(Moniteur belge n°133, du 13 mai 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. B. Dubus fait l’appel nominal à une heure et demie.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.
M. B. Dubus fait connaître l’analyse des pétitions suivantes adressées à la chambre.
« Les officiers de la légion de la garde civique du canton de Ruremonde demandent le maintien de l’intégrité du territoire. »
« Les administrations communale et les habitants notables des communes de Galoppe, Locht et Heerlen (Limbourg) demandent que l’intégrité du territoire soit maintenue. »
« Les habitants de Fauquemont (Limbourg) demandent le maintien de l’intégrité du territoire. »
« Les conseils communaux de Horst, Grubbenvorst, Broekhuysen, Venray, Waussum, Ottersum, Sevenum, Mook, Meerlo, Maesbrie (Limbourg), demandent le maintien de l’intégrité du territoire. »
« Les conseils communaux de Beek, Meerssen, Vlestraeten, Schimmert, Huisberg, Fauquemont, Bemelen, Borgharen, Geulle, Itteren, Elsloo et Steyn (arrondissement de Maestricht), demandent le maintien de l’intégrité du territoire. »
M. de Brouckere. - Messieurs, la chambre a déjà reçu bon nombre de pétitions qui lui sont adressées par des habitants de communes qui, d’après le traité des 24 articles, devraient être cédées à la Hollande. Par ces pétitions, les signataires protestent de leur sympathie pour la Belgique, et témoignent le désir de n’en pas être séparés. Vous venez, messieurs, d’entendre encore l’analyse d’un assez grand nombre de pétitions de ce genre. Je pense qu’il importe que la chambre prenne dès à présent une décision qui soit pour les pétitionnaires une preuve de l’intention où elle est de s’occuper de leur demande avec une attention toute particulière.
Je demande en conséquence que la chambre décide que toutes les pétitions de cette nature feront l’objet d’un seul et même rapport, et que lorsque le moment sera venu de discuter ce rapport, la mise à l’ordre du jour sera annoncée 24 heures à l’avance, avant que chacun de nous puisse venir assister à la discussion.
De toutes parts. - Appuyé ! appuyé !
- La proposition de M. de Brouckere est mise aux voix et adoptée.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, organe d’une commission, dépose sur le bureau le rapport sur le projet de loi tendant à proroger la loi qui autorise le gouvernement à percevoir les péages sur le chemin de fer.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Lebeau (pour une motion d’ordre). - Messieurs, à la fin de la séance d’hier, j’avais proposé de mettre à l’ordre du jour la question des indemnités relatives aux employés du cadastre. Il paraît toutefois que l’on n’a pas bien compris l’objet de ma motion. J’ai voulu assimiler le projet présenté par la commission spéciale des finances, j’ai voulu l’assimiler aux autres crédits arriérés. J’ai dit qu’il s’agissait là aussi de crédits arriérés, et dès lors j’ai pensé que le crédit relatif aux employés du cadastre serait naturellement compris dans le libellé de l’ordre du jour : créances arriérées. Il n’en a pas été toutefois ainsi ; car on a séparé ce dernier objet des autres. Comme cette créance est aussi légitime que celles dont la chambre va s’occuper, et que la discussion du projet qui s’y rapporte ne doit pas être sérieuse, je demanderai que la chambre revienne sur sa décision d’hier et qu’elle comprenne la créance due aux employés du cadastre parmi les crédits arriérés dont nous allons nous occuper.
- La proposition de M. Lebeau est mise aux voix et adoptée.
M. Desmet. - Messieurs, il y a fort longtemps que les sections ont terminé l’examen du projet de loi relatif au canal de Zelzaete. Vous connaissez, messieurs, toute l’importance de ce projet. Je demanderai si l’on peut espérer que bientôt la section centrale présentera son rapport.
M. le président. - La section centrale s’est déjà occupée plusieurs fois de cet objet ; les renseignements qu’elle avait demandés lui ont été communiques il y a quelque temps ; mais, dans l’intervalle d’autres travaux importants et urgents ont empêché momentanément la section centrale de poursuivre l’examen du projet de loi dont on vient de parler.
M. Brabant dépose un rapport sur un projet de loi relatif à des créances arriérées du département de la guerre.
- Le rapport sera imprimé et distribué.
M. Andries. - Je pense qu’il conviendrait d’indiquer un jour pour la discussion de ce projet de loi. Je proposerai d’en fixer la discussion à lundi. Le rapport pourra être imprimé aujourd’hui et distribué demain.
M. Fallon. - Messieurs, il ne s’agit dans ce projet de loi que d’un crédit de 25,000 fr. ; il n’y a aucune espèce de contestation ; la commission est parfaitement d’accord avec M. le ministre de la guerre, de manière qu’on pourrait même discuter le rapport aujourd’hui, sans qu’il soit nécessaire de l’imprimer.
M. Brabant, rapporteur. - Messieurs, je n’ai qu’une observation à faire sur la proposition de l’honorable M. Fallon ; c’est qu’il y a fort longtemps que le projet est présenté, et que nous ne savons pas en ce moment si nous pouvons encore faire l’imputation du crédit sur le budget qui était indiqué dans le projet. M. le ministre de la guerre vient de me dire qu’il ferait examiner dans ses bureaux sur quel budget il faudra imputer le crédit.
- La chambre consultée décide qu’elle s’occupera lundi prochain de la discussion du projet de loi dont il s’agit.
M. Heptia dépose le rapport sur le projet de loi présenté par les députés du Limbourg, tendant à autoriser le gouvernement à garantir un emprunt de 500 mille fr. voté par le conseil provincial du Limbourg pour construction de routes.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.
M. Desmaisières. - Messieurs, vous avez renvoyé à l’examen de la commission qui a examiné le projet de loi en discussion, deux pétitions de 9 et 10 de ce mois qui vous ont été adressées par le sieur Malherbe, fabricant d’armes à Liége. Comme ces pétitions sont peu volumineuses et qu’elles ne comportent pas beaucoup l’analyse, je crois devoir vous en donner d’abord lecture.
« A MM. les membres de la chambre des représentants.
« Messieurs,
« Le soussigné propriétaire de la manufacture d’armes de guerre, située quai de la Sauvenière, à Liége, a l’honneur de vous exposer :
«1° Que le 29 octobre 1837 il a passé acte par lequel il s’oblige à céder au gouvernement ses établissements de fabrique d’armes, moyennant le prix convenu de trois cent dix mille francs, y compris les deux maisons neuves avec outils, machines et autres objets indiqués dans l’inventaire, et qu’en attendant la décision à intervenir au sujet de ladite acquisition, il donne à bail à loyer ledit établissement au gouvernement ;
« 2° Qu’il n’a consenti ce bail à des conditions aussi préjudiciables et onéreuses, en abandonnant la somme de cinquante mille francs qu’il exigeait pour la perte de sa clientèle, que sur l’assurance que l’intention positive du gouvernement était de faire l’acquisition immédiate dudit établissement au prix stipulé, ce que le propriétaire a dû croire et a accepté de bonne foi, comme conste l’esprit de l’acte, qu’il n’aurait positivement pas souscrit s’il avait osé supposer que le gouvernement n’agissait pas aussi loyalement à son égard. Mais quelle est sa surprise d’apprendre aujourd’hui qu’au moment même que cet acte était à l’approbation de M. le ministre de la guerre, on levait le plan d’un terrain, faubourg St-Léonard, et l’acquisition s’en faisait clandestinement et sans me prévenir, pour y construire une fabrique d’armes à l’instar de la seule que je cédais à l’Etat, et qui se trouverait en concurrence et totalement anéantie à côté de celle projetée ! Il en résulterait alors une perte insupportable pour moi, sans que l’Etat en puisse retirer le moindre avantage, attendu que mes établissements cédés peuvent amplement suffire aux besoins les plus pressants du service, et sous une bonne direction, avec grande économie. C’est pour des motifs aussi puissants et dans l’intérêt de l’industrie manufacturière d’armes des fabricants de Liége, qui se joindront à moi, que je prends la liberté de mettre opposition à l’adoption du projet d’acquisition ou de construction de fabrique d’armes pour le gouvernement, autre que celle que je me suis engagé de céder de bonne foi, par un acte authentique, dont les intentions des contractants ne peuvent être suspectées.
« Liége, le 8 mai 1838.
« M.-J. Malherbe de Goffontaine. »
« Messieurs,
« J’ajoute aux représentations que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre, à l’appui de l’opposition que j’ai faite contre la construction d’une fabrique d’armes sur un terrain situé faubourg Saint-Léonard, pour le compte du gouvernement, au mépris de l’acte de cession et de location provisoire de mes établissements :
« 1° Que le terrain dont il est question a peu de valeur et n’est nullement convenable à une construction d’habitation quelconque par rapport à la fabrique de zinc dite Moselman, qui est joignante, pour laquelle, par les fumées et les poussières insalubres et nuisibles qu’elle répand constamment, le propriétaire a dû soutenu des procès et a été condamné à payer des indemnités considérables aux propriétaires voisins, qui, pour se soustraire aux inconvénients et aux dangers que présentait leur position, ont abandonné ou vendu à bas prix leurs propriétés bâties ou non bâties.
« Voilà précisément l’acquisition qu’on propose pour y construire un vaste établissement de fabrique d’armes, où se trouveront réunies des masses d’ouvriers exposés à des inconvénients destructifs et nuisibles à la santé, et qui, par la nature de leurs travaux, exigent impérieusement des locaux bien situés et convenablement appropriés. Il ne serait donc pas exact de dire que c’est faire un marché avantageux, lorsqu’il compromettrait la vie ou nuirait seulement à la santé des malheureux miliciens ou pères de famille obligés de travailler dans un tel établissement.
« Je dois supposer que M. le ministre n’a pas été instruit de ces faits patents qui sont à la connaissance des honorables députés de Liège et de notoriété publique. J’estime que, sur ce point, les intentions de M. le ministre ont été surprises ; mais il y a trop de précipitation de demander l’emploi d’un capital considérable pour l’acquisition d’un terrain à construire des établissements de fabrique d’armes, avant d’avoir fait disparaître les inconvénients et d’avoir acquis, par la pratique et l’expérience, les connaissances spéciales dans la direction et l’administration des nombreux détails de la fabrication des armes, pour juger ensuite, d’après les résultats, de la nécessité d’une construction quelconque et des avantages relatifs aux dépenses générales qu’elle doit assurer à l’Etat.
« Les accidents désastreux et les erreurs qui se sont succédé dans mes établissements depuis la prise en possession, que, dans le bien-être du service et dans l’intérêt de l’Etat, j’ai cru de mon honneur et de mon devoir de signaler à l’attention de M. le ministre, sont des faits résultant uniquement du manque de connaissances spéciales et de pratique des employés.
« Sur ce, et pour rester dans les termes et dans les intentions formels de l’acte passé le 29 octobre 1837, il est dans l’intérêt de l’Etat de tenir à la location provisoire, en attendant la décision à intervenir au sujet de l’acquisition de mes établissements.
« Je prie la chambre des honorables représentants de vouloir bien prendre cet exposé en haute considération, et de suspendre l’allocation de cent cinquante mille francs demandée par M. le ministre de la guerre.
« M.-J. Malherbe de Goffontaine.
« Liège, le 10 mai 1838. »
J’ai à vous faire connaître la disposition du contrat du 29 octobre 1837 qui est relative au litige soulevé par M. Malherbe. Cette clause, la voici :
« En vertu de l’autorisation de M. le ministre de la guerre en date du 26 août dernier, n°223, et sous son approbation ultérieure, ledit M. Malherbe de Goffontaine s’oblige à céder au gouvernement, à la première demande de celui-ci et moyennant le prix de 310,000 fr., sa manufacture d’armes, y compris deux maisons neuves, situées à Liége, quai de la Sauvenière, avec outils, machines et autres objets dont l’indication sera portée à l’inventaire qui sera dressé entre parties.
« Cette disposition relative à ladite cession engage uniquement le propriétaire, et en aucune manière le gouvernement, à conclure l’acquisition projetée. »
En présence de termes aussi formels insérés au contrat passé entre le département de la guerre et le sieur Malherbe, votre commission, malgré tout l’intérêt qu’inspire la position du sieur Malherbe, n’a pas cru pouvoir vous faire d’autre proposition à cet égard.
- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe à la discussion des articles.
« Art. 1. Les sommes ci-après indiquées, montant ensemble à cent vingt-huit mille francs (128,000), et qui sont restées disponibles au budget des dépenses de la guerre pour l’exercice 1837, savoir :
« Sur le chapitre premier :
« Art. 3. Frais de route et de séjour : fr. 6,900 ;
« Sur le chapitre II, première section, solde des états-majors :
« Art. 1er. Etat-major-général : fr. 54,000
« Art. 2. Indemnités de représentation : fr. 3,100
« Art. 3. Etat-major des places : fr. 9,000
« Art. 5. Etat-major de l’artillerie : fr. 14,000
« Art. 6. Etat-major du génie : fr. 31,000
« Sur le même chapitre, section II, solde des troupes :
« Art. 2. Cavalerie : fr. 10,000. »
« Sont transférées au budget susmentionné ainsi qu’il suit, savoir :
« Au chapitre II, section III :
« Art. 4. Masse d’entretien du harnachement, traitement et ferrure des chevaux : fr. 22,500
« Art. 6. Masse de casernement des chevaux : fr. 12,500
« Art. 8. Frais de route des officiers : fr. 39,000.
« Art 9. Transports généraux : fr. 16,000.
« Au chapitre III :
« Art. 2. Pharmacie centrale : fr. 38,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Une somme de un million deux cent neuf mille neuf cent trente-quatre francs quatre-vingt-seize centimes, des crédits disponibles au budget de la guerre pour l’exercice susmentionné, est annulée et sera réduite des chapitres, sections et articles ci- après désignés, savoir :
« Chapitre II, section II, solde des troupes :
« Art. 1er. Infanterie : fr. 330,000
« Art. 2. Cavalerie : fr. 11,000
« Art. 3. Artillerie : fr. 217,000
« Art. 4. Troupes de génie : fr. 53,000
« Art. 5. Gendarmerie : fr. 72,000
« Art. 6. Ambulances : fr. 58,000
« Même chapitre, section III :
« Art. 2. Masse des fourrages : fr. 40,000
« Art. 5. Masse de renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 58,004 96 c.
« Art. 7. Masse de casernement des hommes : fr. 22,000
« Art. 10. Prime de rengagement : fr. 14,000
« Art. 11. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 16,000
« Art. 13. Cantonnement, logement et nourriture : fr. 212,930 fr.
« Art. 14. Frais de découchage des gendarmes : fr. 5,000.
« Chapitre III :
« Art. 3. Hôpitaux sédentaires (personnel) : fr. 60,000
« Chapitre IV :
« Art. 1er. Traitements temporaires de non-activité : fr. 28,000
« Art. 3. Traitements d’employés temporaires : fr. 10,000
« Total : fr. 1,209,934 96 c. »
- Adopté.
« Art. 3. Il est pareillement annulé une somme de quatre-vingt-dix mille francs des crédits disponibles au budget de la guerre pour l’exercice 1836, laquelle sera déduite des chapitres, sections et articles ci-après :
« Chapitre II, section II, soldes des soldats :
« Art. 1er. Infanterie : fr. 6,500
« Art. 3. Artillerie : fr. 4,500
« Art. 4. Génie : fr. 1,000
« Art. 6. Ambulances : fr. 3,000
« Section III :
« Art. 1er. Masse de pain : fr. 2,900
« Art. 2. Masse des fourrages : fr. 5,000
« Art. 3. Masse d’habillement et d’entretien : fr. 6,000
« Art. 4. Masse d’entretien du harnachement, traitement et ferrure des chevaux : fr. 3,600
« Art. 5. Masse de renouvellement de la buffleterie et du harnachement : fr. 13,500
« Art. 6. Masse de casernement des chevaux : fr. 3,000
« Art. 9. Transport généraux et autres : fr. 4,000
« Art. 11. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 12,000
« Art. 13. Cantonnement, logement et nourriture et frais de découchage des gendarmes : fr. 4,500
« Art. 15. Masse de casernement des hommes : fr. 6,500
« Chapitre III :
« Art. 2. Pharmacie centrale : fr. 5,500
« Art. 3. Hôpitaux sédentaires (personnel) : fr. 1,500
« Chapitre IV :
« Art. 1er. Traitements temporaires de non-activité : fr. 3,000
« Art. 3. Traitement d’employés temporaires : fr. 4,000
« Total : fr. 90,000.
- Adopté.
« Art. 4. Il est ouvert un nouveau crédit de la somme de un million deux cent quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cent trente-quatre francs quatre-vingt-seize centimes au budget de la guerre pour l’exercice 1838, à imputer ainsi qu’il suit :
« Chapitre premier :
« Art. 4. Matériel du ministère : fr. 638,000
« Chapitre II, section II, solde des troupes :
« Art. 1er. Infanterie : fr. 294,216
« Même chapitre, section III :
« Art. 1er. Masse de pain : fr. 70,725
« Art. 3. Masse d’habillement et d’entretien : fr. 101,844
« Art. 7. Masse de casernement des hommes : fr. 14,145
« Art. 13. Cantonnement, logement et nourriture : fr. 31,004 96
« Chapitre V :
« Art. 2. Matériel du génie : fr. 150,000
« Total : fr. 1,299,934 96 c.
M. Fallon, vice-président, remplace M. Raikem au fauteuil.
M. A. Rodenbach. - Je n’ai pas l’intention de m’opposer à l’adoption du chiffre de 15,000 fr. pour achat de terrain et construction d’une manufacture d’armes. Mais je désirerais savoir de M. le ministre de la guerre si l’établissement de cette manufacture ne donnera pas lieu à des dépenses considérables ; car la somme demandée pour 1838 n’est assurément qu’un commencement de dépense.
Il n’y a en Belgique qu’une population de 3,800,000 habitants. En Fiance, qui est une puissance militaire du premier ordre, il n’y a que deux manufactures d’armes. Il y en avait d’autres, elles ont été supprimées.
Je pense donc qu’il conviendrait que M. le ministre de la guerre donnât quelques explications sur la quotité et sur l’utilité de la dépense proposée, et dît s’il n’y aurait pas plus d’économie à ne pas établir cette manufacture d’armes.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Pour le dernier objet de la demande d’éclaircissements de l’honorable M. A. Rodenbach, je me réfère à l’exposé des motifs ainsi qu’à tous les éclaircissements plus étendus donnés à la section centrale et qui étaient de nature à n’être développés que devant cette section.
La section centrale n’a pas manqué de demander à combien s’élèverait la dépense de construction d’une manufacture d’armes ; et j’ai annoncé que d’après le devis que j’ai fait faire, il faut supposer que la dépense totale ne dépassera pas 300,000 fr. Mais, comme je pense qu’en raison de ce que la saison est avancée, on ne dépensera cette année que 100,000 fr., j’ai borné ma demande de crédit à cette dernière somme.
M. de Behr. - Nous ne reconnaissons pas la nécessité d’établir la manufacture d’armes dont parle M. le ministre de la guerre. Sous le gouvernement hollandais, jamais on n’a senti la nécessité d’avoir un pareil établissement. Je crois que c’est là une mauvaise entreprise ; d’abord elle est contraire aux usages qui se pratiquent à Liége. On sait que là toutes les pièces sont fabriquées par des ouvriers différents qui les vendent ensuite. Il résulte de là qu’on a l’avantage de faire un choix. Les premiers fabricants chez nous, qui avaient les moyens d’établir une manufacture d’armes sur une grande échelle, ne l’ont jamais voulu, parce qu’ils ont pensé qu’il y aurait perte ; ils se bornent à rassembler les pièces et à les monter, ils achètent au marché les pièces vendues par des ouvriers qui fabriquent exclusivement certaines pièces. Ils choisissent, pour faire ces achats, le moment le plus favorable.
Au contraire, s’il y a une manufacture d’armes du gouvernement, quelle que soit la cherté du fer et du combustible, elle ne pourra jamais chômer. Je ne sais pas pourquoi on engagerait l’Etat dans une dépense de 300,000 fr., qui pourra peut-être par la suite s’élever jusqu’à un million de francs. Pour moi, je pense qu’il convient d’ajourner l’article. J’en fais la proposition.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je donnerai quelques explications en réponse à l’honorable préopinant, quoique toutes les explications désirables aient été données à la section centrale, qui n’aurait pas manqué d’élever des objections si elle n’avait pas trouvé ces explications suffisantes.
Je commencerai par dire que l’appréhension de l’honorable préopinant de voir s’étendre la dépense de l’établissement d’une manufacture d’armes est sans aucun fondement.
Sous le gouvernement hollandais il n’y avait pas, dit-il, de manufacture d’armes. Cela est exact. Mais le gouvernement hollandais faisait faire à peu près toutes les armes par un seul fabricant, et il faisait marché avec lui de la main à la main. Il avait donc sur lui à peu près la même action, la même surveillance que le gouvernement pourra avoir sur une manufacture à son compte.
Depuis la révolution, le principe qui a dominé dans l’acquisition des armes de guerre a été l’adjudication publique ; il y a eu ainsi une coïncidence, par suite de laquelle on a eu les armes à trop bon marché. Les fabricants fournissant avec perte n’ont pas rempli leurs engagements. On comprend que les fabricants fournissant avec perte auront fourni le moins bon possible. C’était en quelque sorte une loi de leur position. Mais le gouvernement, ayant les ouvriers sous les yeux, sera plus certain que le travail sera fait d’une manière convenable.
L’honorable préopinant dit qu’il y aurait économie à ne pas avoir de manufacture d’armes, parce que les fabricants choisissent le moment le plus convenable pour travailler, tandis que les frais seront les mêmes pour le gouvernement, quand il sera obligé de laisser choisir la manufacture d’armes. Mais cette appréhension n’est nullement fondée. L’échelle de l’établissement que le gouvernement compte construire sera telle qu’il ne chômera pas. On sait quelles sont les pièces de rechange qu’il faut pour entretenir l’armement, et le nombre d’armes neuves qu’il faut pour le compléter. La nouvelle fabrique satisfera à ce double besoin sans le dépasser.
Et ceci démontrera encore, si l’on veut bien y réfléchir, qu’il est impossible que la dépense de cette fabrique s’élève aussi haut qu’on le craint ou que l’honorable préopinant paraît le craindre.
Je me résume en disant que je regarde comme une chose très utile pour le pays, et nuisible sous aucun rapport, d’établir la fabrique d’armes dont il s’agit.
M. Pollénus. - Si j’ai bien compris l’auteur de la proposition, ce n’est pas le rejet de l’article qu’il demande, mais simplement l’ajournement : en appuyant cette proposition, je demanderai de l’ajourner seulement jusqu’à la discussion du prochain budget ; l’ajournement ainsi limité sera d’accord avec le règlement.
A en juger d’après le rapport, le gouvernement a loué l’établissement du sieur Malherbe pour y fabriquer des armes ; le contrat est de la fin d’octobre 1838 et pour 3, 6 ou 9 ans ; ainsi il reste dans tous les cas plusieurs termes à parcourir encore. Je ne vois pas d’abord que le gouvernement soit dispensé de payer une indemnité à M. Malherbe s’il renonçait à son bail : dans cet état de choses je me demande pourquoi on vient nous proposer de constituer un établissement, tandis que nous sommes chargés d’un loyer pour un établissement semblable. Il n’y a pas d’économie dans cette manière d’opérer, je ne puis y voir qu’un double emploi.
Il me semble qu’on devrait attendre la discussion du budget prochain de la guerre avant de prendre une décision sur la question.
Je regrette que ce soit dans une loi de transfert que l’on pose incidemment le principe d’une dépense qui peut devenir considérable. Car, qu’on ne s’y méprenne pas, on demande aujourd’hui 150 mille francs, mais ou ne sait pas où s’arrêteront les demandes subséquentes. Selon M. de Behr, l’établissement coûtera un million en comprenant les machines, les mécaniques nécessaires. Les 300,000 francs, dont on a parlé, ne paraissent se rapporter qu’aux constructions simplement.
Je n’aime pas que l’on s’engage dans des dépenses que l’on ne peut apprécier. Je vois bien, dans le rapport de la section centrale, qu’elle nous dit avoir reçu tous les renseignements désirables : mais pour moi, je n’en ai pas ; et c’est surtout dans le département de la guerre que j’aime voir clair en matière de dépenses ; car, vous le savez, le budget de ce département absorbe à peu près la moitié des revenus de l’Etat.
L’expérience, comme l’a dit M. de Behr, a fait reconnaître qu’il était infiniment plus utile et plus économique de continuer à se procurer les armes de guerre sur l’ancien pied. De cette manière les pièces de rebut ne tombent pas à la charge du gouvernement. Si nous voulons nous engager dans la voie qu’il veut ouvrir, le gouvernement tentera de faire un établissement sur une grande échelle ; mais la Belgique ne sera pas dans le cas, je l’espère, de consommer autant d’armes que l’on veut en faire dans la fabrique projetée, et le gouvernement serait alors obligé de devenir commerçant.
Quoi qu’il en soit, il y a d’autres objets, me semble-t-il, sur lesquels il est plus utile d’appliquer notre attention et les fonds de l’Etat. Depuis trois ans la chambre a alloué des fonds pour mettre nos frontières du nord en état de défense. La ville de Diest, par exemple, est considérée comme un point militaire important ; cependant on n’y a pas commencé de travaux, quoiqu’un crédit soit ouvert dans ce but. On dit, il est vrai, qu’il s’est élevé entre le gouvernement et la régence de cette ville quelque difficulté relativement aux remparts ; mais pourquoi cette difficulté n’est-elle pas levée ? On a eu tout pour cela. La ville de Diest a d’ailleurs été place forte. Est-ce parce que la régence y a établi une promenade, par exemple, que le gouvernement aurait perdu ses droits ? Une pareille difficulté n’a pas paru dans le temps arrêter le gouvernement : à Hasselt, il s’est emparé des remparts, et l’on s’est occupé de l’indemnité plus tard. Je le répète, messieurs, le besoin de fortifier notre frontière du nord me paraît bien plus pressant que celui de construire une fabrique d’armes, dont on a fort bien pu se passer jusqu’aujourd’hui. Je propose, en conséquence, l’ajournement de l’allocation demandée jusqu’à la discussion du prochain budget de la guerre.
M. de Jaegher. - Les explications qu’a demandées M. Pollénus ont été données par le ministre de la guerre à la section centrale. On a parlé d’un bail ; et comme il porte que le gouvernement prendra la fabrique de M. Malherbe pendant trois, six ou neuf années, on en conclut que l’on peut ajourner l’allocation jusqu’au prochain budget. Mais M. Pollénus n’a pas réfléchi qu’une fabrique d’armes ne peut s’établir qu’au bout de trois ou quatre ans, et qu’il faut commencer les travaux à l’avance. Si le gouvernement a contracté pour trois ans au moins, c’est dans l’intention de commencer les travaux et de pouvoir espérer les terminer pendant ce temps. Ce motifs nous ont portés à croire que la demande du ministre ne devait pas être ajournée.
Quant à l’utilité de la fabrique d’armes par le gouvernement, je ne sais si M. Pollénus peut en apprécier les avantages. Par exemple, un grand avantage résulte de l’utilité dans la fabrication des armes de guerre, car lorsqu’une pièce peut encore servir, on l’applique à une autre arme. Aujourd’hui les fabricants achètent de divers ouvriers toutes les pièces qui entrent dans un fusil, et les réunissent.
Les fabricants d’armes de Liége ne sont pas intéressés dans la question qui nous occupe ; ils n’ont pas réclamé contre la fabrication des armes de guerre par le gouvernement. Il y a, il est vrai, un intérêt particulier en jeu, c’est celui du propriétaire de l’établissement où le gouvernement a établi momentanément sa fabrique ; mais, excepté cet intérêt privé, les fabricants d’armes de Liége ont déclaré, par l’organe de quelques-unes d’entre eux, que la fabrication d’armes de guerre par le gouvernement aurait pour résultat de faire disparaître des rivalités nuisibles à leurs propres intérêts.
Il est encore d’autres considérations dans le développement desquelles je ne crois pas devoir entrer, et qui démontrent l’utilité et l’opportunité de la proposition faite par le gouvernement.
M. Pollénus. - Puisque, selon le préopinant, l’on est convaincu de notre peu d’aptitude à juger de l’utilité d’un établissement pour la fabrication des armes par le gouvernement, je suis étonné que l’on ne se soit pas donné la peine de nous éclairer davantage, et dans la discussion, et dans les documents qui nous ont été remis. Si je me suis trompé, c’est appuyé d’autorités respectables ; c’est appuyé de l’autorité du gouvernement précédent, de celle du ministre de la guerre lui-même (voir les budgets jusqu’à ce jour). Je puis donc me consoler avec d’autres, si je partage leur erreur.
« Mais, dit l’honorable préopinant, les fabricants d’armes de Liége n’apprécient pas leur intérêt ; l’établissement d’une fabrique d’armes par le gouvernement sera très favorable ; aujourd’hui, il existe une concurrence fâcheuse, embarrassante, pour le gouvernement ; si le gouvernement établit une manufacture d’armes, cette concurrence, cette rivalité viendra à cesser. »
Je vous avoue, messieurs, que ce raisonnement ne me paraît en aucune manière fondé ; je ne conçois pas comment le gouvernement, s’établissant le concurrent de tous les fabricants, de tous les ouvriers de Liége et des faubourgs, pourrait améliorer leur position et ne pas se trouver lui-même dans une position très difficile.
J’insiste donc, messieurs, pour que nous conservions à un projet tel que celui-ci son caractère de spécialité, et que nous ne le votions pas à la légère, à l’occasion d’un simple projet de crédits supplémentaires.
M. Desmet. - En général, messieurs, le gouvernement est un mauvais fabricant, un mauvais manufacturier, un mauvais industriel ; je serai donc toujours disposé, dans de semblables occasions, à soutenir vivement les intérêts de l’industrie particulière. Cependant, messieurs, dans la circonstance actuelle, il ne s’agit pas d’économie, il s’agit de la défense du pays, il s’agit de procurer de bonnes armes à note armée, et comme M. le ministre de la guerre déclare qu’une fabrique d’armes lui est indispensable, je considère le vote qui nous est demandé comme un vote de confiance, et je l’accorderai dans l’intérêt de la sûreté du pays.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, l’honorable préopinant nous dit qu’il s’agit ici d’un vote de confiance ; il suffit à ses yeux que le gouvernement déclare qu’il y a nécessité d’établir une fabrique d’armes, pour qu’il donne son assentiment au projet. Il me paraît cependant, d’après les pièces que j’ai sous les yeux, qu’il est question d’autre chose ici que de ce qui frappe l’honorable membre ; le gouvernement a deux ou trois moyens de fabriquer des armes ; il s’agit de faire un choix ; or, quel est, dans l’intérêt de l’Etat, le meilleur de ces moyens ; quel est celui qu’il faut choisir pour satisfaire à ce que peut exiger la bonne foi, l’équité. C’est ce qui ne m’est pas démontré, et c’est pour cela que j’appuierai la motion d’ajournement, d’autant plus que la question nous surprend en quelque sorte à l’improviste, puisque ce n’est que dans la présente séance qu’on nous a fait le rapport sur la pétition du sieur Malherbe.
J’ai entendu, messieurs, un honorable membre de la commission insister sur l’importance qu’il y a à ce que le gouvernement fabrique lui-même les armes dont l’armée a besoin ; il a même dit que cela importait dans l’intérêt des fabricants eux-mêmes. Mais, messieurs, si le contrat dont on a parlé s’exécute, le gouvernement fabriquera des armes ; si le bail s’exécute, le gouvernement fabriquera encore des armes ; si le gouvernement renonce à l’achat de l’établissement de M. Malherbe, et qu’il achète un autre terrain pour y construire une fabrique, il fabriquera également des armes. Voilà trois moyens parmi lesquels il s’agit de choisir le meilleur, et nous n’avons aucune donnée pour nous prononcer aujourd’hui sur un semblable choix.
D’un autre côté, messieurs, quel est le parti le plus conforme à l’équité, à la bonne foi ? C’est encore là une question que nous ne sommes pas à même de décider aujourd’hui ; le contrat que j’ai sous les yeux est assurément un contrat inusité ; c’est un contrat qu’on pourrait regarder peut-être comme radicalement nul, car il renferme une clause par laquelle il est stipulé que le vendeur seul est lié, et qui m’acheteur ne l’est pas ; je ne conçois rien à une pareille stipulation. Qu’est-ce en effet qu’une vente où le vendeur vend, mais où l’acheteur n’achète pas ? Ce n’est rien, me semble-t-il. Il y a cependant lieu de croire qu’on a voulu faire quelque chose, et s’il faut s’en rapporter au sieur Malherbe, cette clause n’a été rédigée de la sorte que parce que M. le ministre, qui peut bien lier l’Etat pour un bail, lequel rentre dans son administration, ne peut pas, sans avoir obtenu l’autorisation de la législature, contracter un marché qui doit grever le pays. S’il en est ainsi, l’on aurait mieux fait de stipuler que le contrat ne serait obligatoire pour l’Etat que sauf l’approbation des chambres, et dans ce cas il aurait convenu de demander la ratification de la législature au lieu de renoncer au marché pour en conclure un autre, sans avoir consulté la chambre.
Remarquez, messieurs, qu’il y a dans le contrat une autre clause qui donne lieu de croire que c’est réellement à la ratification des chambres qu’on a voulu s’en référer ; cette clause porte :
« En attendant la décision à intervenir au sujet de ladite acquisition, le propriétaire donne par les présentes, à bail, etc. »
Quelle est cette décision à intervenir ? Je comprends, messieurs, que c’est la décision des chambres qui ont seules le pouvoir de grever l’Etat ; en effet, dans l’approbation donnée au contrat par M. le ministre de la guerre, je remarque ce qui suit :
« Le ministre de la guerre approuve le présent contrat, pour l’acquisition éventuelle par l’Etat et la location actuelle par le département de la guerre, etc. »
Ainsi, M. le ministre de la guerre dit que c’est le département de la guerre qui conclut le bail, et que c’est l’Etat qui fera l’acquisition, si l’acquisition doit être faite. Or, qui est-ce qui représente l’Etat pour tout ce qui peut le grever ? C’est la législature.
Il paraît donc certain qu’on a traité avec le sieur Malherbe, sauf l’approbation des chambres ; le sieur Malherbe, comme le prouve sa pétition, désire encore que le contrat soit exécuté : il fallait donc consulter la législature pour savoir si elle approuve le marché.
Aujourd’hui on nous demande un crédit pour faire une nouvelle acquisition, cela ne me paraît pas régulier ; dans tous les cas, nous n’avons pas les renseignements nécessaires pour décider en connaissance de cause les différentes questions que cette demande soulève, nous devons donc ajourner notre vote. Nous devons l’ajourner d’autant plus que rien ne périclite, car s’il y a urgence de fabriquer des armes, il a été pourvu à cette urgence par le bail qui a été conclu en attendant la décision à intervenir sur la cession de l’établissement ; ce bail n’est conclu que depuis quelques mois, et il est obligatoire pour 3 ans au moins ; il n’y a donc rien qui puisse nous entraîner à prendre une résolution précipitée, alors que les faits ne sont pas suffisamment éclaircis. Par ces considérations, je voterai l’ajournement demandé.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, l’honorable M. de Jaegher vous a très bien exposé pourquoi l’ajournement est tout à fait intempestif ; il est indispensable que vous accordiez dès à présent les fonds demandés ; car d’ici à l’expiration du premier terme du bail, il n’y a que le temps strictement nécessaire pour établir la nouvelle fabrique ; car remarquez, messieurs, que le premier terme du bail, c’en est la fin, puisque le propriétaire est libre de le résilier à l’échéance de ce premier terme, s’il le trouve convenable.
Je répondrai à l’argumentation de l’honorable M. Dubus que lorsque le bail a été conclu avec le sieur Malherbe, il n’était pas question de soumettre le contrat de vente à l’approbation de la législature, par la raison toute simple que je n’avais pas l’intention bien positive d’acheter l’établissement ; dans le courant de l’année dernière, des circonstances particulières concernant l’armement de nos troupes m’ont porté à réunir une commission d’officiers supérieurs de l’artillerie et de l’infanterie, pour émettre son avis sur les modifications à introduire dans ces branches importantes du service ; pendant que la commission s’occupait de son travail, M. Malherbe est venu lui-même me présenter un long mémoire, dans lequel il développait les avantages qu’il y aurait pour le gouvernement à fabriquer des armes ; il me faisait en même temps l’offre de sa manufacture ; cette offre et la question traitée dans le mémoire, furent soumises à la commission, qui émit l’avis qu’il était très convenable, nécessaire même, que le gouvernement se chargeât lui-même de la fabrication des armes. J’ai ensuite autorisé la location immédiate et l’achat éventuel de l’établissement du sieur Malherbe ; certes, une semblable acquisition ne pouvait devenir définitive sans avoir obtenu la sanction des chambres, et s’il s’était agi d’acheter définitivement l’établissement dont il s’agit, je me serais borné à faire une réserve à cet égard ; mais je n’ai pas voulu me lier, par le motif que je n’étais pas convaincu que l’établissement fût convenable ; depuis, je l’ai vu moi-même, et j’ai acquis la certitude qu’il ne satisfaisait pas à tous les besoins de la fabrication des armes dont l’armée a besoin, et qu’il serait nécessaire de faire encore des dépenses considérables pour l’agrandir, et pour l’entretenir dans un état convenable, afin que la fabrication complète pût y avoir lieu : voilà quels sont les motifs pour lesquels je n’ai pas voulu user de la faculté que je m’étais réservée d’acquérir ou de ne pas acquérir. La ratification des chambres ne devait être qu’une conséquence de ma propre détermination d’acquérir ce local ; il fallait, pour qu’il y eût lieu à intervention de la part de la chambre, qu’elle fût saisie d’une proposition.
Quant à moi, j’étais résolu à ne pas faire cette proposition, parce que je ne l’aurais pas regardée comme conforme aux intérêts du pays.
L’on a argumenté de la teneur du contrat, et l’on a dit que la clause qui lie en quelque sorte le propriétaire de la manufacture et qui ne lie pas le gouvernement pouvait rendre le contrat nul. Je pense que ceci est une exagération ; le propriétaire n’est pas plus tenu de vendre son terrain que le gouvernement n’est tenu de l’acheter. Du reste, le contrat est régulier ; je ne pense pas que la clause dont il s’agit puisse le rendre nul.
On a employé, à propos de cela, l’expression de bonne foi ; et l’on a argumenté des inductions qu’on pouvait tirer du contrat, pour juger que les choses ont pu se passer de la manière qui est indiquée dans la pétition.
Je dois protester de la manière la plus formelle contre une telle argumentation ; j’opposerai, moi, à ces inductions, la déclaration positive que tout s’est passé avec la plus entière bonne foi, et je pense que la section centrale doit avoir acquis la conviction que les choses se sont passées ainsi.
Je n’ai jamais dit ni écrit un mot qui pût faire croire au propriétaire de la manufacture dont il s’agit, que mon intention était d’acquérir son établissement. Je pense dès lors que je puis laisser cette question entièrement de côté, et me restreindre à celle-ci : « Est-il convenable que le gouvernement achète dès à présent un terrain pour établir une manufacture d’armes ? ou bien, y a-t-il lieu d’ajourner ? » Je ne puis que répéter ce que l’honorable M. de Jaegher vient de dire à cet égard : c’est qu’on a pris, pour établir une manufacture d’armes convenable, le moment où, le bail cessant, on n’était plus tenu par aucun engagement.
Je pense que ce ne sera qu’en 1840 que le nouvel établissement pourra être complétement en activité, si toutefois on le commence dès cette année ; c’est pourquoi j’insiste pour que le crédit soit accordé.
M. David. - Messieurs, l’utilité d’une fabrique d’armes à Liége au compte du gouvernement me paraît une chose bien douteuse.
En effet, si la Belgique était forcée de subir les 24 articles, si elle était condamnée à la neutralité, à quoi bon une fabrique d’armes propriété du gouvernement, quand nous avons plusieurs fabriques de particuliers qui ont toujours eu la réputation de livrer un travail parfait ?
Ce que je viens de dire, messieurs, m’amène à ajouter qu’il serait plus convenable au gouvernement de continuer le bail avec M. Malherbe, pour faire des essais, jusqu’à notre stabilité complète, que de commencer des établissements dont on ne peut dès aujourd’hui indiquer la valeur, et qu’on sera peut-être forcé de laisser chômer plus tard.
Il y a aussi, messieurs, des considérations d’équité qui doivent réveiller la sympathie de la chambre en faveur du contrat de M. Malherbe, car si on rompt ce contrat brusquement, il est évident qu’on fait un tort considérable à M. Malherbe qui a abandonné depuis quelque temps les affaires de la fabrication et sa clientèle.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne puis qu’appuyer les observations de l’honorable M. David. Il est certain que dans l’état où la Belgique se trouvera lors de la conclusion d’un traité de paix avec la Hollande, une manufacture d’armes, aux frais de l’Etat, ne serait pas seulement inutile, mais encore onéreuse au pays.
En effet, lorsque la Belgique aura acquis la neutralité, je vous le demande, messieurs, à quoi servira une manufacture d’armes dans laquelle on pourra faire mille fusils par mois ?
Je ne pense pas, messieurs, que ce soit là une conception heureuse pour un pays qui n’est pas destiné à devenir une puissance belligérante. Je conçois qu’en France et dans d’autres pays ou l’état militaire est un état permanent, une fabrique d’armes aux frais de l’Etat puisse avoir un certain degré d’utilité ; mais chez nous une telle fabrique serait réellement une superfétation, un non-sens.
Le roi Guillaume qui, certes, s’entendait en matière d’économie politique, n’a jamais songé à créer une manufacture d’armes, quoique le royaume des Pays-Bas fût le double de la Belgique actuelle. Le roi Guillaume s’était borné à faire des acquisitions dans les fabriques d’armes de Liége. Depuis la révolution nous avons réorganisé notre armée, au moyen d’acquisitions faites chez les fabricants de la même ville et des environs. Il me semble qu’alors que ce système a été suivi pour l’armement de l’armée, il ne doit pas être modifié après que l’organisation de l’armée a eu lieu.
Je ne conçois d’exception à ce système que lorsqu’il s’agit d’une fonderie de canons, car il faut que la fabrication des pièces d’artillerie soit entourée de garanties, pour qu’elles puissent servir d’une manière convenable. C’est pourquoi aussi le gouvernement a établi une fonderie de canons. Mais vouloir établir une fabrique d’armes aux frais de l’Etat, lorsque dans quelque temps peut-être la Belgique sera déclarée neutre, lorsque nos principales forteresses seront rasées, je vous le demande, à quoi servira une pareille manufacture ? Si le système du ministre était adopté, je demanderais pourquoi le gouvernement n’établirait pas aussi une manufacture de draps, une manufacture de toiles, afin de se procurer le drap et la toile à meilleur compte. En réalité, il n’y a pas de différence entre ce dernier cas et celui dont nous nous occupons.
Quant à la question qui a été soulevée, je dirai que j’ai eu l’occasion de voir le contrat de M. Malherbe, et qu’il est résulté pour moi cette conviction intime que, dans la passation de ce contrat, la première chose qui avait été mise en avant était celle relative à l’acquisition de l’établissement. Est-ce agir avec une loyauté parfaite, après avoir fait l’acquisition de la fabrique de M. Malherbe que de venir le lendemain chercher à acheter un terrain à côté ? Et si je suis bien informé, la fabrique que l’on se propose d’établir sera au faubourg de Liége qui regarde Maestricht ; de manière qu’on établirait la manufacture dans un endroit où, à la suite d’une sortie inopinée de Maestricht, l’ennemi pourrait venir détruire la fabrique. Si le gouvernement établit une semblable manufacture, il doit l’établir de manière à la rendre à l’abri d’un coup de main de l’ennemi. En France, on a établi une fabrique d’armes dans le midi, précisément pour la mettre à l’abri d’un coup de main, pour la tenir éloignée des frontières. D’ailleurs, je le répète, c’est une idée malencontreuse que de vouloir établir une manufacture d’armes chez nous. En général, le gouvernement est mauvais fabricant en toutes choses, et puisque l’armement de notre armée a été effectué au moyen d’acquisitions faites chez des particuliers, il n’existe pas de motif pour que nous changions de système.
Je voterai, en conséquence, contre tout crédit qui tendrait à acquérir un terrain pour l’établissement d’une fabrique d’armes.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, l’on établir en général des fabriques d’armes là où l’on trouve les meilleurs ouvriers. Or, comme Liége est la seule localité où l’on fabrique les armes sur une grande échelle, c’est naturellement la place où il faut établir une manufacture d’armes.
Quant à la position de cette manufacture dans le faubourg de St-Léonard (elle ne serait donc pas à côté de la fabrique de M. Malherbe, comme l’avait dit M. Dumortier), je ferai observer que cette fabrique se trouvera à côté de la fonderie de canons, et sous le canon de la citadelle.
M. Dumortier est revenu sur la teneur du contrat, et il a dit qu’il avait la conviction que la première condition de ce contrat avait été que le gouvernement ferait l’acquisition de l’établissement de M. Malherbe ; que dès lors M. Malherbe devait naturellement croire que c’était là mon intention.
Je suis surpris que M. Dumortier soit revenu sur cette insinuation, alors que j’avais déclaré positivement qu’il n’en était rien. Je défie qu’on cite un seul mot de moi, d’où l’on puisse induire que mon intention était de proposer l’acquisition de l’établissement de M. Malherbe. Je dirai que cette clause insolite (pour me servir de l’expression de M. Dubus) n’a été véritablement conservée dans le contrat que parce qu’elle devait servir d’avertissement au propriétaire que j’entendant n’être nullement tenu envers lui. Ainsi la conséquence qu’il est raisonnable de tirer de cette clause est inverse de celle que M. Dubus, et après lui M. Dumortier, ont voulu en faire ressortir.
M. Dumortier demande pourquoi, si l’Etat se fait fabricant d’armes, il ne se ferait pas fabricant de drap ; il trouve qu’il n’y a entre ces deux choses aucune différence. Tout autre que M. Dumortier trouvera qu’il n’y a aucun rapport.
M. Dumortier trouve que le gouvernement peut avoir une fonderie de canons ; car, dit-il il faut des garanties pour que les canons soient bons. Comme, d’un autre côté, il trouve inutile d’avoir une fabrique d’armes, on doit croire qu’il suppose qu’il est inutile d’avoir des garanties de la bonté des armes. Il est inutile, messieurs, de vous faire remarquer toute l’importance de ces garanties, afin que le soldat ne soit pas trahi par son arme.
On a insisté surtout sur l’inutilité de la fabrique pour le temps de paix. Ceci dépend évidemment de la proportion que l’on donnera à la fabrique elle-même.
Mais il est bien certain que la Belgique, toute neutre qu’elle est sur le papier, voudra avoir une certaine garantie de sa neutralité. Elle a des établissements importants à garder, des villes de guerre où elle aura toujours une armée en garnison, une armée qui devra avoir des armes. Nous devrons alors avoir un approvisionnement d’armes représentant le double des armes qui se trouvent entre les mains des troupes.
Tout le monde sait que même en temps de paix les armes n’ont qu’une certaine durée. On n’a qu’à calculer le nombre d’hommes qu’on devra conserver sous les armes pour apprécier le nombre d’armes qu’on devra fabriquer annuellement et réparer, les deux choses devant avoir lieu en même temps.
Je dirai seulement quelques mots sur le tort que cette fabrique pourrait faire au commerce. Je prierai la chambre de faire attention que la fabrication des armes a deux objets : les armes de guerre et les armes de commerce. Les fabricants de Liège sont habitués à fabriquer des armes pour le commerce ; la fabrication des armes de guerre n’est pour eux qu’un accessoire ; quand la fabrication des armes de guerre est donnée comme accessoire à un fabricant d’armes de commerce, c’est un objet de jalousie pour les autres fabricants et un moyen de lui faire une concurrence nuisible en accaparant un certain nombre d’ouvriers ; une lutte s’ensuit, la main-d’œuvre augmente, et l’arme, revenant plus cher que ne l’avait calculé le fabricant, est moins soignée, et on a de moins bonnes armes.
De la distinction que j’ai signalée entre la fabrication d’armes de guerre et la fabrication d’armes de commerce, il résulte qu’en retirant au commerce la fabrication des armes de guerre, on ne lui portera pas un préjudice réel. C’est ce qu’a affirmé un honorable préopinant, qui vous a dit que les fabricants d’armes de Liège ne se plaignent pas du projet du gouvernement. Quant à moi, aucune réclamation ne m’a été adressée à cet égard, quoique les fabricants de Liége n’ignorassent pas l’intention du gouvernement d’établir une fabrique d’armes de guerre.
Je répète que l’ajournement qu’on propose serait très nuisible, d’abord parce qu’il s’agit de s’assurer d’un terrain, et que dans toutes les villes du pays, et à Liége surtout, la valeur des terrains va toujours en augmentant, dans une proportion très forte ; d’où il résulte que si le gouvernement veut acquérir, il faut qu’il le fasse en temps opportun. Quant aux travaux de construction, il faut que le gouvernement ait le temps de les exécuter, de manière à avoir une manufacture d’armes bien organisée au moment où expirera le bail avec le sieur Malherbe.
M. Desmaisières. - Je dois justifier la commission du reproche de laconisme qu’on a adressé à un de ses membres, mais qui, en réalité, était adressé à tous. Nous avions pensé que toute la chambre, dans une matière aussi délicate, nous approuverait de garder une sage réserve sur les motifs qui avaient porté le ministre à faire la proposition d’établir une manufacture d’armes, et sur les motifs qui nous avaient portés à l’adopter. Nous avions cru qu’il suffisait de déclarer qu’en notre âme et conscience nous croyions la mesure utile au maintien de la bonne organisation de notre armée, pour que personne dans cette chambre n’élevât aucune objection. S’il m’était permis de vous lire les notes qui nous ont été remises par le ministre de la guerre, mais dont je crois pouvoir offrir la communication particulière à mes honorables collègues, je suis persuadé que vous seriez convaincus de l’utilité, de la nécessité, de l’urgence de l’exécution de cette proposition. Je dirai même, en réponse à des assertions émises par d’honorables membres, que si le roi Guillaume avait établi une manufacture d’armes pour le compte du gouvernement, nous n’aurions pas manqué d’armes, et de bonnes armes, pour les défenseurs de la patrie au mois d’août 1831.
Maintenant, je conviens que sous le rapport de l’exécution, depuis l’opinion émise par la section centrale, cette question s’est un peu modifiée, par suite de l’opposition faite par le fabricant qui avait loué sa fabrique au gouvernement. Nous avions eu le soin de demander au ministre de la guerre, préoccupés toujours comme nous devons l’être de l’intérêt matériel du pays, de l’intérêt des diverses industries du pays, s’il n’y avait pas d’opposition de la part des fabricants d’armes de Liége. M. le ministre de la guerre nous a répondu qu’il n’y en avait pas. En effet, aucune ne s’est manifestée, si ce n’est celle que vient de faire M. Malherbe, propriétaire de la fabrique louée au gouvernement ; qui, dans sa pétition dont je viens de vous faire le rapport, dit que les fabricants d’armes de Liège, qui ne faisaient pas d’opposition à la fabrication des armes de guerre par l’Etat, aussi longtemps qu’il s’agissait de l’achat de sa fabrique par le gouvernement, sont prêts à faire opposition à la mesure proposée aujourd’hui.
On le conçoit. Le sieur Malherbe, fabricant d’armes pour le commerce, a destiné son établissement à la fabrication des armes de guerre. Dès lors, il était indifférent à l’industrie de Liége que ce fût le sieur Malherbe ou le gouvernement qui fabriquât des armes de guerre, parce que lorsque l’article des armes de commerce est prospère, les fabricants d’armes en général préfèrent travailler pour le commerce que pour le gouvernement. Mais maintenant qu’il s’agit d’établir pour les armes de guerre une autre fabrique que celle du sieur Malherbe, et que celle-ci devra être livrée à la fabrication des armes de commerce, il en résultera une concurrence pour les autres fabricants. Ou peut prévoir, par la pétition du sieur Malherbe, qu’il y aura de leur part une certaine opposition.
Je ne sais si en présence de l’utilité, de la nécessité, de l’urgence de la mise à exécution du projet du ministre, cette opposition probable de l’industrie de la fabrication des armes nous paraîtra de nature à le faire ajourner. Il est de fait que nous arrivons à la fin de la session, à une époque assez avancée et qui n’est pas loin d’une autre époque où nous discuterons le budget. Dans mon opinion personnelle, je pense qu’il n’y a aucun temps à perdre, surtout en présence des mouvements politiques qui ont l’air de se préparer.
M. Verhaegen. - Messieurs, je ne me proposais pas de prendre la parole dans cette discussion ; mais la lecture d’une partie du contrat passé avec le sieur Malherbe a éveillé mon attention. Je me permets de vous communiquer mes idées sur ce point.
On vient de vous dire que la fabrication des armes de guerre par le gouvernement était une chose indispensable. L’honorable rapporteur n’a pu communiquer entièrement sa pensée. Vous apprécierez les motifs de son silence. Quant à moi je comprends les motifs qui ont déterminé la commission, et chacun des membres de l’assemblée pourrait en faire autant. Et l’honorable M. Dumortier, s’il connaissait ces motifs, se rangerait aussi de notre avis.
Quoi qu’il en soit, il me semble que la nécessité de cette fabrication par le gouvernement a été reconnue ; comme l’a dit l’honorable M. Dubus, il ne s’agit que du mode de fabrication par le gouvernement, car la fabrication par le gouvernement existe en principe. Le gouvernement fabrique ; mais il fabrique dans un local qu’il tient en location. Cette location doit-elle continuer, ou bien convient-il que le gouvernement achète un terrain et bâtisse une fabrique ? Voilà toute la question.
Eh bien, si j’examine le contrat passé avec le sieur Malherbe, j’ai la conviction intime que l’intérêt du gouvernement exige qu’il en finisse avec lui et bâtisse une fabrique convenable.
En effet, le gouvernement paie annuellement 20 mille francs au sieur Malherbe ; il doit entretenir tous les ustensiles, les machines, sauf la machine à vapeur ; il est responsable de toutes les détériorations, et s’il fait faire des bâtisses nouvelles, elles appartiennent au propriétaire sans la moindre indemnité. C’est probablement par cette raison qu’on a ajouté la clause qu’il serait libre au gouvernement d’acquérir la fabrique de M. Malherbe moyennant la somme de 310,000 fr., et que le propriétaire serait lié, mais non le gouvernement. Ce qui a fait dire à l’honorable M. Dubus que le contrat, à raison de cette condition qu’il considère comme potestative, fut frappé de nullité.
Je n’examinerai pas la question de savoir si cette condition est potestative et si cette condition potestative doit entraîner la nullité du contrat. Mais ce contrat serait-il nul, ce que le gouvernement demande et ce qu’il pense devoir être dans l’intérêt du gouvernement, au lieu que le gouvernement achète pour 310,000 fr. plusieurs petites maisons, qui en définitive ne constituent pas un ensemble, si les renseignements qui m’ont été donnés sont exacts ; ne vaut-il pas mieux avoir un bel et bon bâtiment qui coûtera 300,000 fr. ?
Ici l’intérêt particulier se trouve tant soit peu en jeu. Je viens d’entendre de la bouche de l’honorable rapporteur que les fabricants de Liége, d’après ce qu’a dit M. Malherbe, n’ont pas fait d’opposition aussi longtemps que le gouvernement se proposait d’acquérir sa fabrique ; aujourd’hui que le gouvernement ne veut plus faire cette acquisition, ils feront avec lui de l’opposition. Voilà un intérêt particulier en jeu.
Maintenant vaut-il mieux que le gouvernement construise pour 300,000 francs un bel et bon bâtiment, alors qu’il est démontré que le gouvernement doit fabriquer lui-même les armes, au lieu d’acheter pour 310.000 francs de toutes petites maisons qui ne valent pas une fabrique ? On paie annuellement 20,000 francs. Le bail a été passé pour 9 ans en 1837, avec faculté pour le gouvernement de résilier au bout de la troisième et de la sixième année en avertissant 3 mois d’avance. La première période triennale va finir en 1840. Il faut, pour se débarrasser du bail, que le gouvernement prévienne 3 mois d’avance.
Il faut donc prendre ses mesures quelque temps avant qu’une période soit terminée. Si on attend jusqu’en 1840, le gouvernement n’aura pas le temps d’organiser une manufacture d’armes, il faudra donc commencer une seconde période et payer pendant 3 années 20,000 fr. Ceci répond à l’objection sur laquelle on veut appuyer la proposition d’ajournement. Moi je trouve qu’il y a urgence d’adopter la proposition du gouvernement, car si vous attendiez jusqu’au budget, il faudra commencer une seconde période de 3 ans et ainsi une somme de 60,000 fr. montant du loyer pendant ces trois années, sera perdue. Il est donc nécessaire de prendre de suite un parti.
Mais, dit-on, qu’a-t-on besoin d’une manufacture d’armes en Belgique ? La neutralité de la Belgique s’y oppose. Qu’il me soit permis de dire en réponse à l’honorable M. Dumortier que la neutralité de la Belgique me semble un non-sens. La position naturelle de la Belgique fera toujours, quoi qu’en en dise, le champ clos où toutes les puissances duellistes de l’Europe viendront vider leurs querelles. Nous aurons beau faire et beau dire, cette position ne nous donnera jamais une neutralité proprement dite.
Un membre. - La Suisse est bien un pays neutre, pourquoi la Belgique ne le serait-elle pas également ?
M. Verhaegen. - Parce qu’il y a une grande différence entre la position de la Suisse et celle de la Belgique. D’ailleurs la neutralité de la Suisse n’a pas toujours été respectée, elle a été violé par Suwarowe et Masséna, et lors de l’invasion de 1814, l’année autrichienne a traversé la Suisse. De même, malgré notre neutralité, si les puissances du nord déclarent la guerre à celles du midi, ou si nos alliés ne s’entendent plus, c’est en Belgique que se videront leurs querelles.
Aux raisons déjà données pour établir les avantages de la fabrication des armes par le gouvernement, il faut en ajouter une autre ; il peut arriver que, d’un instant à un autre, nous ayons besoin d’une grande quantité d’armes ; si le gouvernement a une fabrique d’armes, dans un moment d’urgence, il peut faire fabriquer immédiatement les armes nécessaires ; s’il faut qu’il ait recours à une industrie particulière, ce même avantage n’existerait pas. Je demanderai à l’honorable M. Dumortier, lui qui n’est pas partisan des 24 articles, où la neutralité de la Belgique est proclamée, lui qui, dans une autre circonstance, a senti la nécessité d’être en mesure non seulement de repousser une agression, mais encore de diriger nous-mêmes une agression, nécessaire dans son opinion, je lui demanderai s’il n’est pas nécessaire d’avoir une fabrique d’armes.
Au reste, cette difficulté n’est pas contestée ; la question n’est pas là, elle est uniquement dans le mode de fabrication.
Si les 300 mille francs restent pendant quelque temps improductifs, si nous jouissons des avantages d’une neutralité d’après moi imaginaire, cette fabrique d’armes n’aura pas toute l’extension que l’on veut lui supposer. Que perdons-nous à cela ? L’intérêt de 300,000 fr., c’est-à-dire 15,000 fr. annuellement, si nous supposons l’intérêt à 5 p. c. ; mais si vous considérez que cette fabrique pourvoira à l’entretien et à la préparation des armes, vous jugerez qu’on en tirera un avantage suffisant pour que l’intérêt du capital ne soit pas perdu.
En résumé, je pense que vous devez adopter la proposition du gouvernement pour faire cesser les effets d’une convention que je considère comme désastreuse. Si, dans d’autres circonstances, et il n’y a pas longtemps encore, j’ai blâmé le monopole du gouvernement en matière d’industrie, d’autre part, je suis et j’ai toujours été d’avis que le gouvernement peut et doit s’occuper de la fabrication qui peut intéresser la défense du pays.
M. Dumortier. - L’honorable préopinant a eu grand tort d’invoquer mon opinion à l’égard des 24 articles ; cela ne fait rien à la question, car les 24 articles n’ont rien de commun avec le statu quo. Si le préopinant avait suivi les négociations diplomatiques, il saurait que longtemps avant qu’il fût question des 24 articles et dès l’origine même de la révolution, l’Europe entière a désiré voir la Belgique devenir un pays neutre. Cette neutralité est-elle un bien ou un mal ? Ce n’est pas le lieu de l’examiner.
Nous avons toujours vu la Suisse sauvée par sa neutralité, car si on a violé son territoire, il en est toujours résulté à la paix qu’on lui rendait ses anciennes limites.
Quoi qu’il en soit, d’après le traité fait avec la Hollande, nous devons être pays neutre. Que ferez-vous alors d’une manufacture d’armes qui fournira 1,000 fusils par mois ? Où mettrez-vous ces fusils ? A quoi serviront-ils ? Vous les mettrez dans les arsenaux, mais ce seront des fonds inutilement employés. Ferez-vous commerce de ces armes ? Vous aurez donc alors un gouvernement marchand, un gouvernement d’agioteurs ; mais c’est le pire de tous les gouvernements ; il n’y a qu’un pas de là à voir le gouvernement devenir un gouvernement de Robert Macaire. (On rit.)
Dans un tel état de choses, une manufacture d’armes du gouvernement est un véritable non-sens. C’est sous ce point de vue que je repousse la proposition du gouvernement.
L’honorable rapporteur de la section centrale a dit que si nous avions eu une bonne fabrique d’armes en 1831, nous n’aurions pas eu les événements de cette époque, parce que la Belgique se serait présentée en armes devant l’ennemi. Mais vous devez vous rappeler que le motif pour lequel nous n’avions pas d’armes alors, c’est qu’on avait commis la faute de permettre la sortie des armes dans un moment où nous en avions un si grand besoin. Par suite de ce système qu’on avait adopté par une fausse délicatesse de liberté commerciale, nos fabricants fournissaient des armes à nos ennemis et n’en fournissaient pas à nos armées. Plus tard on est revenu sur cette disposition et on a prohibé la sortie des armes ; mais c’est à cette sortie des armes que sont dus les événements de 1831.
Maintenant nous avons des armes dans les arsenaux ; chacun de vous peut les visiter, il verra que les armes y sont en bon ordre et en grand nombre. Je vois M. le ministre de la guerre faire un signe de dénégation ; je sais qu’il n’y en a pas assez, mais le gouvernement n’a pas besoin pour cela d’en fabriquer, il faut en acheter.
Si la proposition qui est faite était admise, le gouvernement serait obligé d’acheter du bois pour faire des crosses ; du fer, du cuivre, pour faire des armes et leurs garnitures. C’est là une complication administrative, un dédale dont il ne sortira pas à son avantage. Si le gouvernement a besoin d’armes, il en trouvera toujours assez chez les fabricants de Liége.
M. de Brouckere. - Si le gouvernement demandait des fonds pour établir une fabrication qu’il transformerait en spéculation, je voterais contre cette demande, parce qu’en matière de fabrication, il faut laisser faire l’industrie privée ; mais la question soulevée aujourd’hui se rattache à la défense du pays, et sous ce rapport je voterai pour la proposition du gouvernement.
On nous dit que si le fabricant est autorisé à fabriquer des armes, on pourra de même l’autoriser à fabriquer les toiles et les draps dont les soldais ont besoin. Messieurs, les toiles et les draps peuvent être de qualités plus ou moins bonnes sans compromettre la sûreté de l’Etat ; mais il en serait autrement, si les fabricants d’armes abusaient de la position du gouvernement pour lui donner de mauvaises armes ; la défense du pays pourrait en souffrir. Il faut que le gouvernement puisse armer les soldats, et qu’il ait par là toute garantie relativement à la bonté des armes.
Mais, dit-on, le gouvernement devra donc acheter du bois et du feu ? Oui, il en achètera comme il achète des métaux pour la fabrication des canons. L’honorable membre qui a fait l’objection, a ajouté lui-même que la fabrication des canons ne pourrait pas être abandonnée à l’industrie particulière, parce qu’elle ne présentait pas assez de garanties ; eh bien, il en est de même des fusils.
Je dis ces mots pour appuyer la proposition du gouvernement. Toutefois je dois ajouter que je ne me prononce ainsi que dans l’espoir que les prévisions du ministre de la guerre ne seront pas dépassées, et que la somme de 500 mille francs sera à peu près suffisante. Je témoignerais du mécontentement si elle était de beaucoup dépassée.
Le gouvernement fabrique aujourd’hui dans des bâtiments qu’il a pris à bail ; quand on lui ôterait la faculté de construire une fabrique, il n’en fabriquerait pas moins des armes ; cette considération fait tomber toutes les objections que l’on a faites.
- L’ajournement propos par M. de Behr, mis aux voix, n’est pas admis.
L’article 4 est adopté.
« Art. 5. La somme de vingt-neuf mille trois cent soixante-treize francs douze centimes des crédits alloués au budget de la guerre pour l’exercice 1838, sur les chapitre, sections et articles ci-après désignés, est transférée au chapitre II, section III, art. 13, cantonnement et nourriture, savoir :
« Du chapitre II, section II, solde des troupes :
« Art. 1er. Infanterie : fr. 14,474 25 c
« Art. 2. Cavalerie : fr. 1,354 29 c.
« Art. 3. Artillerie : fr. 1,068 90 c.
« Art. 4. Génie : fr. 236 88 c.
« Du même chapitre, section III :
« Art. 1er. Masse de pain : fr. 10,199
« Art. 7. Masse de casernement des hommes : fr. 2,039 80 c.
« Total : fr. 29,373 12 c. »
- Cet article est adopté sans discussion.
- La loi n’ayant pas été amendée est soumise à l’appel nominal.
73 membres sont présents.
69 votent l’adoption.
2 votent le rejet.
2 s’abstiennent.
En conséquence, la loi sera transmise au sénat.
Ont voté l’adoption : MM. Andries, Angillis, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Brabant, Corneli, David, de Behr, de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, Demonceau, de Nef, Dequesne, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Lejeune, Maertens, Mercier, Metz, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Pollénus, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Scheyven, Seron, Smits, Stas de Volder, Trentesaux, Troye, Ullens, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Verdussen, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Willmar, Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Seron, Jadot.
M. Dubus (aîné). - La discussion a fourni les motifs de mon abstention. Je n’ai rien trouvé de satisfaisant dans les réponses aux questions adressées au ministre.
M. Dumortier. - Je me suis abstenu de voter contre la loi parce qu’il s’agit de notre armée ; mais je n’ai pu voter son adoption à cause de l’article que j’ai combattu.
« Article unique. Il est ouvert, au département de la justice, un crédit de quarante-cinq mille trois cent trente francs (45,330 fr.), applicable au paiement des dépenses de l’exercice 1832 et des exercices antérieurs, qui restent à liquider.
« Cette allocation formera le chapitre XI, article unique du budget du département de la justice pour l’exercice 1837. »
- Cet article est adopté sans discussion.
Il est soumis à l’appel nominal et adopté à l’unanimité par les 72 membres présents.
Personne ne demandant la parole, l’article unique de ce projet est mis aux voix et adopté à l’unanimité par les membres présents.
Il est ainsi conçu :
« Il est alloué au département des travaux publics un crédit supplémentaire de cent cinq mille sept cent quatre-vingt-quatre francs quatre-vingt-trois centimes (fr. 105,784 83 c.) pour l’acquit de diverses dépenses de 1835 et années antérieures, restant à liquider, et qui sont détaillées dans le tableau annexé la présente loi.
« Cette allocation formera le chapitre IX, article unique, du budget du même département pour l’exercice de 1838. »
M. Zoude propose, au nom de la commission du cadastre, le projet de loi suivant :
« Article unique. Il est ouvert au ministre des finances un crédit de 223,758 fr. pour solder l’arriéré des dépenses faites pour l’exécution du cadastre.
« La réserve mise à la libre disposition du crédit alloué pour le même objet, au chapitre III, article 12 du budget du département des finances pour 1838 (loi du 31 décembre 1837, Bulletin officiel, n°645), est levée. »
M. le ministre des finances (M. d’Huart) déclare se rallier au projet qui n’a d’autre objet que d’accorder au gouvernement le complément d’un crédit demandé au budget et voté en partie.
- Le projet de loi est adopté à l’unanimité par les 68 membres qui ont pris part au vote.
M. Eloy de Burdinne s’est abstenu ; il motive en ces termes son abstention. - Je me suis abstenu, messieurs, parce qu’il ne m’est pas prouvé que les soldes réclamés soient réellement dus au moins en entier.
M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion du rapport de la commission d’agriculture sur les pétitions relatives à la garance.
M. Lardinois. - Messieurs, ce rapport n’a été distribué qu’hier ; il me semble qu’il conviendrait de remettre la discussion à lundi, afin que nous ayons le temps d’examiner la question.
M. Van Hoobrouck de Fiennes. - Messieurs je dois faire remarquer que le projet a été distribué dès la semaine dernière et que la loi a été mise à l’ordre du jour pour aujourd’hui.
D’ailleurs il ne s’agit pas ici de voter un crédit nouveau mais d’autoriser simplement le ministre à disposer des sommes qui ont été annuellement allouées par la législature pour cet objet et qui n’ont pu être employées les années précédentes.
Si la loi est encore aujourd’hui ajournée, elle sera sans résultat, car l’époque de l’année où l’on doit cultiver la garance est arrivée.
Je demande donc que, s’en tenant à son ordre du jour, la chambre discute immédiatement le projet de loi.
- La chambre décide que la discussion du projet de loi aura lieu immédiatement.
Ce projet est ainsi conçu :
« Art. 1er. Les sommes suivantes, allouées pour encouragement à la culture de la garance, et qui sont restées disponibles sur les crédits portés aux budgets du ministère de l’intérieur, pour les exercices 1834, 1835, 1836 et 1837, sont transférées au chapitre VI du budget du même ministère (exercice 1838), pour y former avec la somme de 7,000 francs qui s’y trouve déjà comprise, un article spécial intitulé : Encouragement à la culture et à la fabrication de la garance, et dont le montant total sera ainsi porté à 29,335 fr. 90 c., savoir :
« Du budget de 1834 : fr. 3,000
« Du budget de 1835 : fr. 6,294 83 c.
« Du budget de 1836 : fr. 4,221 23 c.
« Du budget de 1837 : fr. 8,849 84 c.
« Somme déjà comprise au budget de 1838 : fr. 7,000
« Total : fr. 29,335 90 c. »
« Art. 2. Les conditions à remplir, pour avoir part à la distribution du fonds d’encouragement alloué par l’article précédent, en faveur de la culture et de la fabrication de la garance, seront déterminées par un arrêté royal, inséré au Bulletin officiel, publié et affiché dans toutes les communes du royaume. »
M. Verdussen. - Je désire savoir si le libellé qui est porté dans les budgets de 1834 à 1837, est semblable à celui qui est proposé dans l’article premier.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, l’honorable préopinant ne se rappelle probablement pas que dans ces budgets il n’y a pas de libellé proprement dit pour l’encouragement de la culture de la garance. La somme qu’on a votée pour cet objet est comprise dans le crédit total affecté à l’encouragement de l’agriculture. C’est dans les développements des budgets que ce libellé, tel qu’il se trouve à l’article premier, est indiqué. Or comme il ne s’agit plus dans le cas présent que de l’encouragement de la culture de la garance, nous avons proposé à l’article premier le même libellé qui se trouve dans les développements du budget pour ces encouragements.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, on pourrait adopter cette rédaction : « Les sommes suivantes, allouées au fonds général de l’agriculture pour l’encouragement de la culture de la garance… »
De cette manière, il n’y aurait plus de doute.
M. de Muelenaere. - Messieurs, parmi les transferts qu’on se propose d’opérer, il y en a qui concernent les exercices 1834 et 1835. Je demanderai à M. le ministre des finances s’il ne voit pas d’inconvénients à ce qu’en 1838 on opère, par une mesure législative, un transfert du budget déjà clos ; car les budgets de 1834 et 1835 sont clos. Dès lors ces transferts ne me paraissent pas très réguliers, conformément aux dispositions existantes. Il y aurait, au reste, un autre moyen d’arriver au même résultat : ce serait d’ouvrir un crédit à M. le ministre de l’intérieur.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’observation de l’honorable préopinant est juste. On ne peut pas transférer des sommes du budget de 1834 et de 1835, puisque les exercices 1834 et 1835 sont clos. Mais on peut arriver au but que se propose la commission en ouvrant un crédit équivalant aux deux sommes qu’on proposait de transférer.
M. Lebeau. - Ne vaudrait-il pas mieux, pour l’ordre de la comptabilité, ne rien transférer du tout, et ouvrir au ministre un nouveau crédit au budget de 1838 ? Dans le fait, c’est la même chose. Je proposerai en conséquence d’ouvrir un crédit de 22,000 fr. au budget de l’exercice de 1838.
M. Verdussen. - Messieurs, il y a en vérité des inconvénients dans les transferts, et j’en signalerai un qui pourrait se présenter. Je ne sais pas, par exemple, s’il n’y a point eu déjà des transferts sur les budgets des années antérieures mentionnées à l’article premier ; s’il y a eu des transferts, je ne sais pas si les sommes disponibles n’ont pas été toutes absorbées.
Maintenant on demande un crédit spécial sur l’exercice de 1838. Si l’on adopte cette proposition, je ferai observer qu’il ne faudra alors allouer que 22,000 fr., puisque 7,000 fr. sont déjà passés au budget de 1838.
D’un autre côté je n’ai pas très bien compris tantôt si le ministre a dit qu’il n’avait été rien alloué pour l’encouragement de la culture de la garance ; je ne sais pas non plus si les sommes qui ont été globalement allouées dans les budgets des années indiquées à l’article premier n’ont pas été absorbées par d’autres encouragements.
Ce sont des doutes que j’ai eus, sur lesquels je voudrais avoir des éclaircissements. Je le répète, je n’ai pas pu prévoir que cette discussion aurait lieu ; je ne me suis pas préparé, et je voudrais qu’en tout état de cause, la chose fût remise à lundi.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, il s’agit seulement de voter l’application de sommes qui ont déjà été alloués. Si nous n’avons pas proposé un crédit nouveau, et si nous avons proposé des transferts, c’est parce que nous ignorions si, par suite d’un crédit nouveau, la balance continuerait à exister entre les recettes et les dépenses de l’exercice 1838 ; et que, comme il y avait des fonds disponibles sur les budgets antérieurs, nous n’augmentions pas la somme des dépenses de 1838. S’il y a possibilité, sans déranger la balance des recettes et dépenses, d’ouvrir un nouveau crédit sans transfert, je ne m’y opposerai pas. Je ne parle ici qu’en mon nom, car je n’ai pas eu le temps de consulter la commission.
Maintenant, de quoi s’agit-il ? Purement et simplement de rendre disponibles de nouveau des sommes qui été votées déjà par la législature et qui n’ont pas été employées.
L’honorable M. Verdussen voudrait que cela fût voté sous le titre général d’encouragement à l’agriculture, sans spécifier que c’est pour encourager la culture et la fabrication de la garance. Il pourrait en être ainsi, si nous votions le budget ; mais nous votons un encouragement spécial pour la culture et la fabrication de la garance ; il est nécessaire alors de libeller l’article, comme la commission a proposé de le faire.
Il y a un autre motif, c’est que l’amendement que vient de proposer le ministre de l’intérieur, est motivé sur ce qu’en 1837 la somme de 8,919 fr. destinée à encourager la culture de la garance, qui n’a pas été employée à cet objet, sur les 10,000 fr. accordés cette année pour encouragement à l’agriculture, a été employé à un autre encouragement de l’agriculture en général ; je crois, à la construction d’écuries pour des haras.
Ainsi donc, si vous voulez que le crédit que vous votez soit employé à encourager la culture de la garance, il faut libeller le projet de loi comme nous le proposons. Si vous dites seulement d’une manière générale que c’est pour encouragement à l’agriculture, vous risqueriez d’en voir frustrer la culture et la fabrication de la garance.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Si en 1837 la somme portée au budget pour encourager la culture de la garance n’a pas reçu cette destination, c’est qu’il n’a pas été possible d’en faire un emploi utile. Mais pour aller au-devant de toutes les objections je pense qu’on pourrait rédiger l’article premier de la manière suivante :
« La somme de 7 mille fr. comprise dans les fonds pour encouragement, au budget de 1838 du département de l’intérieur, à l’effet de favoriser la culture et la fabrication de la garance, est majorée de 22,000 fr. »
- Cet article est adopté.
« Art. 2. Les conditions à remplir pour avoir part à la distribution du fonds d’encouragement à l’agriculture, au budget de 1838 du département de l’intérieur, à l’effet de favoriser la culture et la fabrication de la garance. »
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je demanderai la suppression de cet article 2. Il est évident que s’il s’agit d’accorder des primes, ces primes seront déterminées par arrêté royal et portées à la connaissance de tous les habitants du pays avec la plus grande publicité. Mais jusqu’à présent je vous dirai que je suis peu fixé sur la nécessité d’accorder des primes à l’agriculture et sur les conditions à déterminer. Pour le faire avec utilité, il faut offrir aux intéressés une garantie que ces primes seront continuées pendant quelques années et qu’il y aura un fonds suffisant pour tous les réclamants.
Vous savez que quand il s’est agi d’encourager la construction des navires, on a fixé la prime, mais on n’a pas limité le crédit. C’est de principe, et, aussi longtemps que la loi sera en vigueur, ceux qui construiront des navires auront droit à la prime. Je crois qu’avant de se déterminer à accorder des primes pour l’objet dont il s’agit, il faudrait faire une loi. Mais une partie de la somme pourrait être employée utilement pour faciliter, améliorer les procédés de fabrication de la garance. Il serait inutile de prendre un arrêté royal qui détermine les conditions ; cette disposition pourrait être un obstacle à l’emploi utile de la somme.
L’article 2 doit être retranché dans l’intérêt des vues des auteurs du projet. S’il s’agit d’une concurrence à établir, les conditions seront déterminées par arrêté royal de la manière la plus large.
M. Desmaisières. - Pressée par le temps et n’étant pas bien fixée, la commission a proposé son article 2 par lequel elle a voulu assurer qu’il serait donné toute la publicité possible aux encouragements que le gouvernement se proposait de donner, et ensuite que les conditions à remplir pour avoir part à l’encouragement seraient bien déterminées et soumises à la critique des intéressés. Mais l’honorable ministre de l’intérieur vient de faire connaître qu’il trouve des difficultés à ce que cet article soit admis, et qu’il pourrait être un obstacle à l’emploi convenable du crédit. Dans ces circonstances, pour ce qui me regarde personnellement, je me rallie à la suppression qu’il demande.
M. Van Hoobrouck de Fiennes. - Notre proposition n’avait pas pour objet le perfectionnement et l’encouragement de la fabrication de la garance, mais l’encouragement de la culture. Nous avons besoin avant tout de la matière première, qui nous manque depuis que la Zélande est séparée de nous, parce qu’il y a une prohibition absolue. Par conséquent, c’est la culture qu’il faut encourager. Je demanderai donc à M. le ministre de l'intérieur si son intention, comme j’ai cru le comprendre, est de se borner à encourager la fabrication plutôt que la culture de la garance, car c’est pour la culture que nous avons demandé des encouragements.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je n’ai pas dit d’une manière absolue qu’il ne serait pas donner d’encouragements à la culture de la garance, mais que je ne pouvais pas prendre l’engagement d’accorder des primes pour cette culture, parce qu’il fallait avant tout que cette question fût l’objet d’un examen approfondi. C’est pour cela qu’il faut laisser au gouvernement le soin d’employer la somme votée, soit à la culture, soit à la fabrication de la garance, et retrancher l’article 2.
- L’article 2 est mis aux voix et n’est pas adopté.
La chambre décide qu’elle passera immédiatement au vote par appel nominal.
51 membres seulement étant présents, le vote est renvoyé à lundi.
La séance est levée à quatre heures et demie.