour se donner un équipage et une livrée peut bien céder à l’Etat une partie de son superflu. L’impôt, alors même qu’il serait assez élevé, ne le ferait pas renoncer à ce qui est pour lui un besoin de position et un besoin de vanité. Que si quelques-uns, qui font, en se donnant un équipage, des dépenses que la modicité de leur fortune ne comporte pas, se décident, à cause de l’impôt, à aller modestement à pied, nous leur aurons rendu un véritable service, nous les aurons empêché de se faire trainer à leur ruine.

Je livre, messieurs, ces courtes observations à vos méditations et à celles de M. le ministre des finances, et je renouvelle, en finissant la déclaration que j’ai faite tantôt que je voterai contre tout nouvel impôt qui ne réunirait pas les avantages et éléments de justice que je trouve dans ceux que je viens d’indiquer.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, la première observation de l’honorable préopinant porte sur les droits de sortie. Il devra reconnaître que, sous ce rapport, le but qu’il se propose est rempli. Dans les propositions qui sont faites à la chambre, il n’est guère porté en ce qui concerne la sortie, que de simples droits de balance, à l’exception de quelques cas très rares où il y a eu des motifs particuliers pour en agir autrement ; ces motifs nous les feront connaître lorsque le moment en sera venu.

L’honorable M. Delfosse est entré dans quelques considérations en ce qui concerne l’augmentation proposée du droit sur les fers. Je répondrai que l’augmentation de ce droit a été réclamé par des industriels de notre pays.

L’observation faite par l’honorable membre, en ce qui concerne les fils de fer, a également frappé le gouvernement, et mon intention est de faire droit à cette réclamation. Lorsque nous en serons à l’article qui concerne les fers, je proposerai un amendement dans le sens de l’observation faite à cet égard par l’honorable M. Delfosse.

L’honorable membre annonce qu’il rejettera toutes les augmentations qui peuvent nuire à l’industrie et au commerce. Je lui ferai remarquer qu’il est presque impossible d’établir un droit qui ne nuise pas plus ou moins au commerce ou à l’industrie. Si l’on prenait une pareille règle pour point de départ, il n’y aurait plus moyen de faire face à nos dépenses. Il sera toujours très facile de prouver que tel et tel droit nuit soit à l’industrie, soit au commerce.

Je le répète, il serait impossible d’équilibrer à jamais nos recettes avec nos dépenses, si nous agissions d’après un semblable principe. Ce n’est pas sans un grand regret que je suis venu proposer une majoration d’accise sur la bière ; mais où pourrait-on trouver des produits considérables, si ce n’est en atteignant les objets de grande consommation.

M. Brabant – Mais les droits actuel sur la bière sont déjà considérables.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – S’il était possible d’établir une balance exacte entre nos recettes et nos dépenses, sans imposer les bières, ou en restreignant la proposition faite par le gouvernement, en ce qui concerne cette boisson, ce serait avec empressement que je renoncerais à tout ou partie de la proposition.

L’honorable membre indique d’autres objets qu’on pourrait imposer, le sucre entre autres. Le gouvernement a déjà annoncé qu’il s’occupe de cet objet si important, et qu’une instruction approfondie se fait. La question, qui paraît simple à quelques-uns, ne l’est cependant pas ; c’est une des questions les plus graves et les plus compliquées qui se soient jamais présentées.

Ainsi, d’une part, l’on ne comprend pas comment le gouvernement n’est pas pénétré de l’utilité qu’il y a à favoriser le sucre indigène, et hésite à présenter immédiatement une loi dans ce but en augmentant le rendement du sucre exotique livré à l’exportation. D’un autre côté, on témoigne le plus grand étonnement à ce que le gouvernement tarde à sacrifier le sucre indigène, et de ce qu’il tarde à assurer le succès du commerce et de l’industrie du sucre exotique par le moyen bien simple d’imposer le sucre de betterave. La question n’est pas aussi simple qu’elle apparaît aux yeux de ceux qui ont des intérêts opposés ; le gouvernement s’en occupe très sérieusement. Un travail est préparé sur cet objet, mais ce travail, quoique élaboré avec soin et impartialité, doit, à notre avis, être nécessairement communiqué aux chambres de commerce et aux commissions d’agriculture.

L’honorable M. Delfosse a encore indiqué les équipages et les livrées comme susceptibles d’être imposés ; ces impôts seraient d’un très faible produit, et en diminuant le luxe nous nuirions à cette classe même qui mérite notre sollicitude, et la classe ouvrière en effet aurait tout à perdre d’une diminution dans l’emploi des objets de luxe.

Il est à observer d’ailleurs qu’il existe un impôt sur les chevaux ; que cet impôt est très considérable, et qu’il est plus élevé que l’impôt somptuaire qui existait autrefois et qu’on a dû supprimer. L’impôt sur les chevaux est un véritable impôt sur le luxe ; au lieu de frapper les voitures et les livrées, on a imposé les chevaux.

Je me bornerai à ces observations pour le moment.

M. Cogels – Messieurs, je me verrai à regret force de combattre quelques-unes de des majorations proposées par le gouvernement. Je le ferai dans l’intérêt du trésor, comme dans l’intérêt du commerce, parce que je crois que l’espoir qu’on a fondé sur les produits présumés de ces augmentations, sera tout à fait déçu par l’expérience.

Je ne m’étendrai pas beaucoup sur les considérations générale que je suis dans l’intention de soumettre à la chambre, parce que je pense que l’assemblée est impatiente d’en venir à la discussion des articles.

Je dirai seulement qu’assez généralement l’on n’envisage pas l’impôt, comme il devrait l’être ; on considère généralement l’impôt sous son rapport purement fiscal, on ne le considère pas comme un objet d’utilité générale.

Le point essentiel, c’est d’établir l’impôt de manière à ce qu’il ne nuise pas à la fortune publique, car c’est toujours la fortune publique qu’il faut avoir en vue d’abord. Il faut envisager le pays comme une grande famille, et si pour faire entrer un million dans les caisses du trésor public, on privait le commerce et l’industrie, c’est-à-dire la fortune publique de deux millions, on aurait fait une bonne opération pour le trésor en apparence, mais en réalité on en aurait fait une très mauvaise, parce qu’on aurait diminué d’autant la fortune publique.

La manière dont on a envisagé l’impôt a généralement fait surgir partout une espèce d’hostilité contre le fisc. Cet esprit d’hostilité est peut-être plus vif dans notre pays que partout ailleurs. La cause en est fort simple : c’est que notre pays a appartenu pendant des siècles à des puissances étrangères. La majeure partie des impôts qui se prélevaient dans le pays n’entrait pas dans le trésor de la Belgique, mais ils sortaient du pays pour solder des armées étrangères, souvent même pour soudoyer la tyrannie sous laquelle vous succombiez. Ainsi, lorsque nous étions sous la domination espagnole, une partie des impôts que nous payions était prélevée au profit de l’Espagne. Sous le régime autrichien, nous n’avions pas, il est vrai, à supporter de très forts impôts, mais une partie en était encore détournée au profit de l’Autriche.

Sous le gouvernement français, les commissaires qui nous furent envoyés par la convention et le Directoire ont exercé dans ce pays des exactions dont on ne se fait pas d’idée. Après cela , nous avons vécu sous le régime hollandais. Alors encore, on s’est plaint d’avoir à supporter une partie de la dette et des frais d’entretien des digues hollandaises.

C’est là le motif pour lequel l’esprit d’hostilité contre le fisc, qui se produit assez naturellement dans tous les pays, a été cependant plus prononcé en Belgique qu’ailleurs. On conçoit par là toute la difficulté qu’il y a d’établir de bons impôts en Belgique, parce que assez généralement, loin de prêter son concours à la répression de la fraude, chacun se dit lorsqu’on peut tromper le fisc, c’est autant de pris sur l’ennemi. (On rit.)

Un autre motif qui explique cette difficulté ; c’est notre constitution territoriale. Nous avons une très grande étendue de frontières ; nous sommes environnés de pays où existe un système de commerce libre, pays qui ont généralement toutes les denrées et tous les produits industriels que nous frappons d’impôts chez nous. C’est pour cela que les produits de nos douanes sont si minimes, et que même ceux d’une partie de nos accises ne sont pas plus importants.

En Angleterre, où la constitution territoriale est extrêmement favorable à la répression de la fraude, les droits d’accises et de douanes seuls produisent plus des trois quarts du revenu public. Aussi, en 1839, les accises y ont produit 36,874,000 liv. st. qui font en francs environ 930 millions, et cela sur un budget de 1,200 millions. Chez nous, sur un budget de 100 millions, les mêmes droits rapportent à peine 30 millions.

Ceci, je le répète, tient à notre constitution territoriale. Mais, me dira-t-on, comment faire, quand il faut acheter des produits ? Je dirai qu’il faut chercher des produits sur tous les objets qui sont le moins exposés à être fraudés, mais qu’il ne faut pas établir des droits ou des majorations de droits qui présenteraient un grand appât à la fraude, ou qui détruiraient entièrement les importations sur lesquelles on paie des droits, pour pouvoir les exporter ensuite dans les pays voisins.

Voilà le considérations que je crois devoir présenter à la chambre, et dont l’application se fera naturellement à chacun des articles que nous avons à discuter.

M. de Mérode – Messieurs, l’honorable préopinant a fait valoir beaucoup de considérations très vraies ; il y en a une seulement que je ne puis pas admettre, c’est celle qu’il y a de bons impôts ; il n’y a pas un seul bon impôt ; prenez les impôts les uns après les autres, vous les trouverez tous mauvais. Je prends pas exemple l’impôt sur les équipages dont a parlé l’honorable M. Delfosse ; j’étais, dans le principe, grand partisan de cette espèce de contributions, et je me figurais que rien ne serait plus utile à un pays que de restreindre le nombre de voitures. Eh bien, après la révolution, du temps du gouvernement provisoire, on ne voyait plus d’équipages rouler dans la ville de Bruxelles ; tous les ouvriers carrossiers, maréchaux, garnisseurs, etc., ne faisaient plus rien ; il en est résulté que la régence a été obligée d’employer ces ouvriers au boulevard, où ils gagnaient 25 cents par jour, au lieu de 2, 3 ou 4 francs qu’ils gagnaient dans leur profession. Cela m’a guérir de mon aversion pour les équipages, et maintenant je les voit rouler avec grand plaisir dans les rues de Bruxelles.

Comme l’a dit M. le ministre des finances, les équipages sont frappés par l’impôt sur les chevaux ; cependant, si l’on peut tirer quelque chose de plus de cette branche d’impôt, sans nuire aux ouvriers qui s’occupent de ce genre d’industrie, je ne demande pas mieux. Mais il y a d’autres objets sur lesquels il est possible de percevoir des contributions plus fortes, parce qu’elles ne vexent personne et qu’on ne peut pas les frauder. Nous avons d’abord les bois étrangers qui ne paient presque rien. On dit que c’est dans l’intérêt des constructions ; j’admets qu’il est dans l’intérêt des constructions qu’on ait le bois à bon marché ; mais comme, ainsi que je viens de le dire, il n’y a pas de bons impôts, mieux vaux encore frapper les bois étrangers que des objets qui son produits par le pays même.

Nous avons aussi les tabacs, qui pourraient rapporter plus de 2 fr. 50 c. par 100 kil. On m’a dit qu’on pourrait très bien porter ce droit à 5 francs , ce ne serait encore que 2 fr. 50 par 100 livres, ce qui est bien peu.

Si on a besoin d’autres contributions, qu’on mette un léger droit sur les successions en ligne directe ; je ne m’y opposerai pas non plus, bien que ce droit dût m’atteindre encore plus particulièrement que beaucoup d’autres.

Quant à la bière, je pense qu’on exagère l’usage que l’on en fait dans la classe pauvre. Ce ne sont pas, en général, les pauvres qui consomment la bière, mais c’est la classe bourgeoise ; je crois que si le droit sur la bière était légèrement augmenté, il pourrait rapporter beaucoup au trésor, sans que cette augmentation se fît sentir notablement pour les consommateurs.

Mais l’objet qui me paraît le plus imposable de tous, c’est le sucre. L’idée de substituer la betterave à la canne à sucre me paraît une idée impossible à réaliser, autrement qu’en frappant de droits très considérables le sucre venant de pays étrangers, et cela pour produire un sucre beaucoup plus coûteux que celui que fournit cette plante sucrée exotique qui a nécessairement une très grande supériorité sur l’autre. Il en résulte que, pour enrichir quelques spéculateurs en sucre de betterave, nous perdons un revenu immense pour le trésor public. Quant à moi, je suis d’avis que plus tôt on percevra un impôt sur le sucre de betterave plus tôt on fera sentir à ceux qui exploitent cette industrie que le trésor public ne peut pas leur être sacrifié, mieux on fera.

M. Mast de Vries – Messieurs, la question agitée hier à la fin de la séance n’a pas été tranchée, parce que la chambre ne s’est plus trouvée en nombre au moment du vote. Je demanderai à M. le ministre des finances s’il entend que les amendements que j’ai présentés fassent partie du projet de loi dont il s’agit.

On vient d’indiquer plusieurs bases d’impôt. Nous aurons à nous expliquer sur ces bases quand le gouvernement nous fera des propositions.

Je pourrais indiquer des augmentations d’impôt, notamment de celui perçu à titre de contributions personnelles. Il suffirait pour cela de changer les instructions.

Voilà à quoi je veux faire allusion.

Quand vous habitez une maison depuis 1830, il suffit que vous ayez fait la déclaration de deux ou trois cheminées, vous ne payez que d’après votre déclaration ; on ne fait aucune visite, pour voir si le nombre réel n’est pas supérieur à celui déclaré. On dit qu’il est d’usage que, quand une déclaration existe depuis un certain nombre d’années, on continue à payer sur cette déclaration. Je pourrais citer plusieurs exemples du fait que je signale. Je ne comprends pas un usage qui donne un privilège aux personnes qui ont fait de fausses déclarations. Quand, par suite de changements faits aux habitations, des visites sont faites par des experts, ils sont étonnés de trouver des fenêtres et des cheminées en nombre double de celui déclaré.

Il est un autre abus à propos duquel on m’a encore répondu que c’était un usage. Si vous avez besoin de faire estimer une valeur locative pour la contribution personnelle, ce sont les experts du gouvernement que vous devez appelez. Si vous voulez faire estimer une propriété bâtie pour la fixation de la contribution foncière, c’est encore aux experts du gouvernement que vous devez vous adresser. Je demande s’il ne serait pas plus simple de prendre pour base les évaluations du cadastre. Ne vaudrait il pas mieux couper court à toutes ces expertises et établir la contribution foncière et la contribution personnelle sur les estimations du cadastre. De cette manière, vous n’auriez pas à chagriner les contribuables qui n’auraient pas déclaré une valeur assez élevé ; et le trésor recevrait tout ce que la loi a voulu lui attribuer.

Vous avez des hôtels très considérables pour lesquels il suffit de déclarer cinq fois la valeur locative pour que toute surveillance cesse sur la fixation de la contribution mobilière. Tandis que de pauvres malheureux paient la contribution intégralement, ne pouvant fait cet abonnement, parce que leur mobilier ne vaut pas cinq fois la valeur locative de leur habitation, les possesseurs d’hôtels, dont l’ameublement vaut 25 fois la valeur locative de leur habitation, échappent à la loi.

Voilà des changements qui ne sont pas considérables, mais qui sont de nature à rapporter beaucoup au trésor. Tout le monde devrait applaudir à des propositions faites dans ce sens par le gouvernement.

Revenant au tarif en discussion, je prie M. le ministre de nous dire s’il admet les amendements que j’ai proposés.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je crois n’avoir pas été compris par l’honorable comte de Mérode. Je ne pense pas avoir dit qu’il y avait de bons impôts. J’ai dit que la plupart des impôts nuisaient plus ou moins à l’industrie et au commerce. Il en est cependant qui en eux-mêmes et abstraction faite de leur utilité pour faire face aux dépenses de l’Etat, peuvent être considérés comme de bons impôts, ce sont ceux qui ont en même temps un but moral et un but fiscal. Tels sont les impôts sur les boissons spiritueuses.

Je remarquerai qu’on s’empresse toujours d’indiquer d’autres matières imposables que celles qui sont soumises à nos délibérations, qu’on préfère généralement les droits qui ne sont pas proposés à ceux qui sont en discussion.

Quant au bois, j’étais bien de l'avis de l’honorable comte de Mérode, puisque j’ai soutenu avec lui l’augmentation de droit. Mais l’honorable membre se rappellera que nous avons échoué et que la chambre a rejeté la proposition. Tout au moins y aurait-il grande doute sur le succès d’une nouvelle proposition qui serait faite dans le même sens. Du reste, cette ressource peut se présenter dans l’avenir. Elle ne serait pas immédiate ; il faut bien se résigner à en adopter d’autres. Le tabac est aussi indiqué comme pouvant augmenter les revenus du trésor ; qu’on veuille se rappeler que la chambre s’en est occupée, il y a deux ans, et qu’elle a pensé alors qu’on ne pouvait pas augmenter le droit sur cet objet au-delà du tarif actuel. Je ne partage pas cette opinion. C’est une question qui est étudiée en ce moment.

L’honorable M. Mast de Vries est entré dans de longues observations sur la contribution personnelle. Je lui ferai observer que ce n’est pas par suite d’un usage qu’on peut se référer à la cotisation de l’année précédente, mais par une modification apportée à la loi primitive.

En 1821, la législature a posé le principe que le contribuable devait ou former une déclaration ou réclamer l’expertise, et que si sa déclaration était jugée trop faible ou inexacte par l’autorité compétente, il soit procédé à une expertise qui pourrait entraîner des pénalités.

Je suis d’accord avec l’honorable membre, que si on ne s’était pas écarté de ce principe, le produit de la contribution personnelle serait plus considérable qu’il ne l’est aujourd’hui.

Beaucoup de membres de la chambre en 1831 se sont récriés contre la présence des agents du fisc dans les habitants des citoyens et contre la pénalité qu’on infligeait pour les déclarations trop faibles. C’est par suite de ces plaintes qu’une disposition a été introduite dans la loi pour permettre aux contribuables de se référer aux bases de leur cotisation pendant l’année précédente. Cependant depuis 1832, de grands changements sont survenus dans la valeur locative des propriétés ; l’intérêt du trésor exigerait qu’on en revînt au principe de la déclaration annuelle ou au moins qu’on adoptât une mesure prescrivant une nouvelle déclaration ou expertise par période de cinq ans. De cette manière le citoyen ne sera gêné ni par la présence des agents du fisc, ni par la crainte de faire une déclaration trop peu élevée. Mais à la cinquième année, le trésor viendra réclamer ce qui lui est dû conformément au vœu de la loi.

Répondant à l’interpellation de M. Mast de Vries, je dirai qu’en ce qui concerne les foins, je persiste à demander qu’on n’insère pas sa proposition dans la loi actuelle. Ce n’est pas un amendement qu’un nouvel article à une loi de douane, car chaque article doit être considéré comme une loi spéciale. Ainsi c’est une nouvelle loi que la proposition de l'honorable membre sur les foins. Ce motif se rattache à la considération présentée hier, que si nous admettons un seul article nouveau, d’autres nouvelles propositions ne manqueront pas de surgir et nous n’arriverons pas au terme de la discussion de cette loi d’ici à longtemps. Il est un second motif que je puise dans la proposition même. Elle a été examinée au département de l'intérieur, et il n’a pas encore été pris de décision définitive sur son objet, attendu que l’instruction nécessaire n’est pas achevée.

Il est à remarquer que les importations de foins étrangers ne sont, terme moyen, que de 87 mille francs par an, tandis que nos exportations s’élèvent à 253,000 francs. Dans cet état de choses, sans un examen plus approfondi de la part du gouvernement, nous ne pouvons pas adopter le projet présenté par M. Mast de Vries. Nous ne le repoussons pas, quant à présent, mais nous disons que la question doit être éclairée davantage avant qu’on puisse la discuter. Quant au projet concernant les tuiles, avant de me prononcer, j’attendrai le rapport de la section centrale, et en ce qui concerne la forme, je demande qu’il ne soit pas compris non plus dans la loi actuelle.

M. de Langhe – Je me proposais de faire quelques observations en réponse à l’honorable M. Mast de Vries, sur l’insistance qu’il met à vouloir que ses amendements soient discutés à propos de la loi qui nous occupe. Cette loi a un but financier. Quant au but douanier, il faut une proposition particulière. Rien n’est dangereux comme d’improviser des amendements en matière de douane. Les amendements dont il s’agit ne paraissent pas présenter de difficulté. Sans doute, cela est vrai, si on n’envisage la question que d’un côté, mais il faut l’envisager dans toutes ses faces, il faut la méditer avec soin. Le gouvernement seul est en position de nous faire de semblables propositions, après y avoir mûrement réfléchi.

Ce que je dis de la proposition de M. Mast de Vries, je le dirai de la proposition de M. Zoude. Cette proposition a été examinée en sections. Dans ma section où, par extraordinaire, nous étions nombreux, parce qu’il y avait un objet important à l’ordre du jour, nous avons été d’avis, à une grande majorité, de l’ajourner, de la renvoyer au gouvernement, parce que ce qui est dans l’intérêt des fabricants peut être nuisible aux consommateurs. J’entends par consommateurs, non seulement ceux qui s’en servent, mais aussi ceux qui l’emploient dans les nombreuses machines qui servent à alimenter leurs fabriques.

Puisqu’on a parlé de différents impôts à améliorer, je soumettrai une observation aux méditations du ministre des finances. C’est relativement à la contribution personnelle. Pour les loyers au-dessous de 20 florins, il y a exemption de tout impôt. Cette exception est en faveur du pauvre. Mais elle n’a pas atteint son but. Je connais des campagnes situées à trois ou quatre lieues de la ville que j’habite et je sais que dans ces campagnes beaucoup d’habitants très aisés n’occupent pas une maison de 20 florins de loyer. Ceux-là devraient bien payés leur part de contribution personnelle. Il faudrait abaisser la limite ou abolir entièrement cette exemption. Quelques pauvres paieront un impôt, mais si minime qu’il ne peut pas être pris en considération. Je ne fais pas de proposition, mais quand nous cherchons les moyens d’établir de nouveaux impôts, il faut indiquer ceux qui sont susceptibles de produire davantage. Avant d’en établir de nouveaux, il faut améliorer ceux qui existent.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’ajouterai, relativement au foin, qu’il est des localités qui ont un besoin indispensable de foins étrangers. Je répondrai à l’observation de M. de Langhe, relativement à la perte qu’éprouve le trésor de ce que les loyers de 20 florins ne sont pas imposés, qu’en effet je crois que des personnes assez aisées habitent des maisons d’un loyer au-dessous de 20 florins. Un projet de loi relatif à la contribution personnelle avait été proposé il y a quelques années ; et dans ce projet, auquel j’avais personnellement coopéré, il y avait, en, effet, un droit décroissant sur les faibles loyers, tels que ceux de 20 florins et au-dessous ces objets seront examinés, et pour la session prochaine des propositions pourront, s’il y a lieu, être soumises à la chambre dans ce sens.

M. Cogels – J’appuie l’observation de l'honorable M. de Langhe, relative à toutes les majorations de douanes. Je dirai même qu’il est fort regrettable que, pour présenter tous ces majorations, on n’ait pas attendu jusqu’à la révision générale du tarif, qui aura lieu immédiatement après la discussion de l'enquête ; car rien n’est plus fâcheux pour l’industrie qu’un changement fréquent dans les droits de douanes. Cela nuit à la fortune publique, qui est l’objet qu’on doit toujours avoir en vue.

L’honorable M. de Mérode dit qu’il ne connaît pas de bon impôt. Je crois qu’il y a beaucoup de bons impôts. Tout impôt qui tend à développer une industrie nationale est certainement un bon impôt. Tout impôt qui tend à restreindre la consommation de substances contraires à l’ordre public et à la morale est aussi, sans doute, un bon impôt.

Je dirai plus : c’est que l’impôt, en général, est bon ; dès qu’il ne nuit pas au développement de la prospérité publique ; car c’est la part contributive de chacun dans l’administration de la grande famille ; or, c’est de la bonne administration de la grande famille que dépend la prospérité publique. Ainsi l’on peut dire que l’impôt est bon en lui-même dès qu’il est bien établi et surtout bien employé.

M. Smits – Je crois que nous ne sortirons jamais des difficultés qui surgissent à chaque instant, je veux parler de cette lutte permanente d’intérêts qu’elles mettent en présence, tant que nous ne nous serons pas occupés sérieusement des moyens réels pour les faire cesser. L’impôt est incontestablement l’objet qui mérite le plus la sollicitude des chambres, car sans impôt, il n’y a pas de gouvernement possible ; mais aussi l’impôt affecte la propriété, les personnes, le commerce et l’industrie. C’est donc avec une très grande prudence qu’il faut examiner les questions qui s’y rattachent. La loi constitutionnelle a imposé l’obligation de réviser les impôts. Cependant, malgré cette obligation formelle, on a toujours reculé devant la difficulté. Je ne sais si le temps a manqué, ou si l’on a reculé devant les difficultés d’assigner la part proportionnelle que chaque impôt doit supporter dans les charges publiques.

Qu’en est-il résulté ? il en est résulté que, chaque fois qu’un déficit s’est présenté, on a eu recours, soit à des emprunts, soit à l’émission de bons du trésor (conséquemment à l’accroissement de la dette flottante), soit à l’augmentation des droits de douane ; or cette augmentation de droits est toujours très nuisible aux intérêts du commerce et de l’industrie ; car une proposition de changement de tarif arrête de suite les spéculations, et, en premier lieu, les spéculations les plus intéressantes, les opérations lointaines, les opérations transatlantiques ; en effet, en présence de modifications au tarif, il est impossible qu’un négociant cherche à faire des opérations lointaines.

Je dis donc qu’il faut se placer franchement en présence des difficultés, examiner l’impôt dans toutes ses bases, dans ses grandes généralités, et chercher à déterminer la part proportionnelle de la propriété foncière, du personnel des douanes, des accises et autres parties de l’impôt public.

J’engage M. le ministre des finances à s’occuper de ce travail aussi utile qu’intéressant. Alors nous verrons cesser cette divergence, ces combat d’intérêts qui sont faits pour jeter la perturbation dans nos relations, notre industrie, notre commerce.

M. Mast de Vries – Je ne conçois pas qu’on puisse s’opposer à la proposition que j’ai eu l’honorable de faire. Ce n’est pas un objet nouveau. Il y a une proposition de loi, faite en 1837, par la commission d’industrie.

M. de Langhe – Cette proposition n’a pas été renvoyée aux sections.

M. Mast de Vries – Mais jamais les projets de loi présentés par la commission d’industrie ne sont renvoyés aux sections.

On se plaint de ce que le trésor public manque de fonds, et on refuse les ressources que nous lui offrons.

M. le ministre des finances m’engage à attendre. Mais voilà trois ans que vous faites attendre ceux qui vous ont adressé des pétitions, par suite desquelles la commission d’industrie a présenté un projet de loi. Maintenant qu’il s’agit d’une modification partielle au tarif, on nous renvoie à une révision générale. Depuis trois ans que ce projet de loi est prêt, on ne s’en est pas occupé. Quand donc pourra-t-on s’occuper d’une révision générale du tarif ? C’est vraiment une fin de non-recevoir. Si le gouvernement repousse les mesures propres à augmenter les ressources du trésor, je croirai qu’il n’a pas besoin de fonds, et je ne verrai pas la nécessité de voter la loi.

M. Delehaye – Si l’on doit consulter sur les impôts tous ceux qui doivent les payer, personne ne les trouera bons. Mais la bonté des impôts est relative ; on peut dire que tel impôt est meilleur qu’un autre, parce qu’il porte sur des objets qui ne sont pas de première nécessité.

Au sujet de la proposition relative aux foins faite par l’honorable M. Mast de Vries, M. le ministre des finances vous a dit que nous exportons plus de foins qu’il n’en est importé en Belgique. Je serais disposé à ne pas ajouter tout à fait foi à cette assertion et à croire qu’ici la statistique manque d’exactitude. Mais admettons qu’elle soit exacte, cela ne prouve rien quant aux droits à établir ; car le droit n’a pas d’influence sur l’exportation. Lorsqu’on veut frapper d’un droit un produit quelconque, il ne faut pas seulement examiner si ce produit est susceptible d’être frappé d’un droit, il faut examiner si, en établissant ce droit, on ne détruirait pas une industrie.

Ainsi, j’ai la conviction intime que si l’on établissait en Belgique les mêmes droits sur le sucre qu’en France, on ruinerait cette industrie. Quand nous arriverons à cette question, je le prouverai à toute évidence. Assurément, quand on dit que le sucre est une matière imposable, on dit une grande vérité. Mais il faut imposer cette industrie de manière à ce qu’elle se maintienne. Etablir des droits trop élevés, c’est tuer la poule aux œufs d’or.

Ce qu’il faut considérer aussi, quand on fait une loi d’impôt, c’est la position du pays. Ainsi, l’Angleterre, comme l’a fait observer l’honorable M. Cogels, est dans une position plus favorable que la Belgique.

J’en dirai autant de la Hollande, de la Prusse et de la France. Mais en Belgique le seul obstacle n’est pas dans la position du pays ; il est dans la législation même. En France, il y a un rayon de douane très étendu. En Angleterre, il y a des côtes inabordables. Mais indépendamment de cela, il y a une législation qui permet de faire feu sur le fraudeur qui ne s’arrête pas ; en Prusse, il suffit qu’un douanier voit un fraudeur pour pouvoir tirer sur lui. Je ne suis pas partisan de ces mesures ; je n’en ferai pas l’apologie ; mais je ferai remarquer que, par suite de la différence de législation, des droits moindres produisent relativement moins qu’en Belgique.

En Belgique, il ne faut pas qu’un douanier fasse feu sur un fraudeur pour être arrêté ; il suffit qu’il remplisse ses fonctions avec un peu de rigueur ; j’ai vu souvent des douaniers poursuivis par ce motif, lorsque j’étais au parquet de Gand. Ce système ne comporte pas l’établissement de droits élevés.

D’un autre côté, on a le commerce interlope, résultant des droits trop élevés. Je ne veux pas faire l’apologie de ce commerce ; mais, quoi qu’on fasse, il se fera toujours, soit au profit de la Belgique, soit contre elle ; et ne vaut-il pas mieux qu’il se fasse au profit qu’au préjudice de la Belgique ? Nous allons discuter la loi sur le café. Si elle est adoptée, qu’en résultera-t-il ? Que ce commerce qui se fait maintenant entre la Belgique et la France, au profit de la Belgique, se fera désormais à son détriment. Les cafés que nous achetons au Havre en entrepôt sont importés en Belgique, paient des droits de douane, et se vendent à un meilleur prix que ceux que les Français achètent au Havre.

Voilà cependant un résultat de ce droit trop élevé ; voilà le résultat d’un commerce interlope qui résulte évidemment de la taxe trop élevée imposée par la France. Si, au contraire, la France avait un droit minime, la chambre ne pourrait avoir lieu.

Et, je vous prie de le remarquer, ce n’est pas une chose peu importante. En effet, le café (et les députés d’Anvers doivent le savoir) le café que nous importons du Havre, nous l’exportons ensuite par commerce interlope, et nous le vendons en France un sou meilleur marché que les marchands français.

M. de Mérode – Sur la frontière, oui.

M. Delehaye – Sur la frontière et dans toutes les parties de la France.

M. d’Hoffschmidt – En Allemagne.

M. Delehaye – Messieurs, je vous cite ici la France ; j’aurais pu vous citer également l’Allemagne, où nous importons aussi une grande quantité de café, que nous ne pourrions plus importer si vous adoptiez la majoration de droits qui vous est proposée.

Il est beaucoup d’autres droits sur lesquels je pourrais faire des observations analogues ; mais vous pourriez croire qu’en voulant trop restreindre le domaine de nos recettes, nous pourrions nous trouver devant un grand déficit.

Messieurs, si j’avais pu espérer que nos recettes couvriraient nos dépenses, j’aurais donné mon assentiment aux majorations demandées. Mais je crois que, pour cette année, il sera difficile que le gouvernement ait assez de ressources pour faire face aux dépenses. Je crois qu’il faudra encore avoir recours à une émission de bons du trésor ; je ne veux pas prophétiser, mais je crois que vous y serez obligés, à moins que vous ne vouliez faire un emprunt. Evidemment vos recettes ne couvriront pas vos dépenses. Je crois que M. le ministre des finances est sur ce point d’accord avec moi.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Pardonnez-moi ; je crois le contraire, si la chambre vote les propositions qui lui sont faites.

M. de Langhe – Vous croyez que si on vote vos propositions, les dépenses seront couvertes par les recettes.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Oui.

M. Delehaye – M. le ministre des finances nous a proposé des augmentations d’impôts ; mais voilà déjà deux mois écoulés, un troisième va se passer encore avant que ces propositions ne puissent être mises à exécution ; ce délai constituera un déficit. Pour moi, on a beau dire le contraire, il me paraît évident qu’il est impossible que vos dépenses soient couvertes par les recettes. Il faudra donc que vous ayez recours à une émission de bons du trésor ou à un emprunt. Mais, sans être partisan des bons du trésor, je préférerais qu’on eût recours à ce moyen, et que, dans le courant de l’année, on révisât les lois des impôts, pour que nous ayons, l’année prochaine, un budget qui couvre la totalité des dépenses par les recettes.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je dirai encore quelques mots sur la proposition de l’honorable M. Mast de Vries.

Ce n’est pas uniquement parce que les exportations de foins belges s’élèvent à une valeur trois fois plus forte que les importations, que je pense qu’il n’y a pas lieu, non de ne pas admettre sa proposition, mais de la discuter dans ce moment ; c’est aussi parce qu’il y a des localités du pays où le foin étranger est indispensable, des localités qui sont situées à des distances considérables des prairies belges, d’où elles pourraient tirer leur foin et qui, au contraire, sont très rapprochés de parties de pays voisins où on le récolte. Ces localités éprouveraient un grand préjudice si un droit plus fort frappait les foins étrangers.

Je n’oppose pas cette raison comme étant péremptoire, parce que je déclare que, de la part du gouvernement, l’instruction de ce projet n’est pas complète. J’ajouterai toutefois, que, dans d’autres pays qui nous avoisinent, le droit sur le foin n’est qu’insignifiant ; ce n’est qu’un droit de balance.

La question mérite donc d’être examinée, et je ne conçois pas l’insistance que met l’honorable M. Mast de Vries à ce que sa proposition soit discutée immédiatement. Il a le droit d’initiative, qu’il en fasse un projet spécial.

L’honorable M. Delehaye pense que, dans tout état de chose, il faudra avoir recours à une émission de bons du trésor ou à un emprunt, en d’autres termes qu’il y aura déficit dans la balance de nos recettes et dépenses de l’exercice courant. Nous ne pouvons rien préjuger sur le vote des chambres, mais j’ai la conviction que si les moyens proposés par le gouvernement sont adoptés, il n’y aura pas de déficit.

On fait observer que 3 mois se seront écoulés lorsque quelques-uns des impôts proposés pourront être perçus. Cela est juste ; mais il ya eu aussi des réductions dans les dépenses, et ces réductions pourront rétablir l’équilibre.

Elles sont assez considérables. Il y a d’abord le département de la guerre qui figurait pour 30,525,000 francs. Sans prétendre que des économies plus considérables ne seront pas réalisées par M. le ministre de la guerre, j’ai la certitude que la dépense ne s’élèvera pas à plus de 30 millions, ce qui annonce une diminution de 525,000 francs.

M. de Langhe – Ce n’est pas certain.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’honorable M. de Langhe me fait observer qu’il n’y a pas certitude que cette réduction pourra avoir lieu. Messieurs, la certitude existe, à moins de circonstances extraordinaires, et ces circonstances ne doivent pas, je crois, entrer dans nos prévisions. Après avoir consulté mon collègue le ministre de la guerre, je puis dire qu’il y a certitude, que cette économie sera faite.

Vous vous rappellerez aussi qu’il y a eu au budget des travaux publics des réductions considérables que vous a proposées le ministre lui-même, et qui ont pu avoir lieu par suite d’adjudications plus favorables qu’on n’aurait cru pouvoir l’espérer.

Il en résulte donc que si nous perdons la recette de deux ou trois mois sur certains impôts, cette perte sera balancée par des réductions de dépenses.

M. Mast de Vries – Je crois devoir encore rappeler que ma proposition n’est qu’un projet dont la chambre est saisie depuis trois ans, et que ce projet peut donc bien passer dans les articles que M. le ministre propose.

Messieurs, il y a en cela des précédents ; lorsque nous avons discuté la loi de douanes, combien d’articles n’ont-ils pas été présentés par différents membres et admis dans la loi sans l’assentiment du gouvernement, puisque le gouvernement ne les avait pas proposés ?

Je vous donnerai maintenant, messieurs, quelques détails sur l’importation des foins étrangers dans notre pays.

En 1834, sur 2,100,000 kil. de foins importés, 1,800,000 kil. nous venaient de la Hollande.

En 1835, sur 2,500,000 kil. importés, 2,100,000 venaient de la Hollande.

En 1836, sur 3,000,000 kil. importés, 2,600,000 venaient de la Hollande.

En 1837, sur 1,302,000 kil. importés, 1,100,000 venaient de la Hollande.

Enfin, en 1838, sur 2,000,000 kil importés, 1,400,000 nous venaient de la Hollande.

L’exportation, dit M. le ministre ;, est plus forte que l’importation ; mais il me semble que c’est là une preuve que nous n’avons pas besoin de foins étrangers, cela me paraît de toute évidence.

Il ne s’agit pas d’un amendement, je le répète ; il s’agit d’une proposition dont la chambre est saisie depuis trois ans. Pour ne pas faire perdre du temps à la chambre en discutant un nouveau projet, je demande que la proposition sur les foins soit introduite dans celles du gouvernement.

M. de Langhe – L’honorable M. Mast de Vries semble dire que par cela seul que la commission d’industrie a présenté un projet de loi, la chambre doit l’adopter de confiance.

M. Mast de Vries – Je n’ai pas dit cela.

M. de Langhe – Mais je ne pense pas que la chambre ait jamais montré cette confiance que j’appellerai aveugle, si elle existait. J’ai vu beaucoup de projets présentés par la commission d’industrie, et presque toujours ces projets ont été renvoyés aux sections ; souvent, ceux qui ne l’ont pas été, ont été rejetés par la chambre, parce qu’elle ne se croyait pas assez éclairée.

Il ne suffit pas de dire que le projet dont il s’agit a été présenté depuis quatre ans ; ce projet a été perdu de vue, on ne lui a donné aucune suite. Je ne pense pas qu’en cette matière, comme en beaucoup d’autres, il faille se presser.

L’honorable M. Mast de Vries vous a dit que lors de la discussion de la loi de douanes on a adopté plusieurs amendements présentés par des membres. Mais je trouve que c’est un tort qu’a eu la chambre, et un tort dont elle a peut-être déjà à se repentir.

Il faut, en fait de douanes, examiner mûrement les questions, parce qu’il y a toujours plusieurs intérêts qui se trouvent compromis par ces questions. L’honorable M. Mast de Vries ne voit pas l’intérêt des cultivateurs ; mais à côté de cet intérêt se trouve celui d’autres personnes ; des rouliers, par exemple, qui ont besoin que le foin soit à bon marché.

On dit : tout le foin qu’on importe est du mauvais foin. Mais, je ne puis croire que tous les foins de la Hollande soient mauvais, et tous ceux de la Belgique bons. Il y a de mauvais foin dans tous les pays, cela dépend de la situation de prairies et de l’intempérie des saisons.

L’honorable M. Mast de Vries dit : Nous payons la contribution foncière. Mais ne paie-t-on pas aussi la contribution foncière en Hollande ? Nous ne devons rien sacrifier à la Hollande aux dépens de notre pays ; mais il ne faut pas non plus sacrifier les intérêts d’une partie du pays en faveur de ceux d’une localité quelconque.

Du reste, je n’ai pris aucune résolution sur ce point. Je désire que le projet soit médité. Je trouve qu’il ne l’est pas assez. Dans l’état où il se trouve, je devrais le rejeter, parce que, lorsqu’il s’agit de pareilles matières, on ne peut voter qu’en parfaite connaissance de cause.

M. d’Hoffschmidt – Messieurs, je ne comprends pas l’insistance de M. Mast de Vries ; car peu importe que sa proposition figure dans le projet du gouvernement ou qu’elle fasse l’objet d’un projet particulier ; le résultat sera toujours le même.

L’honorable M. Mast de Vries prétend qu’il y a des antécédentes où la chambre a discuté et adopté des propositions de la commission d’industrie sans autre examen préalable. Quant à moi, je ne connais pas ces antécédents ; mais j’en connais un tout à fait opposé à ce que vient de dire l’honorable membre. En effet, l’honorable M. Zoude vous a fait un rapport relativement à une demande de propriétaires d’usines en cuivre, et ce rapport concluait à augmenter le droit sur le cuivre étranger à l’entrée. Eh bien ! La chambre l’a renvoyé en sections où il se trouve encore maintenant.

Voilà donc un précédent tout à fait contraire à la proposition de M. Mast de Vries.

Il parait d’ailleurs qu’il y a doute quant à la question de savoir si on doit adopter cette proposition. M. le ministre des finances n’est pas même fixé à cet égard.

D’un autre côté, les membres qui sont entrés nouvellement dans cette chambre, n’ont pas le projet ni les développements de la commission d’industrie.

Dans cet état de choses, je crois que nous agirions avec une certaine précipitation, si nous allions adopter ex abrupto les propositions qui vont sont faites sur le tarif des douanes.

M. de Mérode – J’ai demandé la parole, parce que je viens d’entendre dire qu’il faudrait encore avoir recours, cette année, à un emprunt ou à une émission de bons du trésor.

En vérité, si maintenant que la paix est faite, si maintenant que toutes les conditions d’existence normale se sont réalisées pour nous, nous devons avoir encore recours aux bons du trésor ou aux emprunts, je ne sais ce que cela va devenir.

On dit que l’année prochaine, on votera des recettes suffisantes. Mais voilà dix ans qu’on dit cela ; voilà dix ans que je répète que vos voies et moyens ne sont pas suffisants, et on ne fait rien. Pourquoi ? parce qu’il est toujours pénible de voter des impôts.

Eh bien ! je crois qu’il est du patriotisme de cette assemblée de savoir faire le sacrifice de son opinion et de savoir voter les voies et moyens, quand on vote les dépenses.

Messieurs, s’il arrive un événement imprévu quelconque qui nécessite l’accroissement des dépenses de la guerre, que ferez-vous, si vous allez encore appliquer des bons du trésor à des dépenses tout à fait pacifiques ?

Il ne vous restera rien et il vous sera impossible de faire face aux besoins imprévus qui se présenteront.

On a parlé aussi de la difficulté qu’il y a chez nous à percevoir les droits de douane ; on a cité, à cet égard, d’autres pays où les douaniers peuvent tirer sur ceux qui veulent introduire des marchandises prohibées. Nous ne voulons pas tuer les fraudeurs comme on le fait en Angleterre et en Allemagne ; mais pourquoi alors n’admet-on pas la recherche à l’intérieur ? On dit que cela est gênant, mais nous serons encore bien plus gênés si nous ne parvenons pas à mettre nos recettes au niveau de nos dépenses.

J’espère que M. le ministre des finances soutiendra rigoureusement le projet qu’il nous a soumis. Quant à moi, j’adopterai toutes ces propositions.

M. Delehaye – Si j’ai dit qu’il faudra avoir recours à une nouvelle émission de bons du trésor ou à un nouvel emprunt, c’est que je suis persuadé que les dépenses ne seront pas couvertes au moyen des recettes ; je suis aussi ennemi que l’honorable M. de Mérode des émissions de bons du trésor et des emprunts, mais il me paraît que l’assemble n’est pas fort disposée à voter toutes les augmentations d’impôts qui nous sont proposées, celles, par exemple, qui concernent la bière et le café ne me semblent pas rencontrer une grande sympathie. Il est certain que l’augmentation de l'impôt sur la bière serait fort nuisible au pays, de même que la majoration de l’impôt sur le café serait fort nuisible au commerce. Eh bien si la chambre rejette ces deux propositions, il y aura évidemment encore un déficit. Or, que l’on veuille bien m’indiquer par quel moyen on couvrira ce déficit si ce n’est par une émission de bons du trésor ou par un nouvel emprunt.

M. Vandenbossche – Il y a longtemps, messieurs, que j’ai signalé les ressources que le gouvernement pourrait utiliser. Si le gouvernement ne veut pas que nous fassions de nouvelles dettes, que nous courions à notre perte, qu’il fasse usage de ces ressources. Je prie la chambre de méditer les propositions que je lui ai soumises. Je ne les ai faites qu’après y avoir mûrement réfléchi.

Discussion du tableau du tarif

Disposition relative aux amandes

« Amandes de toute espèce par 100 kilogrammes, droit d’entrée 15 francs ; droits de sortie 5 centimes. »

La section centrale propose l’adoption.

M. Smits – Messieurs, l’ancien tarif distinguait entre les amandes en coques et les amandes sans coques. Il y avait une différence d’un tiers dans le droit. Je ne sais par quel motif M. le ministre des finances propose aujourd’hui d’assujettir ces deux espèces d’amandes au même droit, car il me paraît incontestable que tout impôt doit être plus ou moins en rapport avec la valeur de la marchandise. Recevoir le même droit sur les amandes en coques et sur les amandes sans coques, c’est véritablement percevoir un impôt sur des non-valeurs, c’est-à-dire sur du bois, sur des enveloppes. Je crois, messieurs, qu’il faudrait rétablir la différence qui existait dans l’ancien tarif, et je proposerai, en conséquence, de fixer le droit d’entrée à 10 francs pour les amandes en coques, et à 15 francs pour les amandes sans coques.

J’espère que les courtes observations que je viens de présenter, suffiront pour faire comprendre la justesse de ma proposition.

- L’amendement de M. Smits est appuyé.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, le gouvernement a pensé qu’un droit uniforme de 15 francs n’est pas trop élevé ni pour les amandes en coques ni pour les autres. La consommation de cet objet est réellement une consommation de luxe ; d’un autre côté, les tarifs étrangers imposent les amandes d’un droit plus considérable. En France et en Prusse, il n’est point fait de distinction entre les amandes en coques et les autres ; les amandes de toute espèce paient en France 20 francs par 100 kilog. lorsqu’elles sont importées par navires nationaux et 22 francs lorsqu’elles sont importées par terre ou par navires étrangers. En Prusse, le droit est de 35 francs également pour les amandes de toute espèce.

Si l’honorable M. Smits trouve qu’il y a utilité à établir une distinction, pourquoi procède-t-il par voie de réduction ; pourquoi, connaissant les besoins du trésor, n’opère-t-il pas par voie d’augmentation ? Si par exemple, on augmentait le droit de 5 francs pour les amandes sans coques, nous aurions pour cette espèce un droit égal à celui qui se perçoit en France sur toutes les amandes sans distinction, et de 13 francs au-dessous de celui qui est établi en Prusse également sur toutes les amandes.

Quoi qu’il en soit, je crois que la distinction n’est pas nécessaire et qu’il y a lieu de maintenir la proposition du gouvernement.

M. Smits – Je crois, messieurs, que les tarifs étrangers ne doivent pas nous servir de guide pour l’établissement du nôtre. Je pense aussi qu’il n’est pas entièrement exact de dire que la consommation des amandes est une consommation de luxe. Il y a, par exemple, les noisettes d’Espagne, qui sont comprises dans le tarif sous la dénomination générale d’amandes et qui servent exclusivement à la consommation du peuple.

D’ailleurs l’augmentation proposée par M. le ministre des finances est déjà très considérable relativement au droit qui a existé jusqu’ici et il est donc juste de maintenir au moins la distinction et la différence admises dans l’ancien tarif.

M. de Mérode – Messieurs, puisque l’honorable M. Smits demande une réduction sur les amandes, je voudrais qu’il nous indiquât de quelle manière on compensera la perte que cette réduction fera éprouver au trésor ?

M. Demonceau – Messieurs, le tarif actuel fait effectivement une distinction entre les amandes en coques et les amandes sans coques. Pour les dernières le droit est de 2 fr. 12 cent. ; or en le portant à 10 fr., comme le propose l’honorable M. Smits, il sera à peu près quintuplé. Pour les amandes sans coques, le droit actuel est de 3 francs 18 cent. ; si vous portez de ce droit à 15 francs, il sera également à peu près quintuplé. Je pense donc que la proposition de l'honorable M. Smits est très raisonnable. Du reste, messieurs, l’objet n’est pas fort important pour le trésor ; car l’augmentation proposée par M. le ministre des finances sur l’article qui nous occupe ne produira pas 15,000 francs par an.

M. Cogels – Je crois, messieurs, que sous le rapport fiscal, l’objet est d’une très faible importance. L’augmentation totale est bien évaluée à 18,000 francs ; mais je ne crois pas que cette prévision se réalise. D’abord il est probable que déjà des approvisionnements sont faits ; ensuite la vérité en matière de douane c’est que 2 et 2 ne font pas 4 et que 3 fois 5 font encore beaucoup moins 15, parce que plus vous augmentez les droits, plus vous donnez appât à la fraude et plus vous diminuez le mouvement des affaires. Ainsi je crois que si l’augmentation qui est calculée devoir produire 18,000 francs, en produit 7 ou 8,000 ce sera le bout du monde. C’est, du reste ce que le compte-rendu à la fin de l'année pourra vous apprendre.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Un honorable préopinant nous a fait observer que le droit sera quintuplé ; cela est vrai, mais le droit actuel n’est en réalité qu’une espèce de droit de balance, car on ne peut pas considérer autrement un droit de 3 fr. 18 c. sur 100 kilog. d’amandes. J’ai déjà fait observer que partout ailleurs cet objet est frappé d’un droit beaucoup plus élevé que celui que je propose. Si nous voulions procurer des ressources au trésor, n’allons pas calculer si nous doublons ou quintuplons le droit, mais examinons si comparativement à ce qui se fait dans d’autres pays, tel ou tel objet peut être frappé d’une augmentation productive au trésor.

Je crois, messieurs, que l’augmentation du droit n’aura aucune influence sur la consommation, parce qu’il s’agit d’un objet dont les classes aises font seules usage.

L’honorable M. Cogels a fait remarquer que des approvisionnements auront déjà été faits. Oui, messieurs, cela est probable pour cette année, mais nous ne faisons pas des lois pour une année seulement, nous les établissons pour l’avenir, nous cherchons à mettre d’une manière permanente nos recettes au niveau de nos dépenses.

- L’amendement de M. Smits est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

La proposition du gouvernement est mise aux voix et adoption.

Cannelle et épices

La chambre adopte ensuite, sans discussion, les trois articles suivants du tableau :

« Cannelle de Ceylan, 2 fr. à l’entrée, 5 c. à la sortie par kilog.

« Cannelle de la Chine et Cassia-Lignea, 20 fr. à l’entrée, 5 c. à la sortie par 100 kilog.

« Epiceries. Macis, noix muscades, clous de girofle, antofles de girofle, sans distinction d’origine 10 p.c. à l’entrée, ¼ p.c. à la sortie, à la valeur.

Foins, tuiles, pannes

M. le président – Ici viendrait, dans l’ordre alphabétique, la proposition de M. Mast de Vries, relative au foin. Cette proposition est ainsi conçue :

« Par modification à la loi des douanes du 26 août 1822, le droit sur le foin sera porté, à l’entrée, à 6 francs les 1,000 kilog.

« Le droit de sortie sera de 50 centimes pour la même quantité. »

M. de Renesse – Messieurs, l’honorable M. Mast de Vries a proposé deux amendements au budget des voies et moyens, à l’article des douanes, qui tendent à augmenter les droits d’entrée sur les foins, tuiles et pannes.

Je ne compte pas m’opposer à ces modifications ; mais je demanderai à la chambre que le droit actuel soit maintenu pour les foins, tuiles et pannes, provenant de la partie cédée du Limbourg ; je pense qu’il n’y a plus lieu d’aggraver actuellement la situation déjà pénible de nos anciens compatriotes auxquels le gouvernement et les chambres avaient fait espérer que des modifications au tarif des douanes seraient accordées en leur faveur, comme cela a eu lieu pour le Luxembourg ; cependant, malgré leurs vices réclamations, depuis l’acceptation du traité, et avant son exécution, jusqu’à présent, presqu’aucune modification n’a été proposée, quoique le gouvernement eût été interpellé à cet égard, à plusieurs reprises, dans cette enceinte ; toujours il a répondu qu’il s’occupait de cet objet, mais que le temps n’était pas encore venu de proposer ces modifications aux chambres ; en attendant, toute relation commerciale est interrompue, et aucune transaction ne peut plus avoir lieu ; aussi une industrie particulière à la province de Limbourg, ainsi qu’à plusieurs communes de la province de Liége, je veux parler de la fabrication des chapeaux de paille, y perd un débouché considérable ; cette industrie mérité cependant l’attention du gouvernement, puisqu’elle met en circulation des capitaux assez considérables, donne une grande partie de l’année de l’ouvrage à une classe nombreuse de la population de ces deux provinces, et qu’elle livrait principalement les objets de la fabrication à la partie cédée du Limbourg, et avant 1830 à la Hollande. Maintenant beaucoup d’ouvriers s’expatrient chaque année pendant plusieurs mois, et vont travailler la paille en Hollande ; c’est donc une perte réelle pour les localités où cette fabrication existe, puisqu’une forte partie du salaire de l’ouvrier est dépensé en pays étranger.

J’appelle l’attention toute particulière de M. le ministre des finances sur cette industrie afin que, d’accord avec le gouvernement hollandais, il soit pris des mesures pour rétablir au plus tôt ces anciennes relations de commerce, pour la partie cédée du Limbourg.

Je crois devoir faire quelques observations sur un objet assez important.

Depuis l’exécution du traité, il a été accordé une modification au tarif des douanes, en faveur de la partie cédée du Limbourg, vivement réclamée par les industriels et habitants de l’arrondissement de Verviers.

Cette modification donne la faculté d’importer annuellement du Limbourg néerlandais dans le district de Verviers une quantité de 6,000,000 de kilog. de grains de tout espèce ; mais la loi n’a désigné qu’un bureau situé à proximité du marché d’Aubel ; d’après les réclamations adressées au département des finances, tant par la régence de Verviers que par un grand nombre de communes de cet arrondissement, ainsi que par quelques communes de la province de Liége, il est indispensable, tant dans l’intérêt du Limbourg cédé, que dans celui des communes qui ont réclamé, qu’un second bureau d’entrée pour les grains soit désigné ; et à cet égard, les réclamants ont indiqué le bureau de la Maison Blanche à Mouland. Il paraît que le bureau actuellement désigné de la Planck, commune de Touron-St-Martin, n’est pas toujours accessible, surtout dans la mauvaise saison, à cause que les chemins sont impraticables, et que les frais de transport des grains, venant de la partie du Limbourg néerlandais située contre la Meuse, sont beaucoup plus forts, que si ces grains pouvaient être introduits par la Maison Blanche, qui se trouve sur la route de Maestricht à Battice. J’espère que M. le ministre aura égard à la réclamation très fondée dont je viens de parler, et que dans le projet de loi que M. le ministre de l'intérieur a promis de présenter à la chambre, pour autoriser l’introduction de certains quantités de grains du Limbourg cédé dans le district de Verviers, il y sera fait droit.

Je demanderai à M. le ministre si ce projet de loi sera présenté bientôt ; car dès la séance du 6 novembre dernier M. le ministre de l'intérieur a annoncé qu’il soumettrait prochainement ce projet aux chambres, et cependant la session actuelle tire à sa fin et aucun projet n’a été présenté.

J’espère aussi que le gouvernement fera toutes les démarches nécessaires pour parvenir bientôt à un arrangement avec le gouvernement néerlandais, pour le rétablissement de nos anciennes relations avec la partie cédée du Limbourg, et en attendant qu’elles puissent se rétablir, je crois devoir demander à la chambre de ne pas aggraver la position de nos anciens compatriotes, en augmentant les droits de douanes contre les productions du Limbourg cédé.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Vous voyez bien que la question des foins se complique encore des provenances des parties cédées, il faudrait donc que l’amendement fut sous-amendé. Pouvons-nous ainsi improviser des amendements et des sous-amendements dans une loi qui a fait l’objet d’une instruction complète ? Si l’honorable M. Mast de Vries ne veut pas attendre que l’article « foin » soit compris s’il y a lieu, dans le projet général dont s’occupe le gouvernement, je lui demanderai que dans ce cas, il en fasse l’objet d’une proposition spéciale, pour ne pas compliquer la discussion actuelle.

En ce qui concerne la question des céréales importées par la partie cédée du Limbourg, je me concerterai avec mon collègue de l’intérieur pour que le projet dont a fait mention l’honorable M. de Renesse soit présenté dans un bref délai.

M. Mast de Vries – Je pense que je satisferai tout à le monde, en consentant au renvoi de ma proposition à la section centrale. M. le ministre des finances a lui-même demandé hier ce renvoi.

M. de Renesse – Je proposerai, par forme de sous-amendement, de rédiger comme suit les deux amendements de l’honorable M. Mast de Vries :

« Par modification à la loi des douanes du 26 août 1822, le droit sur le foin, autre que celui provenant de la partie cédée du Limbourg, sera porté, à l’entrée, à 6 fr. les 1,000 kilogrammes.

« Le droit de sortie sera de 50 c. pour la même quantité.

« Par modification à la loi des douanes du 26 août 1822, le droit sur les tuiles et les pannes, autres que celles provenant de la partie cédée du Limbourg, sera porté à l’entrée à 10 francs par 1,000 pièces. »

M. Demonceau – Messieurs, je ne m’expliquerai pas actuellement sur le contenu du sous-amendement de l’honorable M. de Renesse ; si ce sous-amendement, ainsi que la proposition de l’honorable M. Mast de Vries sont renvoyés à la section centrale, il est bien entendu que si la section centrale n’avait pas le temps d’achever l’examen de ces propositions avant le vote du tableau que nous discutons en ce moment, la section centrale pourrait, comme commission spéciale, présenter un rapport et des conclusions sur ces propositions.

Je dirai maintenant quelques mots sur l’autre objet dont nous a entretenus l’honorable M. de Renesse.

Je me joins à cet honorable membre pour engager le gouvernement à faire droit à la promesse qu’il a faite au mois de novembre dernier, promesse qu’il est de la plus haute importance d’exécuter le plus tôt possible et pour la partie cédée du Limbourg et pour le district de Verviers.

Vous vous souvenez, messieurs, que l’année dernière le gouvernement avait proposé un projet de loi par lequel, reconnaissant que la quantité de 6 millions de kilogrammes de grains qui pouvait être importée de la partie cédée du Limbourg dans le district de Verviers était insuffisante pour l’alimentation de ce district ; par lequel, dis-je, on autorisait une augmentation d’importation dans le même district, jusqu’à concurrence de 500,000 kilogrammes, par toute autre bureau que ceux établis par la loi de juin 1839. Je proposai alors de rendre cette loi définitive, mais le gouvernement et la chambre ne crurent pas devoir adopter cette proposition. Cependant, il est constaté aujourd’hui à l’évidence qu’il est absolument nécessaire et pour l’arrondissement de Verviers et pour les parties cédées du Luxembourg d’autoriser l’importation en Belgique d’au moins 500,000 kilogrammes, en sus des 6 millions autorisés par la loi de 1839.

Les localités sont tellement mal disposées qu’avec les meilleurs intentions du monde, le gouvernement peut à peine donner suite à la loi de 1839, parce que dans cette loi, il est dit que c’est surtout dans le but d’alimenter le marché d’Aubel que l’autorisation est accordée au gouvernement.

Nous avons dans le district de Verviers deux marchés régulateurs pour le prix des grains, celui d’Aubel existe depuis un grand nombre d’années ; mais depuis la construction de la route de Battice à Maestricht, il en a été établi une autre à Berneau, village traversé par la route dont je viens de parler. S’il était établi un bureau dans le voisinage de Berneau, les parties cédées du Limbourg pourraient plus facilement introduire leurs céréales dans le district de Verviers. Si donc le gouvernement voulait faire cette proposition incessamment, je pense que la section centrale pourrait s’en occuper en même temps que de celui dont il s’agit en ce moment, et vous soumettre deux projets de loi.

La question dont je viens d’entretenir la chambre est toute simple. J’avais dans la séance d’hier demandé s’il ne serait pas possible d’introduire à ce projet un amendement dans le projet de loi actuel. J’ai reconnu que cet amendement pourrait compliquer la discussion, et dès lors, j’ai pris la résolution, avec l’honorable M. de Renesse, de demander au gouvernement de présenter incessamment un projet spécial, et nous avons renoncé à présenter un amendement, après toutefois avoir annoncé cette intention à M. le ministre des finances.

- Les deux amendements de M. Mast de Vries sur les foins, les tuiles et les pannes, avec les sous-amendements de M. de Renesse, sont renvoyés à la section centrale.

Cuivre

M. Pirson – Et la question des cuivres !

M. le président – La commission d’industrie a fait, à ce sujet, une proposition qui a été examinée en section, et qui est maintenant en section centrale.

M. Pirson – Il serait à désirer que cette section centrale voulût se réunir et s’entendre avec le ministre des finances ; et qu’elle nous fît un rapport pour la semaine prochaine, d’accord avec M. le ministre. C’est ainsi, je pense, que M. le ministre l’a entendu.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – La proposition relative au cuivre a déjà été discutée en section centrale. La section centrale a cru devoir m’entendre, je me suis rendu dans son sein. Je remettrai très incessamment les derniers renseignements qui peuvent être utiles aux travaux de la section centrale, et dès lors rien ne s’opposera plus à ce que la section centrale présente son rapport à la chambre.

Fruits

« Fruits verts et secs de toute espèce autres que ceux tarifiés à la valeur 15 p.c. à l’entrée, ¼ p.c. à la sortie.

Le reste de l’article « fruits » comme au tarif actuel.

M. Smits- Messieurs, je dois encore m’opposer à la majoration de droit proposée sur cet article. Au moins, je demanderai qu’on fasse une distinction entre les fruits secs et les fruits vers. Aujourd’hui le commerce de fruits verts devient de plus en plus important pou la Belgique. Ce commerce se fait surtout avec la Méditerranée. Vous avez déjà compris par votre vote d’hier sur le traité avec la Grèce, combien il nous importe de voir nos relations s’étendre avec ces parages. C’est vers la Méditerranée, vers la mer Noire que nous dirigeons une grande partie de nos produits industriels, nos draps, nos verres, nos clous, enfin tous les produits de notre industrie. Vous comprendrez que pour pouvoir faire ces exportations avec avantage, il faut pouvoir faire des retours. C’est de ces parages que nous viennent les fruits verts. Ce commerce exige un soin tout spécial. Aujourd’hui, comme le droit est minime, on le paie intégralement en consommation sur toutes les qualités qu’on introduit, parce que les fruits ne sont pas susceptibles d’être entreposés. Le moindre défaut d’arrimage, le roulis du bâtiment, et beaucoup d’autres causes produisent souvent des avaries considérables. C’est donc un commerce extrêmement aléatoire, soumis à de grandes chances de pertes. C’est pour les éviter autant que possible que le négociant paie aujourd’hui le droit sur toute la cargaison, afin qu’il ait la libre disposition des marchandises dans ses propres magasins, et qu’il puisse les trier et les assortir ; mais une grande partie n’en est pas moins livrée à l’exportation. De petites quantités seulement sont déclarées officiellement à la sortie lorsque les commandes coïncident avec l’arrivée des navres. C’est pour cela que le chiffre de l’exportation dont M. le ministre des finances s’est prévalu est si faible, et il ne faut donc pas en tirer la conclusion qu’on n’exporte pas. On paie le droit de consommation sur tout ce qui est importé, parce que, comme je l’ai dit, le marchand a le plus grand intérêt à faire arriver la marchandise dans ses magasins et à ne pas la mettre en entrepôt. Frapper cet objet d’un droit aussi élevé que celui proposé, c’est amoindrir vos exportations industrielles, paralyser les efforts de notre marine marchande, restreindre nos opérations avec la Méditerranée ; c’est, en un mot, enrichir la Hollande de ce commerce qui, jusqu’à présent, n’a cessé de croître et qui est si avantageux aux intérêts généraux du pays, dans ce sens surtout qu’il aide à l’exportation de nos produits. Je pense donc que le droit actuel sur les fruits verts doit être maintenu et qu’une légère majoration peut seulement avoir lieu sur les fruits secs.

M. Cogels – Je n’ajouterai que quelques mots aux considérations qu’a fait valoir l’honorable M. Smits. Vous remarquerez que, d ‘après le rapport, l’augmentation éventuelle est évaluée à 45,878. Je crois que cette augmentation de recette serait plus qu’éventuelle, car, ainsi que l’a dit l’honorable M. Smits, la plupart des fruits qui arrivent sons déclarés en consommation, parce que le droit est minime. Cela se comprend. On ne peut pas déclarer en entrepôt parce que les fruits verts et une grande partie des fruits secs doivent à leur arrivée être soumis à un triage. Ce sont des articles très exposés aux avaries. Il faut que le négociant fasse immédiatement ce triage, car il est souvent des colis, dont il doit faire la vente tout de suite et à tout prix, parce qu’une fois que l’avarie se manifeste, elle gagne facilement. Cette marchandise est livrée au bas peuple.

Un deuxième tirage est fait pour voir la partie la plus saine, celle qui peut supporter l’exportation à l’étranger. Nous faisons une grande exportation de ces fruits, à cause de notre voisinage de l’Allemagne et de la France. La partie de la France qui nous avoisine aime mieux tirer ces fruits de la Belgique, que de s’approvisionner en France même, parce que les communications avec nos ports sont plus faciles et plus promptes qu’avec le Havre.

J’ai dit que l’augmentation serait plus qu’éventuelle. En effet, vous comprendrez que si le droit de 3 p.c. est porté à 15, un négociant qui verra sa cargaison saine, au lieu de payer le droit se décidera à la mettre en entrepôt. La chose en vaudrait la peine, et le droit échappera au trésor. Comme cette augmentation de droit nuirait au mouvement du commerce, elle diminuerai encore de ce côté les recettes du trésor.

Je regarde cette augmentation de droit sur les fruits verts et sur une partie des fruits secs, comme essentiellement nuisible au développement de la prospérité publique et comme beaucoup moins avantageuse au trésor qu’on ne l’a calculé. C’est pourquoi je m’opposerai à toute la majoration. Au moins je demanderai qu’on la réduise à un chiffre beaucoup moindre que 15 p.c. pour les fruits secs.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, il ne faut pas perdre de vue que nous cherchons des produits pour balancer nos recettes avec nos dépenses. Si nous ne considérions la question que sous le point de vue commercial, il ne faudrait pas augmenter les droits, mais nous subissons une nécessité. Un droit à la valeur sur les fruits ne doit pas être considéré par un taux nominal, car chacun comprendra qu’il est presque impossible que les agents de la douane puissent préempter sur une déclaration de fruits, et surtout de fruits verts. Ordinairement ils arrivent au moment même où ils doivent être livrés à la consommation. Il est de notoriété que les déclarations, aujourd’hui que le droit n’est que de 3 p.c., ne se font qu’à 50 p.c. de la valeur réelle. Et, à ce taux, les agents de la douane ne peuvent pas préempter, car s’ils avaient entre les mains une cargaison d’oranges, ils ne pourraient pas les placer. Un droit de 15 p.c. à la valeur n’est en réalité qu’un droit de 6 p.c.

Je ne pense pas qu’un tel droit soit de nature à nuire à votre commerce d’exportation, parce qu’il n’augmentera pas d’une manière considérable le prix de l’objet dont il s’agit. Il ne s’élève pas à la moitié de la consommation.

En 1839, on n’a exporté que pour 40,000 francs de fruits étrangers, car les exportations de fruits, telles qu’elles figurent au tableau du commerce, sont portées au chiffre de 236,000 francs. Mais les fruits indigènes entrent pour la plus grande partie dans ce chiffre. Ils sont exportés par les ports d’Anvers, de Nieuport et d’Ostende. Ils entrent pour les ¾ au moins des exportations de 1839. Quant à ce commerce, la loi actuelle n’y portera aucune atteinte. Je dirai cependant que les années précédentes, les exportations de fruits étrangers ont été plus considérables qu’en 1839. J’insiste donc pour le maintien du droit proposé, parce qu’il procurera des ressources au trésor et ne nuira en rien au commerce.

M. Demonceau – La section centrale n’a pas pu prendre de résolution sur l’article dont il s'agit, parce qu’elle a été embarrassée par les réclamations survenues de la part des chambres de commerce d’Anvers et de Bruges. Ces deux chambres de commerce ont signalé à la section centrale l’inconvénient grave qu’il y aurait à frapper d’un droit considérable les fruits verts surtout. Si vous voulez me permettre de lire l’analyse de ces deux pétitions, vous verrez ce que disent ces deux chambres de commerce.

« Si les fruits secs, dit la chambre de commerce d’Anvers, peuvent supporter un droit modéré sans trop d’inconvénients, il en est autrement pour les fruits verts. Leur conservation exige de grands soins. Il est nécessaire que le droit soit maintenu à un taux fort modique. Celui proposé de 15 p.c. de la valeur de ces fruits en restreindrait sensiblement les arrivages.

« Ce commerce occupe une partie de la marine nationale. Il a de l’avenir au moyen d’un chemin de fer vers l’Allemagne et la France. Les détériorations auxquelles ces fruits sont sujets, élèveraient le droit de 30 à 40 p.c. Cet impôt gratifierait la Hollande d’une véritable prime, quoiqu’à conditions égales, notre position relative soit plus favorable.

« Il est de toute nécessité, dit la chambre de commerce de Bruges, de n’apporter aucun changement au tarif actuel. Dans tous les cas, la majoration ne pourrait porter que sur les fruits importés par navires étrangers. Ces marchandises alimentent, pour un tonnage important, notre commerce de grand cabotage, et une diminution dans la consommation porterait un grand préjudice à notre commerce maritime. Quant à certaines espèces de fruits, comme oranges et citrons, la Belgique devrait renoncer complètement à les livrer à tous ses voisins, comme cela a lieu dans l’état actuel des tarifs. Ces espèces exigent des soins particuliers, et l’on ne peut les laisser en entrepôt. »

Ces raisons sont de nature à faire sur la chambre la même impression qu’elles l’ont fait sur la section centrale. Il est certain que si vous frappez les fruits verts d’un droit élevé, on n’en introduira pas ou peu avec paiement du droit ; vous ne devez pas non plus espérer d’en voir arriver en entrepôt ; car il y aurait alors danger pour leur conservation ; ce sera donc, en définitive, le commerce que vous atteindriez, et ce ne sera pas seulement le commerce intérieur, mais vous gênerez le commerce extérieur. C’est à vous, messieurs, à voir de quel côté vous voulez faire pencher la balance.

M. Smits – Je désire répondre à la principale observation de M. le ministre des finances. Il vous a fait voir que l’exportation des fruits était peu considérable ; mais j’en ai expliqué le motif. En effet, cette exportation est minime d’après le tableau parce qu’on ne déclare les fruits à la sortie que quand les commandes coïncident avec les arrivages ; mais tous les droits se payent pour que le négociant puisse exporter comme bon lui semble. Les quantités exportées sont donc plus considérables que celles indiquées dans le tableau du commerce.

Nous pourrions certainement sur beaucoup d’autres articles proposer des majorations de droit, mais la Belgique est, quant à l’article en discussion, dans une position toute particulière. Si la Hollande était submergée, nous pourrions établir les droits que nous voudrions sur les fruits, parce que ce commerce nous serait assuré ; mais nous sommes pour ce commerce en concurrence avec les villes anséatiques et la Hollande, il faut donc nous tenir dans les limites de leurs tarifs ; car si l’on majore les droits il nous faudra renoncer à ce commerce que nous avons depuis la révolution.

D’après ces observations et celles que j’ai présentées précédemment, je crois qu’il n’y a pas à hésiter sur ma proposition.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Si le droit était réellement élevé, je crois qu’il faudrait, en effet, le modifier pour conserver un commerce qui, sans être extrêmement considérable, a cependant quelque importance ; mais le droit n’est pas réellement de 15 p.c. à la valeur ; j’ai déjà fait observer que le prix des fruits verts est sujet à de grandes variations. Quand il arrive à la fois un grand nombre de cargaisons de ce genre, elles n’ont qu’une faible valeur marchande ; et comme il y a impossibilité de les préempter, on les déclare à vil prix, de sorte que le droit est à peine de 6 p.c.

On ne peut considérer ce droit comme élevé et je suis persuadé qu’il ne portera pas préjudice à notre commerce.

Quant à l’observation de l'honorable M. Smits, que ce qui figure au tableau du commerce n’indique pas exactement les exportations, parce que les droits sont payés à l’importation, je ferai remarquer que je n’ai pas parlé des exportations en transit (dans ce cas son observation serait juste), mais de tout ce qui a été déclaré à la sortie, soit en transit, soit lorsque les droits d’importation sont acquittés.

On nous dira peut-être qu’il se fait dans cette partie un commerce interlope, mais on conçoit que pour des fruits ce doit être extrêmement difficile et qu’il ne peut en être exporté ainsi qu’une quantité très faible qui n’aurait presque par d’influence sur le chiffre du tableau. Je persiste donc dans la proposition du gouvernement, qui ne représente qu’un droit de 6 p.c. sur la valeur réelle. En outre, je ferai observer que le droit est infiniment moins élevé que celui établi chez les puissances voisines, à l’exception de la Hollande ; en France, où le droit est de 8 francs par 100 kilog., ce qui représente un droit de 30 à 40 p.c. de la valeur ; en Prusse, où le droit est de 33 fr. par 100 kil., ces droit sont infiniment plus élevés que ceux que nous proposons.

M. Cogels – Je crois devoir éclairer la chambre sur l’importance de ce commerce. Elle est beaucoup plus considérable que ne le croit M. le ministre des finances. Depuis le 1er octobre 1838 jusqu’au 31 décembre 1839. Anvers seul a reçu 45 cargaisons complètes. Voilà bien un commerce important non sous le rapport de la valeur, mais sous le rapport de la navigation et de l’encombrement.

Nous ne savons pas quelles ont été les exportations. On dit qu’elles ne peuvent se faire par le commerce interlope ; mais il y a des parties de la France où ces fruits sont nécessaires et où l’on s’approvisionne par nos frontières parce qu’on ne peut les avoir par les ports de France. Il est très possible que l’importation en France se fasse par les bureaux de douanes et en acquittant les droits ; ce qui est certain, c’est que le montant des importations est plus considérable que la consommation. Il faut bien qu’il y ait exportation. Un droit élevé la fera cesser, le trésor perdra ainsi les droits qui sont maintenant perçus sur les fruits exportés. Sous ce rapport, un droit élevé nuira au commerce et au trésor. Dans cette circonstance, c’est autant dans l’intérêt du trésor que je parle que dans l’intérêt du commerce

J’appuie l’amendement de l’honorable M. Smits.

M. Demonceau – Les fruits verts sont sujets à se gâter ; ceux qui font ce commerce sont exposés à faire des pertes. Les fruits verts devraient donc être frappés de droits moins élevés. Il me semble qu’il faut absolument faire une distinction entre le vert et le sec.

M. de Mérode – Je demande qu’on mette sur les fruits verts un droit de 10 p.c. De cette manière, il y aura une différence entre le vert et le sec.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – En réponse à l’observation de l’honorable M. Demonceau, je ferai remarquer que si le commerce de fruit verts offre des chances de perte, il offre aussi des chances de bénéfice extraordinaires quand l’expédition a été heureuse. Je dis : Quand l’expédition a été heureuse, pare qu’un navire qui serait contrarié par des vents contraires, qui arriverait au port quelques jours plus tard qu’il n’entrait dans les prévisions de l’expédition, pourrait avoir sa cargaison détériorée ; mais si la navigation est prompte, le bénéfice devient souvent très considérable.

Je crois donc que toutes compensations faites il y a à peu près les mêmes avantages dans l’un et l’autre négoce.

Cependant nos commerce d’exportation consiste principalement en fruits verts, je dois le reconnaître.

Je serais donc disposé à me rallier à l’amendement de l’honorable comte de Mérode, parce que le produit que le gouvernement attend de sa proposition, n’en sera pas sensiblement altéré, et que cette proposition doit dissiper toute crainte quant au commerce extérieur.

M. Smits – Il faut reconnaître que l’amendement de l'honorable comte de Mérode est un véritable amendement improvisé. Mais, en matière de commerce, on n’improvise pas de ces sortes de propositions, surtout quand il s’agit de comprimer en quelque sorte vos relations naissantes.

Ainsi, comme j’ai eu l’honneur de le dire tantôt, le commerce des fruits n’est pas seulement important par les relatons qu’il nous donne à l’étranger, mais il est important parce qu’il fournit les cargaisons de retour aux navires qui viennent de la Méditerranée ; c’est un moyen d’exportation pour tous vos produits industriels, si vous portez le droit à 10 p.c. ; mais vous l’élevez à 7 p.c. de plus qu’il n’est en Hollande, qu’il n’est chez une nation rivale, qui s’emparera de ce commerce avantageux.

Il me semble que, d’après les explications qui ont été données que d’après le doute où est restée la section centrale, qui s’est abstenue, il n’y a pas de motif pour adopter l’amendement de l’honorable M. de Mérode. Il faut, dans l’intérêt de votre commerce en général, dans l’intérêt du trésor lui-même, qu’on continue à percevoir les mêmes droits qu’aujourd’hui sur les fruits verts, sauf à majorer ceux sur les fruits secs.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, il est un point fondamental sur lequel nous ne sommes pas d’accord. Je prie la chambre de le remarquer ; on prétend toujours qu’il s’agit d’un droit élevé, tandis que j’ai expliqué, au contraire, que ce droit est très faible.

Réduit, comme l’a proposé l’honorable comte de Mérode, à 10 francs les 100 kilog., ce sera un droit qui, en général, ne sera que de 4 p.c. de la valeur nette. Je sais que le droit est en apparence plus élevé, mais il est reconnu que la préemption est presque toujours impossible, et que les déclarations sont le plus souvent faites beaucoup au-dessous du prix réel, parce qu’on sait que les fruits ne peuvent comme les autres marchandises être conservés et livrés ensuite au commerce. On doit tenir compte de ces difficultés.

Certes, il est fâcheux de devoir convenir que les déclarations se font impunément au-dessous de la valeur. Mais il a déjà été constaté dans cette chambre que les marchandises mêmes dont la consommation et la vente sont faciles, se déclarent en douane un quart et parfois même un tiers au-dessous de leur valeur.

Eh bien, s’il en est ainsi pour le drap, et par exemple, pour d’autres marchandises manufacturées, on conçoit que les déclarations sont bien plus faibles encore quand il s'agit de fruits verts, qui ne peuvent se conserver quatre jours dans les mains des agents de l’administration qui voudraient les préempter.

Il faut donc voir les choses comme elles existent dans leur réalité. Le droit de 10 francs, je le répète, ne sera pas souvent un droit effectif de plus de 4 p.c. de la valeur.

M. Cogels – Je ne saurais admettre les calculs de M. le ministre des finances. Le droit de 15 p.c. qu’on propose peut quelquefois équivaloir à 7 ou 8 p.c., mais il est telle circonstance où il peut équivaloir à 20 p.c., parce que, comme il est impossible de vérifier l’état d’une cargaison de fruit immédiatement, le négociant peut se tromper aussi bien en plus qu’en moins. Je sais qu’il aura toujours soin, quand il le pourra, de mettre l’avantage de son côté.

Mais quand même les calculs de M. le ministre des finances seraient exacts, la disproportion n’en existerait pas moins ; car dans ce cas le droit de 3 p.c. n’était pas un droit de 3 p.c. ; on pouvait l’évaluer à 1 ½ ou 2 p.c. Ainsi, l’augmentation proportionnelle est toujours la même. Or, je ne vois pas la nécessité d’adopter une majoration aussi forte.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – La proportion relative ne peut avoir d’influence que lorsque le droit est élevé.

Pour rendre mon observation plus sensible, je demanderai si le droit sur les fruits étant de trois centimes, on le portait à 30 centimes, on pourrait dire que ce dernier droit influerait beaucoup sur la vente de la marchandise ?

Je sais qu’il ne s’agit pas ici d’un droit aussi infime ; mais c’est pour vous prouver que l’argumentation des préopinants n’est pas juste, et qu’il faut considérer non la proportion des droits, mais la hauteur du droit qu’on propose, parce que la proportion de l’augmentation n’a d’importance que quand elle s’applique à des droits réellement fort élevés.

- La discussion est close.

M. le président – M. Smits propose de conserver pour les fruits verts la législation actuelle. Je vais mettre cette première partie de sa proposition aux voix.

Deux épreuves par assis et levé sont douteuses. On procède au vote par appel nominal.

57 membres prennent par au vote ;

30 votent contre la proposition de M. Smits ;

26 votent pour ;

1 membre (M. Vanderbelen) s’est abstenu.

Ont voté contre l’amendement : MM. Coghen, Coppieters, de Behr, de Langhe, Delfosse, de Mérode, Devaux, d’Hoffschmidt, Dubois, Duvivier, Jadot, Lange, Lebeau, Liedts, Lys, Mercier, Metz, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Puissant, Raymaeckers, Rogier, Sigart, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Verhaegen.

Ont voté pour : MM. Brabant, Cogels, de Florisone, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Theux, Doignon, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Hye-Hoys, Kervyn, Maertens, Mast de Vries, Morel-Danheel, Raikem, Rodenbach, Smits, Ullens, Vandensteen, Vilain XIIII et Zoude.

M. Vanderbelen – Par suite d’indisposition, je n’ai pu examiner assez l’affaire pour me décider.

M. le président – M. de Mérode a proposé par amendement de porter les droits sur les fruits verts à 10 p.c. Je vais mettre cette proposition aux voix.

- Elle est adoptée.

M. le président – En ce qui concerne les fruits secs, M. Smits propose de fixer le droit à 10 p.c.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je crois, messieurs, que cette proposition tombe par suite du vote qui vient d’être émis. L’honorable M. Smits voulait une différence entre les fruits verts et les fruits secs. Or, maintenant, son but ne serait plus atteint par sa proposition.

M. Smits – Je maintiendrai mon amendement, parce que j’espère amener la chambre à revenir au second vote sur la proposition qu’elle vient d’adopter.

- L’amendement de M. Smits est mis aux voix. Il n’est pas adopté.

La proposition du gouvernement est mise aux voix et adoptée.

Huiles

« Huiles d’olives par hectolitre 10 fr. à l’entrée, 5 centimes à la sortie. »

La section centrale propose l’adoption à la condition que le droit ne soit pas augmenté pour les huiles destinées à l’industrie, lesquelles seront rendues impropres à l’usage domestique.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, des observations ont été présenté relativement au droit proposé sur les huiles d’olive, parce qu’une grande partie des huiles importées sous cette dénomination servent à l’usage des fabriques et manufactures. Il a dont été jugé nécessaire d’établir une distinction entre les huiles d’olive qui servent de comestible et celles qui sont employées par l’industrie. Nous avons pensé qu’il convenait de maintenir le droit actuel sur ces dernières, et ne soumettre à un droit plus élevé que celles qui servent de comestible ; la distinction pourra se faire au moyen d’un mélange à opérer lors de la déclaration de mise en consommation.

Messieurs ; depuis la présentation du projet de loi, une enquête a été faite sur plusieurs objets de notre industrie agricole et manufacturière, et de notre commerce extérieur, par différentes commissions nommées par le département de l’intérieur. Ces commissions ont été formées notamment dans les provinces du Brabant, du Hainaut, de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale ; elles ont été composées de membres des députations permanentes des conseils provinciaux, de membres des commissions d’agriculture et de membres des chambres de commerce.

Ces commissions ont examiné les questions qui se rattachent à l’importation des huiles. Celle de la Flandre occidentale a émis l’opinion qu’il y a lieu de porter à 25 francs le droit sur les huiles de baleine et de poisson, qui font concurrence aux huiles indigènes. Les trois autres commissions ont pensé qu’il suffisait de porter le droit sur les huiles de baleine et de poisson à 12 fr. 29 c., chiffre du droit qui frappe les huiles de graines.

Enfin, la chambre de commerce d’Ypres a demandé que le droit sur l’huile d’oeillette et de faine, etc., soit porté également au taux du droit auquel sont soumises les autres huiles de graines.

Faisant droit à ces diverses réclamations, le gouvernement, dans l’intérêt de l’agriculture et de l’industrie, a modifier les premières propositions de la manière suivante :

« L’huile d’olive servant comme comestible serait imposée d’un droit de 12 fr. 29 c., comme le sont maintenant les huiles de graine. On frapperait du même droit les huiles d’oeillette et de faine, etc. , qui font également concurrence à une production indigène. »

Voulant ainsi avoir égard aux observations faites par le commerce d’Ostende et d’Anvers, le gouvernement retire ses premières propositions. Toute espèce de droit sur les importations d’huile de poisson, de baleine et de chiens marins, par navires de la pêche nationale.

Le gouvernement, en faisant ses premières propositions, avait été mû par cette considération, qu’en frappant d’un droit de 5 francs les huiles provenant de la pêche étrangère et d’un droit de 2 fr. 12 c., celles qui proviendraient de la pêche nationale, la faveur accordée à cette dernière resterait plus forte qu’elle ne l’était précédemment lorsque les huiles provenant de la pêche étrangère étaient imposées à 2 fr. 12 c. Cependant, pour suivre le principe général qui a été adopté dans l’intérêt de la pêche nationale, nous avons pensé pouvoir supprimer toute espèce de droit sur les huiles de cette pêche.

En résumé, messieurs, la proposition que je vais déposer sur le bureau tend à soumettre au droit de 12 fr. 29 c., déjà existant pour les huiles de graine, à soumettre, dis-je, à ce droit, les huiles de poisons, d’oeillette et de faine, etc., à laisser subsister l’ancien droit, pour les huiles d’olive employées aux usages de l’industrie et à exempter de tout droit les huiles provenant de la pêche nationale.

Je vais observer que ces dispositions ne sont pas de nature à nuire essentiellement à aucune industrie, attendu que c’est principalement l’huile de foie qui est employée dans les corroieries et qu’il importe dans l’intérêt de la salubrité publique d’introduire l’usage de l'huile de poisson dans la fabrication des savons noirs qui en contractent la fétidité, les qualités malsaines.

Voici le texte de cette proposition : (suit tableau détaillant, par type d’huiles, les droits (actuels et proposés) d’entrée et de sortie. Tableau non repris dans cette version numérisée)

Pour que les huiles d’olive puissent être admises à ces droits, on devra y ajouter, en présence des employés de la douanes et au moment de la déclaration en consommation, un demi-kilogramme de térébenthine par hectolitre d’huile.

Je demanderai à la chambre qu’elle veuille renvoyer cette proposition à la section centrale. Comme la section centrale connaît déjà la question, elle pourra nous faire probablement un rapport à la prochaine séance. Je la prie de vouloir s’en occuper immédiatement, afin que la discussion sur les différents articles de douane puisse être continuée sans interruption.

M. Demonceau – Je ne pense pas que la section centrale puisse s’occuper immédiatement de cette proposition ; mais je ne doute pas qu’elle ne puisse faire son rapport à l’ouverture de la prochaine séance.

- La proposition est renvoyée à la section centrale. Elle sera imprimée et distribuée.

La séance est levée à 4 heures et demie.