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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 28 avril 1838

(Moniteur belge n°119, du 29 avril 1838)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et demie.

M. Lejeune donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse de la pétition suivante.

« Le sieur Dewylder, ex-géomètre du cadastre, réclame le paiement d’une créance à la charge du gouvernement français pour l’achèvement des plans parcellaires des communes de Mendonck et Winkel en 1814. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. Smits demande par lettre un congé de quelques jours.

- Accordé.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Lejeune, M. Desmet et M. Dubus (aîné) déposent plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation.

Motion d'ordre

Incident militaire dans le village de Strassen, province de Luxembourg

M. Metz. - Je réclame l’attention de la chambre. J’ai à lui communiquer un fait d’une nature extrêmement grave, qui intéresse trop l’honneur national pour que vous ne prêtiez pas tous la plus grande attention à mes paroles.

Le village de Strassen, à une lieue de Luxembourg, est malheureusement compris dans le territoire qu’on est convenu d’appeler le territoire cédé. Dimanche dernier, à l’occasion de l’installation du bourgmestre nouvellement nommé, on a planté devant la maison de ce bourgmestre un arbre, arbre de la liberté, dont le sommet fut couronné par le drapeau aux trois couleurs. Je ne le conteste pas, les populations ont saisi avec empressement l’occasion qui leur était offerte de protester contre le morcellement dont elles sont menacées. De ce drapeau, qui est le vôtre, messieurs, vous allez voir ce qui en est advenu.

Voici une lettre dont je garantis l’authenticité et qui renferme des faits exacts et connus, je n’en doute pas, par le ministère qui m’entend.

« Strassen, le 25 avril 1838.

« Monsieur Metz,

« Vous avez vu l’arbre de la liberté planté devant la maison de notre bourgmestre à l’occasion de son installation récente, et les couleurs nationales belges arborées de nouveau en signe de protestation contre le morcellement dont nous sommes menacés. Eh bien ! à l’instant où je vous écris (4 heures de l’après-midi), et l’arbre et le drapeau de la révolution ont disparu. Des satellites du despotisme ont souillé de leurs mains liberticides les nobles couleurs de notre espoir ! Voici le fait : à l’instant même un bataillon d’infanterie prussienne au complet, avec avant et arrière-gardes, son chef en tête, arme blanche, escorté de son état-major, d’un peloton de hussards, d’autant de lanciers et de quelques pontonniers munis de haches, viennent d’arriver ici, et en l’absence du bourgmestre ont sommé le secrétaire d’enlever le drapeau. Sur son refus de le faire aussi bien que de l’ordonner à quelque autre, le major prussien commanda aux pontonniers de mettre la hache à la main, et en moins de cinq minutes arbre et drapeau gisaient par terre, et ce dernier fut enlevé et emporté dans la forteresse.

« S’il est décourageant de voir mépriser ainsi la nationalité belge, en foulant aux pieds son noble signe de ralliement, quelque chose néanmoins doit consoler de l’absolutisme germanique et faire espérer c’est la peur que lui inspire le drapeau tricolore. Cette peur est telle que, pour ce fait d’armes d’aujourd’hui, le commandant a cru devoir mettre sur pied une quasi-armée : 1,000 hommes manœuvraient avec toutes les précautions de la guerre sur la route qui traverse Strassen, tandis que quelques centaines de soldats précédaient cette masse mobile, et qu’un pareil nombre à peu près la suivait. Cela ne suffisait même pas ; tout le village était gardé à un quart de lieue à l’entour. On prétend qu’il y avait du canon et que chaque soldat se trouvait pourvu de dix cartouches. Cette dernière circonstance a été avouée par les soldats mêmes ; quant au canon, je n’en ai pas vu.

« Je n’ai pas besoin de vous dire qu’en trop petit nombre, nous n’avons pu que protester contre cet enlèvement. La jeunesse se dispose à faire reparaître pour demain le drapeau aux trois couleurs au haut du clocher. Si cela s’accomplit, je vous en informerai de suite. »

Eh bien, vous l’avez entendu, c’est votre drapeau auquel une pareille souillure a été imprimée ; des soldats de la confédération germanique ont renversé l’arbre de la liberté, ils ont traîné votre drapeau dans la poussière, ils l’ont emporté dans la forteresse ; et maintenant votre drapeau flotte peut-être dans l’antichambre d’un major prussien.

Quelle honte pour nous !

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il n’y a pas de honte pour nous. La honte est toujours pour celui qui fait l’outrage.

M. Metz. - Il y aura honte pour nous, tant que nous n’aurons pas obtenu une réparation éclatante ; je l’appelle de tous mes vœux ; je la demande grande, immense, comme l’offense qui l’a provoquée. Qu’on emploie tous les moyens possibles pour obtenir cette réparation et pour empêcher que de pareils attentats au drapeau ne se renouvellent. Si nous ne pouvons obtenir cette réparation par la diplomatie, cherchons à l’obtenir par nous-mêmes. Si nous ne sommes pas assez forts pour l’obtenir, cessons d’être Belges ! Tout souffrir plutôt que le déshonneur, plutôt que de traîner un nom flétri ; car pour les nations comme pour les individus, le déshonneur c’est la mort.

Cette lettre dont vous venez d’entendre la lecture, c’est un Luxembourgeois qui l’a écrite. Eh bien, quel est le Belge qui oserait se flatter d’exprimer avec plus d’amertume et de douleur la honte qu’il doit éprouver ? Qui oserait dire qu’il saurait exprimer mieux que lui les sentiments qui doivent animer tout Belge ? C’est un Luxembourgeois, et il en est comme lui 150 mille que le morcellement menace, et dans le Limbourg ils ont 200 mille frères.

On ne conçoit pas la crainte, la douleur qui nous tourmentent, aujourd’hui que nous voyons approcher le jour de l’exécution des 24 articles. Si ce jour néfaste doit jamais luire pour nous, éloignons-en la crainte autant que possible. Qu’il tombe sur nous comme un coup de foudre, mais ne traversons pas les horreurs d’une longue agonie. Jusque-là, espérons, croyons que jamais le traité des 24 articles ne sera exécuté. Nous comptons sur l’appui de la chambre, sur la bienveillance du gouvernement, sur la sympathie de la Belgique entière. C’est à la chambre que nous en appelons en ce moment. C’est à la chambre que nous proposons de voter l’adresse que voici :

« Projet d’adresse au Roi.

« Sire,

« En 1831, des circonstances malheureuses menaçaient la Belgique du douloureux sacrifice de nos frères du Limbourg et du Luxembourg ; peut-il se consommer encore aujourd’hui que sept années d’existence commune les ont attachés à la Belgique ? La chambre, Sire, ose espérer que, dans les négociations à ouvrir pour le traité avec la Hollande, l’intégrité du territoire belge sera maintenue.

« Fait au palais de la Nation, le 24 avril 1838.

« (Signé) Metz, d’Hoffschmidt, de Renesse, de Puydt, Jadot, Pollénus, Scheyven, Simons, de Longrée. »

Quel est donc celui d’entre vous qui ne voulût souscrire avec empressement à un vœu si noble, aussi simplement, aussi naturellement exprimé ? En est-il un parmi vous qui pourrait croire, espérer, vouloir que le Limbourg et le Luxembourg soient détachés de la Belgique ? Qui voudrait nous forcer à fuir de notre pays, traînant avec nous nos femmes et nos enfants, et abandonnant nos frères à la haine et à la vengeance ; car telle serait notre destinée à nous qui avons juré l’expulsion des Nassau à perpétuité. Obligés à fuir et à nous réfugier ; où ? au milieu de ceux mêmes qui nous ont abandonnés ! Quel double supplice pour nous ! Mais telle n’est pas, je pense, la volonté de la chambre ; elle désire, j’ose l’espérer, que l’intégrité du territoire soit maintenue. C’est un vœu qu’elle exprime ardemment. Et s’il fallait qu’un peuple payât à prix d’argent une liberté qu’il ne tient que de Dieu et de lui-même, personne, je pense, ne reculerait devant des sacrifices pécuniaires. Faut-il des compensations à la Hollande, lui faut-il de l’argent ? Jetez-lui de l’or : croyez-moi, nous valons la peine qu’on nous paie cher ; et comme l’a dit un homme d’Etat qui m’entend, sans le Luxembourg la Belgique ne subsistera jamais. Un autre homme d’Etat, qui m’entend également l’a dit : « La Belgique ne peut périr que par un suicide. » Ce serait un suicide que l’abandon du Limbourg et du Luxembourg. Si vous deviez abandonner le Limbourg et le Luxembourg, cette prédiction se réalisant, oserais-je le regretter ? Ce serait le cours de la justice divine. Egorger, vendre ses fières, ce furent les premiers crimes du genre humain.

Je demande que la chambre se joigne à moi pour inviter le ministère et le gouvernement à prendre les mesures les plus énergiques pour obtenir une réparation éclatante et pour empêcher qu’il soit commis, dans l’avenir, d’autres attentats à l’honneur national.

Je demande que la chambre adopte, séance tenante, pour être présenté au Roi, le projet d’adresse que je viens de lui soumettre.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je viens seulement d’apprendre, il y a un moment, que le général Tabor a adressé au ministre de la guerre un premier rapport sur l’événement signalé à votre attention. Il résulte de ce rapport qu’en effet 11 à 12 cents hommes de la garnison de Luxembourg seraient venus enlever un drapeau arboré devant la maison du bourgmestre nouvellement nommé à Strassen. Quant aux circonstances il nous est impossible de les faire connaître, le général Tabor ayant annoncé qu’il circule différentes versions sur cet événement et qu’il a chargé un officier de recueillir des renseignements sur tout ce qui s’y rapporte.

Il annonce un rapport ultérieur au ministre de la guerre et il a l’intention, après que les faits auront été précisés, d’adresser une réclamation au commandant de la forteresse de Luxembourg.

Jusqu’à ce que nous ayons reçu des renseignements officiels plus complets sur tout ce qui a trait à cette affaire, nous nous abstiendrons d’entrer dans d’autres explications.

M. Metz. - Je vous l’avoue, je m’attendais à une réponse semblable à celle que je viens d’obtenir. Toujours des exceptions dilatoires ! Jamais aucune mesure qui puisse rassurer une population alarmée !

Vous ne pouvez élever aucun doute sur l’exactitude du fait que j’ai signalé. Vous reconnaissez que ce fait est vrai ; vous reconnaissez qu’une souillure a été imprimée au drapeau belge, et vous ne voulez prendre aucune mesure. Vous voulez connaître les circonstances de ce fait ; mais qu’importent les circonstances du moment que le fait est vrai ? Le ministère n’en sait-il pas assez pour aviser à maintenir les droits de la Belgique sur le territoire prétendument cédé ? Si on venait renverser le drapeau à Bruxelles, que diriez-vous ! Eh bien, ne sommes-nous pas de la même famille ! Ne sommes-nous pas Belges, aussi bien que vous ! Ne le sommes-nous pas par la constitution ! Vous nous avez appelés sous les drapeaux ! Vous nous avez adressé des proclamations pressantes ; vous nous avez appelés à concourir à votre régénération politique, à vous aider à renverser un roi, qui peut-être vous pesait plus qu’à nous. Nous avons répondu à votre appel. Un bataillon de Luxembourgeois a combattu à côté de vous et sous le même drapeau que vous ; nos braves dorment avec les vôtres dans le même cercueil ; et maintenant vous diriez que nous ne sommes pas Belges ; vous viendriez nous livrer pieds et poings liés à nos ennemis. (Réclamations.)

La faiblesse que l’on montre aujourd’hui dit assez la faiblesse que l’on montrera quand il s’agira de soutenir nos droits. Notre malheur est donc facile à prévoir. Dieu veuille que ma prévision soit trompée !

Je demande que, sans égard à la réponse dilatoire par laquelle on a cherché à arrêter l’expression unanime de l’indignation de la chambre, en présence d’un attentat contre la dignité nationale, la chambre se joigne à moi pour inviter le ministère à protester solennellement contre la violation de notre territoire et l’outrage fait à notre drapeau, et à employer tous les moyens possibles pour en obtenir la réparation.

Je demande que la chambre décrète l’urgence, et vote séance tenante l’adresse que nous avons proposé de soumettre au Roi.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - De ce que nous ne nous laissons pas aller à l’entraînement de l’honorable orateur, il a tort de conclure que nous envisagerions les faits avec indifférence et que nous ne leur accorderions pas l’importance qu’ils méritent. Dans plusieurs circonstances nous avons fait voir que le gouvernement a su employer les moyens nécessaires pour empêcher le préjudice que l’on voulait porter au pays.

C’est en agissant avec prudence que l’on peut être assuré de servir les véritables intérêts du pays.

Je vous le demande, n’y aurait-il pas une imprudence souveraine à qualifier des faits dont les circonstances ne sont pas officiellement connues du gouvernement, d’accueillir une motion à l’occasion de ces mêmes faits ? Telle ne peut être la conduite du gouvernement. Je demande donc l’ajournement de l’adresse jusqu’à ce que nous ayons reçu des renseignements, d’autant plus qu’il n’y a réellement aucun motif d’urgence. Si la chambre veut entamer la discussion sur l’urgence, je m’expliquerai ultérieurement.

M. Metz. - Que le ministère explique les raisons pour lesquelles il n’y aurait pas urgence !

M. d’Hoffschmidt. - J’ai peu de chose à ajouter à ce qu’a dit mon honorable ami M. Metz, dont je partage les sentiments et les opinions ; je dois dire même que l’émotion que son discours m’a fait éprouver me maîtrise au point que je ne saurais exprimer toutes les pensées qui m’assiègent en ce moment.

Les faits énoncés par M. Metz sont-ils contestés ? Non ; ils ne peuvent faire l’objet d’un doute. Ils sont confirmés par le ministère qui déclare avoir appris par un premier rapport que 11 ou 12 cents hommes de la forteresse de Luxembourg sont arrivés à Strassen et y ont arraché le drapeau belge. Cela ne suffit-il donc pas pour nous autoriser à prendre toutes les mesures que réclame l’honneur national outragé ? Au lieu de cela on vient nous parler de prudence ; mais c’est à force de prudence et de pusillanimité que nous sommes arrivés au point où nous en sommes. Continuez ainsi, et bientôt la Belgique n’aura plus qu’un nom honteux aux yeux de toute l’Europe.

Pour bien apprécier les faits, il faudrait connaître les négociations depuis l’acceptation des 24 articles par le roi Guillaume, et qu’il fût fait par le ministère un rapport à la chambre sur cet objet. Dans toutes les négociations politiques, les ministères précédents ont présenté des rapports faisant connaître aux chambres, comme ils le devaient faire, les principales bases de ces négociations.

Aujourd’hui, nous ne savons pas encore quelles sont les mesures adoptées par le gouvernement, quelle est la position qu’il prend en présence de l’exécution d’un infâme traité ? Je demande que le gouvernement, se conformant aux précédents de la chambre, aux antécédents de ses prédécesseurs, dépose un rapport complet sur les négociations entamées.

Il est temps que nous sachions à quoi en sont ces négociations. Nous ne pouvons permettre qu’on dispose de nous et sans nous, sans que les représentants de la nation sachent à quoi s’en tenir. Il s’agit ici de l’honneur du pays. En fait d’administration nous pouvons avoir confiance dans le gouvernement, nous pouvons nous en rapporter à lui, nous pouvons lui dire : Administrez, vous êtes le pouvoir exécutif, Mais ici la chose est trop grave et trop sacrée pour nous en rapporter au gouvernement ; c’est à vous, mandataires de la nation, à savoir et à dire ce que vous voulez faire dans cette circonstance ; votre responsabilité personnelle est engagée dans la grave question qui s’agite.

Si les hommes composant le gouvernement et les chambres ont de l’énergie, du caractère, de la dignité, et j’aime à croire qu’ils en ont, la séparation dont on a parlé n’aura pas lieu. Mais si nous fléchissons, nous pourrons être séparés, car nous sommes en présence de despotes qui élèvent des prétentions d’une époque où ils se livraient les peuples comme des troupeaux de bétail.

Si vous fléchissiez cependant, il nous resterait encore une planche de salut dans l’ardent patriotisme dont les populations menacées d’être cédées sont animées. Partout on arbore le drapeau belge, on proteste sous les baïonnettes prussiennes comme toute séparation.

Si vous consentiez à cette séparation ignominieuse, elles allumeraient une guerre générale plutôt que de la laisser exécuter ; il n’est pas un village qui ne se révolte contre cette mesure, unique dans les annales des peuples civilisés ; déjà des députations sont allées en France pour connaître les dispositions de nos généreux voisins. Et on sait que le peuple français est disposé à nous soutenir, et qu’au premier coup de fusil qui sera tiré dans nos provinces les populations de nos frontières, quoi que fasse le gouvernement français, voleront à notre secours. Enfin nous en appellerons à la sympathie des peuples libres, et elle ne nous manquera pas. Si contre toute attente cet appel ne nouas mettait pas à même de résister en nombre suffisant, nos populations exultées au désespoir par suite d’un lâche abandon recourraient peut-être à des moyens extrêmes ; déjà elles parlent d’empoisonner les fontaines en désespoir de cause, et s’il le faut pour détruire un ennemi en abhoration ; enfin il n’est pas de sacrifice qui nous coûte pour résister à l’oppression. Voilà ce que font les peuples qui veulent défendre leur liberté. Que le gouvernement nous soutienne, et nous aurons l’espoir de n’être pas sépares de nos frères ; mais ses réponses évasives sont de nature à jeter le désespoir dans nos cœurs. C’est de la vigueur qu’il faut montrer dans des dispositions semblables.

Ce n’est pas parce que nous sommes 4 millions d’habitants que nous pouvons compter sur l’effet de l’énergie que nous montrerons, mais parce que la Belgique est une pomme de discorde pour les puissances qui l’environnent, et que le premier de fusil sur ses frontières sera le signal d’une conflagration générale. Et croyez-vous, messieurs, que les puissances ne craignent pas une guerre générale ! Voilà votre force. Montrez de la résolution et vous empêcherez le sacrifice ignominieux qu’on veut vous arracher.

Je n’en dirai pas davantage jusqu’à ce que les ministres se soient prononcés plus explicitement ; et en résumé, je demande que l’adresse soit votée instantanément au lieu d’être ajournée. Montez qu’un cœur patriotique palpite dans votre poitrine ; et que la chambre, s’il le faut, reste en permanence, jusqu’à ce que cette adresse soit votée. Voilà comme le congrès belge se serait conduit.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Vous aurez remarqué, messieurs, que l’adresse vous est proposée à l’occasion d’un fait sur lequel il manque un rapport complet. Nous croyons qu’il est de la dignité de la chambre de ne pas se prononcer immédiatement. Voilà la seule observation que je crois devoir vous présenter sur ce point.

On demande un rapport sur les négociations entamées relativement au traité des 24 articles. Je répondrai qu’il n’y a pas encore de négociations entamées. Vous avez vu par les feuilles hollandaises qu’il a été fait une déclaration par le gouvernement néerlandais sur l’acceptation du traité, et qu’il lui en a été accusé réception par le gouvernement britannique. Voilà à quoi se réduisent les actes jusqu’à présent. Il n’y a donc pas lieu de faire de rapport. Au surplus, je pense, ainsi que je l’ai dit dans une autre occasion récente, que ce n’est pas en adressant au gouvernement des interpellations sur des faits qui ne sont pas actuels, que l’on peut améliorer la situation diplomatique. La diplomatie doit être suivie par le gouvernement ; il faut lui laisser toute latitude, afin qu’il puisse agir dans le plus grand intérêt du pays.

M. d’Hoffschmidt. - M. le ministre vient de vous dire qu’il n’était pas de la dignité de la chambre de s’expliquer sur un fait sur lequel elle n’avait pas de rapport officiel. Nous en avons garanti l’authenticité parce que nous connaissons les personnes qui nous en ont informés. Des rapports officiels n’ajouteront rien à sa notoriété. Ce n’est pas parce qu’il vous sera affirmé par le général un tel ou par telle autre autorité, que la véracité de ce fait sera plus garantie.

Quant à l’autre partie de la réponse du ministre, je m’y attendais. Nous n’avons rien fait, vous a-t-il dit, nous ne pouvons pas déposer de rapport. Nous ne connaissons que l’adhésion du gouvernement hollandais au traité des 24 articles, et l’accusé de réception de la part du gouvernement anglais. Voilà tout.

Ainsi vous êtes restés neutres, vous êtes restés impassibles en présence d’un fait semblable ? C’est impossible ; les paroles que vous venez de prononcer ne peuvent pas être considérées comme un rapport. Je suis convaincu que le gouvernement n’est pas resté neutre et impassible. Mais nous n’avons aucun moyen de forcer le ministère à en dire davantage !

Je me bornerai alors à demander qu’aussitôt que des négociations seront entamées, on nous les fasse connaître. Nous ne voulons pas, dans une position aussi importante, nous en rapporter à ce que fera le gouvernement.

M. Gendebien. - Lorsqu’il y a sept ans, l’élan patriotique n’était pas encore éteint, il suggérait des paroles qui étaient en rapport avec les circonstances du moment ; on s’adressait alors aux sympathies des peuples : avec de l’énergie, de la fermeté, de la violence même, s’il avait fallu, nous aurions triomphé infailliblement et nous n’aurions pas été traînés depuis sept ans de protocole en protocole et d’affront en affront. Mais aujourd’hui nous nous adressons à la diplomatie ; notre langage toujours ferme et digne doit être plus calme, plus réfléchi.

Quant à moi, je n’ai pas de profession de foi à faire ; mes opinions sont connues, elles n’ont pas changé. J’ai toujours considéré la diplomatie comme un jeu qui devait nous tuer, comme un jeu de dupe pour nous. Je n’en ai jamais accepté la responsabilité ; je n’en ai jamais été dupe ; et s’il y a du déshonneur pour quelques- uns, je puis en répudier ma part. Mais ne revenons pas sur ces questions irritantes, et voyons quelle est notre position du moment.

Pour moi je ne puis croire que l’attaque sur notre drapeau, à une lieue de la forteresse de Luxembourg, soit l’effet du pur hasard ou du caprice ; je crains que ce ne soit un premier acte d’exécution des 24 articles. Cela me semble le prélude pour arriver à une fin qui, pour avoir été prévue il y a sept ans, n’en sera pas moins déshonorante pour la Belgique si elle ne prend pas une attitude convenable.

Nous avons entendu des expressions un peu vives qui sont parties de cœurs justement froissés ; mais je crois que l’adresse proposée par M. Metz ne peut souffrir d’objection, car elle ne contient rien d’irritant, rien que de très convenable. Une nation de 4,000,000 d’hommes, comme une nation de trente millions, peut tenir ce langage, sans être taxée d’exagération. Je ne puis concevoir comment le ministère hésite à donner son adhésion à une telle proposition, qui n’aurait et ne peut avoir pour résultat que de l’appuyer. C’est véritablement un point d’appui qu’on lui offre, et il le refuse !

Il prétend rattacher cette proposition à un fait tout particulier ; je n’en vois pas la nécessité ni l’utilité ; quoi qu’il en soit, si l’on prétend rattacher l’adresse à ce fait, on le peut, sans preuve ultérieure ; car que veut-on de plus que l’aveu du ministère ? Il ne conteste pas le fait principal, c’est-à-dire que onze ou douze cents hommes ont abattu l’arbre de la liberté dans le Luxembourg, et ont foulé aux pieds le drapeau national. Voilà le fait connu ; quels nouveaux détails attendez-vous ? Est-ce que les détails pourront détruire ce fait principal ? Vous pouvez donc rattacher la proposition de M. Metz à ce fait tout récent, sans attendre des renseignements ultérieurs, et sans le moindre inconvénient.

En adoptant la proposition, la chambre et le ministère prennent-ils l’engagement d’attaquer la garnison de Luxembourg, et de courir sus ? Il n’y a aucune conséquence de ce genre à tirer de la proposition de M. Metz. Pourquoi donc arrêter le vote de la chambre sur cette adresse ?

Que le ministère, avant de répondre catégoriquement aux interpellations qui lui sont adressées, demande un délai, je le conçois, quoiqu’il soit inutile ; mais quant à voter l’adresse, il n’y a pas de raison pour motiver l’ajournement.

Pour moi, je voterai l’adoption de l’adresse. Je n’ai qu’un regret, c’est qu’elle n’aille pas plus loin. Si j’adhère à la modération qui l’a dictée, c’est un moyen d’obtenir l’unanimité des suffrages de la chambre.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, à entendre l’honorable M. d’Hoffschmidt, il semblerait que des négociations sont entamées sans l’intervention du gouvernement belge ; c’est une grave erreur. A l’heure qu’il est, il n’y a pas de négociations entamées, ni avec notre participation ni sans notre participation. Nous ne pouvons considérer comme négociation une déclaration du gouvernement hollandais faite au gouvernement britannique qu’il adhère au 24 articles, et un accusé de réception de cette déclaration. Je persiste donc à soutenir qu’il n’y a pas lieu, quant à présent, à faire un rapport sur la question diplomatique.

Un autre honorable orateur se demande si le fait qui vient de se passer ne peut pas être envisagé comme un premier pas dans l’exécution des 24 articles. Evidemment non ; cet acte est tout à fait étranger aux 24 articles.

On s’est encore demandé pourquoi je rattachais la motion d’adresse présentée par M. Metz aux faits qui sont signalés ; mais en cela je n’ai suivi que l’impulsion donnée par l’honorable M. Metz lui-même, puisqu’il motive l’opportunité de l’adresse sur les faits ; et j’ai pu dire qu’il n’était pas de la dignité de la chambre de se prononcer d’une manière directe ou indirecte quand il n’y avait pas de rapport officiel reçu par le gouvernement.

Si l’on veut isoler l’adresse de l’événement qui vient de se passer dans le Luxembourg, je dis qu’alors encore il ne faut pas l’improviser. Une motion pareille aurait dû être annoncée à l’avance, il faut pouvoir en méditer la portée, et ce n’est pas dans les circonstances actuelles qu’on peut trouver la nécessité d’adopter par acclamation l’adresse qui vient d’être déposée sur le bureau de la chambre.

En procédant ainsi, la chambre renierait ses antécédents : quand on a cru devoir voter des adresses, elles ont été examinées, elles ont fait l’objet de rapports.

M. Pollénus. - Si la proposition que nous venons soumettre à vos délibérations était de nature à ne pouvoir être saisie à la première lecture, je concevrais que dans une matière aussi grave le ministère pût exiger qu’on lui donnât le temps nécessaire pour méditer la portée d’une proposition semblable ; mais je prie la chambre de le remarquer, le projet d’adresse est de toute simplicité ; il n’exprime qu’un vœu qui est dans vos cœurs ; et ce vœu quel est-il ? C’est que l’intégrité du territoire soit maintenue. Ii n’y a aucune autre pensée dans le projet d’adresse ; comment pourriez-vous hésiter à exprimer un sentiment que vous tous vous partagez avec nous ?

Dans le moment où les négociations vont être reprises, si elles ne le sont déjà, le gouvernement devrait, me semble-t-il, considérer notre proposition comme une démonstration sur laquelle il pourra s’appuyer comme sur un vœu exprimé par le pays entier ; car les vœux d’un peuple libre sont un titre respectable que le négociateur peut invoquer avec fierté dans les conseils des rois.

Je ne puis m’imaginer que le gouvernement soit pris à l’improviste et qu’il se soit attendu à voir la chambre rester indifférente aux événements qui se passent autour de nous.

Comment pourrions-nous garder le silence, alors que les chambres hollandaises et françaises ont été si vivement agitées d’intérêts qui nous concernent en première ligne ? Leurs tribunes ont été retentissantes pendant plusieurs jours ; la nôtre pourrait-elle être muette ? Messieurs, ne l’oubliez pas, nos concitoyens, l’Europe entière ont les yeux fixés sur nous. Je sais fort bien, ainsi que l’a dit M. le ministre des affaires étrangères, que la diplomatie doit être suivie par le gouvernement ; la chambre a aussi des devoirs à remplir, a aussi sa responsabilité propre. Si les ministres croient pouvoir protéger le pays au milieu des circonstances difficiles ou nous nous trouvons, quel motif pourrait les engager à repousser notre coopération ? N’avons-nous pas les mêmes intérêts à défendre, les mêmes devoirs à remplir ? Nos mandats, nos serments ne sont-ils pas les mêmes ?

Messieurs, j’ai foi dans les intentions du ministère ; je vois au banc des ministres des députés qui ont accepté le mandat de défendre les mêmes provinces que nous, j’y vois un autre membre du cabinet qui, à l’occasion d’une autre violation de territoire, prit si énergiquement la défense de nos braves concitoyens du Luxembourg : lui pas plus que ses collègues n’abandonnera ceux dont il défendit les droits comme député.

Mais notre confiance dans les membres du cabinet ne peut nous dispenser de l’accomplissement des devoirs inséparables de notre mandat ; sachons les remplir arec prudence, avec fermeté.

Le gouvernement hésite, il propose l’ajournement de la discussion.

Qu’y a-t-il donc d’embarrassant dans l’expression d’un vœu, qui est partagé par tous les Belges, que nous tous nous avons exprimé mille et mille fois dans cette enceinte ?

Si j’eusse entendu articuler un seul motif à l’appui de l’ajournement, je l’admettrais, car ni mes collègues ni moi nous ne voulons de surprise ; nous avons tous cru que notre proposition devait être pressentie, et en réclamant le vote immédiat, nous n’avons entendu que vous fournir une nouvelle occasion de proclamer les droits conquis par la révolution, et de faire éclater votre sympathie pour tous les Belges et la ferme résolution de ne jamais nous séparer de nos concitoyens du Luxembourg et du Limbourg.

Point d’hésitation dans un moment aussi solennel !

M. de Brouckere. - Messieurs, je sais bon gré aux honorables députes du Limbourg et du Luxembourg auxquels est venue la pensée de nous proposer une adresse relative aux négociations dont on s’occupe en ce moment ; je leur sais bon gré parce que cette proposions me met dans le cas de pouvoir répondre ici à certaines insinuations qui me concernent. Messieurs, lorsque le traité des 18 articles et celui des 24 articles ont été soumis à l’approbation des représentants de la nation, j’étais député d’un district qui devait être démembré dans le cas de l’adoption de ces traités ; je me suis alors élevé contre cette adoption avec véhémence, et, je dois le dire, avec quelque amertume ; maintenant que j’ai l’honneur d’être député ici par la capitale, on en a tiré la conséquence qu’ayant changé de position, je changerais aussi de sentiments ; c’est mal me connaître, messieurs ; tout en ayant changé de position, et dussé-je encourir la disgrâce de quelques-uns de ceux qui m’ont donné leur voix, je n’ai point changé et je ne changerai point d’opinion ; tel que je me suis montré en 1831 et en 1832, tel je me montrerai en 1837 (très bien ! très bien !), avec cette seule différence peut-être qu’à la véhémence et à l’amertume succéderont un peu plus de modération et de sang-froid dans les expressions ; mais au fond je resterai le même. (Marques d’approbation.)

Ce que je viens de dire, messieurs, ne s’adresse pas seulement à vous ; j’attends assez justice de votre part pour être persuadé que vous ne m’avez pas jugé avec autant de légèreté que l’ont fait certaines personnes au-dehors et surtout certains journaux, qui ont renfermé depuis quelque temps des articles dans lesquels j’étais nominativement désigné.

Maintenant j’arrive à la question. Un projet d’adresse nous est présenté par quelques-uns de nos collègues ; quel est le sens de cette adresse ? Elle n’en a aucun autre que de faire porter au Roi ce vœu de la chambre que dans les négociations qui vont avoir lieu, l’intégrité du territoire belge puisse être maintenue. Eh bien, rentrez en vous-mêmes, messieurs, et je vous le demande, y en a-t-il un seul parmi vous qui ne forme pas ce vœu ? Eh bien, si vous le formez tacitement, pourquoi ne pas l’exprimer ? Pourquoi ne pas l’exprimer surtout alors que les populations menacées sont en émoi à la seule pensée que, peut-être, approche l’époque tant redoutée où elles seront forcées de nous abandonner ; alors que ces populations demandent que vous votiez cette adresse, comme pouvant les rassurer un peu sur leur avenir ? Quant à moi, je ne vois pas le moindre inconvénient à la voter immédiatement.

Cependant, pour satisfaire aux scrupules qui ont été manifestés, si l’on veut que l’adresse soit d’abord soumise à une commission, eh bien soit, que l’on nomme immédiatement cette commission, qu’elle se retire, qu’elle examine la proposition et qu’elle fasse son rapport : tout cela peut se faire séance tenante, car remarquez bien, messieurs, que si nous sommes d’accord sur l’opportunité de faire une adresse renfermant le vœu que nous voulons exprimer au Roi, toute la discussion doit se borner à ce qui concerne les termes dans lesquels cette adresse doit être conçue ; eh bien, j’admets qu’il y a dans le projet des expressions qu’il sera peut-être convenable de modifier, mais c’est là une chose à décider avant que la séance ne soit terminée. Je fais donc la proposition formelle qu’une commission soit nommée pour examiner immédiatement la proposition soumise à la chambre par M. Metz et ses honorables collègues, et que le rapport soit fait avant la clôture de la séance.

M. d’Hoffschmidt. - Je me rallie à la proposition de l’honorable M. de Brouckere.

M. Trentesaux. - Messieurs, la prudence est une excellente chose, la prudence est de mise partout ; mais il est des sentiments auxquels il est difficile de résister. On s’est adressé à nos sentiments et nous pourrions d’enthousiasme nous laisser aller ; je crois donc que nous devons être ici en garde contre nous-mêmes, que nous devons surtout prendre conseil de la prudence. Que devons-nous donc faire ? Je crois que la session ne durera plus longtemps, et ce que je désirerais, ce serait qu’on arrêtât dès à présent qu’avant la clôture de la session il y aura un comité général dans lequel nous dirions tout ce que nous pensons, aussi bien sur l’adresse que sur ce qu’on appelle les négociations, qu’on a dénié exister d’une part et qu’on croit exister de l’autre.

Je me résume donc ; je crois que tout ce que nous pouvons faire de mieux aujourd’hui, c’est de décréter qu’il y aura une séance secrète plusieurs jours avant la fin de la session afin que tous les membres de l’assemblée puissent être présents, et que cette séance soit consacrée à l’examen de la proposition qui vient d’être faite.

M. Metz. - Messieurs, je me rallie entièrement à la proposition de l’honorable M. de Brouckere, qui rentre d’autant plus dans mes vues, que les députés du Luxembourg et du Limbourg n’ont pas entendu proposer la moindre chose qui ne puisse être acceptée par toute la chambre avec la plus entière sécurité ; mais la proposition de l’honorable M. Trentesaux n’obtiendra certes pas mon assentiment ; c’est là un véritable ajournement, et je le demande, messieurs, est-ce que nous ajournions, nous habitants du Luxembourg, lorsqu’il s’agissait de défendre le pays ? Est-ce que nous ajournons, quand il s’agit de contribuer aux charges publiques ? Pouvez-vous ajourner de satisfaire à notre demande, surtout lorsque le ministère n’a pas encore répondu un mot à la déclaration faite par la Hollande qu’elle est prête à accepter un traité contre lequel le canon de Chassé a proteste, un traité que la vétusté a réduit en poussière ?

Je pense, messieurs, que notre proposition est conçue dans les termes les plus modérés, les plus convenables, qu’elle ne peut pas manquer d’obtenir l’assentiment unanime de la chambre ; et, comme l’a dit l’honorable M. de Brouckere, s’il n’est pas un membre dans cette enceinte qui ne forme le vœu exprimé dans le projet, pourquoi ne consignerions-nous pas ce vœu dans un acte qui peut servir de piédestal au ministère ? Je pense donc, messieurs, qu’il y a lieu de nommer immédiatement la commission pour qu’elle fasse son rapport séance tenante ; je suis persuadé que la proposition ne renferme pas une seule expression qui puisse rencontrer le blâme de la commission.

M. F. de Mérode. - Messieurs, voter une adresse peut être chose utile, mais cela peut aussi avoir des inconvénients ; il me semble qu’on ne peut pas ainsi se décider ex abrupto sur une semblable proposition à laquelle on n’avait pas même songé avant d’entrer en séance ; quant à moi, je vous avoue qu’il m’est impossible de traiter les affaires publiques de cette manière-là, je ne voudrais pas traiter les miennes d’une manière aussi prompte et aussi peu réfléchie ; je serais dans l’impossibilité absolue de voter aujourd’hui soit pour, soit contre l’adresse ; je voudrais avoir le temps de réfléchir, ne fût-ce que 24 heures, pour savoir quelle doit être ma conduite dans cette circonstance.

M. Vandenbossche. - Messieurs, les termes dans lesquels le projet d’adresse est conçu n’expriment qu’un vœu que nous avons manifesté tous depuis sept ans ; nous avons donc eu tout le temps de fixer notre opinion à cet égard. C’est d’ailleurs avant l’ouverture des négociations qu’il convient de présenter une semblable adresse au Roi ; quand les négociations seront ouvertes, il ne pourra plus s’agir de cela. J’appuierai donc le projet d’adresse et je demande qu’on le vote immédiatement.

M. Mast de Vries. - Messieurs, quel que soit le projet d’adresse, il faut toujours suivre le règlement ; or, l’article 67 du règlement exige que tout projet d’adresse soit rédigé par une commission nommée par la chambre ; il faudrait donc commencer par ouvrir un scrutin pour la nomination d’une commission…

M. de Brouckere. - C’est ce que nous demandons. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - La question d’ajournement ayant la priorité, aux termes du règlement, je vais la mettre aux voix.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je ne m’oppose en aucune manière à la nomination d’une commission pour examiner le projet d’adresse ; l’ajournement que j’ai proposé n’était en opposition qu’avec le vote immédiat que demandait l’honorable M. Metz. Que la chambre nomme une commission, mais qu’elle ne préjuge pas dès à présent si elle discutera le projet séance tenante ou dans une séance prochaine. Je voudrais qu’on ne fixât la discussion que quand le rapport sera fait.

M. le président. - Je vais donc mettre aux voix la question de savoir si une commission sera nommée.

- Cette question est résolue affirmativement par la chambre.

M. le président. - Comment désire-t-on que la commission soit nommée ?

De toutes parts. - Par la chambre !

M. le président. - Il s’agit de savoir aussi si la commission devra faire son rapport séance tenante.

M. de Brouckere. - Qu’on mette aux voix la proposition que j’ai faite, tendant à ce que la commission fasse un rapport séance tenante.

M. le président. - On a demandé que le rapport fût ajourné à lundi.

M. Verdussen. - Si j’ai voté pour qu’une commission fût nommée, c’était que j’avais la conviction de la nécessité de cette nomination ; mais je ne suis pas convaincu qu’il faille obliger la commission à faire un rapport séance tenante. Si l’examen de l’adresse, quelque simple qu’elle paraisse, provoque au sein de cette commission des observations de nature à exiger une délibération longue et approfondie, nous pourrions rester en séance pendant 12 heures ou 24 heures et même davantage, sans que le travail de la commission fût terminé.

Je ne pense donc pas que l’on puisse imposer à la commission l’obligation de faire un rapport séance tenante. Je voterai en conséquence contre la proposition de M. de Brouckere.

M. de Brouckere. - Je ferai remarquer à la chambre qu’il s’agit tout bonnement d’un vœu à exprimer et que nous avons déjà un modèle d’adresse sous les yeux ; projet qu’il s’agira uniquement de modifier dans quelques expressions, si tant est qu’il en renferme dont on ne veuille pas. Le travail de la commission ne durera pas plus d’une demi-heure, et je suis persuadé qu’avant que la demi-heure soi écoulée, la commission présentera son rapport.

Je persiste donc dans ma proposition tendant à avoir un rapport séance tenante.

M. Verhaegen. - Messieurs, l’honorable M. de Mérode disait tout à l’heure qu’il pouvait être très utile de voter immédiatement l’adresse, et qu’il pouvait aussi y avoir des inconvénients. J’ai cru qu’on aurait signalé ces inconvénients ; on n’en a rien fait ; reste donc que la chose peut être très utile, et, quant à moi, je pense qu’elle doit être très utile. Une adresse votée aujourd’hui peut avoir de bons résultats ; une adresse votée lundi peut n’en avoir aucun, car il s’agit du mérite de l’à-propos ; il s’agit de saisir la circonstance. Tout le monde doit être d’accord sur le vœu à exprimer : c’est là l’objet de l’adresse. Maintenant il s’agit de savoir dans quels termes l’adresse sera conçue : il ne faut pas dix minutes pour cela. Il me semble qu’il est nécessaire qu’on sache, avant que la commission soit nommée, endéans quel temps la commission devra présenter son rapport.

M. F. de Mérode. - Messieurs, l’honorable préopinant m’a fait dire qu’il doit être très utile de voter immédiatement une adresse. Je ne me suis pas servi de ces expressions. J’ai dit qu’il était peut-être utile de voter une adresse, et que cela pouvait aussi être contraire aux résultats que nous désirons obtenir.

L’honorable M. Verhaegen dit que je n’ai exprimé aucun motif à l’appui de ce que j’ai avancé ; mais c’est précisément lorsqu’on est dans le doute, et qu’on n’est pas éclairé sur une question, qu’on ne peut pas développer de motifs. Je n’en ai présenté ni dans un sens ni dans l’autre ; je suis dans l’incertitude ; il me serait impossible de me prononcer immédiatement sur une pareille adresse. Je voudrais au moins que d’ici à demain on eût le temps de réfléchir. Si l’on veut avoir séance demain, soit : rien ne s’y oppose ; nous avons déjà tenu séance les dimanches lorsque nous l’avons jugé nécessaire.

M. Lebeau. - Messieurs, indépendamment des considérations que viennent d’exposer plusieurs membres de cette chambre, pour motiver l’ajournement de la discussion de l’adresse, il y a un autre motif très grave qui n’a pas été allégué et qui vient entièrement appuyer l’ajournement : c’est que la chambre est prise au dépourvu, et que la moitié de nos collègues sont absents.

S’il y avait une urgence telle que le moindre retard pût compromettre l’objet de l’adresse, je concevrais que cette considération dût faire faire toutes les autres. Mais cette urgence n’existe pas ; il ne s’agit pas d’aborder d’ici à 24 heures les négociations sur lesquelles vous voulez influer par votre adresse. Dès lors, nous ne pouvons, sans manquer à nos collègues et aux localités qu’ils représentent, passer immédiatement, et à leur insu, à la discussion d’une adresse qui doit avoir une influence plus ou moins grave sur les négociations.

Je ferai remarquer que si l’on veut environner l’adresse d’une certaine autorité morale à l’extérieur, on ne doit pas vouloir qu’on puisse croire que le vœu qui sera exprimé vienne d’une chambre incomplète. Je crois donc que si vous tenez à cœur à ce que votre adresse ait quelque poids dans la balance des prochaines négociations diplomatiques auxquelles le gouvernement doit prendre part, il faut que l’adresse présente ce caractère de délibération froide et d’assentiment assez général, pour qu’on ne puisse pas équivoquer sur le véritable vœu exprimé dans cette adresse.

Eh bien, en l’absence de la moitié de nos collègues, alors qu’aucun d’eux n’a été prévenu, alors que les objets les plus minimes ont été mis à l’ordre du jour, pouvons-nous délibérer sur une question aussi importante ? Je le répète, s’il y avait une urgence absolue, telle que le moindre retard pût compromettre les plus graves intérêts du pays, je concevrais la nécessité d’une délibération immédiate ; je concevrais qu’on s’opposât alors à un ajournement de 48 heures. Mais une pareille urgence n’existe pas.

Je demande donc formellement que la commission puisse s’occuper immédiatement de la rédaction de l’adresse ; mais que la discussion du projet n’ait lieu que lundi au plus tôt. (Aux voix !)

M. Trentesaux. - Messieurs, je persiste à croire que le meilleur parti que nous puissions prendre, c’est de nous réunir en comité secret. Qui vous a dit que votre ennemi n’a pas calculé sur une explosion de cette nature ? Qui vous a dit qu’il ne s’en servira pas pour prouver aux puissances étrangères que nous sommes disposés à guerroyer ? Je n’en dirai pas davantage : il y a des choses qu’il convient plus de dire en comité secret qu’en séance publique. (Aux voix ! aux voix !)

- La chambre consultée décide que la discussion de l’adresse aura lieu lundi prochain.

Nomination d'une commission d'adresse

M. le président. - Nous allons procéder par scrutin secret à la nomination des membres de la commission d’adresse.

Voici le résultat du scrutin :

Le nombre des votants est de 57.

Majorité absolue, 29.

M. Fallon a obtenu 52 suffrages.

M. Mast de Vries 22.

M. Dubus (aîné) 29 ;

M. Desmanet 28.

M. de Renesse 19.

M. de Langhe 22.

M. Metz 5.

M. Gendebien 22.

M. Pollénus 5.

M. d’Hoffschmidt 3.

M. Dechamps 19.

M. Desmet 19.

M. de Brouckere 27.

M. Verhaegen 19.

M. Jadot 4.

M. Lebeau 14.

M. Rogier 3.

M. Heptia 14.

M. Dubus (sans autre désignation) 2.

M. Verdussen 7.

M. Trentesaux 2.

M. de Foere 1.

- MM. Fallon et Dubus (aîné), ayant seuls obtenu la majorité absolue, sont proclamés membres de la commission d’adresse.


Il est procédé à un second tour de scrutin.

En voici le résultat :

Nombre des votants, 55.

Majorité, 28.

M. de Langhe a obtenu 28 suffrages.

M. Desmanet de Biesme 28.

M. de Renesse 27.

M. de Brouckere 24.

M. Gendebien 23.

M. Dechamps 21.

- MM. Desmanet de Biesme et de Langhe, ayant obtenu seuls la majorité, sont proclamés membres de la commission, et il est procédé à un scrutin de ballottage entre les 4 membres qui ont obtenu le plus de suffrages qui sont MM. de Renesse, de Brouckere, Gendebien et Dechamps.


Le scrutin de ballottage donne le résultat suivant :

Le nombre des votants est de 54.

M. de Renesse a obtenu 36 suffrages.

M. Dechamps 33.

M. Gendebien 21.

M. de Brouckere 19.

En conséquence, MM. de Renesse et Dechamps sont proclamés membres de la commission, qui se trouve composée comme suit : MM. Fallon, Dubus (aîné), de Langhe, Desmanet de Biesme, de Renesse et Dechamps.

- La séance est levée à 4 heures 3/4.