(Moniteur n° 330 du 25 novembre 1840)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à 2 heures un quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes.
« Le sieur Jean Baldoeuf, négociant, domicilié à Bruxelles, depuis 1822, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le conseil communal de Staebroeck (province d’Anvers), demande que la chambre s’occupe d’une loi qui indemnise des pertes causées par les inondations. »
M. Cogels – Je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion de la loi des indemnités. Je saisirai cette occasion pour appeler de nouveau toute la sollicitude de la chambre et du gouvernement sur le sort des malheureuses victimes dont les justes plaintes se font entendre vainement depuis nombre d’années ; car, il est vraiment étrange de voir circuler partout des listes de souscription en faveur des inondés du midi de la France, tandis que nous paraissons tout à fait insensibles à des misères que nous avons pour ainsi dire sous les yeux.
- La proposition de M. Cogels est adoptée ; en conséquence la chambre ordonne le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux indemnités.
« Les industriels cotonniers de Bruxelles adressent des observations sur le projet d’augmentation de l’huile d’olive à l’entrée qui comprend l’huile dite « tournante » qui sert à la fabrication. »
« Des brasseurs de Louvain adressent des observations contre les modifications proposées dans le budget des voies et moyens sur l’accise de la bière. »
« Les bourgmestres et échevins de la ville de Tournay demandent l’abrogation du denier paragraphe de l’article 3 de la loi du 27 mai 1837 portant que les taxes municipales ne peuvent excéder la moitié du montant de l’impôt de l’Etat, et que la disposition équivalente de l’article 5 ne soit pas adoptée. »
M. Doignon – La ville de Tournay adresse une réclamation à cette chambre contre les dispositions du projet de loi des voies et moyens. Ce projet de loi est renvoyé aux sections. Déjà une des sections s’en est occupée ; les autres vont s’en occuper. Je demande que la pétition soit mise à la disposition des sections, et qu’elle soit ensuite renvoyée à la section centrale qui sera chargée de l’examen du budget des voies et moyens.
- Cette proposition de M. Doignon est adoptée. La chambre prend la même décision sur les pétitions des industriels cotonniers de Bruxelles et des brasseurs de Louvain.
« Le conseil communal de Beverloo renouvelle ses plaintes au sujet du prétendu despotisme exercé par le commandant du camp. »
- Cette pétition est renvoyée à la commission des pétitions.
(M. de Behr remplace M. Fallon au fauteuil.)
M. le président– La discussion continue sur l’article 1er. La parole est à M. de Foere.
M. de Foere – J’étais disposé à voter la prorogation de la loi du 25 novembre. Dans cette disposition j’ai écouté avec beaucoup d’attention les orateurs qui se sont prononcés contre ; aucun d’eux n’a dérangé l’opinion que je m’étais formée en faveur de la loi présentée.
L’orateur qui a parlé le premier dans la discussion spéciale de la loi, l’honorable député de Hasselt est d’abord parti du principe que les renseignements fournis au gouvernement constataient que les approvisionnements existant en céréales suffisaient aux besoins du pays. Il en a conclu que nous pourrions, sans danger, accorder la libre sortie des céréales. Je ne comprends pas la justesse de cette conséquence. Si les renseignements avaient constaté que les approvisionnements sont surabondants, j’aurais compris la conséquence. Il a été établi seulement que les approvisionnements sont suffisants. Or, s’ils sont seulement suffisants ce n’est pas une raison d’accorder la libre sortie des céréales.
L’honorable membre a fait valoir un autre motif : les probabilités de guerre ont diminué. On peut apprécier cette probabilité, chacun selon ses vues particulières et même selon son imagination. Les uns croient à la guerre, les autres n’y croient pas. Il est certain que la question d’Orient est une question brûlante d’intérêts et de passions politiques. Dans mon opinion, la question de savoir s’il y aura guerre ou non, est fort incertaine. Il serait prudent de ne pas tenir compte de ces incertitudes quand il s’agira de régler des intérêts aussi importants.
L’honorable député de Bruxelles, qui a succédé au premier orateur a commencé par poser le principe qu’il considérait comme un droit exorbitant celui d’interdire au producteur la faculté de disposer des produits de son industrie. Le but principal de la législature est de régler et de concilier les intérêts de la communauté, si les uns tendaient à détruire les autres. Si ce n’était pas là le but principal de la législature, je ne verrai plus de raison pour laquelle nous siégerions ici. Au surplus, messieurs, voyez où le principe posé par l’honorable membre nous mènerait. S’il pouvait être admis, il n’y aurait aucun motif pour ne pas admettre aussi le principe opposé, savoir ; qu’on peut considérer comme un droit exorbitant celui d’empêcher le consommateur d’acheter les céréales à tel prix sur tel marché, dans tel pays qu’il jugerait convenable. Or, ce principe, dans les intérêts contraires, nos adversaires ne l’adopteraient pas.
Quant à moi, je n’admets aucun de ces principes. Les divers intérêts du pays doivent être pondérés et conciliés. Il n’y a d’ailleurs pas de matière à laquelle le principe posé par l’honorable M. Coghen soit moins applicable que celle des céréales ; en effet, dans tous les pays, on cherche à concilier en cette matière les intérêts des consommateurs et des producteurs.
Nous pouvons, a dit encore l’honorable membre, attendre sans danger la loi des céréales et admettre son amendement. Mais la propsoition faite par le gouvernement dans l’article premier renferme la même proportion, et ne nous expose non plus à aucun danger ; car si le prix des céréales était avili, s’il dépassait la limite que le législateur doit tâcher de maintenir, le gouvernement userait de la faculté de faire cesser les effets de la loi. Je suis très sobre de facultés à accorder au gouvernement ; mais celle-ci n’offre aucun danger. Si le prix des céréales était trop avili, les propriétaires de la chambre et du sénat réclameraient sans aucun doute l’usage de la faculté, concédée au gouvernement, de lever la prohibition à la sortie. Si, au contraire, les prix étaient augmentés, alors l’opinion publique des consommateurs tout entière réclamerait pour maintenir la prohibition de la sortie des céréales, si contre toute probabilité, le gouvernement pouvait être tenté de l’abandonner.
Je ne puis pas non plus admettre les observations de l’honorable député d’Alost ; il veut que les fermiers retirent un grand prix de leurs produits agricoles, afin qu’ils puissent faire l’aumône aux pauvres. Ce serait là établir le paupérisme en principe, ou tout au moins vouloir augmenter le nombre des pauvres. N’est-il pas préférable que les ouvriers puissent acheter le pain et les pommes de terre à un prix plus modéré et n’aient pas besoin de recevoir d’aumône ? Les fermiers perdraient d’ailleurs d’un côté ce qu’ils profiteraient de l’autre. Ce serait vouloir élever d’une main et détruire de l’autre.
L’honorable député d’Ypres voudrait que le système exceptionnel qui a été établi fût aboli, parce qu’un système exceptionnel détruit l’ordre normal des choses. Il voudrait que l’on revînt à la loi de 1834 ; mais cette loi n’est qu’une exception elle-même ; l’ordre normal, c’est la libre entrée et la libre sortie des grains ; et la loi de 1834 n’est qu’une exception à ce principe.
L’honorable député, auquel je réponds, aurait dû se fixer (car c’est là, selon moi, la véritable base de la question) sur le prix des produits agricoles, tel qu’il convient aux intérêts combinés des producteurs et des consommateurs.
C’est, ce me semble, le seul moyen de concilier les deux intérêts qui sont en présence. Or, les prix actuels des produits agricoles sont, selon l’honorable membre, encore trop élevés ; il désire qu’ils baissent encore. C’est aussi le désir exprimé par l’honorable député de Courtray, et cependant M. de Langhe et M. de Muelenaere veulent lever la prohibition à la sortie de ces produits. Ils croient que la baisse sur les céréales et les pommes de terre n’a pas encore atteint le prix qui convient à tous les intérêts, et ils voudraient adopter des mesures qui sont les plus propres à faire augmenter ces prix qu’à les faire diminuer !
Quant à l’amendement proposé par l’honorable M. Coghen, je ne puis l’appuyer. Cet amendement, s’il était adopté, pourrait jeter la perturbation dans le commerce des grains ; car si la loi exceptionnelle était abolie, les négociants qui spéculeraient sur la hausse des grains, pourraient être considérablement dérangés dans leurs spéculations. Si le ministre était forcé, dans l’intérêt du pays, de rétablir la loi exceptionnelle, les calculs basés sur la hausse seraient déjoués. Le commerce éprouverait des pertes considérables. Il convient que la loi concilie aussi les intérêts du commerce qui a besoin d’une base pour régler ses opérations.
Il me paraît que tous les intérêts sont conciliés par l’article 1er du projet et que nous pouvons, sans aucun danger, laisser au gouvernement la faculté d’en faire cesser ou d’en laisser subsister les effets.
M. de Theux – L’honorable préopinant a mal compris ma pensée. Lorsque j’ai dit qu’il résultait de l’examen des différents renseignements reçus par le gouvernement que la récolte était tellement abondante que les approvisionnements étaient largement suffisants, je n’ai pas voulu indiquer une simple suffisance, mais une récolte tellement abondante qu’elle permet même l’exportation. Il faut bien en effet admettre qu’il en est ainsi, à moins qu’on ne prétende que jamais la Belgique ne peut exporter de grains.
Il faut, dans ce cas, abroger la disposition fondamentale de la loi de 1834, et déclarer que, dans aucun cas, l’exportation ne sera permise, ou bien il faut reconnaître que la récolte a été si abondante que cette année il n’y a pas lieu de défendre l’exportation.
Voici, messieurs, ce que je lis dans l’exposé des motifs de M. le ministre de l'intérieur :
« La récolte de 1840 en céréales a été presque partout, et sauf quelques localités partielles, admirable, tant sous le rapport de l’abondance que de la qualité. On a lieu d’espérer le même résultat pour les pommes de terre, dont la récolte n’était pas faite ou achevée au moment de l’instruction. »
Cela répond complètement à la première observation de l’honorable député de Thielt :
« La loi en discussion dit l’honorable membre, n’est point une loi d’exception, car il ne s’agit que de modifier la loi de 1834, qui est elle-même une loi exceptionnelle. » Mais, messieurs, toutes les lois de douanes sont des lois exceptionnelles dans le sens de l’honorable orateur ; car l’état normal, en cette matière, serait la liberté en tout et partout, la libre exportation, la libre importation ; mais ce n’est pas ainsi que nous l’entendons ; nous pensons que lorsqu’une loi de douanes a été mûrement discutée, et que dans cette loi on a établi des règles de protection, il faut s’en tenir à ces règles générales jusqu’à ce que des circonstances impérieuses nécessitent des modifications temporaires ou permanentes ; voilà comme nous comprenons la législation, et nous disons que toute loi qui, dans des circonstances données, déroge temporairement à une loi générale, est une loi d’exception, et qu’une semblable loi doit être justifiée par des circonstances graves, pour pouvoir être votée sans que la législature se montre inconséquente.
C’est aussi à tort qu’on nous a dit dans la séance d’hier que nous demandons la levée d’une prohibition ; la prohibition temporaire, établie par la loi du 5 novembre 1839, expire demain ; qu’à l’expiration de cette loi on rentre dans le droit commun, voilà tout ce que nous demandons.
Il ne s’agit donc que d’examiner s’il y a dans les circonstances actuelles des motifs suffisants pour nous engager à établir de nouveau par une loi exceptionnelle, la prohibition de la sortie qui a été votée l’an dernier. Or, j’ai déjà fait remarquer que, soit quant à l’abondance, soit quant au prix des grains tant en Belgique qu’à l’étranger, l’état des choses est complètement changé depuis un an, que les motifs qui nous ont déterminé l’an dernier à voter cette prohibition n’existent décidemment pas cette année.
Mais on allègue un autre motif, on parle des circonstances politiques ; eh bien, messieurs, ces circonstances se sont considérablement modifiées depuis le mois d’août, époque où le gouvernement a demandé aux autorités provinciales les renseignements qu’il a recueillis ; il est certain, messieurs, que nous ne sommes pas en présence d’une guerre imminente qui puisse compromettre les subsistances du peuple, c’est là une chose évidente pour tout le monde. Si vers l’époque de la clôture de la session, les circonstances politiques étaient menaçantes, je serais le premier à appuyer tout projet de loi qui tendrait à donner au gouvernement les pouvoirs dont il aurait besoin pour assurer les subsistances du peuple.
Il est évident, messieurs, que nous n’avons pas à craindre une exportation considérable, ni surtout un renchérissement considérable, en présence des prix actuels des céréales, tant en Angleterre qu’en France, car si l’on a égard aux frais de transport et aux droits d’entrée qu’il faut payer pour importer les céréales dans ces pays on se convaincra aisément que la libre exportation des céréales ne peut pas entraîner un renchérissement extraordinaire.
J’ai parcouru le rapport qui nous a été fait en 1834 par l’honorable M. Coghen sur la loi des céréales ; il a été établi dans ce rapport que le prix reconnu nécessaire pour procurer aux cultivateurs une honnête aisance était 18 francs par hectolitre de froment aujourd’hui le prix du froment est de 19 francs et quelques centimes, il faut bien admettre une certaine marche entre le prix reconnu nécessaire et la défense d’exporter : la loi de 1834 a admis une marche de 6 francs, de 18 à 24, aujourd’hui donc que le prix n’atteint pas même 20 francs, il me semble qu’il serait inconséquent de défendre l’exportation.
Il est à remarquer aussi, que, par des lois temporaires de cette nature, c’est principalement le cultivateur que l’on frappe, car une loi semblable n’a pas d’influence sur le prix des baux à faire ou à renouveler. Il est à remarquer en outre que cette année les cultivateurs ont éprouvé beaucoup de dommages qui viennent contrebalancer les avantages d’une bonne récolte ; une saison constamment pluvieuse a entraîné les cultivateurs dans de très grandes dépenses, notamment pour la rentrée des foins de la première et de la deuxième coupe et pour la rentrée des céréales ; en général la culture des terres a occasionné des frais considérables aux cultivateurs ; c’est ce que toutes les personnes qui ont habité la campagne doivent reconnaître.
Messieurs, nous avons déjà eu deux lois exceptionnelles, l’une pour 1839, l’autre pour 1840 ; par celle qui a régi le régime des céréales en 1839, l’exportation était défendue et l’importation rendue libre ; par celle du 25 novembre dernier, l’exportation était prohibée, et quant à l’importation, on restait dans le droit commun établi par la loi de 1834. Il faudrait des motifs très graves pour renouveler, pour porter une troisième loi exceptionnelle. Cela me semblerait être véritablement en contradiction avec ce que la chambre a exprimé au Roi dans son adresse, lorsqu’elle a dit qu’elle prendrait en égale considération les intérêts de l’agriculture, de l’industrie et du commerce ; véritablement les cultivateurs pourraient douter de la juste application de ces principes, si l’on établissait constamment des lois exceptionnelles à son préjudice.
Si la loi de 1834 accorde quelque protection à l’agriculture, cette protection n’est qu’une faible compensation de celle qui est accordée à l’industrie ; ensuite l’agriculteur rencontre partout sur ses pas les impositions ; veut-il porter ses produits aux marchés des villes, il rencontre des droits d’octroi ; veut-il vendre aux établissements industriels, il rencontre les impôts de l’Etat, c’est ce qui arrive notamment pour les distilleries, les brasseries, etc. ; s’agit-il d’impositions extraordinaires, c’est encore à l’agriculture que l’on s’adresse en premier lieu. Les protections que l’on accorde à l’industrie et au commerce sont encore la plupart du temps prélevées sur le produit de la contribution foncière.
Il faut donc se montrer avare de dérogation à la loi générale de 1834 ; s’il est reconnu qu’il existe dans cette loi des vices essentiels, qu’on les corrige et l’on en aura l’occasion, puisque le gouvernement a annoncé la présentation d’un projet tendant à modifier quelques-unes des dispositions de cette loi ; nous-mêmes, dès l’année dernière, avons pris des renseignements auprès des chambres de commerce et des commissions d’agriculture pour connaître quels sont les changements qu’il serait nécessaire d’apporter à la loi des céréales ; mais n’anticipons pas sur ces changements par un vote non justifié par les circonstances.
L’honorable M. Coghen a présenté un amendement qui pourrait être adopté si la chambre était sur le point de se séparer et s’il avait pour objet d’accorder au gouvernement, pour l’intervalle des sessions seulement, le pouvoir illimité, en quelque sorte, que l’adoption de cet amendement lui accorderait dès à présent ; si à l’époque de la clôture de la session les circonstances étaient telles qu’au lieu de craindre un renchérissement notable des céréales, certes alors une semblable loi serait justifiée par la nécessité, mais ce n’est point lorsque les chambres sont assemblées, à l’ouverture même d’une session, que dans aucun pays on autoriserait le gouvernement à modifier par un simple arrêté une loi générale, à défendre l’exportation, à permettre l’importation, absolument selon son bon plaisir ; une telle loi serait exorbitante à l’ouverture d’une session, mais elle serait justifiable dans des circonstances données, à l’expiration de la session, parce qu’alors que la chambre ne serait pas réunie pour pourvoir à des éventualités plus ou moins imminentes, il faudrait bien que le gouvernement pût le faire.
Ensuite, la proposition de M. Coghen laisserait le commerce dans l’inquiétude, car ne connaissant pas les principes qui seront suivis par le gouvernement, le commerce serait dans l’impossibilité d’opérer avec quelque certitude, soit pour les ventes, soit pour les achats ; le commerce ne peut trouver les garanties dont il a besoin que dans une loi qui, étant discutée publiquement, offre à chacun des chances égales de spéculation.
M. d’Hoffschmidt – Messieurs, si l’adoption du projet de loi, présenté à la chambre, pouvait avoir pour conséquence l’avilissement du prix des céréales, s’il pouvait en résulter que les agriculteurs ne retireraient plus de leurs travaux le juste prix qu’ils doivent en espérer, alors non seulement je voterais contre le projet, mais je le combattrais de toutes mes forces. Mais je crois, messieurs, que telle ne sera pas la portée de l’adoption du projet. La loi qui nous est soumise ne peut avoir qu’une faible influence sur le prix des grains. Lorsque nous avons adopté la loi du 25 novembre, qu’il s’agit de proroger maintenant, le prix moyen du froment était, d’après les documents qui nous ont été communiqués par M. le ministre de l'intérieur, de 23 fr. 79 c., et le prix moyen du seigle de 14 fr. 21 c. ; après l’adoption de la loi, en décembre, le prix moyen était de 22 fr. 68 c. pour le froment et de 14 fr. 6 c. pour le seigle.
Ainsi, messieurs, il y eu en décembre une diminution de prix d’un franc environ, et je ne sais même pas si on doit l’attribuer entièrement à l’adoption de la loi.
Quant au seigle, la diminution n’a été que de quelques centimes.
Or, l’année dernière, la loi d’exception que nous avons votée était une loi tout à fait nouvelle ; elle devait donc alors avoir plus d’influence que maintenant, qu’il s’agit simplement d’une prorogation.
Au reste, en supposant même que l’influence de l’adoption de la loi fût telle qu’elle causât immédiatement une diminution dans les grains, encore l’effet de cette loi ne semblerait pas devoir être assez prompt, assez énergique, pour que le gouvernement ne pût pas porter remède à une pareille diminution, en usant de la faculté qui lui est laissée par l’article 1er de la loi, d’en faire cesser les effets en tout ou en partie.
Au surplus, messieurs, vous avez entendu hier M. le ministre de l'intérieur qui vous a dit que si les prix tombaient à 18 francs, le gouvernement serait disposé alors à rapporter la loi.
Ainsi les agriculteurs sont exposés, par l’adoption de la loi, à une diminution qui d’abord n’est qu’éventuelle, et qui ensuite n’irait jamais au-dessous de 18 francs. Voilà le danger que courent les cultivateurs, et ce danger, je vous l’avoue franchement, ne m’effraie pas.
Mais pourquoi, dit-on, une mesure exceptionnelle à la loi de 1834, lorsque nous avons eu une récolte si abondante ? Ainsi, dit-on encore, nous devrons avoir toujours cette loi exceptionnelle, prohiber toujours la sortie des grains puisque nous sommes aujourd’hui dans des circonstances tout à fait favorables ?
Quant à moi, je trouve que M. le ministre de l'intérieur a parfaitement justifié les motifs qui lui ont fait demander la prorogation de la loi.
Nous ne sommes pas dans des circonstances ordinaires, car nous sommes toujours en présence de dangers de guerre.
L’honorable M. de Theux vous a bien dit que ces dangers n’étaient plus aussi grands ; je suis d’accord avec lui que, depuis l’avènement d’un nouveau ministère en France, qui s’annonce avec des intentions pacifiques, nous devons espérer beaucoup plus de conserver la paix ; mais personne, et l’honorable M. de Theux doit en convenir lui-même, personne n’oserait affirmer que nous n’aurons pas la guerre. M. Guizot lui-même, je pense, ne pourrait pas l’assurer, car les derniers documents publiés par les journaux, entre autres la note de lord Palmerston du 2 novembre, ne sont nullement rassurants.
Ainsi, s’il est vrai que les amis de la paix, et je crois que toute la Belgique est amie de la paix, ont aujourd’hui des motifs plus plausibles d’espérer la conservation de la paix, il n’en est pas moins vrai que nous sommes toujours en présence des dangers d’une guerre terrible, puisque, si elle éclatait, elle aurait peut-être pour résultat de bouleverser toute l’Europe.
Je vous demande si, en présence d’une pareille éventualité, il n’est pas d’un gouvernement sage et prévoyant de prendre des mesures pour assurer la subsistance du peuple ?
Je crois, messieurs, que le gouvernement, en présence de cette éventualité, indépendamment encore de l’insuffisance des récoltes dans le Nord qu’il nous a annoncée, fait parfaitement bien de prendre ses mesures, pour prévenir le retour de l’élévation qui s’est manifestée l’année dernière dans le prix des céréales.
Toute loi sur les céréales met toujours en présence deux immenses intérêts. Vous avez d’abord l’intérêt des agriculteurs, qui exige que les prix des blés soient élevés ; vous avez ensuite l’intérêt des consommateurs, de la classe ouvrière principalement, qui exige aussi impérieusement que ces prix ne soient pas élevés.
Ces deux intérêts méritent certainement la sollicitude des chambres, et le but de toute loi sur les céréales est de chercher à la combiner de manière à ce qu’aucun d’eux ne soit sacrifié.
Or, je crois que ce qu’il y a de mieux à faire dans les circonstances actuelles, pour concilier ces deux intérêts, c’est d’empêcher qu’une nouvelle hausse ne se produise sur les céréales.
En effet, l’intérêt des agriculteurs se présente avec cet avantage qu’il y a eu deux années favorables pour eux, tandis que l’intérêt de la classe pauvre se présente avec le désavantage d’avoir souffert pendant deux années.
D’un autre côté, on n’a pas parlé jusqu’à présent d’un aliment qui est aussi nécessaire à la classe pauvre et qui va presque sur la même ligne que le pain, il s’agit des pommes de terre. Or, les pommes de terre n’ont jamais été aussi chères que cette année-ci, et le prix n’en est pas encore diminué, du moins dans certaines localités.
On dit que l’intérêt du pauvre est que l’agriculture soit prospère ; c’est une vérité que tout le monde reconnaît ; tous, nous désirons voir l’agriculture prospérer autant que possible ; il n’est pas un membre de cette chambre qui ne soit entièrement convaincu de l’immense importance de l’agriculture, de la nécessité de la conserver dans un état de prospérité, mais je crois que l’effet de la loi ne sera pas de diminuer tellement cette prospérité, que l’agriculteur ne puisse plus donner du travail et même du secours aux pauvres.
Un autre orateur a dit qu’il serait essentiel d’adopter une fois pour toutes une loi uniforme sur les céréales, à laquelle on n’apporterait plus de changements. Cela serait bien, si cela était possible ; mais je crois qu’en fait de céréales on ne peut avoir une loi tellement uniforme, que des cas imprévus n’exigent qu’il y soit apporté des modifications.
En France, la législation sur les céréales a subi en différents temps beaucoup de modifications. En Angleterre, on a adopté différentes lois sur cet objet. On réclame aujourd’hui une modification à celui qui existe en France ; la loi d’aujourd’hui est différente de celle qui existait sous l’empire, comme celle-ci est différente de celle qui fut votée sous la restauration. Il est à remarquer que même sous la restauration les lois sur les céréales prohibaient la sortie du blé, lorsque le prix était arrivé pour certaines parties du pays à 19 francs l’hectolitre.
Une considération plus puissante que celles dont je viens d’entretenir la chambre, c’est celle qui a été signalée par l’honorable M. de Muelenaere. Si nous n’adoptions pas le projet de loi, il en résulterait qu’il y aurait une hausse sur le prix des blés, hausse fictive, peut-être, mais qui suffirait pour effrayer les esprits. Ce serait déjà un bien grand mal. Nous devons chercher à ce qu’il ne survienne pas une nouvelle hausse, surtout au moment où nous entrons dans la saison d’hiver.
Je suis donc partisan du projet de loi du gouvernement, d’abord parce qu’il me semble que son adoption ne peut provoquer l’avilissement du prix des blés, ensuite parce que le rejet de cette loi pourrait faire hausser le prix des céréales, et en troisième lieu, parce que nous sommes dans des circonstances politiques qui justifient suffisamment l’adoption de la prorogation de la loi de 1839.
Quant à l’amendement présenté par l’honorable M. Coghen, je ne sais s’il pourrait remplacer avantageusement le projet de loi. D’après cet amendement, le gouvernement pourrait, si les circonstances l’exigeaient, permettre la libre entrée et prohiber la sortie du froment, du seigle, des pommes de terre et de leurs farines. Or, d’après la manière de juger de M. le ministre de l'intérieur, il est à présumer que si on adoptait cet amendement, le gouvernement prohiberait la sortie des grains, puisque ce serait pour lui une conséquence de la présentation de son projet de loi ; or, je ne sais si, prorogeant la prohibition, en vertu de l’amendement, il lui serait libre, d’après le même amendement de lever cette prohibition, pour le cas où il le croirait nécessaire. M. Coghen me fait un signe affirmatif. Dès lors je pense qu’il n’y a plus de difficulté d’adopter l’amendement.
M. Van Cutsem – Messieurs, le M. le ministre de l'intérieur a soumis à nos délibérations un projet de loi qui a pour but de proroger la loi temporaire du 25 novembre 1839, qui a prohibé jusqu’au 25 novembre 1840 inclusivement la sortie des grains et farines de froment et de seigle, ainsi que des pommes de terre et de leurs farines, et celle du 20 décembre 1839, qui autorise la libre entrée et la libre sortie de l’orge jusqu’à la même époque, et ce haut fonctionnaire nous propose encore d’appliquer à l’avoine les dispositions de cette dernière loi ; ce projet de loi a rencontré des adversaires et des partisans dans cette enceinte ; pour moi je me rangerai au nombre de ces derniers, et voici pourquoi : c’est que j’examine d’une manière large et complexe les questions auxquelles il a donné naissance, c’est parce que je ne m’occupe pas de ces richesses du pays sous le point de vue abstrait et absolu mais sous le rapport du bien-être général.
Or, le bien-être général exige que les grains, que les pommes de terre, qui sont la seule nourriture du pauvre et de l’ouvrier, se vendent à un prix auquel ils puissent se les procurer, d’où la conséquence que nous devons mettre le gouvernement à même de prendre des mesures qui puissent au besoin procurer une existence au malheureux et à l’ouvrier.
L’économie politique ne doit pas être en Belgique ce qu’elle est en Angleterre, où on lui a donné une physionomie et une tendance exclusivement industrielles ; l’économie politique n’est considérée dans ce pays que comme la science des richesses, et les écrivains anglais ont étudié les richesses d’une manière abstraite et indépendante des maux qui en accompagnent trop souvent la production ; on leur a reproché avec raison d’avoir trop séparé le bien-être des travailleurs des questions des manufactures et des machines, et de se montrer insensibles aux souffrances des ouvriers, messieurs, n’encourons pas les mêmes reproches en sacrifiant l’existence de la classe ouvrière à une augmentation de prospérité dont les propriétaires et les grands cultivateurs n’ont pas besoin dans ce moment ; mettons le gouvernement à même d’éviter les malheurs qui pourraient résulter de la cherté des céréales dont le pauvre ne peut se passer, et plaçons le fabricant dans une position qui lui permette de baisser le prix de ses fabricats et de soutenir la concurrence étrangère, en faisant baisser encore le prix des denrées qui entrent aussi comme matière première dans nos productions. C’est, abstraction faite de ces principes, pour être conséquent avec moi-même, messieurs, que je crois devoir donner mon assentiment au projet de loi que le ministre de l’intérieur nous présente aujourd’hui ; j’ai déjà demandé et je demanderai encore sous peu des droits sur l’exportation des lins, parce que cette matière première doit conserver une industrie qui donne l’existence à des milliers d’ouvriers ; j’ose espérer qu’un ministère qui prouve dans cette circonstance qu’il prend les intérêts du pauvre à cœur en proposant un projet de loi qui fixe certaines limites à la liberté de disposer des produits agricoles, afin de leur donner des moyens d’existence, ne refusera pas d’admettre, au moins comme essai, pour les alimenter et pour conserver une industrie de plus à la Belgique, d’imposer encore à l’exportation d’autres produits territoriaux, dont la conservation nous est au moins aussi nécessaire.
Il est bien facile, messieurs, de renverser les arguments que nos adversaires nous opposent pour nous empêcher de voter le projet de loi que le ministre de l’intérieur nous soumet dans l’intérêt des classes ouvrières, et qu’ils déduisent de la baisse exorbitante des grains, qui serait, d’après eux, le résultat inévitable de son adoption, puisque le projet de loi porte en lui le remède à ce mal ; en effet, si, par suite de cette loi, le prix des grains baissait de manière à nuire à l’agriculture, il est bien certain que le ministère, qui sera toujours au courant du prix de ces denrées, fera cesser immédiatement en tout ou en partie, l’effet de ces lois temporaires, puisqu’il en a le droit ou que le sénat ou la chambre prendra l’initiative pour faire cesser le mal. L’examen de cette dernière partie des lois temporaires dont nous nous propose le renouvellement, m’a fait jeter les yeux sur l’amendement de l’honorable M. Coghen, et après l’avoir comparé à la loi, je me suis convaincu qu’il n’y portait, en dernière analyse, aucun changement : le projet de loi défend l’exportation des grains et des pommes de terre pendant un temps de .., libre toutefois au ministère de faire cesser cette prohibition quand il le jugera nécessaire, l’amendement de M. Coghen ne dit pas que l’exportation des grains est prohibée, mais permet au gouvernement de défendre la sortie des céréales quand il le trouvera bon ; n’est-il pas évident, messieurs, que de pareilles dispositions donnent au gouvernement des droits égaux, et que partant il ne faut pas adopter un pareil amendement, parce qu’il n’ajoute rien à la loi et n’en retranche rien, et qu’il est moins complet que le projet, parce qu’il ne précise point le temps pendant lequel le ministère jouira de la faculté de prohiber la sortie des grains.
Je pense aussi, messieurs, qu’il y a lieu d’appliquer à l’avoine les dispositions de la loi du 25 novembre 1839, parce que le prix de cette denrée est déjà très élevé, et que si on ne prend pas une mesure telle que celle que le gouvernement vous propose, vous la rendrez plus rare encore, et vous ferez ainsi un grand tort à tous ceux qui sont obligés de s’en servir pour exercer leur industrie. Ceux qui éprouveront du dommage par la cherté de l’avoine ne seront pas, comme vous l’a dit hier l’honorable député d’Ypres, les chevaux, mais ce seront les fermiers mêmes qui n’auront pas semé et produit, ceux chez lesquels il aura manqué, les rouliers, les entrepreneurs de messageries et de toute espèce de transports par terre, et ces nombreuses classes de la société méritent sans doute bien aussi qu’on s’occupe de leurs intérêts.
Je voterai pour le projet du gouvernement.
M. Vandensteen – Messieurs, le projet de loi que nous propose M. le ministre est encore une nouvelle dérogation à la loi que vous avez votée en 1834, et qui pour moi est le point de départ sur cette matière. D’honorables collègues ont fait remarquer, avec justesse, et sur ce point je partage entièrement leur manière de voir, combien il était nuisible de venir, au moyen de lois exceptionnelles, modifier continuellement un système établi, surtout lorsque d’impérieuses nécessités ne justifiaient point ces dérogations.
L’année dernière l’état de la question était tout aure. La récolte ne présentait pas cette abondance qui est signalée de tout côté cette année, le prix des céréales restait très élevé ; alors la chambre voulant assurer l’existence du peuple, a fait ce qu’elle devait et a accepté (pour un an), le projet de loi qui fait encore aujourd’hui l’objet de nos délibérations. Mais sommes-nous encore dans les mêmes termes ? Evidemment non. La récolte en céréales a été presque partout abondante, le prix en diminue notablement : la position est donc différente sous ce point de vue. Mais il ne s’agit que d’une exception très passagère, vous dit M. le ministre.
C’est contre l’abus que l’on fait des exceptions que je réclame (surtout lorsqu’elles ne sont point exigées par la nécessité). On nous promet une loi sur la matière. Mais quand sera-t-elle soumise à la législature ? Dans peu je l’espère, pourquoi donc nous occuper de la loi présente, restons dans la loi de principe, laissons-lui ses effets.
Il ne faut pas se hâter, vous dit encore M. le ministre, il n’y a que trois semaines que la baisse des céréales se manifeste. Mais, messieurs, je vous le demande, s’il n’a fallu que ce court espacé de temps (trois semaines) pour apporter un notable changement dans le prix des grains, que sera-ce quand nous arriverons à l’époque où le battage des grains s’effectuera de tous côtés, c’est-à-dire, pendant l’hiver ; car vous le savez, c’est dans cette saison que ce travail se fait. Alors les marchés seront encombrés. Mais on m’objectera que la loi a pourvu à cet inconvénient ; le ministère accordera alors la sortie des grains. Mais vous aurez empêché le cultivateur de vendre ses grains avantageusement, ce qui aurait eu lieu sans nuire à la consommation.
Ce n’est pas, vous dit-on encore, à l’approche de l’hiver qu’il convient de prendre une mesure qui pourrait nuire à la subsistance de la classe ouvrière.
Cette objection, si elle était fondée, eût été pour moi le seul motif qui m’eût fait adopter le projet du gouvernement. Mais, je vous le demande, messieurs, le pays n’est-il pas, comme on vous l’a déjà dit, approvisionné pour les besoins d’une consommation ordinaire ? On est d’accord sur ce point ; eh bien, le moment n’est-il pas venu comme on l’a très bien fait observer, d’établir un équilibre entre l’intérêt du consommateur et celui de l’agriculteur ? Ne sommes-nous pas venus à l’époque, où nous devons faire sortir ses effets à la loi de 1834 ?
N’est-ce pas à l’abondance qu’on doit essayer de faire l’application des principes de cette loi, puisqu’on peut la faire sans chance de dommage pour le pays ? Voudriez-vous, en pareille circonstance empêcher l’effet d’une loi que l’on a dit si souvent avantageuse, et qui, en réalité, est loin de lui offrir de si grands avantages ? Non, vous ne voudrez pas enlever au cultivateur la juste récompense de son pénible travail.
Ces considérations m’engagent à voter contre le premier projet.
Quant aux événements politiques, s’il était certain qu’ils dussent nous amener à la guerre, je serais le premier à me prononcer en faveur de l’adoption du projet qui nous est soumis. Cependant je crois qu’alors même que la guerre serait à craindre, la sorte des céréales pendant un certain temps n’aurait aucun danger pour le pays, surtout la législature étant assemblée, car alors nous nous empresserions de demander le rappel de la loi de 1839, si les événements venaient à inspirer des craintes sérieuses pour le pays.
M. Lys – Je ne dirai que quelques mots, messieurs, pour appuyer les propositions du gouvernement, car il ne s’agit ici que d’une loi transitoire.
Je suis loin d’être partisan d’un système quelconque de prohibition, mais est-ce bien le moment de lever une prohibition (je dis, messieurs, lever une prohibition, parce que ne pas maintenir celle existante est pour moi la même chose) que vous avez cru nécessaire. Les céréales sont encore loin d’être revenues au prix normal ; nous sommes à l’entrée de l’hiver, et des nuages obscurcissent encore l’horizon politique.
Dans une pareille situation, où vous voyez l’agriculture dans un état d’aisance, et l’ouvrier de nos fabriques dans la misère, pouvez-vous faire cesser une mesure qui a fait baisser le prix des grains, au moment que vous le reconnaissez encore trop élevé ? Eh, remarquez-le bien, si la récolte en grains a été abondante, il n’en est pas de même de celle de la pomme de terre qui n’a été qu’une demi-récolte, et a été si peu productive dans le district de Verviers, que le prix en augmente chaque jour et est aujourd’hui porté au-delà de sept francs les 100 kilog.
Pouvez-vous lever cette prohibition dans un moment où le gouvernement reçoit de nos villes industrielles des demandes de secours, pour les donner à une masse d’ouvriers sans travail ?
Si, comme on l’a dit, la cherté des grains donne lieu aux agriculteurs de faire la charité aux ouvriers des campagnes, vous ne vous attendez pas qu’ils pousseront la bienfaisance à venir aussi faire leurs aumônes dans nos villes. Je trouverai bien inconséquent de chercher à maintenir les céréales à un prix élevé, pour donner pareil moyen aux agriculteurs : autant vaudrait donner son bien à son voisin, afin de pouvoir en recevoir la charité. Je pense qu’il vaut beaucoup mieux de le conserver.
J’appuiera, messieurs, le système du gouvernement, parce qu’il porte avec lui la certitude que la prohibition ne sera continuée qu’aussi longtemps qu’elle sera nécessaire, puisque le droit de la lever lui est réservé.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, en ce qui concerne la libre sortie des grains, je vous l’avoue, je n’y tiens pas, par le motif que je crois que nos grains ne sortiront guère du pays, par la raison toute simple que nos voisins n’en tirent de chez nous que quand ils en manquent et qu’ils ne seront pas dans le cas d’en avoir besoin. Les lois protectrices existantes en France et en Angleterre seront toujours un obstacle à ce que nous puissions leur livrer des grains, ou il faudrait que le prix de nos produits fût à un taux extraordinairement bas. Mais, messieurs, ce à quoi je tiens, c’est que l’on n’autorise pas les étrangers à introduire en Belgique l’excédant de leurs produits, et surtout à ce qu’on ne les autorise pas à introduire ces produits en franchise de droit.
Vous le savez tous, notre trésor n’est pas tellement encombré qu’il puisse refuser de percevoir des impôts établis par des lois, et surtout quand il s’agit de prélever ces impôts sur l’étranger. Croyez-vous qu’il soit d’une sage politique d’imposer plutôt ses concitoyens que l’étranger. Voilà la réflexion qui me frappe d’abord ; c’est que le trésor n’a pas le moyen de faire des sacrifices.
Mais, messieurs, à entendre certains économistes, il paraîtrait que la protection accordée à l’agriculture se rapporte exclusivement aux grands propriétaires. C’est ce qu’on vous a encore fait entendre il n’y a qu’un instant.
Mais, messieurs, en Belgique, il y a autre chose que des grands propriétaires. La division des terres est telle que la classe des petits propriétaires est bien plus intéressée, je ne dis pas à voir le prix des céréales à un taux exorbitant, non, car l’agriculteur n’est pas égoïste, mais à un taux qui lui permette de vivre de son état et de faire face aux impôts dont le gouvernement a soin de le frapper en toute circonstances. Quand il s’agit de percevoir des impôts, on n’oublie jamais le cultivateur.
Il est une autre chose aussi intéressante et à laquelle je m’intéresse, c’est la classe des ouvriers agriculteurs, cette classe d’ouvriers qui, dans notre localité, entre autres dans une grande partie de la province de Liége, dans la presque totalité de la province de Namur, dans une grande partie de la province du Hainaut et dans une grande partie de la province du Brabant, reçoit son salaire en nature. Eh bien, l’ouvrier agriculteur, payé en nature, a un salaire proportionné au prix des céréales. Je n’entends pas vous parler du seigle, qu’il emploie pour sa nourriture, mais du froment et de l’orge qu’il vend. Cela lui sert à payer ses rentes, son chauffage, la location de son habitation et son entretien. Si le grain est à trop bas prix ces ouvriers se trouvent dans la position la plus déplorable.
Messieurs, on a reproché à un de nos honorables collègues d’avoir touché la question du paupérisme. On lui a dit : « Mais le paupérisme, il faut l’éviter. » Certes, c’est bien mon opinion ; mais ce n’est pas en appauvrissant le cultivateur que vous parviendrez à faire disparaître le paupérisme en Belgique. Au contraire, la classe des petits agriculteurs est la classe la plus nombreuse de la Belgique. Si vous ruinez cette classe, il en résultera que vous la mettre dans la position de devoir mendier un morceau de pain. N’avons-nous pas un exemple bien frappant, l’exemple de l’Irlande où, par suite du haut prix des locations et du bas prix des produits et de l’établissement des mécaniques à filer le lin, le petit cultivateur, qui est la classe la plus nombreuse, est réduit aujourd’hui à se nourrir de pommes de terre pendant neuf mois de l’année, et pendant les trois autres mois, de l’herbe sauvage qui croît dans les champs, comme de vils animaux.
Voilà la position des petits cultivateurs irlandais. Jamais un morceau de pain n’entre dans leur nourriture. Voulez-vous placer le petit cultivateur belge dans cette position ? C’est là cependant que doit vous conduire votre philanthropie.
On vous a dit que le prix normal du froment était 18 francs ; je conviens qu’il en était ainsi, il y a quelques années. Mais remarquez qu’il n’en est plus aujourd’hui comme il y a 15, 20 ou 30 ans. Le cultivateur ne peut plus faire les frais de sa culture à un prix aussi minime qu’alors.
Aujourd’hui, l’hectolitre de froment, qui revenait autrefois à 12 francs au cultivateur, revient, d’après les économies à 14 et 15 francs. Or, si le prix de revient de l’hectolitre de froment étant à 12 francs, le prix normal était de 18 francs, certainement aujourd’hui que les frais sont plus élevés, le prix normal doit également être plus élevé. Un ouvrier, qui coûtait autrefois de 150 à 200 francs, coûte aujourd’hui 250 à 300 francs. Il en est de même de tout. Je n’entrerai pas dans tous les détails des frais de culture, pour prouver que le prix de revient s’est élevé. Mais je dirai que si le prix de revient étant à 12 francs le prix normal de vente était à 18 francs, le prix de revient étant de 14 à 15, le prix normal doit être de 20 à 21 francs.
Il paraît que beaucoup de membres sont dans l’opinion, que par suite du haut prix des grains les agriculteurs doivent nager dans l’or, être dans la position la plus avantageuse. C’est une erreur. En effet, à quoi devons-nous attribuer le haut prix des céréales ? C’est au manque de produits. Remarquez que le manque de produits occasionne au cultivateur une bien plus grande perte qu’au consommateur. Vous le savez, la récolte, il y a deux ans, n’a été qu’une demi-récolte au plus, dans d’autres localités on n’a eu qu’un tiers de récolte. J’en excepte quelques-unes et notamment ma localité où les terres se trouvaient couvertes de neige au moment de la reprise de la gelée, qui a eu lieu en janvier après quelques jours de dégel, ce qui préserva nos récoltes. Mais l’exception ne fait pas la règle.
En général le grain a manqué il y a deux ans, de telle manière qu’on n’a eu qu’une demi-récolte en Belgique. Tous les colzas ont manqué, les énormes dépenses de plantation qu’ils occasionnent ont été perdues. L’année précédente ils avaient encore manqué ; de sorte qu’en trois ans ils ont manqué deux fois et réussi une. Ces trois années n’ont rien produit pour le cultivateur ; car la bonne année a suffi tout au plus pour le remboursement des frais de plantation des trois années.
On vous a exposé longuement, et cela a été répété par plusieurs de nos honorables collègues, que le grain manquait dans le Nord ; on pourrait venir enlever nos produits agricoles et compromettre l’existence du peuple. Je n’ai vu nulle part que le grain eût manqué généralement dans le Nord. Il est vrai qu’il a manqué dans le centre de la Russie, mais non dans les autres provinces. Si y a d’autres donnés certaines que celles-là, qu’on me les communique, je ne les connais pas. En Pologne, sur les bords de la mer Noire, en Danemark, les récoltes ont été bonnes.
Je suppose présentement que, pour alimenter la Russie, on doive employer tous les grains de la Pologne, n’avez-vous pas le Danemark qui produit beaucoup de grains, et tellement que le gouvernement y reçoit l’impôt en nature. Il serait bien à désirer, soit dit par parenthèse, qu’il en fût de même en Belgique ; vous ne verriez pas le ministre des finances porté à demander des réductions de prix. Le Danemark vous enverra ses grains ; car il ne les enverra ni en Angleterre, où il y a des droits protecteurs, ni en France, où il y a également des droits protecteurs et où l’on ne reçoit les grains qu’autant qu’ils payent un impôt à l’Etat.
Je me suis réservé de vous donner un échantillon du grand avantage que procure à l’agriculture le haut prix des grains.
Remarquez que, taux moyen, les trois dernières récoltes (j’excepte celle de cette année) n’ont donné que les deux tiers. Je suppose un cultivateur ayant une ferme rapportant 300 hectolitres de grains de différentes espèces. S’il les vend 15 francs l’hectolitre, cela lui fait 4,500 francs. Mais il lui faut conserver pour ensemencer ses terres et pour nourrir sa famille 100 hectolitres de grains ; il ne lui reste donc à vendre que 200 hectolitres qui lui rapportent 3,000 francs.
Je suppose maintenant une année où la récolte est des deux tiers et où le prix est élevé. Au lieu de 300 hectolitres, il n’en récolte que 200 ; de ces 200, il doit soustraire 100 hectolitres pour ensemencer ses terres et nourrir sa famille ; il ne lui en reste donc plus que 100. S’il les vent 24 francs, cela lui fait 2,400 francs. Il y a donc pour lui dans cette hypothèse déficit de 600 fr.
Quant aux pommes de terre, je partage entièrement l’opinion des honorables collègues qui ont parlé en faveur de la prohibition de leur sortie. La production des pommes de terre est loin d’être satisfaisante. Il y a dans cette culture une perte marquante pour le cultivateur. Mais j’ai pour principe qu’il faut assurer, avant tout, la nourriture des malheureux. Celui qui a planté des pommes de terre sur un hectare de terre, en les vendant 4 francs l’hectolitre, a sur cet hectare, une perte de 25 francs ; il n’est pas remboursé de ses frais. Mais qu’à cela ne tienne : je suis d’avis qu’il faut assurer la consommation des malheureux.
Je suis du même avis pour le seigle, qui est, en général, chez nous la nourriture des malheureux. Le froment et l’orge sont une nourriture de luxe.
Je vous l’ai dit, le cultivateur éprouve une perte dans la culture des pommes de terre. Mais le cultivateur ne s’attend pas à être favorisé par la loi ; il s’attend à être le bouc d’Israël ; c’est lui qui doit supporter tous les fardeaux.
Avant de terminer, je dirai un mot à M. le ministre sur un point qui rentre un peu dans l’économie politique. Si toutefois on croit que la Belgique doive manquer de grains, n’avons-nous pas une masse de terres incultes de bruyères susceptibles de bien produire ? N’avons-nous pas, dans la Campine, des terres immenses qui pourraient très bien produire des céréales ? N’en avons-nous pas aussi dans les provinces de Luxembourg, de Liége et de Namur qui sont très susceptibles de donner de bons produits ? Mais ce qui prouve que le prix des céréales n’est pas assez élevé pour permettre de mettre ces terres en culture, c’est que personne n’essaie de le faire. Il y aurait un moyen d’obtenir ce résultat. Au lieu d’encourager la pêche, et la navigation, accordez des subsides aux cultivateurs du Luxembourg et de la Campine, donnez-leur les moyens de se procurer des charrues, des moyens de défrichement ; vous augmenterez ainsi la richesse du pays ; vous mettrez la Belgique à même de produire beaucoup plus de céréales qu’elle n’en produit.
Je persiste dans ma première opinion ; car mes collègues ne m’en ont pas fait revenir. Je trouve la loi intempestive, dangereuse, nuisible au trésor. Par ce motif, je voterai contre.
M. Rodenbach – Je n’ai que quelques mots à répondre à l’honorable préopinant qui termine son appréciation de la loi en discussion tout autrement qu’il ne l’avait commencée.
Je pense que le prix actuel est trop élevé pour la classe ouvrière. En 1835, 1836 et 1837 les prix n’étaient que de 15, 16 et 17 francs. Ils n’avaient encore atteint que le prix de 19 francs. On ne peut pas dire que ce fût là un prix tellement bas. D’ailleurs, je répondrai au préopinant que, dans les temps d’abondance, il y a compensation.
L’honorable membre a voulu répondre à ce que j’ai dit sur le paupérisme ; et il a parlé de l’Irlande : mais cet exemple est un argument contre son système ; car il est bien certain que le prix élevé auquel l’aristocratie anglaise maintient les céréales qui est la cause des misères de l’Irlande.
Je pense qu’on peut adopter le projet de loi.
M. de Langhe – J’ai dit dans une séance précédente que je ne serais pas éloigné de me rallier à l’amendement de l’honorable M. Coghen. A la première lecture, la force de cet amendement m’avait échappé ; mais je vois qu’il va plus loin que la loi. La loi ne défend que la sortie du froment ; M. Coghen voudrait autoriser le gouvernement à admettre le froment libre de tous droits à l’entrée. Voilà une différence. Je ne sais si telle est l’intention de l’honorable M. Coghen. Mais s’il ne le modifie pas, je ne pourrais voter son adoption.
En outre, je vois que la loi n’aurait ses effets que jusqu’en novembre 1841. J’aurai pu accepter cet amendement par esprit de conciliation, si le gouvernement s’y était rallié. Mais puisqu’il ne s’y est pas rallié, je crois devoir le repousser. Tant que nous sommes réunis, nous ne devons pas donner de tels pouvoirs au gouvernement. Si les circonstances l’exigent, une loi sera l’affaire de quelques jours. Je voterai donc, à moins que l’amendement ne soit modifié ou que le ministère ne s’y rallie, contre l’amendement et le projet de loi.
Je regrette que l’on veuille prendre des mesures exceptionnelles contre l’agriculture, quand on songe à l’imposer aussi fortement ; car il ne faut pas se le dissimuler, c’est une augmentation, non pas de 500,000 francs, mais de 3 à 4 millions qu’on lui demande ; car les augmentations sur les droits d’inscription hypothécaire porteront uniquement sur le propriété foncière. Ce n’est pas quand on veut imposer ainsi la propriété qu’il convient de lui apporter des entraves telles que celles résultant du projet de loi.
M. Coghen – Messieurs, lorsque hier je me suis prononcé contre le projet du gouvernement, je l’ai fait dans la crainte de voir arriver dans le pays, qui a eu le bonheur d’avoir une immense récolte, une masse de grains étrangers qui ne seraient soumis à aucun impôt, tandis que la culture indigène est frappée d’impôts assez considérables. Mais si je me suis prononcé contre le projet de loi, il était loin de ma pensée cependant de vouloir faire naître une hausse sur le prix des céréales, d’aggraver la position de cette classe si intéressante de la société qui est obligée de s’imposer tant de privations et que je défendrai toujours.
Si vous adoptez le projet du gouvernement, vous autorisez la libre exportation des produits de l’agriculture ; si vous en revenez purement et simplement à la loi de 1834 sans donner au gouvernement les moyens d’en modérer l’exagération, vous pourrez donner lieu à des inconvénients. La loi de 1834 va trop loin, elle doit être modifiée ; il faut une protection à l’agriculture, sans doute, mais il ne faut pas cependant que la protection soit exagérée. Un nouveau projet vous sera soumis par le gouvernement ; il vous est annoncé ; c’est en attendant la discussion de ce projet que j’avais proposé d’armer le gouvernement des pouvoirs nécessaires pour pouvoir, si les circonstances l’exigeaient, parer aux inconvénients de la loi de 1834 qui va trop loin. Si l’on veut borner la durée des pouvoirs à donner au gouvernement pour permettre la libre entrée et pour prohiber la sortie, je suis loin de m’y opposer ; mais il me semble qu’il serait toujours prudent de ne pas en revenir à la loi de 1834 sans permettre au gouvernement d’agir immédiatement si les circonstances l’exigent.
Quelquefois nos délibérations se prolongent tellement que, avant que nous aurions pu prendre une résolution, l’on pourrait avoir enlevé du pays une grande partie de notre approvisionnement que les circonstances politiques pourraient rendre nécessaire à la consommation intérieure. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président – Je mettrai d’abord aux voix l’amendement de M. Coghen.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Il me semble que la proposition de M. Coghen ne peut pas être considérée comme un amendement ; cette proposition tend à consacrer un tout autre principe que celui de l’article 1er du projet du gouvernement ; la proposition de l’honorable M. Coghen est réellement une toute autre loi que celle du gouvernement ; il me semble donc que la proposition du gouvernement doit avoir la priorité.
Pour ne pas prolonger les débats, je n’ajouterai rien à ce que j’ai eu l’honneur de dire hier, je me bornerai à faire remarquer à la chambre que la crainte de voir s’avilir le prix des céréales n’est pas du tout fondée en présence de la déclaration que j’ai eu l’honneur de faire et que je m’empresse de réitérer, que si le froment tombait jusqu’au prix de 18 francs, le gouvernement se ferait un devoir de lever la prohibition ; le gouvernement ferait la même chose pour le seigle si le seigle tombait à un prix correspondant à celui de 18 francs pour le froment.
M. Smits – Je pense également que la proposition de l’honorable M. Coghen n’est pas un amendement, mais une proposition tout à fait nouvelle, un nouveau projet de loi ; je demande donc aussi que l’on vote d’abord sur le projet du gouvernement ; mais si le projet du gouvernement n’obtient pas la priorité, je demanderai à faire quelques observations sur la proposition de M. Coghen.
M. le président – Voici une nouvelle rédaction proposée par M. Coghen :
« Jusqu’au 31 décembre 1841, le gouvernement pourra prohiber la sortie du froment, du seigle, des pommes de terre et de leurs farines si les circonstances l’exigeaient. »
- La chambre, consultée, décide qu’elle votera en premier lieu sur la proposition du gouvernement.
M. Mast de Vries – Je demande la division de l’article en ce sens que l’on mettrait d’abord aux vox la prorogation de la loi du 26 décembre 1839 relative à l’orge, proposition qui a obtenu l’assentiment unanime de la section centrale, et ensuite la prorogation de la loi du 25 novembre relative au froment, au seigle et aux pommes de terre.
M. Eloy de Burdinne – En ce qui concerne les pommes de terre et le seigle, je voterai la prorogation, mais je ne la voterai pas en ce qui concerne le froment, je demande donc que l’on vote séparément sur ce qui concerne le froment.
- La prorogation de la loi du 26 décembre 1839, relative à l’orge, est mise aux voix et adoptée.
M. le président – Je vais maintenant mettre aux voix la prorogation de la loi du 25 novembre 1839, en ce qui concerne le froment.
Plusieurs membres – L’appel nominal !
- Il est procédé à l’appel nominal dont voici le résultat :
63 membres prennent part au vote.
29 adoptent.
34 rejettent.
En conséquence la disposition n’est pas adoptée en ce qui concerne le froment.
Ont voté l’adoption : MM. Buzen, Cogels, Cools, Coppieters, David, de Behr, de Brouckere, Dedecker, de Foere, Delfosse, de Terbecq, de Villegas, d’Hoffschmidt, Duvivier, Fallon, Jadot, Lange, Lebeau, Leclercq, Liedts, Lys, Maertens, Mercier, Rodenbach, Rogier, Sigart, Smits, Trentesaux, Van Cutsem et Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Brabant, Coghen, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, de Muelenaere, de Nef, de Perceval, de Potter, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Theux, Doignon, Dubois, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-Hoys, Mast de Vries, Morel-Danheel, Peeters, Pirmez, Pirson, Raikem, Raymaeckers, Scheyven, Simons, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandensteen.
La chambre adopte ensuite la prorogation de la loi en ce qui concerne le seigle.
Elle adopte également la prorogation de la loi en ce qui concerne les pommes de terre.
Il est entendu que cette prorogation s’étend aux farines du seigle et des pommes de terre.
Un membre – Il faut statuer actuellement sur l’amendement de M. Coghen (Oui ! oui ! oui ! Non ! non !)
M. de Muelenaere – Messieurs, il me semble qu’il est résulté de toute la discussion qui a eu lieu depuis deux jours, que la chambre sans le vouloir, a été beaucoup plus loin qu’elle ne le voulait.
Le vote qui vient d’être émis a pour conséquence que le froment ne pourra plus être prohibé à la sortie, et que le gouvernement n’aura pas la faculté, si les circonstances l’exigeaient, d’interdire la sortie du froment.
Il me semblerait dès lors beaucoup plus régulier de mettre maintenant aux voix la proposition de M. Coghen, qui est un véritable amendement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Voici la marche qui me paraît devoir être suivie maintenant pour le vote. Nous avons adopté deux dispositions distinctes dont l’ensemble forme l’article 1er. Il me semble qu’il faudrait voter d’abord sur l’ensemble de cet article, ce qui a lieu ordinairement, lorsque la chambre a voté par division. L’article 1er doit maintenant être conçu en ces termes :
« La loi du 26 décembre 1839 (Bulletin officiel n°LXXXII), et celle du 25 novembre (Bulletin officiel, n°LXXIII), en ce qui concerne le seigle, les pommes de terre et les farines, resteront en vigueur, jusqu’au 30 novembre 1841 (inclusivement), à moins que le gouvernement ne juge utile d’en faire cesser les effets en tout ou en partie, avant cette époque. »
Après le vote de cet article, viendrait la disposition proposée par l’honorable M. Coghen, laquelle formerait l’article 2, si elle était adoptée. Elle serait conçue en ces termes :
« Jusqu’à la même époque, le gouvernement pourra, si les circonstances l’exigeaient, prohiber la sortie du froment et de sa farine. »
M. Dubus (aîné) – Messieurs, je viens d’entendre la lecture de la proposition de l’honorable M. Coghen, telle qu’on veut la rédiger, pour en former l’article 2 de la loi. On n’apprécie pas la nécessité qu’il peut y avoir à accoler un article à la disposition que nous venons de voter. On prévoit dans cet article le cas de circonstances extraordinaires qui nécessiteraient également la prise d’une mesure extraordinaire à l’égard du froment. Ces circonstances arriveront pendant ou après la session ; si elles arrivent pendant la session, nous sommes réunis, nous sommes là pour apprécier ces circonstances ; l’on pourra nous présenter un projet de loi que nous voterons, si les faits sont justifiés. Si ces circonstances se présentent après la session, qu’on nous demande pour ce cas à autoriser le gouvernement à prendre une mesure dans l’intervalle des deux sessions ; je comprendrais alors la proposition. Mais tant que nous sommes réunis, quel besoin y a-t-il d’accorder cette autorisation au gouvernement, pour parer à des éventualités qui ne se présenteront peut-être pas, et qu’au reste nous serons là pour apprécier.
Je demanderai donc que l’honorable M. Coghen veuille bien modifier sa proposition, en ce sens que la faculté dont il s’agit ne serait attribuée au gouvernement que dans l’intervalle des deux sessions.
M. de Brouckere – Messieurs, l’honorable préopinant est rentré dans la discussion du fond. Il s’agit simplement de savoir comment les questions seront posées, car du moment que l’honorable M. Coghen ne retire pas son amendement, il faut que l’amendement soit mis aux voix : la discussion étant fermée, il n’y a plus lieu de le modifier. Si l’honorable M. Coghen doit modifier son amendement, c’est que le vote que la chambre vient d’émettre l’y force : il est clair que ces amendements doivent se restreindre maintenant au froment.
Tout ce qu’il y a à faire dans ce moment, c’est de mettre aux voix l’article 1er dont les deux parties ont été adoptées ; et de mettre ensuite aux voix l’amendement de M. Coghen, en ce qui concerne le froment.
M. Dubus (aîné) – L’honorable préopinant dit que mes observations viennent trop tard, parce que la discussion est close. Si j’avais parlé le premier, je concevrais un pareil reproche, mais je me suis levé pour répondre à des orateurs auxquels l’honorable préopinant n’a pas adressé le reproche qu’il me fait. Par exemple, l’honorable M. de Muelenaere a pris la parole pour soutenir l’amendement de l’honorable M. Coghen : on ne lui a pas reproché de rentrer dans la discussion. Avec une pareille manière de procéder, il n’y aurait plus à parler que pour ceux qui sont favorable à un projet de loi, tandis qu’il serait ordonné aux autres de se taire.
Je ne comprends pas cette manière de régler l’ordre de nos délibérations. Je crois que j’ai le droit de répondre, quand d’autres ont le droit de parler. Je rappellerai au surplus à la chambre que lorsqu’on a proposé de voter par division, un honorable membre a déclaré qu’il se réservait de faire des observations sur l’amendement de M. Coghen, après qu’on aurait voté sur la division.
M. de Brouckere – Messieurs, l’honorable préopinant me reproche d’avoir agi avec injustice, de lui avoir fait des observations parce qu’il était rentré dans le fond de la discussion, tandis que je n’en aurais pas fait à d’autres qui seraient rentrés également dans la discussion.
Je réponds que personne n’est rentré dans le fond de la discussion, si ce n’est l’honorable M. Dubus. L’honorable M. de Muelenaere n’a parlé que de la nécessité de mettre l’amendement de M. Coghen aux voix. M. Dubus dit qu’un honorable membre s’était réservé de parler sur l’amendement de M. Coghen, j’en appelle à tous mes voisins, lorsque l’honorable M. Smits a manifesté cette intention, je lui ai dit qu’il ne pouvait pas rentrer dans la discussion du fond.
Nouvel article 1
M. le président – Voici comme l’article 1er sera conçu :
« La loi du 26 décembre 1839 et celle du 25 novembre 1839 en ce qui concerne le seigle, les pommes de terre et leurs farines resteront en vigueur jusqu’au 30 novembre 1841 inclusivement, à moins que le gouvernement ne juge utile d’en faire cesser les effets en tout ou en partie avant cette époque. »
- L’ensemble de l’article 1er ainsi rédigé est adopté.
M. le président – Je vais mettre aux voix l’article proposé par M. Coghen qui est ainsi conçu :
« Jusqu’à la même époque le gouvernement pourra prohiber la sortie du froment et de sa farine. »
Plusieurs voix – L’appel nominal.
On procède à cette opération.
En voici le résultat :
Nombre de votants, 63.
Oui, 37.
Non, 26.
Un membre s’est abstenu.
En conséquence l’amendement est adopté.
M. de Foere, qui s’est abstenu, est invité à énoncer les motifs de son abstention.
M. de Foere – La nouvelle rédaction de l’amendement de M. Coghen n’a point été mise en discussion. Je n’ai pas voté contre cet amendement, parce qu’il serait possible que, dans l’intérêt du pays, la prohibition à la sortie du froment dût être rétablie. Je n’ai pas voté pour l’amendement, parce qu’il compromet les intérêts du commerce.
Ont répondu oui : MM. Brabant, Buzen, Coghen, Cools, Coppieters, de Behr, de Brouckere, Delfosse, de Muelenaere, de Nef, de Perceval, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dubois, Duvivier, Fallon, Fleussu, Jadot, Lange, Lebeau, Leclercq, Liedts, Lys, Maertens, Mercier, Peeters, Pirmez, Pirson, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Sigart, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, et Zoude.
Ont répondu non : MM. Cogels, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Langhe, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Doignon, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Mast de Vries, Morel-Danheel, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Trentesaux, Ullens et Vandensteen.
M. le président– Je vais mettre aux voix l’article à l’avoine, qui devient article 3.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Comme il ne s’agit dans cet article que de l’avoine et que la disposition qu’il renferme introduirait dans la loi un principe nouveau ; comme d’ailleurs il n’intéresse pas la subsistance du peuple, je déclare au nom du gouvernement renoncer à cet article.
M. le président – Nous passons à l’article suivant et dernier.
« La présente moi sera obligatoire le jour même de sa promulgation. »
- Adopté.
M. le président – Il y a eu des amendements, à quel jour veut-on fixer le vote définitif ? (Immédiatement ! Après-demain !)
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Comme la loi est sur le point d’expirer et que le sénat doit encore être assemblé, je demanderai que si on ne passe pas immédiatement au vote définitif, on le remette à demain ou bien après-demain.
M. de Brouckere – S’il y a d’autres objets à l’ordre du jour je ne vois aucune difficulté à remettre à demain le vote définitif ; mais si la chambre ne doit pas se réunir demain, ou si la loi que nous venons d’adopter est seule à l’ordre du jour, mieux vaut la voter aujourd’hui.
Je prie M. le président de nous dire s’il y a d’autres objets à l’ordre du jour.
M. le président – Il n’y a rien d’autre à l’ordre du jour, mais la rédaction de la loi laisse quelque chose à désirer, il vaut mieux en remettre le vote définitif à demain.
M. de Theux – Je crois qu’on a décidé le renvoi à demain. (Non ! non !)
Dans tous les cas, il faut être juste. Il a été introduit des amendements assez importants ; il faut les coordonner, cela mérite réflexion. Tel membre peut vouloir de telle disposition prise isolément et ne pas vouloir de la loi dans son ensemble. Si ce vote devait arriver avec l’expiration de la loi, je le comprendrais ; mais la loi expire demain, cela ne vous avancera pas.
M. de Langhe – Le Bulletin des Lois porte que la loi expire le 30 novembre, il y a encore 5 jours.
M. de Theux – Je n’ai pas consulté le bulletin des lois, mais j’ai lu dans l’exposé des motifs de M. le ministre que la loi expire le 23 novembre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – C’est une erreur.
- La question est mise aux voix.
Deux épreuves sont douteuses.
M. le président – On va procéder à l’appel nominal.
Il est procédé au vote par appel nominal sur la question de savoir si le second vote du projet de loi aura lieu séance tenante, en voici le résultat :
Nombre de votants : 60.
28 membres votent l’adoption.
32 votent contre.
La chambre n’adopte pas.
Ont voté pour l’adoption : MM. Buzen, Coghen, Cools, Coppieters, de Brouckere, de Muelenaere, de Nef, de Perceval, de Roo, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dubois, Fleussu, Jadot, Lange, Lebeau, Leclercq, Liedts, Lys, Maertens, Mercier, Metz, Raymaeckers, Rogier, Sigart, Trentesaux, Van Cutsem, Vandenbossche, Zoude.
Ont voté contre : MM. Brabant, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delfosse, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Dubus (aîné), B. Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Hye-Hoys, Mast de Vries, Morel-Danheel, Peeters, Pirmez, Raikem, Scheyven, Simons, Smits, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandensteen.
- La chambre fixe à demain 3 heures le second vote du projet de loi.
- M. Fallon remonte au fauteuil.)
M. le président invite les deuxième et troisième sections qui sont en retard de nommer leurs rapporteurs pour le budget de la dette publique et des dotations à procéder demain à cette nomination, par suite de laquelle la section centrale sera complète. Il invite les commissions chargées de l’examen des projets de loi relatifs à des séparations de communes à présenter les rapports sur ces projets de loi, afin que la chambre puisse s’en occuper pendant le travail des sections.