(Moniteur belge n°346 du 12 décembre 1839)
(Présidence de M. Fallon)
M. Scheyven fait l’appel nominal à deux heures.
M. Lejeune lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Scheyven fait connaître l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Les habitants de la commune de Stabrouck demandent que la chambre s’occupe de la loi sur les indemnités. »
« Le sieur C. Willens adresse des observations sur les moyens de répression de la fraude de l’impôt sur le sel. »
- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
« Six anciens soldats adressent des observations sur le projet de loi concernant les pensions militaires. »
- Renvoi à la section centrale, chargée de l’examen du projet de loi relatif aux pensions militaires.
« Les conseils communaux et les habitants de Lovendegem et Lootenhulle (Flandre orientale , adressent des observations contre le projet de déplacement du chemin de fer de Gand à Bruges. »
- Renvoi au ministre des travaux publics.
« Le Sieur Vandevoorde, sergent-major au 1le régiment, né en Autriche, de parents belges, demande la naturalisation. »
« Le sieur J Warin, sergent au 1le régiment d’infanterie, né en France, demande la naturalisation. »
- Ces deux pétitions sont renvoyées au ministre de la justice.
M. de Terbecq – Je demande que ces pétitions soient instruites le plus tôt possible.
M. Mast de Vries – Messieurs, je viens de poser sur le bureau le rapport de la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’orge.
Je prie la chambre d’en fixer la discussion après le projet de loi concernant les farines.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport et en fixe la discussion après le projet de loi concernant les farines.
M. le président – L’ordre du jour est la reprise de la discussion du budget des voies et moyens, chapitre de la redevance des mines.
M. de Muelenaere – Messieurs, à la séance de lundi, la chambre m’a permis d’adresser une interpellation à M. le ministre des travaux publics relativement à un article qui doit figurer au budget des voies et moyens. M. le ministre a promis de nous donner sur ce point des renseignements à la séance de ce jour. Je demanderai s’il ne trouve pas convenable de nous donner ces renseignements avant de nous occuper de la redevance des mines.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je me suis empressé de prendre les renseignements demandés par l’honorable membre, et j’ai acquis la conviction qu’en effet il existe au budget des voies et moyens une lacune qu’il faut remplir cette année. Il y a à la marine, comme à l’armée, une masse. C’est le gouvernement qui a fait des avances aux matelots, comme il l’a fait aux militaires de l’armée de terre ; il leur a fait des avances pour habillement. Ces avances doivent être restituées au moyen de ce qu’on appelle la masse qui provient d’une retenue sur le salaire des matelots. Il y a un règlement de compte à faire entre la masse et le trésor public. Mais, dès à présent, je puis annoncer à la chambre que la somme à restituer est d’environ 300,000 francs ; il y aura donc bien lieu d’ajouter sous la rubrique « trésor public », un nouveau numéro qui prendra le numéro 4, c’est-à-dire qui prendra place après les numéros analogues concernant l’armée.
Ce numéro serait ainsi conçu :
« Recouvrement d’une partie des avances faites par le département de la marine aux équipages de la flottille, pour masse d’habillement et d’entretien : fr. 300,000. »
M. de Muelenaere – Il est bien entendu que dans cette somme se trouvent compris tous les recouvrements faits depuis que des recouvrements ont été opérés de ce chef.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Précisément.
- L’article nouveau proposé par M. le ministre des travaux publics est adopté.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Il y a dans le tableau une seconde lacune que je désire également remplir. La chambre se rappellera peut-être que, dans la loi du 10 mars 1838, elle a inséré une disposition relative aux subsides offerts à l’état par les provinces, les communes et les particuliers pour concourir aux constructions de routes. Elle a ajouté que le montant de ces subsides figurerait chaque année dans le budget des voies et moyens, aux recettes pour ordre.
Dans le rapport que j’ai fait, le 12 novembre, sur les travaux de l’état, se trouve un tableau portant le n°23, intitulé ; « Tableau des subsides offerts à l’état par les provinces, les communes et les particuliers, et acceptés en vertu de l’article 5 de la loi du 10 mars 1838. »
Ces subsides s’élèvent à plus de 1,200,000 francs. On en a touché environ 250 mille, il reste donc à recouvrer un million. Je suppose que, dans le cours de 1839, on en recouvrera la moitié, il y aurait donc à porter aux recettes, pour ordre et à la suite des objets qui y figurent déjà, un numéro ainsi conçu :
« Recettes pour ordre :
« Subsides offerts à l’état pour constructions de routes, par les provinces, les communes et les particuliers, et acceptés en vertu de l’article 5 de la loi du 10 mars 1838 : fr. 500,000. »
- Cet article est adopté.
M. le président – Nous allons passer au chapitre de la redevance des mines.
M. Sigart – M. Dolez a annoncé qu’il avait des observations importantes à présenter sur ce chapitre ; comme il n’est pas présent je demanderai si on ne pourrait pas remettre la discussion.
Un membre – Il est retenu à la cour de cassation.
M. Demonceau – Je suis fâché que l’honorable M. Dolez, qui s’est chargé de contester, dans l’intérêt du Hainaut, le chiffre du budget pour la redevance des mines, ne soit pas présent. Cependant, vous vous rappelez que, lorsque de concert avec M. le ministre des travaux publics, M. Dolez demanda la remise de la discussion sur ce point à un autre jour, je demandai, moi, si cette discussion devait exercer de l’influence sur le chiffre ; il me fut répondu que oui.
Depuis lors, j’ai réfléchi aux questions que pouvait soulever l’honorable membre et j’ai pensé que, supposé qu’on eût égard aux observations qu’il se proposait de présenter, il ne serait pas possible de réduite le chiffre du budget, parce qu’il est basé sur une loi. Cette loi doit recevoir son exécution, aussi longtemps qu’elle ne sera pas modifiée. Mais il y a une disposition qui permet de faire droit à certaines réclamations des exploitants C’est là un acte d’administration plutôt que de législation. J’appelle l’attention de M. le ministre sur ce point. J’ignore s’il pense comme moi, mais je ne crois pas qu’il y ait lieu de faire droit par voie administrative aux réclamations des exploitants de Mons, parce qu’aussi longtemps que la loi existe, il n’y a pas possibilité de change le chiffre du budget.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je regrette que l’honorable député de Mons ne soit pas présent, et, pour ma part, si on pouvait intercaler une autre discussion, je ne m’y opposerais pas.
Cet honorable député nous a annoncé que ses observations pourraient influer sur le chiffre, voici comment : Les redevances des mines s’élèvent aujourd’hui à environ 200 mille francs. L’honorable membre se propose de soutenir qu’il ne faut pas 200 mille francs pour pourvoir à l’administration des mines, que, d’après le budget des dépenses, il ne fait pour le personnel de cette administration que 132 mille francs, et que le surplus de l’allocation demandé a pour objet des institutions nouvelles, en dehors de l’administration des mines. Ces institutions sont les caisses de secours, de récompense et de prévoyance, créés ou à créer dans les provinces houillères.
C’est sur ce terrain que le député de Mons se proposait de se placer ; il se proposait d’établir une corrélation entre le budget des dépenses et celui des recettes en ce qui concerne les mines.
Mais je vois entrer M. Dolez, j’attendrai qu’il ait présenté lui-même ses observations à la chambre pour y répondre.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je demanderai la parole pour présenter un projet de loi pendant que M. Dolez se prépare.
Le projet de loi que je suis chargé de présenter à la chambre est relatif à l’institution d’un conseil de prud’hommes ; si la chambre le désire, je lui donnerai lecture de l’exposé des motifs. (Non ! non ! l’impression.)
M. le président – Il est donné acte à M. le ministre du dépôt du projet de loi qu’il vient d’indiquer.
Ce projet sera imprimé et distribué.
La chambre veut-elle en ordonner le renvoi aux sections ou à une commission ?
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – L’institution du conseil des prud’hommes est un objet tout spécial. Je pense que, le bureau, prenant les hommes les plus aptes à examiner cette matière, on aura un travail plus utile que celui qui pourrait résulter de l’examen des sections.
M. Fleussu – L’usage de renvoyer à une commission fait qu’il n’y a que les hommes spéciaux qui s’occupent des projets de loi, tandis que, quand on renvoie aux sections, tous les membres de la chambre s’éclairent des lumières des hommes spéciaux dont ils composent ensuite la section centrale.
La chambre consultée renvoie le projet de loi à l’examen des sections.
M. Fleussu – Au nombre des griefs qui ont été articulés, je ne dirai pas contre le ministère, parce que je ne sais pas qu’il y a un ministère, mais contre le ministre de l’intérieur. (Hilarité au banc de MM. les ministres) je dis que je ne sais pas s’il y a un ministère, parce que je n’en conçois un qu’avec la solidarité de ses membres ; comme il est résulté de la discussion que cette solidarité n’existe pas, je puis dire qu’il n’y a dans le cabinet qu’un ministre et des administrateurs.
Je dis donc qu’au nombre des griefs articulés contre M. le ministre de l'ntérieur, il en est un auquel il n’a pas pu ou pas voulu répondre ; je dis qu’il n’a pas pu, parce qu’il a répondu que les détails de cette affaires lui manquaient et que sa mémoire lui faisait défaut. D’un autre côté, il a ajouté que l’objet lui paraissait si minime qu’il ne croyait pas devoir en occuper la chambre. Je me suis permis de ne pas être de l’opinion de M. le ministre de l'ntérieur, parce que telle est toujours sa réponse, chaque fois qu’il y a offense à la loi, et alors même que toutes nos institutions seraient faussées. Pour moi, il me semble qu’une telle question mérite toujours l’attention de la chambre.
Sur l’observation que j’avais faite à M. le ministre de l'ntérieur, il avait promis des explications. J’attendais ces explications pour le lendemain ; mais le lendemain la discussion n’a pas roulé sur ce point. Je lui demanderai donc maintenant s’il peut justifier sa conduite dans les élections de Ham-sur-Heure. S’il n’est pas en mesure maintenant, comme je ne veux pas le prendre au dépourvu, je lui demanderai de fixer, avant la discussion du budget de l’intérieur, un jour où il donnera des explications.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Si, lors de la discussion du budget de l’intérieur, on désire des explications, je pourrais les donner.
M. Fleussu – Si M. le ministre pouvait donner maintenant des explications, ce me serait plus agréable, parce que cela pourrait influencer mon vote sur le budget des voies et moyens.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ne le puis ; je n’ai pas examiné l’affaire.
M. le président – La discussion est ouverte sur l’article « redevance des mines. »
La parole est à M. Dolez.
M. Dolez – Je désire, dans l’intérêt de la principale industrie du pays, soumettre à la chambre quelques observations sur la redevance des mines.
Cette redevance n’est pas, d’après la législation actuelle, un impôt ordinaire ; la loi qui l’établit lui donne un caractère tout particulier.
L’article 39 de la loi du 21 avril 1819 porte :
« Art. 39. Le produit de la redevance fixe et de la redevance proportionnelle formera un fonds spécial, dont il sera tenu un compte particulier au trésor public, et qui sera appliqué aux dépenses de l’administration des mines, et à celles des recherches, ouvertures et mises en activité des mines nouvelles ou rétablissement de mines anciennes. »
Vous voyez, par cette disposition, que si jamais la chambre a dû regretter de discuter le budget des voies et moyens avant celui des dépenses, c’est surtout dans cette occurrence, puisque le chiffre des dépenses de l’administration des mines devrait nous donner le chiffre maximum à porter au budget des voies et moyens, à titre de redevances des mines.
Nous ne pouvons donc apprécier l’opportunité d’admettre la redevance telle qu’elle est portée au budget des voies et moyens, ou d’y apporter une réduction, qu’en recourant au budget des dépenses. Je vous prierai donc de jeter un coup d’œil sur les dépenses spéciales de l’administration des mines au budget de 1840. Il porte au chapitre de l’administration des mines un chiffre de 233,100 francs, d’où il faut déduire 42,000 francs pour le conseil des mines qui, étant un corps d’administration générale remplaçant le conseil d’état en certaines matières (je pense que cela ne sera pas contesté par le gouvernement), ne peut être classé dans la catégorie des dépenses que doit couvrir la redevance des mines.
Reste pour l’administration : 191,100 francs.
En remontant à 1839, nous trouvons que le budget des dépenses de cet exercice porte seulement 170,000 francs, d’où il faut déduire pour le conseil des mines 42,000 francs.
Reste 136,000 francs.
On voit que le budget de 1840, comparé à celui de 1839, présente en ce point une majoration de 55,000 francs.
Remontons un an de plus ; reportons-nous au budget de 1838 ou à celui de 1837 (car pendant ces deux années le chiffre des dépenses de l’administration des mines n’a pas varié), nous trouvons qu’en 1838 toute l’administration des mines coûtait 89,410 francs.
Ainsi du budget de 1838 à celui de 1840, cette administration a éprouvé une majoration de 101,690 francs ; c’est-à-dire en deux années une majoration de 115 p.c. environ.
Cette augmentation dans les dépenses (qui, je le dirai tout à l’heure, n’est pas justifiée à mes yeux par des motifs plausibles) a dû donner lieu à des mesures rigoureuses vis-à-vis des exploitants. Aussi, messieurs, si vous avez dû être frappés de l’excessive majoration des dépenses, vous ne le serez pas moins de celle des charges imposées aux exploitants.
Je dois faire remarquer à la chambre que, dans les chiffres que je vais avoir l’honneur de lui citer, je parlerai du couchant de Mons, qui m’est particulièrement connu, parce que j’appartiens à cette localité par ma naissance, par mes relations et par le mandat qui me donne l’honneur de siéger dans cette enceinte.
En recourant au tableau qui se trouve imprimé à la suite du rapport qui nous a été distribué hier par les soins de M. le ministre des travaux publics, vous y verrez une indication des majorations auxquelles ont été soumises nos principales exploitations charbonnières. Citons-en seulement deux exemples.
Prenons la société de Hornu et Wasmes ; nous trouvons qu’elle a payé :
En 1830, 220 francs ;
En 1836, 577 francs 50 ;
En 1837, 577 francs 50 ;
En 1838, 2,887 francs 50 ;
En 1839, 3,999 francs 78.
Prenons ensuite la société de Belle-et-Bonne ; nous trouvons qu’elle a payé :
En 1830, 1,220 francs ;
En 1836, 2,887 francs 50 ;
En 1837, 2,887 francs 50 ;
En 1838, 15,475 francs 83 ;
En 1839, 17,506 francs 86.
Vous voyez donc qu’une société qui, en 1837, ne payait pas 3,000 francs a payé, en 1838, 15,475 francs et, en 1839, 17,506 francs.
Je m’attends à ce que M. le ministre des travaux publics me réponde que cela tient à ce que le bassin charbonnier du couchant de Mons n’a payé, pendant longtemps, qu’une redevance extrêmement minime. Je pourrai répondre que si l’industrie charbonnière payait une redevance minime, c’était parce qu’elle se trouvait dans une position très fâcheuse. Mais je n’ai pas même besoin de m’arrêter à cette réponse.
Je veux admettre avec M. le ministre des travaux publics qu’il ait pu être nécessaire de majorer la redevance payée par les charbonnages du Hainaut, mais jamais je ne pourra comprendre que cette majoration ait pu être aussi énorme.
Je demanderai d’ailleurs à M. le ministre des travaux publics si une administration prudence devait procéder comme on l’a fait dans cette occurrence ? Si la nécessité d’une majoration était reconnue, que fallait-il faire ? il fallait procéder progressivement, et ne pas faire payer tout d’un coup 17 mille francs à un exploitation qui n’en payait point 3,000.
Cette manière de procéder est, de la part de l’administration, peu paternelle et peu sage, et je dois le dire en passant, ce n’est pas la seule occasion où l’on a procédé de la sorte. Dans un autre district charbonnier, celui de Charleroy, un ingénieur éclairé, au zèle et au talent duquel je me plais à rendre un entier hommage, M. Gonot, a cru devoir introduire un nouveau système d’aérage. Eh bien, les avertissements de l’administration ont été donnés en cette occurrence d’une manière telle que la plupart des exploitants du district de Charleroy ont pensé qu’on voulait les astreindre à modifier instantanément leur système d’aérage et leurs travaux. Il en est résulté une grande perturbation parmi eux et peut-être certaine irritation entre eux et l’administration.
On a été beaucoup moins sage encore dans cette occasion pour majorer la redevance des exploitations du Hainaut. Au lieu de procéder progressivement, comme tout commandait de le faire, on a laissé accumuler deux exercices, et l’on a réclamé d’un seul coup les redevances de 1838 et de 1839.
Vous comprendrez, messieurs, quelle a dû être la surprise d’un exploitant à qui on demandait tout à coup plus de trente mille francs d’impôt, alors que, suivant ce qui s’était passé jusque-là, il comptait n’en payer que cinq mille. J’ai été témoin du fâcheux effet que de telles mesures ont produit sur nos industriels, et leurs plaintes, que je rappelle dans cette enceinte, ont été portées par eux jusqu’au trône.
Je vous ai signalé, messieurs, les majorations excessives dont on été frappées les exploitations du couchant de Mons ; je veux maintenant vous prouver que l’administration est sortie de la légalité dans la perception de la redevance.
Il résulte, messieurs, du tableau publié par les exploitants du couchant de Mons, que cette seule partie de nos houillères a été imposée pour 1838 et 1839, c’est-à-dire pour deux années, 184,648 francs. Si nous passons au rapport du ministre des travaux publics, nous voyons, à la page 16, que les redevances de ces deux années 1838 et 1839 se sont élevées au chiffre de 434,098 francs, tandis qu’en recourant aux budgets des voies et moyens de ces deux mêmes années, nous voyons que la redevance n’y est portée qu’à 226,380 francs, d’où il suit que les mesures prises par l’administration et sa manière d’appliquer la loi ont eu pour résultat de réclamer inutilement, et au-delà des prévisions du budget, la somme énorme de 207,718 francs en deux ans.
J’ai eu l’honneur de vous rappeler, au début de mes observations, que la redevance des mines n’était point un impôt ordinaire et qu’elle ne devait contourner qu’aux dépenses spéciales de l’administration des mines ; il importe donc de voir si ces dépenses ont pu absorber les sommes réclamées pendant les deux années.
Pour procéder pour les dépenses comme nous l’avons fait pour la recette, nous réunissons les exercices 1838 et 1839.
D’après les budgets de ces deux années, l’administration des mines a coûté 225,540 francs ; d’où il suit qu’en demandant à l’industrie 434,098 francs, on lui a demandé 208,588 francs plus qu’on ne pouvait pour rester dans les termes de la légalité. Cette somme forme donc un excédant entre les mains du trésor public, pour compte de l’administration des mines.
Maintenant une première demande est à faire au ministre des travaux publics. Puisqu’on nous demande une redevance nouvelle pour 1840, qu’a-t-on fait des recettes précédentes, que compte-on faire de leur excédant sur les dépenses ? N’est-ce pas le cas, lorsque notre industrie est souffrante, de ne point lui demander de redevance pour l’exercice qui va s’ouvrir, ou tout au moins de la restreindre considérablement.
La loi vous autorise à prendre une redevance pour les frais de l’administration ; s’il vous reste en caisse de quoi subvenir à ces frais, vous n’avez pas le droit de demander une redevance nouvelle.
Mais, dirait-on, cette extension de la redevance, bien au-delà des prévisions du budget, est due à la prospérité de nos mines. Hélas non, messieurs, elle a malheureusement une tout autre cause.
Si l’on avait procédé comme on le devait, la redevance n’eût pas été plus élevée que les prévisions du budget ; mais qu’a-t-on fait ? La loi établit l’impôt sur le bénéfice net, eh bien, on a refusé, ce que quiconque a des notions industrielles aura peine à croire, l’administration a refusé, pour apprécier ce bénéfice net, de compter les capitaux engagés dans les exploitations.
Pour fonder ce refus, on a dit : La loi de 1810 veut que la perception de la redevance se fasse comme en matière de contribution foncière, où l’on ne défalque pas les intérêts du prix d’acquisition. Avec un peu de réflexion l’on aurait senti que cette objection n’avait rien de sérieux.
En effet, entre les mains de l’industriel, le capital au moyen duquel il travaille n’est point un avoir, comme l’est entre les mains du propriétaire d’un immeuble, le prix de son acquisition ; entre les mains de l’industriel le capital n’est qu’un instrument.
Avant d’avoir un bénéfice net, l’industrie doit payer le prix de l’instrument qui lui est indispensable, ou, ce qui est la même chose, couvrir les intérêts du capital au moyen duquel elle opère. En matière de mines, on ne peut marcher qu’avec des capitaux immenses ; c’est au moyen du crédit qu’opère cette importante industrie. Il faut donc, avant d’atteindre un premier bénéfice, défalquer l’intérêt de ces capitaux empruntés ; cela vous paraît bien clair, bien évident, sans doute ?... Eh bien, malgré toutes les observations, on a refusé d’admettre ces principes si vrais et si justes.
L’on a commis encore une autre erreur. Nos industriels disaient à l’administration des mines : Vous devez défalquer de ce que vous comptez comme bénéfices l’amortissement de notre immeuble qui s’éteint de jour en jour. Cette observation, non moins juste que la première, n’a pas été même accueillie. On a cité la loi sur la contribution foncière ; à mon tour, c’est elle que j’appelle à mon aide.
Cette loi est celle du 3 frimaire an VII. Qu’on lise les articles 3, 4 et 5, et on verra que, si en ce qui concerne les terres, la loi regarde comme bénéfice net, ce qui reste au propriétaire, déduction faite, sur le produit brut, des frais de culture, semence, récolte et entretien, elle a soin de poser d’autres bases pour les immeubles qui, par leur nature, se détériorent par l’usage qu’on en fait chaque jour.
Voici ce que porte à cet égard l’article 5 :
« Le revenu net imposable des maisons, et celui des fabriques, forges, moulins et autres usines, sont tout ce qui reste au propriétaire, déduction faite sur leur valeur locative, calculée sur un nombre d’années déterminé, de la somme nécessaire pour l’indemniser du dépérissement et des frais d’entretien et de réparation. »
Ainsi la loi de frimaire an VII distingue deux sortes d’immeubles ; les uns qui s’améliorent par la culture, les autres comme les usines qui se détériorent par l’usage de chaque jour, de chaque année. Qu’a dit la loi ? Que pour ces derniers immeubles, il faut compter non seulement les frais d’entretien, mais en outre une partie du produit destiné à indemniser le propriétaire du dépérissement de sa propriété. Eh bien, s’il est un immeuble qui dépérisse de jour en jour, c’est bien celui qui est l’objet de l’industrie charbonnière, puisque celui-là doit, au bout d’un certain nombre d’années d’exploitation, disparaître d’une manière complète. Il fallait donc défalquer ce que vous avez à tort regardé comme bénéfice net, non seulement les intérêts du capital engagé, mais encore un amortissement pour indemnité du dépérissement ; la loi, par un texte formel, vous en faisait un devoir.
Il est encore une autre injustice, une autre erreur dans les bases suivies pour la fixation de la redevance. Ceux qui connaissent l’état de notre industrie charbonnière, savent qu’il faut diviser les exploitants en deux catégories qu’il ne faut pas confondre.
Les uns se bornent à extraire la houille et à la rendre aussitôt après son extraction, au lieu même où elle s’opère. Les autres, non contents des chances de l’extraction, veulent en outre se livrer à celles du commerce. Ceux-là ont des magasins sur les bords de nos canaux et de nos rivières navigables, et là y vendent de la manière qu’ils croient la plus profitable la houille qu’ils y ont transportée.
La redevance des mines étant un impôt foncier, ne peut évidemment porter que sur le produit net du fonds, c’est-à-dire que sur le bénéfice fait à l’extraction. Etendre la redevance sur le produit du commerce, c’est méconnaître sa nature, c’est fausser sa véritable base.
Cette vérité, vous la comprenez tous, sans doute ? L’administration seule ferme les yeux à l’évidence et fait établir la redevance sur le produit de la vente commerciale. C’est sans doute un moyen d’élever cette redevance, mais c’est un moyen injuste et qui cause un sérieux et légitime mécontentement.
Qu’il me soi permis, messieurs, pour mieux vous démontrer ces vérités, de vous citer un exemple tiré de la loi sur la contribution foncière elle-même, puisque c’est à elle que le gouvernement a recours. La loi sur la contribution foncière demande aux cultivateurs un impôt prélevé sur les produits de l’exploitation du fonds de terre et rien de plus ; si le cultivateur veut spéculer sur les céréales qu’il cultive, la loi ne lui redemande rien sur ce point, ou sur les bénéfices de son commerce ; pourquoi ? parce que l’impôt qu’elle a établi est purement foncier et ne doit point devenir une taxe commerciale.
La position des exploitants est exactement la même.
Frappez de la redevance l’extracteur, mais n’en frappez pas le commerçant. Il fallait donc, pour agir d’une manière équitable, imposer la redevance d’après le produit de l’extraction en laissant à l’écart le produit du commerce, dans lequel vous n’avez point le droit de vous immiscer.
Je vous ai signalé, messieurs, la progression effrayante du chiffre des dépenses de l’administration des mines ; je vous ai montré que pour une administration qui n’avait coûté jusqu’en 1837 que 88,000 francs, on a majoré la dépense de 110,000 francs. A cela, j’entends déjà M. le ministre des travaux publics répondre que les besoins du service exigeaient un personnel plus nombreux, que l’administration était insuffisante, qu’elle languissait dans sa marche, que des lacunes se rencontraient tous les jours. Qu’il me soit permis, messieurs, que je retrouve dans ces objections, sur lesquels j’anticipe sans me tromper, je pense, la manière dont notre gouvernement procède toujours quand une lacune se fait sentir dans un service : ce n’est point en améliorant le service qu’on cherche à rendre suffisants les moyens dont on dispose, c’est en augmentant les dépenses, en portant au budget de nouveaux chiffres, en créant de nouveaux emplois et de nouveaux employés. Je dis, pour mon compte, à M. le ministre des travaux publics, qu’il pouvait rendre l’administration des mines tout aussi complète qu’elle devait l’être, sans augmenter notablement les chiffres du budget. Mais, pour cela il fallait lui donner une organisation nouvelle, une organisation qu’appelle, non pas seulement l’intérêt de l’économie, mais aussi l’intérêt de l’administration elle-même.
Savez-vous, messieurs, à quoi les fonctionnaires des mines passent la moitié de leur temps ? C’est à établir la base de redevance. De sorte qu’une redevance qui n’a d’autre but que de payer les employés des mines est surtout destinée à payer des employés qui ne s’occupent que de sa perception. Qu’arrive-t-il de là, messieurs ? C’est que les ingénieurs des mines, quel que soit leur talent, quel que soit leur mérite, ne sont considérés par les exploitants que comme des agents du fisc, que quand ils arrivent dans une exploitation, ils sont traités comme des agents des accises qui se présentent dans une usine ; il résulte de là qu’au lieu de rencontrer chez les exploitants de la confiance et de bons procédés, ils n’y trouvent que mauvaise volonté et défiance. Il s’ensuit, messieurs, que le servie des ingénieurs est complètement paralysé.
Que fallait-il donc faire, messieurs, au lieu de porter à 110,000 francs de plus la dépense d’une administration qui n’avait coûté que 80,000 francs ? Il fallait réorganiser cette administration, il fallait surtout enlever aux ingénieurs une besogne peu digne de leur position, peu digne de leurs talents et de leur caractère ; et de cette manière on aurait, sans augmentation de dépense, atteint le but après lequel on court encore aujourd’hui.
Je dis, messieurs, que l’on est loin d’avoir atteint le but désiré, car, tandis que les ingénieurs sont occupés de la perception de la redevance, la partie active du travail de ces ingénieurs, les visites aux exploitations, visites qui ont particulièrement pour but la conservation des travaux, la conservation de la vie des travailleurs, cette partie du travail se fait presque partout par de jeunes conducteurs ou aspirants des mines.
Il est loin de ma pensée, messieurs, d’en faire un reproche à MM. les ingénieurs ; je n’ai d’autre but que de vous signaler un système vicieux auquel ils doivent être les premiers à désirer qu’il soit mis un terme. J’appelle donc sur ce point toute l’attention de M. le ministre des travaux publics.
Je lui demanderai maintenant s’il croit que le moment soit bien choisi pour venir ainsi frapper d’une majoration effrayante la redevance des mines ? Il sait, sans doute, que l’industrie charbonnière est très en souffrance ; il connaît sans doute que si nous comparons les expéditions faites du couchant de Mons en 1839 avec celles de 1838, nous avons la preuve que la vente sera diminuée de 20 p.c.
Les ordonnances portées en France sur les charbons anglais, les ordonnances rendues pour le dégrèvement des sucres coloniaux, en frappant d’inactivité les sucreries de betteraves qui employaient les houilles du couchant de Mons, nous ont fait perdre une partie notable de nos débouchés. Et c’est en ce moment, que, sans motif plausible, on vient frapper d’un impôt effrayant des industriels qui jusque-là n’avaient payé qu’une redevance excessivement modique.
Au budget des dépenses de cette année je vois figurer une allocation sur laquelle je dois aussi appeler votre attention. C’est celle d’une somme de 45,000 francs destinés à donner des subsides pour l’établissement de caisses de prévoyance en faveur des ouvriers. Vous ne vous attendez point sans doute, messieurs, à m’entendre m’élever contre le but d’une semblable institution ; par cela même que j’appartiens à une localité charbonnière, je sais mieux que personne comprendre combien il est nécessaire de venir, en certaines circonstances, au secours des courageux travailleurs que cette industrie emploie. J’applaudis donc de toutes mes forces à cette pensée philanthropique mais je m’élève contre la manière dont cette allocation est produite au budget. On a demandé à tous les exploitants leur concours pour la formation des caisses de prévoyance. Les exploitants, qui partout, il faut le dire à leur honneur, agissent toujours d’une manière paternelle envers les ouvriers qu’ils emploient, se sont empressés de déférer au vœu du gouvernement ; ils ont affectés des fonds pour contribuer à l’établissement des caisses de prévoyance ; les ouvriers, de leur côté, contribueront par des retenues opérées sur leur salaire ; le gouvernement a promis d’y participer à son tour. Eh bien, messieurs, savez-vous bien comment le gouvernement prétend s’acquitter de cette promesse ? Au moyen de 45,000 francs pris sur le produit de la redevance des mines. Mais alors quelle est donc votre participation ? n’est-ce pas nous, exploitants, qui allons payer la totalité ? mais ne venez donc pas vous donner vis-à-vis de nous, vis-à-vis du pays, vis-à-vis des ouvriers, de faux semblants de libéralité, de philanthropie ; c’est nous qui paierons tout, et l’état n’y contribuera pour rien. S’il est vrai que l’état veuille contribuer à cet grand acte de bienfaisance, qu’on prenne les fonds généraux de l’état. Si au contraire, vous ne croyez pas devoir le faire, ne venez point dire alors que vous participez à l’établissement des caisses de prévoyance. Les exploitants sauront bien, comme ils l’on fait jusqu’ici, remettre directement aux ouvriers le fruit de leur bienfaisance ; ils le leur remettront tout entier, tandis qu’en passant par le trésor public, il ne leur parviendra que considérablement ébréché. Au moyen d’un denier de recette, d’employés à payer à divers titres, les 45,000 francs que vous comptez prendre sur la redevance, nous en coûteront 60,000.
Ainsi, messieurs, quand le gouvernement prétend concourir dans l’intérêt des ouvriers, à l’établissement des caisses de prévoyance, il y reste totalement étranger ; il ferait plus, s’il suivait son projet ; il absorberait uen partie des fonds que les exploitants pourraient remettre directement aux ouvriers sans son intervention. Je le répète, si le gouvernement veut concourir à une œuvre philanthropique, à laquelle on ne saurait assez applaudir, il faut qu’il le fasse au moyen des fonds généraux de l’état, sinon il doit laisser aux exploitants le soin de secourir eux-mêmes leur ouvriers malheureux et de mériter à cet titre leur dévouement et leur reconnaissance.
Je demanderai donc d’abord à M. le ministre des travaux publics ce qu’il compte faire de l’encaisse des mines, qui, comme je l’ai démontré tout à l’heure, s’élève à plus de 200,000 francs ; je lui demanderai s’il ne pense pas avec moi que, dans l’état actuel de l’industrie charbonnière, il doit faire servir ces fonds à couvrir les dépenses de l’exercice prochain, et par ce moyen décharger les exploitants d’une partie du fardeau qui pèse sur eux.
Je demanderai ensuite à M. le ministre des travaux publics, s’il ne pense pas, comme moi, qu’il y a lieu de faire droit aux plaintes des exploitants, dont je viens de me rendre l’organe.
Avant de terminer, j’aurai l’honneur de dire à la chambre que les exploitants du couchant de Mons, d’après un avis que j’ai reçu, doivent nous envoyer demain un nouveau mémoire sur la question. Peut-être, après les explications de M. le ministre des travaux publics, serait-il utile de renvoyer toute la question à l’examen de la section centrale du budget des voies et moyens. Nous pourrions nous prononcer en connaissance de cause, après avoir reçu un nouveau rapport de cette section.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, d’après le discours de l’honorable préopinant, vous serez disposés à croire que l’administration des mines est ici en cause. Ce serait une erreur ; c’est le comité d’évaluation du Hainaut qui est plutôt en cause dans cette discussion, c’est au comité d’évaluation du Hainaut qu’il faut adresser les plaintes dont l’honorable préopinant s’est fait l’organe devant vous, plaintes que, du reste, je ne crois point fondées au point de vue où elles vous sont présentées.
L’administration des mines n’agit pas par elle-même ; ce n’est pas l’administration des mines qui fixe les redevances proportionnelles. La loi a institué à côté de l’administration des mines un comité d’évaluation, véritable jury, placé entre l’administration et les exploitants, et où l’administration est simplement représentée comme l’exige l’idée de jury.
Le comité se composait de la manière suivante :
Le préfet (aujourd’hui le gouverneur) ;
Deux membres du conseil général du département, nommés par le préfet (aujourd’hui deux membres de la députation permanente ; arrêté royal du 13 mai 1823) ;
Le directeur des contributions ;
L’ingénieur en chef des mines ;
Et deux des principaux propriétaires des mines de la province.
Il y a donc sept personnes dans le comité, et l’administration y est représentée par l’ingénieur en chef et le directeur des contributions ; c’est, comme je viens d’avoir l’honneur de le dire, un véritable jury.
C’est aussi sous l’auspice de cette idée de jury que la loi à défini les attributions de ce comité d’évaluation. Il me suffira de vous donner lecture de l’article 278 du décret du 6 mai 1811.
Cet article porte :
« Pour éclairer le comité, le préfet et l’ingénieur des mines réunissent d’avance tous les renseignements qu’ils jugeront nécessaires, notamment ceux concernant le produit brut de chaque mine, la teneur des matières extraites ou fabriquées, le prix des matières premières employées et de la main-d’œuvre, l’état des travaux souterrains, le nombre des ouvriers, les ports ou lieux d’exportation ou consommation, et la situation plus ou moins propre de l’établissement ; le comté d’évaluation aura égard à ces renseignements. »
Vous voyez donc que c’est à tort qu’on traduit à votre barre l’administration des mines, c’est le comité d’évaluation du Hainaut qui doit avoir commis les erreurs qu’on impute indûment à l’administration supérieure des mines.
Je dirai donc à mon tour dans la suite de mon discours : Le comité d’évaluation, et non pas l’administration des mines.
Ce comité d’évaluation opère, si je puis parler ainsi, en premier degré de juridiction, en première instance ; il y a ensuite un recours ouvert devant la députation permanente du Hainaut. Ce recours, pourquoi ne l’a-t-on pas exercé ? pourquoi n’a-t-on pas dit à la députation du Hainaut : « Le comité d’évaluation nous a surtaxés ; aux termes de la loi de 1810 et du décret de 1811, nous nous pourvoyons en appel devant vous ; nous demandons que la redevance soit réduite à ses proportions équitables, à ses proportions légales. »
Au-dessus du recours ouvert devant la députation, s’ouvre un autre recours, le recours au Roi qui peut, mais par mesure exceptionnelle, accorder un dégrèvement par un arrêté délibéré en conseil d’état (aujourd’hui pris sur l’avis du conseil des mines.)
Voilà donc la marche à suivre, quand nous dépouillons cette affaire de toute l’obscurité dont elle s’est trouvée entourée, parce que l’on a mis mal à propos en cause l’administration des mines ; quand on la ramène à ses véritables termes, nous trouvons :
1° Au premier degré, en première instance, le comité d’évaluation qui a fixé la redevance proportionnelle des mines ;
2° La députation permanente, devant laquelle un recours est ouvert ;
Et 3° enfin, le gouvernement, devant lequel un dernier recours est ouvert pour des cas particuliers.
Je dois le dire, messieurs, si on avait eu recours en appel devant la députation permanente, si enfin on s’était adressé au gouvernement pour exercer devant lui le recours suprême dont parle la loi, le gouvernement aurait instruit le recours qui aurait été porté devant lui, il serait intervenu devant les députations, dans les principes d’équité qui l’on toujours dirigé.
Les exploitants du Hainaut eux-mêmes avouent, dans la requête qui se trouve parmi les pièces de mon rapport, qu’ils ne s’adressent pas à l’autorité compétente pour le moment ; ils déclarent qu’ils s’adressent au chef de l’état, au lieu de saisir directement l’autorité compétente de la connaissance des contestations : cela est dit à la page 24. Si donc il y a retard dans l’examen des réclamations qui ont été faites, c’est que les exploitants du Hainaut n’ont pas d’abord porté leur recours devant la députation, comme ils auraient dû le faire d’après la loi de 1820.
Les exploitants du Hainaut vous disent : « Nous avons payé en 1835 15,000 francs ;
En 1836 17,000 francs
En 1837 17,000 francs
Et pour 1838 on demande 88,000 francs
Et pour 1839 on demande 95,000 francs. »
Vous êtes sans doute frappés, messieurs, et tout le monde sera frappé de cette subite progression. Mais d’abord cette progression se fait sentir, s’est fait sentir ailleurs qu’au couchant de Mons. Les exploitants du bassin de Charleroy ont été soumis à la même progression.
Les exploitants du deuxième district (district de Charleroy) ont payé en 1836 10,000 francs
En 1836 14,000 francs
En 1837 22,000 francs
En 1838 48,000 francs.
Il se trouve donc qu’ici la redevance proportionnelle présente une progression du même genre. Les exploitants du district de Charleroy ont payé pour 1839 48,000 francs, eux qui, en 1835, ne payaient que 10,000 francs. Mais cette progression s’est encore fait sentir : je veux parler du bassin de Liège.
Les exploitants du basin de Liége (voir la page 20 du rapport) étaient taxés :
En 1834 à 10,000 francs
En 1835 à 13,000 francs
En 1836 à 27,000 francs
En 1837 à 40,000 francs.
Vous voyez donc, messieurs, que les exploitants du bassin de Liège pourraient également venir vous dire : « Comment se fait-il qu’en 1837 nous avons payé 40,000 francs, nous qui, en 1834, n’avons payé que 10,000 francs, et, en 1835, que 13,000 francs.
Ces tableaux de progression qui frappent à la première vue, exigent donc un autre genre d’examen ; il faut se demander à quoi est due la progression, quelles sont les causes de cette progression.
Avant de passer à cet examen, je ferai remarquer à la chambre un autre genre de progression une progression en sens inverse. A la page 20 de mon rapport, je vous ai dit que les exploitants de Liège payaient en 1834 10,000 francs.
En 1835, 13,000 francs
En 1836, 27,000 francs
En 1837, 40,000 francs.
Il y a donc progression ascendante pour le bassin de Liège et, chose singulière, si je puis parler ainsi, dans la première division du Hainaut.
Dans cette première division, on a payé :
En 1834 30,000 francs
En 1835 29,000 francs
En 1836 26,000francs
En 1837 16,000 francs.
Il y avait ainsi progression décroissante, de sorte que la division la plus importante, celle du Hainaut, se trouvait payer beaucoup moins qu’une division beaucoup moins importante, celle de Liége.
La division de Liége payait en 1837, 41,000 francs, elle qui emploie 8,000 ouvriers et la division du Hainaut ne payait que 47,000 francs, elle qui emploie 24,000 ouvriers.
Tous ces calculs, messieurs, vous avaient frappés en 1837, lors de la discussion générale du budget des voies et moyens. Vous vous êtes dit : il y a erreur, ou bien le bassin de Liége paie trop, ou bien le bassin du Hainaut ne paie pas assez. Il est évident en effet que le bassin de Liége ne peut pas payer 41,000 francs, tandis que le bassin du Hainaut n’est taxé qu’à 47,000 francs.
A quelle cause, messieurs, est due cette progression ? Comment est-on parvenu à arrêter la progression descendante dans la première division des mines du Hainaut ?
La progression est d’abord due à la circonstance que les exploitations charbonnières ont reçu un immense développement dans ces dernières années. Mais tandis que les exploitations charbonnières augmentaient d’importance, l’administration des mines se relâchait dans la première division du Hainaut, et l’on en serait arrivé au point de ne percevoir presque plus rien.
C’est là qu’en, étaient les choses, lorsqu’en 1837 la chambre a cru un moment, avec le ministre lui-même, que le remède était dans l’élévation du taux. M. le ministre des finances vous ayant proposé de porter la redevance de 2 ½ à 5, cette proposition fut abandonnée, lorsque le rapporteur de la section centrale d’alors fit remarquer à la chambre que le remède était ailleurs, que le remède était dans une meilleure administration des mines, que le remède était dans un concert à établir entre les députations permanentes et les comités d’évaluation, pour savoir de quelle manière devait être fixée la redevance proportionnelle des mines ; c’est ce qui a été fait.
C’est là ce qui a formé l’objet de la circulaire du 24 avril 1837, circulaire, je me hâte d’ajouter qui n’a rien d’impératif en elle-même ; elle n’avait d’autre but que de constater un fait : savoir de quelle manière était fixée la redevance des mines dans les trois divisions. Une fois constaté, ce fait est devenu la base de la redevance proportionnelle des mines pour tout le royaume. Il fallait qu’il en fût ainsi. Sans cela il n’y aurait plus eu d’égalité devant la loi.
Il est évident que si le même relâchement avait eu lieu dans la division de Liége, il en serait résulté qu’au lieu d’une transition faite successivement de 1834 à 1837, transition qui a consisté à porter la redevance de 10 mille francs à 13 pour 1835 ; à 27, pour 1836 ; et à 40, pour 1837 ; on aurait subitement payé 40 mille francs en 1837, après n’avoir payé que 10 mille les années précédentes. Il n’y aurait plus eu de transition, tout aurait été brusqué. Malheureusement, dans le Hainaut, il n’y a pas eu de transition ; jusqu’à l’année 1838, aucune des opérations exigées par la loi de 1810 et par le décret de 1811 n’avait été faite, les exploitants faisaient une offre, force était de l’accepter ; les états d’exploitation exigés par la loi n’existant pas, il n’y avait aucun moyen de vérification. C’est pour cela que les ingénieurs se sont trouvés absorbés pendant deux ans par ces opérations de détail. Il ne faut pas croire, avec l’honorable préopinant, qu’il en sera toujours ainsi. Dans les provinces de Namur et de Liége, où tout est rentré dans la régularité, les ingénieurs ne sont plus absorbés dans les détails de la fixation de la redevance proportionnelle.
Il en sera de même dans le Hainaut quand on sera entré dans une voie régulière.
On adresse au comité d’évaluation du Hainaut deux reproches : le premier, c’est de ne pas avoir déduit, pour établir le produit net imposable, les intérêts des capitaux, de n’avoir pas tenu compte de l’amortissement de l’immeuble ; et le second, c’est d’avoir évalué les produits au rivage et non au bord de la fosse. (Interruption.) C’est un jeu de mos, je vais le démontrer.
Le premier grief a été plusieurs fois discuté devant vous. Il est, de plus longuement traité dans les différents rapports qui vous ont été soumis, dans le rapport que j’ai fait à la chambre, le 16 novembre 1837, annonçant que dans le Hainaut on était sur le point d’entrer dans une voie régulière, et dans le rapport que j’ai soumis à la chambre le 26 novembre dernier.
En France, messieurs, d’après l’instruction de 1812 qui régit toujours la matière ; d’après cette instruction pour former le produit net imposable, on déduit simplement du produit brut ce qu’on appelle les frais d’extraction. Nous avons trouvé que ce n’était pas assez ; qu’il fallait déduire du produit brut plus que les frais d’extraction, qu’il fallait en déduire les frais d’exploitation. Cette innovation est due à une réclamation faire à Liége en septembre 1833. Cette innovation toute favorable aux exploitants a été consacrée par une circulaire ministérielle de 1834. Mais comme cette circulaire n’était pas complète, elle a été complétée par un autre circulaire, celle du 24 avril 1837.
Cette circulaire n’a pas été imposé aux comités d’évaluation, c’est une simple instruction ayant pour objet de constater comment se font les opérations dans les différentes divisions. On pouvait toujours soutenir qu’il y avait lieu de déduire, non seulement les frais d’exploitation proprement dits, mais encore les intérêts des capitaux et même la somme nécessaire à l’amortissement. C’est une question qu’on pouvait porter soit devant les comités d’évaluation, soit devant les députations permanentes. Si nous étions arrivés à un dissentiment entre les provinces, nous aurions fait ce qu’on fait quand il y a dissentiment entre d’autres corps sur l’interprétation des lois, on fixe le sens de la loi par une mesure législative.
J’arrive au second reproche : On n’a pas évalué le produit au bord de la fosse, mais sur le rivage.
Voici le fait : il est évident qu’il faut évaluer le produit d’extraction au bord de la fosse. Mais il faut s’entendre sur ce mot. Autrefois, avant 1837, voici comment on procédait. On supposait que la houille extraite avait une sorte de valeur très difficile à définir au bord de la fosse, jamais on ne tombait d’accord sur la valeur à donner au moment de l’extraction. On a dit qu’il serait bien plus simple de prendre la valeur de la houille au rivage et de déduire les frais convenus de transport de la fosse au rivage, de sorte que aujourd’hui on évalue la houille, d’après la valeur qu’elle au rivage, mais en déduisant de cette valeur tous les frais de transport.
Je crois qu’en opérant de cette manière on s’est placé dans le vrai. La valeur au bord de la fosse était une valeur arbitraire sur laquelle on ne s’entendait jamais, tandis que rien n’est plus simple que de demander quelle est la valeur vénale de la houille au rivage et quels sont les frais de transport pour l’y faire arriver.
C’est ainsi qu’on procède à Liége et qu’on a voulu procéder à Mons. Je dirai de nouveau que c’est une question à poser devant le juge d’appel, la députation permanente du Hainaut.
L’honorable préopinant a ensuite mis en rapport le montant de la redevance des mines avec les frais de l’administration des mines. Il vous a dit que le montant des redevances opérés surpassait les dépenses.
Relisons d’abord l’article 39 de la loi de 1810.
« Article 9. Le produit de la redevance fixe et de la redevance proportionnelle formera un fonds spécial, dont il sera tenu un compte particulier au trésor public, et qui sera appliqué aux dépenses de l’administration des mines et à celles des recherches, ouvertures et mises en activité de mines nouvelles ou rétablissement de mines anciennes. »
D’abord, messieurs, on m’accordera qu’il ne fait pas entendre l’article 39 en ce sens qu’il y aurait chaque année précisément balance entre les frais de l’administration des mines et le montant de la redevance de l’année. On ne peut pas entendre la loi dans un sens aussi restreint. Il faut prendre une certaine période d’années. Et si je prenais cette période, au lieu de trouver un excédant, il y aurait déficit.
Je ne veux pas remonter jusqu’à l’année 1830, je range les premières années 1831, 1832 et 1833, dans une catégorie exceptionnelle. Prenons les années où l’industrie charbonnière a commencé à se relever, 1834, 1835 et 1836.
En 1834, les évaluations présumées étaient de 124,00 francs, les recettes effectuées n’ont été que de 72,285 46 francs.
En 1835, les évaluations présumées étaient de 125,000 francs, et les recettes effectuées n’ont été que de 49,331 francs.
En 1836, les évaluations présumées étaient de 92,400 francs, et les recettes effectuées n’ont été que de 37,296 francs.
Il se trouve donc que, pour ces trois années, le montant total des recettes a été de 158,923 francs, terme moyen, l’administration a coûté chaque année 80,000 francs ; ce qui fait pour les trois années 240,000 francs. Il y a donc un déficit considérable, ce déficit est de près de 100,000 francs.
Depuis 1837, les redevances des mines tendent à se mettre de niveau avec les frais d’administration. Mais s’il y avait excédant il faudrait tenir compte au trésor des déficits antérieurs. C’est dans ce sens qu’il faut entendre l’article 39 de la loi de 1810. Il faut prendre une période de plusieurs années.
Je dis que depuis 1837 les redevances tendent à se mettre de niveau avec les frais d’administration. Je dis à dessein qu’elles ont cette tendance, parce qu’il ne fut pas admettre, avec l’honorable préopinant, que pour 1838 et 1839 elles donneront 400,000 francs. Ce serait condamner à l’avance le recours devant la députation permanente et le recours au Roi.
Il faut aussi tenir compte des non-valeurs. Je n’hésite donc pas à dire que les redevances, pendant ces deux années, ne s’élèveront pas à 400,000 francs ; dès lors il n’y aura pas cet excédant exorbitant dont veut parler l’honorable membre.
En vous parlant des dépenses, l’honorable membre s’est plaint de l’augmentation du personnel des mines. Cette augmentation n’est pas aussi grande qu’on le dit ; ce n’est pas le personnel qui a été augmenté. On a surtout amélioré la position des conducteurs, et il fallait l’améliorer, car si on ne l’avait pas fait, l’administration n’en aurait plus un seul, les établissements particuliers les lui auraient tous enlevés.
Il y a aune autre dépense toute nouvelle dont a parlé l’honorable membre, et dont je dois dire un mot à mon tour. C’est l’institution des caisses de prévoyance. L’honorable membre a dit au gouvernement : Si vous voulez faire de la philanthropie, faites-en ; mais que ce ne soit pas aux dépens des exploitants, puisque déjà ceux-ci pourvoient à la dotation de la caisse en se cotisant volontairement. D’abord aucun exploitant n’a ignoré les intentions du gouvernement On n’a caché à personne que le gouvernement avant l’intention de prendre la subvention sur l’excédant que produirait probablement la redevance des mines. On ne l’a caché à personne ; je l’ai dit en toutes lettres dans le rapport que j’ai soumis au Roi, en proposant à sa majesté l’établissement de la première caisse de prévoyance et de secours : celle de la province de Liége.
Aucune réclamation ne s’est élevée alors. A Namur, où l’on vient aussi d’établir une caisse de prévoyance ; à Mons, où l’on discute un établissement du même genre, il n’y a pas eu non plus de réclamation. Pourquoi ? Parce que les exploitants ont compris que ce n’était pas seulement de la philanthropie, mais que c’était de la discipline, et de la bonne discipline ; parce qu’ils ont compris qu’on faisait de la discipline en établissant des caisses de prévoyance dans tous les districts miniers. Les ouvriers sont véritablement nomades ; ils ne sont retenus par aucun lien, de là viennent les exigences extrêmes dont on se plaint.
Les exploitants ont demandé qu’on rétablisse la police, qu’on introduise de nouveau les livrets. Nous avons pensé qu’avant tout il fallait établir un lien moral qui attache les ouvriers aux exploitations où ils se trouvent. Il faut qu’ils aient intérêt à rester dans ces exploitations. Or, remarquez que, d’après les statuts, les ouvriers qui quitteraient une exploitation où ils auraient passé de longues années, cinq ou dix ans, perdraient les épargnes qu’ils auraient faites dans cette période de temps. C’est ce qu’on a compris dans le Hainaut, où se fait surtout sentir le besoin de discipline. Les exploitants ont compris que la création d’un grand lien moral, au moyen d’institutions philanthropiques, était ce qu’il y avait de mieux pour retenir les ouvriers.
Je ne pense pas que la redevance des mines offre un excédant aussi considérable que le suppose l’honorable membre. Je crois que les chiffres de la recette et de la dépense se trouveront à peu près les mêmes. Si, après l’expérience que nous allons faire cette année, il y avait réellement excès, on y porterait remède au budget de 1841, c’est-à-dire que la redevance des mines, au lie d’être de 2 ½, ne serait plus alors que de 2 ou de 1 ½.
En finissant, je ferai remarquer à la chambre que c’est en Belgique que l’industrie charbonnière est traitée le plus équitablement par le gouvernement et par la législature. En France la redevance proportionnelle est toujours de 5 p.c. et la base n’est pas celle de 1837 indiquée dans la circulaire ministérielle du 24 avril ; mais c’est la base de 1812 où l’on ne déduit que les frais d’extraction. En Allemagne, l’industrie charbonnière est grevée de droits régaliens ou de droits d’accise. Ce n’est qu’en Belgique que, à la fois, on admet une base équitable en déduisant du produit brut tous les frais d’exploitation, et que l’on réduit le taux français de 5 à 2 ½. Ce serait donc à tort que les exploitants se plaindraient du gouvernement et de la législature. Ils peuvent encore exercer leur recours vis-à-vis de la députation permanente et vis-à-vis de gouvernement. La députation examinera leurs réclamations, et si, en dernier ressort, le gouvernement croit pouvoir user du pouvoir exceptionnel que la loi lui donne, il en usera équitablement.
M. d’Hoffschmidt – Messieurs, la seule question à examiner par la chambre à propos de la redevance sur les mines portée au budget des voies et moyens, me paraît être celle de savoir s’il y a lieu d’en déduire ou d’en élever le taux. C’est-à-dire, si au lieu de 2 ½ p.c., on ne doit pas, par exemple, la réduire à 2 p.c. ou la porter à 3 p.c. du produit net.
Là est, selon moi, messieurs, le véritable état de la question. Car si les exploitants de Mons ont été surtaxés dans les dernières évaluations, la loi leur ouvre un recours ; c’est à la députation provinciale et non à la chambre qu’ils doivent s’adresser.
Mon but n’est donc ici, messieurs, que de chercher à vous démontrer que la redevance sur les mines, telle qu’elle est fixée, n’est pas trop élevée.
Les auteurs de la loi du 21 avril 1810, ont décidé que les mines devaient être soumises à un impôt. Dans le conseil d’état de l’empire, où la question a été discutée, la justice de cette charge dût même reconnue à la presqu’unanimité.
Cependant, à cause des chances hasardeuses que présente l’industrie minière, la loi de 1810 n’a voulu qu’un impôt modique, porté au tiers seulement de celui qui pèse sur les autres propriétés.
L’impôt consiste en deux sortes de redevances, une redevance fixe et un redevance proportionnelle au produit de l’extraction.
La première de ces redevances se paie d’après l’étendue de la concession, ; elle n’est pas très onéreuse puisqu’elle ne monte qu’à 10 francs par kilomètre carré. Elle n’a été établie qu’en vue de réprimer l’abus de trop grandes concessions et de déterminer les demandeurs à ne rechercher que ce qui serait véritablement utile et nécessaire à leurs travaux.
La redevance proportionnelle est établie sur le produit net de l’exploitation.
Elle ne peut jamais prélever au-dessus de 5 p.c. de ce produit. La taux en est réglé chaque année par le budget de l’état.
En Belgique, elle n’est fixée, depuis 1823, qu’à 2 ½ p.c. du produit net, c’est-à-dire au 40e de ce produit.
On doit donc reconnaître que l’impôt établi sur les mines est modique comparativement à celui qui pèse sur d’autres industries ou sur la propriété territoriale et qu’ainsi il est tout à fait conforme à cet égard aux intentions du législateur.
Je ne pense donc pas, messieurs, que les exploitants aient lieu de se plaindre sous ce rapport et que l’on doive réduire le taux de la redevance proportionnelle.
En examinant même l’impôt qui, dans les autres états de l’Europe, est prélevé sur les mines, on trouve que nos concessionnaires sont à cet égard plus favorisés que partout ailleurs.
En effet, messieurs, d’après les recherches que j’ai faites sur ce point, dans des ouvrages dont les auteurs méritent toute confiance, voici quels sont les droits perçus sur l’exploitation minière dans plusieurs états de l’Europe.
En Bohème, le droit perçu par le gouvernement est le 10e du produit brut, pour les mines qui sont en bénéfice ; le 20e pour celles qui sont au pair, et le 40e pour celles qui exigent des avances.
En Hongrie, la législation est la même qu’en Bohème.
En Saxe, où les mines sont l’objet d’une sollicitude toute particulière, les concessionnaires payent une redevance annuelle très élevée, destinée à satisfaire en partie aux appointements des officiers des mines.
Au Hartz, il est payé pour les concessionnaires entre autres droits :
1° Un droit de concession, droit peu considérable ;
Et 2° le dixième du produit brut des mines, à moins qu’il y ait exemption spéciale.
En Prusse, l’état perçoit le dixième de tous les métaux fossiles exploités par des concessionnaires.
En Suède, le gouvernement perçoit aussi le dixième du produit brut.
En Russie, les droits et les redevances perçus au profit de l’état sont exorbitants ; d’après un ukase de 1794, plusieurs exploitants paient au moins 40 pour cent de la valeur de leur produit brut.
En Angleterre le droit d’exploiter les mines est subordonné au payement de ce qu’on appelle le royalty. Dans le comté de Derby, ce droit va parfois jusqu’au 25e de toute le produit de l’extraction.
Enfin, en France, où la législation sur les mines est la même qu’en Belgique, la redevance proportionnelle est fixée à 5 p.c. du produit net
D’après ce qui précède, vous voyez donc, messieurs, que l’impôt qui se perçoit chez nous sur les mines est moins élevé que dans les autres pays de l’Europe.
Dans le Hainaut, avant la réunion de ce pays à la France, la condition des exploitants était aussi, sous ce rapport, moins favorable que sous la législation actuelle.
En effet, les seigneurs haut-justiciers y concédaient les mines moyennant un droit de cens et d’entre cens.
Il paraît que le cens était le droit qui se payait au seigneur haut-justicier pour avoir permission d’ouvrir une fosse à charbon.
L’entre-cens tait une redevance qui s’étendait du 10e au 20e du produit de l’extraction. Or, ces droits ont été supprimés par les lois abolitives de la féodalité.
Telles sont, messieurs, les considérations que j’avais à vous soumettre et j’espère qu’elles contribueront à vous convaincre qu’il n’y a pas lieu de diminuer le taux de la redevance proportionnelle sur les mines.
M. Dolez – La réponse qui m’a été faite par M. le ministre des travaux publics n’a en rien atténué les observations que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre. Il a débuté par dire que mes critiques portaient à tort sur l’administration ; que c’était à la députation permanente du conseil provincial que les exploitants devaient recourir, et non à la législature. Les exploitants du couchant de Mons n’ignorent pas que la loi leur ouvre un recours auprès de la députation permanente.
Ils auraient exercé ce recours s’ils avaient voulu faire de cette question un débat qui leur fût particulier. Mais ils ont voulu plus : ils ont voulu que la manière inique dont est interprétée la loi fût indiquée à M. le ministre des travaux publics, afin qu’il y portât remède dans l’intérêt de toute l’industrie charbonnière de notre pays. Il n’est d’ailleurs pas exact de dire que les principes ont été posés par le comité d’évaluation du Hainaut. Ils le sont dans une circulaire de M. le ministre des travaux publics. Dans sa circulaire du 24 avril 1837, je lis :
« Pour établir le produit net imposable, servant à l’assiette de la redevance proportionnelle, on déduit du produit net de l’année précédente toutes les dépenses relatives à l’exploitation faites durant la même année, sans tenir compte des intérêts. »
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je prierai l’honorable membre de compléter la citation.
M. Dolez – Je ne vois que ce passage de la circulaire à la page 5 du rapport.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – L’honorable membre me permettrait-il de continuer la lecture de la circulaire ?
M. Dolez (à M. le ministre des travaux publics) – Je vous en saurais gré.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Il est dit dans cette circulaire qui avait pour objet de constater de quelle manière s’exécutait la loi :
« D’après ce qui précède il me semble que l’on procède comme si la loi renfermait une disposition expresse ainsi conçue :
Suit le passage que vient de citer l’honorable M. Dolez.
La circulaire continue ainsi :
« Veuillez, messieurs, me faire savoir si cette formule est exactement conforme à la marche suivie dans votre province depuis 1834 ; je conclurai, en cas d’affirmative, que les choses pourront rester sur le même pied sans contestation.
« J’adresse la même question aux députations des mêmes provinces dont le sol recèle des mines ; et si des réponses qui me parviendront, je pouvais conclure qu’il n’y a pas uniformité dans la manière d’appliquer la loi, je me verrais dans la nécessité de recourir aux chambres pour obtenir législativement la définition exacte. »
Comme des réponses des députations permanentes, qui avaient eu soin de prendre les renseignements nécessaires, il est résulté qu’il y avait uniformité dans l’application de la loi, il n’y a pas eu lieu de recourir au pouvoir législatif. Maintenant encore, il y a uniformité à moins que l’une ou l’autre députation n’ait jugé à propos d’abandonner les doctrines de 1837, qui n’étaient pas seulement celles du gouvernement, mais celles de toutes les députations et de tous les comités d’évaluation. Par la circulaire du 24 avril 1837 je n’ai pas entendu m’ériger en législateur ; j’ai seulement contesté un mode d’interprétation.
M. Dolez – Je sais gré à M. le ministre de m’avoir interrompu pour compléter la citation que j’avais faite de sa circulaire. Mais que résulte-t-il de cette pièce ? Il en résulte que, comme j’avais eu l’honneur de vous le dire, c’est M. le ministre des travaux publics qui a indiqué le principe en vertu duquel les intérêts ne doivent pas être décomptés. D’après M. le ministre, les députations permanentes auraient été consultées ; mais elles auraient consulté les comités d’évaluation. Je ne sais ce qui en est de ce fait, mais il est un autre fait que je puis attester, en faisant au besoin appel au témoignage de M. le ministre des travaux publics.
Il y a environ deux mois, les exploitants du couchant de Mons se sont rendus près du Roi et près de M. le ministre des travaux publics. Les représentants des principales exploitations du couchant de Mons, presque tous réunis dans le cabinet de M. le ministre des travaux publics, lui ont formellement déclaré que jamais ils n’avaient été consultés ni par le comité d’évaluation, ni par la députation permanente sur les questions qui formaient l’objet de leurs réclamations.
C’était donc au ministre et aux chambres que les réclamations devaient être portées, afin de faire fixer, dans l’intérêt de l’industrie charbonnière, les principes qui devaient être suivis dans l’application de la loi, ceux posés dans la circulaire de 1837, ne pouvant être maintenus sans injustice. Il serait injuste de ne pas tenir compte de l’intérêt et des capitaux employés.
En citant l’article 28 du décret du 6 mai 1811, M. le ministre m’a fourni un argument qui me paraît de nature à corroborer ce que j’avais eu l’honneur de vous dire. Voici ce que porte cet article.
« Article 28. Pour éclairer le comité, le préfet et l’ingénieur des mines réuniront d’avance tous les renseignements qu’ils jugeront nécessaires, notamment ceux concernant le produit brut de chaque mine, la valeur des matières extraites ou fabriquées, le prix des matières premières employées et de la main-d’œuvre, l’état des travaux souterrains, le nombre des ouvriers, les ports ou lieux d’exportation ou consommation, et la situation plus ou moins prospère de l’établissement.
Et bien, je le demande, à tous ceux qui ont quelque connaissance de l’industrie : est-il possible d’avoir une idée de la situation d’un établissement si l’on ne considère pas le capital au moyen duquel il marche ? il faut donc tenir compte de l’intérêt de ce capital pour connaître les bénéfices d’une industrie quelconque. Pour rendre ma pensée sensible par un exemple, supposons que 100 mille francs soient nécessaires pour monter un établissement, que les dépenses annuelles pour le travail soient de 50 mille francs ; si les produits ne s’élèvent qu’à 55 mille francs, y aura-t-il bénéfice ? non, car indépendamment des 50 mille francs de frais ; il y a encore 5 mille francs à payer pour l’intérêt du capital.
L’on nous dit encore que l’administration des mines est restée étrangère à cette évaluation ; mais, messieurs, j’ai démontré que c’était le ministre qui était entré dans cette voie. Dans le rapport du ministre vous avez la preuve que c’est l’ingénieur du Hainaut qui a répondu aux exploitants de Mons, et que c’est, par conséquent, l’administration des mines qui a tracé la route que l’on suit.
Il est impossible de ne pas faire droit à la réclamation relative aux intérêts des capitaux engagés. Il faut interpréter la loi d’une manière plus saine qu’on ne l’a fait jusqu’ici.
J’ai dit qu’une autre base prise pour la perception était injuste ; c’était celle qui consistait à faire l’évaluation des produits sur le rivage, pour les exploitants qui veulent en outre faire le commerce des charbons : le ministre a répondu qu’il n’y avait par là qu’une différence idéale ; qu’auparavant on ne procédait que sur des valeurs vagues. Je dirai que les renseignements donnés au ministre sont erronés. Partout on distingue le prix à la fosse et le prix au rivage, et l’on vend différemment à la fosse et au rivage. Présentez-vous avec une voiture à la fosse, et vous paierez votre chargement à un moindre prix que si vous vous présentiez au rivage. Au rivage, il y a d’abord les frais de transport de plus ; il y a des frais de magasin et d’autres dans le détail desquels je n’entrerai pas ; il y a les chances du commerce. C’est commettre une injustice que de ne pas se borner à prélever la redevance sur les seuls produits de l’extraction.
Ces observations répondent à M. d’Hoffschmidt. Il pense que ma demande tend uniquement à diminuer le taux de la redevance qui n’est que de deux et demi p.c. et, par conséquent, pas trop élevé ; je conviens que ce taux n’est pas exorbitant ; mais il ne faut pas relever à 13 ou 14 p.c. par une application fausse.
On dit que le ministre des travaux publics ne s’oppose pas au renvoi à la section centrale ; alors je m’arrêterai ici.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – L’honorable membre a annoncé qu’il arriverait des nouveaux renseignements des exploitants du couchants de Mons, et qu’il demanderait le renvoi à la section centrale ; si ce renvoi doit être prononcé, j’aime mieux qu’il le soit aujourd’hui, sans continuer la discussion à demain. Il est bien entendu que le rapport sera fait sans retard et que la question sera reprise dès après-demain.
M. Demonceau – Je vais faire à l’instant même le rapport que l’on demande de la section centrale, ou plutôt je vais dire mon opinion.
Je vous ai avertis, dès l’ouverture de cette séance, que, quelle que fût la discussion à laquelle vous vous livrerez, vous ne pouvez prendre de décision, et qu’il n’y avait pas lieu, pour la chambre, de s’occuper de la question dans cette circonstance. Il s’agit de l’interprétation d’une loi. Le gouvernement prétend qu’elle doit être interprétée dans tel sens ; les exploitants prétendent qu’elle doit l’être dans un autre sens ; quelle est l’autorité compétente pour prononcer dans cette occurrence ?
C’est d’abord le comité d’évaluation ; c’est ensuite la députation permanente ; c’est enfin le recours au Roi. Que pourra dire la section centrale ? Elle vous dira : c’est de l’administration que vous voulez me faire faire, et je ne saurais m’en occuper. Je vous ai encore avertis que, quelque résolution que vous puissiez, elle ne pouvait avoir d’influence sur le chiffre du budget.
Si la réclamation des exploitants de Mons est fondée, qu’arrivera-t-il ? C’est que la redevance des mines, au lieu de produire les frais d’administration sera en déficit ; si au contraire leur demande est repoussée, viendra la question de savoir s’il y a trop ou trop peu pour subvenir aux frais d’administration ; mais supposons qu’il y ait trop, il faudra savoir si le trop n’est pas applicable aux déficits antérieurs. Messieurs, je vous le déclare, et le ton avec lequel je m’exprime doit vous prouver ma conviction, il n’y a pas possibilité pour la chambre, ni pour le gouvernement, ni pour les exploitants, d’arriver à un changement dans le chiffre porté au budget, à moins que vous ne changiez la législation elle-même ; ou bien vous ferez ce que vous n’avez pas le droit de faire. Votez donc le chiffre tel qu’il est. La redevance des mines n’est pas un impôt : c’est un dépôt spécial ayant un emploi spécial. La loi est expresse sur ce point.
Si dans un temps donné il est reconnu que la redevance sur les mines telle qu’elle doit être exigée par les autorités compétentes, excède les dépenses de l’administration des mines, vous aurez à examiner les dépenses de l’administration des mines, vous aurez à examiner une autre question, comme je viens déjà de l’indiquer ; voyez ce qui s’est passé l’année précédente ? C’est seulement cette année qu’il y aura bénéfice au profit de la caisse spéciale des mines : vous aurez donc à voir si ce qui sera de trop l’année prochaine ne doit pas être employé pour couvrir les déficits des années passées.
La réclamation des exploitants de Mons est fondée sur une interprétation exacte de la loi, selon moi ; jusqu’à ce moment l’administration des mines a commis une erreur dans l’application de la législation. Aussi longtemps que les exploitants de Mons ont vu que l’erreur leur était profitable, ils ont gardé le silence ; alors ils ne payaient que le dixième de la véritable redevance ; aujourd’hui ils élèvent la voix parce que, pour la première fois, la redevance fournira un petit excédant. Quoi qu’il en soit des motifs des exploitants de Mons, la section centrale ne pourra rien dire de plus que ce que je vous dis là.
M. Desmet – Il ne s’agit pas de la réclamation des exploitants de Mons, mais du chiffre du budget, et c’est sur ce point exclusivement que nous devons prendre une délibération. Je crois la réclamation des exploitants de Mons très claire ; mais je crois aussi qu’il est inutile de la renvoyer à la section centrale. Je m’oppose à ce renvoi, et je demande que la chambre vote sur le chiffre du budget.
M. Dolez – Il est tout naturel, messieurs, que j’aie soumis la question maintenant à la chambre ; je ne vois pas qu’il y ait un autre moment pour saisir la chambre de la question de savoir si l’assiette d’un impôt est juste ou injuste, que celui où l’on vote le chiffre de cet impôt. Si l’on prétendait, par exemple, que la perception de la contribution foncière se fait mal sur une fausse base, n’est-ce pas dans la discussion du budget, dans la discussion du chiffre de la contribution foncière, qu’il faudrait saisir la chambre de cette question ?
Je pense donc, messieurs, que c’est le moment ou jamais, de saisir la chambre d’une question qui intéresse une industrie tout entière.
- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
La séance est levée à 4 heures et demie.