(Moniteur belge n°55 du 24 février 1841)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart.
Entre l’appel et le réappel il est procédé au tirage des sections par la voie du sort.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal de … demande la construction du chemin de fer de la Sambre à la Meuse. »
« Même pétition des communes de Walcourt, Vogenée, Jamcolle, Philippeville, Jamagne et Solenrieux (Namur) »
M. de Baillet – La pétition relative au chemin de fer de Sambre et Meuse n’est pas en rapport immédiat avec le budget dont nous nous occupons mais elle touche au système général des travaux publics ; je prie la chambre d’en ordonner le dépôt sur le bureau, pendant la discussion actuelle, et ensuite le renvoi à la commission des pétitions.
La proposition de M. de Baillet est adoptée.
Par divers messages en date du 20 février, le sénat informe la chambre qu’il a rejeté le projet de loi relatif à la vision de la commune de Bolinne (Namur) ;
Et adopté :
1° Le projet de loi autorisant la séparation des hameaux d’Ucimont et de Botassart de la commune de Sansanruth (Luxembourg) ;
2° Le projet de loi fixant les limites séparatives entre les communes de Wanfercée, Baulet (Hainaut) et celle de Ligny (Namur) ;
3° Le projet de loi séparant le village de Koekelberg de la commune de Berchem-Ste-Agathe (Brabant) ;
4° Le projet de loi autorisant la diviison de la commune de Tourinnes-Bauvechain (Brabant) ;
5° Le projet autorisant la cession du pont de Stalhille ;
6° Le projet de loi approuvant la convention de commerce conclus avec la Porte Ottomane, le 30 avril 1840 ;
7° Le projet de loi modifiant la législation sur les distilleries ;
8° Le projet de loi supprimant le droit de tonnage extraordinaire dans le port d’Ostende.
- Pris pour notification.
M. Mast de Vries – Messieurs, la chambre a renvoyé à une commission la question des indemnités avec toutes les pièces qui s’y rapportent. Il y a déjà longtemps que cette commission en est saisie. Je demanderai donc aux membres de la commission qui se trouvent à la séance s’ils croient que la chambre pourra bientôt être saisie du rapport, car il est de toute justice que cette question ait enfin un terme.
M. Smits – Lorsque la chambre, au lieu de le renvoyer à toutes les sections, a renvoyé à une commission spéciale le projet qui tendait à apporter des modifications à la loi des indemnités, elle a déclaré implicitement par là l’urgence de ce projet. Elle a voulu qu’un grand acte d’équité nationale s’accomplît ; elle a voulu que justice fût enfin rendue, après 10 années d’attente, aux victimes des guerres de notre indépendance.
C’est dans ce sens que la commission a compris son mandat ; c’est dans ce sens au moins que j’ai compris le mien.
Aussi la commission s’est immédiatement constituée après sa nomination. Mais il lui importait d’avoir tous les renseignements nécessaires pour pouvoir s’occuper avec fruit de son travail. Il lui importait surtout de connaître par quel moyen, par quelle combinaison le gouvernement était arrivé à un chiffre de 7 millions, lorsque le projet ultérieurement rédigé constatait une indemnité de 20 millions, non compris 8 millions pour les pillages.
Ces renseignements ont été demandés, je crois, le 10 ou le 11 décembre, et la réponse de M. le ministre de l'intérieur n’est arrivée à la commission qu’au commencement de ce mois ; je ne pourrais citer exactement la date.
Immédiatement après, la commission s’est réunie ; mais elle n’a pu arriver encore à une solution de la question. Elle doit se réunir encore dans le courant de cette semaine, et j’espère que M. le ministre de l'intérieur assistera à cette réunion pour donner les explications dont la commission pourrait encore avoir besoin.
Quant à moi, et mes honorables collègues me rendront cette justice, je ne cesse de presser tous les jours pour que la commission achève le plus tôt possible ses travaux.
M. Mast de Vries – D’après ce que vient de dire un des membres de la commission, j’espère que la chambre sera bientôt saisie du rapport. C’est tout ce que je désirais savoir.
M. Peeters, rapporteur – Messieurs, la section centrale, à laquelle vous avez renvoyé les propositions nouvelles de M. le ministre des travaux publics, m’a chargé de vous faire verbalement son rapport.
Quant au premier crédit demandé pour enlever l’envasement occasionné, dans le canal de Bois-le-Duc à Maestricht, par les dernières débâcles de la Meuse, elle alloue le crédit demandé par M. le ministre, sous la condition expresse, cependant, que l’adjudication en aurait lieu publiquement.
Quant à la seconde augmentation de crédit pour un embarcadère à construire par la commune de Tamise, la section centrale l’a aussi adoptée, sous la condition cependant que cette somme serait remboursée endéans sept ans, c’est-à-dire à la même condition qui avait été imposée à l’allocation du premier crédit.
M. le président – Nous en revenons au vote sur le crédit demandé pour l’Escaut. Ce crédit est de 184,740 francs.
- Ce chiffre est adopté.
M. le président – Nous reprenons maintenant les dispositions relatives au canal de Maestricht à Bois-le-Duc. Le crédit primitivement demandé était de 69,816 francs. Mais M. le ministre a demandé une majoration de 31,000 francs, ce qui porte le chiffre à 100,816 francs. La section centrale alloue ce chiffre.
M. Dubus (aîné) – M. le ministre, en présentant son amendement et la section centrale en nous faisant son rapport, ne nous donne aucun motif ; tout ce que nous savons, c’est que la section centrale consent à accorder la majoration. Il me semble que, pour éclairer les délibérations de l’assemblée, il serait à désirer que ces motifs fussent exposés.
M. Peeters, rapporteur – Les travaux de dévasement, pour lesquels M. le ministre est venu demander un nouveau crédit, sont nécessités par suite de la débâcle de la Meuse. D’après les pièces que M. le ministre nous a fait remettre, le devis estimatif et les pétitions qui sont déjà arrivés au gouvernement, il serait urgent de commencer les travaux.
Cependant, comme le crédit demandé, par suite du devis des ingénieurs, a paru exagéré, on a mis à son allocation la condition expresse, que l’adjudication des travaux serait faite publiquement.
Le chiffre de 100,816 francs est adopté.
« Art. 6. Service de la Lys.
« Travaux ordinaires dans la Flandre orientale : fr. 9,945
« Travaux ordinaires aux écluses de Commines, Menin et Harlebeke : fr. 10,000
« Ponts sur la Lys mitoyenne : fr. 1,000
« Dévasement dans la ville de Gand : fr. 14,080
« travaux au pont aux Herbes, à Gand : fr. 2,200
« Poteaux à roulettes : fr. 900
« Réparations au pont de Deynze : fr. 1,500
« Construction d’un barrage à Vive-St-Eloy : fr. 90,000
« Personnel dans les deux Flandres : fr. 3,670
« Ensemble : fr. 139,295. »
- Ce chiffre est adopté
« Art. 7. Service de la Meuse (Liége et Namur)
« Entretien et travaux au chemin de halage : fr. 24,000
« Travaux d’amélioration : fr. 200,000
« Personnel : fr. 5,880
« Ensemble : fr. 229,880 »
M. David – Malgré que dans la discussion générale divers orateurs qui m’ont précédé aient soulevé et traité la question de la Meuse, cet objet, messieurs, est si vital, si important pour le pays, que je m’enhardis à vous entretenir encore quelques instants.
La navigation de la Meuse est d’une utilité généralement reconnue, consacrée par tous les gouvernements qui ont eu le sentiment de l’avenir de ce fleuve.
Depuis cinquante ans on a vu naître une foule de projets, on a indiqué divers moyens pour atteindre ce but.
Le grand homme du siècle Napoléon, était à peine au pouvoir qu’il comprit l’importance de la Meuse, qu’il y ordonna des études, et que des rapports lui furent présentés sur les améliorations à faire à ce beau fleuve qui baigne trois royaumes.
Le gouvernement hollandais méditait, à son tour, à bonifier sa navigation, et enfin le gouvernement belge n’est pas davantage resté en arrière. Pour arriver à de bons résultats, il a ordonné des études qui ont été faites consciencieusement et qui porteraient de grands fruits, si l’on se décidait à suivre une route courageuse, à exécuter des travaux durables, complets, si enfin on se rendait aux conseils du savant ingénieur dont les trois rapports de 1839 à1840 ont été distribués à la législature.
Je viens proposer à la chambre les moyens d’en tirer un profit immédiat, incontestable et infiniment plus avantageux pour le trésor que la proposition ministérielle. Je prie donc la chambre de me prêter son attention pour quelques moments.
Il est temps, messieurs, et plus que temps, de s’occuper sérieusement de la navigation de la Meuse. Il est temps de donner à cet important sujet toute l’attention qu’il mérite. Depuis trop longtemps, je le répète, on sent le besoin urgent de cette amélioration ; mais si déjà elle était si bien appréciée lorsque le fleuve présentait un tirant d’eau double de celui qu’on lui reconnaît aujourd’hui ; lorsque nous n’avions sur son parcours pas le quart de charbonnages ou d’usines de toutes espèces, lorsque nous possédions la tête et la queue du fleuve, que les débouchés abondaient en Belgique ; si alors déjà, messieurs, on éprouvait le besoin d’améliorer la navigabilité de la Meuse, que sera-ce donc aujourd’hui que la production est quadruplée, peut-être sextuplée sur ses rives et qu’en présence d’un aussi prodigieux accroissement, notre apathie laisse s’accomplir froidement la ruine d’une navigation, sans laquelle toutes nos richesses minéralogiques ne sont que des trésor inutiles.
Je suis, messieurs, un des plus chauds et des plus sincères partisans des chemins de fer, mais je déplorerais vivement que toutes les autres voies de transport lui fussent sacrifiées, je déplorerais vivement qu’ils absorbassent entièrement nos ressources financières aux dépens surtout de nos voies navigables, qui seront toujours les voies les plus économiques pour le transport des matières lourdes.
Comment ! on propose pour une entreprise de la plus haute utilité, de la plus pressante urgence, pour l’amélioration du cours de la Meuse, on propose, dis-je, une somme de 200,000 francs et la section centrale ne l’adopte qu’à condition : « Que cette somme (et je cite textuellement) ne sera destinée qu’à des travaux partiels et isolés, qui ne se rattachent aucunement à un système général de perfectionnement de navigabilité de cette rivière et ne pourront par la suite engager l’Etat dans d’autres dépenses. »
Comprenez-vous, messieurs, toute la portée de cette incomparable contradiction ? Vous alloueriez ainsi une somme pour des études dont on défend à l’avance l’application ; vous voteriez ainsi 200,000 francs pour des prémisses dont vous repoussez à l’avance la conclusion ! La chambre ne peut par son vote consacrer une exigence aussi exorbitante, et permettez-moi de dire ce que je pense, une aussi flagrante distraction.
Ce n’est pas que je tienne beaucoup moi-même à cette somme si singulièrement accordée par la section centrale, car dans ce sens je suis presque tenté de la rejeter, convaincu que je suis que cette somme ne sera qu’un misérable biais, qui ne produira aucun bien radical et qu’il faudra renouveler, quoi qu’on dise, chaque année et pendant 15, 20 ans, pendant plus longtemps encore peut-être. Je voudrais soulever la discussion sur cette amélioration si urgente pour nos intérêts en masse, pour la couler à fond. Je ne voudrais point gaspiller des subsides annuels très importants, sans obtenir les résultats que je réclame, moi, et qui sont indispensables. Oui, messieurs, je soutiens qu’en tentant des améliorations momentanées, il faudra recommencer incessamment, et quand vous aurez voté des fonds pendant de nombreuses années, vous en serez au point du départ ; vous n’aurez toujours qu’une navigation périlleuse, incomplète et peu en harmonie avec les besoins de nombreux et laborieux riverains de la Meuse. Or, messieurs, on reconnaît que la Meuse est la clef de voûte, qu’elle est l’âme du commerce de la province de Liége.
On reconnaît qu’elle est la richesse des provinces de Namur et du Limbourg ; on reconnaît que le Hainaut, le Luxembourg sont intéressés à sa navigabilité ; on reconnaît que cette facilité de navigation, serait un moyen héroïque d’amener un traité de navigation avec la Hollande, on reconnaît que les péages de la Meuse, actuellement dans le plus triste état où puisse se trouver le fleuve, réduits à 63 mille francs, donneraient bientôt un revenu beaucoup plus élevé, puisqu’en définitive le fleuve n’est aujourd’hui navigable que pendant tout au plus le tiers de l’année ; on reconnaît tout cela et vu la situation de nos finances, il faudrait reculer et toujours reculer ! On voudrait essayer sans fonder, étudier sans accomplir !
Non, messieurs, cela n’est pas admissible ; nous sommes arrivés enfin à un état de stabilité, à un état normal qui exige que le pays se mette courageusement en face de ses besoins, surtout lorsqu’il s’agit, en contentant ces besoins, de préparer des ressources certaines, directes et indirectes au trésor.
Or, la Meuse complétée fait plus pour Liége et l’avenir de ses magnifiques et nombreuses usines que le chemin de fer lui-même.
Et pour réaliser un pareil état de choses, je ne pense pas rencontrer d’opposition sérieuse dans cette enceinte, d’autant plus que par l’idée que j’aurai l’honorable de vous soumettre tout à l’heure, je bonifie la situation du trésor au lieu de l’empirer.
Je dois néanmoins, et pour prévenir tout reproche d’esprit de localité, dire ici que, par les nombreux bienfaits qui résulteront de la navigabilité permanente de la Meuse, ce sera une question nationale, une question d’utilité incontestable pour la moitié de nos provinces et dont le pays tout entier ressentira l’influence. Je dois dire que c’est un objet d’utilité générale. Les députés qui représentent ici les intérêts des riverains de l’Escaut ne trouveront point que la prospérité de l’un de nos deux admirables fleuves soit un motif de décadence de l’autre. Cela n’est pas possible et cela n’est pas. Il n’y a pas de comparaison à établir entre la Meuse et l’Escaut. La Meuse ne doit-elle servir qu’au transport des produits pondéreux indigènes, aux houilles, à la chaux, aux pierres, aux minerais, aux fers, aux fontes, etc. ? D’ailleurs, si un motif de susceptibilité existait, faudrait-il sacrifier un aussi grand intérêt à un autre ? Non, messieurs, je suis assez confiant dans les lumières des députés d’Anvers, pour espérer qu’ils se souviendront que notre province à toujours compris et défendu les grands intérêts de notre métropole commerciale, et qu’à leur tout ils reconnaîtront nos besoins.
J’arrive, messieurs, au fond de la question, pour la préciser. C’est une question de transport. Qu’on nous fournisse les moyens de transporter par la Meuse nos matières pondéreuses, à quelques francs de mois par tonneau, en France et en Hollande, et le but sera complètement atteint. Toutes les plaintes de détresse actuelle et de détresse en perspective disparaîtront. Nous lutterons aisément contre nos rivaux, parce que dans le dernier des deux pays que je viens de citer (la Hollande), à prix égal, nos produits ont la préférence, leur qualité étant supérieure.
Le moyen donc d’atteindre ce résultat, je vais vous le proposer, messieurs, c’est de concéder les péages du fleuve à une compagnie, à charge par elle de faire les améliorations désignées dans le rapport de M. Guillery, ou d’après les avis de tout autre bon ingénieur, si on ne goûtait pas son projet, et que l’Etat garantît aux prêteurs un minimum d’intérêt de 4 p.c.
Je développe ma pensée en chiffres et adopte les sommes rondes :
Quatre millions suffiraient probablement pour faire tous les travaux que nécessité le fleuve dans tout son parcours en Belgique.
Le gouvernement demande une allocation de 200,000 francs, qui, quoi qu’on fasse, sera évidemment annuelle, si l’on veut obtenir des résultats.
L’Etat dépenserait donc pendant 20 ans (je suppose) et chaque année 200,000 francs.
Mais comme il est reconnu par tous les hommes de l’art, que la navigation n’en serait que peu sensiblement améliorée (du moins en ce sens qu’avant l’achèvement complet, il faudrait recommencer peut-être par où l’on a commencé, et alterner ainsi pendant un temps indéfini), l’utilité de cette dépense peut donc être contestée ; elle tombe surtout devant les résultats rapides, immédiats que présente mon projet.
Les revenus du fleuve, n’augmentant que peu ou point les débours du budget, seraient donc de 200,000 francs moins les 63,000 francs que l’on perçoit pour péages, soit annuellement et pour très longtemps, si non pour toujours, de 137,000 francs.
Or, voyons quels seraient les résultats d’une concession à une compagnie :
Elle se constituerait au capital de 4 millions et s’engagerait à terminer les travaux, je suppose, en 4 années.
La première année, elle ne dépenserait qu’un million, là le gouvernement n’a rien à donner, car les péages étant de 63,000 francs, il résulterait même pour la seconde année un boni de 23,000 francs.
L’année suivante, un second million serait employé.
Garantie de l’Etat : 80,000 francs
Mais les revenus étant de 63,000 francs et le boni de l’année précédente de 23,000 francs, soit 86,000 francs, l’Etat ne débourserait encore une fois rien.
La troisième année, nouvelle dépense d’un million. Les travaux seront alors terminés à plus de moitié. La navigation aura déjà pris un grand développement. Je ne crois pas exagérer en évaluant alors son revenu à 100,000 francs.
Garantie de l’Etat : 100,000
A déduire, rapport 100,000 francs. Le boni ci-devant : 6,000 francs. Soit 106,000 francs. D’où subside à ajouter par le trésor : 14,000 francs.
En admettant que le rapport de la navigation n’ait pas augmenté, c’est 37,000 francs de plus, soit 51,000 francs en y ajoutant lesdits 14,000 francs.
Or, messieurs, dans le plus mauvais état de choses qu’on puisse se figurer, l’tat aurait déjà gagner pendant les 3 premières années de la concession, une somme ronde de plus de 350,000 francs. Economie claire, incontestable et qui aurait doté le pays, et principalement 5 de nos provinces, de l’immense bienfait de la navigation de la Meuse, aux trois quarts conquise.
La quatrième année et les années suivantes, quand le revenu du fleuve entièrement rendu à ses destinées ne serait que doublé, et on peut espérer qu’il sera bientôt plus que cela ; quand enfin il ne rapporterait dans la plus mauvaise hypothèse que 100 ou 120 mille francs (et tous mes honorables collègues au fait de la question affirmeront que je suis resté au-dessous de la vérité), l’Etat n’aura jamais à parfaire qu’un appoint de 48 à 60 mille francs pour avoir obtenu un résultat précieux et qui par le mouvement qu’il opérera dans les affaires générales du pays, sera compensé par des revenus 10, 15 fois plus forts, par les revirements de travail, de commerce et de bien être général.
On me dira que je n’ai pas prévu les frais d’entretien du fleuve, quand une compagnie y aura appliqué 4 millions. Je répondrai qu’en jetant un coup d’œil sur le long parcours du fleuve dans le royaume, on sera bientôt rassuré sur l’importance des revenus dépassant les 4 p.c. minimum d’intérêts. C’est ce qu’une société financière ou une compagnie qui entreprendrait aura bientôt saisi. En indiquant le chiffre de 100 ou 120,000 francs pour revenu du parcours de toute la Meuse en Belgique, combien ne suis-je pas au-dessous de la vérité ? La recette du canal de Charleroy ne s’élève-t-elle pas à 1 million 200,000 francs, et le commerce de ce pays, son industrie n’a-t-il pas infiniment d’analogie avec celle de la province de Liége ?
Il me reste, messieurs, une dernière et importance objection à prévoir et à combattre : c’est la souveraineté du fleuve qui appartient et doit appartenir à l’Etat. Mais cette exigence, messieurs, peut très bien être satisfaite, je pense ; rien n’empêche en effet que le gouvernement ne stipule dans le contrat qui concèdera les péages de la Meuse à une compagnie, à condition que celle-ci accomplira toutes les améliorations consignées dans le cahier des charges, que lui, gouvernement, restera maître de la surveillance du fleuve et de sa possession politique. A lui alors, gouvernement, d’établir des commissaires, d’établir cette surveillance comme il l’entendra.
Ce seraient d’ailleurs des conditions à débattre, qui ne modifieraient en rien ni la réalisation de mon projet, ni son incontestable utilité. C’est dans ces vues que je les expose à la chambre et au pays. C’est afin de voir notre belle Meuse remplir les destinées providentielles qu’elle promet aux laborieuses populations qui travaillent sur ses rivages, c’est afin de voir la partie belge du fleuve aussi vivante, aussi animée que la partie hollandaise, que la partie française, à laquelle ce gouvernement vient de consacrer 7 millions de francs.
Vous avez voté, messieurs, 125 millions pour les chemins de fer, vous avez voté une prise d’actions dans le chemin de fer rhénan, pour parfaire le nôtre et le porter jusqu’au cœur de l’Allemagne. Pourquoi, messieurs, après de si grands sacrifices, n’ajouteriez-vous pas un subside insensible et qui au fond ne coûterait rien à trésor, pour voir notre beau fleuve concourir par son affranchissement à l’avenir de notre pays et jeter nos navires aux portes de la France et de la Hollande ; pour voir nos produits en masse conduits par des remorqueurs à vapeur, pour voir nos usines fournir elles-mêmes des bateaux en fer propres à cette navigation régénérée ?
Les bienfaits, messieurs, sont incalculables ; les sacrifices insensibles ou plutôt nuls.
J’ai la confiance, messieurs, que votre patriotisme n’hésitera pas, et en tout cas j’ai la conscience d’avoir jeté une pensée aux méditations de mon pays.
Je demande donc que la chambre veille bien décider la prise en considération et l’examen de l’idée que je viens de lui soumettre, persuadé qu’elle ne sera pas plus tôt rendue publique, qu’elle ne rencontrera des propositions pour sa réalisation.
M. Peeters, rapporteur – L’honorable M. David vint de qualifier de singulière la décision prise par la section centrale qui a posé pour condition, que les 200,000 francs soient employés par le gouvernement de manière à être utile, sans engager l’Etat dans d’autres dépenses. L’honorable membre s’étonne que dans un moment où le pays a déjà dépensé tant de millions en travaux publics dans sa province, la section centrale n’ait pas voulu engager le pays dans une dépense de plusieurs millions pour la Meuse. L’honorable orateur me permettra de trouver encore plus singulier que pendant qu’on accorde encore 200,000 francs pour la Meuse, on n’ait rien accordé, ni rien proposé pour la canalisation de la Campine. Il doit savoir que la Meuse n’a été reprise par l’Etat que depuis deux ans environ, tandis que depuis six ans, un projet de canalisation de la Campine a été présenté, projet qui a été envoyé à une commission d’enquête et dont tout le monde a reconnu l’utilité.
Maintenant, au lieu de s’occuper sérieusement de cette canalisation, on vient de nous dire que ce projet est déjà englouti dans un grand projet de canalisation pour tout le pays. Ainsi on ne cessera de travailler dans les provinces déjà si favorisées, on ne veut pas même donner un petit espoir à ceux qui n’ont rien.
L’année dernière, lors de la discussion du budget, lorsque j’ai interpellé le gouvernement et que je lui ai demandé ce qu’il avait intention de faire, on a répondu que je devais attendre encore deux mois et que je serais content.
Effectivement, deux mois après, l’ancien ministre m’a fait appeler et me met sous les yeux la carte et le travail de l’ingénieur Curmer qui était déjà achevé, au moins en grande partie, pour la section entre Boucholt et la Pierre-Bleue.
Quelques mois après, nous discutons un projet d’emprunt de 82 millions pour les chemins de fer. Je propose d’augmenter cet emprunt de 10 millions, pour donner des canaux et des routes aux contrées qui n’ont rien.
On me répond encore : un peu de patience. L’honorable M. de Brouckere, que je regrette de ne pas voir dans cette enceinte…
M. de Brouckere – Pardon, j’y suis.
M. Peeters, rapporteur – L’honorable M. de Brouckere disait : je n’ai pas la prétention de convertir M. Peeters ; mais je serais heureux de le voir revenir de cet espèce de sentiment de mécontentement, parce que je crois que ce sentiment est injuste ; dans quelques mois il reconnaîtra qu’il s’est trop empressé de montrer cette espèce de mauvaise humeur, alors qu’à la session prochaine, on s’occupera sérieusement de sa proposition.
Cette proposition, on n’en a plus parlé.
Ainsi, parce que nous voulons poser une limite au gouvernement, lorsqu’on dépense encore 200,000 francs pour une province si favorisée, comme je l’ai dit tout à l’heure, on qualifie nos décisions de singulières. Et, quand nous demandons quelque chose pour un pays trop longtemps oublié, on ne nous répond pas.
Messieurs, sous le roi Guillaume, quand les Belges faisaient valoir leurs griefs, le gouvernement hollandais ne voulait pas les écouter et les Belges devenaient toujours plus exigeants. Eh bien, la Campine réclame toujours infructueusement ; et plus vous remettez de faire droit à ses réclamations, plus elle sera exigeante. En attendant, elle examinera sa position, elle apprendra, jour par jour, de plus, à connaître ses droits, qu’elle saura les faire valoir.
Eh bien ! cette canalisation que je croyais voir commencer bientôt et pour laquelle je croyais qu’on allait sous peu nous présenter une demande de crédit ; il paraît qu’on veut l’abandonner et la remplacer par de petits chemins de fer américains. Plus tard, dit-on, on présentera un travail général pour tout le pays.
Messieurs, si l’on continue à marcher dans cette voie, nous ne cesserons pas d’être oubliés comme nous l’avons toujours été. Chaque année les différentes provinces emportent une partie du budget et la Campine n’obtient jamais rien.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, il s’agit d’une allocation pour la Meuse et non d’une allocation pour la canalisation de la Campine. A ce dernier égard, la section centrale n’a exprimé aucun vœu ; c’est donc en son nom personnel que l’honorable rapporteur a parlé. Je suis étonné que l’honorable M. Peeters, au zèle et au patriotisme duquel je suis le premier à rendre hommage, revienne encore avec tant de chaleur sur une question à laquelle je lui ai déjà répondu à plusieurs reprises depuis l’ouverture de cette session. Je lui au déjà exprimé ma pensée que parmi les travaux de canalisation à exécuter, la Campine doit tenir le premier rang.
Je dois également rétablir de nouveau les faits quant à l’abandon où l’on aurait laissé la Campine. Il m’est impossible, messieurs, de ne pas m’opposer à ce que l’erreur involontaire où est l’honorable préopinant sur la situation du pays qu’il habite, à ce que cette erreur s’accrédite dans ce pays même. Il n’est pas exact de dire que l’on n’a rien fait pour la Campine ; j’ai démontré l’autre jour que l’on a fait beaucoup de constructions nouvelles ; ces constructions ont été faites, soit directement par l’Etat, soit par l’initiative des provinces, avec le concours de l’Etat. On a fait beaucoup de routes dans la Campine, on en a fait un si grand nombre qu’on serait embarrassé d’en indiquer autant à construire qu’il en a été construit.
Est-ce à dire qu’il ne faille plus rien faire pour la Campine ? Non, messieurs, nous sommes animés des meilleurs intentions pour cette contrée, nous le sommes comme ministre du Roi et du pays, nous le sommes encore par reconnaissance, nous n’avons pas oublié que la Campine nous a donné des marques de confiance et de bienveillance. L‘honorable préopinant peut donc être complètement rassuré sur nos intentions.
Je le répète, messieurs, et c’est comme ministre que je parle, la Campine limbourgeoise et anversoise a droit d’être favorisée, la première, de communications. Comme je l’ai déjà dit, les ouvrages de canalisation à exécuter dans le pays font l’objet d’un travail général ; ces ouvrages seront exécutés successivement, dans un certain ordre ; il y aura un choix à faire quant à la priorité, et ce sera probablement par la Campine que l’on commencera.
M. Peeters, rapporteur – Je suis charmé, messieurs, d’avoir pris si chaleureusement la défense des intérêts de la Campine, car M. le ministre vient de se prononcer beaucoup plus clairement qu’il ne l’avait fait jusqu’ici. Je dois cependant répéter que ce qui a été fait pour la Campine est fort peu de chose en comparaison de ce qui a été fait pour d’autres localités ; tout ce qu’on a fait dans la Campine se borne à la route de Turnhout à Diest, et cette route, il faudra peut-être encore deux ans avant qu’elle soit achevée ; il y a encore tant de routes à faire tant dans l’arrondissement d’Anvers et Malines que dans celui de Turnhout, que je ne saurais pas les énumérer, j’en ai déjà citer plusieurs, sur lesquelles j’ai réclamé l’attention du gouvernement, une route d’Anvers vers Roosendael en Hollande par Calmpthout et Esschen seront aussi fort utiles.
M. de Behr – Messieurs, l’honorable M. David s’est trompé lorsqu’il a pensé que la section centrale avait mis une condition à son vote d’allocation de 200,000 francs pour la Meuse. Une section particulière ayant fait observer que cette allocation engageait l’Etat dans une dépense considérable, force a été à la section centrale de demander au gouvernement des explications sur ce point. Par ses réponses, M. le ministre des travaux publics a fait connaître que les travaux qu’il avait en vue n’étaient que des ouvrages isolés et indépendants du système de la navigation permanente de la Meuse. Que, néanmoins, il se proposait de faite des essais de ce système, auxquels devrait servir une faible partie de la somme pétitionnée. Si ces essais réussissent, comme je n’en forme pas de doute, alors le gouvernement demandera les fonds nécessaires pour cette entreprise, dont la dépense sera de 3 à 4 millions, suivant le rapport de l’ingénieur qui a été chargé des études. Cette dépense n’a rien qui doive effrayer, car, pour une navigation de quelques mois seulement et souvent très périlleuse, l’Etat perçoit un péage de 63,000 francs. Or, ce péage serait d’un produit considérable si la Meuse était navigable en toute saison. Elle l’était autrefois, si l’on consulte les documents historiques, mais faute d’entretien et de travaux d’art, le fleuve a forme en certains endroits des atterrissements qui entravent la navigation, et, dans d’autres, les eaux ont creusé un lit tellement étendu, qu’elles sont impuissances à fournir aux bateaux le mouillage nécessaire. S’il pouvait être question de prendre en considération la proposition de l’honorable préopinant, et de mettre la Meuse en concession particulière, la spéculation y trouverait certes de grands bénéfices ; mais il serait contraire à l’intérêt général de dessaisir l’Etat d’une rivière si avantageuse au pays, non seulement pour les communications qu’elle établit entre plusieurs de nos provinces, mais surtout parce qu’elle nous met en relation directe avec la France et la Hollande, et à même d’y avoir des débouchés importants pour le commerce et l’industrie nationale.
M. de Theux – Messieurs, l’honorable M. David a, comme plusieurs honorables membres de cette assemblée, signalé l’importance de la Meuse. Nous partageons entièrement leur opinion à cet égard ; aussi, dans la section centrale, j’ai appuyé l’allocation de 200,000 francs qui est proposée par le gouvernement ; mais, comme membre de la section centrale, je ne puis souscrire à la critique qui a été faite par l’honorable député de Liége, des observations de cette section, observations qu’il me sera facile de justifier en peu de mots.
Lorsque la section centrale a délibéré, elle n’était munie d’aucun rapport ; elle n’avait pas reçu, par exemple, le rapport de l’ingénieur chargé spécialement du service de la Meuse, car ce rapport, comme on le sait, n’a été distribué que postérieurement au rapport de la section centrale ; la section centrale n’était également saisie et la chambre n’est même saisie aujourd’hui d’aucun rapport du conseil des ponts et chaussées. On conçoit que, s’il s’était agi de préjuger un système à suivre pour l’amélioration de la navigation de la Meuse, il eût été bien juste que la section centrale ne voulût point s’engager, comme la chambre ne voudra sans doute pas s’engager non plus avant d’avoir le rapport du conseil des ponts et chaussées sur un travail de cette importance.
M. Guillery a mis en avant un système d’amélioration de la Meuse, mais nous ne voyons pas jusqu’à présent que l’opinion de cet ingénieur, d’ailleurs distingué, soit approuvée par le conseil des ponts et chaussées. Il est donc tout naturel que la section centrale n’ait émis un vote favorable à l’allocation de 200,000 francs, qu’après avoir obtenu de M. le ministre des travaux publics l’assurance que cette allocation ne serait employée que de manière à ne pas préjuger le système à adopter pour amener la Meuse à un tat parfait de navigation.
L’honorable M. David pense qu’il serait fatal de s’engager dans la voie d’allouer un subside annuel de 200,000 francs pour les travaux d’amélioration de la Meuse, alors, dit-il, il faudrait 20 ans avant que ces travaux ne soient achevés et les premiers ouvrages pourraient être détruits avant que les derniers ne fussent faits. Nous sommes entièrement de cet avis et ce n’est qu’à titre d’essai, pour un premier travail, que nous avons adopté l’allocation, ; mais dans notre opinion il faudra que dans un délai rapproché, aussitôt que les circonstances le permettront, le gouvernement présente à la chambre le système qu’il aura cru devoir adopter, et qu’il indique en même temps la hauteur de la dépense, les moyens d’exécution, ainsi que l’amélioration des recettes qui serait la conséquences des travaux dont il s’agit, travaux qui sont d’une si haute importance, qui exigeraient plusieurs millions. En effet, messieurs, si l’on adopte le système le moins coûteux, celui de M. Guillery, il s’agira de 4 à 5 millions, tandis que le même ingénieur pense que si l’on suivait la voie la plus usitée en pareille matière, la dépense s’élèverait à 10 millions. Vous voyez donc, messieurs, que la réserve de la section centrale est tout à fait justifiée.
L’honorable membre pense que c’est par voie de concession qu’il faudrait améliorer la Meuse, moyennant la garantie d’un certain intérêt que l’Etat donnerait aux concessionnaires. C’est là, messieurs, une question sur laquelle nous ne pouvons pas nous prononcer, puisque nous ne sommes pas saisis d’un rapport qui constate ce qu’il y a à faire à la Meuse, par quels moyens il convient de le faire, quelle sera la dépense, quelle sera l’augmentation de recettes que les travaux procureront à l’Etat, et qui devra le dédommager du capital qu’il aura consacré à ces travaux.
Ainsi, messieurs, je persiste à soutenir l’avis de la section centrale que les 200,000 francs dont il s’agit ne doivent être alloués que sous la condition qu’ils ne seront pas employés de manière à rendre inévitables des travaux ultérieurs, de manière à être complètement perdus dans le cas où ces travaux ultérieurs ne seraient pas exécutés.
M. de Brouckere – Messieurs, par suite de l’espèce d’interpellation, qui m’a été adressée par l’honorable M. Peeters, je me vois dans la nécessité de dire quelques mots. Je ne pense pas que l’honorable membre ait eu en vue de me mettre en contradiction avec moi-même, car il n’y réussirait certainement pas. Je ne crois pas non plus qu’il ait voulu exciter une sympathie en faveur de la Campine, car il sait très bien que c’est inutile. L’année dernière l’honorable M. Peeters, à l’occasion de l’emprunt, a présenté un amendement qui n’avait ici aucune chance de succès ; cependant il a déclaré que si cet amendement n’était pas adopté, il voterait non seulement contre la loi mais contre tous les projets qui seraient présentés à la chambre. J’ai fait voir à l’honorable membre qu’un pareil système était tout à fait contraire aux intérêts qu’il voulait défendre ; je lui ai fait remarquer que, s’il se montrait l’adversaire de tous ceux qui proposeraient des mesures favorables à certaines localités, il devait s’attendre à trouver un grand nombre d’adversaires lorsque son tour viendrait. L’honorable membre a cru que je lu donnait un bon conseil, car au lieu de voter contre le projet de loi, il s’est abstenu, et je crois qu’il a bien fait.
Maintenant, messieurs, je le demande, l’occasion s’et-elle présentée de faire quelque chose pour la partie du royaume qui a délégué l’honorable M. Peeters dans cette enceinte ?. Non, messieurs, jusqu’ici cette occasion ne s’est pas présentée, mais comme l’a dit M. le ministre des travaux publics, il est probable qu’elle se présentera dans quelques temps.
Aujourd’hui l’honorable M. Peeters présente un amendement qu’il croit favorise aux intérêts qu’il défend ; il désire que tous les paragraphes de la deuxième section du chapitre II du budget, soient réunis en un seul article, de telle manière qu’au lieu de voter séparément les sommes destinées aux différents objets qui figurent dans cette section, on les voterait réunis sous le titre de : « Allocation pour les canaux, rivières et poldres. » Et quel est le résultat que l’honorable M. Peeters attend de cet amendement ? C’est, dit-il, que s’il restait quelques fonds disponibles, M. le ministre pourrait les appliquer à la canalisation de la Campine. Mais l’honorable M. Peeters ne peut pas penser qu’un ministre, quel qu’il soit, emploie quelques mille francs à commencer un travail aussi immense ; cela n’est pas possible , et l’amendement de l’honorable M. Peeters, je ne crains pas de le dire, est absolument sans objet. Ce que je dis ici, messieurs, parce qu’on me force à le dire, je l’avais dit en particulier à l’honorable M. Peeters, et je le dis non pas parce que je suis adversaire de l’amendement, mais parce que je vois que cet amendement ne peut en aucune manière être utile aux intérêts que l’honorable M. Peeters veut défendre et que je défendrai aussi chaque fois que l’occasion se présentera de le faire avec fruit, mais qui ne sont pas cependant les seuls que nous devons prendre à cœur.
Comme l’honorable ministre des travaux publics nous la dit, la Campine n’a pas été perdue de vue. Il y a dans la Campine quelques travaux qui seront plus tard d’une grande utilité ; il en est qui sont en ce moment en voie d’exécution et qui contribueront puissamment à vivifier cette contrée. Du reste, l’honorable M. Peeters a raison, il n’a pas été fait assez pour la Campine, il faut que l’on fasse davantage pour elle, et si l’honorable membre avait manifesté le regret que plus de membres de la chambre ne visitent point cette contrée, il aurait eu raison, car je suis convaincu avec lui que tous ceux qui auraient visité la Campine lui porteraient un intérêt qu’ils ne lui portent pas maintenant. On croit toujours que ce pays n’a que des bruyères, des terres absolument stériles. Eh bien, messieurs, il n’en est rien ; je puis déclarer, pour l’avoir visitée moi-même, que la plus grande partie de la Campine est extrêmement fertile ; il ne lui manque rien que des voies de communication, que des routes, et je ne crains pas de dire que, si la Campine avait des routes comme les Flandres, par exemple, elle serait aussi fertile d’ici à quelques années que le sont les Flandres.
On peut en avoir la preuve, en, se rendant dans les localités qui sont les plus habitées, par exemple à Gheel et dans les environs, et l’on verra que les hectares de terre, qui autrefois se donnaient pour quelques francs, se vendent aujourd’hui 3 et 4,000 francs, parce que ces hectares ont été livrés à la culture, parce que cette partie de la Campine est habitée, et parce qu’elle possèdera d’ici à très peu de temps d’excellentes routes.
Je dis donc avec l’honorable M. Peters qu’il y a beaucoup à faire pour la Campine, et je prends l’engagement vis-à-vis de lui, quand le moment sera venu, de défendre les intérêts de la Campine aussi chaudement que lui. Mais je n’imiterai pas sa conduite, je ne viendrai pas à tout propos, et autre que d’autres objets sont discutés, je ne viendrais pas mettre la Campine en avant ; car en parler toujours est un mauvais moyen d’arriver à ce qu’on fasse quelque chose pour elle. Attendons le moment propice, ce moment viendra ; je suis d’autant plus certain de rencontrer une bonne occasion, que M. le ministre des travaux publics a dit qu’il veut faire quelque chose pour la Campine, non pas seulement commue ministre (fonctions qui l’oblige à étendre sa sollicitude sur toutes les parties du pays), mais encore comme membre de la chambre, puisque la Campine l’a plusieurs fois élu représentant de la nation.
En résumé, j’engage l’honorable M. Peeters a un peu plus de patience, et je suis persuadé que nous atteindrons notre but.
M. Peeters, rapporteur (pour un fait personnel) – L’honorable préopinant vient de me donner des conseils pour ma conduite parlementaire. Depuis que j’ai eu l’honneur de faire partie de la chambre, je n’ai cessé de me conduire de la manière indiquée par l’honorable M. de Brouckere. J’ai commencé par voter pour tout ce qui était destiné pour les travaux publics ; mais voilà 4 ans que j’attends ! ce sont toujours les mêmes promesses qui ne se réalisent jamais. On finit par se lasser. Or, j’ai remarqué que dans cette chambre ce sont toujours ceux qui ont crié le plus qui ont obtenu le plus (on rit) ; et je ne cesserai de crier jusqu’à ce que justice soit rendue à la Campine.
Je me suis toujours montré grand partisan des travaux publics, quand j’étais membre du conseil provincial ; j’ai défendu cette branche du service public avec énergie ; j’ai proposé seul des centimes additionnels dans l’intérêt de ce service. Mais quand je vois que toutes les promesses que l’on nous fait annuellement ne mènent à rien ; quand je vois qu’on commence déjà à améliorer les voies navigables qui sont passablement bonnes, et qu’on ne fait rien pour les pays où il n’y a rien, et où le besoin des voies navigables se fait si vivement sentir comme dans la Campine, je dis que l’on perd patience, et le mot « attendre » ne se trouvera plus dans mon dictionnaire.
L’honorable préopinant a dit que mon amendement tendait à faire économiser quelques millions de francs sur les crédits demandés, pour les affecter à la canalisation de la Campine. Tel n’a pas été le but de mon amendement ; je l’ai expliqué deux fois. Le but de mon amendement a été de faire adopter un principe à la chambre.
J’ai voulu, en faisant accorder un crédit global, par un moyen transitoire, arriver à ce que d’autres membres ont demandé, c’est-à-dire à affecter l’excédant à des produits des canaux à la construction des voies navigables nouvelles. Voilà le but de mon amendement ; je ne sais si on ne l’a pas compris ou si on n’a pas voulu le comprendre ; mon intention n’a donc pas été celle que suppose l’honorable préopinant.
M. Milcamps – Messieurs, il me semble qu’on oublie un peu trop dans cette enceinte que les augmentations d’impôt que nous avons votées et celles sur lesquelles nous sommes encore appelés à délibérer, sont les malheureux effets de ce luxe immodéré de dépenses auquel nous nous sommes abandonnés depuis quelques années et auquel nous ne paraissons pas encore disposés à renoncer.
Messieurs, ce qui est arrivé pour le chemin de fer, je le vois arriver à grands pas pour les canaux. Après avoir voté de grandes augmentations d’impôt, après avoir voté des emprunts immodérés pour les dépenses considérables du chemin de fer et pour l’acquisition de canaux, nous avons été obligés de recourir au même moyen (car les mêmes causes produisent les mêmes effets), nous serons obligés, dis-je, de recourir au même moyen pour couvrir la dépense de la construction de canaux.
Il y a de quoi désespérer du pays, mais j’espère encore que les hommes qui sont au pouvoir sauront disposer du dépôt sacré du trésor d’une manière conforme aux intérêts généraux du pays, à la justice pour tous. J’espère que le gouvernement, au lieu d’envoyer des ingénieurs dans toutes les contrées qui sont déjà si avantagées par la nature de leur sol, les enverra dans les autres parties, surtout dans ces parties auxquelles, par les créations nouvelles, on enlève tous les avantages qu’elles avaient reçus.
S’il en était autrement, je serais obligé de me mettre du côté de ceux qui entendent mieux les intérêts généraux et la justice pour tous ; je serais obligé de me mettre du côté de ceux qui, comme l’honorable M. Eloy de Burdinne, repoussent toute cause qui peut provoquer des augmentations d’impôt ; je serais obligé de repousser toutes les dépenses qui auraient pour résultat un accroissement d’impôts.
Je n’ai pu m’empêcher de faire entendre ces paroles, en entendant toutes les propositions de dépenses qui viennent de surgir dans cette enceinte.
M. de Brouckere – Messieurs, je voulais seulement dire deux mots qui avaient encore pour objet de tranquilliser l’honorable M. Peeters. M. le ministre des travaux publics a dit que les travaux préparatoires pour la canalisation de la Campine n’étaient pas encore entièrement terminés. D’un autre côté, l’honorable M. Peeters sait, comme moi, qu’une association est formée, laquelle a pour objet la canalisation de la Campine, association qui n’attend autre chose que la terminaison des travaux dont on s’occupe en ce moment, pour faire sa proposition. Cette proposition sera ou ne sera pas adoptée ; mais enfin, l’honorable M. Peeters verra par là qu’il faut qu’il remette dans son dictionnaire le mot « attendre », et qu’il l’y laisse encore pendant quelques mois, parce que je suis persuadé que dans la session prochaine, par exemple, nous aurons à discuter les intérêts de la Campine, sauf à prendre alors telle décision qu’on voudra ; mais encore une fois, que l’honorable M. Peeters ait encore quelques mois de patience.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, j’apprécie la portée des craintes qui ont été exprimées par un honorable député de Nivelles ; moi aussi, je serais effrayé si dès maintenant nous prenions l’engagement de suivre d’honorables préopinants dans les propositions qui viennent de vous être faites.
La chambre a remarqué avec quelle circonspection nous avons procédé dès cette année : les sommes qui vous ont été demandes et qui doivent être réparties, comme je l’ai déjà dit, entre 5 ou 6 fleuves et rivières, n’excèdent le chiffre de l’année dernière que de 486,000 francs dont 200,000 pour la Meuse.
Tant que nous aurons la direction des travaux publics, nous veillerons avec le plus grand soin à ce que le pays ne soit pas entraîné dans des dépenses au-dessus de nos ressources, non pas, messieurs, que nous considérions les dépenses faites en travaux publics, comme des dépenses perdues, nous croyons, au contraire, que ce sont des dépenses utiles et reproductibles, contribuant largement à la richesse et à la prospérité publique ; mais nous croyons aussi qu’il ne fait pas tout faire en un jour ; qu’il ne faut pas, à la vérité s’arrêter, mais qu’il ne faut pas toujours courir, qu’il faut avancer lentement, améliorer en conservant. Voilà quel est notre système, et nous ne nous en départirons pas…
M. David – Et pour les chemins de fer ne courez-vous pas ? du reste, ce n’est pas que je vous en blâme.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Si les chemins de fer ont pris un développement aussi considérable, nous n’adressons pas de reproche aux auteurs de ce développement, mais nous disons que ce n’est pas nous qui l’avons proposé.
Au surplus, le chiffre n’étant contesté par personne, je n’ai rien à dire pour le défendre.
- Le chiffre de 229,880 francs est mis aux voix et adopté.
La chambre adopte ensuite, sans discussion et en la teneur suivante, les articles 8, 9 et 10
« Art. 8. Service de la Meuse (Limbourg)
« Travaux aux rives : fr. 60,000 »
« Art. 9. Service de la Dendre.
« Travaux ordinaires dans la Flandre orientale et le Hainaut : fr. 9,500
« Personnel : fr. 7,931
« Ensemble : fr. 17,431. »
« Art 10. Service du Rupel, de la Dyle et du Demer
« Travaux ordinaires : fr. 4,600
« Personnel : fr. 1,300.
« Ensemble : fr. 5,900. »
La chambre passe à l’article 11
« Art. 11. Travaux d’amélioration aux voies navigables : fr. 100,000. »
M. Vandenhove – Messieurs, les propriétaires de la vallée du Demer et d’une partie de celle de la Dyle avaient tout lieu d’espérer qu’après bientôt six ans de sollicitations, ils obtiendraient enfin une part dans la somme de 100,000 francs porté au budget pour travaux d’amélioration aux voies navigables du second ordre et frais d’études, mais aujourd’hui comme toujours, on les traite en parias ; quoique M. le ministre des travaux publics convienne dans les nouveaux développements de son budget, page 29, que ces deux rivières sont dans un état déplorable. Voici ce que nous y lisons :
Cet aveu de M. le ministre vous explique, messieurs, la vraie situation des choses, situation à laquelle il n’a jamais été apporté aucun changement, malgré que les riverains aient exposé leurs doléances à toutes les autorités supérieures qui se sont succédé depuis un demi-siècle.
Je n’ai point été étranger à ces incessantes réclamations ; depuis 20 ans je les ai adressées à 4 différentes administrations, et je les ai appuyées à plusieurs reprises pendant que j’étais bourgmestre de Diest.
Toutes ces démarches n’ont eu pour résultat que l’envoi sur les lieux des ingénieurs, pour reconnaître l’état de la rivière et faire des estimations de dépenses qui varièrent de 250,000 francs à 300,000 francs ; l’élévation de ces chiffres fit naître l’idée de canaliser le Demer, cette idée suggéra celle de creuser un canal parallèle au Demer, partant de Vilvorde à Diest. Les études étaient faites, les plans et devis qui montèrent à un million de florins étaient dressés, le canal allait être mis en adjudication lorsqu’éclata la révolution.
En 1835, vexé de ce que l’on négligeait toujours de s’occuper de l’amélioration de la navigation du Demer et de la Dyle, je renouvelai mes instances auprès de M. le gouverneur, et, pour leur donner plus de poids, je les étayai sur les réclamations reçues des autorités communales qui avaient un intérêt direct à voir s’améliorer ces deux voies navigables ; cette longue correspondance se termina en 1836 par une missive de M. le gouverneur, portant qu’un ingénieur, envoyé sur les lieux, avait calculé qu’il fallait dépenser 250,000 francs pour améliorer la navigation de ces deux rivières, et que la députation se proposait d’ajourner cette dépense jusqu’à la session du conseil provincial.
En 1838, ensuite d’une décision du conseil provincial, la députation nomma une commission pour examiner quels étaient les travaux qu’ils conviendrait d’exécuter pour améliorer et satisfaire à tous les besoins du Demer et de la Dyle, etc. ; cette commission chargea l’ingénieur en chef de la province de lui remettre des propositions indiquant la nature et le montant de la dépense des travaux d’amélioration propres à faciliter la navigation et à procurer aux eaux un écoulement plus prompt. Le travail de l’ingénieur remis à la commission se termine par une demande de 400,000 francs.
En 1839, le conseil provincial ne s’occupa plus de ce projet, M. le ministre des travaux publics ayant fait connaître à cette assemblée que, l’année suivante, le gouvernement reprendrait la Dyle et le Demer.
1840 s’est écoulé et l’on ne s’est pas occupé de ces deux rivières ; cependant une somme de 15,000 francs figurait au budget des travaux publics pour frais d’études des rivières reprises par le gouvernement, la Dyle, le Demer, la Dendre et le Ruppel, mais on n’a vu paraître aucun ingénieur en aval de Diest.
Une somme de 100,000 francs figure au budget de 1841 pour travaux d’amélioration au voies navigables du second ordre et frais d’études. Le Demer et la Dyle sont encore oubliés dans la distribution de cette somme, car nous voyons, d’après les réponses faites par M. le ministre que 25,000 francs environ sont destinés pour frais d’études, 30,000 pour amélioration à la petite Nèthe canalisée, et 45,000 pour la Dendre et le Ruppel.
Cette distribution de la somme de 75,000 francs n’est pas heureuse, la majeure partie est destinée à améliorer moins de cinq lieues de navigation de la Dendre et du Ruppel et 30,000 francs sont donnés comme subside à la province d’Anvers, pour compléter les travaux de canalisation de la petite Nèthe, qui n’a pas 4 lieues d’étendue. Ainsi tout au plus 9 lieues de voies du second ordre très navigables absorbent une somme aussi considérable, tandis que 20 lieues de rivières innavigables sillonnant dans des vallées que l’on peut compter au nombre des plus belles du pays, ont été abandonnées depuis 50 ans, et cela au grand préjudice des propriétaires qui, dans les années pluvieuses, ont perdu tout ou partie de leurs récoltes.
Après avoir exposé tout ce qu’a d’inconvenant la conduite des autorités supérieures à l’égard des propriétaires riverains de la Dyle et du Demer, que venons-nous demander à la chambre ? Non pas 400,000 francs, pour ouverture de 32 redressements, pour emprises de terrains, pour des barrages, etc. ; nous demandons que la chambre veuille voter une somme de 15 à 20,000 francs pour faire disparaître quelques obstacles à la navigation, parfois insurmontables.
En attendant que le gouvernement ait fait choix du système à appliquer à ces deux rivières, que nous préférerions voir rester en dehors des projets de canalisation, parce qu’à l’aide de 2 à 300,000 francs, on pourrait y établir de suite une bonne navigation et obvier aux inconvénients des inondations, tandis que si l’on voulait les envelopper dans un régime de canalisation, il en coûterait des millions, et le meilleur sort de ces contrées serait renvoyé aux calendes grecques.
La somme demandée est très modique quand on réfléchir au préjudice immense que l’on a causé à ces populations, depuis 50 ans qu’on les a éconduites sous le prétexte de leur donner plus qu’elles ne demandaient.
L’exiguïté de cette somme est encore plus saillante quand on récapitule les capitaux qui ont été appliqués aux autres rivières depuis la révolution, et que l’on considère l’élévation des chiffres pétitionnés pour travaux d’amélioration pour l’exercice courant.
A la Dendre, le Ruppel et la petite Nèthe : fr. 75,000
A l’Escaut : fr. 160,000.
A la Lys : fr. 102,000
A la Meuse : fr. 260,000.
Ensemble : fr. 537,000.
Vous venez de voter 200,000 francs, et veuillez remarquer, messieurs, que 200,000 francs sont destinés pour une première application du système qui aura prévalu pour la Meuse, système qui pourra vous conduire à dépenser des millions, que plusieurs ingénieurs n’osent pas envisager comme une dépense productive. Vous refuseriez-vous d’accorder 20,000 francs pour mettre M. le ministre en mesure de commencer à exécuter des travaux qui ne seront point improductifs, car cette rivière est susceptible de produire beaucoup au trésor, si vous voulez la rendre accessible à tous les bateliers ; aujourd’hui elle est le monopole de quelques navigateurs qui, à juste titre, effrayent les autres bateliers sur l’énormité des frais, et les difficultés de la navigation.
En m’attachant à plaider la causes des propriétaires avoisinant le Demer, j’ai oublié de vous signaler combien est lésée dans ses intérêts une ville de huit mille habitants, assise sur cette rivière en amont de 20 lieues de Malines, renfermant des brasseries, des distilleries, des sauneries, privés pendant la plus grande partie de l’année de la voie la moins dispendieuse pour l’exportation de leurs produits, et pour l’importation du sel, de l’orge, de l’avoine, de la houille, etc., etc. Une autre ville, Arschot, à 3 lieues en aval de Diest, éprouve les mêmes privations.
Si depuis longtemps justice avait été rendue à ces populations, les matériaux qui ont servi aux constructions des fortifications de Diest, y eussent été transportés à moins de frais ; on paie jusqu’à 25 francs pour fret par 1000 briques de Boom, et tous les objets qui se consomment au camp de Beverloo y eussent été fournis à meilleur marché.
Comme M. le ministre ignorait vraisemblablement toutes les démarches qui avaient été faites depuis un temps immémorial par tous les intéressés en amont de Malines pour l’amélioration de la navigation et un meilleur écoulement des eaux de la Dyle et du Demer, dont nous venons de donner une esquisse, nous sommes en droit d’espérer qu’étant mieux informé maintenant, il voudra bien s’associer à nous pour engager la chambre à voter les 20,000 francs demandés par mon amendement.
M. le président – Voici l’amendement de M. Vandenhove :
« Je demande qu’une somme de 20,000 francs soit prise sur celle de 100,000 francs destinée aux travaux à faire aux voies navigables du Ruppel, de la Dyle et du Demer, pour commercer à améliorer la navigation du Demer. »
M. Doignon – Pour apprécier cet amendement, il faudrait le renvoyer à la section centrale ou que M. le ministre voulût bien donner des explications.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je ne sais si c’est une augmentation ou une destination spéciale que demande l’honorable membre. J’ai déjà dit que rien n’était préjugé quand aux voies navigables de second ordre. Le libellé est très général. Il est vrai que dans les développements j’ai indiqué trois rivières, mais je n’entends pas restreindre le crédit à ces trois rivières ; nous commencerons les travaux là où ils sont le plus urgents et où les études sont le plus avancées. Dès maintenant il ne me serait pas possible de décider si on commencera par le Rupel, le Demer, la Dendre ou la Dyle. Chacune des rivières sera étudiée suivant son importance, et les travaux seront exécutés suivant leur degré d’urgence et d’avancement des études.
L’honorable membre peut être rassuré, le gouvernement a une égale sollicitude pour toutes ces rivières, et il suffira que l’honorable M. Vandenhove ait recommandé un objet à notre attention particulière, pour qu’elle se porte avec plus d’intérêt sur l’objet recommandé. Dans tous les cas, je m’oppose à la division.
M. le président – M. Vandenhove persiste-t-il dans son amendement ?
M. Vandenhove – Non, après les explications données, mais j’espère que M. le ministre voudra bien faire étudier l’objet que j’ai signalé à son attention.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je dois ajouter un mot. L’honorable membre a dit aussi que l’arrondissement qu’il représente était traité en paria.
Il y a là de la part de l’honorable membre, ordinairement si modéré, exagération évidente. La ville de Diest est un point d’où depuis quelque temps rayonne un assez grand nombre de routes. Indépendamment des travaux considérables de fortifications, il y a la route de Diest à Beringhem, celle de Diest à Tirlemont et la route de Diest à Hasselt.
En voilà trois qui se présentent à ma mémoire, et je ne sais pas même s’il n’y en a pas une quatrième. Quand on s’appelle Diest, et qu’on est le centre de quatre routes, on ne peut pas se plaindre d’être traité de paria.
M. Vandenhove – J’ai voulu parler du Demer où on n’a pas mis la pioche depuis 50 ans.
- Le chiffre proposé par le gouvernement est adopté.
M. le président – Maintenant, vient l’amendement de M. Peeters, qui propose de réunir en un seul les articles 3 à 11 de la deuxième section.
M. Peeters – Mon amendement devient inutile. J’avais espéré que le gouvernement s’y serait rallié et l’aurait soutenu, afin de faire un premier pas dans l’exécution de la proposition de M. de Puydt. Maintenant que les articles ont été votés séparément, mon amendement est sans objet. Je le retire.
« Art. 12. Travaux pour la vallée de la Senne : fr. 40,000. »
M. Desmet – La section centrale alloue la somme demandée, mais elle ne dit pas pourquoi. Elle dit qu’elle a reçu des renseignements, mais elle ne les fait pas connaître ; car je ne trouve rien ni dans l’annexe, ni dans le tableau qui nous a été remis récemment.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Les dépenses à faire pour la vallée de la Senne sont de trois ordres, les unes qui incombent au gouvernement, d’autres qui incombent à la province et d’autres enfin à la ville. Le gouvernement a demandé au budget le crédit qui doit représenter sa part dans les dépenses.
M. Desmet – Je ne comprends pas cette part du gouvernement. S’il s’agit de rendre aux eaux sauvages les débouches que le chemin de fer leur a fermés, je vois que nous allons être entraînés dans de grandes dépenses, car si vous en agissez ainsi pour la vallée de la Senne, vous devez en agir de même partout où le chemin de fer est venu entraver l’écoulement des eaux ; notamment dans les Flandres et dans la province d’Anvers.
J’ai une seconde observation à présenter sur les travaux qu’on veut faire à la Senne. J’ai vu dans les détails qu’on n’était pas d’accord sur les moyens de prévenir les inondations sur les rives de la Senne. On devrait faire ce qu’on fait en Flandre ; quand il y a abondance d’eau on la chasse par les canaux rectilignes qui conduisent directement à la mer. J’ai vu que le moyen de prévenir les inondations sur les rives de la Senne était d’avoir un déversoir dans le canal même pour faire écouler les eaux vers la mer. Un deuxième moyen est d’augmenter la largeur du canal de dérivation qui est à la porte de Bruxelles. Voilà un second moyen où le gouvernement ne devait intervenir pour rien, parce que l’emploi de ce moyen doit prévenir d’autres dépenses. Si vous n’employez pas un ou deux moyens que j’ai indiqués, vous ne soulagerez pas le bassin de la Senne, et vous ferez des dépenses inutiles.
La Senne est une rivière très difficile à gouverner, à cause du nombre considérable d’usines établies sur son cours. C’est un motif pour faire un canal de dérivation. Ce canal profitera surtout à la ville de Bruxelles qui souffre le plus des inondations de la Senne, par conséquent la ville de Bruxelles devra intervenir pour la plus grande partie dans les travaux.
Le meilleur moyen d’écouler les eaux de la Senne, c’est de le faire par la grande voie du canal de Willebroeck. On ferait un déversoir dans ce canal, pour diriger les eaux vers la mer, comme on fait à Bruges.
M. Coghen – Messieurs, les dégâts du débordement de la Senne nous sont tous connus. Ils n’étaient pas aussi considérables avant la construction du canal de Charleroy et du chemin de fer. Il y avait bien alors des inondations, mais elles n’étaient ni aussi fortes ni aussi fréquentes qu’aujourd’hui. Si on voulait faire écouler les eaux de la Senne par le canal de Charleroy, ce canal serait immédiatement ensablé, et on se priverait d’une voie navigable importante. On peut, avec peu de dépense, trouver moyen de faire écouler ces eaux. D’ailleurs, il y a équité à ce que l’Etat, qui a produit le mal par la création du canal de Charleroi et la construction du chemin de fer, répare ce mal en se chargeant d’une partie des dépenses à faire.
M. Van Volxem – L’honorable M. Desmet vient de signaler comme moyen principal de remédier aux inondations qui ont porté la désolation aux environs de Bruxelles, de déverser les eaux de la Senne dans le canal de Willebroek. Je citerai un seul fait pour démontrer que la chose est impraticable si l’on veut conserver la navigation de ce canal. Il existe hors la porte du Rivage, entre le canal de Charleroy et le canal de Willebroeck, un petit canal, au moyen duquel on alimente ce dernier. Lors des dernières inondations, on avait ouvert cette écluse pendant une demi-heure ; l’eau de la Senne s’est précipitée dans le bief du canal de Charleroy, et il n’a pas fallu plus de temps pour rendre la navigation impossible dans ce bief, à telle enseigne que, quand les bateaux ont été dégagés des glaçons et qu’ils sont arrivés jusque-là, ils ont été obligés de s’arrêter. Il a fallu travailler plusieurs jours pour dévaser ce bief. Cependant une demi-heure seulement les eaux de la Senne avaient eu passage par le canal d’alimentation. C’est l’administration communale de Bruxelles qui a été dans la nécessité de faire travailler plusieurs jours pour dévaser le canal d’alimentation. Jugez de l’effet que produirait dans le canal de Willebroeck le dégorgement de la rivière la Senne en entier.
M. Peeters – Un honorable préopinant a accusé la section centrale de n’avoir pas expliqué dans son rapport sur quoi elle fondait sa conviction. Elle a trouvé inutile d’économiser ce qui se trouve à la page 49.
Là l’honorable membre pourra voir que les ouvrages à faire à la Senne montent à la somme de 468,000 francs dans laquelle le gouvernement contribuera pour 112,000 francs.
M. Desmet – Pourquoi ?
M. Peeters, rapporteur – Parce que les inondations ont été occasionnées en partie par la construction du chemin de fer.
M. de Mérode – Les inondations qui arrivent plus fréquemment depuis la construction du canal de Charleroy et du chemin de fer prouvent que, dans le tracé des canaux et des chemins de fer, on devrait autant que possible avoir égard à ces inondations. J’ai déjà fait cette observation. J’appelle de nouveau sur ce point l’attention de M. le ministre des travaux publics, afin que, dans les travaux ultérieurs, s’il faut faire un léger détour pour prévenir des inondations, on s’y résigne plutôt que de tracer une ligne droite, ce qui peut occasionner de graves dégâts pour les propriétés.
M. de Theux – Ainsi que vient de le dire l’honorable rapporteur de la section centrale, cette section a été déterminée par le travail de la commission spéciale instituée par arrêté du 7 mars 1839 et par la proposition de la commission des ponts et chaussées.
Les travaux à faire pour éviter les inondations de la Senne ont été évalués à la somme de 468,000 francs qui a été répartie comme suit :
A charge de l’Etat, à raison des entraves apportées à l’écoulement des eaux, par l’exécution de certains travaux publics : fr. 112,000.
A la charge de la province et des communes : fr. 236,000.
A la charge de la ville de Bruxelles : fr. 40,000.
A la charge des usiniers : fr. 80,000.
Total : fr. 468,000.
La section centrale n’a pas voulu que le gouvernement devînt en définitive le seul contribuable dans cette dépense. C’est par ce motif qu’elle a demandé quelques explications à M. le ministre des travaux publics. Voici celles qu’il a données (page 46 du rapport de la section centrale) :
« Les ouvrages seront restreints à ce qui est indiqué page 46 du mémoire contenant la Senne.
« Le gouvernement a, vis-à-vis de la province et des communes, les moyens que mettent à sa disposition les lois provinciale et communale.
« Vis-à-vis des usiniers, il a les moyens coercitifs qui résultent des lois et règlements sur les cours d’eau, ainsi que des octrois qui ont autorisé l’établissement des usines.
« La rivière n’étant ni navigable, ni flottable, la dépense ne concerne l’Etat qu’en tant qu’elle est rendue nécessaire par des ouvrages de routes, canaux, chemins de fer, qui sont l’œuvre du gouvernement, non moins que par des considérations de haute utilité publique. »
Il en résulte que les travaux devaient se faire par le concours que je viens d’indiquer, et, autant que possible, simultanément.
M. Desmet – Je commence à comprendre les motifs de l’allocation. Elle est motivée sur ce que le chemin de fer aurait bouché quelques ouvertures pour l’écoulement des eaux. Mais de quoi se plaint-on ? Qui retient les eaux dans le bassin de Bruxelles ? C’est surtout à Vilvorde que les eaux sont retenues. Or on ne parle pas de travaux à exécuter de ce côté. C’est pour cela que je dis que la dépense ne remplit pas l’objet.
On nous dit que le déversement des eaux dans le canal de Bruxelles est impossible, parce que, s’il en était ainsi, il y aurait ensablement, et que la navigation serait entravée. Cependant que fait-on à Gand ? On ouvre les écluses du canal de Bruges à Ostende, et les eaux s’écoulent. Je parle en faveur de la ville de Bruxelles. Les dégâts que causent les inondations sont immenses. Je crois qu’il y aurait un bon moyen de les prévenir : ce serait d’agrandir le petit canal de dérivation. Alors vous auriez fait quelque chose d’utile ; vous auriez prévenu les inondations. Mais quant aux dépenses projetées, je les considère comme de l’argent jeté dans la Senne.
M. Nothomb – Dans le premier examen qui a été fait de cette question, les projets de travaux à faire s’élevaient à 468,000 francs. Mais ce n’est pas ce premier projet qu’il s’agit de mettre à exécution. Un second examen a eu lieu. Sur ce grand nombre d’ouvrages indiqués, montant à 468,000 francs, six ouvrages ont été considérés comme d’une indispensable nécessité, comme d’une incontestable urgence. Ces dix ouvrages sont indiqués au bas du plan, qui vous a été distribué. Remarquez donc avec quel soin cette instruction a été faite.
Dans un premier examen on avait proposé tout ce qu’on croyait pouvoir proposer. Les dépenses alors s’élevaient à 468,000 francs. On a reculé devant une somme aussi considérable ; on a pensé qu’il y avait là bien des choses problématiques. Alors on a repris le travail ; on a fait un choix, et on s’est arrêté à considérer dix ouvrages comme immédiatement nécessaires ; sur ces dix ouvrages il y en a qui incombent à l’Etat, d’autres qui, comme l’a dit M. le ministre des travaux publics, incombent à la province, d’autres à la commune. Enfin, il y en a même qui incombent à des particuliers. Il faut donc que le gouvernement exige que la ville de Bruxelles, que la province, que les particuliers remplissent leurs obligations respectives. Mais, pour exiger que d’autres remplissent leurs obligations, il faut commencer par donner soi-même l’exemple de l’exécution de ses propres devoirs pour mettre le gouvernement dans cette position qui lui donne un moyen d’action sur ceux qui doivent concourir avec lui, vers un but commun, il est évident qu’il faut le mettre à même de pourvoir lui-même aux travaux qui lui incombent.
On a supposé que les 40,000 francs devraient être consacrés à réparer je ne sais quelles fautes qui auraient été commises dans la construction du chemin de fer. Il n’en est rien. Il est très vrai que le chemin de fer, en coupant la vallée de la Senne, peut être considéré comme ayant, jusqu’à un certain point, influé sur les inondations. (Réclamations.) On me dit qu’il y avait des inondations auparavant. Je sais qu’il y a contestation sur ce point. Il importe. Cet ouvrage, s’ y a lieu, ne doit pas être imputé sur ces 40,000 francs.
Un autre travail, qui incombe aussi à l’Etat, c’est la reconstruction du pont sur la chaussée de Flandre. Cette reconstruction ne doit pas avoir lieu non plus sur ces 40,000 francs. Si le gouvernement obtient le triple concours sur lequel il doit compter, si la reconstruction du pont de la chaussée de Flandre doit avoir lieu, les frais en seront pris sur l’article « routes. » C’est le dixième ouvrage indiqué au bas de la carte ; car je dois m’étonner qu’on se plaigne de n’avoir pas reçu de renseignements sur cette question. C’est un mémoire qui est extrêmement étendu, qui a été distribué en mai dernier ; il y a eu un véritable luxe de renseignements.
Une des causes des inondations se trouve à Vilvorde, à la prison qui appartient à l’Etat. Cette cause, il s'agit de la faire disparaître. De certaines constructions, est résulté une espèce de barrage ou au moins d’étranglement. C’est cet obstacle qu’il s’agit de faire cesser. Le ministre des travaux publics aurait pu écarter cet article de son budget ; il aurait pu dire au ministre de la justice, dans les attributions de qui se trouve la prison : « C’est à vous à demander aux chambres l’argent nécessaire pour faire disparaître la cause d’inondation qui a été signalée. » C’est-à-dire qu’on aurait pu subdiviser les obligations de l’Etat, faire retomber l’une sur le ministre des travaux publics, l’autre sur le ministre de la justice. Je crois que mon honorable successeur a très bien fait de porter la somme à son budget, de maintenir ainsi l’unité des travaux ; d’ailleurs, dans tous les cas, il aurait dû conserver la surveillance des travaux.
Vous voyez que ces 40,000 francs ont une destination toute spéciale. En votant cette somme, vous donnez un moyen d’action au gouvernement ; vous le mettez à même d’exiger de la province, des communes et des particuliers l’exécution des obligations que leur impose l’état de choses actuel, auquel il est absolument indispensable de porter remède.
- L’article 12 est mis aux voix et adopté.
La chambre passe à l’article 13.
« Art. 13. Confection et entretien des bacs (chiffre primitif 20,000 francs). »
Le gouvernement propose d’élever le chiffre de cet article à 30,685 francs 87 centimes.
M. Peeters, rapporteur – Par délibération en date du 25 février 1839, le conseil communal de Tamise s’est adressé au gouvernement à l’effet d’obtenir, sur les fonds du trésor de l’Etat, une avance de 6,314 francs 13, remboursable en sept annuités et destinée à couvrir les frais de constructions d’un embarcadère que nécessite l’établissement projeté d’un service de navigation à vapeur entre Anvers et Tamise.
La somme demandée, à titre d’avance, par la commune de Tamise, ayant été allouée au budget de 1840, il est intervenu, sous la date du 21 juillet dernier, un arrêté royal qui accorde à la commune de Tamise l’avance de fonds sollicitée par elle.
Cet arrêté royal a déterminé que l’avance accordée serait égale au prix des travaux fixés par adjudication publique sans pouvoir néanmoins dépasser la somme de fr. 6,314 13 allouée au budget.
Le projet d’embarcadère, dressé par M. l’ingénieur en chef de la province d’Anvers, a été revêtu de l’approbation du département des travaux publics, sous la date du 7 septembre dernier.
A l’adjudication publique, tenue le 3 octobre, le sieur Tenkale a soumissionné l’entreprise de l’embarcadère dont il s’agit, moyennant une somme de 6,560 francs. Sur l’observation qui a été faite à cet entrepreneur que la loi du budget n’alloue que la somme de 6,314 francs 13 centimes, il a consenti à présenter une nouvelle soumission qui ne dépassera point ladite somme.
Par lettre du 11 novembre courant, le gouverneur de la Flandre orientale a été invité à faire verser, préalablement à l’approbation de la soumission, par le sieur Tenkale, la somme qu’il est tenu de fournir à titre de cautionnement.
D’autre par, le conseil communal de Tamise a, sous la date du 12 février 1840, sollicité, sur les fonds du trésor de l’Etat, un subside de 5,000 francs, destiné à la reconstruction de l’un des embarcadères existant dans cette commune le long de l’Escaut.
L’instruction à laquelle cette demande a été soumise, ayant établi qu’il n’y avait pas lieu de la prendre en considération, une décision dans ce sens a été prise sous la date du 14 août 1840.
Par suite du rejet de cette demande d’un deuxième subside, la commune de Tamise a présenté une requête tendant à ce que l’embarcadère nouveau à construire au moyen de l’avance de 6,314 francs 13 centimes, soit établi à l’emplacement du quai d’abordage qu’il était question de reconstruire au moyen de la seconde somme demandée.
La question du changement d’emplacement pour l’embarcadère neuf a été instruite, et il résulte de l’instruction qui a eu lieu que le point où la commune demande que ledit embarcadère soit établi est, en effet, préférable, tant pour la facilité des communications avec le centre du village, que pour celle de l’abordage.
La dépense nécessaire à l’exécution de ce nouveau projet ne serait pas moindre de 17,000 francs.
La commune déclare qu’elle consentirait à supporter l’excédant de la dépense, pourvu que le gouvernement veuille bien en faire l’avance aux mêmes conditions que pour la somme déjà allouée par l’arrêté royal du 21 juillet dernier, c’est-à-dire en se remboursant par annuités.
La section centrale, après avoir pris connaissance de tous ces faits, alloue la majoration demandée par M. le ministre.
- Le chiffre réclamé par le gouvernement est adopté.
Art. 14. Subside à la direction du polder de Lillo : fr. 5,000
« Travaux aux digues du polder de Lille : fr. 8,000.
« Personnel : fr. 1,000
« Travaux à la digue de l’Escaut : fr. 22,055 48
« Ensemble : fr. 36,055 48. »
- Cet article est adopté.
« Art. 15. Littera A. Port d’Ostende
« Entretien de l’avant-port : fr. 43,300
« Entretien de l’arrière-port : fr. 2,750
« Entretien des écluses du bassin de commerce : fr. 1,100.
« Renouvellement de charpente : fr. 10,000.
« Triangles à placer le long de la rive : fr. 11,160.
« Ensemble : fr. 68,310.
« Art. 15. Littera B. Port de Nieuport
« Travaux d’entretien : fr. 17,133 33
« Chemin de halage : fr. 4,400.
« Ensemble : fr. 21,533 33
« Art. 15. Littera C. Côte de Blankenberg
« Travaux d’entretien : fr. 111,585 82.
« Personnel : fr. 13,202 93.
« Total : fr. 214,632 08. »
- Cet article est adopté.
« Art. 16. Phares et fanaux. Frais d’entretien : fr. 2,000. »
M. Donny – Messieurs, à l’occasion de cet article, j’ai à faire une interpellation au gouvernement.
Chaque année vous votez 2,000 francs pour l’entretien de phares et fanaux, c’est-à-dire pour l’entretien des fanaux de Nieuport, de ceux d’Ostende et de ceux de Blankenberg. Car il faut qu’on le sache bien, il y a des fanaux dans ces trois localités différentes.
Si nous votons une allocation pour cet entretien, c’est apparemment que nous le considérons comme une dépense d’intérêt général. Toutefois, comme il m’importe d’établir une bonne fois pour toutes que telle est réellement la nature de cette dépense, je vais en peu de mots mettre la chose hors de doute.
Les phares et fanaux belges ont une double destination.
D’abord ils servent à diriger les courses nocturnes de tous les bâtiments qui arrivent en Belgique, quel que soit le port de leur destination, car les fanaux sont aussi utiles aux bâtiments qui, venant de l’Océan, se rendent dans l’Escaut, qu’à ceux qui viennent de la mer du Nord, et se rendent à Nieuport, qu’à ceux enfin qui fréquentent le port d’Ostende. Pour tous ces bâtiments indistinctement l’entretien des feux de côtes est d’une indispensable nécessité, puisque si ces feux n’existaient pas, tous ces bâtiments indistinctement se trouveraient en danger de se perdre sur les bancs qui bordent nos côtes.
La seconde destination des fanaux belges, c’est de compléter le système d’éclairage établi d’une part sur la côte française, et d’autre part sur la côte hollandaise.
Dans l’état actuel des relations de peuple à peuple, la Belgique est obligée comme Etat maritime de garnir ses côtes de feux, comme le font toutes les nations maritimes civilisées, sans en excepter une seule. Et cette obligation, messieurs, est tellement réelle, que le gouvernement belge ne pourrait, sans exciter des réclamations de tous les peuples, et même des cris de réprobations contre la Belgique de la part du monde entier, supprimer ses feux de côtés et rompre ainsi la chaîne de phares et fanaux qui borde le continent européen tout entier.
Maintenant qui doit payer cette dépense d’un intérêt général ? Qui doit acquitter cette obligation que les usages maritimes imposent à la Belgique ? Evidemment, messieurs, c’est le trésor public ; et telle est bien aussi votre intention, lorsque chaque année vous votez une somme de 3,000 francs à cet effet au budget des travaux publics.
Eh bien, messieurs, jusqu’ici, je le déclare à regret, vos intentions à cet égard ont été complètement méconnues. Il est vrai que le trésor de l’Etat paie sur des mandats de M. le ministre des travaux publics l’entretien des phares et fanaux. Mais ce n’est en réalité qu’une avance que fait le trésor, car ce qu’il paye d’une main, il se le fait rembourser de l’autre au moyen de la perception d’un impôt connu sous le nom de droits de feux ; impôt qu’on paye aujourd’hui en vertu d’une loi, mais qui est établi de la manière la plus injuste qu’il soit possible de concevoir, et je vais vous le prouver.
Vous pensez sans doute que si l’Etat se fait rembourser les frais d’entretien des phares et fanaux, il fait payer cet impôt par tous les bâtiments indistinctement qui se rendent en Belgique ? Eh bien !, messieurs, il n’en est rien. Les bâtiments qui, venant de l’Océan, se rendent dans l’Escaut ne paient rien ; les bâtiments qui, venant de la mer du Nord, ne paient rien. On ne perçoit les droits de feux que des seuls bâtiments qui fréquentent le port d’Ostende. Ces bâtiments paient donc à eux seuls et l’entretien des fanaux de Nieuport, et l’entretien des feux de Blankenberg, et l’entretien de ceux d’Ostende. Ils paient à eux seuls pour tout le monde. Ils paient une dépense qui se fait dans l’intérêt général, ils acquittent, à la décharge de l’Etat, une obligation à laquelle la Belgique est soumise comme Etat maritime
C’est là une injustice qu’il importe de faire cesser. Mais ce n’est pas encore tout. Car voici une circonstance qui rend cette injustice cent fois plus choquante encore.
Vous votez annuellement pour l’entretien des phares et fanaux une somme de 2,000 francs. D’après cela vous devez croire que les droits de feux qu’on perçoit pour se rembourser de ces frais, rapportent à l’Etat également une somme annuelle de 2,000 francs, quelque chose de plus, quelque chose de moins.
Eh bien ! il n’en est pas du tout ainsi. Les navires qui entrent au port d’Ostende, et qui paient pour tout le monde, ne versent pas une somme de 2,000 francs, mis une somme de 9,000 à 10,000 francs.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je demande la parole.
M. Donny – J’ai sous les yeux les comptes financiers de 1838. J’y vois, à la page 124, qu’en 1836, les navires entrant au port d’Ostende ont payé pour droits de feux au-delà de 9,000 francs ; à la page 320, qu’en 1837 ces droits ont produit 9,230 francs ; enfin, à la page 413, qu’en 1838 la recette s’est élevée à 9,760 francs.
Ainsi le port d’Ostende paie non seulement ce qu’il ne doit pas, ce que l’Etat devrait payer, et il le paie pour tout le monde, mais indépendamment des 2,000 francs qu’il rembourse à l’Etat, il verse encore dans les caisses du trésor une somme de 7 à 8,000 francs qui n’a d’autre caractère qu’un don, un don forcé que, dans l’état actuel des choses, on fait payer aux bâtiments quoi fréquentent ce port.
Messieurs, c’est là quelque chose non seulement d’injuste, mais d’intolérable.
J’ai fait personnellement toutes les démarches possible pour mettre un terme à cet état de choses ; souvent, dans cette enceinte, j’ai appelé l’attention de MM. les ministres sur ce point, je leur en ai écrit, je les ai importunés dans leur cabinet ; j’ai pénétré même dans leurs bureaux, et tout à été inutile.
Je dois cependant le dire, partout j’ai rencontré de la bonne volonté ; mais cette bonne volonté est jusqu’ici restée complètement stérile, et l’injustice dure encore.
Je viens aujourd’hui pour la dernière fois m’adresser à MM. les ministres ; je leur demanderai s’il existe dans leurs intentions de nous proposer une disposition pour remédier au mal que j’ai signalé, lorsque, dans peu de jours, nous passeront à la discussion des parties du budget des voies et moyens qui restent à voter.
Si la réponse devait être négative, alors je prendrai le parti de faire directement un appel à la justice de la chambre. Je lui proposerais un projet de loi, et j’ai la confiance que la chambre l’accueillerait avec bienveillance, parce que je ne lui demanderais ni privilège ni faveur, mais simplement un acte de justice.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – L’honorable préopinant vient de vous parler des obsessions dont les ministres auraient été l’objet de sa part, pour faire droit aux griefs qu’il vous a signalés.
Pour ma part, je déclare n’avoir eu l’honneur d’aucune visite de l’honorable préopinant. Sous ce rapport je ne puis donc lui adresser le reproche d’avoir fait des démarches incessantes ; je n’ai reçu de lui ni visite ni lettre relativement au droit de phares et fanaux qu’il vous a signalé comme un abus.
Messieurs, pour prouver la sollicitude des ministres relativement au port d’Ostende, je ne citerai qu’un exemple tout récent, c’est la proposition de mon honorable collègue le ministre des finances, tendant à supprimer le droit de tonnage extraordinaire qui incombait aux navires entrant dans le port d’Ostende.
Je ne mets pas en doute que si on avait prouvé la justice de la réduction ou de la suppression d’un autre droit exceptionnel, imposé au même port, l’on n’eût trouvé en moi et mes collègues la même sollicitude.
Maintenant, quant au droit dont il s’agit en ce moment, je dirai que le grief ne peut être considérable, puisqu’il vient en définitive se résumer en une somme de 8 à 9 mille francs, que paient tous les navires entrant dans le port d’Ostende.
Il est vrai qu’on n’a porté au budget des travaux publics qu’une somme de 2,000 francs pour entretien des phares et fanaux, mais il faut tenir compte des frais de premier établissement et il faut tenir en réserve une partie des recettes pour constructions nouvelles.
Du reste, la somme est véritablement minime. Je crois que si les faits se passent comme le dit l’honorable préopinant, il y a une sorte d’injustice à ne pas faire payer aux navires entrant au port de Nieuport, et même à ceux entrant dans le port d’Anvers, les droits de phares et fanaux ; mais je ne doute pas que cette injustice, si elle existe, ne soit réparée.
Je ferai remarquer seulement que le moment n’est pas venu de faire droit à la réclamation de l’honorable préopinant ; c’est lorsque nous en viendrons à la discussion des voies et moyens, qu’on pourra s’en occuper. Si on juge alors à propos de proposer un réduction de 5 à 6 mille francs, je n’y trouverai pas grand mal, si cette réduction met fin à ce qu’on appelle un abus, une injustice.
M. Nothomb – Il est très vrai, messieurs, que l’honorable M. Donny a plusieurs fois signalé à l’administration précédente la position exceptionnelle où se trouvait le port d’Ostende, par rapport au tonnage extraordinaire et par rapport aux droits de feux. J’ai dit à l’honorable membre qu’il fallait procéder graduellement, ne pas tout demander en une fois, en un seul jour. Comme la question qui se rattachait à la perception du tonnage extraordinaire était complètement instruite, c’est par la réparation de ce grief que l’on a dû commencer. Aussi je pense que si M. le ministre des finances actuel a proposé la suppression du droit extraordinaire de tonnage, c’est qu’il a trouvé dans les cartons du ministère un rapport de moi, un rapport de l’ancien ministre des travaux publics, qui insistait sur cette suppression. Vous voyez donc, messieurs, que j’étais bien décidé à faire sortir le port d’Ostende de la position extraordinaire, exceptionnelle où il se trouvait.
Reste maintenant la question des droits de feux ; cette question n’est pas instruite ; je crois qu’il faut l’instruire, qu’il faut examiner jusqu’à quel point la position d’Ostende est exceptionnelle, jusqu’à quel point il faut faire cesser l’exception.
Il y a deux manières, messieurs, de faire cesser l’exception, c’est de ne plus percevoir les droits de feux ni à Ostende, ni ailleurs, ou bien de rendre la perception de ces droits générale, de percevoir les droits de feux à Anvers, à Nieuport, comme à Ostende. (M. Eloy de Burdinne fait un signe affirmatif). Je vois que M. Eloy de Burdinne fait un signe affirmatif ; je pense qu’il se placera dans la dernière hypothèse (Hilarité générale). Quant à moi je ne fais que poser la question.
Il y aurait, messieurs, encore autre chose à faire, et puisque j’ai la parole, je finirai par cette observation : Je crois qu’il y aurait un travail général à faire sur tous les droits quelconques qui se perçoivent en Belgique sur les navires qui arrivent dans les ports maritimes d’Anvers, d’Ostende et Nieuport ou dans les ports intérieurs de Bruges, de Gand ; il y aurait un tableau général à faire de tous les droits qui se paient dans ces ports, soit à l’Etat, soit aux villes. A la suite de ce travail, on examinerait jusqu’à quel point il y a équilibre ; quels sont les moyens d’équilibrer les droits. C’est là un travail qui était commencé, si je ne me trompe, au département de la marine, et je pense que le gouvernement pourrait en faire une publication extrêmement utile qui éclaircirait beaucoup la question ; alors nous en arriverions, en abolissant certains droits extraordinaires, en faisant sortir Ostende et d’autres ports de leur position exceptionnelle, à exiger qu’à leur tour les communes renoncent à percevoir tel ou tel droit ; de la sorte, nous pourrions établir un certain équilibre entre les divers ports du royaume. C’est toujours une simple indication que je donne ; je veux seulement démontrer combien il serait utile d’avoir un travail général sur la perception de tous les droits quelconques qui existent dans nos ports, combien la publication d’un semblable travail pourrait jeter de jour sur ces questions.
M. Demonceau – Messieurs, si le principe qui sert de base à la perception du droit, dont a parlé l’honorable M. Donny, n’est pas juste, nous devrons certainement le faire disparaître ; mais s’il est juste de réclamer de ceux qui profitent d’une dépense, une indemnité quelconque, ce serait, selon moi, une faute de la part du gouvernement de ne pas étendre le droit dont il s’agit à tous les ports. Car enfin, messieurs, il faut un peu songer aussi aux revenus du trésor, il ne faut pas sacrifier ainsi les recettes de l’Etat. Nous avons déjà, dans l’intérêt du port d’Ostende, supprimé le droit extraordinaire de tonnage qui s’y percevait ; et, pour ma part, j’ai consenti à cette suppression, parce que le droit dont il s’agissait ne me paraissait pas légalement établi ; mais ici je ne pense pas que le gouvernement doive sans examen renoncer au péage dont il s’agit, je pense au contraire que dans l’intérêt du trésor, il faut examiner la question de savoir s’il ne faut pas faire percevoir ce péage partout où l’on profite des feux dont nous sommes appelés à voter ici la dépense. Cette question se présentera du reste lorsque nous discuterons le budget des voies et moyens ; à une autre époque, l’on s’en est déjà occupé dans la discussion de ce budget en section centrale, et alors le gouvernement a donné les renseignements que vient de donner l’honorable M. Nothomb ; c’est ce qui a alors engagé la section centrale à proposer de maintenir la perception du droit dont il s’agit. Il ne serait certainement pas juste de continuer à le laisser peser sur le port d’Ostende seul, mais c’est au gouvernement à s’en expliquer lors de la discussion du budget des voies et moyens.
M. Devaux – Messieurs, il me semble qu’on raisonne comme s’il s’agissait d’un objet extrêmement important, comme s’il s’agissait de plusieurs centaines de mille francs, tandis qu’il est tout bonnement question de 9 ou 10 mille francs. Cela peut être considérable pour le port d’Ostende, mais on conviendra que pour l’Etat c’est peu de chose. S’il est prouvé qu’il y a injustice dans l’exception dont se plaint Ostende, certainement ce ne sera pas pour conserver à l’Etat un revenu de 9,000 francs qu’ l’on voudra maintenir cette exception. On dit qu’il faut marcher graduellement ; mais je crois, messieurs, que l’on pourrait supprimer le droit dont il s’agit sans encourir le reproche d’avoir marché trop vite, puisqu’on a attendu dix ans pour abolir le droit de tonnage extraordinaire.
M. Eloy de Burdinne – Je crois, messieurs, que nous ne devons pas supprimer ainsi une à une toutes les ressources de l’Etat ; on dit que c’est peu de chose, mais en définitive, à force de supprimer de petits revenus, il ne restera plus rien. Du reste, messieurs, je crois que les observations que j’ai à présenter à cet égard trouveront mieux leur place dans la discussion du budget des voies et moyens et je les ajournerai jusqu’à cette discussion.
- Le chiffre de 2,000 francs est mis aux voix et adopté.
« Art. 17. Entretien et réparation des hôtels, édifices et monuments de l’Etat : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Art. 18. Constructions nouvelles et travaux d’amélioration : fr. 48,000. »
La section centrale propose une réduction de 5,000 francs.
M. le président – M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je dois dire, messieurs, qu’en consentant à la réduction proposée, j’y suis conduit par des motifs de la plus stricte économie, car il résultera de cette réduction qu’un malheureux concierge au ministère des finances continuera à être logé avec sa famille d’une manière tout à fait incommode, pour ne pas dire inconvenante. Quoi qu’il en soit, je consens à la réduction pour faire preuve de bonne volonté relativement aux économies proposées.
M. Peeters, rapporteur – J’espère bien, messieurs, que M. le ministre pourra faire sur d’autres objets quelques économies qui lui permettront de loger plus convenablement ce concierge sans augmentation de crédit. Si je suis bien informé, il paraît que le concierge dont il s’agit est effectivement bien mal logé.
- Le chiffre de 43,000 francs est mis aux voix et adopté.
« Art. 19. traitement des ingénieurs et conducteurs. Frais de bureaux et de déplacement : fr. 465,000. »
La section centrale propose une réduction de 14,000 francs.
M. le président – M. le ministre se rallie-t-il à la réduction proposée par la section centrale ?
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, la section centrale a accordé les sommes rigoureusement nécessaires pour faire face aux besoins du personnel tel qu’il existait en 1840, mais en proposant une réduction de 14,000 francs elle enlève à l’administration tout moyen de faire aucune espèce de promotion dans le cours de l’exercice 1841. je reconnais, avec la section centrale, qu’il y a eu dans le courant de 1840 des promotions assez nombreuses et que de ce chef le budget a éprouvé une augmentation assez notable. Cependant, messieurs, il faut reconnaître aussi que les besoins des travaux publics vont chaque année croissant, qu’à mesure que les travaux s’exécutent la besogne des fonctionnaires des ponts et chaussées devient plus considérable. Ainsi, messieurs, pour cette année vous venez de donner une première extension aux travaux hydrauliques ; vous voulez qu’on commence l’amélioration de certaines rivières ; eh bien, messieurs, de l’application de ces principes, il résulte des obligations nouvelles pour les fonctionnaires des ponts et chaussées ; quelques-uns de ces fonctionnaires auront un surcroît de besogne, il faudra en outre faire ou des nominations nouvelles ou des promotions.
Cependant, comme il y a eu une augmentation de personnel assez considérable en 1840, je consentirai à réduire le crédit demandé primitivement de la moitié du montant de la réduction proposée par la section centrale ; je ferais porter cette réduction sur une partie des frais de route des fonctionnaires supérieurs. Je consens donc à une réduction de 7,000.
M. Peeters, rapporteur – La section centrale a pensé, messieurs, que si l’année précédente on a fait beaucoup de nominations, c’est précisément un motif pour ne pas en faire cette année. Elle a cru, d’ailleurs, que dans la situation actuelle de nos finances, le moment n’est pas opportun pour faire ces nouvelles nominations et qu’il fallait se borner au strict nécessaire ; elle a alloué le crédit accordé l’année dernière, ainsi que tout ce qui était nécessaire pour les promotions faites l’année dernière, et pour indemniser les élèves des écoles du génie détachés sur les travaux.
M. de Theux – Remarquez, messieurs, que la section centrale alloue la somme de 415,150 francs portée au budget précédent plus celle de 34,718 francs pour les promotions et nominations déjà faites, et celle de 1,132 francs pour indemnité aux élèves détachés aux travaux, ce qui fait une somme totale de 451,000 francs. La proposition de la section centrale présente donc une majoration sur le chiffre de l’année dernière de 35,850 francs.
Il semble que c’est une majoration très considérable sur un personnel déjà nombreux. Je sais qu’il y a beaucoup de travaux, mais l’on ne peut pas disconvenir que le chemin de fer est sur le point d’être achevé et que beaucoup d’études pour les voies navigables sont faites. Il me semble donc qu’il serait temps de s’arrêter dans les promotions, et l’on peut prévoir que dans quelques années il y aura lieu de diminuer le personnel du corps des ponts et chaussés, faute d’emploi.
M. Nothomb – Messieurs, il existe un arrêté du 26 juillet 1837, arrêté qui est cité, je pense, dans le rapport de la section centrale, mais sur lequel il importe d’appeler un moment l’attention de la chambre.
D’après cet arrêté, le traitement d’un ingénieur chargé d’un service spécial, le chemin de fer, par exemple, continue à être payé intégralement sur l’allocation affectée au personnel des ponts et chaussées, et l’on n’impute sur le crédit du chemin de fer que les indemnités et les frais de routes de l’ingénieur, à raison du service spécial don il est chargé.
Il n’en était pas de même avant cet arrêté ; avant cet arrêté, les ingénieurs appartenant, par exemple, aux travaux du chemin de fer (et ce sont surtout ceux-ci qui se trouvent en grand nombre), ces ingénieurs étaient intégralement payés sur la somme allouée pour la construction du chemin de fer.
Je m’explique plus clairement encore : un ingénieur faisant partie des ponts et chaussées est attaché aux travaux du chemin de fer ; il a, je suppose, un traitement de 5,000 francs ; ces 5,000 francs étaient alors imputés sur les fonds du chemin de fer ; dès lors, 5,000 francs devenaient disponibles sur la somme allouée pour le personnel des ponts et chaussées. C’est cet état de choses que l’arrêté du 26 juillet 1837 a fait cesser, et il fallait faire cesser cet état de choses, parce que le nombre des ingénieurs attachés aux travaux des chemins de fer étaient devenu trop considérable ; dès lors il se serait trouvé, lorsque les travaux du chemin de fer seraient venus à leur terme, et ce jour doit arriver, une masse d’ingénieurs dont les traitements auraient été en dessus de l’allocation pour le personnel des ponts et chaussées, et il y aurait eu en même temps impossibilité de les imputer sur le crédit du chemin de fer.
Cet arrêté du 26 juillet a donc donné le signale du retour vers l’état normal. Je dis ceci, sans qu’on puisse en déduire aucune conséquence défavorable pour qui que ce soit, car si avant cet arrêté on avait imputé l’intégralité des traitements sur les fonds du chemin de fer, c’est que les ingénieurs qui se trouvaient dans cette position spéciale n’étaient pas aussi nombreux qu’ils l’ont été depuis. Je dis ceci uniquement pour expliquer comment le chiffre pour le personnel des ponts et chaussées a dû nécessairement éprouver une augmentation.
Quant aux nomination que j’ai faites en 1840, je crois m’être renfermé dans les limites de l’allocation d’alors. Si je me suis trompé, chose que je n’ai pu vérifier, l’erreur sera due principalement à cette circonstance, que tel ingénieur qui aura obtenu une promotion et qui jusque-là était payé sur les fonds du chemin de fer, aura cessé, à partir du jour de sa promotion, d’être payé sur ces fonds, et que son traitement sera tombé à charge de l’ancienne allocation affectée aux ponts et chaussées.
Ainsi, je crois que la chambre doit mettre M. le ministre des travaux publics à même de rester dans l’état normal de faire rentrer complètement tous les ingénieurs, chargés de travaux spéciaux, dans le corps des ponts et chaussées, quant au traitement, de telle manière que lorsque les travaux du chemin de fer viendront à cesser, il ne se trouve pas un certain nombre d’ingénieurs pour les traitements desquels il n’existerait pas d’allocation.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, je croyais qu’en consentant à une réduction de 7,000 francs, je ne rencontrerais plus d’opposition de la part des membres de la section centrale. J’avoue que j’ai été même un peu surpris d’entendre un des deux membres de la section centrale qui ont pris la parole, combattre la proposition de l’allocation nouvelle des 7,000 francs. Cet honorable membre ne doit pas ignorer que l’augmentation considérable qui a eu lieu en 1840 n’est pas un fait de mon administration, mais un fait qui s’est passé pendant la sienne.
M. Nothomb – C’est moi qui suis l’auteur de ces augmentations ; M. de Theux avait-il décidément tous les ministères ?
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je n’ai pas à répondre à cette question. On peut apprécier différemment le degré d’influence dont M. de Theux jouissait dans le cabinet dont il faisait partie ; il ne s’agit pas de cela maintenant, je dis seulement que les nominations nouvelles ont eu lieu du temps de l’administration de l’honorable M. de Theux, mais je sais bien qu’elles sont le fait de l’honorable M. Nothomb.
Je suis donc, je le répète, un peu surpris de l’opposition que l’honorable M. de Theux fait à ma demande. Il ne doit pas ignorer que dans le service des ponts et chaussées, comme dans tous les services du monde, il y a chaque année des besoins nouveaux qui se révèlent, et auxquels il faut bien satisfaire, si l’on ne veut pas rester stationnaire. Je suis persuadé que lorsque l’honorable M. de Theux avait les travaux publics sous sa direction, il faisait chaque année des promotions et des nominations nouvelles, et qu’il pourvoyait à tous les besoins du personnel, comme aux autres besoins du service général.
Une des créations qui font le plus d’honneur à l’administration de l’honorable M. de Theux, est, suivant moi, la création d’une école du génie civil à Gand. Nous avons déjà eu l’occasion de lui rendre pleine justice à cet égard. Nous croyons que c’est une création des plus utiles. C’est là que se forme la pépinière de tous les ingénieurs et conducteurs des ponts et chaussées. Ces jeunes gens font de grands sacrifices de temps, et relativement à leur fortune personnelle, de grands sacrifices d’argent, pour courir la carrière souvent ingrate et toujours si difficile des ponts et chaussées. Chaque année, à la suite d’examens, il sort de l’école un certain nombre d’élèves, de la même manière qu’il sort des aspirants officies de l’école militaire. Si vous ne voulez pas éteindre toute émulation, si vous ne voulez pas porter la mort au cœur de l’école du génie civil qui est la partie la plus vivace de l’université de Gand, il faut laisser au ministre le moyen de rétribuer les fonctions nouvelles qu’il est appelé à donner aux élèves qui subissent leurs examens d’une manière satisfaisante et qui ont rempli toutes les conditions requises.
Si le gouvernement ne pouvait pas agir ainsi, non seulement il préparerait la ruine de l’école, mais il manquerait encore à tous ses engagements, car il y a une sorte de contrat entre l’Etat et les élèves de l’école. Eh bien, si l’on me renferme dans le crédit qui a été alloué pour 1840, il me sera impossible de faire des promotions parmi les élèves de l’école du génie civil : résultat que l’honorable M. de Theux ne doit pas plus vouloir que moi.
L’honorable M. de Theux a dit qu’il n’était plus nécessaire de faire des promotions, attendu que les travaux du chemin de fer touchaient à leur fin. Il n’en est pas tout à fait ainsi : les travaux du chemin de fer ne touchent pas encore à leur fin : 62 millions ont été dépensés pour le chemin de fer en exploitation ; la somme jugée nécessaire pour le complet achèvement étant de 125 millions, il y a dès lors 63 millions à dépenser en travaux qui doivent rester sous la surveillance de nos ingénieurs. Il n’est donc pas exact de dire que, sous ce rapport, les ingénieurs auront cette année moins à faire que les années antérieures. Leurs occupations seront toujours les mêmes, quant au chemin de fer, elles seront même augmentées par la construction de sections nouvelles ; de plus, outre la surveillance de toutes les routes pavées qui sont en construction ou qui sont exploitées, ils auront les études et la surveillance de nouveaux travaux hydrauliques dont vous venez de poser le principe dans le budget de 1841.
Dans le corps des ponts et chaussées, comme dans l’armée, il faut encourager le zèle, il faut donner une perspective aux divers officiers, il ne faut pas qu’ils se croient condamnés par le vote d’un budget à n’avoir aucun avancement, si même ils ont l’occasion de se distinguer.
Pour ne citer qu’un exemple, tout récemment, à la suite des inondations qui ont eu lieu dans la Flandre occidentale, un ingénieur et un conducteur m’ont été signalés comme s’étant conduits avec le plus grand dévouement. Le gouverneur m’a fait une proposition en faveur de ces deux fonctionnaires ; le rapport qui m’a été fait sur leru conduite m’a déterminé à leur accorder de l’avancement ; eh bien, il me serait impossible d’accorder cet avancement à deux hommes qui ont risqué leur vie au milieu des inondations, si le crédit de 1841 était absolument le même que celui de 1840.
Je n’en dirai pas davantage, il ne s’agit d’ailleurs que de 7,000 francs. J’ai consenti à une réduction de 7,000 francs par esprit de conciliation. J’espère que la majorité de cette chambre m’en saura bon gré et votera les 7,000 francs que je me borne à demander ;
M. Nothomb (pour un fait personnel) – Messieurs, je regrette que l’honorable préopinant, en citant certains actes d’administration, ait parlé de ces actes, comme s’ils appartenaient à un ministre autre que moi, qui étais chargé alors du département des travaux publics.
Je sais que c’est un parti pris d’attribuer une sorte d’omnipotence à M. de Theux, omnipotence politique d’alors, omnipotence qu’on rend même aujourd’hui administrative.
Je prétends que, lorsque j’avais l’honneur de faire partie du ministère précédent, j’avais toute mon indépendance administrative et politique. Je l’avais, comme l’honorable M. d’Huart, aujourd’hui absent, comme l’honorable M. Ernst, qui n’est plus membre de cette chambre ; et si MM. d’Huart et Ernst étaient ici, certes ils s’élèveraient contre ces tendances à introduire dans le langage parlementaire une qualification qu’il faut laisser à la polémique des journaux. (Mouvements d’assentiment).
Que diriez-vous si, à mon tour, m’emparant d’un nom propre, je venais ainsi désigner le ministre actuel ? Vous diriez que je manque aux usages parlementaires, que je veux semer l’irritation dans les esprits, que je porte atteinte à l’indépendance individuelle de chacun des ministres, eh bien, ce que vous ne voulez pas qu’on fasse pour le ministère actuel, ne le faites pas pour le ministère passé.
S’il me fallait une preuve d’indépendance de chacun des anciens ministres, je trouverais cette preuve, quant à moi, précisément dans cet arrêté du 26 juillet 1837, par lequel je revenais sur les actes de mon honorable prédécesseur.
Cet arrêté décide qu’à l’avenir les ingénieurs attachés au chemin de fer continueront à être payés sur le fonds des ponts et chaussées et ne le seront pas sur les allocations du chemin de fer, comme cela se pratiquait auparavant.
Je persiste à croire qu’il faut allouer au ministre la somme demandée pour continuer à faire droit à cet arrêté du 26 juillet 1837, pour ne pas être forcé de rentrer précisément dans les errements de mon prédécesseur, l’honorable M. de Theux. Par exemple, pour ce qui concerne les travaux hydrauliques que l’on va commencer, il faut que les ingénieurs qui seront chargés de ces travaux continuent à toucher tout leur traitement sur l’allocation des ponts et chaussées.
Les nominations que j’ai faites avant mon départ du ministère ont été faites par un concours de deux circonstances. Le budget avait été récemment voté ; les nominations étaient restées en suspens et les propositions du conseil des ponts et chaussées, qui se réunit en hiver, coïncidaient avec le vote récent du budget. Du reste, j’ai mis en cela une entière franchise, j’ai dit que je croyais être resté dans les limites de l’allocation, et que si je me suis trompé, c’est par l’effet de l’arrêté de 1837, qui a fait rentrer dans le corps des ponts et chaussées tous les ingénieurs qui se trouvaient en dehors et qui avaient obtenu des promotions.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je vous avoue, messieurs, que le ton que vient de prendre l’honorable préopinant m’a singulièrement surpris. En répondant l’honorable M. de Theux, je m’étonnais de voir qu’il s’opposât à une allocation, alors que cette allocation nouvelle est le résultat d’allocations beaucoup plus fortes qui avaient été portées au budget des travaux publics pendant son administration, c’est-à-dire sous le ministère dont il faisait partie.
Je serai très franc, messieurs, si j’avais à faire la guerre à l’honorable préopinant, à critiquer son administration, ce ne serait pas par des allusions étroites que je le ferais ; j’aborderais très directement et très franchement la question. Mon intention n’a donc pas été de vouloir faire entendre que l’honorable membre aurait subi le joug politique et administratif d’un chef quelconque de cabinet. Il a pu avoir une entière indépendance, je n’en sais rien, je n’ai pas à discuter cette question, je n’y ai pas le moins du monde pensé.
M. Nothomb – Pourquoi imputez-vous à M. de Theux des actes de mon administration ?
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je vous répète, messieurs, que si j’avais à vous critiquer, je le ferais, et si l’occasion s’en présentait, ce ne serait pas par de misérables allusions que j’attaquerais votre conduite politique.
L’honorable préopinant lui-même doit être en droit de s’étonner d’éprouver de la résistance de la part d’un ancien collègue, à une allocation qui n’a sa source que dans les actes posés par l’honorable M. Nothomb.
M. de Theux – En aucune manière.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je dis : Ou vous devez blâmer ce qui a été fait pendant votre administration ou vous devez accorder l’augmentation que je demande.
Du reste, j’attendrai que l’honorable M. de Theux nous vienne démontrer l’inutilité de l’allocation que je propose, et je me réfère aux observations données à l’appui par son ancien collègue, M. Nothomb.
M. de Theux – En combattant les nouvelles promotions qu’on voulait faire, j’ai rempli un devoir comme membre de cette chambre et comme membre de la section centrale. J’avoue que j’ai été quelque peu surpris d’entendre M. le ministre des travaux publics soutenir que je me trouvais en opposition avec un acte du ministère dont je faisais partie. Il m’avait été impossible de comprendre cette argumentation, mais je viens de la saisir. Elle est celle-ci : De ce qu’en 1840 il a été utile de faire des promotions, il faut qu’on en fasse encore en 1841. Il m’est impossible d’admettre cette conséquence, de ce qu’on aura fait des promotions en 1841, il faudra en faire en 1842, puis en 1843, et ainsi de suite jusqu’à la fin des siècles probablement. Si un pareil argument était logique, je ne sais plus où l’on s’arrêterait dans les dépenses des divers départements.
L’honorable M. Nothomb vous a expliqué, autant qu’il a pu, les majorations faites en 1840. Il vous a dit qu’il lui était impossible de donner des explications plus complètes, n’étant pas nanti des documents du ministère. Aussi, n’avons-nous fait aucune observation sur les nominations faites en 1840.
Véritablement j’ai été surpris de m’entendre imputer une espèce de responsabilité de ces nominations, car je ne pense pas que j’étais chargé de contrôler les imputations aux budgets de mes collègues, et des promotions que je supposais, dans les limites du budget, comme l’honorable membre le croyait lui-même.
Chaque année, dit M. le ministre, des besoins nouveaux viennent se faire sentir, chaque année des promotions doivent avoir lieu ; c’est précisément ce qui est en question, c’est de voir si des besoins nouveaux se font sentir. C’est ce que l’on n’a pas démontré. La section centrale a cru que la plus grande partie des travaux du chemin de fer étant achevée, que toutes les sections étant étudiées et même adjugées et en cours d’exécution, sauf quelques-uns qui ont très peu d’importance, on était sur le point de voir un excédant plutôt qu’un manque d’ingénieurs, cet argument m’a paru très logique, et a déterminé mon vote en faveur de la réduction.
On se fonde sur l’institution spéciale de l’école des ponts et chaussées. Il faut, dit-on, que les jeunes gens qui en suivent les cours aient une perspective d’avancement. Mais l’intention de cette chambre n’est pas de donner un traitement à tous les jeunes gens qui sortiront de l’école. Il faut qu’ils attendent qu’il y ait des vacances pour avoir un emploi. Si le ministre de la justice venait dire que, pour rendre les universités plus florissantes, il faut d’année en année créer de nouvelles places dans la magistrature, on lui répondrait que les candidats attendent qu’il se fasse une ouverture dans les rangs des magistrats. Si le ministre des finances venait vous dire qu’on admet des surnuméraires dans son département qu’il en est qui ont 10 et 15 ans de surnumérariat et qu’il faut créer pour eux de nouvelles places, vous répondriez de même, qu’ils doivent attendre qu’il y ait des vacances. Vous voyez où conduit une semblable argumentation.
L’honorable M. Nothomb vous a entretenus de l’arrêté du 28 juillet 1837, par lequel il a cru, pour plus de régularité, devoir faire rentrer le personnel du chemin de fer, dans le personnel général des ponts et chaussées. Je tiens à expliquer pourquoi il n’en était pas ainsi antérieurement. Le projet du chemin de fer avait été étudié par MM. Simons et de Ridder, ils ont été nommé directeurs de cette administration. Ces deux ingénieurs étaient chargés seuls, dans le principe, de l’exécution du chemin de fer. La conséquence naturelle de la direction spéciale était de hâter les travaux qui auraient moins avancés dans le commencement, si les projets avaient dû passer par le contrôle du conseil des ponts et chaussées. Le personnel du chemin de fer se trouvait de cette manière payé sur les fonds spéciaux de l’entreprise, conformément à la loi du 1er mai 1834, qui a voulu que tous les frais fussent couverts par les recettes spéciales. Voilà pourquoi dans les premières années, il y a eu une direction spéciale et un personnel spécial, pour le chemin de fer. Je dirai, d’ailleurs, que la nomination de MM. Simons et de Ridder, comme directeurs, avait été contresignée par M. Rogier, en 1834 ; peu de jours avant de quitter le ministère. Cet acte, je l’ai maintenu, parce que j’ai cru dans le cours de mon administration, de 1834 à 1837, qu’il y avait utilité à en agir ainsi. Plus tard mon successeur a pensé qu’il y avait lieu de faire rentrer l’administration du chemin de fer dans l’administration générale des ponts et chaussées. La différence des circonstances a été cause de la différence des mesures.
Pour revenir au point en discussion, le seul point à examiner, celui de savoir s’il y a nécessité de faire de nouvelles promotions, la section centrale a pensé que cette nécessité n’était pas démontrée ; et comme on n’a fourni aucun renseignement pour nous donner une conviction contraire, je persisterai dans mon vote.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – L’honorable préopinant n’a pas répondu d’une manière très pertinente à mes observations sur les élèves sortant de l’école du génie civil. Ou j’ai mal compris le but de cette école, ou je l’ai bien compris. Si je l’ai bien compris, elle a été établie pour que le service public puisse y recruter des jeunes gens instruits, laborieux et capables. Alors il faut que les moyens de prendre de tels jeunes gens au service de l’Etat soient fournis à l’administration. Si j’ai bien compris le but de l’école, je pense qu’on ne peut pas refuser l’allocation nouvelle que je demande, sans se mettre en opposition avec ce but. Si au contraire j’avais mal compris le but de cette institution, si on ne lui avait pas donné la portée que je lui attribuais, je le regretterais pour son honorable auteur, et je me hâterais de supprimer l’éloge que je lui adressai de ce chef.
Suivant l’honorable préopinant, l’école du génie civil à Gand serait une sorte de faculté où l’on viendrait faire des études pour être ingénieur civil, comme on en fait pour être avocat ou médecin. Je crois qu’en principe l’école de génie civil doit être tout autre chose ; et je crois qu’en fait elle est tout autre chose ; que si on y forme des ingénieurs pour des établissements particuliers, on en forme surtout pour les services publics. C’est toujours ainsi que j’ai compris la création de cette école. Si tel doit être le but de l’école de Gand, vous ne pouvez vous refuser à fournir aux élèves qui en sortent, suivant la mesure des besoins, le moyen d’entrer dans le corps des ponts et chaussées.
L’an dernier, plusieurs de ces jeunes gens ont passé leurs examens avec distinction ; ils n’ont pas été reçus définitivement. Refuser la somme demandée, c’est les détourner de la carrière publique, pour les faire entrer dans les services privés. Par là, le gouvernement se prive de sujets qui peuvent lui être très utiles ; car, dans les ponts et chaussées comme dans l’armée, c’est surtout des hommes les plus jeunes et les plus vigoureux qu’on doit attendre les plus grands services.
Je ne crains pas de dire que l’adoption de la réduction proposée pourrait produire l’impression la plus fâcheuse sur les élèves de l’école de Gand. Déjà, c’est à mon grand regret que je n’ai pu admettre définitivement plusieurs élèves distingués qui ont subi leurs examens dans le cours de 1840. Ces élèves font de grands sacrifices ; pendant plusieurs années, ils dépenses leurs temps et une partie de leur patrimoine, dans l’espoir d’entrer au service de l’Etat. Si vous ne donnez pas au gouvernement le moyen de rémunérer leurs services, vous allez jeter le découragement dans toute l’école de Gand.
On vient de dire que, parce qu’il y avait eu des promotions en 1840, ce n’était pas un motif pour qu’il y en eût en 1841. Non sans doute. S’il y a eu beaucoup de promotions en 1840, c’est un motif pour qu’il y en ait peu en 1841, mais ce n’est pas un motif pour qu’il n’y en ait pas du tout.
Je vous ai cité une circonstance où il est urgent d’en faire. Deux ingénieurs se sont distingués d’une manière toute particulière, dans un cas tout particulier. Voilà une circonstance où il faut pouvoir faire une promotion, circonstance où l’honorable préopinant en ferait lui-même ; je ne le mets pas en doute.
Ce qu’on vous demande, ce n’est pas de consacrer des promotions nouvelles ; c’est la possibilité de faire des promotions. Ce n’est qu’un crédit dont on usera selon les besoins. Si le besoin de nouvelles promotions ne se faisait pas sentir, on n’userait pas du crédit. Mais n’empêchez pas que l’on puisse faire les promotions qui seraient nécessaires. Il ne s’agit que de 7,000 francs. J’ai consenti à réduire de moitié la proposition primitive. Je ne m’attendais pas à ce que cette proposition fût contestée ; je ne m’attendais pas à voir discuter aussi longtemps une augmentation de 7,000 francs que je regarde comme indispensable.
M. Demonceau – La question qui divise le ministère et la section centrale n’est pas très importante, eu égard à la somme qu’il s’agit d’allouer ou de ne pas allouer. Mais lorsque j’entends M. le ministre des travaux publics poser en principe que, parce que des élèves ont achevé leurs études à l’école du génie civil de Gand, l’Etat leur doit un traitement, je dis que ce principe qu’il ait été posé par M. de Theux, M. Nothomb, M. Rogier ou par qui que ce soit, ne peut, en aucune manière, avoir mon assentiment ni le vôtre.
Il faut sans doute que tous les élèves admis dans nos établissements d’instruction trouvent le moyen d’utiliser leurs études. Mais il ne faut pas de privilège. Ce serait concéder un privilège que de donner aux élèves de l’école du génie civil de Gans un droit absolu à un emploi. S’il en était ainsi pour les élèves de Gand, il devrait en être de même pour les élèves de l’école des mines de Liége.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Il en est de même.
M. Demonceau – S’il en est ainsi, je proteste encore une fois.
Je ne m’étonne pas alors que les écoles spéciales soient si fréquentées. C’est parce qu’on croit que quand on a achevé ses études dans ces établissements, on a un droit acquis à un emploi. Voyez la statistique de nos universités ; les élèves qui se destinent aux hautes études sont peu nombreux.
C’est dans les écoles spéciales que les jeunes gens affluent. Eh bien, je tiens à ce que ces élèves sachent que je ne leur reconnais pas de droit absolu à un emploi. En effet, s’il en était ainsi, vous devriez reconnaître aux élèves des écoles de droit un droit à entrer dans la magistrature et aux élèves en médecine un droit à entrer dans le service de santé de l’armée. Où voulez-vous donc nous conduire ?
Pour moi, il ne s’agit ni de 7,000 francs, ni de 14,000 francs, mais du principe. Faut-il 14,000 francs de plus pour faire des promotions qui seraient nécessaires cette année dans l’intérêt du service ? J’y consentirai, mais non parce qu’il y aurait des droits acquis, mais lorsque la nécessité de nouvelles promotions sera démontrée.
M. de Mérode – Je voulais dire, en grande partie, ce que vient d’exposer l’honorable préopinant. Je n’admets pas que, parce qu’on a établi une école, ses élèves doivent nécessairement être placés ; car je suis persuadé que vous pourriez faire dix fois plus d’ingénieurs que vous n’en voulez. Grâce au zèle avec lequel les études se dirigent vers cette partie, vous ne manquerez jamais de sujets capables, très aptes à être ingénieurs.
On a cité l’école militaire. Mais je ne comprendrais pas non plus que l’admission à l’école militaire donnât un droit à être placé, comme officier dans l’armée, alors même qu’il n’y aurait pas d’emplois vacants. Ce serait un principe très dangereux.
Loin de faire de nouvelles promotions dans le corps des ponts et chaussées, il faut tâcher de restreindre le nombre des ingénieurs, parce que ces grands travaux ne peuvent continuer. Nous ne pouvons toujours faire des emprunts de 100 millions comme nous en avons fait depuis un certain temps. Il est essentiel que le ministre fasse connaître aux élèves qu’il ne peut donner d’emplois tant que les besoins du service ne l’exigent pas.
M. de Theux – Vous aurez remarqué que la section centrale alloue l’indemnité aux élèves de l’école spéciale de Gand, lorsqu’ils sont détachés pour faire leur apprentissage sur les lieux où se font les travaux. Cette indemnité n’a pas été contestée à la section centrale ; il y a eu unanimité pour l’accorder. Mais il y a une grande différence entre ces indemnités et des promotions comme conséquence de l’achèvement des études à l’école spéciale de Gand. Les promotions, nous ne pouvons les admettre d’une manière absolue. Nous admettons que lorsqu’il y a dans le corps des ponts et chaussées des vacances par mise à la retraite ou par décès, on puisse donner la préférence aux élèves de l’école du génie civil de Gand. C’est déjà un grand avantage d’être de droit signalés à l’administration, lorsqu’on a reçu, aux frais de l’Etat, une éducation brillante.
Indépendamment des services publics, auxquels ces élèves peuvent aspirer, dès le premières places vacantes, il y a les carrières privées. Il s’exécute beaucoup de travaux par concession. Ces élèves peuvent se présenter partout où leurs talents seront réclamés par les besoins du service. Mais je ne crois pas qu’on puisse admettre comme principe absolu que les élèves de Gand aient droit à être placés dans un service public, dès qu’ils ont achevé leurs études.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) –On n’a pas dit cela.
M. de Theux – Si ce n’est pas un principe absolu, reste la question d’utilité pour les besoins du service. Si cette utilité nous avait été démontrée, nous n’aurions pas hésité à accorder la somme entière, comme nous avons accordé les autres sommes dont l’utilité nous a été démontrée.
M. Nothomb – Quand j’ai demandé la parole, c’était pour répondre à l’honorable M. Demonceau, qui me semblait croire que les écoles du génie civil à Gand, et des mines à Liége, étaient instituées de manière à exclure de l’admission aux fonctions d’ingénieur des ponts et chaussées et des mines tous ceux qui sont étrangers à ces deux écoles. L’honorable M. Demonceau est complètement dans l’erreur. Ces écoles sont organisées de manière qu’aux examens devant le conseil des ponts et chaussées qui subsistent toujours, on admet les élèves des autres établissements aussi bien que ceux de l’école du génie civil de Gand. Il n’y a donc ici aucune exclusion ; on a respecté le principe de l’admissibilité aux fonctions publiques et le principe de la liberté d’enseignement.
Ce que M. le ministre des travaux publics vous a dit peut se réduire à des termes extrêmement simples. Il vous a dit :
« La somme que la section centrale vous propose d’allouer est absorbée. »
Et il vous demande 7,000 francs pour avoir quelque latitude en 1841, pour faire quelques nominations.
« Si vous me refusez ces 7,000 francs, vous dit-il, l’allocation principale étant absorbée, je serai dans l’impossibilité de faire une nomination quelconque. Je ne pourrai faire aucune promotion parmi les élèves qui pourraient sortir cette année de l’école du génie civil de Gand. »
Il n’y a là rien d’absolu. Il n’y a pas d’idée arrêtée chez le ministre des travaux publics de faire des promotions parmi les élèves de l’école du génie civil de Gand, plutôt que parmi ceux des autres établissements. Il veut seulement ne pas être dans l’impossibilité de faire quelques nominations. Il veut aussi (et chacun approuvera cette sollicitude pour l’école du génie civil de Gand) qu’on ne dise pas à Gand, après le vote du budget :
« Il est impossible de compter sur une nomination pour cette année. Le budget a posé des limites telles que nous ne pouvons espérer voir sortir cette année un sous-ingénieur de nos rangs. »
C’est là ce qu’on ne doit pas dire à Gand. Des appréhensions semblables jetteraient le découragement dans l’école du génie civil de Gand et même dans tous les établissements où l’on forme des ingénieurs.
C’est, messieurs, la portée qu’il faut donner au langage du ministre, et lui-même a expliqué ainsi les paroles.
Je crois donc qu’il faut allouer cette somme de 7,000 francs ; je crois même que le ministre devra chercher à augmenter la somme disponible ; par exemple, s’il est possible et si on peut le faire sans injustice, par l’admission à la retrait d’un ou de deux anciens ingénieurs.
De cette manière il augmentera la somme disponible ; sinon, je craindrais beaucoup qu’elle fût insuffisante.
M. Demonceau – Messieurs, je me suis mal exprimé ou l’honorable M. Nothomb m’a mal compris. Je n’ai pas dit qu’il y avait préférence pour les élèves de l’école de Gand ou de l’école de Liége, mais j’ai dit que je ne leur reconnais pas des droits acquis à obtenir un emploi de l’Etat, par cela seul qu’ils auraient fait leurs études, soit à l’école civile de Gand, soit à l’école des mines à Liège. Qu’on choisisse parmi eux les employés nécessaires au service, cela m’est indifférent ; mais qu’ils aient des droits à l’exclusion d’autres, c’est ce que je n’admets pas. Du reste, vous aurez beau expliquer les paroles de M. le ministre, il est un fait certain, c’est qu’il a avancé que les arrêtés qu’il a cités constituent pour ces élèves un droit d’obtenir des emplois à charge de l’Etat. C’est contre cette théorie absolue que je me suis élevé.
Je ne refuserai pas à M. le ministre la somme demandée, si elle est nécessaire, mais je ne sais comment il l’a justifiée. Et puisque j’ai la parole, je m’expliquerai un peu sur la manière dont l’article en discussion est appliqué.
J’ai cherché à savoir ce que coûtaient les ingénieurs du chemin de fer ; j’ai cherché également à savoir ce que coûtent les ingénieurs des ponts et chaussées, et j’avoue que, malgré tous mes calculs, je n’ai jamais su ce qu’ils gagnaient, parce qu’ils reçoivent une somme sur l’allocation portée au budget, et que nous discutons en ce moment, et une autre somme sur celle affectée au service du chemin de fer.
Le gouvernement ferait bien, je pense, de nous expliquer comment il procède lors de la discussion relative au chemin de fer. Quant à moi, je n’y vois pas clair du tout.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, je persiste à dire que le gouvernement manquerait à ses engagements vis-à-vis des écoles de l’école du génie civil, à Gand, comme vis-à-vis des élèves de l’école des mines, à Liége, si, au sortir de leur études, il ne leur donnait pas une chance presque certaine d’entrer dans le corps des mines ou dans le corps des ponts et chaussées.
Je persiste à dire que le gouvernement manquerait à ses engagements ; et soutenir le système contraire, c’est détruire par la base les arrêtés d’organisation des écoles des mines et du génie civil.
Pourquoi ces écoles ont-elles été fondées ? Voici ce que dit l’article premier de l’arrêté d’organisation :
« Les études préparatoires des universités de l’Etat sont particulièrement destinées à former des candidats pour les écoles spéciales du service public et d’arts industriels. »
Ainsi, messieurs, ces écoles ont été instituées pour y recruter des conducteurs et des ingénieurs. C’est une carrière que vous avez ouverte à un certain nombre de jeunes gens. Ils entrent dans cette carrière sur la foi de votre propre arrêté, et au sortir de cette carrière vous leur refusez une chance d’être placé.
Je dis que c’est manquer à vos engagements ; je dis que ces arrêtés vous les détruisez par la base et que ces éloges qu’on vous a donnés vous ne les méritez pas.
Ai-je dit qu’il fallait donner des places à tous les élèves, n’y en eût pas de vacantes ? Non certainement. J’ai dit qu’il fallait les placer suivant les besoins du service, mais surtout qu’il ne fallait pas mettre le ministère dans l’impossibilité de les placer du tout.
Voilà ce que j’ai dit, ce que je soutiens ; et, je le répète, on aura beau me contredire, refuser à l’administration les moyens d’accorder éventuellement un traitement aux élèves de l’école du génie civile de Gand, c’est détruire par la base l’arrêté d’organisation de cette école, c’est manquer aux engagements de l’Etat.
Pour ma part, je ne veux pas m’associer à un pareil système. C’est pourquoi je soutiens avec une nouvelle force le crédit demandé.
M. le président – Messieurs, le crédit primitivement demandé était de 465,000 francs ; la section centrale propose sur le chiffre une réduction de 14,000 francs. M. le ministre ne consent qu’à une réduction de 7,000 francs, de manière que la somme qu’il réclame s’élève à 458,000 francs. C’est ce dernier chiffre que je vais mettre aux voix. (L’appel nominal !)
- Il est procédé au vote par appel nominal ; le chiffre de 458,000 francs est rejeté par 30 voix contre 29.
Ont voté contre : MM. Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Langhe, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Potter, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Theux, Doignon, Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Lejeune, Morel-Danheel, Peeters, Raikem, Scheyven, Simons, Ullens, Vandensteen, Wallaert.
Ont voté pour : MM. Angillis, Berger, Cools, David, de Behr, Delfosse, Devaux, d’Hoffschmidt, Dubois, Dumont, Fleussu, Jadot, Lange, Lebeau, Liedts, Lys, Mercier, Nothomb, Pirmez, Puissant, Rogier, Sigart, Troye, Van Cutsem, Vandenhove, Van Volxem, Verhaegen, Zoude et Fallon.
Le chiffre de 451,000 francs proposé par la section centrale est adopté.
La séance est levée à 4 heures et quart.