(Moniteur belge n°135, du 15 mai 1838 et Moniteur belge n°136, du 16 mai 1838
(Moniteur belge n°135, du 15 mai 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. B. Dubus fait l’appel nominal à une heure et demie.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.
M. B. Dubus fait connaître l’analyse des pétitions suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Peltier (Nicolas), à Schouweiler (Luxembourg)., né à Tillière (France), demande la naturalisation. »
« Les habitants de la ville de Sittard demandent le maintien de l’intégrité du territoire. »
« Même pétition des habitants de la commune de Baesem, arrondissement de Ruremonde. »
« Des habitants de Ligny demandent que le chemin de fer soit dirigé de Namur à Tubise, plutôt que de Namur à Tirlemont. »
- La pétition du sieur Pellier est renvoyée à M. le ministre de la justice.
Les autres requêtes sont renvoyées à la commission des pétitions.
Par lettre de ce jour, M. Gendebien informe la chambre que des délibérations importantes du conseil communal l’ont empêché samedi et l’empêchent encore aujourd’hui d’assister aux séances. »
- Pris pour notification.
M. le président. - Dans la séance de samedi la chambre avait décidé qu’elle voterait d’urgence le projet de loi relatif à la culture de la garance ; mais quand on a procédé à l’appel nominal, la chambre n’était plus en nombre ; nous allons donc passer au vote sur ce projet de loi.
M. Verdussen. - Messieurs, je dois m’élever contre la rédaction qui a été proposée dans la séance de samedi dernier par M. le ministre de l'intérieur…
M. Fallon. - Je ferai remarquer à l’honorable M. Verdussen que, la clôture ayant été prononcée, il ne peut plus être question que de passer au vote.
M. Verdussen. - Messieurs, la clôture ne peut avoir été prononcée, lorsque la chambre n’était pas en nombre ; or, l’appel nominal n’a constaté que la présence de 51 membres ; on ne peut donc m’objecter la clôture.
M. de Jaegher. - Je ne conçois pas, messieurs, que l’honorable M. Verdussen puisse contester la validité de la décision de la chambre en ce qui concerne la clôture de la discussion dont il s’agit ; lorsque la chambre, par l’organe de son président, prend une résolution, il est libre à tout membre présent de demander l’appel nominal, s’il croit que la chambre n’est pas en nombre ; mais si personne ne recourt à ce moyen, la décision de la chambre, proclamée par M. le président, devient valide. L’argument de l’honorable député d’Anvers ne peut donc être admis. D’ailleurs, messieurs, si plus tard, lorsqu’on a procédé à l’appel nominal, la chambre n’était plus en nombre, cela ne prouve nullement qu’elle ne l’était pas au moment où elle a prononcé la clôture. Il me semble donc, messieurs, qu’il y a lieu de passer outre à l’appel nominal sur le projet de loi.
M. Fallon. - Messieurs, lorsque la clôture de la discussion a été prononcée, la chambre était en nombre ; ce n’est que lorsqu’il s’est agi de procéder à l’appel nominal pour le vote définitif, que plusieurs membres sont sortis de la salle, et que nous ne nous sommes plus trouvés que 51 ; aussi, aucune réclamation n’a été faite pat qui que ce soit contre le prononcé de la clôture. Je pense donc, messieurs, que nos travaux ont été parfaitement réguliers, et que nous devons passer au vote définitif.
M. Dubus (aîné). - Je remarque, messieurs, qu’un double amendement a été introduit dans le projet de loi dont il s’agit ; d’abord, sur la proposition de M. le ministre de l'intérieur, l’article premier a été modifié ; ensuite, l’article 2 a été supprimé. La chambre a ensuite décidé qu’on passerait outre au vote définitif. J’ignore si nous étions en nombre quand nous avons pris cette décision ; ce qui est certain, c’est que l’on a immédiatement procédé à l’appel nominal, et que l’appel nominal n’a constaté que la présence de 51 membres ; mais je ferai remarquer que les amendements n’ont pas été soumis à un second vote, comme l’exige le règlement : nous devons donc passer à ce second vote, et ce n’est qu’alors qu’il pourra être procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi. Je pense donc, messieurs, qu’il faut entendre l’honorable M. Verdussen, qui annonce avoir des observations à faire sur l’amendement introduit dans l’article premier.
M. Fallon. - Je retire mon amendement.
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, j’accorderai la parole à M. Verdussen.
M. Verdussen. - Messieurs, dans la séance de samedi, M. le ministre des finances a proposé une nouvelle rédaction de l’article qui nous avait été soumis par l’honorable M. Desmaisières, au nom de la commission d’industrie ; cette rédaction a été adoptée par la chambre, et par suite l’article premier se trouve conçu comme suit :
« La somme de 7,000 fr. comprise dans le fonds d’encouragement à l’agriculture, au budget de 1838, et qui a pour objet de favoriser la culture et la fabrication de la garance, est majorée de 22,000 fr. »
En lisant cet article, on serait tenté de croire, messieurs, qu’il y a au budget de 1838 un article où il est parlé de la garance ; il n’en est rien cependant ; j’ai sous les yeux le tableau annexé au budget de 1838, qui seul fait loi, et là je ne trouve autre chose qu’une somme globale de 442,000 fr. pour encouragement à l’agriculture ; il est vrai que, dans les développements du budget, il est dit que sur cette somme de 442,000 fr., 7,000 fr. sont destinés à encourager la culture de la garance ; mais ces développements ne lient pas le gouvernement ; le ministre est toujours libre de répartir comme il le juge convenable, les sommes votées par la législature, pourvu qu’il se renferme dans les limites tracées par le tableau annexé au budget, car s’il en était autrement, les développements deviendraient loi, et alors on viendrait à tout moment assiéger le ministre de réclamations ; on viendrait lui dire : Telle somme a été affectée à tel emploi, dans le budget de 1838, vous n’en avez pas fait usage ; nous venons réclamer (en 1839 ou 1840) l’excédant resté disponible. Je pense donc, messieurs, qu’il serait fort irrégulier, et que ce serait poser un antécédent dangereux, que de maintenir la rédaction de l’article premier, qui a été adopté au premier vote ; pour rester conséquent avec les antécédents de la chambre, il faut laisser au ministère le libre arbitre de disposer comme il l’entend des sommes allouées au budget ; pour atteindre ce but, il faudrait, ce me semble, rédiger l’article premier comme suit :
« La somme de 442,000 fr., portée au budget de 1834, article 4 du chapitre VI, est majorée de 22,000 fr. »
Je propose cette rédaction à la chambre.
- L’amendement de M. Verdussen est appuyé.
M. Pollénus. - Je crois, messieurs, que si l’on adoptait la proposition de M. Verdussen, l’on manquerait entièrement le but que s’est proposé la commission d’industrie ; si j’ai bien compris le rapport de la commission, elle désire avoir des garanties que la somme dont il s’agit serait entièrement appliquée à encourager la culture et la fabrication de la garance ; si M. le ministre de l'intérieur déclare qu’il considère le crédit demandé comme devant recevoir exclusivement cette destination, je ne vois pas grande difficulté à adopter le libellé proposé par M. Verdussen ; mais, si M. le ministre ne fait pas une semblable déclaration, lui ou un autre qui pourrait, le cas échéant, lui succéder, serait libre d’employer les fonds dont il s’agit à une autre destination, et alors le vote de la chambre demeurerait sans résultat. Je prie M. le ministre de bien vouloir s’expliquer à cet égard.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je ne me suis pas opposé à ce qu’on fît un article spécial pour la garance, attendu qu’on majorait le crédit pour cet objet d’une somme de 22,000 francs. Partant de là, j’avais consenti à ce qu’on fît une seule somme de ces 22,000 fr. et des 7,000 francs votés primitivement au fonds général de l’agriculture, pour le même objet, au budget de 1838.
Au surplus, quel que soit le vote de la chambre sur l’amendement de M. Verdussen, il est évident que si cet amendement vient à être adopté, la somme de 22.000 francs ne peut jamais être considérée que comme ayant une destination spéciale. D’après cela, je crois que l’amendement de M. Verdussen peut être adopté.
M. Pollénus. - Cette explication de M. le ministre me suffit.
M. Dubus (aîné). - Il me paraît qu’il n’y a pas lieu de changer la rédaction de l’article. En effet, l’augmentation de 22,000 francs est demandée pour un objet spécial, pour l’encouragement de la garance. Pourquoi la loi ne le dirait-elle pas ?
M. Verdussen. - L’intention de M. le ministre, en proposant son amendement, ne serait pas remplie, si cet amendement était adopté. Cet amendement dit : « La somme de 7 mille fr. comprise dans le fonds général pour encouragement à l’agriculture au budget de 1838 est majorée de 22 mille fr. pour la culture de la garance. » Il résulte de cet amendement qu’au lieu de prendre sur ce fonds général une somme de 7 mille fr. pour la culture de la garance, le gouvernement devra en prendre 29,000. De manière que le gouvernement serait limité dans son droit d’imputer sur le crédit général. Ce n’est pas ainsi que la législature doit voter le crédit ; elle doit voter les crédits en les mettant à la disposition du gouvernement, sauf à celui-ci à en faire la répartition, comme il l’entendra, dans les intérêts généraux du pays.
M. Lebeau. - Je crois que la loi entière est inutile ; elle prend sa source dans une erreur matérielle. Il est facile de le démontrer. La loi part de cette supposition que les sommes votées aux budgets des années précédentes pour la culture de la garance sont restées disponibles. La commission a voulu accorder au gouvernement la faculté de disposer de ces sommes. Or, nous ne pouvons savoir si ces sommes sont restées disponibles ; nous le saurions, si elles avaient formé un article spécial au budget. De ce que les sommes indiquées dans les développements du budget, comme étant destinées à la culture de la garance, n’ont pas reçu cet emploi, il n’en résulte pas que ces sommes soient restées disponibles ; le ministre a pu en disposer pour d’autres branches de l’agriculture.
Le projet de loi prend donc, selon moi, sa source dans une erreur matérielle, à savoir que les crédits qui ont été ouverts aux budgets des années précédentes pour l’encouragement de la culture de la garance sont restés disponibles ; c’est ce que je ne crois pas.
La question me paraît donc se réduire à celle de savoir si, sur le fonds général alloué au budget de 1838 en faveur de l’agriculture, le ministre peut disposer de 20 à 30 mille francs pour l’encouragement de la culture de la garance, s’il est démontré au ministre que cet encouragement soit utile.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, il est bien évident que le gouvernement n’est nullement lié par les développements qui se trouvent à la suite du budget, et je crois que tous les membres de la chambre sont bien d’accord sur ce point.
Quant aux fonds, il est des exercices sur lesquels des sommes plus ou moins considérables sont restées disponibles ; mais le budget de 1837 ne présente rien de disponible, et c’est pour ce motif que je n’ai pas pu adopter la rédaction pure et simple de la commission d’industrie.
Maintenant, l’on pense que la proposition est inutile, parce que je pourrais trouver dans les fonds généraux alloués pour l’encouragement de l’agriculture au budget de 1838 la somme de 22,000 fr. dont on propose de majorer le budget ; mais c’est là une erreur ; les sommes votées au budget de 1838 recevront une destination telle que je ne pourrai pas allouer 29,000 fr. pour la culture de la garance ; je ne pourrai disposer que de 7,000 fr. pour cet objet.
Quant aux budgets antérieurs à celui de 1838, la cour des comptes ne permet plus d’imputation sur ces budgets, parce qu’il n’y a pas été pris, pendant les années auxquelles ces budgets s’appliquent, d’arrêté royal qui indique l’emploi des sommes restées disponibles.
Si donc l’on désire que le gouvernement ait la faculté de faire usage de ces sommes disponibles, il faut de toute nécessité majorer le budget de 1838 d’une somme de 22,000 fr. ; mais il n’y a d’inconvénient à le faire sans spécification, et sous ce rapport je me rallie à l’amendement de M. Verdussen, qui consiste à majorer de 22,000 fr. le budget de 1838.
M. Lejeune. - Messieurs, il est bien clair que l’objet de la loi est de destiner 29,000 fr. à l’encouragement de la culture et de la fabrication de la garance. Dès lors, il n’y a aucun inconvénient, me paraît-il, à le dire dans la loi. Mais la présente discussion roule seulement sur la manière de le dire. Je crois que la rédaction de l’honorable M. Verdussen est, en effet, préférable. Mais on pourrait ajouter que dans la somme globale que l’on se propose de majorer est comprise une somme de 29,000 fr. pour l’encouragement de la culture et de la fabrication de la garance. Il n’y aurait dans cette addition rien d’irrégulier ; nous avons des exemples de semblables dispositions dans des lois antérieures. Je ne vois pas pourquoi l’honorable M. Verdussen trouverait mauvais qu’on ajoutât à son amendement les mots dont il s’agit. Cette addition ferait atteindre le but que la commission d’industrie se propose.
M. de Muelenaere. - Messieurs, si, comme le pense l’honorable député de Bruxelles, M. le ministre de l'intérieur pouvait prendre sur les 442,00 francs alloués au budget de 1838 pour l’encouragement de l’agriculture, une somme de 29,000 francs qui serait destinée à la culture de la garance, il serait inutile de voter le projet de loi. Mais je prie la chambre de remarquer que dans cette somme de 442,000 francs, il n’y a que 7,000 francs qui soient éventuellement destinés à l’encouragement de la garance. Dès lors, votre commission comprenant que cette somme de 7,000 francs était insuffisante, et remarquant d’ailleurs qu’aux budgets des années précédentes on n’avait pas disposé des sommes qui avaient été portées aux budgets précédents en faveur de la garance, votre commission, dis-je, a cumulé ces sommes. Il fallait pour cela une loi spéciale ; car, comme je l’ai déjà fait observer dans une séance précédente, deux des exercices sont déjà clos.
En outre, M. le ministre de l’intérieur ne pourrait pas, comme il vient de le dire, imputer sur les budgets des autres exercices pour encouragement à la garance. Dès lors, si l’on pense que 7,000 fr. ne suffisent pas, il faut majorer, dans la proportion des allocations restées disponibles aux budgets antérieurs, la somme de 442,000 fr. ; de manière que le ministre de l’intérieur aura réellement à sa disposition une somme de 29,000 fr. pour être affectée spécialement à la culture de la garance.
- La proposition de M. Verdussen est mise aux voix et adoptée.
La suppression de l’article 2 est mise aux voix et définitivement adoptée.
On procède à l’appel nominal pour le vote de la loi.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 64 membres qui ont répondu à l’appel nominal. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu à l’appel : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Brabant, Coppieters, Corneli, David, de Behr, de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Mérode (Félix), de Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Renesse, de Roo, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Bernard), Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Heptia, Jadot, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Lejeune, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Pollénus Raikem, Raymaeckers, Rodenbach (Alexandre), Rodenbach (Constantin), Scheyven, Seron, Simons, Smits, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Verdussen, Vergauwen, Peeters.
M. Lebeau (pour une motion d’ordre.) - Quand M. de Puydt a proposé de majorer de 3 millions l’emprunt proposé, pour affecter cette somme à la construction de routes empierrées et pavées, il s’est élevé une discussion pour savoir si on renverrait cette proposition aux sections ou à la section centrale ; j’ai fait remarquer que le renvoi aux sections équivalait à un ajournement à la session prochaine, et la chambre partageant mon opinion a ordonné le renvoi à la section centrale. Je ne ferai pas à la section centrale l’injure de supposer qu’elle veuille annuler la décision de la chambre, en lui supposant une force d’inertie. Cependant je ne puis m’empêcher de dire que je suis surpris que nous n’ayons pas encore de rapport de la section centrale, alors que depuis plusieurs jours on a distribué le travail de M. le ministre des travaux publics sur l’emploi de l’emprunt de 6 millions. Si mes renseignements sont exacts, la section centrale ne se serait pas encore constituée en commission. Je déclare ne pas vouloir attaquer la section centrale ; je fais cette observation à cause de l’urgence qu’il y a de prendre une décision sur cette proposition.
M. le président. - La section centrale a été convoquée aujourd’hui, et le sera encore pour demain.
M. Lebeau. - Si j’avais la conviction que la chambre sera encore réunie dans huit jours, je n’aurais pas fait mon observation.
M. Verdussen. - C’est avec un vif regret que la commission des finances, dont j’ai l’honneur de faire partie, n’a pas pu se livrer à l’examen approfondi de tout le projet présenté par M. le ministre de la guerre. Déjà l’honorable M. Fallon et moi nous avons donné quelques explications sur le retard de la présentation du rapport dont il s’agit. L’article 5 du projet présenté le 16 avril 1836 et imprimé sous le n°180, portait que les créances réclamées montant à 201,589 fr. 47 c. devaient être réduites à la moitié. M. le ministre, d’un trait de plume, réduisait ainsi de moitié toutes les créances réclamées. La commission des finances n’a pu se livrer à un travail qui l’amenât à admettre cette proposition, le ministre n’ayant pas exprimé les motifs pour lesquels il réduisait de moitié les prétentions des réclamants. Toutes ces réclamations étant de différentes natures, les unes peuvent n’être pas fondées du tout, d’autres ne l’être que pour un quart ou la moitié, et d’autres, enfin, l’être entièrement. Comme il entrait dans les vues de la commission d’accorder à chacun individuellement les sommes qui lui reviennent équitablement, au lieu de la moitié des sommes portées aux différents paragraphes, et d’aller, s’il est juste, jusqu’aux sommes, peut-être entières, auxquelles les réclamants justifieraient avoir droit, elle n’a pu présenter un rapport plus détaillé que celui qu’elle a fait.
Je me permettrai de faire remarquer à la chambre qu’en finissant son rapport, l’honorable rapporteur a fait remarquer qu’il serait présenté un rapport supplémentaire qui remplira, je l’espère, la lacune que nous avons dû laisser exister dans notre travail.
J’ai cru devoir faire cette observation pour justifier la commission des finances du reproche qu’on pourrait lui faire de n’avoir pas examiné toutes les demandes. Quand elle aura reçu les renseignements nécessaires, elle se fera un devoir, bien agréable pour elle à remplir, de présenter un projet de loi pour satisfaire aux justes doléances des personnes intéressées à ces demandes de crédit, et dont il est constant qu’un grand nombre sont fondées dans leurs prétentions.
On passe à la discussion du tableau du projet de loi.
« Art. 1er. Matériel du génie.
« M. le comte H. de Mérode : fr. 5,160 80. »
- Adopté.
« Art. 2, Rappel de solde et pensions : dû
« au sieur Florquin : fr. 320.
« à la commune de Gheel : fr. 823 26 c.
« aux héritiers de F. Hamelbusch : fr 38 52 c.
« au sieur Leleux, caputaine en non-activité : fr. 531 22 c.
« sur le fonds de Waterloo : fr. 962 19 c. »
- Adopté.
« Art. 3. Indemnités et dépenses diverses dues au sieur Taverne de Lapschure : fr. 663 12 c. »
- Adopté.
« Art. 4. Fourniture de chauffage et éclairage à l’armée française en 1832, pour 17 communes de la province d’Anvers : fr. 16,707 68. »
- Adopté.
M. Smits. - Je regrette vivement que la commission des finances, sur une créance de fr. 19,496 73 c. n’ait cru devoir admettre que fr. 16,707 68 c. Cependant il figurait dans les réclamations une somme qui avait paru parfaitement liquide à l’autorité provinciale, c’est celle due au sieur Clark, pour la mise en réquisition de ses fours, poru la manutention du pain de l’armée française. L’autorité supérieure et la régence de Merxem ont fait une expertise contradictoire pour établir les dégâts dont se plaignait le sieur Clark. Ils ont été évalués à 3,505 fr. L’autorité provinciale a trouvé cette estimation un peu exagérée ; le gouverneur est entré en pourparlers avec le réclamant, qui a réduit ses prétentions d’abord à 2,700 fr., et finalement à 2,500 fr., parce qu’il avait besoin de fond. Il est résulté que cette somme doit être considérée comme légitimement due.
Depuis lors le sieur Clark est mort laissant une veuve et des enfants. Si cette famille recevait cette somme, elle pourrait former une petite industrie, et la veuve pourrait élever honorablement sa famille. J’engage la chambre à accueillir cette réclamation en faveur d’une famille vraiment malheureuse, par suite de la perte qu’elle a essuyée lors de la réquisition de ses fours.
Je propose d’ajouter à l’article 4 une somme de 2,500 fr. pour indemniser le sieur Clark, à Merxem, de la prestation de ses fours en 1832 à l’armée française.
M. Brabant, rapporteur. - Certainement je ne m’opposerai pas à ce qu’on vienne au secours d’une famille malheureuse, par les raisons qu’on vient d’exposer ; mais il n’est pas certain que le sieur Clark se fût contenté de 2,500 fr. ; nous n’avons à cet égard qu’une lettre du gouverneur au ministre, qui disait qu’il croyait que Clark se contenterait de cette somme.
Lors du siège d’Anvers, le bourgmestre de Merxem a mis en réquisition les forts du sieur Clark pour la manutention du pain de l’armée française. Des experts furent nommés par le gouverneur de la province pour constater les dommages éprouvés par le sieur Clark ; mais ce ne fut que plus tard qu’on procéda à cette expertise, et elle fut faite par d’autres experts que ceux nommés par le gouverneur, et leur procès-verbal n’entre dans aucun détail. Il dit purement et simplement que le dommage causé est évalué à 2,850 fr., plus 350 fr. pour un four que le sieur Clark a été obligé de faire construite en remplacement de celui occupé par les boulangers de l’armée’. Mais rien ne justifie cette évaluation, et cette somme de 2,500 fr., à laquelle ce réclamant a réduit ses prétentions, n’est pas plus justifiée. C’est pourquoi la commission a cru nécessaire de procéder à un supplément d’instruction.
M. Smits. - Sans entrer dans les détails que vient de vous donner l’honorable rapporteur, je ferai remarquer que si la somme de 2,500 francs ne faisait pas toutes les prétentions de la famille Clark, la chambre ferait un acte d’humanité en lui accordant cette somme par provision ; ses droits resteraient entiers, et on la tirerait de la misère où l’ont plongée les réquisitions dont elle a été frappée.
M. Dubus (aîné). - La question est de savoir si la chambre veut entrer dans la voie d’admettre des créances qui ne sont pas justifiées. On persiste dans la proposition qu’on a faite en disant qu’on fera un acte d’humanité en l’adoptant. Il ne s’agit pas ici de faire des actes d’humanité, nous ne sommes pas constitués en bureau de bienfaisance. Nous avons à examiner si les créances dont on réclame le paiement sont justifiées.
En fait, si, pour un mois d’occupation d’une boulangerie, on payait 2,500 fr., pour une année cela ferait 30,000 fr. ; ce serait une boulangerie qui rapporterait de beaux bénéfices. On dit que le propriétaire fabriquait du biscuit ; mais, lors du siège d’Anvers il n’y avait plus de navigation, et par conséquent il n’y avait plus à fabriquer de biscuits.
M. Smits. - Les autorités provinciales, qui étaient à même d’apprécier le dommage, l’ont évalué à 2,500 fr.
Remarquez que ce n’était pas une boulangerie ordinaire, mais une grande manutention pour la fabrication des biscuits qu’on avait établie dans l’espérance que la navigation allait reprendre.
M. Dubus (aîné) propose l’ajournement de la proposition de M. Smits jusqu’au nouveau rapport de la commission.
- Cet ajournement est adopté.
On passe au vote de l’article qui est ainsi conçu :
« Article unique. Il est ouvert au département de la guerre un crédit de fr. 25,206 79 c., applicable au paiement des dépenses de 1832, qui restent à liquider et qui sont détaillées dans le tableau annexe à la présente loi.
« Cette allocation formera le chapitre VIII du budget du département de la guerre pour l’exercice 1838. »
- Adopté.
Le projet est soumis à l’appel nominal et est adopté à l’unanimité par les 71 membres présents. En conséquence il sera transmis au sénat.
M. A. Rodenbach. - Je ne m’opposerai pas au projet ; tout au contraire, je le crois utile. Mais je profiterai de cette occasion pour demander quelques explications relativement au transport des marchandises. J’ai eu l’honneur de dire, dans cette enceinte, que je trouvais trop minime le loyer de 30 fr. par jour pour chaque wagon qui transporte des marchandises ; je désirerais savoir si le ministre continuera ce système. Par jour un wagon peut transporter deux à trois cents paquets, et l’on peut recevoir 150 à 200 fr. ; il y a loin de cette recette au loyer de 30 fr. Puisqu’il y a assez de lignes ouvertes pour rendre lucratif le transport des marchandises, je ne vois pas qu’on doive dédaigner ce produit. Je ne demande pas qu’on mette actuellement en adjudication le transport les marchandises, parce qu’il faut s’éclairer par des essais avant de procéder à cette adjudication. Mais je demande qu’en en tire une meilleure recette qu’on ne fait maintenant.
M. Desmanet de Biesme. - Il me semble que depuis quelque temps on s’est relâché dans l’exploitation des chemins de fer, et que la surveillance y est si peu active qu’on pourrait tromper le gouvernement. Autrefois, quand on prenait un billet, le conducteur avant de quitter la station, demandait à le voir ; je me suis aperçu qu’on ne suivait plus ce mode, et il est des personnes qui abusent de ce défaut de surveillance. Il me semble qu’il serait bon et facile de remédier à ce désordre.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, je prends la parole pour répondre uniquement à l’interpellation faite par M. Rodenbach. Quand l’administration a loué des wagons, non par jour, mais par voyage et par voiture, elle a fait cesser une lacune dans les moyens de transport. Les diligences n’existant plus, il fallait les remplacer dans le double objet qu’elles remplissaient. Il est vrai que la somme de 30 francs par wagon est peu élevée ; mais il faut remarquer que le gouvernement ne supporte aucuns frais quant au matériel et au personnel, et qu’il reste à l’abri de toute responsabilité. Les stations sont demeurées à peu près les mêmes ; nous n’avons d’ailleurs qu’une douzaine de wagons de marchandises. Ce qui se fait maintenant n’est qu’une mesure partielle, n’est qu’un essai, dont on profitera pour l’organisation définitive de cette partie importante du service des chemins de fer.
- La chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Le terme fixé par l’article 1er de la loi du 12 avril 1835 est prorogé au 1er juillet 1839. »
- Adopté sans discussion.
« Art. 2. Le gouvernement est autorisé à désigner, à l’effet d’exercer la police judiciaire dans toute l’étendue du chemin de fer, ainsi que dans les stations et leurs dépendances, des agents de l’administration de ce chemin, auxquels il pourra conférer tout ou partie des attributions suivantes :
« 1° Le droit de constater, par des procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve contraire, toutes les contraventions en matière de voirie, ainsi que toutes les contraventions aux lois et règlements sur l’exploitation du chemin de fer ;
« 2° Les fonctions des officiers de police auxiliaires du procureur du Roi. »
- Adopté.
« Art. 3. Avant d’entrer en fonctions, ces officiers de police judiciaire prêteront le serment suivant :
« Je jure fidélité au Roi, obéissance à la constitution et aux lois du peuple belge, et de remplir fidèlement les fonctions qui me sont conférées. »
- Adopté.
« Art. 4. Le tribunal par lequel le serment devra être reçu sera désigné par le gouvernement. Néanmoins, les pouvoirs de ces officiers ne seront pas circonscrits dans l’arrondissement de ce tribunal.
« Le gouvernement déterminera devant quelle autorité et dans quel délai les procès-verbaux, dressés en vertu de la présente loi, devront être affirmés. »
- Adopté.
« Art. 5. Les dispositions ci-dessus n’auront force obligatoire que jusqu’au 1er juillet 1839. »
- Adopté.
On passe à l’appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l’unanimité par les 70 membres présents.
(Moniteur belge n°136, du 16 mai 1838) M. le président. - Conformément à la demande qui lui avait été faite par la chambre, la commission a fait un rapport sur les propositions suivantes :
1° celle de M. Frison, concernant le tribunal de Charleroy ;
2° celle de M. Metz, concernant le tribunal de Diekirch ;
et 3° celle de MM. Dubus et Doignon, concernant le tribunal de Tournay.
La commission propose un projet de loi dans lequel elle a réuni les trois propositions ; ce projet a été distribué : je demanderai aux auteurs des diverses propositions s’ils se rallient au projet de la commission ?
(Erratum inséré au Moniteur belge n°137, du 17 mai 1838) M. Dumortier, M. Trentesaux, M. Doignon et M. Metz déclarent s’y rallier.
M. Frison déclare également s’y rallier, sauf à présenter un amendement au paragraphe 2 de l’article 2.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, la chambre se trouve saisie de trois questions : l’une concerne l’adjonction d’un juge au tribunal de Diekirch ; les deux autres, l’établissement d’une nouvelle section aux tribunaux de Charleroy et de Tournay. La première de ces questions, celle qui est relative au tribunal de Diekirch, ne paraît pas devoir donner lieu à la moindre difficulté ; tout le monde est d’accord, l’auteur du projet, le gouvernement et la section centrale, qu’il y a nécessité absolue de donner un quatrième juge au tribunal de Diekirch. ; je ne m’arrêterai donc pas davantage sur cet objet.
Les deux autres propositions ont souffert des difficultés dans la commission ; je crois même connaître la source de ces difficultés, et je proposerai un amendement qui sera, je pense, de nature à concilier les opinions divergentes.
Il y a déjà plusieurs années que j’ai eu l’honneur, messieurs, de vous proposer une mesure qui aurait permis aux tribunaux de se débarrasser de l’arriéré qui entrave le cours des affaires judiciaires : c’était d’instituer des chambres temporaires ; je regrette, et la commission a exprimé le même regret, que cette proposition n’ait pas pu être discutée jusqu’ici ; il est très possible qu’une semblable mesure générale eût satisfait aux besoins de Charleroy et de Tournay ainsi qu’aux besoins des autres localités pour lesquelles on a réclamé. Lorsque j’ai été appelé dans la commission, j’ai ouï dire qu’il faudrait différer de prendre une mesure à l’égard de Charleroy et de Tournay, jusqu’à ce qu’on eût discuté le principe qui sert de base à la proposition dont je viens de parler : c’eût été là écarter les propositions par une véritable fin de non-recevoir, et laisser surtout Charleroy dans une position défavorable. Mais il est une autre mesure qui, sans compromettre aucun principe, produirait cependant les mêmes effets ; cette mesure, je l’ai indiquée dans le rapport que j’ai soumis à la chambre et qui contient des renseignements sur les affaires pendantes devant les différents tribunaux ; il y a deux ans, messieurs, vous avez augmenté le personnel de la cour de Bruxelles pour des motifs absolument analogues à ceux qui sont aujourd’hui invoqués pour Tournay et Charleroy, un arriéré considérable ; alors, j’ai eu l’honneur de proposer à la chambre une disposition d’après laquelle, à dater du 15 octobre 1842, les places vacantes ne seraient plus remplies jusqu’à ce que le personnel fût réduit à ce qu’il était avant l’augmentation.
Eh bien, messieurs, j’aurai l’honneur de vous proposer une disposition semblable pour les tribunaux de Charleroy et de Tournay ; à cette époque, on verra si, l’arriéré ayant disparu, ces tribunaux ne pourront pas suffire aux affaires courantes ; alors aussi nous aurons l’expérience d’une loi importante qui nous est également soumise, celle qui a pour objet d’augmenter les attributions des justices de paix ; car, d’un côté, messieurs, il est très possible que plusieurs des causes qui donnent lieu aux plus nombreuses affaires, devant les tribunaux de Charleroy et de Tournay, disparaissent ; d’un autre côté, en augmentant les attributions des justices de paix, on diminuera le nombre des affaires de première instance, au point de permettre peut-être au nombre ordinaire de quatre magistrats de satisfaire aux besoins des justiciables.
D’après ces considérations, messieurs, j’aurai l’honneur de vous proposer les articles suivants dont les deux premiers sont les mêmes que ceux de la commission, sauf la nomination d’un juge suppléant qui est nécessaire pour que la nouvelle chambre puisse, dans tous les cas, remplir sa mission :
« Art. 1er. Le personnel du tribunal de première instance de Tournay est augmenté d’un vice-président, de deux juges, d’un juge suppléant et d’un substitut du procureur du Roi. »
« Art. 2. Le personnel du tribunal de première instance de Charleroy est augmenté d’un vice-président, de deux juges, d’un juge suppléant et d’un substitut du procureur du Roi. Le vice-président jouira d’un traitement de 3,000 fr. »
« Art. 3 (nouveau.) A dater du 15 octobre 1842, et au fur et à mesure des vacatures, il ne sera plus pourvu aux places créées par les articles précédents. »
Ainsi, messieurs, ces tribunaux se trouveront pendant quatre ans au moins, augmentés d’une nouvelle section, et vous avez dû voir, par le rapport que j’ai eu l’honneur de vous communiquer, que ce temps sera plus que suffisant pour faire disparaître l’arriéré. J’ai choisi la même époque que celle que j’avais choisie pour la loi qui concerne la cour d’appel de Bruxelles, le 15 octobre 1842, afin que si alors il était nécessaire de maintenir le personnel de ces différents tribunaux, une seule et même loi puisse statuer pour Bruxelles, Tournay et Charleroy.
Les articles 3 et 4 de la commission seraient conservés, et deviendraient les articles 4 et 5 de la loi.
- Personne ne demandant la parole sur l’ensemble du projet, on passe à la discussion des articles.
(Erratum inséré au Moniteur belge n°137, du 17 mai 1838) M. Dumortier, M. Trentesaux et M. Doignon déclarent se rallier à la proposition de M. le ministre de la justice.
L’article premier, tel qu’il est proposé par M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Le personnel du tribunal de première instance de Charleroy est augmenté d’un vice-président, de deux juges, d’un juge suppléant et d’un substitut du procureur du Roi. Le vice-président jouira d’un traitement de 3,000 fr. »
M. Frison propose la disposition additionnelle suivante :
« Le tribunal de Charleroy est placé dans la deuxième classe. »
M. Frison. - Messieurs, quand il a été question de porter le tribunal de Verviers à une classe supérieure à celle dans laquelle il se trouvé rangé, l’honorable M. de Behr, rapporteur, vous disait que la classification des tribunaux avait été déterminée par la considération du nombre et de l’importance des affaires, ainsi que des dépenses journalières de la vie. La mesure, à laquelle j’ai du reste applaudi, était tellement urgente qu’il vous souvient d’avoir été convoqués à une séance du soir, pour la voter ; on n’a point attendu les éclaircissements dont on avait besoin pour se prononcer en connaissance de cause.
Aujourd’hui, messieurs, que l’urgence et la nécessité sont reconnues d’accorder une seconde section au tribunal de Charleroy, le même rapporteur, M. de Behr, vient vous dire que quant au changement de classification de notre tribunal, la commission n’a rien trouvé d’urgence dans cette demande et l’a ajournée en attendant les éclaircissements dont elle a besoin pour se prononcer en connaissance de cause.
D’abord j’aurai l’honneur de vous faire observer, et cette considération aura une grande influence à vos yeux, que nous serions le seul tribunal du royaume, à deux sections, qui se trouvât à la troisième classe. La chambre dont la justice et l’impartialité me sont connues, ne sanctionnera point une exception aussi injuste, je dirai même humiliante.
En second lieu, il me sera facile de démontrer que l’arrondissement de Charleroy n’est plus ce qu’il était au moment où j’ai eu l’honneur de vous développer ma proposition. En effet, l’industrie a pris chez nous un tel essor que je ne pense point qu’il y ait parmi nous un seul membre qui puisse contester un pareil fait. Or, où il y a progrès d’industrie, il y a incontestablement accroissement de luxe.
Je vous dirai, messieurs, qu’il n’y a pas vingt ans, il ne se trouvait dans notre arrondissement que trois industriels qui tinssent équipage ; aujourd’hui je pourrais vous en citer plus de cent ; car tout industrie veut avoir son carrosse.
Le prix des loyers est tellement élevé à Charleroy qu’il n’y a pas de juge qui puisse s’y loger à moins de 900 fr., non compris les contributions qui montent, pour chacun d’eux, à plus de 100 fr. Voici une attestation délivrée par la régence de la ville de Charleroy. Cette administration a été tellement convaincue de la cherté des loyers, et de la vie animale, qu’elle vient d’accorder aux professeurs du collège, pour supplément de traitement, une somme de 3,025 fr. qui n’était encore en 1834 de 750 fr.
La vie animale a atteint à Charleroy, notamment depuis deux ans, la cherté de celle des plus grandes villes de la Belgique ; on cessera de s’en étonner en voyant le grand nombre d’industriels riches qui sont venus s’établir dans les environs ; plus de 30 mille habitants agglomérés dans un périmètre de 3/4 de lieue doivent s’approvisionner aux marchés de la ville ; une grande partie des légumes, du poisson, des volailles, nous arrive de Bruxelles, Mons et Namur ; le beurre se vend, en tout temps, plus cher à Charleroy qu’à Bruxelles ; une grande partie nous vient même de la Campine. Je parle en connaissance de cause : voici, à l’appui, plusieurs attestations de la régence de Charleroy, que je dépose sur le bureau.
Les grandes sociétés ont un nombre considérable d’employés auxquels elles donnent de 2,500 à 5,000 fr. de traitement ; à quelques-uns d’entre eux elles accordent de superbes logements, le feu, l’éclairage et même cheval et cabriolet ; d’honorables collègues pourront dire si ce que j’avance est exact. Des employés du gouvernement en ont quitté le service pour accepter les avantages que leur offrait l’industrie particulière. Vous mettrez donc nos juges à même de se maintenir avec peine encore, au rang qu’ils doivent occuper dans la société.
L’importance des causes qui sont portées à notre tribunal sera justifiée en deux mots ; il y a une infinité de procès de houillères à juger ; la valeur constante de ces exploitations n’a jamais été mise en doute : depuis un an elles ont acquis une valeur qu’on ne leur connaissait pas ; ces affaires ont aujourd’hui une importance de plusieurs millions, et les procès de ce genre deviendront d’autant plus nombreux que les charbonnages eux-mêmes augmenteront de prix. Lorsque je vous parle de millions, messieurs, il n’y a pas de plaisanterie ou plutôt d’exagération ; il est tel charbonnage que je pourrais citer que l’on n’acquerrait pas au prix de dix millions et ce n’est pas celui qui a le moins de procès.
De pareilles faits, messieurs, que je ne développerai pas davantage, car j’ai hâte d’en finir et de ne pas abuser de vos moments, suffiront pour décider la chambre à adopter mon amendement ; vous ne sanctionnerez pas, comme je l’ai dit en commençant, une exception injuste et humiliante, tandis que je vous démontre tous les titres qui doivent nous placer à la seconde classe des tribunaux de première instance.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, je ne veux pas contester les faits dont l’honorable préopinant s’est prévalu : c’est pour des raisons toutes différentes que je proposerai l’ajournement de la disposition qu’il vous a soumise.
D’abord, il n’y aura pas d’exception injurieuse pour le tribunal de Charleroy. Si l’on augmentait définitivement le tribunal de Charleroy d’une deuxième chambre, alors l’observation serait exacte ; mais c’est ce que la chambre n’a pas entendu faire ; tout ce que la chambre veut faire aujourd’hui, et elle a parfaitement raison, c’est de prendre une mesure d’urgence qui est indiquée comme nécessaire ; elle ne veut s’engager à rien, en ce qui touche l’organisation judiciaire ; elle veut faire toutes ses réserves, parce qu’elle désire prendre des dispositions générales. Eh bien, est-ce lorsque vous êtes saisis de la question de l’augmentation des traitements, lorsque vous êtes saisis de questions relatives au changement de la classification de presque tous les tribunaux du pays, que vous iriez indirectement toucher à ces questions, les préjuger, vous compromettre peut-être ? Evidemment, le moment est mal choisi.
Je crois (et je ne crains pas de le déclarer, parce que j’ai fait une étude particulière de ce qui concerne le tribunal de Charleroy), je crois que la position des magistrats de Charleroy devra être améliorée, soit au moyen d’un changement de classification, soit par une augmentation de traitement ; mais cette matière doit être traitée avec ensemble. Je propose l’ajournement de la proposition de l’honorable M. Frison, jusqu’à ce que la chambre décide d’une manière générale les questions de classification de tribunaux et d’augmentation des traitements de la magistrature.
M. Verhaegen. - Messieurs, je vous avoue franchement que je craignais d’abord de prendre la parole, d’après les dispositions que nous rencontrons d’habitude, lorsqu’il s’agit de questions semblables. Toutefois, si je me lève, c’est parce que dans les observations que l’on vient de faire, il a été tant soit peu question de moi. On a parlé de la proposition qui a été faite par un député de Bruxelles, quant à l’augmentation des appointements de la magistrature ; ce député, c’est moi.
J’ai, en effet, une proposition qui a pour objet d’augmenter les appointements de tous les membres de l’ordre judiciaire ; j’ai déposé cette proposition dans l’intime conviction où j’étais, et où je suis encore, que les appointements des membres de l’ordre judiciaire ne sont pas en rapport avec leur position actuelle, avec les services qu’ils rendent et avec la dignité qui doit accompagner ces fonctions.
J’ai désespéré, et je désespère encore, de voir bientôt prendre une résolution sur cette proposition ; et toute réflexion faite, je crois que pour améliorer le sort des membres de l’ordre judiciaire, il faudra procéder partiellement. Si l’on veut le tout à la fois, on n’obtiendra rien, et ma proposition restera dans les cartons. Je pense donc que mieux vaut obtenir quelque chose que de demander trop pour ne rien obtenir. Aussi je donnerai mon assentiment à toute proposition relative à une augmentation de traitement et de personnel, et dont la justice, comme dans l’espèce, me sera démontrée.
M. le ministre de la justice a dit que s’il s’agissait d’augmenter définitivement le personnel du tribunal de Charleroy, la question pourrait peut-être se présenter favorablement pour ce tribunal ; mais la chambre, a-t-il ajouté, n’est pas disposée à augmenter ce personnel définitivement ; je ne sais pas, moi, si l’on est convenu que l’on ne prendra qu’une mesure temporaire ; c’est au reste ce que la chambre aura à décider par le vote du dernier article. Quant à moi, je vois de grands inconvénients à n’avoir que des chambres temporaires ; j’y vois une atteinte à l’inamovibilité de la magistrature ; et à cette inamovibilité à laquelle, moi, j’attache la plus grande importance, je ne retrancherai jamais quoi que ce soit.
La chambre aura à juger tout à l’heure s’il y a lieu d’augmenter le personnel du tribunal de Charleroy temporairement ou définitivement ; la chambre aura à juger aussi si, dans l’hypothèse même que l’augmentation ne soit que temporaire, il y a lieu d’écarter l’amendement de M. Frison. M. Frison demande que le tribunal de Charleroy soit placé dans la deuxième classe. Je ne vois pas pourquoi, lors même que la chambre viendrait à décider que l’augmentation du personnel du tribunal de Charleroy ne sera que temporaire, on n’élèverait pas ce tribunal à la deuxième classe. On vous a dit qu’il y aurait de l’injustice à ne pas le placer dans cette classe ; je partage cet avis ; il n’y aurait pas seulement injustice, il y aurait encore inconvenance.
Pourquoi y aurait-il une différence entre le tribunal de Charleroy et ceux de Verviers et de Tournay, par exemple ? Pourquoi, si le tribunal de Tournay a été élevé à la deuxième classe, lors même qu’il n’avait que le nombre de juges que l’on veut provisoirement augmenté ; pourquoi n’accorderait-on pas à Charleroy ce qu’on a accordé à Tournay ? Pourquoi n’accorderait-on pas au tribunal de Charleroy ce que l’on a accordé à celui de Verviers, lorsque le nombre des juges était le même ?
La classification tient à la fois et aux occupations qu’ont les tribunaux et aux besoins du siècle. Si les considérations qui ont fait élever le tribunal de Verviers à la deuxième classe existent aussi pour le tribunal de Charleroy, je ne vois pas pourquoi l’on ne rendrait pas au tribunal de Charleroy la justice qui lui est due. Il me semble que les raison que l’on a données sont assez décisives pour que l’on ne fasse pas de différence entre deux tribunaux de la même catégorie.
On vous a dit que l’industrie a fait de tels progrès que les employés des usines et fabriques ont de 2,000 à 2,500 fr. de traitement. Personne ne conteste que la vie animale ne soit beaucoup plus chère que naguère. Un juge aura 2,400 fr., tandis qu’un simple commis en aura 2,500. Quel rapport ! On vous a déjà dit que des employés du gouvernement avaient renoncé à leurs fonctions pour entrer dans des sociétés particulières. Eh bien, si un juge, avec un traitement de 2,400 fr., venait à résigner ses fonctions, parce que les besoins de sa position exigeraient de plus forts appointements, cela serait tout naturel, et cet abandon ne pourrait être attribué qu’à l’état de choses que nous, nous voulons faire cesser.
Je le répète, messieurs, je ne vois pas pourquoi l’on ne ferait pas pour le tribunal de Charleroy ce que l’on a fait pour les tribunaux de Tournay et de Verviers, et ce que l’on devrait faire peut-être pour d’autres tribunaux. Par exemple, le tribunal de Louvain se trouve dans la même position que ceux dont je viens de parler. Si mes renseignements sont exacts, le tribunal de Louvain a à juger 900 causes correctionnelles et autant de causes civiles que chacun des tribunaux dont le personnel va être augmenté, et cependant le tribunal de Louvain est oublié.
Quant à moi, je saisirai cette occasion qui se présentera pour améliorer la position de la magistrature ; je vois dans cette amélioration une garantie, et la plus belle de toutes les garanties : celle de l’indépendance du magistrat. Car, ainsi que je le disais en développant la proposition générale que j’ai eu l’honneur de vous soumettre, l’inamovibilité de la magistrature n’est rien, si à cette inamovibilité on n’ajoute pas une amélioration dans la position pécuniaire des magistrats.
M. A. Rodenbach. - Je n’ai pas l’honneur d’être jurisconsulte ; mais il me semble que la proposition ministérielle ne touche en rien à l’inamovibilité des juges ; car, dans 4 ans, il n’y aura plus de juger à nommer si des places sont vacantes par décès ou autrement.
Ce n’est pas dans un moment où l’horizon politique se rembrunit qu’il convient de voter des augmentations d’appointements.
Je ne vois pas d’ailleurs pourquoi nous prendrions spécialement pour le tribunal de Charleroy une mesure telle que celle proposée par M. Frison. On a réclamé parce qu’il y a beaucoup de causes pendantes. Nous voulons rendre justice ; nous votons l’amendement du ministre. Maintenant il s’agit d’une augmentation d’appointements ; à cet égard, il faut une mesure générale. Un projet de loi est soumis à la chambre ; je crois que l’honorable M. Heptia a proposé de supprimer la quatrième classe des tribunaux. Mais ce n’est pas lorsque nous voyons 40,000 hommes en mouvement dans un département du Nord qu’il peut être question de voter des augmentations de traitement pour les membres des tribunaux.
M. de Brouckere. - Qu’importe ces mouvements de troupes ? Ce n’est pas nous qui en payons les frais.
M. A. Rodenbach. - Cela est vrai ; mais vous paierez peut-être plus tard. S’il y a guerre, vous aurez peut-être des millions à payer.
M. Pollénus. - Messieurs, je voterai pour les propositions qui nous sont faites par le ministre de la justice ; je crois inutile de rien ajouter aux développements qui ont été donnés à l’appui de ces propositions.
Je n’ai demandé la parole que pour répondre à quelques réflexions qu’a présentées un honorable député de Bruxelles qui a cherché à justifier l’amendement de M. Frison.
On paraît craindre que le principe de l’inamovibilité de la magistrature sera atteint su l’on donnait à l’augmentation du personnel proposé pour les tribunaux de Tournay et de Charleroy un caractère temporaire ; cette crainte n’est pas fondée, puisque les juges seront nommés à vie. Cette question a d’ailleurs été jugée par la loi, qui a consacré le même système pour la cour d’appel de Bruxelles.
Mais, dit-on, cette augmentation de personnel doit rester définitive. Messieurs, veuillez ne pas perdre de vue que l’augmentation projetée est motivée sur un arriéré qui est une circonstance extraordinaire et exceptionnelle ; si ces besoins temporaires disparaissent, il faut que le tribunal puisse rester dans sa position primitive : un changement de classification serait contraire à la nature de la mesure temporaire que l’on a toujours réclamée.
Je remarque, au surplus, que le tribunal de Tournay conservera son ancienne classification.
M. de Brouckere. - Le principal argument que l’on fait valoir contre la proposition de M. Frison consiste à dire : que l’augmentation du personnel du tribunal de Charleroy n’étant que provisoire, il ne fait pas prendre une mesure qu’on puisse regarder comme définitive, il ne fait pas augmenter les appointements des membres de ce tribunal en les mettant sur la même ligne que ceux des tribunaux ayant définitivement deux chambres. D’abord, bien que je ne m’oppose pas à la proposition du ministre qui nous propose l’augmentation du personne comme une mesure provisoire, j’ai la conviction intime (et je la partage avec tous ceux qui connaissent les travaux et l’importance des travaux de l’arrondissement de Charleroy) que dans quatre ans, non seulement il ne sera pas question de diminuer le personnel, mais que, s’il y a un changement à faire, ce sera de donner au tribunal de Charleroy trois chambres au lieu de deux. Mais admettons pour un instant que le personnel de Charleroy puisse être réduit dans quatre ans ; est-ce une raison péremptoire pour s’opposer à ce que ce tribunal soit porté de la troisième à la deuxième classe ? Ce qu’on doit surtout prendre en considération lorsqu’il s’agit de fixer les appointements des magistrats, ce n’est pas le nombre des juges composant le tribunal, c’est la cherté de la vie et la vie que mènent dans la résidence de ces magistrats les personnes du même rang qu’eux. La meilleure preuve, c’est que le tribunal de Verviers a été rangé dans la deuxième classe, bien qu’il n’ait qu’une chambre. Eh bien, je mets en fait que la vie est au moins aussi chère à Charleroy qu’à Verviers.
Mais, dit l’honorable M. Alexandre Rodenbach, pourquoi prendre une mesure spéciale pour le tribunal de Charleroy ? A cela M. Pollénus ajoute : « Pourquoi faire pour le tribunal de Charleroy ce qu’on ne fait pas pour celui de Tournay ? » D’abord, il ne s’agit pas de mesure spéciale ; il s’agit de mettre le tribunal de Charleroy, ayant deux sections, sur la même ligne que les autres tribunaux ayant deux sections ; et si vous n’admettez pas la proposition de l’honorable M. Frison, le tribunal de Charleroy se trouvera le seul de la troisième classe qui ait deux sections. On demande pourquoi on ne fait pas une proposition analogue pour Tournay : c’est par la raison toute simple que le tribunal de Tournay est déjà dans la seconde classe. Tout ce qu’on demande, c’est l’assimilation du tribunal de Charleroy à celui de Tournay. Il est impossible de faire une proposition plus juste que celle de l’honorable M. Frison.
Il me reste à répondre en deux mots à l’observation de M. A. Rodenbach : que ce n’est pas le moment d’augmenter nos dépenses alors que dans un pays voisin les troupes sont en mouvement. Premièrement, je ferai remarquer que rien n’est plus fréquent que ces mouvements de troupes. Très souvent nous voyons les régiments changer de garnison, d’éloigner ou s’approcher de la frontière, sans qu’il y ait apparence de guerre. Pour moi, je ne crois pas plus à la guerre qu’il y a six mois. En supposant même la guerre prochaine, serait-ce une objection contre une faible dépense de 4 ou 5 mille francs nécessaire pour mettre les magistrats à même de vivre honorablement ?
Je ferai valoir une dernière considération, c’est que si on pense qu’il est juste et utile d’élever d’ici à peu de temps les appointements des membres du tribunal de Charleroy, il vaut mieux le faire aujourd’hui qu’après la nomination aux places qui vont être créées, parce qu’ainsi on trouvera pour remplir ces places des hommes plus capables. Il est tel avocat ou tel juge de paix qui se présentera pour être nommé juge au tribunal de Charleroy si vous le mettez dans la troisième classe, parce qu’il est impossible qu’un homme n’ayant aucune fortune vive honorablement à Charleroy avec des appointements de juge de troisième classe.
D’après cela je voterai pour la proposition de M. Frison.
M. de Behr, rapporteur. - Nous avons pensé qu’il convenait de former une chambre temporaire au tribunal de Charleroy. L’honorable M. Verhaegen dit que cela est contraire à la constitution ; cependant nous proposons que les juges soient nommés à vie ; seulement on ne pourra pas procéder à leur remplacement en cas de vacature par décès ou autrement ; voilà comment nous expliquons que la mesure est temporaire. Il me semble que ce système, quoique je me sois rallié à celui de M. le ministre de la justice, avait l’avantage de ne pas modifier le principe de la loi de l’organisation judiciaire, tandis que la proposition du gouvernement offre cet inconvénient. C’eût été simplement des juges surnuméraires. Du reste, il n’y a plus de difficultés que dans les mots : je me suis rallié à la proposition de M. le ministre.
Quant au traitement, on propose de faire passer le tribunal dans la seconde classe ; mais nous n’avons pas à cet égard de renseignements. Quand il a été question des tribunaux de Verviers et de Hasselt, nous avions des pièces authentiques démontrant clairement la cherté des loyers et des objets nécessaires à la vie ; ici nous n’avons aucune pièce de ce genre.
Lorsque les tribunaux de Verviers et de Hasselt ont demandé un changement de classification, ils étaient les seuls qui eussent fait une telle demande ; aujourd’hui il y en a d’autres, ce n’est pas le premier venu qui doit être le mieux traité. Il faut attendre, examiner l’importance des diverses localités, et surtout examiner les besoins ; car je ne suis pas d’avis que le tribunal de Charleroy se soit autant distingué qu’on l’a dit. Si nous faisons attention au tribunal de Tournay, nous trouvons une grande différence. Le tribunal de Tournay a cinq audiences de 4 heures par semaine, celui de Charleroy n’a que quatre audiences par semaine. Si nous examinons le chiffre des jugements définitifs rendus sur plaidoiries, les seuls qui donnent de la besogne, nous trouvons que le tribunal de Tournay a rendu 100 jugements de plus que le tribunal de Charleroy. Peut-on d’après cela établir une comparaison ?
Il faudra examiner les demandes des autres tribunaux et prendre une mesure générale ; je ne pense qu’il y ait lieu de prendre une mesure spéciale pour celui de Charleroy.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - A entendre l’honorable M. Verhaegen, il semblerait qu’il a le monopole de la sollicitude pour la magistrature ; cependant il devrait se rappeler que dans un discours prononcé dans cette enceinte, au nom du gouvernement, à l’ouverture de la session, il a été reconnu que nous devions, à une époque prochaine, et dès que les ressources du trésor public le permettraient, augmenter les traitements de l’ordre judiciaire. Or, il n’a pas dépendu du gouvernement d’accroître les revenus du trésor. Si les ressources de l’Etat l’eussent permis, d’après la décision du conseil des ministres, les traitements de la magistrature eussent été augmentés ; j’aurais eu le premier l’honneur de vous en faire la proposition.
Plusieurs tribunaux demandent une augmentation de traitement. Vous serez saisis à cet égard de renseignements nombreux que j’aurais l’honneur de vous présenter. Plusieurs questions seront à résoudre : Faut-il supprimer la quatrième classe de tribunaux ? Les tribunaux de troisième classe doivent-ils passer sans la seconde ? Ne convient-il pas d’augmenter en général les traitements de divers tribunaux ? L’occasion viendra ainsi de s’occuper d’une augmentation de traitements pour le tribunal de Charleroy.
Pourquoi, dit-on, le tribunal de Charleroy serait-il dans une position spéciale ? Pourquoi serait-il le seul tribunal ayant deux sections qui serait rangé dans la troisième classe ? Je répondrai à cette objection qu’elle serait fondée si ces deux sections étaient définitivement constituées ; mais ce n’est ce que la chambre demande ; elle ne veut, je pense, et avec raison, qu’une mesure temporaire, pour faire disparaître l’arriéré.
- La clôture de la discussion est prononcée.
L’ajournement de l’amendement de M. Frison, proposé par M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.
L’article 2 est mis aux voix et adopté.
L’article 3 nouveau présenté par M. le ministre de la justice est mis aux voix et adopté.
Les articles 4 et 5 sont mis aux voix et adoptés ; ils sont ainsi conçus :
« Art. 4. Le personnel du tribunal de première instance de Diekirch est augmenté d’un juge. »
« Art. 5. La première nomination aux deux places de vice-président sera faite directement par le Roi. »
M. Dolez. - L’honorable M. Verhaegen vous a parlé du projet destiné à améliorer la position des membres de l’ordre judiciaire ; ce projet ne peut être soumis cette année à nos délibérations ; aujourd’hui nous nous sommes occupés d’un projet d’urgence, sans préjudice aux modifications à faire dans l’avenir aux traitements des magistrats ; je vais actuellement faire une proposition concernant une modification de cette espèce, qui ne s’appliquerait pas à un tribunal, mais à tous les tribunaux de première instance du royaume.
Au nombre des fonctionnaires de l’ordre judiciaire se trouvent dans un rang modeste les commis-greffiers, si utiles et dont les places ne peuvent être remplies par tout le monde. Aux termes de notre législation, ils sont ainsi rétribués :
Près les tribunaux de première classe, 1,700 fr.
Près les tribunaux de deuxième classe, 1,200 fr.
Près les tribunaux de troisième classe, 1,100 fr.
Pour tous les autres, 900 fr.
Il est de toute impossibilité que les commis-greffiers puissent vivre, eux et leurs familles, avec de tels traitements ; et dans certaines localités ils sont condamnés à une vie misérable. Par exemple, à Mons, Bruges, Namur, Tournay, il leur est impossible de vivre avec 1,100 fr. Je demande à la chambre que ces traitements soient augmentés et qu’elle adopté l’article additionnel suivant :
« Le traitement des commis-greffiers près des tribunaux de première instance est désormais fixé ainsi qu’il suit :
« première classe, 1,800 fr.
« deuxième classe, 1,500 fr.
« troisième classe, 1,200 fr.
« quatrième classe, 1,000 fr. »
J’ai fait le calcul de l’augmentation que subira le budget en conséquence de cet article ; elle sera annuellement de 2,500 fr. Ainsi pour cette modique somme vous pouvez améliorer le sort d’une classe de fonctionnaires dont tout le monde apprécié la probité, les connaissances et les utiles travaux. Et comme ma proposition participe de l’urgence des autres dispositions de la loi, elle peut figurer à côté d’elle.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, ma position est très fausse et très délicate, étant obligé de demander l’ajournement des propositions d’augmentation des traitements de fonctionnaires qui sont dans mes attributions ; quoi qu’il en soit, je remplirai mon devoir, et je proposerai le renvoi de l’article présenté par l’honorable préopinant à la section centrale chargée d’examiner le projet général soumis par l’honorable M. Verhaegen, ou aux sections qui seront chargées de l’examen préparatoire de ce projet, si la section centrale n’est pas encore formée.
Il y a quatre ans que l’augmentation des traitements des juges de paix, qui sont dans une position si honorable, a été demandée, sans qu’on ait pu y faire droit ; que diriez-vous cependant si je venais, par un article improvisé, vous demander cette augmentation ? Vous me diriez qu’il ne fait pas être juste seulement à l’égard de quelques fonctionnaires de l’ordre judiciaire ; que la justice, pour être telle, doit être générale ; qu’elle doit être distributive ; et vous auriez raison ; aussi est-ce au nom de la justice que je demande que la proposition de M. Dolez soit renvoyée à la section centrale chargée de l’examen du projet relatif à l’augmentation des traitements des magistrats, avec invitation de faire son rapport dans le plus court délai. (Adhésion.)
M. de Behr. - je crois qu’il conviendrait mieux de renvoyer la proposition à la commission chargée de l’examen du projet de loi concernant la compétence des juges de paix.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - L’observation pourrait être bonne s’il ne s’agissait que des commis-greffiers des juges de paix.
M. Dolez. - Ma proposition n’ayant pas aujourd’hui assez de chance pour que j’insiste, je me rallierai à celle du ministre de la justice, espérant que ce sera un motif de plus pour engager la commission à hâter ses travaux.
- La proposition de M. le ministre de la justice est adoptée.
M. le président. - La loi a été amendée.
Plusieurs membres. - Il y a urgence !
- La chambre consultée décide l’urgence. En conséquence on passe immédiatement au second vote.
Le projet est de nouveau adopté et sans discussion. On le soumet ensuite à l’appel nominal et il est adopté définitivement à l’unanimité des 66 membres présents.
M. Frison s’est abstenu de prendre part à la délibération et expose ainsi les motifs. - La manière avec laquelle la chambre a accueilli mon amendement m’imposait de voter contre la loi ; mais comme cette loi renferme des dispositions relatives à d’autres tribunaux que celui de Charleroy, j’ai dû m’abstenir.
M. Metz (pour une motion d’ordre). - Je demande que l’on mette à l’ordre du jour de demain la loi sur le timbre des journaux.
M. Pollénus. - Mais le rapporteur, M. Demonceau, n’est pas ici ; sa présence à la discussion d’une loi aussi importante qu’une loi générale du timbre, me paraîtrait convenable.
M. de Brouckere. - Il n’y a aucun inconvénient à mettre le projet à l’ordre du jour ; si M. le rapporteur n’était pas revenu et si la chambre jugeait sa présence nécessaire, on pourrait retarder la discussion jusqu’à ce que M. le rapporteur soit de retour.
M. Dumortier. - Je pense, messieurs, qu’on pourrait discuter sans le moindre inconvénient la partie du projet qui est relative au timbre des journaux ; mais il n’en est pas de même de la partie qui concerne le timbre de commerce, car les modifications que le projet tend à introduire dans la législation sur cette matière sont telles, qu’il faut, sous peine de s’exposer aux plus graves inconvénients, discuter le projet avec toute la maturité possible ; or, en l’absence de M. le rapporteur, la discussion serait nécessairement incomplète. Je ne m’opposerais donc pas à ce qu’on mît à l’ordre du jour la partie du projet qui concerne le timbre des journaux ; mais je pense qu’il est impossible de discuter l’autre partie sans que M. le rapporteur soit présent.
M. de Brouckere. - Nous demandons, M. Metz et moi, qu’on mette la loi à l’ordre du jour de demain, mais nous nous réservons de demander la division ; si nous n’avons pas proposé cette division aujourd’hui, c’est d’abord parce que cela pourra donner lieu à une discussion assez longue, et en second lieu par que M. le ministre des finances n’est pas présent ; mais je le répète, s’il y a la moindre opposition à ce que la loi soit discutée tout entière, nous demanderons la division parce que nous désirons beaucoup qu’on s’occupe dans cette session du timbre des journaux.
- La chambre décide qu’elle s’occupera du projet de loi sur les timbres après les projets qui se trouvent encore à l’ordre du jour.
M. Dolez. - Messieurs, passé quelques jours, M. le ministre des finances avait exprimé l’opinion que la question des encaisses provinciaux et communaux devait nécessairement être annexée à la question de la banque ; c’est dans cet ordre d’idées qu’on mit à l’ordre du jour cette question grave et de nature à entraîner une discussion assez longue. Or, d’après la lassitude qu’éprouve la chambre à la suite de ses longs travaux, il est fort peu probable qu’elle puisse encore s’occuper de l’importante question de la banque. J’ai pensé (et j’ai des motifs pour croire que M. le ministre des finances ne s’opposera pas à ma proposition), j’ai pensé, dis-je, que nous pourrions, dans la séance de demain, distraire la question des encaisses provinciaux et communaux de la question de la banque, et décider la première, qui est fort simple, sans la moindre difficulté. Afin de mettre la chambre en position de formuler une décision à cet égard, j’ai l’honneur de lui soumettre le projet de loi que voici :
« Léopold, Roi des Belges, etc.
« Nous avons, de commun accord, etc.
« Le gouvernement est autorisé à prélever sur l’encaisse de l’ancien caissier de l’Etat les sommes nécessaires pour le remboursement des capitaux compris dans cet encaisse, et appartenant à des provinces, des communes et des particuliers.
« Mandons, etc. »
Vous voyez, messieurs, que cette proposition laisse intactes toutes les questions graves qui peuvent se rattacher à celle de la banque, qu’elle ne touche pas même à la question de savoir si des intérêts doivent être payés et à partir de quelle époque ils devraient être payés, question à l’égard de laquelle M. le ministre des finances avait élevé quelques difficultés. Je pense donc que la chambre, dans la séance de demain, ne verra nulle difficulté à adopter le projet de loi que j’ai l’honneur de lui proposer et qui est du plus haut intérêt pour les provinces, surtout en ce moment où les conseils provinciaux vont se réunir et où il importe de mettre à leur disposition des fonds qui leur appartiennent et qu’ils pourront employer à l’exécution des travaux publics qu’ils ont projetés.
La chambre ordonne l’impression et la distribution du projet.
La séance est levée à quatre heures et demie.