(Moniteur belge n°259 du 24 décembre 1840)
(Présidence de M. Dubus (aîné), vice-président)
M. de Villegas procède à l’appel nominal à 1 ½ heure.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Villegas présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« L’administration communale de Middelbourg demande que ses administrés soient indemnisés des pertes qu’ils ont essuyées en 1831 et 1832, par suite des inondations pratiquées par l’armée hollandaise. »
- Renvoi à la commission chargée d’examiner les amendements de M. le ministre de l'intérieur.
« Des brasseurs de Gembloux adressent des observations contre l’augmentation projetée du droit sur la bière. »
« Même pétition des brasseurs de Sotteghem (Flandre orientale). »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens, et insertion au Moniteur.
« Le conseil communal de Stabroeck demande le paiement de prestations faites à l’armée française en 1832, créances comprises dans le projet de loi relatif aux créances arriérées du département de la guerre. »
- Renvoi à la commission des finances.
« Les greffiers des justices de paix des cantons ruraux de la Flandre orientale demandent la discussion de la loi relative à la circonscription cantonale. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la loi.
« Les administrations communales de Elversele, Heurne, Syngen (Flandre orientale) réclament une augmentation de traitement pour les desservants des communes. »
- Renvoi au ministre de la justice.
Le sénat informe la chambre qu’il a adopté dans sa séance d’hier, le budget du département des affaires étrangères.
- Pris pour notification.
M. Jobard fait hommage à la chambre de deux exemplaires de son rapport sur l’exposition de l’industrie française.
Dépôt à la bibliothèque.
M. Maertens monte à la tribune et fait le rapport suivant – Messieurs, dans la séance d’hier, M. le ministre de l'intérieur a présenté un projet de loi tendant à ouvrir à son département un crédit provisoire de 500,000 francs pour faire face aux dépenses de son ministère pendant les deux premiers mois de 1841.
Vous avez renvoyé ce projet à l’examen de la section centrale du budget de l'intérieur, et cette section, par mon organe, a l’honneur de vous en proposer l’adoption.
L’époque avancée de l’année lui en impose le devoir ; toutefois elle n’entend en rien préjuger le sort des réductions qu’elle propose dans son rapport sur le budget de l’intérieur, et elle aime à se persuader que M. le ministre ne prélèvera sur ce crédit provisoire aucune des sommes nécessaires aux dépenses nouvelles ou aux majorations réclamées pour lui dans son budget. D’un autre côté, elle croit devoir attirer l’attention du gouvernement et de la chambre sur la nécessité d’aviser au moyen de voter à l’avenir tous les budgets avant le premier de l’an, et elle est d’avis que ce résultat serait atteint sans inconvénient si le gouvernement se décidait à présenter et la chambre à discuter les budgets d’un exercice dans le courant de la session législative qui précède cet exercice.
Je proposerai à la chambre de discuter immédiatement le projet de loi dont il s’agit. (Oui !oui !) Mais il serait bon que M. le ministre de l'intérieur s’expliquât sur l’observation faite par la section centrale en ce qui concerne les majorations demandées par lui dans son budget, ainsi que sur le désir qu’elle manifeste de voir à l’avenir discuter les budgets d’un exercice pendant la session qui précède cet exercice.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Je ne vois aucun inconvénient, messieurs, à prendre, conformément au désir manifesté par la section centrale, l’engagement de ne pas préjuger les questions qui se rattachent aux chiffres de mon budget, sur lesquels des majorations ont été demandées ou aux articles nouveaux de ce budget.
En ce qui concerne le vœu émis par la section centrale, que les budgets soient, à l’avenir, présentés de manière à pouvoir être votés avant le commencement de l'exercice auxquels ils se rapportent, c’est là un objet qui mérite toute l’attention du cabinet ; mais pour que le désir de la section centrale puisse se réaliser, il faut deux choses : comme M. le rapporteur l’a fait remarquer, il ne suffit pas que le gouvernement présente les budgets en temps utile, il faut aussi que la chambre les discute. Du reste cette question fera l’objet des délibérations du cabinet avant la fin de la session actuelle. Vous comprenez tous, messieurs, que notre intérêt n’est pas de devoir demander des crédits provisoires qui n’ont d’autre résultat que de compliquer la comptabilité et de rendre souvent difficile la marche de l’administration.
- Les articles du projet sont successivement mis aux voix et adoptés. Ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Il est ouvert au ministère de l'intérieur un crédit provisoire de 500,000 francs pour faire face aux besoins de ce département pendant les deux premiers mois de 1841. »
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire à dater du 1er janvier 1841. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l’unanimité par les 65 membres présents.
Ce sont : MM. Brabant, Cogels, Coppieters, David, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Puydt, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubois, B. Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Peeters, Pirmez, Pirson, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Trentesaux, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude et Dubus (aîné).
M. Zoude monte à la tribune et dépose le rapport de la section centrale qui a été chargée de l’examen du budget des finances.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.
M. Zoude, au nom de la section centrale du budget des finances, fait le rapport sur le projet de loi tendant à allouer au département des finances un crédit provisoire de 2,000,000 de francs. Il conclut à l’adoption du projet.
- Les articles de ce projet de loi sont successivement mis aux voix et adoptés. Ils sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Il est ouvert au ministre des finances, un crédit provisoire de la somme de deux millions de francs (fr. 2,000,000) pour faire face aux dépenses des mois de janvier et février 1841. »
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1841. »
Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l’unanimité des 67 membres qui prennent part au vote.
Ce sont : MM. Brabant, Buzen, Cogels, Coppieters, David, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Puydt, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubois, B. Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Leclercq, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Peeters, Pirmez, Pirson, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Trentesaux, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Dubois et Dubus (aîné).
M. de Puydt, organe de la commission chargée de l’examen de ce projet de loi, dépose son rapport.
- La chambre en ordonne l’impression et la distribution, et elle en fixera ultérieurement la discussion.
M. Mast de Vries, rapporteur – Messieurs, dans votre séance du 25 novembre dernier, vous avez adopté un projet de loi qui prorogeait et modifiait les lois sur les céréales des 26 décembre et 25 novembre 1839.
Les dispositions de ce projet n’ont pas toutes été accueillies par le sénat ; celles qui concernent le froment, le seigle et les pommes de terre n’ont pas été adoptées, et il n’est resté du projet que la disposition qui est relative à l’orge.
La commission à laquelle vous avez renvoyé le projet propose d’admettre la loi telle qu’elle a été modifiée par le sénat, c’est-à-dire de se borner simplement à la libre entrée de l’orge.
M. le président – La commission propose l’adoption du projet de loi sur les céréales, tel qu’il a été amendé par le sénat ; la chambre est-elle d’avis de procéder immédiatement à la discussion du projet ? (De toutes parts : Oui ! oui !) En conséquence, je déclare que la discussion est ouverte sur l’ensemble du projet de loi.
- Personne ne demandant la parole, la chambre passe aux deux articles du projet de loi qui sont adoptés, sans discussion, en la teneur suivante :
« Art. 1er. La disposition de l’article 1er de la loi du 26 décembre 1839 (Bulletin officiel, n°82) restera en vigueur jusqu’au 30 novembre 1841, inclusivement, à moins que le gouvernement ne juge utile d’en faire cesser les effets en tout ou en partie avant cette époque. »
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le jour même de sa promulgation. »
Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi qui est adoptée par 66 membres contre 2 (MM. de Langhe et Eloy de Burdinne).
Ont voté l’adoption : MM. Brabant, Buzen, Cogels, Coppieters, David, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubois, B. Dubus, Duvivier, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lange, Leclercq, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Peeters, Pirmez, Pirson, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Trentesaux, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude et Dubus (aîné).
M. Kervyn, organe d’une commission, dépose un rapport sur un projet de loi tendant à séparer la section de Tourinnes de la commune de Beauvechain (Brabant).
- La chambre ordonne l’impression et la distribution du rapport.
La discussion en sera fixée ultérieurement.
M. Desmet, organe de la commission d’industrie, dépose un rapport sur une pétition émanée des établissements de filature de Grez et de Saint-Léonard, qui ont demandé que l’entrée des fils de lin soit frappé d’un droit.
- Le rapport sera imprimé et distribués aux membres de la chambre.
M. Cools – Messieurs, la section centrale m’a chargé de présenter son rapport sur le projet de loi ouvrant un crédit provisoire au ministre des travaux publics, pour les deux premiers mois de l’exercice 1841.
Je vais donner lecture de ce rapport : (Il résulte que la section centrale réduit le crédit demandé à la somme de 1,706,083 francs 66 centimes.)
M. le président – La chambre vient d’entendre le rapport de la section centrale sur le projet de loi, tendant à ouvrir un crédit provisoire au département des travaux publics. La section centrale propose l’adoption du projet de loi, avec un amendement qui réduit le crédit provisoire à 1,706,083 francs 66 centimes. La chambre est-elle d’avis de passer immédiatement à la discussion de ce projet de loi ?
Un membre – Il faudrait que M. le ministre des travaux publics fût présent.
M. le président – Ce rapport sera imprimé et distribué ; à quel jour la chambre entend-elle en fixer la discussion.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je demande que jusqu’à l’arrivée de M. le ministre des travaux publics, la chambre suspende toute décision sur la question de savoir si elle ne pourrait pas discuter immédiatement le projet de loi.
M. le président – S’il n’y a pas d’opposition, la chambre ajournera sa décision sur la fixation du jour de la discussion jusqu’à l’arrivée de M. le ministre des travaux publics.
(M. le ministre des travaux publics entre en ce moment dans la salle.)
M. le président – La chambre juge-t-elle maintenant convenable de fixer le jour de la discussion du projet de loi tendant à ouvrir un crédit provisoire au département des travaux publics pour les deux premiers mois de 1841 ? La section centrale propose l’adoption du projet de loi, sauf un amendement qui réduit le chiffre à 1,706,083 francs 33 centimes. La chambre entend-elle passer maintenant à la discussion du projet de loi ? (Oui ! oui !)
M. le ministre se rallie-t-il à l’amendement de la section centrale ?
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je désirerais connaître les motifs qui ont porté la section centrale à proposer une réduction.
(M. Cools, rapporteur, donne une nouvelle lecture du rapport de la section centrale.)
M. le président – M. le ministre se rallie-t-il à l’amendement proposé par la section centrale ?
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Si l’amendement proposé laisse toutes les questions intactes, je ne vois pas d’inconvénient à m’y rallier. Mais je déclare que je continuerai à agir avec le crédit des deux mois comme je l’ai fait pour le budget de 1840, c’est-à-dire que j’imputerai sur ce crédit provisoire comme j’ai imputé sur le budget de 1840. Si donc des augmentations ont été imputées sur le budget de 1840, elles continueront à l’être sur les deux mois de crédit provisoire demandés pour 1841.
M. Cools, rapporteur – La section centrale a voulu laisser toute liberté d’action au gouvernement comme à la chambre. Elle a pensé que le gouvernement pouvait imputer sur le crédit demandé les dépenses qu’il jugerait devoir être faites sous sa responsabilité, sauf à la chambre à les approuver.
Quant aux observations faites sur les allocations conformes à celles portées au budget de 1840, la section centrale a pensé que des dépenses faites en 1840 pourraient ne plus être jugées nécessaires en 1841, et elle n’entend pas que la chambre puisse être liée à l’égard de ces dépenses par les imputations que le gouvernement pourra faire sur le crédit provisoire.
Telles sont les intentions de la section centrale.
« Art. 1er. Il est ouvert au ministère des travaux publics un crédit provisoire de 1,706,083 francs 66 centimes pour faire face aux dépenses des deux premiers mois de l’exercice de 1841. »
- Adopté.
« Art. 2. Ce crédit sera réparti de la manière suivante, sur les différents articles compris dans le projet de budget du département des travaux publics, pour l’exercice 1841, conformément au tableau annexé à la présente loi. »
M. le président – A l’article 19, chapitre XI, personnel de ponts et chaussées, la section centrale a proposé une réduction de 8,308 francs 34 centimes, ce qui réduit le chiffre de cet article à 69,191 francs 66 centimes. C’est par suite de cette réduction que le chiffre que nous venons de voter a été fixé à 1,706,083 francs 66 centimes.
- L’article 2 est adopté.
On procède ensuite à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
Elle est adoptée à l’unanimité des 66 membres présents.
M. Rodenbach – J’ai demandé la parole pour prier la chambre de vouloir bien voter d’urgence le projet de loi dont on vient de faire le rapport, qui est relatif à la cession du pont de Staelen en faveur de la Flandre occidentale.
L’honorable M. de Muelenaere, à une précédente séance, vous a démontré qu’il importait que ce projet fût voté avant le 1er janvier. Car le péage sur ce pont froisse le commerce, la navigation, ainsi que l’agriculture dans la Flandre occidentale. Le gouvernement s’est empressé de présenter un projet de loi sur cet objet, le rapport vous a été fait aujourd’hui. Si on remet la discussion après les vacances, on continuera à percevoir le péage. Je demande qu’on veuille voter ce projet d’urgence, comme on l’a fait pour d’autres.
M. le président – La chambre a déjà pris une décision, elle a ordonné l’impression et la distribution.
M. Rodenbach – Je reproduirai ma motion à la fin de la séance, pour que le projet soit mis à l’ordre du jour de demain.
M. le président – La section centrale a proposé des amendements. M. le ministre se rallie-t-il à ces amendements ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je demande que la discussion s’établisse sur le projet du gouvernement.
M. Doignon – Je viens appuyer la proposition de la section centrale. C’est un principe incontestable que la loi de budget n’est qu’une loi d’exécution ; par conséquent, ce n’est pas dans une loi de cette nature, quand nous n’avons qu’à voter des chiffres, que nous pouvons insérer des dispositions ayant pour but de créer, modifier ou majorer des impôts. La conséquence de ce principes est, comme l’a proposé la section centrale, que cette disposition fasse l’objet de lois séparées.
La section centrale a parfaitement compris ce principe en en faisant l’application à l’impôt foncier comme aux autres.
M. le ministre en convient, l’impôt foncier est la ressource « des temps difficiles » ; c’est ce que je lis dans son exposé des motifs ; mais un impôt de cette nature doit être prudemment tenu en réserve ; on ne doit y avoir recours qu’après avoir épuisé les autres moyens d’établir l’équilibre entre les recettes et les dépenses.
Ces moyens préalables sont d’abord les économies, les réductions convenables à introduire dans les budget des dépenses qui ne sont pas encore votés. Il est donc indispensable de discuter et voter premièrement tous les budgets de dépenses, afin de voir jusqu’à quel point nous devrons majorer nos recettes.
C’est d’ailleurs ce principe que le ministère lui-même a fait valoir au commencement de cette session, lorsqu’il a voulu qu’avant d’aborder le budget des voies et moyens on examinât en section le budget des dépenses.
En second lieu, avant de surcharger l’impôt foncier, il y a lieu de voir quelles sont les matières ou les articles qu’il conviendrait d’imposer ou de majorer plutôt que cet impôt : tels sont les distilleries, les sucres, le tabac, etc.
D’après un aperçu que j’ai fait, il me paraît même probable que nous ne devrons pas recourir aux centimes additionnels.
Il résulte de la note annexée au budget par le gouvernement qu’il y a lieu d’abord d’ajouter à nos ressources une somme de 390,000 francs.
L’impôt sur les distilleries, en l’évaluant aussi comme le gouvernement au taux le plus bas, produira une majoration de 600,000 francs.
Nous comptons bien au surplus que cette majoration pourra être plus élevée, ou que nous reviendrons à la législation de 1822, qui sera encore plus productive.
L’impôt sur les sucres donnera une augmentation qui, d’après les mesures prises, est aussi évaluée au moins à 200,000 francs.
Nous avons en outre la loi sur les tabacs qu’on élabore en ce moment au ministère.
Depuis que l’on a renoncé à la reconstruction du palais de justice, nous avons de ce chef sur les exercices 1839 et 1840, une économie de 300,000 francs.
Rien n’empêche d’affecter cette somme aux besoins de 1841.
D’un autre côté, nous avons des réductions moralement certaines, puisque déjà toutes les sections les ont admises.
Ces réductions peuvent être évaluées :
Pour le budget de la guerre à 1,200,000 francs.
Pour les budgets des travaux publics, de l’intérieur, de la justice et des finances, à 1,200,000 francs.
Au total : 4,390,000 francs.
On peut dire, d’après ce qui s’est passé dans les sections, qu’il n’y a aucune exagération à évaluer à 1,200,000 francs au moins les réductions sur les quatre budgets que je viens d’indiquer ; en effet, les nouvelles majorations proposées par le ministère, sur ces mêmes budgets, s’élèvent ensemble au chiffre énorme de 3,694,000 francs, savoir :
Sur le budget des travaux publics : fr. 2,567,000 ;
Sur le budget de l’intérieur : fr. 457,000 ;
Sur le budget de la justice : fr. fr. 228,000
Sur le budget des finances : fr. 442,000.
Total : fr. 3,694,000.
J’ai prouvé que l’évaluation de nos ressources pouvait être facilement augmentée de 4,390,000 francs ; or le déficit que le gouvernement se propose de combler est de 4,415,000 francs. Nous pouvons donc combler le déficit, sans recourir aux centimes additionnels.
Mais, supposons même qu’après tout cela, il y eût encore une augmentation à voter, alors nous aurions à voir si elle doit peser sur l’impôt foncier, de préférence aux autres contributions : question grave que nous aurions à discuter ; et pour la résoudre, il nous faudrait examiner nos voies et moyens dans leur ensemble et dans leurs détails. Il faut donc, dans tous les cas, distraire dès à présent ce qui concerne l’impôt foncier du projet urgent qui nous est maintenant soumis, et ajourner cet objet avec les autres.
Dès maintenant, j’ajouterai au surplus que je ne suis point partisan de cette majoration de l’impôt foncier. On veut atteindre la propriété, les propriétaires ; dans notre opinion, ce but est manqué. Il est de notoriété que, dans les campagnes, toutes les contributions sont mises dans les baux à charge des locataires. Ainsi la majoration retombera sur les cultivateurs, sur nos ménagers. C’est là la classe la plus nombreuse. Cette majoration retombera sur les cultivateurs des Flandres qui souffrent déjà tant de l’état de détresse de l’industrie linière ; et elle sera d’autant plus sensible dans les provinces wallonnes, que déjà elles ont été fortement surchargées par suite de la péréquation.
M. le ministre des finances vous a dit, dans son exposé, que cette majoration n’était pas une majoration, qu’il ne s’agissait que de ramener l’impôt foncier à son chiffre normal. Cela n’est pas exact. Il est vrai que 1831 et 1832, il y a eu sur l’impôt foncier une réduction de 4 à 500,000 francs. Mais on aurait dû ajouter qu’en 1833 40 centimes additionnels ont ensuite été établis sur l’impôt foncier, et de ces 40 centimes, il en reste encore 10, ce qui produit au trésor une somme de 1,500,000 francs environ. Il résulte de là que le trésor public a récupéré, en centimes additionnels, ce qui précédemment avait été diminué sur le principal ; que par conséquent ce qu’on demande aujourd’hui est une véritable augmentation sur l’impôt foncier.
On a dit encore que le revenu de la propriété foncière était considérablement augmenté et de là on a inféré qu’il fallait majorer l’impôt. La conséquence n’est pas juste. Si le revenu est augmenté (et c’est une grande question), d’un autre côté, les besoins de la société sont augmentés dans la même proportion. Dès lors, il n’y a aucun raison de majorer cet impôt.
Je voterai donc pour la proposition de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Déjà, le 12 de ce mois, j’ai remis à la section centrale une note par laquelle je l’engageais à opérer la division du budget des voies et moyens, d’après le vœu exprimé par plusieurs sections. Ainsi, sous ce point de vue, je suis parfaitement d’accord avec l’honorable préopinant. Il faut une loi spéciale pour chaque article soumis aux droits ; mais ce qui est possible pour les accises et les douanes ne l’est pas également pour la contribution foncière. Les rôles de la contribution foncière doivent être confectionnés dès les premiers jours de l’année. Pour y ajouter des centimes supplémentaires, il faudrait un très grand travail, qui occasionnerait de nouveaux frais au trésor public. Remarquez d’ailleurs que ces centimes additionnels n’augmentent la contribution foncière que dans une très faible proportion.
L’honorable préopinant nous a indiqué quelques réductions qu’il croit possibles. Mais il faut au moins attendre l’opinion de la chambre sur ces réductions qui dans tous les cas ne pourraient monter à la somme qu’il a indiquée.
L’économie provenant de la non-construction du palais de justice ne peut être portée comme ressource dans le budget des voies et moyens. Ce serait une faute grave. Il faut que cette somme, s’il y a économie réelle, soit employée à diminuer notre dette flottante. Si nous n’adoptons pas ce système, notre dette flottante, au lieu de s’amortir, augmentera chaque année.
Le chiffre total des voies et moyens, d’après la première proposition du gouvernement, était de 106,468,645 francs.
Les impôts proprement dit ne figurent au budget que pour 77 millions, en n’y comprenant pas l’augmentation proposée. Dans cette somme la contribution foncière est comprise pour un cinquième ; et cependant cette contribution ne figure que pour un dixième dans l’augmentation totale. Ainsi le gouvernement a bien senti qu’il ne faut atteindre que très légèrement la contribution foncière ; il sait que c’est une ressource qu’il faut réserver pour les temps les plus difficiles. C’est pour cela qu’il ne l’a fait contribuer que dans la proportion d’un dixième à l’augmentation nécessaire pour subvenir aux besoins de l’Etat.
Dans la première proposition qui vous a été soumise, il se présentait deux questions graves. Ces questions pouvaient donner lieu, dans cette enceinte, à d’assez longs débats. C’est pour les éviter, vu l’urgence et le peu de temps qui doit s’écouler d’ici à la fin de l’année, que le gouvernement a transformé sa proposition en un équivalent sous la forme de 3 centimes additionnels. Il avait espéré que la section centrale n’aurait pas fait d’opposition à une semblable proposition ; il l’avait espéré d’autant plus que les sections avaient été unanimes pour adopter le principe de l’augmentation. Il n’y a eu désaccord dans les sections que sur certains principes posés dans le projet de loi. Je vais le prouver en donnant lecture de l’avis des sections d’après les notes qui m’ont été communiquées par M. le président de la section centrale.
« La première section adopte le chiffre, mais pour autant que l’augmentation sera répartie sur le contingent de chaque province. »
C’est précisément ce qu’on fait aujourd’hui. Au lieu d’être répartie entre sept provinces seulement, l’augmentation au moyen des 3 centimes additionnels sera répartie entre les neuf provinces conformément au vœu de la première section.
« La seconde section admet purement et simplement l’augmentation. »
« La troisième section admet l’augmentation, pour autant qu’elle sera mise en rapport avec les autres matières imposables. » Or, je viens d’expliquer que cette augmentation sur la contribution foncière est en dessous de l’augmentation proposée sur les autres matières imposables.
« La quatrième section s’oppose à la majoration, sauf à recourir aux centimes additionnels, si le besoin est démontré. » Ce besoin, messieurs, est bien démontré par l’insuffisance des revenus qui s’élève à près de 5 millions pour 1841, et que nous devons prévoir être beaucoup plus élevée en 1842.
« La cinquième section adopte dans le sens de la première ; c’est-à-dire qu’elle veut que la répartition ait lieu sur les neuf provinces. »
« La sixième adopte purement et simplement. »
Messieurs, en présence de ces avis unanimes des sections, le gouvernement devait s’attendre à un meilleur accueil de sa proposition par la majorité de la section centrale.
Cette majorité n’a allégué que très peu de motifs à l’appui de la proposition qu’elle fait de supprimer ces 3 centimes additionnels. Elle a toutefois posé une sorte de restriction en disant que « du moins quant à présent », elle se prononce contre cette augmentation.
La minorité de la section centrale a désiré que, dans le cas où l’on voterait l’augmentation, les centimes additionnels ne frappassent pas à la fois sur le principal et les additionnels.
Le mode adopté à cet égard par le gouvernement n’est pas une innovation. En 1839, lorsque des centimes additionnels supplémentaires ont été adjoints à la contribution foncière, ces centimes frappaient également sur le principal et les additionnels.
Ces centimes étaient alors au nombre de dix ; ils ont été réduits à trois dans le projet actuel. Cependant, si un membre de la section centrale ayant voté sous réserve qu’elle ne porterait pas sur les additionnels, voulait proposer un amendement dans ce sens que les centimes supplémentaires ne frapperaient que le principal, je suis prêt à me rallier à une telle proposition.
Seulement, je ferai observer qu’il en résultera une perte pour le trésor de 67,000 francs et qu’en frappant à la fois le principal et les additionnels, nous atteindrions précisément la somme qui était indiquée dans le premier projet de loi.
Cependant, je le répète, je me rallierai à un semblable amendement s’il est proposé par un membre de cette chambre.
Comme la section centrale, je regrette vivement que ce projet doive être présenté si tardivement au sénat ; le gouvernement ne négligera rien pour qu’il n’en soit plus ainsi à l’avenir ; cependant, comme il ne s’agit cette fois que d’une très faible augmentation, je ne pense pas que l’on doive s’attendre à une opposition sérieuse dans cette assemblée qui, j’en ai la confiance, nous tiendra compte des circonstances dans lesquelles nous nous sommes trouvés, et saura donner une nouvelle preuve de sa sollicitude pour l’intérêt public en concourant à empêcher de nouveaux déficits dans le trésor.
J’espère, messieurs, que la chambre, qui s’est déjà prononcée une fois sur ce projet dans les sections, qui toutes ont voté l’augmentation de l'impôt en principe, sans admettre toutes cependant le mode présenté par le gouvernement ; j’espère, dis-je, que toutes les membres de cette chambre se rallieront à la proposition dégagée de toute complication qui vous est soumise dans le dernier projet, et qui consiste à frapper l’impôt foncier de 3 centimes additionnels.
M. de Nef – Si la disjonction de nouveaux impôts n’eût pas été proposée, je vous aurais dit que, lorsque nous étions en quasi guerre avec la Hollande, le pays se résignait assez bénévolement à payer les impositions demandées, parce que l’on se flattait que la paix faite, des économies seraient trouvées, mais qu’aujourd’hui on n’est pas peu étonné de voir cette même paix conclue et garantie par les grandes puissances, être suivie de résultats tout à fait différents.
Si cependant des majorations sont jugées nécessaires, je ne m’opposerai pas à celles sur les genièvres.
Et quoique le ministre des finances ait déclaré que cette majoration fera l’objet d’un examen séparé, je dois saisir dès à présent l’occasion qui se présente, pour appeler d’avance votre attention sur cette matière, afin que chacun ait le temps de réfléchir aux moyens propres pour faire disparaître les inconvénients actuels.
L’un des plus grands est de voir les petites distilleries écrasées par les grandes, et c’est principalement pour vous faire sentir que la loi de 1833 a produit des effets contraires à ceux que l’on s’est proposés en la votant que j’ai cru de mon devoir de prendre la parole à cette occasion, et de vous convaincre par des faits positifs de la vérité de mes assertions.
En 1833, l’on se proposait de faire cesser les plaintes sur la loi existante et d’accorder par une nouvelle loi aux distilleries agricoles une facilité telle qu’elle pût les mettre à même de soutenir la concurrence ; il en est résulté non seulement une perte de quelques millions pour le trésor, mais, ce qui pis est, un empêchement de travailler dans les distilleries agricoles. Des distillateurs impartiaux et très expérimentés m’ont assuré qu’ils ne peuvent aucunement avec la légère faveur de 10 p.c. sur les vaisseaux d’une capacité au-dessous de 5 hectolitres soutenir la concurrence contre ceux qui travaillent par le moyen de machines à vapeur ; il faudrait étendre cette faveur aux vaisseaux d’une capacité au-dessous de 10 et même de 20 hectolitres, et alors encore la concurrence sera difficile à soutenir. A l’appui de ces assertions, je vous dirai que d’une vingtaine de distilleries qui auparavant existaient dans mon arrondissement, il n’en reste plus que quatre à cinq en activité, dont pas une seule au chef-lieu. Toutes les autres chôment. Un grand nombre de distillateurs préféreraient la loi précédente, qui produisait beaucoup plus au trésor, si quelques vexations en étaient détachées ; en tout cas, j’ose me persuader que très incessamment des mesures seront prises pour rendre possible aux distilleries agricoles la concurrence avec celles établies sur une plus grande échelle.
M. Jadot – Je ferai remarquer à l’honorable M. Doignon que la section centrale n’a pas prétendu que l’on en pouvait demander de nouveaux centimes additionnels sur le budget. Elle n’a rejeté ceux demandés que parce qu’elle n’a pas voulu que l’impôt foncier fût majoré avant que le principe posé dans le projet présenté le 17 novembre, eût été discuté et voté par la chambre.
Les inconvénients quant au travail relatif aux rôles, s’il fallait les rectifier, n’ont pas échappé à la section, mais elle n’a pas cru devoir s’y arrêter. Quant à l’importance de la somme dont le trésor se trouverait privé par le rejet de la majoration, elle est si minime qu’elle n’a pu influer sur sa détermination.
(Moniteur n°360 du 25 décembre 1840) M. le ministre des finances (M. Mercier) – Quant aux principes qu’il s’agit de résoudre, l’occasion ne se présentera plus pour le budget de 1841.
Ces principes seront discutés fort à propos, lorsque prochainement on reviendra sur la péréquation cadastrale. Vous savez, messieurs, que la péréquation décrétée en 1834 arrive à son terme à l’expiration de 1841 ; de sorte que pour 1842 la péréquation doit être révisée. A cette occasion on pourra discuter fort à propos les différents principes que referme le projet de loi de budget des voies et moyens et dont nous n’avons pas à nous occuper aujourd’hui.
Quant à l’ajournement du vote sur les centimes additionnels, il est vrai que la chambre a déjà voté des centimes additionnels après la discussion du budget ; mais ce sont ces mesures qui ont prouvé combien de tels votes jetaient de désordre dans l’administration, augmentaient la besogne des employés et entraînaient de frais.
(Moniteur n°359 du 24 décembre 1840) M. David – Personne ne conteste l’urgence de créer de nouvelles ressources pour éviter au gouvernement les fâcheuses conséquences d’un déficit qui ne ferait que s’accroître.
Trouver ou signaler les moyens de se procurer ces ressources en rencontrant les sympathies les plus générales, voilà la grande difficulté. Pour mon compte, j’avoue que j’ai été effrayé par le premier projet présenté par le ministre des finances, projet de majoration d’impôts sur des objets tels que le café, la bière, etc. C’était là une ressource à laquelle il eût été bien dangereux de s’arrêter, parce qu’elle frappait à la fois la classe des malheureux, l’industrie en général, et notre navigation.
Pourquoi toujours atteindre le pauvre ? n’avons-nous pas une série d’objets de luxe à frapper ? La chambre, dans ses discussions en section au budget des voies et moyens, s’est montrée ingénieuse dans la découverte d’une foule de ces objets, et en voici quelques-uns que, pour mon compte, je désire voir imposer, et parmi lesquels les célibataires, les rentiers, paieront aussi leur tribut : ce sont les cartes à jouer, qu’on pourrait soumettre au timbre ;
Les équipages (voitures) ;
Les livrées, c’est une pure parade ;
Les cigares exotiques ;
Les glaces des appartements ;
Les grands verres à vitre ;
Et enfin les naturalisations.
Par les cartes à jouer, vous frappez le tripot, le jeu de hasard, et ce n’est pas un mal. Par la plupart des autres objets, vous atteignez le luxe, et ce n’est pas un mal non plus, car il ruine plus qu’il n’enrichit. Enfin par un droit sur les naturalisations vous ne faites que rentrer dans une voie de laquelle il était inutile de s’écarter.
Si donc aujourd’hui, messieurs, on nous propose une majoration de 5 centimes additionnels sur l’impôt foncier, comment ne pas reconnaître qu’on peut encore mieux choisir l’objet de nouvelles ressources ? Après tout, il faut bien imposer quelque chose, et y a-t-il rien de plus naturel que de songer à l’impôt foncier, lui qui dort en paix depuis 40 ans : le foncier, lui, qui depuis le commencement du siècle, a vu doubler sa valeur et ses baux.
Je vous le demande, messieurs, l’agriculture comparée à toutes les autres branches, peut-elle se plaindre aujourd’hui ? Il ne faudrait pas reconnaître ce que la législature a fait pour elle, et il faudrait fermer les yeux sur sa longue phase de prospérité, dont je me plais à prévoir la durée, en dépit de 3 centimes additionnels. Faudra-t-il que cette agriculture soit définitivement l’arche sainte, qu’on n’ose y toucher, que désormais elle soit affranchie de toute alarme, quand à chaque instant le commerce, l’industrie sont menacés, tiraillés par des propositions dont la portée, souvent difficile à saisir, remet en doute une foule d’existences, de positions acquises ? Faudra-t-il toujours laisser crier que nos chambres sont peuplées de grands seigneurs avides, dont toute l’étude est d’échapper aux impôts, pour les rejeter tout entiers sur les classes pauvres ?
Messieurs, ce cri que la presse a souvent fait entendre, avec exagération, je l’avoue, ce cri deviendrait aujourd’hui bien légitime, si vous repoussiez la majoration de 3 centimes.
Quant à moi, je la voterai comme le seul remède admissible dans ce moment-ci. Je ne craindrai pas d’être accusé d’intérêt personnel dans cette question, où il me répugne de dire que, s’il était mon mobile, je voterais dans un autre sens.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je serai le plus laconique possible, et cependant je dois dire qu’il y a beaucoup d’observations à faire et sur la proposition ministérielle et sur ce que vous ont dit différents membres depuis le moment où la discussion a commencé.
Messieurs, l’opinion de M. le ministre des finances est qu’il faut voter immédiatement les 3 centimes additionnels à la contribution foncière. Ainsi la contribution foncière n’est pas assez élevée ; cette partie de nos impôts ne mérite pas votre attention. Tous les autres impôts qu’on vous demande exigent une attention scrupuleuse. Les augmentations sur les différents autres articles doivent être examinées attentivement ; mais quand il s’agit de l’industrie agricole, frappez et vous percevrez immédiatement. N’est-il pas facile de venir prétendre que l’on peut de suite atteindre l’industrie agricole, sans examiner si l’on doit et même si on peut l’atteindre ?
Cette question doit être examinée tout autant que toutes les autres augmentations proposées sur différents autres objets. Il ne faut pas que nous ayons deux poids et deux mesures. Il faut traiter toutes les industries de la même manière.
Ne croyez pas, messieurs, que, comme vous l’a dit M. le ministre des finances, il y aurait de graves inconvénients, des dépenses considérables si vous ne votiez que plus tard les centimes additionnels que l’on vous demande. Il n’en est rien, et je vais le démontrer.
On peut commencer par recevoir les trois premiers douzièmes sur le rôle de 1840 ; et, messieurs, ce ne serait pas quelque chose de nouveau, cela a déjà été fait. Ne vous laissez donc pas entraîner par ces prétendues dépenses dont vous a parlé M. le ministre des finances ; il n’y en a pas la moindre.
M. Dumortier – Je demande la parole.
M. Eloy de Burdinne – Il faut, dit-on, que la législature vote de suite les trois centimes additionnels sur la contribution foncière. Vous le savez, messieurs, il vaut mieux un « tiens » que deux « tu l’aurais ». Comme le temps court, et que le budget des voies et moyens au moins provisoire doit être voté de suite, on a dû croire que les 3 p.c. seraient immédiatement accordés. Si j’étais ministre des finances, messieurs, je compterais aussi beaucoup sur la fatigue de la chambre, et sur le besoin qu’elle éprouve de se donner immédiatement une vacance qu’elle prend ordinairement à l’époque où nous nous trouvons.
Messieurs, dans les projets d’augmentation d’impôt qui vous sont présentés, il est à remarquer qu’on ne propose rien pour la contribution personnelle et pour les patentes, on ne s’adresse qu’à la contribution foncière. Mais, messieurs, avant d’augmenter cette contribution, voyons si nous pouvons frapper d’autres impôts qui seraient de nature à donner de grandes ressources au trésor. Et sous ce rapport, je vous entretiendrai de l’impôt sur les sucres.
Comment, messieurs, en Belgique, on perçoit un impôt sur le sel d’un franc par tête. Et vous le savez, l’impôt sur le sel est un impôt qui frappe les malheureux. Eh bien, pour le sucre, qui est la consommation du riche, qui est une consommation de luxe, l’Etat ne perçoit pas vingt-cinq centimes par tête.
Voilà une consommation qui devrait être atteinte. Voilà où vous devriez chercher des impôts, ou vous pourriez obtenir une augmentation des revenus.
Au surplus, messieurs, en prenant des mesures pour percevoir cet impôt, vous ne feriez que suivre l’intention du premier législateur qui n’a pas voulu imposer aux consommateurs de sel et de sucre un impôt au-dessus de leurs revenus.
Voilà d’abord, messieurs, ce que nous aurons à examiner avant de décider si nous augmenterons les contributions.
D’ailleurs, messieurs, il est d’autres impôts que l’on pourrait créer ; si toutefois il est démontré que l’impôt sur le sucre, perçu intégralement, ne suffit pas pour combler le déficit ; si cela est démontré, alors nous examinerons, avant d’augmenter les impôts existants, s’il n’est pas possible de créer de nouveaux impôts ; mais avant tout il faut faire rentrer les impôts qui sont décrétés.
Comme on vous l’a dit, messieurs, dans cette séance, vous aurez des économies, et je suis convaincu qu’il y a moyen d’en opérer. J’espère que nous finirons pas entrer dans un système tel que nous ne ferons plus des dépenses supérieures à nos moyens, que nous ne suivrons plus l’exemple de ces jeunes gens dissipateurs qui mangent en même temps et leurs revenus et leur capital intégral.
On nous a représenté la propriété foncière comme étant la plus facile à atteindre, comme devant être frappée en premier lieu. Mais, messieurs, ne perdez pas de vue qu’en Belgique comme en France, la propriété paye à l’Etat les 13/16 du montant total des impôts, tant directement qu’indirectement ; dans la discussion qui a eu lieu dans la chambre française, à l’occasion de la loi des céréales, il a été démontré à l’évidence qu’en France la propriété paie les 13/16 des impôts ; or si cela est en France il est évident que cela est aussi en Belgique.
Du reste, messieurs, lorsque vous augmentez l’impôt foncier, ce n’est pas le propriétaire que vous atteignez : en thèse générale, tous les baux chargent le preneur de payer toutes les contributions mises et à mettre, prévues et imprévues. C’est donc sur le cultivateur que vous allez faire peser l’augmentation d’impôts qui vous est demandée.
On nous dit continuellement, messieurs, que l’agriculture est prospère et le haut prix des grains pourrait le faire croire ; mais je vais vous prouver que c’est là une erreur grave.
Certes, messieurs, la chose serait exacte, si les récoltes de 1838 et de 1839 avaient été complètes, mais vous savez que l’hiver désastreux de 1837 et 1838 a anéanti la récolte dans beaucoup de localités, vous savez en outre que cette année les colza ont complètement manqué, et que les colza sont un objet d’intérêt assez majeur ; vous savez également que la récolte de 1839 a été loin aussi d’être favorable.
Le prix élevé des céréales et une calamité qui n’est pas seulement propre à la Belgique, mais qui est générale à toute l’Europe ; nous avons même à nous applaudir en Belgique de ne pas avoir le prix des céréales aussi élevé qu’il l’est en Angleterre et en France. Eh bien, messieurs, ce haut prix des céréales et les résultat d’un déficit dans les produits, et ce déficit a placé le producteur dans une position plus fâcheuse que le consommateur.
En effet, messieurs, je suppose un cultivateur exploitant 60 hectares de terres arables, dans un pays où le froment soit le principal produit ; si ce cultivateur est dans le cas d’obtenir 300 hectolitres de grains il doit d’abord sur ces 300 hectolitres en prendre 100 pour ensemencer les terres et nourrir le bétail employé à l’agriculture ; il lui reste donc 200 hectolitres à vendre. Eh bien, je suppose qu’il les vende à 15 francs (et certainement on ne trouvera pas que c’est là un prix élevé) il aura donc 3,000 francs ; maintenant qu’au lieu de récolter 300 hectolitres il n’en récolte que 200, il doit toujours prendre d’abord 100 hectolitres pour l’ensemencement de ses terres et l’alimentation du ménage agricole ; il lui restera donc 100 hectolitres à vendre ; eh bien, je suppose qu’il en obtienne 22 francs, cela lui fera une somme de 2,200 francs, tandis que dans le premier cas, celui d’une récolte abondante, il aurait obtenu 3,000 francs ; il y a donc un déficit de 800 francs. Or, je le demande, messieurs, y a-t-il bien dans une classe quelconque de la société, un ménage, quelque nombreux qu’on le suppose, qui ait été dans le cas de dépenser 800 francs de plus par an à cause de la cherté des céréales ? Il est donc évident que le producteur a plus souffert de la disette que le consommateur.
Je sais que l’on pourra m’objecter que le bétail s’est bien vendu ; oui, messieurs, fort heureusement, le bétail s’est bien vendu, mais s’il en avait été autrement, le cultivateur eût été complètement ruiné par suite du manque de produits.
On nous a parlé, messieurs, de la nécessité de faire prospérer l’industrie ; moi aussi je tiens beaucoup à ce que l’industrie et le commerce soient prospères en Belgique. Je tiens aussi à ce qu’elles soient toutes traitées de la même manière. On dit que l’industrie étant dans une position fâcheuse, il ne faut pas la frapper ; mais on frappe cependant la propriété pour favoriser l’industrie.
On fait tous les sacrifices pour l’industrie ; on dépense pour elle 3 à 4 millions par an, sans compter la construction du chemin de fer qui est tout à fait en faveur de l’industrie.
Je bornerai ici mes observations pour le moment, mais je me réserve de prendre la parole lorsqu’il sera question d’autres budgets. Je voterai en faveur de la proposition de la section centrale.
M. Desmet – J’ai demandé la parole, messieurs, lorsque M. le ministre des finances a parlé des observations des sections sur les majorations à apporter à la contribution foncière. En ma qualité de rapporteur de la quatrième section, je crois devoir faire remarquer que M. le ministre n’a pas tout dit ; le rapport dit plus que ce qu’a dit M. le ministre ; le rapport dit que l’on s’est opposé à la majoration du principal de la contribution foncière ; il dit, en second lieu, que l’on s’est opposé à l’augmentation des centimes additionnels avant que tous les budgets des dépenses ne soient votés ; il dit, en troisième lieu, que si, après le vote de tous les budgets des dépenses, il est démontré qu’il faut augmenter le budget des voies et moyens, il y aura alors à examiner combien l’on peut prendre sur les impôts indirects ; il dit enfin que s’il y a nécessité d’augmenter les impôts directs, ce n’est pas le fermier seul qui doit supporter la surcharge, mais qu’il faut la répartir sur tous. Si M. le ministre voulait faire usage des observations des sections, il n’aurait pas dû se borner à l’inspection des notes de M. le président de la section centrale, mais il aurait dû prendre communication des rapports mêmes, qui contiennent les observations détaillées, tandis que les notes du président ne contiennent que le résumé et souvent très brièvement, et alors, il aurait pu se convaincre que l’opinion des sections n’était pas si unanime pour la majoration du foncier, et que presque toutes avaient repoussé telle qu’il l’avait proposée en premier lieu ;
Lorsque la section centrale a repoussé les centimes additionnels, elle a adhéré à l’opinion de la quatrième section qui a pensé qu’avant d’augmenter les impôts, il faut examiner jusqu’à quel point l’on pourrait augmenter les impôts indirects sans nuire à l’industrie ; elle a pensé aussi qu’avant d’augmenter les impôts pour combler le déficit, il faudrait voir combien l’on pourra recevoir en 1841, ce qu’on pourra évaluer lorsqu’on saura quelles ont été les recettes réelles de 1840.
A cet égard, messieurs, il a été remis hier une note à la section centrale ; cette note je n’ai pas pu l’examiner convenablement parce que le temps nous manquait, mais il m’a semblé qu’il en résulte que les recettes de 1840 ont surpassé de beaucoup les évaluations. Eh bien, messieurs, lorsque d’une part l’on aura voté tous les budgets de dépense et que d’un autre côté on connaîtra exactement le montant des recettes de 1840, alors seulement l’on pourra dire à combien s’élève le déficit.
Le grand argument mis en avant par M. le ministre des finances, c’est la difficulté qu’il y aurait de changer les rôles de la contribution foncière si des centimes additionnels étaient votés après le premier janvier. Je ne suis pas attaché à cette partie, mais d’après ce qui s’est fait autrefois, il me semble que cette difficulté n’est pas bien grande. Dans une pareille circonstance, tout ce que l’on fait, c’est d’ajouter aux cotes le montant des centimes additionnels, cela se fait même souvent à l’encre rouge. Il me semble qu’il n’est pas bien difficile d’ajouter dans une cote tant pour cent au principal ; s’il s’agissait d’augmenter le principal, alors la chose pourrait présenter certaines difficultés, mais comme il n’est question que de centimes additionnels, rien n’est plus facile.
Je crois qu’il n’y a aucune nécessité ; d’ailleurs l’on sait que toutes les charges qu’on impose au foncier retombent en définitive sur les malheureux. Ce ne sont pas les propriétaires qui payent les contributions, mais toujours les fermiers, car dans presque tous les baux, les propriétaires ont soin de conditionner que les contributions ordinaires et extraordinaires tombent à charge des fermiers.
Messieurs, vous savez combien les fermages sont élevés et combien sont grandes les charges des habitants de campagne, et quoique les produits soient à de bons prix, il n’y a pas de prospérité dans le plat pays ; il y a au contraire grande misère et surtout dans la Flandre, où le travail manque, et quand le travail manque la misère est à son comble !
Je ne répondrai pas à l’honorable M. de Nef, qui a exprimé son opinion sur la loi de 1822, en ce qui concerne l’accise des distilleries. Je me réserve de revenir là-dessus, quand cet objet sera à l’ordre du jour.
Cependant, comme le budget principal des voies et moyens renferme beaucoup d’objets d’accise et de tarif qu’on veut fortement modifier, je désire qu’avant la discussion de ce budget, la commission d’enquête parlementaire puisse nous donner communication de l’enquête, je désire qu’elle la fasse imprimer. Je demande cette communication, surtout parce qu’il paraît que dans l’enquête, on a touché la question des distilleries, question qui est plus importante qu’on ne croit pour l’industrie agricole. Ce n’est pas le rapport ou analyse de l’enquête que je demande, car je crois bien qu’il n’est pas prêt, mais c’est la publication de l’enquête même que je demande ; je désire donc qu’elle soit imprimée et que la distribution en soit faite avant la discussion du budget principal des voies et moyens.
M. de Langhe – Messieurs, je me trouve heureux d’avoir à défendre une proposition ministérielle, et à la défendre dans toutes ses parties. J’ai dit dans une autre occasion que, selon moi, le ministère était engagé dans une mauvaise route ; que je désirerais lui en voir prendre une autre, et que pour y parvenir, je ne négligerai aucun moyen. Mais il y a un moyen que je ne me permettrais jamais d’employer, ce serait celui d’arrêter le char de l’Etat. Je suis trop bon citoyen pour contribuer à amener une pareille secousse.
Je crois donc que le ministère a bien fait de proposer une loi transitoire de voies et moyens, et de demander à pouvoir recouvrer les impôts sur l’ancien pied, jusqu’à ce que nous ayons pu statuer sur les propositions d’augmentation qu’il nous a faites.
Aussi, je pense que sur ce point, il n’y a pas de divergence d’opinion. Il y en a une sur l’augmentation qu’il se propose de porter dès aujourd’hui à l’impôt foncier.
(Erratum, Moniteur du 28 décembre 1840) Je dois dire que dans ma section, et j’apprends qu’il en a été de même dans la plupart des sections, cette majoration a pas rencontré peu d’opposition. Je crois que la somme totale de l’impôt foncier n’était pas élevée dans notre pays, mais qu’elle était mal répartie, ainsi que le cadastre l’a prouvé.
Quand la chambre et le ministère ont jugé à propos d’apporter une diminution au contingent de quelques provinces, je regrette que ce contingent n’ait pas été reporté sur les autres provinces. Je crois que le total de la contribution foncière aurait pu très bien être supporté dans le pays, et cela sans réclamation. Mais enfin, de ce que l’on ne l’a pas fait encore, s’ensuit-il qu’on ne doive pas le faire aujourd’hui ? Je pense que non. Cette proposition, d’ailleurs, n’est pas très considérable, et elle est fondée en justice.
Le ministère, pour ne pas préjuger plusieurs questions, a eu recours à la création de 3 centimes additionnels. Il les a fait porter non seulement sur le principal, mais encore sur les centimes additionnels. Je crois qu’il a encore eu raison en cela, parce qu’il devait approcher autant que possible du chiffre qui résulte de l’augmentation proposée à toute la contribution foncière en principal. J’avoue que je verrais presqu’à regret qu’on abandonnât cette manière de répartir les centimes additionnels. Le déficit qui en résulterait serait encore plus grand. Je crois que de nouveaux impôts sont réellement nécessaires, quelque économie qu’on fasse ; or, en pareil cas, l’augmentation la plus naturelle est de revenir au chiffre de l’ancienne contribution foncière, et sous ce rapport, je donnerai mon plein assentiment à la mesure.
On a dit dans le rapport de la section centrale (et c’est un point qui n’a pas été touché jusqu’ici) qu’il y aurait une espèce d’inconvenance à envoyer à une autre branche du pouvoir législatif un budget sur lequel elle ne pourrait pas faire d’amendement ; mais je crois que le temps qu’on accordera à cet autre corps de l’Etat est bien plus que suffisant, pour qu’il puisse, s’il le désire, introduire des amendements dans le budget. Jamais ce budget n’a été voté si tôt.
En résumé, je dis que le ministère a fait ce qu’il pouvait et devait faire, car il faut être juste envers le ministère comme envers tout le monde. Au surplus, mon approbation d’aujourd’hui ne m’empêchera pas de lui faire de l’opposition, toutes les fois que je croirai mon opposition juste et utile.
M. Vandenbossche – Messieurs, le ministère vous a présenté son budget. La loi qu’il vous a présentée actuellement ne nous est soumise qu’en attendant la discussion du budget principal, dès lors il me semble que cette loi aurait dû être conçue de manière à ce qu’elle ne pût susciter aucune discussion. Le seul moyen pour atteindre ce but, était de voter les contributions sur le pied de l’année 1840.
Quant à l’impôt foncier, M. le ministre a dit qu’il n’avait reçu aucune opposition dans les sections, moi, messieurs, je me suis opposé à l’augmentation dans ma section, mais comme les autres membres ne partageaient pas mon opinion, je n’ai pas exigé qu’on en fît mention dans le rapport.
On dit toujours que nos moyens ne suffiront pas à nos dépenses. Si j’avais su que la loi qu’on nous présentait renfermât une disposition susceptible de provoquer une discussion, je me serais permis de signaler à la chambre les ressources indépendantes des impôts, et la Belgique en a : nous n’avons qu’à les recueillir.
Un grand nombre de membres – Indiquez-les.
M. Vandenbossche – Une ressource se trouve déjà dans le projet de loi que je vous ai présenté. Je sais bien que les financiers s’y opposeront, et j’avoue que le projet est susceptible de quelques modifications. Mais ce n’est pas la seule ressource que je me proposais de signaler.
Des membres – Signalez-les.
M. Vandenbossche – Je les signalerai lorsque nous arriverons à la grande discussion du budget des voies et moyens, et j’espère prouver alors à la chambre que nous avons assez de ressources, des ressources meilleurs que de nouveaux impôts, pour subvenir à tous nos besoins.
Pour ce motif, je rejetterai la loi, en tant qu’elle apporterait un changement quelconque à l’impôt existant.
M. Dumortier – Messieurs, il ne faut pas vous y tromper, la loi que vous êtes occupés à discuter en ce moment, n’est pas une loi provisoire, c’est le budget des voies et moyens pour 1841.
Certainement, messieurs, puisque nous discutons les voies et moyens, nous devons nous opposer aux augmentations d’impôt, et pour mon compte, je m’y opposerai toujours, autant que la chose est possible. Or, ici, il faut reconnaître la vérité, la vérité d’un fait, c’est qu’il y a nécessité, et nécessité impérieuse d’une augmentation d’impôt.
Vous savez, messieurs, d’où cela provient. Par suite du traité du 15 novembre, la Belgique doit payer annuellement à la Hollande 10 millions et demi de francs. En outre, nous devons calculer environ sur un demi-million de francs par an, pour faire face au rachat du péage sur l’Escaut. D’un autre côté, la cession du Limbourg et du Luxembourg a fait perdre encore à la Belgique à peu près 4 millions de francs annuellement.
Voilà donc 15 millions que nous perdons et que nous devons trouver, et il est impossible de trouver ces 15 millions sur le budget. Nous pouvons et nous devons opérer des réductions notables, mais il en fait revenir à cette vérité, qu’il y a impossibilité, et impossibilité absolue de couvrir les dépenses au moyen des recettes actuelles.
Ce qui surtout rend cette vérité évidente, c’est qu’indépendamment des dépenses que je viens d’indiquer, nous avons encore dans le cours de l’année dernière voté un emprunt de 80 et autant de millions, l’emprunt destiné, entre autres, au chemin de fer et dont il faut encore servir les intérêts et l’amortissement. C’est encore une charge nouvelle. Il y a de ce chef à porter encore au budget une somme de 5 millions.
Vous voyez donc que, quelles que soient les économies que nous apportions dans le budget, nous avons un devoir à remplir, devoir fâcheux, devoir pénible, devoir que je déplore vivement, car il est telle circonstance que nous n’avons pas provoquée et contre laquelle un grand nombre d’entre nous ont voté de grand cœur ; mais enfin c’est un devoir que nous avons à remplir, et certes, devant un devoir nous ne pouvons pas reculer. Pour mon compte, je le répète, je suis opposé aux majorations d’impôts ; mais il est une chose qui domine toujours ma pensée, sur laquelle je ne pourrai jamais transiger, c’est la crainte d’amener un déficit dans le trésor public ; il ne faut, à aucun prix, amener un déficit dans le trésor public, et nous manquerions à notre devoir, nous manquerions à notre mandat, nous serions coupables envers nos commettants, si nous allions occasionner un déficit dans le trésor public ; car, de déficit en déficit, on marche inévitablement vers un précipice.
Et nous avons devant nous l’exemple de ce qui s’est passé sous le royaume des Pays-Bas. Alors on ne s’est pas occupé de combler le déficit, on a fait plus de dépenses qu’on n’avait de recettes, on n’a pas cherché à établir l’équilibre, on a marché de déficit en déficit, c’est ce qui a été une des causes de la révolution, car les impôts sont devenus tellement élevés qu’il n’y avait plus moyen d’ y subvenir. Voilà donc notre position nettement tracée. Je n’examine pas ici quel est le chiffre dont nous devons augmenter les impôts. Je n’examine pas cet article, parce que nous ne pourrons bien le décider que quand nous aurons voté tous les budgets des dépenses. Pour mon compte, mon intention bien formelle est d’écarter toute majoration de dépenses dans le but d’empêcher que les impôts ne s’élèvent pas trop. Mais enfin quoique nous puissions faire, nous devons toujours en venir à cette vérité que les impôts ne sont pas suffisants pour courir les dépenses obligatoires, et qu’il est de toute nécessité de les majorer. Puisque cette vérité est reconnue, pourquoi ne pas discuter dès maintenant toutes les parties de la loi qui sont susceptibles de l’être ?
Dans le projet de budget primitivement présenté par le gouvernement, il y avait des dispositions de deux ordres différents. Les unes ne faisaient que confirmer les impôts des années précédentes, les autres créaient des ressources nouvelles pour le trésor. Dès que le ministre des finances eut donné lecture du projet de budget, chacun peut comprendre qu’il serait difficile, si pas impossible, de discuter avant la fin de cette année ce projet de budget avec tous ses détails. S’il y a impossibilité de tout discuter, du moins devons-nous chercher à discuter tous les détails non susceptibles d’être ajournés.
Or, il y a deux objets dont l’ajournement serait dangereux pour le trésor public. Ces deux objets sont l’augmentation des impôts directs et l’augmentation de l’impôt sur les distilleries.
Vous ne pouvez pas ajourner la discussion des centimes additionnels sur les impôts directs parce que vous savez qu’il est indispensable que les rôles soient mis en recouvrement dans un bref délai, qu’il faut commencer par les confectionner, que ce travail est immense et qu’avant de le faire il faut que le quantum de l’impôt direct soit voté. Ce que je dis ici n’est neuf pour personne ; déjà à plusieurs reprises, cela vous a été signalé.
En 1838, quand mon honorable collègue et ami, M. d’Huart, présenta un projet de budget, contenant une majoration d’impôt, ce projet ne pouvant pas être voté avant la fin de l’année, il demanda un crédit provisoire pour le mois de janvier, et il insista de la manière la plus pressante pour que le budget fût voté avant l’expiration du crédit, parce qu’il était impossible de mettre les rôles en recouvrement, si les impôts directs n’étaient pas votés en janvier. Nous avons voté un crédit provisoire jusqu’au 31 janvier. Arrivé là, comme on n’avait pas eu le temps de voter le budget définitif, on a adopté un projet de loi conçu dans les mêmes termes que celui présenté aujourd’hui par le ministre des finances.
Nous avons donc des précédents qui nous indiquent ce que nous devons faire. Il, est nécessaire de discuter l’impôt foncier avant la confection des rôles ; vous adopterez ou vous rejetterez l’augmentation, cela vous regarde, mais c’est un devoir pour vous de la discuter.
J’ai entendu plusieurs membres proposer l’ajournement. C’est contre cet ajournement que je parle en ce moment.
Un honorable membre a dit : on peut percevoir le premier trimestre sur le pied de 1840. En agissant ainsi, ou vous occasionnerez une perte au trésor, ou vous êtes dans la nécessité de revenir par une mesure rétroactive sur les impôts perçus pendant le premier trimestre. Vous savez que les mesures rétroactives sont toujours odieuses. Eh bien, vous êtes placés entre ces mesures odieuses ou un préjudice pour le trésor. C’est un dilemme dont vous ne pouvez pas sortir.
Nous sommes dans les termes utiles pour discuter le budget et voter l’impôt foncier ; il n’y a aucun motif pour ajourner la question relative à l’impôt foncier. Mais je proposerai que les 3 centimes additionnels se bornent exclusivement au principal de l’impôt foncier.
M. le ministre y a consenti. Je ne pense pas que cela fasse difficulté. Je ne veux pas que ces additionnels soient répartis sur l’impôt foncier et les autres contributions directes personnelle et patente. Ce n’est pas quand une crise industrielle frappe les habitants des villes dont la misère est des plus grande, qu’il faut augmenter les impôts qui les frappent.
On me rendra cette justice que je me suis toujours opposé aux majorations d’impôts. Mais je suis forcé de reconnaître qu’aujourd’hui il règne moins de misère dans les campagnes que dans les villes. (Réclamations.)
Messieurs, c’est un fait constant qu’on ne peut pas révoquer en doute. Il est certain qu’il y a moins de misères dans les campagnes que dans les villes.
M. Rodenbach – Il n’y a que vous qui dites cela.
M. Dumortier – De ce que je ne suis pas de l’avis de M. Rodenbach, il n’en résulte pas que je sois seul de mon opinion.
Messieurs, j’ai dit qu’il y avait moins de misère dans les campagnes que dans les villes. Je maintiens ce que j’ai dit, je vais le prouver. Sur qui porte l’impôt foncier ? Ce n’est pas sur les propriétaires, sur les petits ouvriers. Il porte principalement sur ceux qui occupent des terres, et par conséquent qui ont quelque chose.
Vous conviendrez qu’au prix où sont les céréales les cultivateurs doivent avoir un certain degré d’aisance qui n’existe pas dans les villes où l’industrie est en souffrance au dernier degré.
Il est une chose qu’on a trop perdue de vue. Dans la confection des lois de 1822 on a exempté de l’impôt direct personnel toutes les habitations rurales dont la valeur locative n’excède pas 20 florins. C’est là un privilège très grand accordé aux communes rurales, car un loyer d’une maison de 20 florins entraîne la culture de plusieurs hectares de terre.
On disait que cette disposition était compensée par l’impôt mouture et celle d’abattage. Depuis la révolution, ces impôts ont été supprimés et n’ont été remplacés par rien. Ceci démontre jusqu’à l’évidence la vérité que je signalai tout à l’heure, qu’il règne moins de misère dans les campagnes que dans les villes.
Vous devez donc voter les centimes additionnels demandés. Cependant je n’entends en aucune manière les voter comme perpétuels. Au contraire, je crois qu’il est du devoir du gouvernement de les diminuer jusqu’à ce qu’il puisse en revenir au taux du principal. Je voudrais qu’on les remplaçât par des impositions indirectes. Les bases ne nous manquent pas. Nous le ferons très facilement. J’appelle l’attention du gouvernement sur ce point. Je sais que ce n’est pas l’affaire d’un instant, qu’il faut du temps pour opérer de pareilles transformations. En attendant, il faut bien que les dépenses soient payées, il faut bien faire face à la dette publique et aux besoins de l’administration intérieure.
Un autre objet sur lequel il me paraît indispensable que la chambre se prononce avant le 1er janvier, c’est sur la loi des distilleries. J’ai dit qu’il fallait se prononcer sur la fixation des impôts directs, à cause de l’immense travail qu’il fallait faire pour mettre les rôles en recouvrement. J’ai rappelé à cet égard les précédents de la chambre. Ce motif n’existe pas pour les distilleries, mais il en est un autre : l’époque de la distillation, c’est l’hiver, c’est en janvier et février que se font les approvisionnements de genièvre. Si vous n’établissez pas l’augmentation avant le mois de janvier, vous ne percevrez rien, il en résultera une perte considérable pour le trésor. Notre devoir est d’éviter cette perte. Avant de s’ajourner, la chambre doit voter ce qui est relatif aux spiritueux et particulièrement au genièvre.
J’entends dire : et le sucre ! Pour le sucre, messieurs, c’est différent ; le sucre ne se fabrique pas seulement en janvier et février ; il se fabrique toute l’année. Sans doute il serait à désirer qu’on pût voter tous les impôts avant le premier janvier, mais dans l’impossibilité de tout voter, votons ceux dont la perception ne se ferait pas s’ils n’étaient pas votés avant cette époque.
Remarquez que si vous tardez trop à voter des centimes additionnels sur les distilleries, il se fera des approvisionnements considérables au taux actuel ; et que vous finirez par ne rien recevoir en 1841. Vous augmenterez ainsi le déficit du trésor.
L’honorable M. Eloy de Burdinne vous a dit que l’impôt foncier formait les treize seizièmes de l’impôt. C’est là une grave erreur. Lorsque l’honorable membre vous a dit cela il n’avait pas jeté les yeux sur son budget, ou son amour pour l’agriculture lui a fait voir les choses autrement qu’elles ne sont. L’impôt foncier est de 17 millions. Cela fait un cinquième des impôts. Un cinquième n’est pas treize seizièmes. Il y a une petite différence.
M. Eloy de Burdinne - Cela n’est pas exact. Il serait facile de le calculer.
Plusieurs membres – C’est inutile.
M. Dumortier – Soit, vous conviendrez qu’il serait facile de démontrer que la propriété paye beaucoup moins.
Je dis donc que vous devez nécessairement voter cette année l’impôt sur les distilleries.
On critique l’augmentation de l’impôt foncier, augmentation qui serait votée avant qu’il en fût établi sur les autres impôts. Pour moi, je crois que nous ne pouvons nous dispenser d’admettre cette augmentation. J’ai toujours été opposé aux majorations d’impôts. Mais dans l’intérêt de la nationalité belge, dans l’intérêt de mon pays, je dis qu’il faut admettre une augmentation temporaire des impôts. Pourquoi ? Parce que cela est nécessaire pour diminuer notre dette flottante, véritable chancre qui nous ronge. Les affaires d’Europe ne sont pas encore terminées. Il peut survenir des événements qui occasionnent, en Belgique, une épouvantable catastrophe. Ainsi, pour notre dette flottante, si tous nos créanciers se présentaient, la Belgique ferait banqueroute. Voilà notre véritable position. Je dis qu’il est important, qu’il est nécessaire de faire cesser cet état de choses. Je me réserve de faire la proposition formelle d’employer tout l’encaisse de la société générale à l’annulation de nos bons du trésor. En attendant, je dis qu’il est nécessaire de voter les augmentations proposées, d’autant plus que nous ne pouvons, sans cela, faire face aux dépenses de l’Etat. Remarquez que la section centrale propose de rejeter l’impôt sur la bière et d’écarter l’augmentation de l'impôt sur le café. D’après cela, vous ne devez pas hésiter à voter l’impôt. Car si vous votez le budget comme il l’a été l’an dernier, en présence des besoins du trésor public, vous ne ferez qu’aggraver notre position financière.
M. de Theux – J’ai demandé la parole pour faire connaître ce qui s’est passé dans la troisième section dont je faisais partie. Dans cette section, vu l’impossibilité de voter le budget, avec les majorations proposées, assez tôt pour qu’il puisse être mis en vigueur le 1er janvier, nous avions adopté, à l’unanimité, une proposition tendant à maintenir purement et simplement les impôts existants en 1840. Nous avons également adopté une proposition tendant à établir plus tard une discussion séparée sur les majorations.
Vous concevez le motif de cette détermination ; c’est un principe de justice pour tous les contribuables.
Il est très vrai que, dans la troisième section, on a adopté la première partie de la proposition du gouvernement relative à l’impôt foncier ; mais elle a rejeté l’autre ; sans doute il est juste de majorer l’impôt foncier, alors que des majorations sont nécessaires. Cependant il y aurait là une injustice si des majorations analogues n’étaient pas établies sur d’autres impôts. La raison en est que si l’impôt foncier a été légèrement réduit, dans les premiers temps de la révolution, des réductions plus considérables ont été établies sur d’autres impôts. Voilà le motif qui nous a guidés.
En ce qui concerne l’urgence de voter immédiatement les 3 centimes additionnels à la contribution foncière, j’entends des opinions contraires. Les uns soutiennent que l’urgence n’existe pas, les autres qu’elle est impérieuse.
Les rôles de la contribution foncière ne sont rendus exécutoires que vers la fin de février. Il me semble que si l’on se bornait à maintenir en vigueur l’impôt foncier existant, et si l’on votait ensuite séparément les 3 centimes additionnels pour les ajouter aux rôles avant de les rendre exécutoires, toutes les difficultés seraient levées.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – L’augmentation que vous demande le gouvernement dans le projet de loi qui vous est soumis, a été accordée en principe par la chambre réunie en sections. Mon honorable collègue des finances a fait remarquer que l’augmentation portant sur la contribution foncière, a été accordée par toutes les sections. Ainsi donc, messieurs, si le vote des sections n’est pas altéré en passant par la chambre, on peut considérer comme acquis au budget des voies et moyens de 1841, la somme de 500,000 francs (chiffre rond), imposée à la contribution foncière pour cet exercice. Mais, comme il est devenu impossible de prélever cette somme par les moyens primitivement indiqués, le ministère vient vous proposer une substitution dans le mode de percevoir cette somme. Au lieu d’une augmentation de 500,000 francs à répartir sur le principal de toutes les provinces, le gouvernement vous demande de prélever trois centimes additionnels, d’augmenter la contribution foncière, non dans une proportion plus forte que n’aurait fait l’augmentation primitivement proposée, mais dans la même proportion. C’est une substitution de forme ; mais il n’y a rien de changé quant au fond.
Lorsque, par suite de la révision de la péréquation cadastrale, on pourra opérer sur toutes les provinces la répartition dont il s’agit, dès lors les 3 centimes additionnels cesseront d’être perçus.
On vient de dire qu’il est possible que les 3 centimes additionnels, soient votés pour l’exercice 1841, mais que comme la question est très grave, comme il serait injuste de faire peser l’augmentation sur une contribution et non sur les autres, mieux vaut attendre pour voter l’augmentation jusqu’en février prochain, époque à laquelle sont mis, dit-on, en recouvrement les rôles de la contribution foncière. Je sais fort bien que les rôles de la contribution foncière ne sont mis en recouvrement ni le 1er janvier, ni le 1er février, mais plus tard. Mais il y a un travail préparatoire à la mise en recouvrement des rôles ; et ce travail doit être fait dès maintenant. Si, dans un mois, il était apporté des changements à la contribution foncière, il faudrait recommencer le travail. Voilà ce que personne ne doit ignorer dans cette chambre.
On vous a dit qu’il y aurait injustice à faire passer une contribution avant l’autre, à augmenter la contribution foncière avant de savoir si les autres contributions doivent être augmentées. Cet argument, on ne peut le mettre en avant ; car, chaque année, qu’a-t-on fait pour augmenter les impôts ? On est venu seulement demander d’augmenter les centimes additionnels à la contribution foncière et à la contribution personnelle. On ne s’est pas inquiété de nouveaux moyens d’impôt.
On s’est contenté d’ajouter les centimes additionnels aux centimes additionnels. Ce procédé n’est pas nouveau ; il serait facile à imiter ; nous n’avons pas cru devoir nous y attacher ; nous avons proposé des contributions nouvelle sur des bases nouvelles ; ces contributions ont agité la chambre et jusqu’à un certain point le pays ; nous nous y attendions ; c’est le sort de toute nouvelle contribution. Mais nous espérons que le pays, éclairé, rassuré par la chambre, supportera les contributions dont la nécessité lui aura été démontrée.
Je ne vois donc pas, quant à moi, la possibilité d’ajourner le vote, en ce qui concerne les 3 centimes additionnels. A moins que de se réserver le rejet de cette augmentation, je dis que vous devez dès aujourd’hui la voter parce que la nécessité en est démontrée. Il y a deux ans, ce ne sont pas trois centimes, mais dix centimes qui ont été ainsi votés d’emblée. Alors on n’est pas venu vous dire qu’il était injuste d’augmenter un impôt, sans savoir si les autres le seraient. On vous a dit que vous étiez devant une nécessité, que vous ne pouviez pas faire autrement que de voter des centimes additionnels. Aujourd’hui, ne sommes-nous pas devant une nécessité ? La nécessité est la même. Alors vous aviez des besoins urgents résultant de la situation du pays. Aujourd’hui vous avez les mêmes besoins ; vous êtes en présence d’un déficit. Ainsi que l’a fait remarquer l’honorable M. Dumortier, il est toujours urgent de combler un déficit.
Ce n’est pas quand vous aurez donné 500,000 francs de plus au trésor que le déficit sera comblé. Il y aura encore de nouveaux impôts à chercher. Mais au moins faisons ce premier pas, et que l’impôt adopté par les sections soit immédiatement adopté par la chambre.
M. Desmaisières – J’ai demandé la parole tout à l’heure, lorsque M. Desmet parlait, non pas précisément pour prendre part à la discussion qui s’est élevée sur le budget des voies et moyens, mais pour répondre à l’interpellation que l’honorable membre avait adressé à la commission d’enquête commerciale et industrielle nommée par la chambre dans la dernière session.
Il est vrai de dire que dans le cours de notre enquête, nous avons reçu des réclamations de divers côtés, et dans diverses localités, précisément sur différentes branches qui concernent les nouveaux impôts proposés par le ministère.
Quoique, messieurs, nous ayons mis toute la diligence possible, quoique nous ayons pu, au moyen de cette diligence, arriver à terminer les interrogatoires pour le commencement de la session, il ne nous a pas été possible de terminer le rapport. Cependant je dois faire connaître à la chambre que l’impression des interrogatoires est déjà fort avancée et que mon honorable collègue, M. de Foere et moi, qui nous partageons la besogne de rapporteurs, nous espérons pouvoir vous communiquer notre rapport après les vacances que la chambre prendra probablement.
Comme la discussion des majorations d’impôts, autres que celle sur le foncier, paraît remise après nos vacances, il sera peut-être possible à la chambre de prendre connaissance de notre rapport avant de se décider sur ces différents points.
Pour vous faire juger, messieurs, de toute l’activité que nous y avons mise, je dirai que déjà nous en sommes, quant à l’impression, à la 300e page in-quarto. Ainsi, vous voyez qu’il s’agit d’un travail très considérable.
Maintenant, messieurs, puisque j’ai la parole, je dirai aussi quelques mots sur l’objet en discussion.
La section centrale, messieurs, a proposé d’ajourner la discussion sur la majoration demandée sur l’impôt foncier, jusqu’à l’époque où la chambre discutera les autres majorations d’impôt proposées. Elle a donné, à l’appui de cette proposition, un motif qui, je dois l’avouer, a fait sur moi une certaine impression ; c’est le motif tiré de ce que le sénat se trouvera en quelque sorte forcé, si nous adoptons cette majoration, de l’adopter aussi, s’il veut que les impôts puissent se percevoir à partir du 1er janvier. Car si la loi des voies et moyens n’est pas votée avant le 1er janvier, on ne peut percevoir d’impôts.
Ainsi il y a obligation pour le sénat de voter la loi avant le 1er janvier. Eh bien, je le dis, cette considération m’a vivement touché, parce qu’elle me paraît péremptoire.
On vous a dit que, dans les sections, on avait adopté cette majoration. Il est vrai que, dans la plupart des sections, on a, à ce qu’il paraît, adopté cette majoration de 500,000 francs. Moi-même, je l’ai adoptée. Mais le sénat n’a encore rien adopté. Lors même que nous serions tous disposés à voter cette majoration, nous devrions encore considérer que le sénat ne s’est encore prononcé en aucune manière, et que si nous adoptons dès maintenant cette augmentation d’impôts, nous forçons la main au sénat.
On vous a objecté la difficulté que présenteraient les modifications que l’on aurait à faire subir aux rôles, si l’on ajournait le vote de cette majoration de 3 centimes additionnels.
Messieurs, je ne crois pas que M. le ministre des finances ait attaché une importance absolue à cette objection. Il est vrai qu’il pourra résulter certaine difficulté, certain retard, si on vote les centimes additionnels dans le courant de l’année, mais cette difficulté n’est pas insurmontable. On sait que l’on peut ajouter avec facilité à l’encre rouge les centimes additionnels sur les rôles.
Mais je le répète, ce qui me touche le plus, c’est la considération tirée de l’objection parlementaire, c’est-à-dire de ce que nous forcerons absolument la main au sénat, car l’honorable M. de Langhe, sur qui cette observation ne paraît pas avoir fait la même impression, vous a dit cependant lui-même que toutes les années le sénat se plaignait de ce qu’il était obligé de voter le budget des voies et moyen sans discussion, sans pouvoir y faire des amendements, parce qu’on ne le lui soumettait toujours qu’à la fin de l’année.
L’année dernière, je puis certifier qu’il s’en est plaint et plaint fortement. Cependant, le budget des voies et moyens a été voté par nous le 12 décembre. Nous sommes le 23, vous voyez donc qu’il aurait des motifs de se plaindre encore plus fortement, si vous lui forciez la main sur ce point.
M. le président – La parole est à M. le ministre des affaires étrangères. (La clôture ! la clôture !)
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Si la chambre veut clore la discussion, je renoncerai à la parole.
M. Cogels – J’ai aussi demandé la parole. Si on veut clore la discussion générale, j’y renoncerai volontiers, sauf à parler lorsqu’il s’agira de la discussion des articles.
M. de Mérode – Je demande la parole contre la clôture. Il me semble que c’est dans une discussion générale qu’on peut le mieux traiter les questions de la nature de celle que nous discutons. L’affaire est d’ailleurs assez importante pour qu’on y mette tout le temps nécessaire. Nous avons passé des journées entières à discuter sur quelques milliers de francs, et ici il s’agit d’un budget tout entier.
M. Demonceau – Je m’oppose aussi à la clôture. Ayant fait partie de la majorité de la section centrale, je crois devoir défendre le vote qu’elle a émis. J’espère que la chambre voudra bien m’entendre. Je vois qu’on entre dans une discussion générale que la majorité de la section centrale avait voulu éviter. Mais puisqu’on y est entré, j’espère qu’on permettra à un membre de la majorité de cette section de donner des explications sur les motifs de son vote.
M. le président – La clôture ayant été demandée, il est de mon devoir de la mettre aux voix.
- Deux épreuves par assis et levé étant douteuses, la discussion continue, et la parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
(Moniteur n°360 du 25 décembre 1840) M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, j’avais demandé la parole avant que M. le ministre des travaux publics ne répondît incidemment à l’honorable M. Desmaisières en lui faisant observer que le scrupule qui venait de le saisir relativement aux prérogatives du sénat, n’avait jamais dominé ni les cabinets précédents, ni la chambre elle-même, lorsqu’il s’était agi du budget des voies et moyens et qu’il avait été question de voter, non pas 3, mais 10 centimes additionnels.
En effet, messieurs, il est arrivé qu’un budget des voies et moyens établissant des centimes semblables a été transmis au sénat presque la veille de la promulgation obligée de ce budget, c’est-à-dire vers le 30 décembre. Je ne crains pas d’en appeler, à cet égard, aux souvenirs de la chambre.
Certes, messieurs, nous devons tous respecter les prérogatives du sénat, afin que le sénat respecte les prérogatives de la chambre, et je crois qu’il appartient surtout au gouvernement de professer toujours un respect égal pour les prérogatives des deux chambres ; mais nous ne croyons pas que le vote de 3 centimes additionnels résultant de l’impossibilité où s’est trouvée la chambre d’apprécier les propositions primitives du gouvernement, puisse porter atteinte aux prérogatives du sénat ; nous ne croyons pas que le sénat, qui a cru pouvoir voter sans amendement 10 centimes additionnels, reculera aujourd’hui devant le vote de 3 centimes seulement, alors surtout que nous nous trouvons dans des circonstances bien autrement graves, alors que nous sommes placés devant un déficit que personne ne conteste.
Dira-t-on qu’il y aurait atteinte à la prérogative du sénat, parce que le sénat se compose en grande partie de propriétaires fonciers, et que les 3 centimes additionnels frappent sur la contribution foncière ? Je crois, messieurs, que tenir un semblable langage ce serait plutôt faire injure au sénat qui se montre soucieux de ses prérogatives ; ce serait supposer qu’en présence d’un déficit incontesté, en présence d’une dette flottante contre laquelle il y a eu, dans le sein du sénat même, beaucoup de réclamations, les honorables membres dont se compose cette respectable assemblée puissent juger que leurs intérêts personnels doivent passer avant les intérêts les plus chers du pays. Je le répète, messieurs, avoir une semblable pensée, ce ne serait pas respecter les prérogatives du sénat, ce serait, je le répète, méconnaître le caractère des honorables membres qui le composent.
(Moniteur n°359 du 24 décembre 1840) M. Cogels – Messieurs, nous avons voté hier un crédit provisoire pour le département de la guerre ; nous en avons voté aujourd’hui pour le département des finances, pour le département des travaux publics ; nous en sommes maintenant à discuter un budget des voies et moyens plus ou moins provisoire, parce qu’il nous est impossible de nous prononcer dès aujourd’hui sur les augmentations demandées ; ce qui ne devrait être que l’exception est devenu la règle ; je crois que la discussion qui vient de s’engager suffit pour prouver que le système suivi jusqu’à présent est vicieux et qu’il faudra nécessairement le réformer. On ne peut pas reprocher toutefois aux sections de n’avoir pas mis assez d’activité, dans l’examen des budgets ; je crois qu’on pourrait leur reprocher plutôt d’y avoir mis trop de précipitation, et c’est peut-être de cette précipitation que sont nées des discussions plus longues, car nous avons été obligés de confier à nos rapporteurs à la section centrale une foule d’investigations que nous aurions voulu faire nous-mêmes et que, si nous les avions faites nous-mêmes, nous aurions peut-être abandonnées parce que nous aurions été mieux éclairés. De là est résulté aussi une plus grande difficulté dans le travail des sections centrales.
Il y a quelques années, messieurs, qu’un honorable député d’Anvers avait fait la proposition de changer l’année financière ; je ne reproduirai pas cette proposition et je n’en ferai pas d’autres non plus, parce que je n’aime à prendre l’initiative dans aucune occasion, et encore moins en celle-ci, où je pense que cette initiative appartient essentiellement au gouvernement. Je me borne donc à émettre le vœu qu’on cherche à remédier au mal qui existe, et qu’on nous mette à même, les autres années, d’examiner les budgets d’une manière convenable, de les discuter avec maturité, et non pas au commencement d’une session où nous sommes pressés par le temps, et om généralement nous ne nous sommes pas occupés depuis longtemps des affaires publiques.
J’en viens maintenant à l’objet qui nous occupe, la contribution foncière. Si je pouvais prévoir qu’il fût possible d’exempter la contribution foncière de centimes additionnels ou de majoration quelconque, je dirais : Ajournons la majoration qui nous est proposée aujourd’hui comme toutes les autres, mais je crois qu’il est suffisamment prouvé que la chambre n’est pas possible et qu’on aura assez de peine à trouver dans les autres sources de revenus de quoi combler le déficit qui est signalé. Eh bien dès lors, je crois qu’il convient de voter dès à présent les centimes additionnels, non pas seulement à cause de la difficulté que présenterait la confection des rôles, mais pour éviter le désagrément qu’il y a toujours dans des cotes supplémentaires ; lorsque le contribuable reçoit une première cote avec des centimes additionnels, quoiqu’au fond il n’y ait pas de différence, la majoration paraît moins sensible que lorsqu’il reçoit dans la suite une cote supplémentaire.
On a dit, messieurs, qu’il faudrait examiner si dans les excédants qu’il peut y avoir sur quelques-uns des exercices antérieurs et notamment sur celui de 1840, il n’aurait pas de quoi combler le déficit existant.
Je crois, messieurs, que ce serait là une marche tout à fait vicieuse ; car s’il y a des excédants sur des exercices antérieurs, nécessairement ces excédants doivent servir à combler les déficits qui résultent d’autres exercices. Si nous adoptions un autre système nous verrions s’accroître le déficit, et jamais nous ne le verrions comblé.
Il a été reconnu que notre dette flottante est beaucoup trop forte, malgré la comparaison que l’on a établie entre la Belgique et d’autres Etats ; parce que nous ne nous trouvons pas dans la même position de crédit, que nous n’avons pas les mêmes ressources financières qu’à Londres ou à Paris. Nous ne pouvons pas maintenir une dette flottante aussi considérable, qui dans un moment de crise financière ou politique pourrait nous exposer aux plus grands embarras et même à une suspension de payements. Dans cette position je pense que nous ne devons pas examiner quel peut être l’excédant de 1840 ; s’il y en a un, il doit nécessairement être affecté à l’extinction d’une partie de cette dette flottante dont nous avons signalé tous les inconvénients.
M. Demonceau – Il faut, messieurs, être juste envers tout le monde, et je réclame pour la section centrale que vous soyez juste envers elle, eu égard surtout à la singulière position où elle s’est trouvée.
Vous avez envoyé à la section centrale un projet de loi comme on n’en a jamais vu, un projet qui touche peut-être à vingt lois différentes. Il lui était donc impossible de remplir son mandat dans un délai plus bref que celui dans lequel elle a fait son travail.
« Autrefois, dit-on, il était bien commode de venir demander des augmentations d’impôts ; on proposait tout simplement des centimes additionnels. » Eh bien, messieurs, savez-vous ce que je trouve plus commode encore ? C’est de doubler le principal. Y a-t-il un changement de système dans le projet du gouvernement ? Pour moi, je ne trouve rien de changé. Que demande-t-on, par exemple, pour les bières ? C’est de porter à 3 francs et des centimes le droit actuel qui est de 2 francs et des centimes. Que demande-t-on pour le café ? C’est que le droit qui est aujourd’hui de 8 francs soit fixé à 20 francs.
Si c’est là de l’innovation, je vous avoue, messieurs, que je ne m’y connais plus. Vous aviez cependant à inventer ; il fallait toucher à cette mauvaise législation sur les sucres ; il fallait faire produire au sucre tout ce qu’il doit produire, car le sucre est une matière essentiellement imposable. Eh bien qu’avez-vous fait ? Vous proposez pour les sucres des changements illusoires. Vous n’avez pas touché à la loi des distilleries, bien qu’elle ait été reconnue mauvaise par le ministre des finances lui-même, car c’est un ministre des finances qui en a fait l’aveu dans cette assemblée. Le ministère des finances a reconnu qu’il y avait impossibilité de porter le taux du droit au-delà de 40 centimes sans amener la fraude. Le ministère nouveau à trouvé qu’il pouvait aller à 60 centimes. Et par une de ces contradictions dont il est impossible de se rendre compte, le ministère trouve qu’il peut augmenter l’impôt des distilleries, mais en détruisant le revenu des villes.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Il reste le même.
M. Demonceau – Vous détruisez le revenu des villes, je vous le prouverai quand le moment en sera venu.
Qu’a voulu faire la section centrale dans la position difficile où elle se trouvait ? Elle a voulu éviter toute espèce de discussion au sein de cette assemblée ; parce que nous-mêmes, au sein de la section centrale, nous n’avions pu tomber d’accord ; voici donc ce qu’elle s’est dit : « Le gouvernement accepte la proposition d’examiner en particulier tel et telle partie du projet de loi ; eh bien, puisqu’il s’agit d’une augmentation de la contribution foncière comme des autres impôts, nous proposerons de régler le tout en même temps. »
On nous propose une mesure d’urgence, eh bien, nous l’adoptons ; nous demandons qu’on vote le budget comme on l’a voté l’année dernière, sauf à admettre plus tard les centimes additionnels, si la chose est nécessaire. Pourquoi donc en voulez-vous tant à la section centrale ?
Quand nous disons que nous aimons à respecter les prérogatives du sénat, est-ce d’aujourd’hui que nous tenons ce langage ? N’avons-nous pas dit la même chose l’année dernière ? Voyez le rapport de la section centrale, rappelez-vous la discussion à laquelle nous nous sommes livrés, et souvenez-vous que, seul, j’ai alors soutenu qu’il fallait commencer par discuter le budget des voies et moyens. Eh bien, j’avais alors pour adversaires ceux-là mêmes qui disent aujourd’hui que nous aurions dû nous occuper plus tôt de l’examen du budget des voies et moyens. Si le ministère l’avait ainsi voulu, pourquoi ne présentait-il pas son budget, au moins le jour de l’ouverture de la session ? pourquoi chargeait-il ce budget d’une masse de dispositions accessoires et cela contrairement à tout précédent ?
« Mais, dit-on, le sénat ne s’est jamais plaint en pareille circonstance ; » eh bien, permettez-moi, messieurs, de mettre sous vos yeux ce que disait le rapporteur de la commission du budget des voies et moyens pour l’année 1837. Et ici, messieurs, je dois faire une observation ; je n’accepte jamais pour bon ce qui a pu être mauvais sous une administration précédente ; si je reconnais que la chose est mauvaise, je le déclare hautement, quels que soient les hommes qui sont au pouvoir. L’année dernière j’ai soutenu qu’il fallait discuter d’abord le budget des voies et moyens, la chambre a alors partagé mon opinion et elle a adopté cette marche.
Je reviens à ce qu’a dit l’honorable rapporteur de la commission chargée pour le sénat d’examiner le budget des voies et moyens pour l’exercice 1837. C’était le 22 décembre 1836 que le budget était parvenu au sénat, et c’est le 27 du même mois que l’honorable rapporteur s’exprimait en ces termes :
« A pareil jour, il y a un an, le même rapporteur de votre commission chargée de l’examen du budget des voies et moyens avait l’honneur de vous présenter son travail pour l’exercice 1836. Aujourd’hui, comme alors, cinq jours seulement nous séparent du moment où il faut, de toute nécessité, que la loi soit exécutoire, Quelqu’utile que pût être une modification, votre commission est condamnée à ne pas vous la proposer, et le sénat tout entier est forcé de subir cette impérieuse loi du temps. Il faut, à tout prix, messieurs, chercher le moyen de nous en affranchir. Depuis trois ans votre commission n’a cessé de se plaindre de cet état de choses, auquel remédierait une présentation plus hâtive du budget… »
Pour déférer au vœu manifesté par le sénat, l’honorable M. d’Huart, ministre des finances, vous avait présenté dès l’ouverture de la session de 1837, le budget des voies et moyens pour l’exercice de 1838. Le rapport de la section centrale était distribué. Le 12 ou le 14 décembre était fixé pour la discussion de ce budget.
A son projet, l’honorable M. d’Huart avait annexé quelques dispositions à peu près dans le genre de celles qu’on a annexées au budget des voies et moyens pour 1841. Que fit l’honorable M. d’Huart ? Le 14 décembre, il vint vous proposer une mesure provisoire ; il vous demanda l’autorisation de percevoir les impôts pendant un mois, tels qu’ils avaient été perçus pendant l’année 1837. La section centrale fut d’avis d’adopter la mesure proposée par le gouvernement ; vous avez donc à cette époque voté une mesure provisoire. Je ne sais, messieurs, si depuis lors il y a eu un changement, en ce qui concerne la manière de faire les rôles, mais le fait est que nous avons un précédent, et un précédent qui a été adopté par M. le ministre des finances d’alors et par les deux chambres.
Je me résume donc, pour tâcher de faire comprendre à la chambre quelle a été l’opinion dominante de la majorité de la section centrale : elle a voulu éviter toute discussion ; elle n’a pas dit : nous refusons les centimes additionnels ; elle a dit : nous les refusons quant à présent ; si plus tard il est reconnu que ces additionnels sont nécessaires, nous les voterons. Ainsi ce n’est qu’une question de temps, ce n’est donc pas de l’opposition que nous faisons.
Messieurs, depuis quelques temps j’entends répéter que les augmentations d’impôts qu’on vous demande sont destinées à combler des déficits. Il n’en est rien ; les augmentations doivent couvrir des dépenses que l’on veut faire pendant l’année 1841. Ouvrez les budgets, vous trouverez des augmentations de dépenses. Si l’on compare les dépenses de 1841 avec les dépenses de 1840, vous trouverez, outre la somme de 3 millions portée pour augmentation de la dette, trois millions d’augmentation de dépenses, je pense, des budgets autres que celui de la guerre, je n’exagère pas.
S’il s’agissait d’examiner dans ce moment l’origine des déficits, l’origine de notre dette flottante, qu’on flétrit avec quelque raison, mais envers laquelle on n’est pas toujours juste, parce qu’enfin elle vous a été utile, je vous dirais sous quelle administration la plupart des déficits ont été constatés. Consultez les documents que vous possédez, et vous verrez qu’un déficit considérable existait au moment où l’honorable M. d’Huart est entré aux affaires.
Le ministère actuel s’effraie du chiffre auquel la dette flottante est parvenue aujourd’hui. Mais quand l’honorable M. d’Huart nous a présenté son premier budget, il a demandé l’autorisation de créer 26 millions de dette flottante. L’honorable M. d’Huart avait-il, comme le ministère actuel, une loi qui l’autorisât à faire un emprunt, une loi qui garnissait sa caisse d’une somme considérable ? Non, et il était en présence de la nécessité de la continuation des travaux du chemin de fer, et il n’avait aucun fonds pour pourvoir à cette dépense. Eh bien, il faut le dire, l’honorable M. d’Huart a eu le courage de proposer une souscription pour obtenir l’emprunt que vous l’autorisâtes quelques temps après à contracter, et cette souscription s’est réalisée.
Cependant, je le répète, il y avait alors une dette flottante de 25 millions ; et cette dette flottante, l’a-t-on jamais dénaturée ? Qui l’a proposée ? N’est-ce pas le ministère de M. Lebeau, alors que notre respectable collègue M. Duvivier était ministre des finances. A-t-il caché que la dette flottante était destinée à combler un déficit ? Non, il la dit franchement ; la chambre ne l’a pas ignoré. (Voyez l’exposé des motifs du projet et le rapport qui eut lieu à la suite.) Ne vous effrayez donc pas de cette dette flottante qui vous a si bien servi.
Pour ce qui concerne les recettes effectives et les dépenses pour l’exercice 1840, je ne crois pas me hasarder, en disant qu’il y a un boni. En effet, lorsque j’ai fait naguère une observation sur un crédit demandé par le département de la justice, M. le ministre des finances a déclaré qu’il y avait un boni disponible sur l’exercice de 1840 pour faire face à cette dépense.
Maintenant, je dois continuer à être juste. Il est certain que le ministre ne demande pas plus les additionnels qu’il ne demandait par l’augmentation au principal ; c’est à vous, messieurs, de voir si vous devez dès ce jour voter les additionnels demandés.
M. de Villegas, secrétaire, donne lecture d’une lettre par laquelle M. Thiriaux informe la chambre de la perte qu’il a faite de son oncle, M. Seron.
M. Dumortier – Messieurs, nous avons un devoir à remplir, par suite de la perte que nous venons de faire dans la personne de M. Seron, notre honorable collègue. Je demande que la chambre, comme dans d’autres circonstances analogues, nomme une députation pour assister à ses funérailles, et j’espère que le gouvernement n’hésitera pas à rendre à notre honorable collègue les honneurs prescrits pour le cérémonial. (Appuyé ! appuyé !)
M. le président – Pour ne pas perdre de temps, le bureau tirera au sort la députation après la séance. (Bien !)
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, il est une pensée qui a justement préoccupé la chambre, c’est que le sénat ne pourrait pas avoir le temps nécessaire pour bien discuter le budget des voues et moyens.
Messieurs, par cette considération, et vu l’urgence des circonstances, je demande que la chambre veuille bien se réunir ce soir.
M. Duvivier – Jusqu’ici les sections ont été occupées, et c’est pour ce motif qu’on ne nous a toujours convoqués en séance publique qu’à deux heures. Comme il n’y a plus de travaux dans les sections, rien n’empêche que nous nous réunissions demain à midi.
M. Mast de Vries – Par les raisons que M. le ministre des finances vient de donner, je demande que la chambre se réunisse demain à dix heures. (Appuyé !)
- La chambre consultée décide qu’elle se réunira demain en séance publique à dix heures du matin.
M. le président – M. A. Rodenbach demande que le rapport sur la cession du pont de Staelen soit substitué aux projets de délimitation de communes.
- Aucune décision ne pouvant être prise, ce projet sera mis avec les autres à l’ordre du jour de demain, et la chambre décidera si elle peut lui donner la priorité.
La séance est levée à 5 heures.