Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 5 mars 1841

(Moniteur belge n°66 du 7 mars 1841)

(Présidence de M. Dubus (aîné))

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi.

M. de Villegas donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse donne lecture des pièces de la correspondance.

« Le sieur Edouard Silvestre de Rottermund, exilé polonais, habitant la Belgique depuis plusieurs années, demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« La dame Depoorter, veuve du sieur Depoorter, maréchal-des-logis de gendarmerie, restée sans ressources avec 8 enfants, demande un secours ou une pension. »

« Des habitants de la commune de Gothem (arrondissement de Gand) demandent une majoration du droit sur le lin à la sortie, et sur les tissus étrangers à l’entrée. »

« Des fabricants de meubles et ébénistes de Bruxelles demandent que la chambre intervienne auprès du gouvernement, afin d’obtenir du gouvernement hollandais une réduction des droits d’entrée sur les meubles belges. »

- Ces trois dernières requêtes sont renvoyées à la commission des pétitions.


M. de Potter informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister à la séance.

- Pris pour notification.


M. de Garcia demande un congé jusqu’au 8 de ce mois.

- Accordé.


M. Milcamps s’excuse de ne pouvoir assister aux séances de vendredi et de samedi.

- Pris pour notification.

Projet de loi, détaché du projet de budget des voies et moyens, portant des modifications à la législation sur les sucres

Dépôt d'un amendement

M. Verhaegen – Messieurs, dans une séance précédente, j’ai eu l’honneur de vous proposer un amendement à la partie du budget des voies et moyens qui concerne les sucres. Cet amendement avait pour objet une question de principe, quant au rendement. Plusieurs de mes honorables collègues ayant désiré que je fisse l’application de ce principe, j’ai fait cette application dans un amendement que je vais avoir l’honneur de déposer sur le bureau et qui est ainsi conçu :

« J’ai l’honneur de proposer, comme amendement à la partie du budget des voies et moyens concernant les sucres, la disposition suivante :

« En attendant la révision complète de la loi sur les sucres, je propose de porter le rendement, qui est aujourd’hui de 57 p.c., à 73, pour les sucres raffinés en pains dits mélis, et de 60 p.c. à 77, pour les sucres raffinés dits lumps.

« Par application de ce principe, j’ai l’honneur de proposer :

« Art. 1er. La décharge pour l’exportation du sucre pour les prises en charge postérieures au 31 mars 1841, à midi, est fixée en principal :

« A. A fr. 36-59 pour les 100 kilogrammes de sucre raffinés en pains, dit mélis blancs, parfaitement épurés et durs, dont toutes les parties sont adhérentes et non friables, et de sucres candis à larges cristaux clairs et reconnus secs.

« B. A fr. 34-70 les 100 kilogrammes de sucres raffinés en pains, dits lumps blancs, sans teinte rougeâtre ou jaunâtre, durs, dont toutes les parties sont adhérentes et non friables et bien épurées.

« C. Au taux respectivement établi aux paragraphes A et B, pour les sucres en pains métis et lumps, concassés ou pilés dans un magasin spécial libre ou public, du dernier port de l’exportation, pour autant qu’ils réunissent les qualités indiquées auxdits paragraphes A et B.

« D. A fr. 26-71 20/100 (fl. 12-60, à raison de fr. 2-12 par florin) par 100 kilogrammes de tous autres sucres raffinés, tels que sucres candis dits manqués, à petits cristaux, humides, revêtus de croûte et sucres de teinte rougeâtre ou jaunâtre.

« La décharge des droits ne sera pas accordée pour exportation de sucres bruts, ou de sucres mélangés avec du sucre brut.

« Art. 2. Au moyen des modifications apportées par l’art. 1er au chiffre du rendement, l’article 1er de la loi du 8 févier 1838, cessera son effet, et les comptes ouverts, à partir du 31 mars 1841, à midi, pourront être apurés par décharges l’exportation jusqu’à concurrence de la totalité des prises en charges, résultant soit d’importations directes, soit de sortie d’entrepôts libre, public, particulier ou fictif. »

- L’amendement est appuyé. Il sera imprimé et distribué.

M. Delehaye – Messieurs, cet amendement est de nature à compromettre singulièrement le raffinage du sucre. Cependant je ne veux pas préjuger la question ; mais comme il s’agit d’une des principales industries du pays, je demanderai que la proposition soit non seulement imprimée pour être distribuée aux membres de la chambre mais en outre insérée au Moniteur, de cette manière les intéressés seront avertis et ils pourront nous faire parvenir leurs observations.

M. le président – L’insertion au Moniteur est de droit. L’amendement se trouvera dans le compte-rendu de la séance.

Sur la demande de M. Verhaegen, l’amendement est renvoyé à la section centrale chargée de l’examen du budget des voies et moyens.

(M. de Behr remplace M. Dubus (aîné) au fauteuil)

Projet de loi sur le mode de nomination des membres du jury et prorogeant la loi du 27 mai 1837

Rapport de la section centrale

M. Dubus (aîné) monte à la tribune et fait le rapport suivant – Messieurs, je suis chargé de vous présenter le rapport de la section centrale qui avait été chargée de l’examen du projet de loi apportant des modifications à la loi sur l’enseignement supérieur et à laquelle vous avez renvoyé comme à une commission spéciale le projet de loi déposé dans la séance d’avant-hier par M. le ministre des travaux publics et tendant à proroger pour les deux sessions de 1841, le mode de nomination des membres du jury d’examen.

La commission, d’accord avec M. le ministre, vous présente une nouvelle rédaction.

Cette nouvelle rédaction présente deux différences. L’une consiste à ajouter à la loi une disposition qui s’est trouvée dans les lois de la même nature qui ont été votées en 1839 et en 1840, et qui a pour objet de continuer les effets de la loi du 27 mai 1837 jusqu’à la fin de la dernière session de la présente année.

L’article 68 de la loi du 27 septembre 1835 portait, entre autres dispositions, que les examens pour le grade de docteur, pendant les deux premières années qui suivraient la promulgation de la loi, n’auraient lieu que sur les matières actuellement enseignées dans les universités existantse et faisant l’objet des cours dont la fréquentation est prescrite. A l’expiration de ces deux années, on a senti la nécessité de proroger cette disposition, et elle a été successivement prorogée, d’abord jusqu’à la fin de la dernière session de 1838, ensuite jusqu’à la première session de 1840, et enfin jusqu’à la première session de 1841. Si vous ne la prorogiez pas encore pour la deuxième session de 1841, le programme des examens se trouverait subitement plus étendu pour la deuxième session de 1841 qu’il ne l’était pour la première session de cette année. Cependant nous sommes à la veille de discuter le projet de loi portant modification à la loi de 1835 sur l’enseignement supérieur, et il est possible, je dirai même probable, que parmi les modifications que nous apporterons à cette loi, il s’en trouvera une qui restreindra les matières de l’examen, car l’opinion générale est que les programmes des examens sont trop étendus. Dans une pareille situation, il serait peu convenable d’étendre tout à coup ces programmes pour les restreindre dans quelques temps ; je dis dans quelques temps, car le projet dont il s’agit ne peut pas tarder à être discuté, puisque le rapport sera présenté à la fin de la semaine prochaine.

L’autre modification introduite dans le projet consiste dans le retranchement de la disposition qui porte que « les nominations se feront avant le 15 mars courant, dans l’ordre établi par la loi de 1835. »

Le but de M. le ministre, en insérant cette disposition dans le projet a été de faire ressortir l’urgence de la loi. Au reste, la chambre procédera à ses nominations aussitôt qu’elle le pourra, le sénat et le gouvernement procèderont aux leurs également aussitôt qu’ils le pourront ; si tout cela peut avoir lieu avant le 15 mars, cela aura lieu en effet, mais c’est là une chose peu probable ; s’il n’était pas possible que ces nominations eussent lieu avant le 15 mars, alors il serait regrettable d’avoir fixé ce terme dans la loi.

Voici, messieurs, le projet que la commission a l’honneur de vous présenter et auquel M. le ministre se rallie :

« Art. unique. Le mode de nomination des membres du jury d’examen établi provisoirement par l’article 41 de la loi du 27 septembre 1835 (Bulletin officiel n° ) est maintenant pour l’année 1841.

« La loi du 27 mai 1837 (Bulletin officiel, n°133) continuera à sortir ses effets jusqu’à la fin de la dernière session de la présente année.

« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

La chambre décide qu’elle s’occupera immédiatement de ce projet

Discussion et vote de l'article unique

Personne ne demandant la parole, l’article unique du projet de loi est mis aux voix par appel nominal et adopté à l’unanimité par les 53 membres présents.

Ce sont : MM. Brabant, Cogels, Coppieters, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Langhe, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Puydt, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, de Villegas, Doignon, Dubois, Dubus (aîné), Dumont, Duvivier, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lys, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Metz, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, de Baillet, Sigart, Simons, Smits, Troye, Ullens, Verhaegen, Vilain XIIII et Zoude

Motion d'ordre

Equilibre général des recettes et des dépenses de l'Etats

M. Duvivier – Messieurs, la chambre se rappellera sans doute que, dans une précédente séance, je me suis réservé, après la publication de certains documents à l’appui du discours prononcé par l’honorable M. Desmaisières, de lui faire quelques observations sur ce même discours. Je croyais pouvoir profiter des 24 heures que le règlement prescrit entre les deux votes du budget ; mais comme celui des travaux publics a été voté sans cet intervalle, je n’ai pu saisir cette occasion. Je demande donc à la chambre la permission de lui soumettre, dans la séance de ce jour, quelques observations relatives à cet objet. (Parlez ! parlez !)

Messieurs, dans une de nos précédentes séances, j’ai eu l’honneur de prévenir la chambre que je ne laisserais pas sans réponse le discours que mon honorable collègue M. Desmaisières avait prononcé dans celle du 17 du mois dernier, où, se livrant à un examen rétrospectif de tous les actes des gestions de ses prédécesseurs au ministère des finances, il s’était plus spécialement à essayer de prouver que celui qui était en fonctions de 1832 à 1834 avait légué à son successeur une situation fâcheuse de l’état des finances du pays. Le ministre des finances de cette époque, messieurs, c’est moi ! et vous lui permettrez sans doute de venir repousser cette accusation, tout aussi publiquement que l’attaque qui a eu lieu. Je vais au fait sans autre préambule ; vos moments sont trop précieux, les intérêts généraux du pays les réclament tous ; je vous en distrairai donc le moins longtemps que je le pourrai, pour des intérêts particuliers. J’entre immédiatement en matière.

Il résulte des comptes extraits de plusieurs situations du trésor qui vous ont été successivement remis et en dernier lieu par M. le ministre actuel des finances, que pour l’exercice de 1830, l’excédant de la dépense sur les recettes s’est élevé à 1,478,947 francs 43.

La recette pendant l’exerce de 1831 ayant été de 113,225,815 03, tandis que la dépense n’a été que de 112,413,963 51, il y a donc eu excédant de recette de 811,851 francs 52 centimes.

Pour l’exercice de 1832, la recette s’est élevée à 152,464,505 97, la dépense à 158,500,918 95, de sorte qu’il y a eu excédant de dépense de 6,036,412 francs 98 centimes.

Pour l’exercice de 1833, la recette a été de 88,058,313 92, la dépense de 91,904,974 94. Excédant de dépense : 3,846,661 francs 02 centimes.

Excédant total de dépense : 11,362,021 francs 43 centimes. A déduire : l’excédant de la recette de 1831, ci 811,851 francs 52 centimes. Reste : 10,550,169 francs 91 centimes.

En y ajoutant le montant des créances anciennes, s’élevant pour les exercices de 1833 et antérieure à 2,915,673 francs 66 centimes, le total du découvert s’élève à 13,465,845 francs 57 centimes.

Qu’a fait le ministère, de 1832 à 1834, dont j’avais l’honneur de faire partie, en présence de ce découvert ? ce cabinet, dont on a si vivement censuré les opérations ! Il est venu, en février 1833, demander à la législature, qui la lui a accordée, la création de la dette flottante, et par suite une émission de bons du trésor pour une somme de 15 millions. Je viens de vous dire, messieurs, que ce découvert, qui provenait des dépenses extraordinaires de la guerre, indispensables à cette époque, et que pour cette raison vous avez vous-mêmes autorisées, était de 13,465,843 francs 57 centimes ; la ressource que je viens d’indiquer était donc plus que suffisante pour y faire face.

En outre, messieurs, par la loi du 1er mai 1834, une autre émission de bons du trésor, pour une somme de 10 millions, a été autorisée pour les premiers travaux du chemin de fer ; cette double émission a procuré un excédant de ressources tel que, sous le rapport financier, le service se trouvait assuré pour l’exercice 1834 et dès le mois d’août de cette même année, le ministère de 1832 et 1834 a quitté les affaires.

Voilà les chiffres officiels tels qu’ils figurent aux comptes présentés par le gouvernement. Peut-on dire maintenant, avec quelque apparence de fondement, que j’aie laissé, ou plus exactement que le ministère dont j’avais l’honneur de faire partie ait laissé quelqu’embarras financier à celui qui lui a succédé ; je ne le pense pas, messieurs, et tout ce qui a été dit à cet égard est fort hasardé, pour ne rien dire de plus.

Mais voyons un peu si le ministère qui nous a succédé, et dont l’honorable M. Desmaisières s’est constitué naguère l’apologiste, a laissé les affaires financières du pays dans une situation asse satisfaisant, lorsqu’il a cessé de les administrer ?

A sa sortie du ministère des finances, l’honorable M. Desmaisières a laissé une dette flottante dont le chiffre officiel était de 30 millions ; mais à ce découvert il fallait ajouter d’abord près de 4 millions pour les appréciations défectueuses contenues dans son rapport du 12 novembre 1839 ; ensuite une somme de 7,940,963 francs 6 centimes, pour intérêts de divers emprunts dont l’imputation avait été basée sur des principes reconnus erronés, et, en troisième lieu, des dépenses pour les travaux publics qui, dans le chiffre de 30 millions, ne sont compris que pour 12 millions, tandis que, d’après une lettre de M. le ministre des travaux publics d’alors, en date du 16 avril 1840, il faut y ajouter 18 millions.

En quatrième lieu, les créances arriérées qui figurent au même compte sont au-dessous de celles réelles d’une somme de 250,000 francs, ce qui résulte du projet de loi présenté par M. le ministre des finances actuel, dans la séance du 12 décembre dernier. Ainsi donc le découvert réel, en y comprenant les dépenses extraordinaires jugées indispensables dans le cours de l’exercice 1840, d’après ses propres prévisions, s’élevaient, à la sortie du précédent ministère, à la somme énorme de 60 millions.

Ainsi, tandis qu’en déposant mon portefeuille, le 4 août 1834, j’avais créé des voies et moyens pour suffire, et bien au-delà, à toutes les dépenses de cet exercice, mon honorable censeur, en remettant le sien, le 19 avril 1840, a laissé à son successeur une infériorité de ressources de 30 millions pour terminer l’exercice, indépendamment de 30 autres millions couverts par des bons du trésor. A la vérité, l’honorable M. Desmaisières nous dit que son intention était de contracter un emprunt en mars 1840, mais on ne comprend pas trop cette allégation puisque l’honorable membre n’a recueilli les renseignements nécessaires que le 16 avril suivant, et qu’en outre il faut faire la part du temps qu’il fallait employer à la discussion du projet qui devait être présenté.

Messieurs, voici encore une de ces circonstances où il est question d’une grande mesure financière qui, comme je viens de le dire, a été prise sur ma proposition, au nom du ministère de l’époque, par la législature.

Cette mesure, messieurs, a été la création de la dette flottante, et l’émission des bons du trésor si fortement controversée, attaquée par les uns et préconisée par les autres. J’en dirai deux mots.

Pour bien juger cette mesure si importante, il faut se reporter, messieurs, au temps où j’en ai reconnu non seulement la nécessité, mais le besoin indispensable au milieu des circonstances si difficiles de l’époque où nous nous trouvions et qu’on semble déjà avoir oubliées. Sans doute, messieurs, il eût été possible de vaincre ces difficultés, au moyen d’emprunts, mais alors ce n’eût été qu’en subissant, comme lors du premier emprunt, des conditions on ne peut plus onéreuses pour le trésor. J’ai cru pouvoir m’en affranchir en donnant la préférence à la création des bons du trésor.

La juste confiance que j’avais dans le crédit du pays m’autorisait à compter sur le succès de cette mesure. On a vu, messieurs, que cette confiance était parfaitement fondée, et qu’il n’a jamais fait défaut aux émissions successives que les besoins du gouvernement rendaient nécessaires.

La dette flottante, messieurs, a donc rempli sa mission ; elle a assuré la marche de tous les services ordinaires, et elle a fait face aux besoins extraordinaires.

Rentrée maintenant dans de justes limites par les sages mesures qui ont été prises, et dont les effets se feront bientôt sentir, la dette flottante remplira désormais le véritable but de sa création, en facilitant le service et les opérations du trésor.

C’est dans ce même but, messieurs, et dans les mêmes circonstances que les grands Etats voisins ont eu recours au même moyen.

Qu’on lui rende donc enfin la justice qui lui est due, et qu’on reconnaisse franchement qu’elle a sauvé le pays.

C’est dans cette conviction intime que je pense que le ministère de 1832 à 1834 peut, à juste titre, se glorifier d’en être l’auteur.

Je terminerai, messieurs, par une dernière observation que voici : c’est que lorsque, dans des temps meilleurs, on vient se permettre des récriminations et la critique des temps antérieurs et si difficiles que nous avons si heureusement traversés, ce ne devrait être que pour adresser des hommages de gratitude et de reconnaissance à la divine providence qui ne nous a pas abandonnés, et qui de sa main protectrice nous a aidés à sortir de ces temps calamiteux, et à couronner ainsi l’œuvre de la révolution par la paix et l’indépendance de notre chère patrie.

M. Desmaisières – Messieurs, je regrette que l’honorable préopinant n’ait pas été satisfait des explications que j’avais données dans une séance précédente à une interpellation qu’il m’avait adressée, explications par lesquelles je faisais voir que je n’avais nullement cherché à incriminer l’honorable préopinant ; et je crois que tous ceux qui ont lu mon discours du 17 février sont convaincus que je n’ai pas eu cette intention. J’ai simplement fait l’historique de tous les faits financiers qui se sont passés depuis 1830, et j’avas été conduit à faire cet historique, parce qu’une bonne fois il fallait en finir avec toutes ces insinuations qu’on lançait à chaque instant contre l’ancien ministère, ministère que je pouvais d’autant mieux défendre que, quant à moi, je n’ai fait pour ainsi dire qu’y passer. Ce n’étaient pas mes actes que je justifiais, c’étaient plutôt ceux de mon honorable prédécesseur et de ses collègues, parce que, comme l’honorable préopinant, je ne sépare pas le ministre des finances des autres ministres. Je maintiens même l’assertion que j’ai émise dans une séance précédente, à savoir que le ministre des finances est plus particulièrement le ministre des recettes, et que ce sont ses collègues qui sont principalement les ministres des dépenses.

Ainsi, je le répète, je n’ai nullement eu l’intention d’incriminer, en quoi que ce soit, la gestion financière de l’honorable préopinant, j’ai, au contraire, rendu hommage à la conduite qu’il a tenue, pendant qu’il était au ministère.

Maintenant je ne suivrai pas l’honorable préopinant dans tous les détails de chiffres qu’il vous a présentés. Tous les chiffres que j’ai mentionnés dans mon discours, et dans le tableau que j’y ai joint, ont été pris dans les budgets, tels qu’ils ont été présentés et tels qu’ils ont été votés, ainsi que dans la situation financière telle qu’elle nous a été exposée ; il me paraît dès lors fort difficile de soutenir qu’il y a inexactitude dans ses chiffres.

Pour vous faire juger, messieurs, par une ou deux observations, combien les réponses que vient de faire l’honorable préopinant, en ce qui concerne les chiffres, sont peu justes, je citerai ce qu’il a dit, quant à la situation du trésor qu’il a présentée, pour l’année 1833, situation qui accusait un découvert de 13,400,000 francs et pour laquelle il avait demandé au budget de 1833 la création de 15 millions de bons du trésor.

Eh bien, si l’honorable membre veut bien recourir à l’exposé des motifs du budget de 1833, il verra qu’il y a été dit en propres termes, que le budget des dépenses présentait sur le budget des recettes ordinaires augmentées déjà de 7 millions d’impôts extraordinaires un excédant de 47 à 48 millions, excédant qu’il proposait de couvrir par 17 millions déduits du budget de la dette publique, du chef de la dette résultant du traité du 15 novembre 1831, et par la création de 30 millions de bons du trésor. J’ai ensuite expliqué comment ces 30 millions se sont postérieurement réduits à 15 millions. C’est par suite des économies qui ont été faites par la chambre dans le budget des dépenses.

M. Duvivier – C’est exact, j’en conviens, nous sommes d’accord.

M. Desmaisières – J’entends l’honorable membre dire que nous sommes d’accord.

Maintenait, en ce qui concerne l’emprunt que, selon l’honorable préopinant, j’ai dû faire beaucoup plus tôt, et en quelque sorte dès mon entrée au ministère, je rappellerai que je ne suis arrivé aux affaires qu’après la discussion du traité, au moment de la signature de ce traité et au fort de la crise financière, industrielle et politique ; était-ce dans de pareilles circonstances qu’il fallait d’abord tâcher de rétablir le crédit qui, comme tout le monde le sait, était alors extrêmement malade.

Il fallait donc d’abord, comme l’honorable préopinant l’avait fait en 1833, recourir à la dette publique ; il fallait, par ce moyen, couvrir provisoirement les dépenses de continuation des travaux du chemin de fer que l’honorable préopinant ajoute mal à propos à l’insuffisance de ressources, laissée par les exercices 1830 à1834, de plus de 13 millions et réduite à 9 millions de 1834 à 1840 ; ces travaux devaient être nécessairement poursuivis, non seulement parce qu’il fallait continuer cette œuvre nationale, mais aussi parce que ces travaux donnaient un écoulement considérable aux produits de nos grandes industries qui étaient en souffrance.

Je me bornerai à ces deux observations.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, je demande la parole, pour déclarer de nouveau que, dans l’exposé de la situation financière que nous avons présenté à la chambre, comme dans les discours que nous avons prononcés à l’appui de cet exposé, il n’est jamais entré dans nos intentions de récriminer contre les ministres précédents, quels qu’ils fussent. Les récriminations sont venues de nos honorables prédécesseurs, et pour en finir sur ce point, je dirai en quoi nos honorables prédécesseurs et moi, nous différons.

Arrivés aux affaires à la fin de l’exercice 1832, nous trouvâmes un déficit considérable, que nous eûmes hâte de chercher à combler par une forte augmentation d’impôts, puis par une création de bons du trésor qui était présentée comme une ressource essentiellement temporaire et provisoire, attendu que nous annoncions la nécessité d’un emprunt, emprunt qui fut effectué postérieurement.

Notre système était donc, comme il est encore, de mettre nos ressources et nos dépenses de niveau, autant que possible, au risque de compromettre ce qu’on pourrait appeler la popularité du ministère. L’honorable M. Desmaisières a suivi un système tout à fait différent. Quoique se trouvant en plein déficit, l’honorable membre a cru devoir proposer (car ceci est bien un acte de son ministère) un dégrèvement. Voilà en quoi nos deux systèmes diffèrent.

M. de Theux – M. le ministre des travaux publics a dit que les récriminations étaient venues de la part de ses prédécesseurs ; je ne sais à qui M. le ministre a voulu faire allusion, mais ce qui est certain, c’est que quant à moi, je n’ai pas dit un seul mot sur la situation financière du pays ; je n’ai fait qu’une seule observation, lorsque dans une séance précédente, l’on s’est occupé de cet objet dans un débat qui y était tout à fait étranger ; j’ai dit qu’il me paraissait préférable de réserver une discussion spéciale pour l’examen de la situation financière du pays.

Cependant, comme M. le ministre des travaux publics a dit que l’honorable M. Desmaisières a eu tort de proposer un dégrèvement d’impôt au budget de 1840, je dois faire observer qu’il n’y a pas eu de dégrèvement proposé.

Il suffit de voir que l’on fait allusion à la contribution foncière qui avait subi en 1839 une augmentation extraordinaire ; mais cette augmentation était qualifiée de telle manière qu’elle était essentiellement temporaire dans le vœu du législateur ; de sorte que cette augmentation devait cesser avec les circonstances qui l’avaient motivée.

Je ferai remarquer qu’en faisant ce dégrèvement au budget de 1840, on laissait subsister une augmentation de 10 p.c. sur l’impôt foncier, comparativement à ce qui existait auparavant.

Je suis bien aise que l’occasion se soit présentée pour moi de faire ici une réponse que j’avais omise de faire dans une séance précédente, lorsqu’on a dit qu’en présence d’un déficit, nous avions diminué les impôts en 1840.

M. Desmaisières – Je m’étonne qu’en même temps qu’on dit qu’on ne s’est permis aucune incrimination, on finisse par en faire une nouvelle ; car on vient de me dire que j’ai eu tort de proposer au budget de 1840, non pas un dégrèvement, comme vient de le dire l’honorable M. de Theux, mais la décharge des contributions tout à fait extraordinaires qui avaient été demandées pour 1839 ; décharge qui avait été législativement, en quelque sorte, convenue à l’avance, décharge enfin qui était bien due aux contribuables, alors qu’ils avaient été grevés en 1839 très fortement, alors qu’en 1840 même, la crise qui les avait tourmentés n’était pas finie ; décharge, d’ailleurs, qui n’a pas eu d’effets fâcheux pour le trésor public, puisqu’en définitive l’exercice de 1840 laisse, d’après le tableau fourni à la section centrale des voies et moyens, un boni de plusieurs millions.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je dois faire observer que je n’ai fait que me défendre. L’honorable préopinant avait placé la question sur le terrain des récriminations, et il est remonté jusqu’à 1832. Il a attaqué le ministère de 1832 ; et quand on attaque le ministère de 1832, il m’est bien permis d’attaquer un peu le ministère de 1839. Je n’ai pas, au surplus, attaqué le ministère de 1839. J’ai dit seulement le système qu’il avait suivi. Il résulte, je l’avoue, de l’exposé de ce système une insinuation qui semble peu favorable à ce ministère. Je ne puis pas faire que ce qui a été fait ne soit pas. En présence d’un déficit, il a proposé, je ne dirai plus un dégrèvement, mais une décharge ; j’accepte le changement d’expression. Il n’en est pas moins vrai qu’il a fait l’inverse de ce qui a été fait sous le ministère qu’il a attaqué. Il a cru pouvoir concilier une décharge avec l’existence d’un déficit qu’on ne peut pas nier, que lui-même ne nie pas non plus.

M. Demonceau – Je voudrais qu’on ne parlât plus de ces déficits présents et passés, parce que je pense que l’état de situation de nos finances n’est pas aussi alarmant qu’on l’a supposé. Je me félicite d’avoir été le premier à réclamer contre ces exagérations qui s’étaient introduites dans certains actes émanés du nouveau ministère.

Ce que je vous ai dit lors de la discussion du budget des voies et moyens reste vrai aujourd’hui ; c’est que, s’il a existé des déficits, il faut les attribuer aux événements plutôt qu’aux hommes qui ont été aux affaires. Si vous voulez encore une fois relire le discours que j’ai prononcé lors de la discussion du budget de la dette publique de l’année dernière, vous verrez que je me suis exprimé de la sorte. Lors de la discussion du budget des voies et moyens de cette année, j’ai dit la même chose. Vous avez dû vous apercevoir que l’honorable M. Duvivier partageait mon opinion que la dette flottante a rendu plus de services qu’on ne voulait le reconnaître.

Quant à ce qui a eu lieu pour l’année 1839, voici comment les choses se sont passées. L’honorable M. d’Huart, ministre des finances, avait proposé un budget présentant l’état normal des recettes et des dépenses. Vous vous souvenez de la réponse qu’on donna à l’adresse de cette année. Immédiatement après, M. d’Huart proposa une augmentation de quatre à cinq millions.

En ma qualité de rapporteur de la section centrale, je dois à la vérité de dire que c’était à titre de subvention extraordinaire qu’on donna au gouvernement cette augmentation de ressource. Cette subvention extraordinaire a été supprimée quand le ministre des finances, M. Desmaisières, a présenté son budget pour l’année 1840. Cela devait être ; car, je le répète, ce fut comme subvention de guerre que cette augmentation fut adoptée en 1838. Pensez-vous que, par suite de la suppression de cette subvention, le budget de 1840 ait présenté un déficit ?

Examinez les recettes et les dépenses et vous verrez que ce budget présente un boni. On ne peut pas dire avec vérité que M. Desmaisières se soit trompé, à moins de vouloir qu’il comblât des déficits par des recettes ordinaires. Les dépenses ordinaires ont été plus que couvertes par les recettes ordinaires, et il a laissé un boni. Voilà ce que j’ai cru dans les pièces communiquées à la section centrale du budget des voies et moyens de cette année.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ne me proposais pas de prendre la parole dans cette discussion, mais M. Demonceau me force à le faire, en venant répéter qu’il y a eu exagération dans l’exposé de notre situation financière. J’invite l’honorable membre à dire en quoi il y a eu exagération. Je soutiens que l’exposé fait lors de la présentation de la loi d’emprunt, loin d’être exagéré dans un sens moins favorable que notre situation réelle, pèche dans le sens contraire, parce qu’elle est présentée un peu plus favorablement qu’elle n’est résultée des faits qui se sont accomplis depuis lors. La différence n’est pas sensible ; si légère qu’elle soit, elle prouve que, s’il y a quelque erreur d’appréciation, ce n’est pas en ce sens qu’on aurait exagéré le mal. J’ai cru que c’était un devoir impérieux pour nous de faire connaître notre situation financière telle qu’elle est réellement. Je me suis attaché à la constater avec une scrupuleuse exactitude. Je ne parlerai pas du budget de 1840, à chacun la responsabilité de ses actes. Quand les comptes seront présentés, on verra qu’il y a beaucoup d’exagération dans le bon, qu’on prétend exister.

M. Demonceau – Quand j’ai dit qu’il y avait eu exagération dans l’exposé de notre situation financière, j’ai voulu parler premièrement de certaines ressources omises à notre avoir. Ainsi nous avions dans les ressources les redevances de la liste civile qui auraient dû être versées annuellement dans les caisses de l’Etat. J’ai dit qu’il y avait eu omission en recettes des valeurs à recouvrer. Je citerai les millions nous dus à titre de représentants du gouvernement, pour les redevances de la liste civile, qui auraient dû être perçus annuellement ; il est certain que nos insuffisances de recettes seraient moindres, si ces sommes nous avaient été payés ou avaient figuré à notre avoir. Au surplus, la situation du trésor au jour de l'emprunt et au jour de la présentation du budget, diffère en moins d’un million à peu près. Voilà la vérité.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ne pouvais pas faire mention de ces ressources parmi celles dont nous pouvions disposer. Cependant, je ne les ai pas passées sous silence, car j’en parle dans un passage relatif aux ressources qui nous sont réservées pour l’avenir ; j’ai ajouté que je ne pouvais les mettre en ligne de compte dans notre situation financière actuelle ; mais j’ai fait observer qu’elles trouveraient leur emploi, qu’il y avait de dépenses déjà prévues, que les ressources de l’avenir devaient servir à couvrir. Elles devaient servir aussi à l’extinction de la dette flottante.

Projet de loi, disjoint du budget des voies et moyens, relatif aux droits de transcription des actes emportant mutation d'immeubles

Motion d'ordre

M. Raikem – J’ai demandé la parole pour faire une motion d’ordre relative au projet en discussion.

M. le ministre des finances réclame une majoration du droit d’inscription et de transcription. Je ne parlerai maintenant que du droit d’inscription. Il propose de le porter de 1 par mille à 2 par mille. Le motif qu’il fait valoir est qu’actuellement les inscriptions ne sont pas sujettes au renouvellement ; il dit en même temps que quand on prononcera sur la question de savoir s’il y a lieu d’adopter le renouvellement, on pourra modifier la loi qu’il propose.

Je ferai observer que la commission nommée pour examiner le projet de loi relatif au renouvellement des inscriptions, dont j’ai l’honneur de faire partie est très avancée dans son travail. Cette commission est présidée par l’honorable M. de Behr. Déjà elle s’est réunie deux fois et elle a pris des résolutions sur certaines questions importantes. Elle se réunira de nouveau mardi prochain et pourra incessamment, j’espère, présenter un rapport à la chambre sur ce projet. Dans cet état de choses, je demanderai si M. le ministre lui-même ne trouve pas qu’il y aurait lieu d’ajourner la partie du projet relative aux inscriptions.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’augmentation proposée sur le droit d’inscription ne fournit au trésor qu’une assez faible ressource, à cause du peu d’élévation de son produit. Je ne vois donc pas grande difficulté à consentir à l’ajournement de cette partie du projet.

Puisque j’ai la parole, j’ajouterai quelques mots relativement au droit de transcription. La section centrale m’avait communiqué, en décembre, l’avis d’une section, qui pensait qu’il serait préférable de percevoir le droit de transcription en même temps que le droit d’enregistrement. J’avais cru que je pourrais me rallier à une proposition qu’aurait éventuellement faite la section centrale dans le même sens. Mais, après un examen approfondi, je me suis convaincu qu’il vaut mieux maintenir la loi du 5 janvier 1814, par deux motifs principaux : le premier est qu’un changement de législation altérerait le revenu du trésor, principalement en ce qui concerne le droit du timbre.

Il est difficile d’apprécier exactement quelle perte éprouverait le trésor, par suite d’un changement de législation ; mais des hommes spéciaux l’évaluent à 200,000 francs.

L’autre motif qui est puisé dans l’utilité incontestable de la faculté des transcriptions. Nous avons donc pensé qu’il ne convenait pas de modifier une loi dont l’effet est de les opérer dans un grand nombre de cas.

Un troisième motif, mais tout à fait accessoire, c’est qu’une modification dans la législation apporterait une perturbation dans la position d’un assez grand nombre de fonctionnaires du département des finances, qu’il faudrait tâcher d’indemniser de ce que le droit de transcription serait perçu par d’autres agents qui toucheraient la remise établie sur cette recette. Toutefois, je ne donne ce motif que comme accessoire.

Si l’opinion que j’émets est combattue, je me réserve d’entrer dans d’autres détails sur cette question.

Ordre des travaux de la chambre

M. Pirson demande, par motion d’ordre, que la section centrale chargée de l’examen d’un projet de loi, présenté par M. Zoude relatif à l’industrie des cuivres, hâte son travail, de sorte que ce projet de loi puisse être discuté en même temps que l’article du budget des voies et moyens relatif aux cuivres.

M. le président – La section centrale a demandé des renseignements au moyen desquels elle pourra terminer sous travail.

- La proposition de M. Raikem, à laquelle le gouvernement s’est rallié, est mise aux voix et adoptée ; en conséquence, la discussion de l’article 19 du projet de loi des voies et moyens relatif au droit d’inscription des créances hypothécaires est ajournée jusqu’à la discussion du projet de loi relatif aux inscriptions.

Projet de loi, disjoint du budget des voies et moyens, relatif aux droits de transcription des actes emportant mutation d'immeubles

Discussion générale

M. le président – La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet de loi (comprenant les articles 20 à 23 du projet de loi des voies et moyens), qui est ainsi conçu :

« Art. 1er. Le droit de transcription des actes emportant mutation d’immeubles, d’une date postérieure au jour où la présente loi est obligatoire, est porté à un pour cent. »

« Art. 2. L’amende d’une somme égale au droit, prononce par l’article 4 de la loi du 3 janvier 1824 (Journal officiel, n°1), à défaut de présentation des actes à la transcription, dans les délais qu’elle détermine, est réduite au demi-droit. »

« Art. 3. Les mutations antérieures à la loi du 3 janvier 1824, dont la transcription serait requise, ne donneront ouverture qu’au droit de un pour cent. »

« Art. 4. La loi du 3 janvier 1824 (Bulletin officiel n°1) est maintenue dans toutes celles de ses dispositions qui ne sont pas contraires à la présente loi. »

La parole est à M. Verhaegen

M. Verhaegen – D’après l’article 25 de la loi du 21 ventôse an VII, le droit de transcription des actes emportant mutation des propriétés immobilières est tarifé à 1 ½ p.c. du prix intégral des mutations.

La loi du 18 avril 1816, rendue en France, maintient forcément ce droit sur tous les actes de cette nature, je dis « forcément », parce que nul ne peut se soustraire à cet impôt.

Celle du 3 janvier 1824, décrétée pour les Pays-Bas a réduit le taux du droit de transcription d’un franc p.c. en le maintenant 50 cents pour 100 florins et postérieurement à 50 centimes pour 100 francs, en rendant la formalité obligatoire là où elle était facultative.

La majoration portée au budget des voies et moyens pour 1841 n’est pas de nature à soulever des murmures de la part des nouveaux propriétaires ou possesseurs ; ils envisageraient même cette nouvelle disposition comme un bienfait, si en rendant la formalité de la transcription obligatoire, on y ajoutait en même temps la garantie que conférait l’article 26 de la loi du 11 brumaire an VII ; en effet la sécurité qu’ils cherchent vainement en acquérant ils ne la trouvent pas dans le Code civil ; on en conçoit d’autant moins l’abandon que l’expérience prouve tous les jours qu’il est urgent d’établir un bon système hypothécaire coordonné avec le droit qui préside à la transmission de la propriété.

D’après l’article 26 de la loi de brumaire précitée les actes translatifs de propriété ne pouvaient être opposés à des tiers, quand ils n’avaient pas été transcrits. Cette disposition, si essentielle à la sécurité des acquéreurs, n’a été maintenue ni par le Code civil, ni par la loi du 3 janvier 1824. Celle-ci purement fiscale, en obligeant les nouveaux possesseurs à soumettre leurs contrats à la formalité de la transcription, n’a rien ajouté à leur sécurité ; il en résulte qu’un individu, après avoir vérifié et trouvé réguliers les titres de son vendeur, après avoir acheté et payé, les formalités même de la purge étant accomplie, s’est vu, alors qu’il devait se croire propriétaire, tout à coup dépossédé par un précédent acquéreur qui ne s’était pas fait connaître. Cependant il avait vérifié la situation de son vendeur, au bureau des hypothèques ; ses titres, il les avait examinés avec le plus grand soin ; son contrat d’acquisition, il l’avait signé dans l’ignorance absolue du piège que la loi tendait à sa crédulité.

Que devait-il donc faire pour éviter sa ruine ? Le mal était sans remède, les tribunaux l’avaient ainsi déclaré ; bien plus, la cour de cassation elle-même a décidé que les adjudicataires, par suite de ventes publiques, n’étaient pas à l’abri de l’éviction, et qu’ils pouvaient été dépossédés par un précédent acquéreur, dont le contrat quoiqu’enregistré, n’aurait pas été transcrit, et par suite, aurait été tenu secret.

Ainsi, sous l’empire du code civil, sous la loi brutale du 3 janvier, on achète un immeuble, on paye son prix, et en définitive on n’est point propriétaire. Un tel état de choses a fait trop de victimes pour que la sollicitude du gouvernement reste plus longtemps inactive. Je citerais au besoin les noms de personnes de cet arrondissement, de cette ville même, qui ont perdu intégralement le prix de leur acquisition, dûment transcrite, mais primée par un acte de vente du même bien passé dans une autre province, à une époque antérieure.

Voilà où mène ce malheureux système, auquel on obvierait si facilement par une simple disposition à ajouter à celle qui double le droit de transcription. En agissant ainsi, vous tranquilliseriez les acquéreurs, vous leur donneriez en échange de l'impôt auquel vous les assujettissez une garantie qu’ils réclament vainement depuis trente ans et plus, et qui serait en général d’accord avec l’ancienne législation hypothécaire, qui donnait tout apaisement au nouveau possesseur par son contrat réalisé.

Je me permettrai de signaler d’avance ce qu’il est urgent de faire dans l’intérêt du public surtout qui contribue si puissamment à alimenter vos ressources, et dont on exige de nouveaux sacrifices, sans s’occuper des moyens de sûreté que vous lui devrez en raison d’un contrat légal, dont il est porteur, et du tribut qu’il croit payer à l’Etat pour son repos.

C’est :

1° : d’ordonner l’inscription des hypothèques légales des femmes, mineurs et interdits, en faisant revivre le système de la loi de brumaire an VII, article 3, n°4 ;

2° : modifier la loi relative aux saisies immobilières, en ce qui concerne la réduction des délais, la diminution du nombre des causes de nullité, et la suppression de quelques formalités fort dispendieuses, et en même temps combler les lacunes de la loi sur les privilèges et hypothèques ;

3° : prendre pour point de départ l’état de choses actuel ; se renfermer dans le possible, ne point exiger de la législation hypothécaire des conditions contraires à son essence ; rechercher pour le prêteur et l’acquéreur, des éléments de sécurité plus étendues que ceux qui se trouvent dans le Code civil ; enfin, concilier les intérêts du débiteur saisi, avec la célérité du remboursement à faire aux créanciers.

D’après ces considérations, je donnerai mon assentiment au projet, mais je prierai M. le ministre de la justice de prendre mes observations en sérieuse considération, et de nous présenter incessamment un projet de loi destiné à améliorer notre système hypothécaire. J’ai fait à cet égard un travail qui m’a pris beaucoup de temps et que je m’empresserai toutefois de lui soumettre.

M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je ne demande pas la parole pour contester les idées que vient d’émettre l’honorable préopinant, mais pour faire observer (et je crois que l’honorable préopinant est d’accord avec moi sur ce point) que ce n’est pas dans une loi de finances que l’on pourrait insérer une disposition relative à la transmission de la propriété. Cette disposition apporterait dans notre législation un changement d’une assez grande importance pour ne pas être discutée et votée à l’occasion d’une loi étrangère à la matière. Mais afin de ne pas laisser sans réponse le vœu qui vient d’être émis, je déclare que je suis sur le point de mettre à exécution un plan de révision d’une partie du Code civil, du Code de procédure civile et du Code de commerce, et que parmi les titres révisés seront compris ceux des « privilèges et hypothèques », de la « transmission de la propriété » et des « saisies immobilières. » C’est dans la révision de ces titres du Code civil et du Code de procédure civile, que viendra naturellement l’examen de la question de savoir si la propriété devra être transmise, non plus par le simple consentement des parties, mais en outre par l’accomplissement de certaines formalités.

M. Verhaegen – Je suis charmé de rencontrer chez M. le ministre de la justice les dispositions qui l’animent. Mon but n’était nullement d’introduire dans la loi une disposition. Mon seul but était de signaler les inconvénients de la législation actuelle. Nous avons fait, à ce sujet, de graves réflexions ; nous aurons l’honneur de les communiquer à M. le ministre de la justice.

M. Demonceau – Je n’examinerai pas la question sous le même point de vue que l’honorable M. Verhaegen. Je me bornerai à l’examiner sous le point de vue financier.

D’après la loi en vigueur, la loi de 1824, la transcription est bien obligatoire en ce sens que les droits soient payés, mais il n’est pas obligatoire de faire la transcription. Et cependant ce défaut de transcription est frappé d’une amende égale au droit. Je ne pense pas qu’il soit équitable de frapper d’une amende ceux qui ne peuvent se soustraire au payement d’un droit établi.

L’administration de l’enregistrement sait très bien que tel acte portant mutation d’immeuble sujet à transcription, a été enregistré à tel endroit, puisqu’elle a perçu les droits. Eh bien, si l’acquéreur de cet immeuble néglige de faire la transcription, dans le délai fixé, on exige de lui le double droit ; c’est cette disposition que je ne trouve pas juste. J’aurais voulu qu’on introduisît à cet égard, dans notre législation, une disposition analogue à celle de la loi française, c’est-à-dire que les droits de transcription seraient perçus en même temps que les droits d’enregistrement ; le trésor n’y perdrait pas toutefois.

M. le ministre des finances pense que, par cela même qu’on aurait perçu les droits de transcription en même temps que les droits d’enregistrement, on ne ferait plus transcrire. Je pense, moi, messieurs, que cette formalité ne serait pas négligée par tous ceux qui connaissent leurs intérêts alors qu’il n’y aurait plus lieu qu’à un droit fixé pour la transcription.

Tous les actes importants seraient toujours transcrits et l’administration de l’enregistrement ne perdrait rien de son revenu en ce qui concerne les droits de timbre des registres destinés à la transcription.

Aujourd’hui de quoi se plaint-on ? Les actes importants sont transcrits, parce que le salaire des conservateurs et les droits de timbre ne sont rien en comparaison de ce que sont les droits perçus au profit du trésor. Mais pour les transmissions de peu d’importance, savez-vous comment les choses se passent ? (et c’est surtout dans l’intérêt de la petite propriété que nous devrions admettre les changements que je voudrais voir introduire) On achète un immeuble pour deux, trois ou quatre cents francs. Vous comprenez que le salaire des conservateurs et les droits de timbre son supérieurs au droit qu’il perçoit pour le trésor ; et alors pour économiser, on néglige de transcrire.

Si, au contraire, vous percevrez le droit de transcription en même temps que les droits d’enregistrement, je pense que beaucoup plus de personnes se décideraient à faire transcrire.

Vous voyez, messieurs, que la loi sur la transcription n’est pour moi qu’une véritable loi fiscale. C’est une loi qui, dans mon opinion, n’est pas juste, parce qu’elle impose une amende à celui qui ne peut pas frauder. C’est cependant ce système que veut maintenir M. le ministre des finances, et que moi je ne voudrais pas voir continuer.

M. le ministre des finances veut doubler le droit de transcription, et il réduit de moitié l’amende. Il en résulte toujours qu’il fait payer, à titre d’amende, un droit égal à celui perçu aujourd’hui. Je voudrais que le gouvernement renonçât à cette amende, parce que, je le répète, on ne doit établir des amendes que contre ceux qui peuvent frauder la loi, et dans ce cas il n’y a pas possibilité de frauder les droits de transcription ; aujourd’hui, celui qui fraude le droit de transcription fraude en même temps le droit d’enregistrement.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il est bien vrai, ainsi que vous l’a fait observer l’honorable M. Demonceau, que ceux qui connaissent leurs véritables intérêts ont soin de faire transcrire leurs actes ; mais il est beaucoup de personnes qui n’apprécient pas suffisamment l’importance de l’accomplissement de cette formalité. La pénalité, établie par la loi du 5 janvier 1824, a pour résultat que beaucoup de personnes, qui ne feraient pas transcrire, remplissent cependant cette formalité pour éviter l’amende.

Il me semble, messieurs, qu’il ne faut pas s’en tenir à la rigueur des principes lorsqu’il s’agit d’atteindre un but utile. En thèse générale, on peut dire que ce que la loi civile n’a rendu que facultatif, la loi fiscale ne peut pas le rendre obligatoire. Mais l’honorable M. Demonceau a présenté lui-même une objection à cette observation ; c’est qu’en effet la transcription n’est pas rendue obligatoire par la loi fiscale ; seulement elle établit une amende, et l’amende perçue, on pourrait encore se dispenser d’opérer la transcription. Mais l’effet de cette amende est toujours d’engager les intéressés à faire opérer la transcription, et c’est là, selon moi, un but utile.

La loi de 1824 n’a pas provoqué de plaintes ; en général on rend justice au bon effet qu’on en a obtenu. La loi civile paraît à tous insuffisante ; la loi fiscale ne la modifie pas, mais elle lui vient en aide. Car il est incontestable qu’il y a avantage pour l’acquéreur et pour les tiers à ce que la transcription soit opérée. On ne doit donc pas accuser la loi fiscale, si dans le plus grand nombre de cas elle a eu pour effet de faire exécuter la loi civile.

L’honorable M. Demonceau ne croit pas que le trésor éprouverait un préjudice notable du changement dont il a entretenu la chambre, c’est-à-dire du changement qui aurait pour objet d’adopter la législation française de 1813, en vertu de laquelle le droit de transcription se perçoit en même temps que le droit d’enregistrement.

Je l’ai déjà fait observer, il en résulterait une diminution considérable de revenu, en ce qui concerne les droits de timbre. Si tous les acquéreurs connaissaient leurs intérêts, ainsi que l’a fait observer l’honorable M. Demonceau, ce préjudice n’existerait pas ; mais beaucoup d’entre eux sont dans l’ignorance des suites que peut entraîner le non-accomplissement de cette formalité.

Je pense donc que, dans l’intérêt des acquéreurs comme dans l’intérêt des tiers, et dans celui du trésor public, il importe de maintenir la législation de 1824, époque à laquelle on connaissait parfaitement la loi de 1816, que l’on a jugé convenable de ne pas adopter.

M. Verhaegen – Je crois, messieurs, que c’est une erreur de croire que, dans l’état actuel de la législation, la transcription soit généralement et exclusivement prescrite dans l’intérêt de l’acquéreur. Aussi longtemps que la propriété passera par la seule force du contrat, la transcription ne présentera quelqu’utilité à celui qui achète que pour autant que, par suite d’inscriptions existantes, il soit obligé de faire une purge, peut être encore pour autant qu’il ait à craindre l’existence d’hypothèques ayant une date antérieure au contrat de vente et dont l’inscription peut être requise dans la quinzaine de la transcription, exceptions d’autant plus rares que si l’acquéreur a confiance dans la déclaration de son vendeur, faite sous peine de stellionat, qu’il est réellement propriétaire du bien vendu (ce que la législation actuelle ne donne pas le moyen de contrôler), il aura également confiance dans la déclaration faite, sous la même peine, que le bien n’est grevé d’aucune hypothèque conventionnelle, judiciaire ou légale.

La transcription, dans le système du Code, est une conséquence du principe de publicité établi dans l’intérêt des tiers, mais le but que les auteurs du Code ont eu n’a pas été atteint, et il ne le sera que quand la transcription, remplaçant l’ancienne réalisation, sera indispensable pour la transmission de la propriété.

Dans le système de la loi du 3 janvier 1824, comme dans le système du projet, la transcription n’est qu’une mesure fiscale, et c’est comme mesure fiscale que nous devons l’envisager, en attendant la révision de la partie du Code qui traite de la propriété et des hypothèques.

Si la transcription constitue principalement une mesure fiscale, il faut maintenir l’amende contre celui qui n’obéit pas aux prescriptions de la loi, et par une conséquence ultérieure l’amendement de la section centrale, ayant pour objet de faire percevoir les droits de transcription par les employés de l’enregistrement, doit être écarté.

La recette par les employés de l’enregistrement présente d’ailleurs de graves inconvénients. Le propriétaire d’abord ne verrait dans l’augmentation du droit perçu, comme le veut l’amendement, qu’une augmentation du droit d’enregistrement, considéré déjà comme exorbitant, tandis que le droit perçu par les conservateurs des hypothèques sera considéré comme un acheminement vers une garantie qu’on lui promet par une législation future.

Ensuite, le système de la section centrale nous éloignerait encore de ce système ancien que j’ai préconisé et qui est le système de « la réalisation » ; on sait que la réalisation se faisait devant les échevins du lieu et qu’il suffisait alors de se transporter dans la commune où le bien était situé pour être sûr que le vendeur, au moment de la vente, était encore propriétaire.

Enfin, la régularité des écritures, l’ordre et la hiérarchie dans l’administration exigent que des droits dus en raison d’une transcription faite par les soins des conservateurs des hypothèques, ne soient perçus que par ces fonctionnaires. Les faire percevoir par les receveurs de l’enregistrement, ce serait confondre des attributions, ce serait créer de véritables conflits.

M. Lys – Je ne puis, messieurs partager l’opinion de mon honorable collègue de Verviers, en ce qui concerne l’amende.

L’amende qu’on exige est, à mes yeux, une compensation des frais de timbre et du salaire des conservateurs.

De son propre aveu, on ne manque jamais de faire transcrire les actes d’une certaine valeur, ainsi pour toutes les sommes importantes la transcription a lieu. Ce n’est que sur les affaires qui donnent lieu à un léger droit que la transcription est négligée ; ainsi pour les actes de 200 ou 300 francs.

Eh bien, l’amende pour une vente de 300 francs est de 3 francs. Celui qui paiera cette amende sera exempt des droits de timbre et des droits des conservateurs, qui donneraient une somme plus forte.

Je crois donc que la loi, telle qu’elle est proposée, doit être admise.

M. Raikem – Messieurs, la discussion générale s’est fixée sur un seul point, celui de savoir ce qui serait le plus convenable ou de percevoir les droits de transcription en même temps que les droits d’enregistrement, ou de maintenir le système actuel, établi par la loi du 3 janvier 1824.

Et d’abord je ferai observer que, lorsque la section centrale a communiqué ses observations à M. le ministre des finances, M. le ministre ne trouvait pas la moindre difficulté à la question qui lui était adressée à cet égard. Voici ce qu’il a répondu à ces observations :

« La suppression des droits de transcription présenterait bien certainement quelques avantages par la simplification que cette mesure apporterait dans les écritures et dans les vérifications. Mais on ne peut se dissimuler qu’elle ne doit diminuer le produit du timbre. Toutefois le gouvernement ne s’opposerait pas à la proposition, que pourrait faire la section centrale, d’opérer cette perception en même temps que le droit d’enregistrement. »

M. le ministre s’était donc expliqué formellement à cet égard. Il soutient aujourd’hui le système contraire ; mais il n’en résulte pas moins que, dans le principe, l’observation faite par la section centrale avait frappé M. le ministre et qu’il l’avait trouvée exacte dans le premier moment.

Messieurs, on a fait valoir différents motifs en faveur du maintien du système actuel ; d’abord la grande utilité de la transcription à l’égard de tiers qui peuvent avoir intérêt à connaître la mutation ; sous ce rapport, s’il convenait d’apporter une modification, ce ne serait pas à la loi fiscale, mis au Code civil. C’est ce qu’on n’a pas hésité à reconnaître. Mais pour maintenir la législation fiscale, on a dit que, d’après les dispositions qui nous régissent maintenant, l’acquéreur n’a point intérêt à faire opérer la transcription, parce que la transcription, dans l’état actuel de la législation, n’a qu’un seul but utile pour l’acquéreur, celui de le mettre à même de parvenir à la purge des hypothèques. « Si l’acquéreur, a-t-on dit, ne veut pas purger l’immeuble qu’il a acquis, il n’a aucun intérêt à faire transcrire son contrat. » Tel était, en effet, le résultat de la législation du Code civil, mais la législation du Code civil a été changée en certains points par le Code de procédure civile ; et aujourd’hui l’acquéreur a le plus grand intérêt à faire transcrire son contrat, quand il s’agit d’une acquisition importante. Il y a intérêt, parce que si le vendeur avait consenti des hypothèques avant l’aliénation, elles pourraient cependant l’être jusqu’à l’expiration de la quinzaine qui suit la transcription. L’acquéreur n’est donc pas sûr ; il ne peut pas payer son prix d’achat avec sécurité, s’il n’a pas fait transcrire et n’a pas attendu l’expiration de la quinzaine suivant la transcription. Vous voyez donc, messieurs, que, lorsqu’il s’agit d’une acquisition importante, l’acquéreur a le plus grand intérêt à faire transcrire.

On a dit, messieurs, que si vous allez faire percevoir le droit de transcription en même temps que le droit d’enregistrement, les contribuables s’imagineront que le droit d’enregistrement est augmenté ; mais messieurs, les acquéreurs et surtout les notaires connaissent bien la législation sur ce point ; les acquéreurs, avant de faire un contrat, savent combien il sera dû pour tous les droits quels qu’ils soient ; ils tiennent compte en même temps et des droits de transcription et des droits d’enregistrement. Le nom ne fait rien à la chose ; l’acquéreur sait fort bien ce qu’il a à payer, et il ne se croira pas surchargé parce que vous percevrez le droit sous telle forme plutôt que sous telle autre.

Vous voyez donc, messieurs, que l’on pourrait sans inconvénient percevoir le droit de transcription en même temps que le droit d’enregistrement. Comme M. le ministre des finances l’avait dit dans le principe, cela simplifierait les écritures, et de cette manière on pourrait éviter l’amende qu’il faut, autant que possible, se garder de prononcer dans les lois. L’amende est une peine qui dépare toujours une loi lorsqu’elle n’est pas nécessaire ; or ici elle ne l’est nullement. Nous pouvons donc éviter la peine d’amende et rendre ainsi la loi plus morale ; ce qui n’est pas à négliger.

Voici, messieurs, ce qui arrive : des personnes qui ont une mince fortune et qui parviennent quelquefois, dans certaines localités du pays, à pouvoir acquérir ce qu’on appelle un essartis, qu’ils cultivent à la sueur de leur front, se mettent ainsi dans une position indépendante, et peuvent se dispenser de servir ou de travailler à la journée, ce qui est toujours honorable. Ceux qui font ainsi une acquisition, dont le prix ne s’élève souvent qu’à quelques centaines de francs, ceux-là n’ont aucun intérêt à demander au notaire une expédition de leur acte, ce qui leur coûterait beaucoup relativement à leur prix d’acquisition.

Eh bien, messieurs, qu’arrive-t-il dans la législation actuelle ? C’est que ces malheureux (et la chose m’a été confirmée par des personnes qui connaissent les faits), c’est que ces malheureux aiment mieux payer l’amende que de faire transcrire leur contrat, parce que la transcription coûterait plus que l’amende.

« Mais, dit-on, cette amende vous indemnise des frais que l’acquéreur aurait du payer au trésor. » Ainsi messieurs, au moyen de l’amende, c’est sur le pauvre que vous faites porter toute la fiscalité de la loi ! Je ne crois pas que ce soit dans ce sens que nous devons rédiger les lois.

Quelle que soit la haute utilité de la transcription, utilité que je reconnais, quelle que soit la forme sous laquelle le droit de transcription sera perçu, je crois que, dans tous les cas, il faudrait faire disparaître cette amende de la loi. Soyez-en bien persuadés, messieurs, ceux qui font des acquisitions d’une certaine importance ont toujours intérêt à faire transcrire leur contrat, et les notaires auront toujours soin de ne pas leur laisser perdre de vue cet intérêt ; mais ne venez pas forcer celui qui a peu de chose à payer une amende ou à faire des frais qu’il ne ferait pas sans l’existence de cette amende dans la loi.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ferai d’abord remarquer à la chambre que l’honorable orateur qu’elle vient d’entendre lui a rappelé assez inutilement que j’avais cru d’abord pouvoir me ranger de l’avis de la section qui voulait adopter la législation française ; j’ai fait moi-même cette observation lorsque j’ai pris la première fois la parole.

En effet, messieurs, au mois de décembre, alors qu’il y avait urgence de répondre immédiatement aux observations de la section centrale, parce que nous espérions encore à cette époque pouvoir voter le budget des voies et moyens avant la fin de l’année ; alors, dis-je, j’avais déclaré que je ne m’opposerais pas à la modification qui pourrait être présentée dans ce sens ; mais après un examen consciencieux, j’ai acquis la conviction intime qu’une semblable modification ne serait point une amélioration, et dès lors, je n’hésite pas à me prononcer maintenant pour le maintien de la législation actuelle.

D’après les observations que vient de présenter l’honorable M. Raikem, il est bien constant que ce ne sont pas seulement les tiers, mai aussi les acquéreurs qui ont intérêt à ce que la transcription se fasse ; en effet, l’acquéreur ne devient en quelque sorte propriété incommutable ou du moins propriétaire paisible que 15 jours après l’accomplissement de cette formalité, puisque des hypothèques peuvent grever son bien à son insu, et qu’il peut se trouver dans le cas de devoir délaisser l’immeuble hypothéqué dans aucune réserve, ou d’être exproprié.

Il est cependant une observation faite par l’honorable M. Raikem dont on doit reconnaître le fondement, c’est celle qui est relative aux acquéreurs de petites portions de terre qui sont exposés à devoir payer l’amende, mais je crois que tout en maintenant le système actuel, quant au payement du droit de transcription, que tout en continuant à faire acquérir ce droit lors de l’accomplissement de la formalité, ce qui me semble plus rationnel que de le faire venir plus tôt entre les mains d’un agent qui n’est pas chargé d’opérer la transcription, je crois, dis-je, que tout en conservant ce système on pourrait introduire dans la loi une modification qui ferait droit à la dernière observation de l'honorable M. Raikem. Voici un amendement qui me paraît de nature à atteindre ce but.

Cet amendement devra former le second paragraphe de l’article 2 du projet :

« A l’égard des actes d’une date postérieure à l’époque fixée par l’article 1er, il ne sera encouru aucune pénalité, mais le droit sera exigible dès l’expiration du délai accordé par l’article 3 de ladite loi. »

M. Metz – Si l’on voulait faire de la transcription la cause absolue d’un droit à percevoir dans l’intérêt du trésor, comme le droit d’enregistrement, par exemple, si la loi elle-même ne la laissait pas en quelque sorte facultative, je concevrais que l’on soumît tous les actes à la nécessité de la transcription ; mais c’est là une question que nous examinerons, lorsqu’il s’agira, comme l’a dit M. le ministre de la justice, de réviser certaines dispositions des codes. On verra alors s’il faut, oui ou non, forcément soumettre tous les actes de mutation immobiliers à la transcription ; mais en ce moment, lorsque la loi civile elle-même ne fait pas une nécessité de la transcription, pourquoi l’établir dans une loi fiscale ?

Vous faites une nécessité de l’enregistrement ; mais vous donnez à celui qui fait enregistrer son acte un grand avantage. Il serait à désirer que chaque loi fiscale compensât par un avantage le sacrifice qu’elle impose. Celui qui a un acte enregistré est préféré à tous ceux qui auraient des actes non enregistrés ou sans autre date certaine et la loi interdit en justice la production de tout acte non enregistré : ce sont là des avantages signalés que l’on obtient en compensation des droits que l’on paie. La transcription, au contraire, ne donne qu’un droit le plus souvent illusoire : dès que votre acte est enregistré, vous êtes par la législation actuelle, propriétaire aussi bien vis-à-vis des tiers que vis-à-vis des vendeurs, et la transcription ne vous donne aucun droit de plus, si ce n’est qu’elle vous permet d’arriver à la purge et qu’elle vous garantit contre l’action des créanciers qui pourraient avoir acquis hypothèque avant l’époque où l’acte de vente a été passé. Eh bien, messieurs, l’on sait que l’acquéreur va, avant tout, s’informer des hypothèques qui pèsent sur la propriété qu’il veut acquérir, et s’il voit que la situation hypothécaire de la propriété n’est pas satisfaisante, il fait aussitôt transcrire son acte, parce qu’il est averti qu’il n’a que ce moyen d’arriver à la purge, la transcription n’est alors que le premier acte d’une procédure.

Quant à l’autre avantage, celui de garantir l’acquéreur d’un immeuble contre les hypothèques antérieures qui pourraient être inscrites sur l’immeuble dans la quinzaine qui suit le jour où l’acte aura été transcrit, c’est un avantage presque chimérique pour l’acquéreur auquel il peut renoncer, s’il croit qu’il n’y a pas d’hypothèque.

Aussi est-il très rare qu’un immeuble passe entre les mains d’un tiers et que des créanciers viennent, dans l’intervalle de la quinzaine, demander inscription sur cet immeuble d’hypothèques acquises antérieurement.

Si nous demandons à un débiteur de la solvabilité duquel nous nous défions, si nous lui demandons, pour garantie de notre créance, une inscription hypothécaire, ou si nous prenons contre lui un jugement, la raison ne nous dit-elle pas que nous devons nous empresser de faire inscrire notre hypothèque, pour ne pas être froissés par un créancier plus diligent, et nous n’irons pas attendre que le bien passé entre les mains d’un tiers ; nous faisons inscrire l’hypothèque aussitôt que nous l’obtenons.

Vous comprenez donc que c’est là un avantage presque toujours illusoire que celui assuré à l’acquéreur par la transcription.

Dès lors, si vous ne regardez pas la transcription comme une nécessité, si, ayant l’acte et pouvant le faire, vous ne le faites pas, pourquoi vous montrez si sévère ?

Par ces considérations, et en attendant que la loi provoquée par l’honorable M. Verhaegen et promise en quelques sorte par M. le ministre de la justice ait pu être discutée, je pense qu’il faut, quant à l’amende, laisser les choses dans l’état où elles sont aujourd’hui.

M. Verhaegen – Messieurs, je voulais dire un mot, en réponse à une observation de l’honorable M. Raikem, qui avait trouvé un avantage pour l’acquéreur, non seulement dans ce qui est relatif à la purge, mais encore dans la garantie qu’il a, que les hypothèques dont la cause est préexistante ne se trouveraient pas inscrites dans le délai de la quinzaine.

Un honorable préopinant a déjà répondu en partie à cet argument ; je crois qu’on peut compléter sa réponse.

Celui avec lequel je traite, est un honnête homme ou il est un fripon ; si c’est un honnête homme, lorsqu’il déclarera dans l’acte, sous peine de stellionat, que le bien n’est grevé d’aucune hypothèque, j’aurais dans cette déclaration toute la garantie qu’il me faut. Si c’est au contraire un fripon, la transcription ne me donnera aucun avantage, car celui qui me vend aujourd’hui, peut avoir vendu hier à un autre, et si l’acheteur a fait enregistrer son contrat, avant que je n’aie fait enregistrer le mien, mon prix d’achat sera perdu.

Quand j’ai dit tout à l’heure que la transcription ne donnait aucun avantage au vendeur, je savais fort bien que dans la quinzaine on pouvait faire inscrire les hypothèques qui avaient une cause antérieure à la vente, mais j’ai dit que cela n’engagera pas le vendeur à faire transcrire son titre. Il n’y a donc réellement qu’un avantage, c’est celui de purger le bien, quand on veut faire une purge. Il en est peut-être encore un autre que l’honorable M. Raikem aurait pu m’opposer, c’est celui dont parle l’article 280 du Code civil, lorsqu’il s’agit de prescriptions décennales ; mais cet avantage est si faible qu’il ne peut réellement pas y compter. Jusqu’à ce que la loi soit révisée, il faut considérer la transcription, sauf les exceptions dont nous venons de parler, comme une mesure fiscale, il faut donner à cette mesure les conséquences que la législation actuelle a voulu y donner. Sous ce point de vue je ne puis admettre l’amendement de M. le ministre des finances, car il détruit toute l’économie de la loi. Car s’il n’y a plus d’amende, personne ne fera transcrire ; ou il faut conserver l’amende, ou il faut adopter le système de la section centrale.

Je pense qu’il vaut mieux s’en tenir à ce qui existe, en attendant la révision de la loi.

M. Raikem – M. le ministre des finances pense que j’ai dit que la transcription était nécessaire aujourd’hui pour transférer la propriété ; personne ne supposera sans doute que j’aie pu dire cela.

M. de Behr – Messieurs, les observations que j’avais à faire viennent d’être présentées par un honorable préopinant ; je crois donc dès lors inutile de m’étendre sur ce sujet. Je dirai seulement que si vous supprimez l’amende, il n’y a plus de sanction à la loi. On me répond : « Mais l’acquéreur est intéressé à faire transcrire. » Oui, il est intéressé à faire transcrire, quand il a des motifs de défiance contre le vendeur ; mais si le vendeur est solvable, il ne fera plus transcrire.

On dit qu’il faut éviter l’amende ; oui, sans doute, il faut tâcher d’éviter l’amende ; mais quand cette amende est la sanction d’une disposition utile, il faut la maintenir. Autrefois, à défaut de transcription, l’acquéreur perdait la propriété, le vendeur n’en était pas dessaisi. C’était là sans doute une peine bien plus forte qu’une amende. Il serait donc dangereux, dans l’état actuel d la législation, de supprimer l’amende.

M. Raikem – Messieurs, je n’ai que quelques observations à présenter.

Il m’a paru qu’on avait répondu à des objections que je n’avais pas faites, et qu’on a présentées cependant comme venant de moi. Qu’est-ce que j’ai dit ? J’ai dit que, bien que la propriété fût transférée au vendeur, l’acquéreur avait cependant encore intérêt à faire transcrire dans les cas que j’ai cités, M. le ministre des finances vous a présenté une proposition, et nous avons été d’accord sur-le-champ. Il a demandé qu’on cessât de percevoir l’amende, attendu qu’une amende n’est nullement nécessaire. Bien qu’il n’y ait plus d’amende, on s’empressera néanmoins, pour les contrats importants, de faire transcrire ; l’amendement en profitera qu’à ceux qui feront de petites acquisitions.

Mais, dit l’honorable préopinant, du moment que vous ne comminez plus d’amende, à défaut de transcriptions, vous n’aurez plus rien à transcrire, parce que si le vendeur est solvable, l’acquéreur négligera de remplir cette formalité. Cela pourra avoir lieu pour les contrats de minime importance dont j’ai parlé tout à l’heure ; mais peut-on croire que cette formalité ne sera pas remplie par l’acquéreur lorsqu’il s’agira de conventions moins secondaires ? Peut-on croire qu’il se dispensera de faire opérer la transcription, pour éviter de payer quelques frais de timbre ? Non, messieurs, quand il s’agira d’un objet important, l’acquéreur ne manquera pas de se faire délivrer une expédition. D’ailleurs, dans l’hypothèse même de l’honorable préopinant, qui peut avoir la certitude complète que le vendeur soit solvable ? mais à chaque instant n’est-on pas trompé ? N’arrive-t-il pas souvent qu’on croit acquérir d’une personne solvable, et que bientôt après on reconnaît que cette personne ne l’est pas ? Soyez-en persuadés, messieurs, l’acquéreur qui fera une acquisition importante ne manquera pas de la faire retranscrire. A quoi aboutira donc, en définitive, l’amendement proposé par M. le ministre des finances ? A rendre la loi plus morale, en ce sens qu’on ne percevra plus d’amende sur les acquéreurs qui possèdent une fortune plus que médiocre, et qui achètent quelques verges de terre pour les cultiver à la sueur de leur front.

M. de Behr – Messieurs, un honorable préopinant vous a signalé les inconvénients du défaut de transcription. Ces inconvénients sont sentis par tout le monde. Il est certain qu’avec la loi du 3 janvier 1828 vous forcez l’acquéreur à transcrire dans un délai déterminé, sous peine d’amende. Eh bien, si vous supprimez l’amende, il n’y aura plus, comme je l’ai dit, obligation de faire transcrire. J’ai dit aussi que, lorsque le vendeur sera solvable, l’acquéreur négligerait souvent de remplir cette formalité.

Mais dans quel but remplira-t-il les formalités. Fera-t-il la transcription du contrat d’acquisition, alors que vous aurez supprimé l’amende. On reconnaît l’utilité de la transcription. Si vous voulez qu’elle ait lieu, il faut maintenir l’amende, sans cela la mesure n’a plus de sanction. Par cela seul qu’on reconnaîtra la solvabilité du vendeur, on ajournera la transcription. Je crois qu’il faut maintenir la législation de 1824.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’amendement, considéré sous le point de vue fiscal, n’aura pas d’effet nuisible ; il n’est pas de nature à réduire le revenu du trésor, puisque c’est chez le conservateur des hypothèques que le droit de transcription continuera à être acquitté. Il est vrai qu’il n’y aura plus de sanction pénale, mais le droit n’en sera pas moins perçu, l’enregistrement des actes faisant connaître à l’administration les mutations de propriété.

Si le droit de transcription s’acquittait chez le receveur de l’enregistrement, ainsi que cela se pratique en France, il serait à craindre qu’on n’omît souvent la formalité de la transcription.

Mais on conviendra que ce droit devant être acquitté au bureau même où s’opère la transaction, il y a présomption que cette formalité sera accomplie. Le petits acquéreurs seuls seront dégrevés de cette pénalité qu’ils acquittaient sans cependant faire effectuer la prescription.

M. Demonceau – Je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire M. le ministre des finances. La loi de 1834 n’est pas une loi faite dans l’intérêt de propriétaires, mais une loi tout à fait fiscale. Quel est le principe qui lui a servi de base ? C’est l’obligation de payer un droit. Or, la loi ne doit prononcer d’amende que dans le cas où il y a des droits fraudés. Il est impossible de frauder les droits ici, donc l’amende doit être supprimée.

M. Pirmez – Je remarque que le projet ne souffre point d’opposition. Ce n’est pas dans l’espoir de le faire rejeter, mais seulement pour motiver mon vote que je prends la parole.

Les impôts s’établissent d’ordinaire sur la richesse ou au moins, quand on ne peut pas la découvrir, sur ce qui en a l’apparence.

Dans la loi que nous discutons, c’est celui qui accuse sa détresse qui est frappé de l’impôt. En général, celui qui vend une propriété immobilière est dans un état peu prospère.

Je ne prétends pas que tous ceux qui vendent des immeubles sont dans la détresse. Je sais bien qu’il s’établit des spéculations sur le propriétés foncières, mais en général, dans notre société, telle qu’elle existe, la plupart de ceux qui abandonnent leur patrimoine, y sont forcés par la nécessité.

Sans doute, il est des nécessités impérieuses où un gouvernement doit prendre ses ressources partout où il les trouve ; mais il doit être fort pressé par le besoin pour prendre l’impôt sur ceux qui accusent leur détresse par la vente de leur propriété.

Personne n’a prétendu que l’acquéreur payait cet impôt ; il est donc inutile de le démontrer. En effet, il n’en paie pas la plus petite partie.

L’impôt de mutation est facile à établir, je le sais bien ; vous ne serez pas accablés de pétitions et de députations qui s’opposeront à ce qu’il soit voté ; ce ne sont pas ceux qui sont forcés de vendre des immeubles qui s’adresseront à la chambre.

Ce n’est pas en présence des lois absurdes sur le sucre, substance sur laquelle nous pourrions prendre cinq ou six millions, que j’augmenterai l’impôt de mutation, qui souvent est très dur, puisqu’il tombe toujours sur le vendeur.

L’impôt sur le sucre n’a été repoussé par aucune bonne raison, mais nous avons entendu une multitude de déclamations, nous les entendrons encore ; on fera beaucoup de démarches. Nous n’imposerons pas cette denrée si imposable, et nous frapperons les intérêts qui se taisent.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1er. Le droit de transcription des actes emportant mutation d’immeubles, d’une date postérieure au jour où la présente loi est obligatoire, est porté à un pour cent. »

M. Jadot – Le seul objet dont il soit question dans l’article 20 étant la majoration du droit, je me bornerai à soumettre à la chambre des observations qui résument les opinions émises par les sections sur cette majoration.

Sous le gouvernement précédent le droit de transcription, établi à raison de 1 ½ p.c. par la loi du 21 ventôse an VII, a été réduit à ½ p.c. par celle du 3 janvier 1824. C’est à ce taux qu’il a été perçu, jusqu’à présent, par les conservateurs d’hypothèques.

Aujourd’hui, le gouvernement vous propose, non de tripler ce droit, ce qui le rétablirait sur l’ancien pied, mais seulement de la doubler.

Cette augmentation, qui fait l’objet de l’article 20 du projet, n’atteindrait toutefois que les actes de mutation d’une date postérieure à la promulgation de la loi.

Cette proposition n’a pas rencontré beaucoup d’opposition de la part des sections. La première seulement l’a rejetée, parce que la transcription est obligatoire. Dans la 4e il y a eu partage ; mais les 2e, 3e, 5e et 6e l’ont adoptée.

Vu la nécessité de venir au secours du trésor, qui recevrait ainsi un supplément de ressources de 900,000 francs environ, la section centrale l’a également adoptée à la majorité de six voix contre une.

Dans une pétition, dont on trouve l’analyse dans la pièce jointe au rapport sous le littera A, il est dit que l’on ne doit pas majorer les droits actuels, si l’on considère que l’acquéreur doit d’abord payer le droit d’enregistrement de 4 p.c. plus les additionnels, droit qui, dans l’état actuel des choses, est très élevé ; on y fait valoir ensuite que la transcription, qui était purement facultative avant la loi du 3 janvier 1824, est devenue obligatoire depuis cette loi.

Ces considérations n’ont exercé aucune influence sur l’opinion de la majorité de la section centrale.

- L’article 1er est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2 (21 du projet primitif). L’amende d’une somme égale au droit prononcé par l’article 4 de la loi du 3 janvier 1824 (Journal officiel, n°1), à défaut de présentation des actes à la transcription dans les délais qu’elle détermine est réduite au demi-droit. »

M. le ministre des finances a proposé la disposition additionnelle suivante :

« A l’égard des actes d’une date postérieure à l’époque fixée par l’article premier, il ne sera encouru aucune pénalité, mais le droit serra exigible dès l’expiration du délai accordé par l’article 3 de ladite loi. »

M. Jadot – L’article 21, qui réduit au demi-droit la pénalité prononcée pour défaut de transcription dans le délai fixé par l’article 4 de la loi du 3 janvier 1824, maintient réellement cette pénalité au taux actuel, puisque le droit de transcription actuellement perçu serait doublé.

Cet article a été rejeté par la première section et adopté par les cinq autres.

Mais la proposition de la deuxième section, adoptée par six membres de la section centrale, le septième s’étant abstenu, a totalement changé cet article.

Cette proposition est ainsi conçue :

« La deuxième section propose de faire percevoir le droit de transcription en même temps que celui de l’enregistrement, ainsi que la chose a lieu en France, en vertu de la loi du 28 avril 1816. Par ce moyen, on évitera une amende particulière pour la transcription. »

Il en résulterait donc, si elle était adoptée, qu’il n’y aurait plus obligation de faire transcrire, ni conséquemment de pénalité à défaut de transcription.

C’est dans ce sens qu’est conçue une note, insérée dans l’analyse jointe au rapport, littera A, qui a été adressée par la section centrale.

Je rappellerai ici succinctement les dispositions de la législation française sur la transcription, et spécialement celles de la loi de 1816 que l’on voudrait substituer à l’article proposé.

La loi du 9 vendémiaire an VI (article 62) avait établi un droit proportionnel de transcription de 1 ½ p.c.

Ce droit devait être perçu par les receveurs de l’enregistrement, mais une loi du 9 vendémiaire an VII, organique de la conservation des hypothèques, ayant réuni cette conservation à la régie de l’enregistrement, chaque conservateur, employé à cette régie, a été chargé de recevoir ce droit au moment de la présentation des actes à la transcription.

Est ensuite intervenue la loi du 28 avril 1816 qui a fixé à 5 ½ p.c. le droit d’enregistrement des ventes d’immeubles, au moyen de quoi la formalité de la transcription au bureau de la conservation des hypothèques ne donnera plus lieu à aucun droit proportionnel (article 52).

L’article 54, relatif aux actes susceptibles d’être transcrits autres que les ventes, est ainsi conçu :

« Dans tous les cas où les actes seront de nature à être transcrits au bureau des hypothèques, le droit sera augmenté d’un et demi pour cent et la transcription ne donnera plus lieu à aucun droit proportionnel. »

Outre le droit proportionnel de transcription à payer en même temps que le droit d’enregistrement, il en est du un fixe d’un franc à percevoir par le conservateur, conformément à l’article 61 qui est ainsi conçu :

« Les actes de transmission d’immeubles et droits immobiliers susceptibles de transcription ne seront assujettis à cette formalité que pour un droit fixe d’un franc, outre le droit du conservateur, lorsque les droits en auront été acquittés de la manière prescrite par les articles 52 et 54 de la présente loi. »

Toutefois, les conservateurs sont restés chargés de la perception du droit proportionnel de transcription :

1° Sur les donations, contenant partage, faites par actes entre-vifs en ligne directe, conformément aux articles 1075 et 1076 du code civil, article 3 de la loi du 16 juin 1824 ;

2° Sur les actes de mutation antérieurs à la loi du 28 avril 1816 ;

3° Et généralement sur les actes transcrits qui, lors de l’enregistrement n’auraient pas payé le droit de transcription.

Voilà la législation française.

Vous voyez qu’il ne suffit pas de dire dans la loi nouvelle que le droit de transcription sera perçu en même temps que celui d’enregistrement. Il faudrait encore y introduire de dispositions semblables à celles dont l’insertion dans la loi française de 1816 a été la conséquence de l’article 52 de cette loi, sur lequel la proposition de la section centrale est modelée.

Ces dispositions que j’ai déjà citées sont :

1° Celles des articles 54 et 61 de la loi française ;

2° Celles de la loi du 16 juin 1824 ;

3° Celles qui réservent aux conservateurs la perception du droit de transcription dû sur les actes de mutation antérieurs à la promulgation de la loi et sur les actes transcrits, qui n’auraient pas payé ce droit : dispositions que je viens de citer.

Je ferai d’ailleurs remarquer :

1° Que la proposition de la deuxième section adoptée par la section centrale, se borne à un principe qui, s’il était admis par la chambre, nécessiterait la présentation d’articles nouveaux. Pour le développer et en régler l’application ;

2° Que dans l’intention de cette section et de la section centrale, toute pénalité pour défait de transcription dans un délai déterminé, doit être abolie, et conséquemment que l’article 21 du projet devrait disparaître.

- L’amendement proposé par M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté ainsi que l’ensemble de l’article amendé.

Article 3

- L’article 3 est mis aux voix et adopté.

Article 4

La chambre passe à l’article 4.

M. Jadot, rapporteur – Je ne puis m’empêcher d’attirer l’attention sur l’observation de la sixième section, à propos de cet article ; elle fait remarquer que la remise des droits qui porte un grand préjudice au trésor est contraire à la constitution.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il est évident que, d’après la constitution, le Roi n’a pas le droit d’accorder des modérations de droits. Mais l’article 9 de la loi de 1824 est interprété et appliqué en ce sens que le Roi n’accorde que la remise des droits imposés comme amendes.

M. Demonceau – Je pense que l’interprétation a toujours été faite dans le sens que vient d’indiquer l’honorable ministre des finances.

M. Jadot, rapporteur – La loi sous le régime hollandais a été interprétée dans ce sens que l’on faisait la remise des droits indépendamment des pénalités.

M. Raikem – La disposition en discussion est évidemment inutile. De ce qu’elle serait insérée dans la loi ne pourrait-on pas conclure que d’autres lois dans lesquelles on aurait omis d’insérer une disposition analogue dérogent aux lois existantes ? Sous ce rapport ne vaudrait-il pas mieux la supprimer ?

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Une disposition semblable a été insérée dans plusieurs lois. Mais je reconnais qu’elle est inutile.

Je déclare donc retirer l’article 4.

M. Doignon – Je demande la parole, uniquement pour motiver mon vote, qui sera négatif. J’adhère entièrement aux raisons donnée par l’honorable M. Pirmez contre la majoration d’impôt dont il s’agit. Je pense qu’au lieu d’augmenter l’impôt sur la propriété, on devrait s’occuper d’autres objets plus imposables, tels que les droits sur les distilleries, sur les sucres, sur le tabac, etc. Il n’y a évidemment pas nécessité d’accorder dès aujourd’hui cette majoration, alors que nous pourrions peut-être obtenir de smillions sur les articles dont je viens de parler.

Je rappellerai qu’il y a une proposition de l'honorable M. Dumortier à l’effet de réviser la loi sur les distilleries. Si, par exemple, cette révision doit produire plusieurs millions, à quoi bon frapper la propriété, à quoi bon la surcharger de nouveau ?

Ces motifs m’engageront à voter contre le projet de loi.

- La chambre met le vote définitif du projet de loi à l’ordre du jour de lundi.

Projet de loi, disjoint du projet de budget des voies et moyens, portant diverses modifications au tarif des douanes

Discussion de l'article unique

M. le président – La discussion est ouverte sur l’article unique du projet de loi et sur l’ensemble des articles indiqués dans le tableau qui y est joint, moins les articles « café » et « fers » qui feront l’objet d’une discussion spéciale.

L’article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Art. unique. Par modification au tarif des douanes actuellement en vigueur, les droits d’entrée et de sortie sur les articles dénommés dans le tableau, qui suit, sont établis ainsi qu’ils y sont indiqués.

M. Demonceau – Quelques honorables collègues ont présenté des amendements. Je voudrais savoir si l’on peut en présenter d’autres dans ce sens.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ferai observer à cet égard que si nous examinons tous les amendements qui peuvent être produits sur le tarif, il n’est pas probable que la discussion soit terminée d’ici à très longtemps. Je pense qu’il serait préférable de renvoyer à une autre loi les amendements présentés, d’autant plus que les départements de l’intérieur et des finances s’occupent d’un travail qui comprend un grand nombre d’article du tarif. Si le gouvernement ne jugeait pas utile d’introduire dans ce travail les amendements proposés, leurs auteurs pourraient les soutenir comme projets de loi spéciaux, initiative que du reste ils peuvent prendre quand ils le jugent convenables ; en suivant la marche proposée, nous perdrons beaucoup de temps à discuter des articles autres que ceux examinés par la section centrale, et sur lesquels nous sommes généralement d’accord.

M. Mast de Vries –J’ai une observation à faire à M. le ministre, c’est que l’amendement que j’ai présenté sur l’entrée du foin n’est pas nouveau. Différentes pétitions ont été adressés à la chambre par des conseils provinciaux, par des localités des Flandres et de la province d’Anvers pour qu’on majore les droits sur les foins. Vous savez que le droit actuel n’est que de 50 centimes par mille kilogrammes, tandis que nous payons, pour produire cette même quantité de foin, 5 francs de contribution foncière.

J’ai également présenté un amendement tendant à augmenter le droit sur les tuiles qui ne sont que de la main-d’œuvre et de la terre. Quelles raisons peut-on opposer à cet amendement ?

Si vous voulez renvoyez cela à une discussion générale du tarif des douanes, on pourrait vous demander d’y renvoyer toutes les majorations demandées par le gouvernement.

On demande des voies et moyens, et quand nous en proposons, on s’y oppose.

Pour le premier article, je le répète, il n’est pas nouveau. Une pétition adressée à la chambre sur cet objet a été renvoyée à la commission d’industrie et a donné lieu à un rapport de cette commission présenté par l’honorable M. Manilius (M. Zoude, président de la commission d’industrie, fait un signe affirmatif.)

Ce qu’on demande de tous côtés c’est qu’on en fasse l’application dans le nouveau tarif.

Qu’on décide que les articles sur lesquels des modifications sont demandées par tout le monde, seront aussi admis dans le tableau qui a se discuter.

Je persiste donc dans les amendements que j’ai proposés.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ne prétends pas que la proposition de l’honorable M. Mast de Vries, en ce qui concerne le foin, ne soit pas susceptible d’être accueillie ; je n’examine pas le fonds de la question ; mais je pense que si on admet quelqu’article nouveau dans le projet de loi, il va surgir une foule d’autres propositions. Je crois que nous pourrions discuter cet article et quelques autres immédiatement après ce projet, pour ne pas le compliquer et ne pas donner naissance à beaucoup d’autres propositions.

Du reste, d’après l’observation que vient de me faire l’honorable M. Zoude, ce projet est communiqué à M. le ministre de l'intérieur, avec qui je n’ai pu encore en conférer.

Je ne veut rien préjuger sur son objet ; mais, je le répète, je crains qu’en introduisant quelques amendements, nous ne fassions surgir une foule d’autres propositions, et que nous ne perdions le but que nous nous proposons, qui est d’avoir le plus promptement possible un accroissement de produits.

Si tel n’était pas notre but, nous aurions pu attendre que le travail dont je vous ai parlé fût entièrement achevé.

M. Desmet – J’ai demandé la parole pour appuyer l’observation qui vous a été faite par l’honorable M. Mast de Vries.

Il s’agit, en modifiant le tarif, de se procurer des voies et moyens et en même temps de protéger les industries du pays. Quand les industries du pays sont protégées, on paie plus facilement les impôts. Quand, au contraire, vous ne les protégez pas, vous y perdez de deux manières.

Si je ne me trompe, le projet qu’on vous a présenté, n’a pas saisi cette observation. Je pense même que des matières premières dont on a besoin pour nos fabriques, ont subi des majorations, entre autres je devrais citer les huiles françaises et du Piémont dont on a besoin pour nos fabriques de savon blanc ; car, depuis quelques temps on fabrique chez nous le savon fin de Marseille. Si donc on va imposer les huiles fines, on établit un impôt qui va frapper de mort une nouvelle fabrique, à sa naissance ; dans d’autres pays on n’agit pas ainsi.

Messieurs, on a demandé depuis longtemps une majoration de droit sur le foin. Les foins étrangers qui entrent dans le pays, non seulement sont mauvais, mais ils font un tort immense aux cultivateurs et propriétaires du pays. Cependant, vous venez encore de majorer l’impôt foncier. Si donc vous voulez que les propriétaires et les cultivateurs payent, il ne faut pas leur en ôter les moyens.

En refusant donc d’admettre l’amendement qui vous est proposé, non seulement vous ne voulez pas de l’argent, mais vous faites tort aux industries du pays.

Quant aux tuiles, il est certain que nous avons une masse de fabriques qui se sont élevées depuis peu d’années, et qui luttent difficilement, par suite de la concurrence des produits étrangers.

M. Mast de Vries – Je voulais encore faire observer que la proposition que j’ai présentée quant aux foins ne rencontrera aucune difficulté dans cette enceinte. J’a entendu l’opinion de différents membres, et tout le monde est d’accord que ma proposition est extrêmement juste et que le gouvernement aurait dû la faire depuis longtemps.

Veuillez remarquer, messieurs, qu’on déclare chaque année à l’entrée 2,250,000 kilogrammes de foin, qui ne payent qu’un droit de 50 c. Je pourrais même porter le chiffre à 3 millions de kil. ; car la douane n’a aucun intérêt à la vérification, car il s’agit d’un droit de 10 à 12 francs.

Mais en augmentant les droits, elle aura intérêt à vérifier et vous ferez entrer dans le trésor plus de 25,000 francs qui n’y entrent pas actuellement. Vous ferez cesser des plaintes qui ne sont que trop réelles ; vous mettrez la production étrangère sur un pied à peu près égal à celle indigène ; vous ne sacrifierez plus vos producteurs au profit de ceux d’une puissance qui repousse tous vos produits.

Quant aux tuiles, je le répète, c’est de la main-d’œuvre et de la terre. Eh bien, n’avons-nous pas des ouvriers ; n’avons-nous pas de la terre, pourquoi ne pas la discuter immédiatement ? J’ai déposé hier ma proposition ; elle est tellement juste que M. le ministre des finances lui-même dit qu’il ne s’y opposera pas ; je ne vois donc pas pourquoi elle ne pourrait pas entrer dans le projet actuel. S’il s’agissait d’une proposition dont la discussion serait longue, j’en ferais un projet de loi spécial, j’userais de mon droit d’initiative. Mais il n’en sera pas ainsi, elle ne rencontrera pas la moindre opposition.

M. Delehaye – Je pense aussi que le foin est susceptible d’un droit quelconque ; c’est à cet effet que, lorsque j’avais l’honneur de siéger au conseil de la Flandre occidentale, quelques collègues et moi nous avons appuyé une proposition qui a été unanimement adoptée.

Après avoir émis un tel avis, vous ne suspecterez pas mon opinion, lorsque je dis que la chambre ne peut s’occuper immédiatement de la proposition qui lui est faite. Je pense que lorsqu’il s’agit de frapper d’un droit quelconque, il ne faut pas trop se hâter.

Je le répète donc, tout en croyant le foin susceptible d’un droit, je ne puis consentir à ce que la proposition de M. Mast de Vries soit discutée immédiatement. Je voudrais que cette proposition fût soumise à l’examen de la section centrale. Car il est dangereux d’admettre une disposition à l’égard des produits quelconques, lorsqu’on n’a pas eu le temps de l’examiner.

Messieurs, lorsque je vous ai dit que mon opinion était favorable à la proposition de M. Mast de Vries, j’avais encore un autre motif que ceux qu’il a fait valoir. C’est que le foin importé dans le pays est mauvais. C’est ainsi que des artistes vétérinaires m’ont déclaré que les maladies qu’on remarquait depuis sept ans pouvaient s’attribuer en grande partie au foin.

Mais dans la proposition de l’honorable M. Mast de Vries se trouve une autre disposition. Il propose aussi de frapper les tuiles d’un droit assez élevé.

Je ferai remarquer que les tuiles hollandaises ont un avantage sur les nôtres. La plupart de nos tuiles ne résistent pas également aux intempéries de l’air. Je sais que les tuiles hollandaises sont indispensables dans certaines constructions. Non que je me refuse à les frapper d’un droit ; car, comme je l’ai dit, tout ce qui concerne l’industrie du pays obtiendra mon assentiment. Mais je crois qu’il est prudent de consulter les personnes intéressées.

Je demanderai donc que la proposition de M. Mast de Vries soit renvoyée à la commission qui a été chargée d’examiner le budget des voies et moyens, et que la chambre ne s’en occupe pas actuellement.

M. d’Hoffschmidt – Je n’ai pas demandé la parole pour contester la justice de la proposition de M. Mast de Vries, je crois que je lui donnerai mon assentiment. Mais je ferai remarquer qu’il y a une différence quant à la discussion contre sa proposition et celles faites par le gouvernement.

Les propositions relatives aux droits de douanes qui nous ont été faites par le gouvernement ont été examinées en sections, et ensuite par la section centrale, qui en a fait l’objet d’un rapport. De sorte que les membres de cette chambre ont pu bien mieux se fixer sur ces propositions que sur celles qui sont faites actuellement par M. Mast de Vries.

Il me semble donc qu’il conviendrait que les propositions de l’honorable membre fussent renvoyées en sections, ou tout au mois à la section centrale qui a examiné le budget des voies et moyens, ou à une commission spéciale qui en ferait l’objet d’un rapport.

Dès lors je crois qu’il convient d’en faire un projet spécial ; d’autant plus que nous aurons d’autres propositions de ce genre ; car l’honorable M. Pirson vient de vous parler du cuivre, et certes je crois que l’opportunité et la justice de la mesure quant aux laitons, est aussi frappante que pour les objets dont il est question dans la proposition de M. Mast de Vries.

Je ferai du reste remarquer que l’ajournement que nous demandons ne préjudicie pas du tout l’adoption de la proposition. Il n’est demandé que pour que nous puissions nous occuper plus promptement des propositions du gouvernement, parce qu’il s’agit de l’intérêt du trésor.

Nous pourrons nous occuper ensuite des autres propositions, telles que celles de M. Mast de Vries, celles de M. Pirson et d’autres, qui surgiront encore.

M. Desmet – Ce que l’honorable M. d’Hoffschmidt ignore peut-être, c’est qu’un rapport a déjà été fait relativement aux droits sur le foin. C’est l’honorable M. Manilius qui, au nom de la commission d’industrie, nous en a présenté un en 1837.

Il est si important de mettre un droit sur cette matière, que tout le mauvais foin d’un pays voisin nous est envoyé pour la nourriture des chevaux de notre cavalerie. On voit souvent des chevaux malades ; c’est au foin qu’il faut l’attribuer.

Quant à ce que vous a dit l’honorable M. Delehaye, que les tuiles hollandaises étaient meilleures que les tuiles belges, cela était vrai il y a quelques années ; mais nous avons maintenant chez nous des fabrique qui produisent de très bonne tuiles ; je veux parler des tuiles verniers, que je crois bonnes et abritent beaucoup de la pluie, elles ne sont pas si spongieuses que celles fabriquées anciennement dans le pays.

M. Mast de Vries – Si la proposition que vient de faire l’honorable M’Hoffschmidt de renvoyer les dispositions que je vous ai présentées à la section centrale, n’a pour effet que d’en ajourner la discussion à demain ou après-demain, ou au second vote de la loi proposée par le gouvernement, je ne continuerai pas à m’y opposer ; ces dispositions sont tellement justes que la section centrale n’aura pas d’objections à y faire.

Mais j’observerai à la chambre que déjà nous avons eu un rapport de la commission d’industrie sur les foins, et que l’honorable M. Manilius, concluait à fixer un droit de 5 ou 6 francs par 1,000 kil. Mais depuis ce temps cette proposition est restée comme tant d’autres dans l’oubli, c’est ce qui fait que je saisis le moment présent pour l’en faire sortir.

Certes quand le gouvernement vient vous faire des propositions sur le piment, sur la cannelle, qui rapporteront tout au plus 1,500 francs au trésor, je fais un acte de bon citoyen de lui rappeler qu’il existe un projet qui fera entrer vingt fois cette somme au trésor, et qui est en même temps un acte de justice de tous côtés.

On vient de nous dire : il y aura d’autres propositions. Mais jusqu’à ce moment nous n’en avons vu d’autres que celle de l’honorable M. Pirson, et elle a aussi fait l’objet d’un rapport spécial. Ce sont des questions jugées, qu’on peut admettre à l’instant même ; c’est de l’argent que vous pouvez prendre.

Renvoyez donc ma proposition à la section centrale, si vous le voulez, mais je demande qu’elle soit comprise dans la loi que nous allons discuter.

M. Pirson – Messieurs, je viens appuyer la proposition de l’honorable M. d’Hoffschmidt, non que je veuille repousser la proposition de M. Mast de Vries ; bien au contraire, je l’appuie très fortement ; mais c’est qu’il me paraît que si nous nous occupons de toutes les propositions que chaque membre voudra faire, la chambre ne pourra passer à la discussion de lois très utiles.

Je désirerais que M. le ministre des finances hâtât le travail dont il nous a parlé. Puisqu’il s’agit de remanier notre tarif des douanes, et que le travail est presque prêt, je ne vois pas même pourquoi nous allons nous occuper de quelques articles, pour que dans quinze jours nous ayons à en examiner d’autres.

Je crois donc qu’il vaudrait mieux d’ajourner tout ce qui dans le budget se trouve à l’article « douanes », parce qu’alors le ministère serait pressé de nous faire ses propositions.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je demande, messieurs, que les différentes propositions dont on vient de parler soient renvoyées à la section centrale. Lorsque nous aurons un rapport de la section centrale, nous pourrons nous prononcer plus en connaissance de cause sur la question de savoir s’il convient de discuter immédiatement ces propositions, ou s’il y a utilité à les ajourner, soit pour en faire l’objet d’une discussion spéciale, soit pour en délibérer, lorsqu’on examinera d’autres propositions qui seront faites par le gouvernement.

M. d’Hoffschmidt – On a fait observer tout à l’heure qu’il serait bon d’attendre le projet de loi concernant la révision des douanes, qui se prépare en ce moment dans les bureaux du ministère pour discuter en même temps que ce projet de loi les dispositions dont il s’agit maintenant. Mais, messieurs, le projet relatif à la révision du tarif est probablement d’une très haute importance, il ne sera pas prêt de sitôt, et il donnera sans doute lieu à de longues discussions ; peut-être ne parviendrons-nous pas même à le voter dans la session actuelle. Dès lors, messieurs, je crois qu’on ne pourrait pas sans de graves inconvénients renvoyer à la discussion de ce projet les propositions qui nous ont été faites par le gouvernement, et qui ont pour but de couvrir le déficit de nos finances.

Je demande donc que l’on passe à la discussion des articles proposés par le gouvernement, et que les propositions de MM. de Vries et Pirson soient renvoyées à la section centrale. On pourrait inviter cette section à nous faire un prompt rapport, afin que nous puissions nous occuper de ces objets au second vote.

M. Eloy de Burdinne – Il y a quelque chose, messieurs, qui doit nous étonner, c’est de voir que lorsqu’il s’agit de frapper la propriété, cela ne souffre pour ainsi dire de difficulté, tandis que d’autres majorations d’impôts rencontrent des obstacles de toute espèce. L’honorable M. Mast de Vries demande non pas qu’on traite la propriété de la Belgique plus favorablement que la propriété étrangère, mais qu’on la mette sur le même pied. Il demande qu’en établissant un droit de 5 francs par 1000 kilog. sur le foin qui vient de l’étranger ; il vous a dit que les propriétaires belges paient à l’Etat un impôt équivalent. Pourquoi toujours écraser ainsi les contribuables du pays pour favoriser l’étranger ? Avec ce système nous finirons pas enrichir les étrangers en nous ruinant complètement.

On nous a dit, messieurs, que la question doit être examinée, mais si ma mémoire est fidèle, il y a au moins cinq ans qu’on a cessé de nous envoyer des pétitions par lesquelles on nous demande de frapper les foins étrangers d’un impôt ; des rapports ont été faits, et ces rapports concluent, si je ne me trompe, à ce qu’il soit établi un droit de 5 ou 6 francs par 1000 kilog., je crois que ces rapports ont été renvoyés à M. le ministre de l'intérieur et ils seront probablement restés dans les cartons du ministère.

Il est temps, messieurs, que nous cherchions les moyens de faire face à nos dépenses, car en temporisant toujours ainsi, vous vous mettrez dans la nécessité d’imposer encore de nouvelles charges aux contribuables. Eh bien, je vous déclare que je n’y donnerai pas mon assentiment.

L’honorable M. Pirmez a signalé encore un moyen de procurer des ressources au trésor ; c’est là le grand objet que nous devrions avoir en vue. Aussi longtemps que nous n’aurons pas amélioré nos lois financières, on devra toujours venir nous demander de nouveaux impôts ; pourquoi ne pas frapper plutôt des produits étrangers ? Je le répète, je m’opposerai à toutes les nouvelles charges que l’on voudra faire peser sur le pays, mais j’appuierai la proposition de M. Mast de Vries, qui tend à établir un droit sur les foins étrangers.

M. Dumortier – Dans les divers articles qui nous sont proposés par le gouvernement, il s’en trouve qui sont destinés à procurer des ressources au trésor, et il s’en trouve qui sont destinés à améliorer le sort de l’industrie. L’article relatif aux fers, par exemple, est de cette dernière catégorie. Si maintenant on écarte de la discussion les articles qui ont pour objet de favoriser certaines industries, et si l’on se borne à examiner ceux qui ont pour objet de procurer des ressources à l’Etat, alors je ne ferai pas de motion, mais si l’on veut discuter aussi l’article, par exemple, qui est relatif aux fers, alors je ferai, à mon tour, une proposition concernant un objet qui intéresse beaucoup la localité à laquelle je m’honore d’appartenir.

D’abord je ferai remarquer qu’il est bien plus sage de secourir les industries souffrantes au moyen de lois séparées que d’attendre une révision complète du tarif de douane ; car c’est là une œuvre immense à laquelle il nous faudra peut-être arriver un jour, mais qui nous prendra plusieurs sessions ; car si vous attendez que nous en soyons là pour porter remède aux souffrances de certaines industries, ces souffrances pourraient encore se perpétuer pendant longtemps.

Il est une industrie, messieurs, qui est de la plus haute importance pour le pays et qui souffre beaucoup en ce moment, c’est la manufacture des tapis. Vous savez, messieurs, qu’autrefois la Belgique était le pays qui fabriquait le plus de tapis. Eh bien, maintenant par suite de la prime d’exportation que la France accorde à ses tapis, les tapis français se vendent à meilleur marché en Belgique qu’on ne peut les livrer en France. Comment voulez-vous que nos fabricants puissent soutenir une pareille concurrence ?

Il nous a été adressé, à cet égard, des pétitions qui ont, je pense, été renvoyées aux ministres. Je désirerais savoir si l’intention du gouvernement est de nous présenter un projet de loi sur cet objet ; sans cela, je suis déterminé à faire moi-même une proposition. Nous ne devons pas supporter qu’une industrie étrangère vienne déverser ses produits chez nous à des conditions plus favorables que celles qu’elle trouve sur son propre marché.

M. Delehaye – C’est ce qui arrive pour les cotons.

M. Dumortier – Il n’y a pas de prime d’exportation sur les cotons, tandis que pour les tapis français, on restitue les droits, comme si les tapis ne renfermaient que de la laine pure, alors qu’ils ne contiennent qu’un tiers de laine, et que les deux autres tiers se composent d’articles qui n’ont payé aucun droit d’entrée.

Je crois, messieurs, que ce simple exposé suffit pour vous faire comprendre l’impérieuse nécessité de frapper d’un droit ces tapis étrangers. Ce droit doit être établi au poids et il doit équivaloir à la prime d’exportation dont cet article jouit en France. Je ne demande point une prohibition, je ne demande qu’un droit raisonnable. Je n’ai point ici les chiffres, je les produirai lorsque le moment en sera venu ; je me borne, quant à présent, à appeler l’attention de la chambre et du gouvernement sur cet objet. L’industrie des tapis, messieurs, est très importante, il ne faut pas la fouler aux pieds. (Hilarité générale.)

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je pense, messieurs, que la proposition que se proposera de faire l’honorable M. Dumortier est inutile. D’abord l’article relatif aux fers sera distrait du projet en discussion, puisqu’on a reconnu qu’il convient d’en faire l’objet d’une loi spéciale, comme l’a proposé la section centrale. D’un autre côté je dirai à l’honorable M. Dumortier, qu’aucune résolution n’a été prise, à la vérité, par le gouvernement relativement au tapis, mais que cependant cet objet se trouve compris dans le travail qui se prépare en ce moment. Jusqu’aujourd’hui je ne me suis pas suffisamment concerté avec mon collègue de l’intérieur pour pouvoir déclarer qu’une résolution a été prise, mais je puis dire que le gouvernement s’occupe avec sollicitude de cet objet.

M. Dumortier – Voilà trois ans qu’on nous dit cela.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Certes ce reproche ne peut pas s’adresser au ministère. Le premier projet que nous avons présenté a pour objet de trouver des ressources au trésor ; un autre se prépare qui est destiné à favoriser certaines industries ; la plus grande diligence sera faite pour que ce projet puisse être présenté le plus tôt possible.

Quant aux propositions qui ont été faites relativement à d’autres articles, je pense que les auteurs de ces propositions sont maintenant d’accord pour les renvoyer à la section centrale. Sous ce rapport, je crois que l’honorable M. Eloy de Burdinne ne rend justice ni aux intentions du gouvernement ni à celles de la chambre ; personne n’a traité le fond de la question ; on ne s’est occupé jusqu’ici que du renvoi à la section centrale et je crois que l’honorable M. Mast de Vries lui-même demande maintenant ce renvoi.

M. Demonceau – Je crois, messieurs, qu’il ne faut pas renvoyer à la section centrale l’examen de propositions qui ont déjà été examinées. Si, comme le dit l’honorable M. Mast de Vries la commission d’industrie a fait un rapport sur la question des foins, pourquoi renvoyer de nouveau cet objet à la section centrale qui est déjà assez occupée ? Si le travail de la commission d’industrie n’a pas été distribué aux membres de la chambre, qu’on le leur distribue, et la chambre pourra ensuite s’occuper de son examen. Quant à l’autre amendement, vous pouvez, messieurs, le renvoyer à la section centrale, elle s’en occupera le plus tôt possible.

Cependant, faisons bien attention à une chose ; nous avons pensé dans la section centrale, qu’il faut distraire de la loi dont il s’agit en ce moment, tout ce qui peut être considéré comme de nature à protéger l’industrie, et faire de cela une loi spéciale ; et le ministère paraissait assez d’accord avec nous sur ce point. Je demanderai à M. le ministre des finances s’il pense que nous pourrons discuter le projet de loi relatif aux fers, immédiatement après le projet dont nous nous occupons en ce moment. Alors, je me joindrais à mon honorable collègue, M. Dumortier, pour faire remarquer à M. le ministre des finances, qu’il est en Belgique certaines catégories de tissus de laine, qui ne sont pas protégées d’un droit suffisant pour couvrir la prime d’exportation que ces tissus reçoivent dans les pays étrangers.

Les droits de douane en Belgique sont inférieurs à la prime que ces tissus reçoivent à l’exportation de pays de provenance. Ainsi il nous arrive d’un pays voisin une masse de tissus de laine qui paie, à l’entrée en Belgique, à peu près 4 p.c. de moins que la prime de sortie qui leur est accordée à la sortie. Il n’est donc pas possible à nos industriels de soutenir une pareille concurrence. Et cependant, quand nous avons voté la loi en 1838, la loi modificative des douanes, nous avons cru prendre des dispositions propres à faire fleurir ce genre d’industrie en Belgique ; la chambre se rappellera qu’à propos de cette discussion, j’avais proposé un amendement qui tendait à établir un droit égal à celui qui est fixé dans le tarif prussien. Après instruction, le gouvernement y adhéra avec une modification. Le droit ainsi réduit fut adopté, mais, en établissant ce droit, nous avons oublié de stipuler. Ce que nous avons stipulé pour les draps est similaire, à savoir, que la prime serait payée à l’entrée en sus du droit établi. Or, comme la prime qu’on donne à la sortie de France, sur les tissus dont je parle, n’est pas restituée en sus des droits établis, il en résulte que les fabricants français viennent concourir ici avec un avantage considérable, et cet avantage est tel qu’après avoir payé les droits légers établis par notre tarif, ils peuvent livrer leurs tissus à un prix inférieur, au prix courant dans leur propre pays.

Je crois donc qu’il est fort urgent que M. le ministre des finances, de concert avec son collègue de l’intérieur, propose des modifications à cette législation. Cet objet est beaucoup plus important que les articles du projet de loi en discussion. Un changement sur ce point sera productif pour le trésor et protecteur à la fois pour notre industrie.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – On a déjà fait observer qu’une révision générale du tari entraînerait la chambre dans une discussion dont on ne pourrait prévoir le terme, et qu’il n’est pas possible d’opérer cette révision. Mais je déclare que le gouvernement espère pouvoir présenter sous peu un projet de loi qui comprendra quelques articles importants à l’égard desquels l’instruction est complète.

M. Rodenbach – Je prierai M. le ministre des finances de comprendre dans ce projet une industrie très importante en Belgique, je veux parler de l’industrie du papier. Les moulins à papier sont, pour ainsi dire, en ce moment en stagnation par suite du tarif qui est tout en faveur de la France. La France repousse nos papiers, tandis que le papier à lettres qui nous vient de France, est baissé depuis quelques mois de 25 à 30 p.c. Si cela continue, comme nous le déclarait un industriel de Bruxelles, les fabricants de papier sont obligés de faire chômer leurs moulins. Le papier français se vend en Belgique 5 p.c. à meilleur marché que le papier du pays. Dans l’intérêt de la main-d’œuvre nationale, il faut faire cesser cet état de chose. Nos papiers ne sont reçus en France que moyennant un droit de 80 francs, tandis que les papier français sont admis en Belgique à un droit minime, dont la moitié est encore fraudée par de fausses déclarations. Je disais hier que nous ne devions pas avoir tant de ménagements pour la France, puisqu’elle ne cesse de prendre contre nous des dispositions hostiles. Hier, je vous ai parlé d’une ordonnance ministérielle qui a porté le droit sur les toiles de 15 à 25 p.c. Si cela continue sur ce pied-là, la détresse de la Belgique sera bientôt à son comble.

Je prie M. le ministre de vouloir bien s’occuper de la question des papiers. Les industriels de la province pourront leur fournir des renseignements précieux.

M. Smits – j’appellerai également l’attention de M. le ministre des finances sur l’industrie dont a parlé l’honorable M. Demonceau. L’industrie des tissus de laine est tout à fait nouvelle en Belgique ; elle s’est créée à grands frais. La France et l’Angleterre importent de ces tissus en Belgique pour 16 à 17 millions de francs, et ces tissus, chose assez remarquable, se font avec la matière première prise en grande partie dans notre pays. Si donc maintenant cette industrie jouissait de plus de protection qu’elle n’en a maintenant, un bel avenir lui serait réservé.

Pour en revenir à la question à l’ordre du jour, c’est-à-dire la proposition de l’honorable M. Mast de Vries, je crois qu’il conviendrait de la renvoyer à la section centrale qui pourrait présenter son rapport dans un ou deux jours. Ce travail sera d’autant moins pénible pour elle, qu’un rapport a déjà été fait sur cet objet par la commission d’industrie. J’engagerai cependant la section centrale à recourir également à une enquête qui doit avoir été faire au ministère de l’intérieur sur la question des foins, c’est une simple communication qu’elle pourrait demander à M. le ministre de l'intérieur, et elle pourrait alors fixer d’autant mieux son opinion sur la proposition de l’honorable M. Mast de Vries.

M. Mast de Vries – Messieurs, depuis que la discussion est engagée, je me suis procuré le rapport de la commission d’industrie, ainsi que la proposition de loi qui vous a été soumise par M. Manilius. Si la chambre veut bien le permettre, je lui donnerai lecture de ce projet de loi ainsi que du rapport.

(L’orateur donne lecture de ces deux documents, il continue ainsi :)

La lecture de ces pièces a sans doute fait sentir à la chambre que cette affaire est suffisamment instruite. La protection que je demande est loi d’être exagérée. Je persiste donc à croire que cet article pourrait venir à la suite de ceux qui ont été demandés par M. le ministre des finances. Quant à la proposition que j’ai faite pour les tuiles, je demanderai qu’on la renvoie à la commission d’industrie.

M. le président – La chambre n’est plus en nombre pour statuer.

- La séance est levée à 4 heures et demie.