(Moniteur belge n°40 du 9 février 1841)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les membres du conseil communal d’Otrange (Limbourg) demandent le payement de prestations militaires forcées faites à l’armée hollandaise en 1831. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les indemnités.
« Le sieur Pierre-François-Léopold Villers, né à Malmedy (Prusse), et habitant la Belgique depuis 1825, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
M. de Perceval écrit à la chambre pour l’informer qu’une indisposition l’empêche d’assister à la section centrale.
- Pris pour information.
Il est fait hommage à la chambre par M. Ch.-Hippolyte Vilain XIIII, ancien membre du congrès et de la chambre des représentants, d’un exemplaire de l’ouvrage intitulé : « Mémoire sur les moyens de corriger les malfaiteurs et les fainéants, etc. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. Dechamps (pour une motion d’ordre) – Messieurs, le rapport sur le budget de la guerre nous a été présenté il y a quelques jours. La section centrale, d’accord avec M. le ministre de la guerre, propose d’allouer au département de la guerre un crédit global de 25 millions de francs pour 10 mois, ce qui revient à 30 millions par année. Dans la motion d’ordre que je vais avoir l’honneur de soumettre, je ne veux nullement préjuger cette question ; lorsque la discussion viendra, la chambre aura à peser les avantages et les inconvénients de ce système, mais je vois dans le rapport de la section centrale qu’elle s’est livrée à la discussion des articles du budget et que la majorité s’est prononcée pour diverses réductions possibles. Ce travail préparatoire terminé, la section centrale s’est occupée de la proposition d’allouer un crédit global, proposition qu’elle a ensuite soumise à la chambre. Mais M. le rapporteur de la section centrale ne nous a pas communiqué la partie de son travail qui est relative à la discussion des détails du budget ; cependant, si j’en juge par la dernière phrase du rapport, cette partie doit être prête. Or, messieurs, si la section centrale a cru nécessaire d’entrer dans les détails du budget pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause sur la hauteur du crédit global qu’elle nous propose d’allouer, la chambre se trouve dans la même position ; si le travail dont il s’agit ne nous était pas communiqué avant la discussion, nous serions sans éléments de conviction. La discussion devra nécessairement porter d’abord sur le principe et en second lieu sur la hauteur du chiffre. Comme nous le voyons par le rapport, la section centrale voulait d’abord proposer d’allouer 29 millions ; elle s’est ralliée ensuite au chiffre de 25 millions pour dix mois, proposé par M. le ministre de la guerre. Pour se prononcer à cet égard, la section centrale possédait tous les éléments de conviction, puisqu’elle connaissait les détails du budget ; la chambre doit nécessairement être mise dans la même position. Je demande donc qu’avant la discussion de la proposition de la section centrale, M. le rapporteur veuille bien nous soumettre, à titre de renseignement, la partie de son travail qui concerne les détails du budget.
M. de Puydt, rapporteur – La chambre a pu se convaincre par la lecture du dernier paragraphe de mon rapport, que la section centrale s’est livrée en effet à l’examen des détails du budget, mais comme elle a conclu à ce qu’il soit voté un crédit global provisoire, elle n’a pas jugé convenable de faire figurer ces détails dans le rapport. Cependant elle a prévu le cas où la chambre jugerait utile de les réclamer ; c’est pour cela que le dernier paragraphe du rapport fait connaître que ce travail est prêt. Si donc la chambre juge convenable de faire imprimer les détails dont il s’agit, je suis à même de les produire.
M. Dubus (aîné) – J’insiste sur la motion faite par l’honorable M. Dechamps. Il ne s’agit que d’ordonner l’impression d’un travail qui éclairera la chambre et qui est prêt.
- L’impression est ordonnée.
M. Zoude monte à la tribune et fait, au nom de la section centrale, le rapport suivant – Messieurs, j’ai l’honneur de présenter à la chambre le rapport sur les divers amendements qu’elle a renvoyés à la section centrale des pensions.
Je commencerai par les plus anciens en date : ce sont d’abord ceux de MM. les ministre des finances et Kervyn, relatifs à la cour des comptes.
Cette cour, messieurs, est la seule magistrature qui reçoive son mandat direct de la chambre ; sa mission est de surveiller l’emploi des fonds que la législature met à la disposition du gouvernement ; elle est la sentinelle que vous avez placée près du pouvoir ; elle doit garantir que les dépenses n’ont d’autre destination que celle que la volonté des chambres a exprimée dans la loi des budgets ; et si vous avez reconnu aux ministres, agents immédiats du pouvoir exécutif, le droit à la pension, la section centrale croit qu’il doit en être de même pour les magistrats que vous avez placés en surveillance près d’eux.
Mais, comme vous avez exigé des ministres deux années d’exercice de leurs fonctions, la section centrale croit aussi devoir imposer la condition que les conseillers de la cour des comptes aient subi l’épreuve de deux élections ; or la durée de chaque terme étant de six ans, elle vous propose de n’accorder de droit à la pension qu’à ceux qui, par une deuxième élection, auront reçu un nouveau témoignage de confiance de la chambre.
Cependant, s’il en était qui auraient dû se retirer plus tôt parce qu’ils se seraient trouvés dans les cas prévus par les articles 11 et 12, ils pourront en réclamer l’application. Il en serait de même pour les services qu’ils auraient rendus en d’autres qualités.
En conséquence, la section centrale, modifiant les amendements proposés par MM. le ministre des finances et Kervyn, a l’honneur de vous proposer la disposition suivante, qui serait insérée entre les articles 12 et 13 nouveaux :
« Le membre de la cour des comptes, qui a au moins 12 années de service en cette qualité, peut, indépendamment des cas prévus ci-dessus, faire valoir ses droits à la pension, s’il cesse de faire partie de ce corps par suite de non réélection. »
Amendement de M. Delfosse à la deuxième partie de l’article 13
La section centrale ne méconnaît pas ce qu’il pourrait y avoir de juste dans la pensée de l’auteur de l’amendement, mais elle trouve de l’inconvénient à changer la base adoptée de 1/60, et puis la réduction de l’âge est déjà une faveur à laquelle l’adoption de l’amendement ajouterait encore, et si on l’admettait, on devrait également l’appliquer aux articles 11 et 12. Cette considération, que l’admission de l’amendement pourrait mettre cet article en contradiction avec d’autres déjà adoptés, a déterminé le rejet, prononcé à l’unanimité.
Amendement à l’article 14
M. le ministre des finances a proposé d’ajouter après les mots : par suite de blessures reçues, ceux-ci : « ou d’accidents survenus. »
La section centrale ne s’est pas dissimulé que l’expression d’accidents survenus pouvait s’appliquer à des actes de témérité ou d’imprudence, qui n’auraient aucun rapport au service ; cependant elle a adopté l’amendement, dans la confiance que le gouvernement fera la part de l’accident résultant réellement de l’exercice du service.
Amendement de M. Delfosse à l’article 14
Il est ainsi conçu : « Dans le cas de l’article 14, paragraphe 2, le minimum de la pension à accorder sera payé au sixième du traitement qui s’augmentera pour chaque année de 1/60. »
Cet amendement a reçu l’assentiment de la section centrale, qui y a vu une application plus équitable de la loi ; en effet, le projet ne distinguait pas l’employé d’un jour, auquel l’accident serait survenu, de celui qui aurait déjà servi l’Etat pendant près de 10 ans.
Cet amendement se trouve d’ailleurs d’accord avec ce que propose le gouvernement pour l’employé qui aurait 10 ou 20 ans de service.
Dans le premier cas, le gouvernement accorde 1/3, c’est aussi ce que l’amendement propose, savoir : 1/6 pour blessures, etc., et 10/60 pour les 10 ans, ce qui revient au même chiffre 1/3.
Pour 20 ans, le gouvernement accorde ½, et l’amendement proposant 1/6 pour blessures et 20/60 pour 2 ans, atteint également le chiffre de ½.
Par ces considérations, la section propose la rédaction de l’article 14 comme suit :
« Pourra obtenir une pension, quels que soient son âge et la durée de ses services, tout magistrat, fonctionnaire ou employé qui par suite de blessures reçues ou d’accidents survenus dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, aura été mis hors d’état de les continuer et de les reprendre ultérieurement.
« Cette pension sera de 1/6 du dernier traitement, augmenté de 1,60 pour chaque année de service antérieur.
« Toutefois, le 1/6 pourra être porté au 1/3 en sus des années de service, quand le titulaire, victime de l’accident, aura donné à cette occasion des preuves d’un courage et d’un zèle extraordinaires. »
Article additionnel proposé par M. le ministre des finances
Les motifs qui ont déterminé l’adoption des articles 6, 7 et 8 en faveur des ministres qui seront en fonctions au moment de la publication de la loi, ont paru à la section centrale, devoir être plus applicables encore à ceux qui les ont devancés dans cette carrière, qui a été d’autant plus laborieuse, qu’elle se rapprochait davantage du berceau de la révolution.
On connaît en effet les nombreux écueils dont notre liberté naissante était entourée, l’énergie, la prudence et le dévouement surtout qu’il a fallu pour conduire le vaisseau de l’Etat à travers les périls qui nous menaçaient de toute part.
Il a fallu tout créer à la fois, organiser le pouvoir, imprimer une marche régulière à l’administration, éviter les pièges qui étaient tendus partout, surveiller les ennemis du dedans et du dehors, faire excuser pour ainsi dire notre révolution aux yeux de l’Europe et conquérir sa sympathie.
Tout ce qui a été fait, et n’en accusons pas le pays, car au début d’une révolution, les hommes sont les mêmes partout, la reconnaissance publique a été rarement leur récompense ; dans cette enceinte même, nous avons parfois ajouté à l’amertume dont ils étaient abreuvés.
Enfin, messieurs, pour nous servir d’une expression vulgaire, mais vraie, pour ceux-là ont été les épines, les roses pour ceux à venir.
Nous résumant, nous disons que la section centrale, à l’unanimité des membres présents, a voté l’article additionnel, qui sera placé en tête des dispositions transitoires ; il est ainsi conçu :
« Les ministres qui ont été à la tête d’un département après le 23 septembre 1830 pourront se prévaloir des dispensations des articles 6, 7 et 8 de la présente loi, dans les cas prévus par ces articles. »
- La chambre décide que le rapport sera imprimé et distribué, et qu’elle s’occupera demain de la discussion des amendements, sur lesquels porte ce rapport.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, il m’a paru résulté des opinions émises dans le cours de la discussion de la loi des pensions, que l’on est généralement d’accord sur le principe de l’admission à la pension des fonctionnaires, en ce qui les concerne personnellement. Il m’a paru aussi, qu’en général, on a reconnu la nécessité d’accorder des pensions aux veuves et orphelins des fonctionnaires, mais relativement à ces derniers. Quelques membres se sont préoccupés de la crainte qu’il n’en résulte pour le trésor une charge trop lourde. Pour dissiper cette crainte le gouvernement vient vous présenter des amendements qui ont pour objet de retrancher de la loi tout ce qui concerne les retenues et les pensions des veuves et des orphelins, sauf à établir pour chaque département ministériel une caisse de veuves et orphelins, moyennant une retenue à effectuer sur le traitement des fonctionnaires ; toutefois la loi devra renfermer le principe en vertu duquel il serait formé des règlements d’administration publique, établissant ces retenues et déterminant les conditions d’admissibilité, comme le taux des retenues.
Voici, messieurs, les amendements que je crois devoir vous présenter à cet égard :
« Art. 1er. La caisse de retraite des employés du département des finances et de l’administration des postes sera supprimée, à compter du 1er avril 1841.
« L’actif de cette caisse sera acquis au trésor, envers qui elle sera libérée des sommes qu’elle pourrait lui devoir. »
« Art. 2. A partir de la même époque, le service des pensions de retraite inscrites sur ladite caisse et des pensions qui seront accordées en exécution de la présente loi, sera à la charge du trésor public. »
Les articles 3, 4 et 5 seraient supprimés au titre 1er.
Titre II du chapitre III – Pensions des veuves et enfants
Les articles 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26 seraient remplacés par les dispositions suivantes :
« Art. Il sera créé, dans chaque département ministériel, des caisses ou fonds de pensions, au profit des veuves et orphelins des magistrats, fonctionnaires, employés et ministres des cultes qui admettent le mariage pour les ministres. »
« Art. Le revenu de ces caisses se composera :
« 1° D’une retenue qui ne pourra être inférieure à 2 p.c. ni excéder 5 p.c. sur tous les traitements, sur les ¾ des remises et sur les émoluments alloués pour des fonctions susceptibles de conférer des droits à la pension, en vertu de la présente loi ;
2° D’une retenue de moitié du premier mois de tout traitement, remises et émoluments pour fonctions conférées à l’avenir ;
3° D’une retenue, pendant le premier mois, de toute augmentation de traitement, émoluments et remises ;
4° Des retenues déterminées par les règlements d’administration, pour cause de congé, d’absence ou de punition, attribuées aux caisses actuellement existantes ;
5° De parts dans les produits des amendes, saisies et confiscations ;
6° D’une retenue extraordinaire de 1 ½ p.c. sur le traitement des employés qui ont des services militaires faire valoir pour la liquidation éventuelle de la pension de leurs veuves ou orphelins ;
7° De telle subvention extraordinaire à charge des employés que les pensions de la caisse de retraite pourraient rendre nécessaire. »
« Art. En aucun cas et à aucune époque, il ne pourra être alloué, à quelque titre que ce soit, de secours ou subvention aux caisses ou fonds de pension dont la formation est prescrite par l’article … »
« Art. Des arrêtés royaux, insérés au Bulletin officiel, détermineront :
« 1° Le taux de la retenue mentionné au n°1 de l’article … et le maximum du montant de cette retenue ;
« 2° Les conditions d’admissibilité des veuves ou orphelins à la pension et les bases d’après lesquelles elle sera établie ;
« 3° L’administration et la gestion des fonds de pension des veuves et orphelins. »
Par suite de ces dispositions, il y a lieu de supprimer à l’article 15, 6 1er, les mots qui suivant : « une rétribution sur les fonds du trésor. »
Le § 2 du même article doit être remplacé par la disposition suivante : « Il en sera de même des services militaires. »
Les articles 34, 35, 36 et 37, relatifs aux pensions des veuves des ministres des cultes qui autorisent le mariage pour les ministres, seront supprimés.
L’article 41 doit être modifié comme suit :
« La jouissance de pensions accordées aux fonctionnaires, magistrats et employés court du jour de la cessation du traitement d’activité.
« Les pensions qui viendraient à cesser, soit par suite du décès, soit par toute autre cause, seront intégralement payées pour le mois courant. »
Il y a lieu de supprimer à l’article 42 les mots : « ou de réversion de pension », et à l’article 43, ceux : « ou à la réversion. » Devraient également être supprimés le «§ 2 de l’article 45 et l’article 54 ; enfin, à l’article 57, il faudra effacer le mot « supplémentaire. »
Plusieurs voix – Le renvoi à la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Oui, oui !
- Le renvoi à la section centrale est ordonné.
M. le président – Nous nous occuperons maintenant des amendements compris dans le rapport de la section centrale qui a été distribué. Nous avons d’abord l’amendement de M. Kervyn modifié par M. le ministre des finances et qui est relatif aux membres de la cour des comptes. La section centrale propose la rédaction suivante :
« Le membre de la cour des comptes, qui a au moins 12 années de service en cette qualité, peut, indépendamment des cas prévus ci-dessus, faire valoir ses droits à la pension, s’il cesse de faire partie de ce corps par suite de non réélection. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je me rallie à la proposition de la section centrale.
M. Desmet – Je ne pourrai pas donner mon assentiment à l’amendement concernant les membres de la cour des comptes. Si nous allons donner des pensions aux membres de cette cour, je ne vois pas de raison pour que nous n’allouions pas des pensions aux membres de la chambre des représentants. C’est absolument le même cas. Je pourrais concevoir qu’un membre de la cour des comptes demande la pension, parce qu’il n’est plus valide ; mas ici on lui accordera la pension, parce qu’il n’a pas été réélu : c’est ce qui me paraît inconcevable. C’est pour cela que je voterai contre l’amendement.
M. de Garcia – Messieurs, dans une séance précédente, j’ai eu l’honneur de faire observer que cet article était incomplet, si l’on voulait être juste.
En effet, il y a des employés qui sont sur le même rang que les membres de la cour des comptes. Vous avez, entre autres, les membres des députations permanentes ; vous avez encore les greffiers des chambres qui reçoivent un traitement sur le trésor et qui sont éligibles.
En faisant une exception en faveur des membres de la cour des comptes, nous commettrions une injustice, si nous ne l’étendions à d’autres personnes, qui sont absolument dans les mêmes conditions.
Dans la séance où j’avais fait ces observations, j’avais allégué cette circonstance bien plus pour combattre l’amendement de M. le ministre des finances que pour l’appuyer. Je crois, messieurs, que nous devons avoir assez de confiance dans les élections, pour être assurés que celui qui est appelé à des fonctions électives, les remplira avez zèle et avec honneur, et que dès lors il ne s’exposera jamais à ne pas être réélu.
Pénétrons-nous bien d’une pensée : c’est que tout employé est payé du prix de son travail par le traitement qu’il reçoit : ceci est incontestable. En admettant le principe d’une pension en faveur des employés, c’est sous l’impression qu’ils arriveront à un âge où ils seront incapables de servir encore activement l’Etat et de se livrer à d’autres fonctions ; nous voulons récompenser de longs et loyaux services, nous voulons que l’employé qui a servi longtemps et loyalement sa patrie, qui l’a servie avec zèle et désintéressement, trouve à la fin de ses jours un moyen d’existence honorable et digne de la position qu’il a occupée. Voilà le véritable esprit qui doit dominer toute la loi des pensions. Toute disposition contraire est un écart dans la loi.
Eh bien, ces considérations peuvent-elles s’appliquer à un homme qui n’a pas été réélu, et qui pourra être jeune encore ? Pour ma part, je suis convaincu que par le fait seul de sa non-réélection il n’aura pas rendu de longs et loyaux services.
C’est nous faire une injure à nous-mêmes, en faisant une exception précisément en faveur des employés que nous nommons. La chambre sera-t-elle assez injuste pour ne pas réélire un membre de la cour des comptes, quand il aura bien rempli ses devoirs ? En adoptant cette exception, nous nous faisons, je le répète, injure à nous-mêmes. Aussi, pour mon compte, je n’admettrai pas cette exception, et si la chambre l’admettait, elle devrait y comprendre tous les employés qui occupent des fonctions électives et qui ont un traitement, et même les fonctionnaires amovibles.
M. Zoude, rapporteur – Je ferai remarquer que l’honorable M. Desmet est tombé dans une erreur assez grave lorsqu’il a comparé les membres de la chambre aux conseillers de la cour des comptes. Il s’étonne pourquoi on n’accorderait pas une pension aux premiers comme aux seconds. Mais il doit se rappeler que les membres de la chambre ne sont pas rétribués, ils touchent simplement une indemnité qui n’est même pas payée à plusieurs représentants.
Quant à ce que vient de dire l’honorable M. de Gracia, que la réélection emporterait une espèce de note infamante, je répondrai qu’une réélection ne peut pas avoir cette conséquence ; mais que cette note infamante pourrait ne pas être le résultat d’une révocation.
Alors ce serait réellement un indice de blâme de la part de la chambre qui devrait entraîner la perte des droits à la pension.
Quant à la non-réélection, il peut arriver qu’un sujet bien méritant soit appuyé par une grande majorité et obtienne la préférence sur le membre sortant. Et lorsqu’on a rempli pendant douze ans les fonctions de membre de la cour des comptes, il est impossible de prendre une autre carrière. Il est donc juste d’accorder la pension. Si un corps doit être l’objet d’une bienveillance particulière de la part de la chambre, c’est la cour des comptes, car la cour des comptes est en hostilité constante avec tous les ministères, étant chargée de contrôler toutes les opérations. Il ne faudrait pas aller loin dans les archives de la cour des comptes et des ministres pour aller y trouver une correspondance assez amère.
M. Delfosse – Je pense comme l’honorable M. de Garcia, que l’amendement n’est pas complet ; s’il était adopté, il faudrait nécessairement l’étendre aux membres des députations permanentes, aux greffiers des conseils provinciaux et aux greffiers des chambres qui se trouvent dans une position analogue à celle des membres de la cour des comptes. Si nous n’étendions pas l’amendement à ces fonctionnaires, nous aurions deux poids et deux mesures. Mais je crois qu’il ne faut l’admettre pour personne. Nous n’accordons pas de pensions à l’employé révoqué par le gouvernement, même après 12 ans de service, et nous en accorderions une au membre de la cour des comptes non réélu, c’est-à-dire révoqué indirectement par la chambre !
Est-ce qu’un employé ne peut pas être victime d’une injustice ? L’employé révoqué par le gouvernement, l’est-il toujours pour des motifs plausibles ? Le membre de la cour des comptes, non réélu par la chambre, ne sera-t-il jamais indigne d’une réélection ? Il serait injurieux pour la chambre de supposer qu’elle commettra, en règle générale, une injustice, alors que le gouvernement n’en commettrait jamais. Telle serait cependant la portée de l’amendement que l’on vous soumet ; son adoption placerait la chambre au-dessous des ministres, c’est pourquoi je le repousse.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il me semble qu’après avoir exercé pendant 12 ans les fonctions de membre de la cour des comptes, il est difficile d’embrasser une autre carrière ; il est juste dès lors d’accorder une pension aux fonctionnaires qui, sans être révoqués, peuvent cesser d’être investis de leur emploi. Je ne puis pas admettre que la non-réélection doive être considérée comme une révocation. Quand le gouvernement nomme un fonctionnaire, il le nome à toujours ; il a conscience qu’on ne peut lui retirer ses fonctions que par un arrêté de révocation.
Le membre de la cour des comptes peut cesser d’être réélu par suite d’un simple déplacement de majorité, qui peut avoir pour effet de donner la préférence à tout autre candidat qui serait plus agréable au plus grand nombre, ou supposé avoir plus de connaissances que le membre remplacé, sans que celui-ci ait aucunement démérité.
On a comparé la position des membres de la cour des comptes avec celle des membres des députations permanentes des conseils provinciaux : cette assimilation n’est pas juste à tous égards. Il s’en faut de beaucoup. Le membre de la députation peut, en remplissant ses fonctions, exercer néanmoins une autre profession. S’il est industriel, il reste industriel ; s’il est négociant, il reste négociant. Il n’en est pas de même du membre de la cour des comptes qui doit se livrer exclusivement à l’accomplissement des devoirs de son emploi. Je pense que, indépendamment de la distinction faite par M. le rapporteur, les motifs que je viens d’énoncer suffiront pour établir la différence qu’on doit admettre, sous le rapport du droit à la pension, entre les membres de la cour des comptes et les autres fonctionnaires.
M. de Garcia – Je n’ai pas bien compris la différence que M. le ministre des finances a voulu établir entre les membres de la députation et ceux de la cour des comptes. On a dit qu’un membre de la cour des comptes ne peut plus exerce aucune profession après avoir rempli ces fonctions pendant 12 ans.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’ai dit qu’il ne pouvait exercer aucune autre profession pendant qu’il était membre de la cour des comptes.
M. de Garcia – Soit ; mais après douze ans de service, le membre de la cour des comptes serait très capable de se livrer à une autre profession.
On a défendu le système proposé en s’appuyant d’une comparaison avec les employés amovibles ; on a dit que ceux-ci étaient nommés pour toujours, sans idée de révocation, tandis que le fonctionnaire élu n’est pas nommé pour toujours, ni sans idée insignifiante. Les employés qui suivent les emplois soumis à réélection le savent également. Pourquoi alors faire une exception ? Que chacun subisse les chances des fonctions qu’il sollicite. Je terminerai en répétant que le membre de la cour des comptes, après 12 ans de services, ne doit pas être considéré comme étant dans l’impossibilité de se livrer à d’autres fonctions, et pour ce seul motif il est contraire à l’esprit de la loi de les admettre à la pension.
Ces diverses considérations ne me permettant pas d’adopter l’amendement proposé par M. le ministre des finances, et je voterai son rejet.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ne puis trouver un argument contre ma proposition, dans cette raison que les personnes nommées membres de la cour des comptes, savent d’avance que leur emploi est amovible, savent qu’elles sont soumises à réélection. Il faut rendre les fonctions de membre de la cour des comptes désirables pour les hommes de talent qui pourraient s’établir avantageusement en suivant une autre carrière. Il importe de leur accorder quelque dédommagement en cas de non-réélection. Remarquez qu’il ne s’agit pas d’une première réélection, mais d’une réélection après avoir, pendant six ans, donné des preuves de zèle et de capacité. Il y a justice, après cette double épreuve et des services rendus pendant douze années consécutives, à leur accorder une récompense nationale au moyen d’une pension de retraite. Pour rendre ces fonctions désirables pour les hommes de mérite, il faut les encourager à les briguer et non les repousser par des dispositions qui leur seraient contraires.
On allègue qu’ils sont libres d’exercer une autre profession en cas de non-réélection. J’ai prévu et réfuté d’avance cette objection, puisque j’ai dit qu’il était très difficile, après 12 ans de fonctions publiqus, d’embrasser une autre carrière. Je n’ai pas prétendu que la chose fût impossible, mais je soutiens qu’elle présentera souvent des difficultés insurmontables.
La pension qu’on leur accordera sera, du reste, bien faible en raison du traitement dont ils jouissent, et quand même il serait augmenté. Une pension réglée en raison de douze années de service sera toujours extrêmement modique. Je crois devoir, à cette occasion, relever quelques paroles échappées sans doute involontairement à l’honorable rapporteur. Il a paru faire supposer que la cour des comptes était constamment en hostilité avec les ministres. C’est là, messieurs, une grande exagération.
M. Zoude, rapporteur – J’ai rectifié mes paroles.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’entends M. le rapporteur dire qu’il a rectifié ses paroles, et je l’en applaudis.
La cour des comptes est parfois dans le cas de faire des observations aux ministres, mais il n’y a aucune hostilité entre elle et les ministres.
M. Vandenbossche – J’ai demandé la parole pour déclarer que je partage l’opinion des honorables membres qui refusent une pension aux membres de la cour des comptes. S’il y en a qui ont besoin d’être secourus par l’Etat après un certain temps de service, ils peuvent s’adresser à la chambre, qui leur accordera une pension s’il y a lieu. Il y aura pour chacun d’eux des lois spéciales. Mais je rejetterai l’amendement proposé.
M. de Garcia – Je ne ferai qu’une simple observation pour réfuter le dernier argument de M. le ministre des finances. Cet argument consiste à dire qu’il faut rendre désirable la position de membre de la cour des comptes. Je pense comme M. le ministre, mais j’observe que son amendement atteindra le but opposé. Si vous donnez une pension au bout de douze ans de service, le membre de la cour des comptes, qui aura ce temps de service ne se souciera plus d’être réélu. Ainsi, au lieu de lui rendre sa position désirable, vous le mettrez dans une position à ne pas désirer rester à la cour des comptes. Je le répète donc, un but opposé à celui que se propose M. le ministre des finances sera atteint pas son amendement.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je pense que le rapprochement que vient de faire l’honorable préopinant n’aura pas grande influence sur la décision de la chambre ; car peut-on supposer qu’un membre de la cour des comptes renonce à une position convenable pour une modique pension de mille à douze cents francs ? En effet, au bout de 12 années de service, tel sera le chiffre de sa pension. Certes personne ne pensera qu’on renonce pour une pension si modique à des fonctions que l’on pourrait continuer encore.
M. Zoude, rapporteur – Messieurs, je ne dirai qu’un mot pour confirmer l’observation de M. le ministre. Le traitement des membres de la cour des comptes est de 5,000 francs. La pension à laquelle ils auraient droit au bout de douze années de service serait du cinquième, soit de 1,000 francs. La pension est tellement inférieure au traitement que jamais elle n’y sera préférée. L’observation de l’honorable M. de Garcia ne doit donc pas être prise en considération.
- La disposition additionnelle relative aux membres de la cour des comptes proposée par la section centrale, d’après les amendements de MM. les ministres des finances et Kervyn, et à laquelle le gouvernement se rallie, est mise aux voix par appel nominal.
Voici le résultat du vote :
Nombre des votants, 61.
33 membres ont voté pour l’adoption.
28 ont voté contre.
La chambre adopte. La disposition sera intercalée entre les articles 12 et 13 du projet de loi.
Ont voté pour l’adoption : MM. Cogels, Coghen, David, de Behr, de Florisone, de Langhe, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Puydt, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Theux, Devaux, Doignon, Dolez, Donny, Dumont, Duvivier, Fallon, Jadot, Kervyn, Lebeau, Leclercq, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Rogier, Troye, Vandenhove, Verhaegen, Zoude.
Ont voté contre : MM. Cools, de Foere, de Garcia de la Vega, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Roo, Desmet, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dubois, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Fleussu, Lange, Lys, Maertens, Milcamps, Peeters, Pirmez, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Scheyven, Sigart, Simons, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche.
M. le président – La chambre passe à la discussion de la disposition additionnelle, proposée par M. Delfosse à l’article 13 et qui est ainsi conçue :
« Dans le cas de l’article 10, les pensions seront liquidées à raison de 1/50. »
La section centrale propose le rejet de cette disposition additionnelle.
M. Delfosse – Les motifs de l’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer étaient tellement clairs et me paraissent tellement plausibles, que je croyais qu’il serait adopté à l’unanimité par la section centrale. Elle reconnaît cependant qu’il y a quelque chose de juste dans la pensée qui me l’a dicté. En effet, il y a quelque chose de juste. La section centrale vous a proposé (et vous avez adopté cette disposition) de déclarer que 25 ans de service actif équivalent à 30 ans de service sédentaire. Elle a pensé et vous avez pensé comme elle, qu’on s’use autant en 25 ans de service actif qu’en 30 ans de service sédentaire ; c’est cette pensée qui fait la base de l’article 10. Dès lors, pour être justes et conséquents, vous devez attribuer à ceux qui ont 25 ans de service actif la même pension qu’à ceux qui ont 30 ans de service sédentaire. Cependant on vous engage à faire une distinction entre eux ; bien que vous les ayez assimilés, par l’article 10, pour ceux qui ont 30 ans de service sédentaire, on demande trente soixantièmes du traitement ; à ceux qui ont 25 ans de service actif, on ne veut donner que 25 soixantièmes du traitement. Cela n’est pas juste, la section centrale le reconnaît ; pourquoi donc rejette-t-elle mon amendement ?
C’est dans la crainte de se mettre en contradiction avec les articles 11 et 12 de la loi. Mais cette crainte est chimérique. Il n’y a aucune contradiction entre la disposition que j’ai proposée et les articles 11 et 12. Dans ces articles il est question de services qui ne sont pas considérés comme d’une nature extraordinaire. Dans les cas qu’ils prévoient, vous accordez la pension à raison d’accidents ; mais vous ne déclarez pas que les services antérieurs à ces accidents sont d’une nature extraordinaire. La disposition que je propose, au contraire, est relative à des services que vous avez déclarés être d’une nature extraordinaire. Ainsi vous pouvez adopter mon amendement sans vous mettre le moins du monde est contradiction avec les articles 11 et 12.
M. Zoude, rapporteur – L’honorable préopinant croit que ce qui nous a déterminé à proposé à la chambre d’admettre les employés du service actif à la pension après 25 ans de service, c’est qu’ils sont aussi usés au bout de ce temps de service que les employés du service sédentaire au bout de 30 ans. Ce n’est pas ainsi que nous l’avons entendu. Nous avons pensé que des employés chargés de fonctions plus pénibles devaient être déclarés plus tôt admissibles à la pension. Mais nous croyons qu’en général, au bout de 25 ans de service, ils pourront encore continuer leurs fonctions. Ensuite on ne peut calculer les pensions avec une exactitude mathématique ; il faut se borner à des aperçus généraux. Enfin ce que nous avons proposé est conforme aux antécédents, auxquels nous n’avons pas cru qu’il fallût déroger.
Néanmoins je conviens que si l’on pouvait mesurer les pensions au poids, on devrait admettre l’amendement de l’honorable M. Delfosse.
- La disposition additionnelle proposée par M. Delfosse est mise aux voix. Une première épreuve est douteuse ; l’épreuve est renouvelée ; la chambre adopte. Cette disposition sera intercalée entre le 1er et le second alinéa de l’article 13 du projet de loi.
M. le président – M. le ministre des finances avait proposé un amendement à l’article 13. Cet amendement était ainsi conçu :
« Pour les fonctionnaires et employés auxquels des remises, un casuel ou d’autres émoluments tiennent lieu de traitement ou de supplément de traitement, cette moyenne s’établira sur les trois quarts des remises, du casuel ou des émoluments pendant le même temps. »
M. le ministre des finances a proposé ensuite de changer la rédaction de la fin de cet article et de dire : « cette moyenne s’établira sur les trois quarts des remises sur le casuel ou les émoluments pendant le même temps. »
Mais la section centrale n’a pas compris cet amendement dans son rapport.
M. Zoude, rapporteur – La section centrale a examiné cet amendement, elle en propose d’adoption.
M. de Behr – Messieurs, les motifs qui ont déterminé la section centrale, c’est que la même disposition existe dans l’arrêté de 1814, sans qu’elle ait donné lieu à de graves inconvénients.
Au surplus, messieurs, la section centrale a reçu communication des amendements que vient de vous faire connaître M. le ministre des finances et qui consistent à proposer d’établir une caisse particulière près de chaque département ministériel pour les veuves et les orphelins, qui de cette manière ne seraient plus à la charge de l’Etat.
Si ces amendements sont adoptés, il y aura peu d’intérêt à liquider les pensions sur le casuel et les émoluments. Je ne vois donc pas d’inconvénient à adopter l’amendement de M. le ministre tel qu’il vous a été proposé en dernier lieu.
M. Dubus (aîné) – Si j’ai bien compris l’amendement, on ne prendrait les remises en considération que pour les trois quarts, mais on calculerait la pension sur la totalité du casuel et des émoluments. D’après cela les émoluments d’un conservateur des hypothèques seraient pris en considération pour la totalité. On dit qu’il n’y a pas d’inconvénient ; mais ce sont précisément ces pensions calculées sur les émoluments qui ont été signalées comme excessives dans les discussions antérieures ; on vous a parlé de pensions de 10 à 12 mille francs accordées à des conservateurs des hypothèques, parce qu’on a pris en considération la totalité des émoluments. De sorte que je ne suis pas convaincu qu’il n’y a pas d’inconvénient à adopter la rédaction proposée.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Déjà dans une autre circonstance la même observation ayant été produite, il a été répondu que les abus que l’on redoute ne seraient pas à craindre, puisqu’un maximum était déterminé par la loi pour les pensions de chaque catégorie de fonctionnaires. Et quant aux conservateurs des hypothèques, ils atteindront toujours ce maximum, à cause de l’élévation de leur traitement. L’inconvénient signalé par l’honorable préopinant n’existe donc pas en ce qui les concerne.
M. de Behr – C’est l’observation qui a été faite dans le sein de la section centrale. Le conservateur des hypothèques a des appointements assez élevés pour atteindre le maximum de la pension.
- L’amendement proposé par M. le ministre des finances, est adopté et remplacera la seconde disposition de l’article 13.
M. le président – Nous en venons à l’article 14. M. le ministre des finances a proposé un amendement à cet article ; il consiste à ajouter après les mots : « par suite de blessures graves », ceux-ci : « ou d’accidents imprévus. »
La section centrale a adopté cet amendement.
- Il est mis aux voix et adopté.
M. le président – M. Delfosse a proposé aussi un amendement à l’article 14. Il est ainsi conçu :
« Dans le cas de l’article 14, §2, le minimum de la pension à accorder sera payé au sixième du traitement qui s’augmentera pour chaque année de 1/60. »
Cet amendement a reçu l’assentiment de la section centrale, qui propose une nouvelle rédaction de l’article 14, comme suit :
« Pourra obtenir une pension, quels que soient son âge et la durée de ses services, tout magistrat, fonctionnaire et employé qui, par suite de blessures reçues ou d’accidents survenus dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, aura été mis hors d’état de les continuer et de les reprendre ultérieurement.
« Cette pension sera de 1/6 du dernier traitement augmenté de 1/60 pour chaque année de service antérieur.
« Toutefois, le 1/6 pourra être porté au 1/3 en sus des années de service, quand le titulaire, victime de l’accident, aura donné à cette occasion des preuves d’un courage et d’un zèle extraordinaire. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je me rallie à cette rédaction.
M. Delfosse – Je m’y rallie également.
- La proposition de la section centrale est mise aux voix et adoptée. Elle remplacera l’article 14.
M. le président – M. le ministre des finances a proposé un article additionnel qui, s’il était adopté, serait placé en tête des dispositions transitoires. Il est ainsi conçu :
« Les ministres qui ont été à la tête d’un département après le 25 septembre 1830, pourront se prévaloir des dispositions des articles 6, 7 et 8 de la présente loi, dans les cas prévus par ces articles. »
- La section centrale adopte cette disposition.
M. Dubus (aîné) – Cette disposition donne à la loi un effet rétroactif. On a inséré dans la loi des mesures transitoires qui ont évité l’effet rétroactif en ce qu’elle aurait de défavorable à certains fonctionnaires, on veut maintenant donner à la loi un effet rétroactif au préjudice du trésor. C’est toujours le trésor qui est victime.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je crois que ce qu’il y a à considérer, c’est de savoir si la mesure est équitable ; or, il ne peut y avoir de doute à cet égard. Quant à l’effet rétroactif, je conçois qu’on le repousse quand il est établi au détriment de droits acquis. Ici il ne s’agit de sacrifier aucun droit, mais uniquement de prendre une mesure conforme à toutes les règles de l’équité, par cela même qu’elle a pour effet de n’établir aucune distinction entre des services de même nature.
M. Delfosse – Messieurs, je me suis élevé fortement contre les dispositions qui concernent les pensions des ministres. Ces dispositions me paraissent tellement défectueuses, qu’elles m’engageraient seules à voter contre l’ensemble de la loi. On sent bien dès lors que je ne puis adhérer à un amendement qui tend à leur donner un effet rétroactif.
Une mesure rétroactive ne pourrait se justifier qu’autant qu’elle s’appliquerait à des employés qui auraient été évidemment utiles et qui seraient dans le besoin. Mais ce n’est pas là ce que l’on vous propose ; on vous propose, messieurs, d’accorder des pensions à quelques hommes qui sont dans l’aisance et dont les titres à la reconnaissance publique pourraient être contestés ; on vous propose d’imposer en leur faveur beaucoup de contribuables qui sont dans la gêne.
Si une pareille mesure pouvait être adoptée, je finirais par partager les sombres prévisions de l’honorable M. de Langhe ; je croirais comme lui que nous marchons vers un abîme où tout ira s’engloutir, dynastie et nationalité. Je voterai donc contre l’amendement proposé par M. le ministre des finances.
- L’article additionnel proposé par M. le ministre des finances est mis aux voix par appel nominal.
Voici le résultat du vote :
Nombre de votants, 68.
Ont voté pour, 20
Ont voté contre, 41.
MM. de Muelenaere, de Theux, Duvivier, Lebeau, Nothomb, Raikem et Rogier se sont abstenus.
L’article n’est pas adopté.
Ont voté pour : MM. Cogels, Coghen, Cools, Coppieters, de Behr, de Langhe, de Puydt, Devaux, Dolez, Dumont, Fallon, Jadot, Leclercq, Mercier, Peeters, Raymaeckers, de Baillet, Vandenhove, Verhaegen et Zoude.
Ont voté contre : MM. David, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Mérode, de Nef, de Potter, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Villegas, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubois, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Fleussu, Kervyn, Lange, Lys, Maertens, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Puissant, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandensteen.
M. le président – Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. de Muelenaere – Je me suis abstenu parce qu’on aurait pu supposer que j’avais quelque intérêt à voter dans tel sens plutôt que dans tel autre.
M. de Theux – Je me suis abstenu par le même motif.
M. Duvivier – En ma double qualité d’ancien ministre et de pensionné, je n’ai pas cru pouvoir voter sur cette question.
M. Lebeau – Je me suis abstenu pour les raisons exprimées par MM. de Muelenaere et de Theux.
M. Nothomb – Je m’en réfère aux raisons qui viennent d’être données.
M. Raikem et M. Rogier font la même déclaration.
M. Fleussu – J’ai à demander une explication. On vient de décider que les ministres qui ont été en fonctions antérieurement à la publication de la loi n’auraient pas de pension. Il est sans doute entendu que les années qu’ils ont passées au ministère leur seront comptées, lorsque le moment sera venu de liquider la pension à laquelle ils peuvent avoir droit du chef des autres emplois qu’ils ont exercés. (Oui ! oui !)
M. de Behr – Dans la pensée de la section centrale les années de service doivent nécessairement entrer dans le calcul de la pension.
M. Fleussu – C’est tout ce que je voulais constater.
M. le président – La chambre passe à la discussion de l’article 53 (nouveau) du projet de loi.
M. le ministre des finances a proposé de remplacer cet article par la disposition suivante :
« Les professeurs attachés aux universités auront droit à la liquidation de leur pension, d’après les dispositions du règlement du 25 septembre 1816. »
La section centrale propose de supprimer de l’article 53 (nouveau), les mots : « Avant la loi du 27 septembre 1835 », et de formuler ainsi la disposition :
« Les professeurs attachés actuellement aux universités, auront également droit à la liquidation éventuelle de leur pension, d’après les dispositions du règlement du 25 septembre 1816, mais seulement pour les services rendus avant la publication de la présente loi. »
M. le ministre des finances se rallie-t-il à cette nouvelle rédaction ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Non, M. le président, je maintiens la proposition que j’ai faite. Seulement, comme un des principaux motifs exposés par la section centrale pour repousser mon amendement consiste en ce que le traitement des professeurs des universités pourrait être augmenté dans la suite, il me semble que l’on pourrait éviter de tomber dans l’inconvénient que cette disposition pourrait présenter, en ajoutant à ma proposition ces mots :
« La présente disposition pourra être modifiée, si le traitement des professeurs vient à être augmenté par la loi. »
Avec une semblable réserve, toute crainte doit être dissipée sur l’augmentation éventuelle des pensions des professeurs des universités.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, si l’amendement qui vient d’être présenté par M. le ministre des finances était adopté par la section centrale, et que dès lors l’ensemble de la proposition fût admis, je n’abuserais pas des moments de la chambre pour appuyer longuement la nouvelle disposition. Je demanderai donc à la section centrale si elle se rallie à cette disposition.
M. Dubus (aîné) – La section centrale ne s’est pas réunie.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Eh bien, je demanderai la parole, pour soutenir la proposition primitive, avec la modification que vient de proposer M. le ministre des finances.
M. Zoude, rapporteur – Je crois pouvoir déclarer au nom de la section centrale, d’après la teneur même de son rapport, qu’elle se rallie à la proposition.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, la section centrale a très bien fait ressortir la position peu avantageuse où se trouvent placés les professeurs des universités, surtout comparativement à la position qu’ils occupaient avant la révolution. La section centrale reconnaît que les professeurs jouissent de beaucoup moins d’avantages qu’autrefois, d’abord sous le rapport des minervalia, puis sous celui de leur participation dans les droits d’examen. Enfin, la section centrale reconnaît aussi que les traitements des professeurs sont insuffisants, et elle engage d’une manière indirecte le gouvernement à élever ces traitements.
Eh bien, messieurs, si la position des professeurs comparée à ce qu’elle était autrefois, et prise en elle-même, est désavantageuse, elle l’est tout aussi bien pour ceux qui sont actuellement en fonctions que pour ceux que le gouvernement aurait encore à nommer, en vertu de la loi de 1835, car le gouvernement ne pourra pas faire aux nouveaux professeurs qu’il nommera postérieurement à la publication de la loi en discussion ; ne pourra pas leur faire les avantages qu’il n’a pas pu faire aux anciens professeurs. Ainsi, il y a parité complète entre les professeurs anciens et les nouveaux professeurs à nommer. Si donc la position des uns a droit aux égards de la chambre, la position des autres a droit aux mêmes égards.
Il y aurait aussi un certain mécontentent, suivant moi, à soumettre les professeurs d’une même université à un régime différent : les uns jouiraient d’une pension en vertu de l’arrêté du 25 septembre 1816, qui accorde de plus grands avantages, tandis que la pension des autres serait liquidée d’après les bases du projet de loi actuel, qui accorde moins d’avantages. Ce serait ajouter aux difficultés qu’éprouve déjà le gouvernement, à rencontrer des hommes de mérite pour donner l’instruction dans nos universités.
S’il est nécessaire d’augmenter le traitement des professeurs, d’améliorer leur position ; eh bien, en attendant que l’on puisse en venir là, permettez du moins que les nouveaux professeurs soient placés dans la même position que les anciens, position que la section centrale a reconnu être déjà si peu avantageuse.
Je n’en dirai pas davantage pour appuyer l’amendement. Il est d’ailleurs à remarquer que, par ses conséquences, il ne pourra pas entraîner, quant à présent, une très grande dépense pour le trésor public. Le cadre des professeurs est à peu près rempli, de telle sorte que les économies que le projet de loi aurait pour but de réaliser seraient véritablement insignifiantes ; elles auraient d’ailleurs, je le répète, ce grave inconvénient d’apporter de nouvelles entraves aux choix que le gouvernement pourra avoir à faire de nouveaux professeurs.
M. Delfosse – Messieurs, je me proposais de prendre la parole en faveur des professeurs des universités de l’Etat, et d’appuyer l’amendement que M. le ministre des finances vous a soumis par suite de leurs réclamations. Une partie de ce que j’avais à dire sur ce point vient d’être dit par M. le ministre des travaux publics, et tout a été dit par les professeurs eux-mêmes dans les mémoires qui vous ont été distribués. Si, comme je n’en doute pas, vous avez lu ces mémoires avec attention, vous devez, messieurs, être convaincus qu’il serait souverainement injuste de frustrer les professeurs des universités de l’Etat des espérances légitimes qu’ils ont conçues en entrant dans la carrière de l’enseignement, et de violer les promesses écrites dans les règlements sous la foi desquelles ils ont accepté les fonctions pénibles et utiles qu’ils occupent aujourd’hui.
Ce ne serait pas seulement là un acte d’injustice, ce serait aussi un acte de mauvaise administration. Si nous voulons faire prospérer les universités de l’Etat, et c’est un devoir pour la chambre, alors même que ce ne serait pas le désir de tous ses membres, il ne faut pas prendre des mesures qui décourageraient les hommes honorables qui sont attachés à ces établissements, et qui en éloigneraient à l’avenir ceux qui, ayant quelque mérite, pourrait se frayer dans d’autres carrières un chemin plus rapide et plus sûr.
La section centrale se montre, je le reconnais, animée des meilleures intentions. Si elle veut enlever aux professeurs des universités de l’Etat les avantages qui leur étaient garantis par le règlement du 25 septembre 1816, elle leur offre en compensation l’expectative d’une augmentation de traitement et de la fusion des deux universités de l’Etat en une seule.
La fusion des deux universités de l’Etat en une seule est une chose à peu près impraticable ; elle était possible au moment où l’on a organisé l’enseignement supérieur ; elle ne l’est plus guère depuis qu’une loi, adoptée après une discussion solennelle, a consacré l’existence simultanée des deux universités, et engagé les villes qui les possèdent dans des dépenses extrêmement considérables.
La section centrale avoue elle-même que les vœux qu’elle forme à cet égard sont stériles. Voilà donc ce que la section centrale offre aux professeurs des universités de l’Etat en compensation du nouveau sacrifice qu’elle veut leur imposer : elle leur offre des vœux stériles !
En quand même ces vœux se réaliseraient, quelle serait, je vous le demande, la position des professeurs qui seraient mis à la retraite par suite de la fusion des deux universités en une seule, car il n’y aurait pas moyen de les conserver tous en fonction ? Ceux-là ne sentiraient-ils pas vivement le tort qu’on leur aurait fait en changeant le régime bienveillant créé pour eux par le règlement du 25 septembre 1816 ?
La section centrale leur offre encore, il est vrai, l’expectative d’une augmentation de traitement ; mais la section centrale croit-elle bien sincèrement à la possibilité d’une augmentation de traitements dans les circonstances actuelles ? Ne pense-t-elle pas que toute proposition d’augmenter les traitements échoueront devant les efforts réunis des partisans, secrets ou avoués, des universités rivales et des partisans des économies, assez nombreux dans cette chambre.
Les professeurs, messieurs, savent à quoi s’en tenir, et ne se font pas illusion sur ce point ; ils ne se soucient nullement de se bercer de chimères, pour me servir d’une expression proverbiale, de lâcher la proie pour l’ombre. Plus tard, si la chambre se décidait à augmenter leurs traitements, on pourrait peut-être les placer sous le régime commun, en ce qui concerne les pensions ; alors, comme on leur donnerait en compensation du sacrifice qui leur serait demandé, une faveur plus grande, ils n’auraient pas à se plaindre.
Aujourd’hui ils se plaindraient avec raison, si on les forçait d’échanger un avantage actuel contre un avantage à venir et fort douteux. Et pourquoi veut-on les y forcer ? Ce n’est pas qu’on trouve cela raisonnable, mais c’est seulement parce qu’on veut mettre de l’unité dans la loi.
Messieurs, l’unité n’est une bonne chose que lorsqu’elle ne mène pas à l’injustice. La section centrale l’a si bien senti, qu’elle a proposé elle-même des dispositions exceptionnelles pour les ministres, pour les ecclésiastiques et pour les employés du service actif. Il est impossible d’assimiler et de soumettre à une règle commune des positions essentiellement différentes. Le professeur qui a fait des études longues, pénibles, dispendieuses ; qui n’est entré dans une carrière où l’on s’use vite qu’à l’âge de 30 ou 35 ans, doit avoir d’autres droits à la pension que l’employé des finances qui a été placé jeune et après des études fort courtes et fort superficielles.
Comme vous l’a très bien dit M. le ministre des travaux publics, la révolution a fait beaucoup de mal aux professeurs des universités de l’Etat ; n’allons pas encore aggraver ce mal et nuire aux universités elles-mêmes pour le seul plaisir de conserver à la loi un caractère d’unité qu’elle n’a pas et qu’elle ne doit pas avoir.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, j’ai deux observations à faire, relativement à l’amendement de M. le ministre des finances, qui se trouve actuellement en discussion.
La première porte sur la disposition que M. le ministre se propose d’ajouter, afin d’obtenir l’adhésion de la section centrale à son amendement ; la section centrale s’y est ralliée. Cette disposition consiste à ajouter à l’article ceci : « que la loi pourra être modifiée, si les traitements viennent à être augmentés. »
Mais vous savez, messieurs, qu’une disposition de cette nature est tout à fait inutile, et déparerait complètement la loi. Est-il nécessaire de dire qu’une loi pourra être modifiée par une loi postérieure ? Evidemment, vous n’avez pas à ajouter à l’article une disposition de ce genre. Les trois branches du pouvoir législatif peuvent toujours introduire dans la loi toutes les modifications qu’elles jugent utiles. Je concevrais qu’on dise que la loi se trouvera modifiée de plein droit, si l’on change tel ou tel article de telle autre loi, mais dire qu’on pourra la modifier, c’est évidemment une disposition qu’on ne peut pas admettre.
Ainsi, cet amendement tombe de lui-même, et avec lui tombe ce qu’a dit M. le rapporteur de la section centrale, à savoir que la section centrale se ralliait à l’amendement de M. le ministre. Mon autre observation s’applique à l’amendement en lui-même. Au fond même de l’amendement de M. le ministre des finances, je trouve un grand défaut, c’est de renvoyer au règlement universitaire de 1816, au lieu d’insérer franchement dans la loi les dispositions que l’on veut appliquer pour l’avenir. Je conçois très bien que l’on veut puisse se référer au règlement de 1816 dans les dispositions transitoires, et pour les fonctionnaires auxquels s’appliquent les dispositions transitoires ; cela est convenable, quant à eux, on déclare que la nouvelle loi ne leur sera pas applicable, qu’il faudra recourir à l’ancienne législation, sous l’empire de laquelle ils ont été nommés ; mais, vous voulez faire une loi générale pour tous les autres fonctionnaires pour lesquels il a été pris des mesures exceptionnelles, comme vient de le dire un honorable préopinant.
Mais ces mesures exceptionnelles sont définies par la loi que vous faites. Je demande que celles dont il s’agit soient également définies. Si vous ne le faites pas, l’administration rencontrera dans l’application de véritables difficultés, car les bases du règlement de 1816 étaient toute autres que celle de la loi actuelle, et les bases se trouvant changées, on sera placé dans le doute sur plusieurs questions.
On veut conserver aux professeurs et même à ceux qui seraient nommés à l’avenir, tous les avantages de la loi de 1816. Mais par la loi comme on la rédige, ne seront-ce pas des pensions beaucoup plus fortes que celles qui étaient accordées en vertu de la loi de 1816, qu’on donnera aux professeurs ? Quant à moi, je le pense.
Voici les dispositions de la loi de 1816, autant que je puis me les rappeler, car je n’ai pas la loi sous les yeux.
Quant aux pensions des membres des universités, pour les cinq premières années de service, la pension est de 500 florins. Pour chaque année en sus de ces cinq premières années de service, la pension est augmentée d’un 35e du traitement. Mais la loi fait observer que comme ce traitement est susceptible après 30 années de services d’être augmentée d’un quart, ce quart ne sera pas pris en considération pour la fixation de la pension, qu’on ne prendra que le traitement ordinaire et que la pension ne pourra pas excéder ce traitement ordinaire.
J’ai calculé qu’au moyen de 32 ou 33 années de services, le professeur a gagné sa pension pleine qui est le montant du traitement ordinaire. Les bases sont donc le traitement ordinaire. Or, quel était le traitement dont le 35e était la base, à la progression de la pension, d’après le règlement de 1816 ? Ce traitement était pour les professeurs ordinaires, car je crois que les professeurs extraordinaires n’avaient pas de traitement. Leur pension ne pouvait jamais être que de 500 florins. Il est vrai que ce cas devra être fort rare, car au bout d’un certain nombre d’années de services, un professeur extraordinaire devient professeur ordinaire.
M. Devaux – Les professeurs extraordinaires avaient 1,600 florins de traitement. C’étaient les lecteurs qui n’avaient pas de traitement.
M. Dubus (aîné) – J’ai examiné la loi avec attention. Je n’ai pas rencontré la disposition relative aux professeurs extraordinaires. Je n’ai vu que celle concernant les professeurs ordinaires. Il faut qu’il y ait une disposition séparée qui a fixé le traitement des professeurs extraordinaires. Leur traitement était, dit-on, de 1,600 florins. Cela fait peu de différence avec le traitement des professeurs actuels, qui est de 4 mille francs.
Quant au traitement des professeurs ordinaires, à l’université de Liége, il était de 2,200 florins, ce qui fait 4,600 et des francs. Il est aujourd’hui de 6,000 francs. Vous voyez qu’en appliquant le règlement de 1816 avec les bases qu’il établir, car du moment que vous conservez ce règlement, il faut le prendre avec toutes ses bases, sans en séparer une des autres, vous accorderez une pension de 500 florins pour les cinq premières années de service et qui sera augmentée d’un 35e de 2,300 florins pour chaque année de service en sus des 5 années, jusqu’à ce que la pension arrive au maximum de 2,200 florins.
Est-ce de cette manière qu’on entend procéder ? Ou bien entend-on que la pension serait toujours de 500 florins pour les cinq premières années de service et qu’au lieu d’être augmentée par année de service en sus d’un 35e de 2,200 florins, elle serait augmentée d’un 35e de 6,000 francs, et pourrait arriver à ce chiffre de 6,000 francs. Si c’est là ce qu’on veut, il faut le dire dans la loi, car c’est un doute qu’il faut trancher.
Si l’on veut appliquer le règlement de 1816 avec ses bases, il fait prendre le traitement et la pension qui résultait de ce traitement-là, car le 35e ne s’appliquait qu’à ce traitement, et le maximum résultait également de ce traitement ; sans cela il serait plus simple de dire dans la loi toutes les bases que l’on veut appliquer aux traitements actuels.
Quant à moi, je pense qu’il faut pour l’avenir des dispositions que l’on trouve dans la loi même et que l’on ne doive pas aller chercher dans un règlement antérieur dont l’application présenterait des difficultés. Maintenant, si l’on veut appliquer les dispositions du règlement de 1816 au traitement actuel, je demande si ce sera dans tous les cas au traitement actuel qui est de 4 mille francs pour les professeurs appelés extraordinaires et de 6 mille francs, pour ceux qu’on appelle ordinaires, ou s’il y a une différence pour les professeurs qui auront reçu une augmentation de traitement. Je ferai observer que d’après une disposition de la loi de 1835, le traitement des professeurs des universités peut être porté à 7, 8 et 9 mille francs. Il y a des professeurs qui ont un traitement de 9 mille et de 8,400 francs. Le 35e portera-t-il sur ces 9 mille et ces 8,400 francs, ou bien seulement sur les 6 mille francs ? Voilà encore une question à résoudre pour le cas où l’on voudrait appliquer la règle du 35e.
Je demanderai pourquoi on ferait une si grande différence, quant à la progression, entre les pensions des membres des universités et celles des membres de l’ordre judiciaire. Je prierai la chambre de recourir aux motifs donnés pour établir qu’il y avait une différence à faire pour la progression de la pension, entre les membres des universités et d’autres fonctionnaires. Pour la généralité, la règle est un 60e, mais ici on propose un 35e. Eh bien, on remarquera que la plupart des motifs que l’on donne pour établir que la règle générale d’un 60e ne doit pas être adoptée pour les membres des universités sont applicables à l’ordre judiciaire. Cependant, on a rejeté un amendement par lequel on proposait d’augmenter la pension d’un 50e par années de service dans l’ordre judiciaire.
On dit que les membres du corps enseignant ont de longues études à faire, que l’époque à laquelle ils commencent à entrer en fonctions n’est pas, comme dans l’administration des finances, l’âge de 18 ou 20 ans, mais un âge plus avancé. Eh bien, tout cela est vrai pour les membres de l’ordre judiciaire. On ne peut pas y entrer avant l’âge de 25 ans, et il est fort rare qu’on y entre avant l’âge de 30 ans. Si vous voulez prendre le tableau du personnel de la magistrature et vous informer de l’âge auquel les magistrats dont vous rencontrerez les noms sont entrés en fonctions, vous verrez que le plus grand nombre y est entré bien après l’âge de 30 ans. Le motif qu’on a fait valoir en faveur des professeurs des universités, milite dont pour les membres de l’ordre judiciaire pour lesquels vous avez refusé d’accorder la pension à raison du 50e du traitement par année de service, à la différence des autres fonctionnaires pour lesquels on avait pris pour base un 60e. Ici ce ne serait pas un 50e, mais un 35e qu’on prendrait pour base.
Quant aux études, aux grades académiques, il faut avoir obtenu le même grade de docteur en droit, pour entrer dans l’ordre judiciaire, que pour entrer dans une université comme professeur. Il y aurait donc quelque chose d’assez étrange dans cette disposition qui accorderait la progression par 35e et sur les traitements actuels pour la pension des membres du corps enseignant, alors qu’on n’a rien accordé aux membres de l’ordre judiciaire. Je pense que de la manière dont les traitements sont établis maintenant, cette règle du 35e doit être modifiée, qu’il faut prendre pour appliquer à ces traitements qui ne sont plus 4,600 francs, mais 6,000 francs, une autre base que cette du règlement de 1816, une base qui ne fasse pas une disparate trop choquante avec ce que vous avez décidé en ce qui concerne les membres de l’ordre judiciaire.
On a fait valoir cette circonstance, qu’indépendamment du traitement qui seul servait à la fixation de la pension, d’après le règlement de 1816, les professeurs devaient compter sur des minervalia plus considérables que ceux qu’ils reçoivent. Mais, messieurs, cette raison ne me paraît pas de nature à être prise en considération, alors qu’il s’agit de fixer la pension, car d’après le règlement de 1816, ces minervalia n’étaient pas pris en considération pour la fixation de la pension. Or, maintenant nous nous occupons de la fixation de la pension.
Le règlement de 1816 réglait aussi les droits des veuves des professeurs. Je ne sais si le ministre des finances entend que cette partie du règlement de 1816 continuerait aussi à être appliquée aux professeurs, par le seul effet de son amendement. Cependant, je crois que si tout ce qui concerne les veuves des autres fonctionnaires est retiré de la loi dont nous nous occupons, il devra en être de même en ce qui concerne les veuves des professeurs des universités.
Sur ce point, je ferai une observation, c’est qu’il n’y avait pas seulement dans le règlement de 1816, une disposition qui accordait une pension aux veuves des professeurs, mais une autre portant que leur traitement serait sujet à retenue, pour faire une caisse des veuves.
Il y a une disposition formelle sur ce point dans le règlement de 1816. J’ai ouï dire que cette disposition n’était pas exécutée, et qu’aucune retenue n’était faite. On nous laisse dans le vague à tous égards. Si ces pensions étaient accordées sans qu’il y ait lieu à aucune retenue, sous ce rapport encore les professeurs d’université feraient exception.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’honorable préopinant vient de présenter, au début de mon discours, une objection que j’avais faite à mon amendement et que j’avais réfutée. J’avais déclaré que sans doute il dépendait toujours de la législature de modifier une loi, mais que la disposition aurait cet effet utile, que ce serait un avertissement donné aux professeurs qu’ils ne pourraient se prévaloir de droits acquis. Voilà le but de la proposition que j’ai proposée. Ainsi elle n’est pas inutile.
L’honorable membre trouve qu’il n’est pas convenable dans une loi de se référer à des dispositions non renfermées dans cette loi. Je lui citerai pour exemple le règlement même de 1816, dont il est fait mention dans la loi sur l’enseignement.
Nous faisons la même chose ici ; nous maintenons un règlement dont l’application n’a présenté aucune difficulté jusqu’à présent et qui existe depuis 25 ans. Je ne vois pas non plus en quoi on peut avoir des doutes sérieux sur son application en ce qui concerne la progression de la pension à raison d’un 35e par année de service en sus des cinq premières années. Il est constant que c’est sur le traitement dont le professeur jouira alors que le 35e devra être pris. Si le traitement augmente, le 25e augmentera. Il suivra la progression du traitement. C’est ainsi que, d’après moi, le règlement de 1816 doit être entendu. Il y a d’ailleurs peu de professeurs qui arrivent à un traitement supérieur à 6 mille francs.
Je ne suivrai pas l’honorable préopinant dans l’assimilation qu’il a faite des membres des corps judiciaires avec ceux du corps enseignant.
Je bornerai là mes observations.
Je laisse cette tâche à mon honorable collègue des travaux publics qui a l’instruction publique dans ses attributions. Je ferai observer qu’un des principaux motifs allégués par le corps enseignant, est la fatigue résultant de ces fonctions. Cette fatigue est telle que dans les fonctions du professorat la vie s’use plus vite que dans les fonctions judiciaires.
M. Fleussu – Guidé par un sentiment d’équité envers les professeurs attachés au haut enseignement, et par une pensée d’avenir pour nos universités, le ministère a proposé un amendement par suite duquel les professeurs ne seraient pas soumis à la loi en discussion. Cet amendement a été renvoyé à la section centrale ; mais cette section, quoiqu’elle ait reconnu que cette disposition eût été très favorable, a conclu à son rejet. Ces conclusions étaient accompagnées, il est vrai, de compliments de condoléance pour nos universités.
Mais quel est donc le motif sur lequel la section centrale s’est fondée pour proposer le rejet de la proposition du ministère ? C’est, dit cette section, qu’elle aurait vu avec beaucoup de regret que des exceptions fusent introduites dans la loi. Cette raison, on l’a déjà fait remarquer, est vraiment insuffisante, puisque, dans la loi même, se trouvent déjà des exceptions. Il y en a pour les ministres, il y en a pour les ministres des cultes, à cette séance même vous en avez admis pour les fonctionnaires dans les cas prévus par l’article 10, si je ne me trompe.
Voilà des exceptions. Est-ce, par hasard, que le haut enseignement ne vous paraît pas présenter autant d’intérêt que les fonctionnaires à qui ces exceptions s’appliquent déjà ?
L’honorable M. Dubus (aîné) a fait des observations qui auraient très bien trouvé leur place dans la discussion de la loi de 1835 sur le haut enseignement. Cette loi se réfère positivement aux dispositions de l’arrêté de 1816, sans cependant les reproduire. Se référer à des dispositions existantes ou les reproduire dans la loi, c’est tout un ce me semble.
La loi de 1835 a déterminé le montant des traitements des professeurs et en même temps s’est référé au règlement de 1816. Or, que faisons-nous ? Le ministère demande que les dispositions bienveillantes de l’arrêté de 1816 soient déclarées applicables non seulement aux professeurs nommés sous l’influence de cet arrêté, mais même aux professeurs nommés depuis la loi de 1835, loi qui contenait une disposition à peu près semblable à celle que M. le ministre des finances veut faire insérer dans la loi actuelle ; espèce de pierre d’attente, si je puis m’exprimer ainsi, qui laissait la législature libre de replacer les professeurs nouvellement nommés sous l’influence de la loi nouvelle, ou sous l’influence des lois qui atteignaient les professeurs nommés avant 1835. Ainsi le sous-amendement présenté par M. le ministre des finances se trouve justifié par l’antécédent posé dans la loi de 1835.
Veuillez remarquer d’abord, pour répondre ici à l’objection de la section centrale, que nous ne voulons pas placer le haut enseignement sous de nouvelles dispositions exceptionnelles, que le haut enseignement ne demande pas de faveurs nouvelles. Il a toujours été placé sous des dispositions exceptionnelles. Ainsi alors que la position de tous les autres fonctionnaires de l’Etat, quant à la pension, était réglée par l’arrêté-loi de 1814, un arrêté de 1816 réglait d’une manière spéciale les pensions des professeurs des universités. Ainsi ce n’est pas, je le répète, une faveur que nous demande le haut enseignement ; il ne veut que rester sous les dispositions exceptionnelles où il était lorsque les universités ont été fondées en Belgique.
On a cherché à établir un parallèle entre le haut enseignement et l’ordre judiciaire. Je ne suivrai pas l’orateur dans ce parallèle ; je crois qu’il faut des qualités dans l’une et l’autre carrière, cependant il est vrai de dire que, pour aspirer au haut enseignement, il faut faire preuve de plus de connaissances, il faut une plus grande réputation d’instruction que dans la magistrature. On n’exige pas autant de connaissances de celui qui aspire à une place de juge qu’un tribunal de première instance que de celui qui doit répandre la lumière sur tout le pays. Pour aspirer à être professeur, il faut être connu dans la science, et on ne peut l’être qu’à un âge déjà assez avancé.
Je dis que pour les anciens professeurs, pour ceux nommés sous l’influence des dispositions de 1816, il y a droit acquis à rester sous l’application de ces dispositions ; je dis que, par les considérations présentées par M. le ministre des travaux publics, il y a convenance à laisser les professeurs, nommés depuis 1835, sous l’influence des mêmes dispositions, parce qu’il y aurait quelque chose d’anormal à voir les membres du même corps placés sous l’influence de dispositions différentes.
Si je voulais me laisser entraîner dans la discussion de la question de droit, je pourrais soutenir que, pour les anciens professeurs, il y a droit acquis ; pour demander le maintien des dispositions antérieures, je me bornerai à invoquer l’équité, la convenance. Je ne soutiendrai donc pas qu’il y a droit acquis ; seulement je rappellerai des rapports présentés à la chambre à des époques bien différentes.
En 1831, une commission avait été nommée pour préparer une loi sur l’instruction publique ; elle était composée de MM. Lecocq, Arnould Belpaire, Cauchy, Ernst aîné et Quetelet. Savez-vous quelle était l’opinion de cette commission ? La voici :
L’article 9 du projet était ainsi conçu :
« Les professeurs et autres personnes attachés à des établissements d’enseignement public, ainsi que leurs veuves ou orphelins, sont assimilés, quant aux pensions, aux autres fonctionnaires de l’Etat, sans préjudice des droits acquis jusqu’ici.
« Nous avons cru, dit l’exposé des motifs, devoir réserver leurs droits aux anciens professeurs, ainsi qu’à leurs veuves et orphelins. Ces droits sont, à notre avis, conventionnellement garantis par l’offre d’une part et l’acceptation d’autre part de fonctions dont les règlements, et particulièrement celui du 25 septembre 1816, fixaient les devoirs et les avantages. Nous croyons même que l’on ne pourrait se borner avec justice à l’égard de ceux qui ne seraient pas placés de nouveau, à calculer leurs droits à la pension sur le temps qu’ils ont exercé leurs fonctions, lorsqu’on a fait cesser ces fonctions malgré eux. Ils ne devaient pas s’attendre lorsqu’ils les ont acceptées, à se voir renvoyer un jour, sans qu’on eût de justes reproches à leur faire.
« Que l’on n’oppose pas la pénurie du trésor, l’homme pauvre, s’il veut conserver une réputation intacte cherche à payer ses dettes et celles des parents auxquels il a succédé ; les mêmes principes moraux, les mêmes règles imprescriptibles du droit naturel régissent et doivent régler les nations. »
L’opinion de la commission de 1834 est tout aussi significative.
En parlant des dispositions transitoires parmi lesquelles se trouvent les articles relatifs aux pensions, le rapport s’exprime en ces termes :
« Les droits acquis doivent être respectés ; il n’est pas permis de frustrer les justes espérances de ceux qui ont eu foi dans les promesses écrites, soit dans les lois, soit dans les règlements. »
Voilà ce qu’a proclamé une commission qui se composait de MM. de Gerlache, premier président de la cour de cassation, de Theux, depuis ministre des affaires étrangères et de l’intérieur, Devaux, ministre d’Etat, de Behr, membre de la chambre des représentants et premier président de la cour d’appel de Liége, Warnkoenig, professeur de droit, d’Hane, depuis sénateur et administrateur inspecteur de l’université de Gand, et Ernst, depuis ministre de la justice.
Maintenant, messieurs, n’y a-t-il pas convenance à maintenir ces droits que je vous laisse libre de qualifier de droits acquis ou de non-acquis. Je dis qu’il y a convenance à le faire, d’abord parce qu’il a été fortement altéré quant aux bénéfices, depuis l’époque où ces rapports ont été faits. En effet, on comptait qu’une place de professeur rapporterait de 10 à 11 mille francs avec les minervalia ; eh bien, elle ne rapporte que 6,000 francs, plus 4 ou 5 cents francs de minervalia. Et ici, je ne parle que des professeurs ordinaires, car les professeurs extraordinaires, qui sont aussi nombreux que les professeurs ordinaires, ne touchent que 4,000 francs. Voilà une circonstance qui mérite, selon moi, d’être prise en considération et qui répond à une autre observation présentée par M. Dubus. Cet honorable membre vous a dit ; « Mais alors les professeurs avaient des minervalia beaucoup plus fortes. » C’est précisément sous ce rapport, parce que la position n’est plus la même, parce que les sommes qu’ils reçoivent, ne leur permettent plus de faire d’économies, qu’ils doivent trouver à la fin de leur carrière une rémunération beaucoup plus forte.
On vous a longtemps entretenus de toutes les qualités nécessaires pour faire un bon professeur. C’est du haut enseignement que doivent partir toutes les lumières qui doivent se répandre sur le pays ; mais indépendamment de cette considération, j’en ferai valoir une autre, c’est que les universités de l’Etat ne sont plus les seules du pays. Il y a à côté des universités de l’Etat des établissements particuliers ; ces établissements ne sont pas liés par des dispositions législatives, leurs administrations sont libres dans tous leurs mouvements, elles peuvent chercher leurs professeurs partout où elles le veulent. Sous ce rapport nous avons fait exception aux règles générales auxquelles on tient tant ; car la loi de 1835 autorise le gouvernement à chercher des professeurs à l’étranger. Grâces soient rendues à cette disposition qui permet au gouvernement d’appeler dans les universités de l’Etat des professeurs étrangers. Maintenant que les administrations de ces établissements particuliers ne sont pas arrêtées par les gênes législatives que nous imposons au gouvernement, ne fait-il pas que le gouvernement soit à même d’appeler au professorat les hommes de la plus haute renommée ? Si vous voulez qu’il en soit ainsi, faites que le gouvernement puisse leur offrir à la fin de leur carrière une position convenable.
Croyez-vous que 6,000 francs puissent suffire à un professeur pour élever sa famille ? Un professeur ne doit-il pas visiter les établissements des autres pays ? Ne doit-il pas entretenir une bibliothèque (et ceux qui se sont occupés de former de telles collections savent combien elles sont coûteuses) ? Un professeur de l’université de Liége, que je compte au nombre de mes amis, m’a dit que de ce chef son traitement était réduit de moitié. Eh bien, messieurs, voilà la position que l’on veut faire.
Je dis donc que si on veut que la lutte puisse se soutenir, si on ne veut pas que les établissements du gouvernement tombent devant les établissements étrangers, il faut appeler des hommes capables et pour cela les rétribuer convenablement. D’après ces considérations, j’adopterai l’amendement présenté par le ministère.
M. Raikem – Je ne dirai que quelques mots. Toute la question se réduit à savoir si dans la loi qui nous occupe il y aura des dispositions exceptionnelles en ce qui concerne les professeurs des universités.
Si des fonctionnaires se trouvent dans une position exceptionnelle, force vous est bien d’adopter des dispositions qui ne sont pas dans la réalité exceptionnelles, dans le sens défavorable que l’on attache parfois à cette expression, mais qui s’écartent de la règle générale que vous avez tracée dans votre projet. Voilà comment j’entends ici le mot « exceptionnelle. »
Vous savez, messieurs, dans quelle position on se trouve actuellement. Les droits de professeurs sont réglés par l’arrêté de 1816 auquel s’est référée provisoirement la loi de 1835. Plusieurs pensions sont réglées par les dispositions qui concernent la caisse de retraite et le département des finances.
Les règles générales pour les pensions sont tracées dans l’arrêté-loi du 14 septembre 1814, et dans cette enceinte j’entends toujours invoquer ce principe, et notamment relativement à une disposition qui a été présentée par M. le ministre des finances, que l’on ne s’écartait pas de l’arrêté-loi de 1814, que telles dispositions pouvaient facilement s’interpréter parce qu’elles n’étaient que la reproduction de l’arrêté de 1814.
Il me semble donc que le projet a plutôt pour but de régulariser les dispositions relatives aux pensions que de véritablement innover. Or, on sait que, quand il s’agit d’innover dans des lois, il faut être extrêmement circonspect.
Dans ce moment les pensions des professeurs sont réglées par les dispositions du règlement de 1816. Il n’y a donc lieu de s’en écarter qu’autant qu’on établirait la nécessité d’apporter des modifications à ce règlement ; et j’ai lieu de placer ceux qui défendent le règlement dans la position de prouver en quelque sorte la justice du règlement, il faudrait que ceux qui veulent des dispositions différentes de ce règlement prouvent que ces dispositions sont exorbitantes. Or, messieurs, c’est ce qui n’a été démontré en aucune manière.
On a comparé les professeurs aux membres de l’ordre judiciaire. Cette comparaison ne pourrait, au surplus, s’appliquer qu’aux professeurs en droit. Quant aux professeurs d’autres branches, ils se trouvent dans une catégorie toute différente. Mais je crois encore que ce point de comparaison ne peut être un motif de déroger aux dispositions du règlement de 1816, qui régissent les professeurs.
Ce n’est pas que j’adopte l’observation qui a été faite par un honorable préopinant, qu’il faut plus de connaissance pour le professorat que pour la magistrature. Je crois que celui qu’on a souvent appelé à bon droit la loi vivante, doit avoir de grandes connaissances en législation. Je crois qu’un bon magistrat doit avoir des connaissances aussi étendues qu’un professeur en droit.
Mais il y a cette différence que le professeur a pour ainsi dire constamment un service actif. Il doit donner des leçons. On conviendra que ce service est extrêmement fatigant, et qu’on se trouvera plus tôt incapable de continuer son emploi que lorsqu’on remplira des fonctions qui ne demanderont pas autant d’activité, qui ne demanderont pas un travail aussi soutenu et aussi continu que celui de professeur.
Cette observation, messieurs, me semble expliquer parfaitement la différence qu’il y a entre un magistrat auquel vous n’accordez par an qu’un soixantième de ses appointements pour sa pension, et le professeur dont le traitement augmente d’un trente-cinquième.
Ainsi, messieurs, vous voyez que les dispositions exceptionnelles à l’égard des professeurs, ou plutôt la continuation de ce qui existe actuellement, est véritablement fondée en justice et en raison, qu’ici il y a lieu d’adopter l’amendement proposé par M. le ministre des finances.
Messieurs, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’entrer dans des détails sur l’application de l’arrêté de 1816. Je pense que cet arrêté pourra aisément s’appliquer aux professeurs. Toutefois, s’il y avait quelques doutes, ils pourraient être facilement levés.
M. le président – La parole est à M. Devaux. (La clôture ! la clôture !)
M. Devaux – Si la chambre veut clore la discussion, je renoncerai à la parole.
M. de Langhe – Je demande à faire une observation.
M. Devaux – En ce cas je réclame mon tour de parole. (La clôture ! la clôture !)
M. le président – Messieurs, quand on veut la clôture, on doit se lever.
- Plusieurs membres se lèvent.
M. de Langhe – Je demande la parole contre la clôture. J’entends dire que plusieurs côtés que la section centrale s’est ralliée à l’amendement de M. le ministre, je dirai que cet amendement n’a pas été soumis à la section centrale, de sorte qu’on ne peut parler en son nom.
Quoiqu’il en soit, il n’est pas nécessaire, pour que la chambre aille aux voix, que la section centrale ait donné son avis, chacun peut voter d’après son opinion, et quant à moi, je suis disposé à voter pour l’amendement en discussion.
Mais, je le répète, je ne pense pas qu’on puisse dire que la section centrale s’y est ralliée.
M. Dubus (aîné) – Je demande aussi la parole contre la clôture.
Messieurs, plusieurs orateurs ont répondu aux observations que j’ai faites. Je demande la permission de faire une contre-réplique.
Vous avez successivement entendu plusieurs orateurs de la même opinion, de cette manière, vous avez une discussion qui est toujours dans le même sens. Si vous ne laissez pas répondre, c’est comme s’il n’y avait pas de discussion.
M. Zoude – Je répondrai à l’honorable M. de Langhe que la section centrale a été d’accord sur la nécessité d’augmenter les traitements des professeurs. En attendant, son intention était de les laisser jouir du peu de bénéfices que leur accorde la loi sous laquelle ils sont maintenant. C’est dans ce sens que j’ai parlé de l’intention de la majorité de la section centrale.
Il est possible que l’honorable M. de Langhe soit d’une opinion contraire ; mais celle de la majorité de la section centrale était que les traitements des professeurs doivent être majorés.
M. Dechamps – J’avais une explication à demander sur l’interprétation de l’amendement. Cette explication a un motif assez grave ; c’est sur la question d’éméritat. Je crois qu’il y a doute, de la manière dont l’amendement est rédigé, et pour lever tout doute, j’aurais demandé une explication à M. le ministre.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je répondrai, sur l’interpellation de l’honorable membre, que dans l’intention du gouvernement, le règlement de 1816 continuera à être appliqué comme il l’a été jusqu’ici, tant pour les professeurs émérites que pour les professeurs ordinaires, ne jouissant pas de reliquats.
M. Dechamps. C’est que dans la loi sur les universités, il est dit que les professeurs continueront à jouir du bénéfice des dispositions existantes en ce qui concerne la pension et l’éméritat. Dans la loi proposée, il ne s’agit pas d’éméritat, et même dans les universités, on avait interprété la loi de cette manière que l’éméritat était supprimé. Il s’agit de savoir si l’éméritat est une pension.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – C’est un mode de pension.
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
L’amendement proposé par M. le ministre des finances est adopté.
M. le président – La section centrale se réunira demain pour examiner les amendements proposés par M. le ministre des finances. Pour lui laisser le temps de préparer son rapport, l’appel nominal ne se fera qu’à 2 heures.
- La séance est levée à 4 heures et demie.