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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 13 mars 1838

(Moniteur belge n°73, du 14 mars 1838)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.

M. Kervyn donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces suivantes.

« Le sieur Le Prévost de Baesrode adresse des observations sur le cens électoral. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Un grand nombre d’agriculteurs, liniers et propriétaires de la ville de Bruges et des communes de Dudzeele, Koolkerke, Saint-Michels, Lophem et Moerkerque demandent que la chambre repousse la proposition faite de frapper les lins d’un droit exorbitant à la sortie. »

- Renvoi à la commission d’industrie.

Composition des bureaux de section

Première section

Président : M. Liedts

Vice-président : M. Desmanet de Biesme

Secrétaire : M. Lecreps

Rapporteur de pétitions : M. Zoude


Deuxième section

Président : M. Dubus (aîné)

Vice-président : M. Mast de Vries

Secrétaire : M. Milcamps

Rapporteur de pétitions : M. Hye-Hoys


Troisième section

Président : M. Desmaisières

Vice-président : M. Maertens

Secrétaire : M. de Florisone

Rapporteur de pétitions : M. Manilius


Quatrième section

Président : M. Verdussen

Vice-président : M. Wallaert

Secrétaire : M. Heptia

Rapporteur de pétitions : M. Beerenbroeck


Cinquième section

Président : M. Angillis

Vice-président : M. Pollénus

Secrétaire : M. Cornéli

Rapporteur de pétitions : M. Vandenbossche


Sixième section

Président : M. Andries

Vice-président : M. de Nef

Secrétaire : M. de Jaegher

Rapporteur de pétitions : M. Eloy de Burdinne


Projet de loi fixant les circonsciptions des cantons de justice de paix

Motion d'ordre

M. Liedts (pour une motion d’ordre). - Messieurs, on vient de distribuer le résumé des opinions qui ont été émises par les conseils provinciaux sur le projet de loi relatif aux circonscriptions des cantons, Je ferai la motion que cet objet soit renvoyé à la commission qui a été instituée pour l’examen du projet de loi, avec prière de nous présenter un nouveau rapport sur les observations des conseils provinciaux. Ce sera, je pense, le seul moyen d’arriver au terme de ce long et interminable projet. Comme la commission dont il s’agit n’est plus complète, je demanderai que le bureau soit chargé de remplacer ceux des membres de la commission qui ne font plus partie de la chambre.

M. Pollénus. - Messieurs, dans le résumé des renseignements dont vient de parler l’honorable M. Liedts, je n’ai rien trouvé concernant le Limbourg et le Luxembourg. Cependant, il me semble désirable que des renseignements soient pris, afin que l’on s’assure s’il n’y aurait pas lieu de faire au moins quelques modifications partielles dans ces provinces.

Je pourrais citer plusieurs exemples ; je me borne à signaler celui d’une commune qui appartient à l’arrondissement de Hasselt et qui trouve placé au milieu de l’arrondissement de Tongres.

De cet état de choses résultent des inconvénients qui, depuis nombre d’années ont été signalés par les autorités judiciaires et administratives. S’il existe des motifs pour que le gouvernement laisse le Limbourg et le Luxembourg dans la situation où ces deux provinces se trouvent aujourd’hui quant à la circonscription cantonale, il semble qu’au moins il y aurait lieu de faire droit à quelques réclamations partielles.

Je désirerais donc que le gouvernement voulût bien prendre quelques renseignements à cet égard, avant que la chambre statuât sur la proposition de l’honorable M. Liedts.

M. Liedts. - Messieurs, je ferai remarquer que la demande de l’honorable M. Pollénus n’a rien de commun avec ma motion. Le gouvernement a cru que quant au Limbourg et au Luxembourg, il était impossible, dans l’état actuel de nos relations extérieures, de s’occuper de la circonscription judiciaire définitive de ces deux provinces, et que tout ce qu’on ferait à ce sujet ne pourrait être que provisoire, parce que les traités ne sont pas jusqu’à présent exécutés d’une manière définitive ; que par conséquent il fallait laisser la question en suspens pour ces deux provinces, comme on les a laissés en dehors d’autres mesures législatives.

Faut-il maintenant, parce que ces deux provinces se trouvent dans une position exceptionnelle, faut-il que les autres parties du pays restent dans un état provisoire ? Et cependant il est bien temps que l’on mette fin à un pareil état de choses. Malgré les prescriptions de la constitution, il existe encore dans notre pays des juges qui ne sont pas inamovibles ; voilà huit ans que nous existons, et nous avons encore une classe de magistrats qui n’ont pas le caractère de l’inamovibilité : ce sont les juges de paix dont la nomination n’a pas encore été réglée par une loi.

Il est temps que cela finisse si vous voulez éviter le même reproche qu’on a fait au gouvernement déchu. N’était-ce pas un grand grief que celui qui a été articulé contre le roi Guillaume, d’avoir laissé la Belgique pendant 15 ans avec des juges amovibles ? Eh bien, ce grief se présente ici, non pas, il est vrai, pour toute la magistrature, mais au moins pour une partie de la magistrature, pour les juges de paix.

Cet état doit donc cesser ; or, si la commission ne se recompose pas, nous ne sortirons jamais dr cette loi inextricable.

M. Pollénus. - Messieurs, je ne pense pas qu’il puisse être satisfait au but que se propose l’honorable préopinant, si l’on obtenait même un rapport de la commission. En effet, la chambre sera d’accord avec moi qu’il serait impossible d’arrêter une loi sur la circonscription cantonale, avant d’arrêter une loi sur la compétence ; car il faut de toute nécessité qu’on connaisse l’étendue des travaux qu’on veut déférer aux justices de paix, avant qu’on détermine la population que l’on veut soumettre à la juridiction des justices de paix ; cela me paraît évident ; ainsi, en hâtant même le rapport que provoque l’honorable M. Liedts, on n’aura absolument rien gagné. C’est la loi sur la compétence des juges de paix dont on doit accélérer la discussion ; car, avant d’avoir obtenu la loi sur cette matière, il est inutile de s’occuper de la loi sur la circonscription des cantons.

Messieurs, le résultat qu’on obtiendrait en adoptant la proposition de l’honorable M. Liedts, ce serait d’amener la chambre à faire des projets de loi pour quelques rectifications qui sont d’une nécessité évidente. Or, je fais ici un appel à tous ceux qui connaissent les localités de ma province, et tous conviendront qu’il y a quelques rectifications qui sont indispensables dans le Limbourg, et je pense que si le gouvernement s’adressait aux autorités locales, il n’y aurait de leur part qu’un avis sur cette question.

M. Demonceau. - Messieurs, la proposition de l’honorable M. Liedts a cet avantage, selon moi, que tout en instruisant la loi sur la circonscription cantonale, on instruira également la loi sur la compétence des juges de paix, et l’on pourra discuter les deux projets en même temps. J’appuie donc la proposition.

M. Pollénus déclare ne pas persister dans sa motion d’ajournement.

M. Vandenbossche. - Messieurs, je pense qu’on ne peut pas s’occuper de la circonscription des cantons sans s’occuper de la circonscription des tribunaux de première instance ; or, avant de s’occuper de ce dernier objet, je crois qu’on désire encore obtenir des renseignements de la part des états provinciaux.

Je reprends donc la motion d’ajournement de la proposition de M. Liedts.

- La motion d’ajournement est mise aux voix et n’est pas adoptée.

La proposition de M. Liedts est ensuite mise aux voix et adoptée.

En conséquence, les avis des conseils provinciaux sur le projet de loi relatif à la circonscription cantonale, seront renvoyés à la commission qui est chargée de l’examen de ce projet ; en outre, la commission sera complétée par le bureau.

La chambre passe à l’objet de l’ordre du jour qui est la suite de la discussion du projet de loi concernant les ventes à l’encan.

PROJET DE LOI RELATIF AUX VENTES A L’ENCAN

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - Nous en sommes au premier paragraphe de l’article premier ; hier on était d’accord sur le principe, on ne différait que sur les expressions.

Voici comment était conçu le paragraphe premier du projet du gouvernement :

« Les marchandises neuves ci-après désignées ne pourront être vendues publiquement à l’encan par quantités moindres que celles déterminées au présent article, savoir : »

Voici le du projet de la commission :

« Les marchandises neuves ci-après désignées ne pourront être vendues publiquement à l’encan soit à l’enchère soit au rabais, par quantités moindres que celles déterminées au présent article, savoir : »

M. Verhaegen. - Messieurs, je pense que malgré l’addition des mots ajoutés par la section centrale, il y aura encore moyen d’éluder la loi. Il serait plus convenable de se servir d’autres expressions ; on pourrait éluder la loi en faisant des ventes publiques qui ne seraient ni à l’enchère, ni au rabais. Voici comment :

On a plusieurs objets à vendre ; on les place dans des catégories. Je suppose un petit objet mobilier ; on dira : un franc et demi ; personne n’en voudra ; on en prendra un autre ; on en prendra un troisième ; puis l’on reviendra au premier : on dira un franc 25 centimes ; personne n’en voudra ; on prendra un second, on prendra un troisième ; l’on reviendra encore au premier, et l’on dira : un franc, et l’on adjugera ; de cette manière, ce ne sera ni une vente aux enchères, ni au rabais, ce sera une vente publique.

Je pense, moi, que pour parer à ces inconvénients, il y aurait lieu de rédiger le premier paragraphe comme suit :

« Les marchandises neuves ci-après désignées ne pourront être vendues publiquement aux criées par quantités moindres... » (Le reste comme dans le projet de la section centrale.)

Les mots « aux criées » renferment tout.

- L’amendement est appuyé.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Nous sommes tous d’accord sur le but, seulement nous différons dans le choix de l’expression. J’ai entendu manifester la crainte que si on insère le mot « aux criées, » on ait recours à un mode de vente publique par adjudication sans criées. Je pense qu’on éviterait toute espèce de vente de cette espèce, en insérant le mot « par adjudication. » Il ne peut y avoir de vente sans adjudication. Dès qu’il y aura publicité et adjudication, l’on se trouvera dans les termes de la loi.

Je propose donc de dire :

« Les marchandises neuves ci-après désignées ne pourront être vendues publiquement, par adjudication, par quantités moindres que celles déterminées au présent article, etc. »

M. Verhaegen. - Je me rallie à l’amendement de M. le ministre que je trouve plus avantageux que le mien.

- L’amendement de M. le ministre de l'intérieur est adopté.

« 1° Les objets de quincaillerie et de mercerie, par loi de cent francs au moins, ou par grosses. »

- Adopté.

« 2° Les étoffes et tissus de toute espèce, par deux pièces entières, ayant cap et tête, ou par une pièce entière si elle mesure au moins 30 mètres ;

« Les étoffes et tissus qui ne seraient pas par pièces entières, par lots de 40 mètres au moins ;

« Les étoffes qui ne se débitent point à l’aunage, telles que schalls, foulards, et autres semblables, et en général tous les objets de modes et d’habillement, par douze pièces du même genre ;

« Les mouchoirs et cravates, par six douzaines. »

M. Hye-Hoys. - Je fais observer que parmi les articles désignés au n° 2°, je ne vois pas figurer les nankins des Indes orientales. C’est un article qu’on introduit par paquets de 10 pièces. Comme la forme des paquets indique l’origine, pour qu’on ne soit pas obligé de les défaire pour former des douzaines, ce qui déprécierait la marchandise, je proposerai d’insérer dans l’article que les nankins des Indes orientales ne pourront être vendus que par paquets de dix pièces.

M. Liedts. - Le numéro 2 remédie aux inconvénients que craint l’honorable préopinant, car le nankin rentre dans les tissus et étoffes de toute espèce dont la vente peut avoir lieu par deux pièces entières ou par une pièce entière, si elle mesure au moins 30 mètres.

La loi doit poser une règle générale et ne peut pas entrer dans des détails commue on vous propose de le faire. Il y a d’autres étoffes que les nankins qui se vendent par pièce. Ce qu’on demande pour les nankins, on pourrait le demander pour les mousselines.

M. Hye-Hoys. - Les pièces de nankin n’ont ni cap ni tête et ne mesurent que 7 à 9 aunes. Si vous permettez qu’on les vende par deux pièces, cela ne fera que 14 à 18 aunes ; cela ne suffit pas, il faut que la vente de cet article ne puisse avoir lieu que par paquets de 10 pièces au moins. C’est ainsi que les nankins nous viennent des Indes.

M. Lardinois. - Je m’oppose à l’amendement de M. Hye-Hoys ; il peut arriver qu’un négociant ait intérêt à vendre des nankins par deux pièces, par trois ou par quatre pièces. S’il trouve que sa marchandise sera plus estimée, s’il la présente par paquets de 10 pièces, ii la vendra de cette manière.

M. Hye-Hoys. - Si vous ne voulez pas qu’on vende des nankins l’encan au détriment des boutiquiers, il faut n’autoriser cette vente que par paquets de 10 pièces au moins.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Cet amendement n’a trait qu’à une spécialisé. Il y a d’autres étoffes qui ne se vendent que par pièces et qui ne sont que de peu d’aunage. Deux pièces sont déjà trop pour beaucoup d’individus. Ce qu’on a voulu éviter, c’est qu’on fît des approvisionnements individuels dans les ventes à l’encan.

M. Hye-Hoys. - C’est ce qu’il faut pour un pantalon.

- L’amendement de M. Hye-Hoys est mis aux voix.

Deux épreuves sont douteuses ; on procède à l’appel nominal.

En voici le résultat :

54 membres prennent part au vote.

28 votent pour l’adoption.

26 votent contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l’adoption : MM. Bekaert-Baeckelandt, Coppieters, de Foere, Demonceau, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, Doignon, Donny, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lecreps, Maertens, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, A. Rodenbach, Seron, Simons, Vandenhove, Vandenbossche, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Verhaegen, Wallaert.

Ont voté contre : MM. Angillis, Berger, Corneli, Dechamps, de Florisone, F. de Mérode, de Nef, de Renesse, de Theux, d’Hoffschmidt, Dubois, B. Dubus, Eloy de Burdinne, Lardinois, Liedts, Mast de Vries, Metz, Pollénus, Raikem, Raymaeckers, Smits, Scheyven, Trentesaux, Troye, Zoude, Ullens.

Le n°2 de l’article premier est mis aux voix et adopté avec l’amendement de M. Hye-Hoys .

Les numéros suivants de l’article premier sont successivement mis aux voix et adoptés.

L’article premier est mis aux voix et adopté dans son ensemble avec l’amendement de M. Hye-Hoys .

Article 2

« Art 2. Les dispositions de l’article précédent ne sont pas applicables aux ventes occasionnées par décès ou cessation de commerce, pourvu que ces ventes aient lieu dans les maisons mêmes des décédés ou cessant-commerce, à moins que, par une ordonnance motivée, le bourgmestre ne donne l’autorisation d’y procéder ailleurs.

« La même personne ne pourra jouir de l’exception accordée au cessant-commerce, qu’une fois dans l’année et qu’autant qu’elle aura été patentée l’année précédente. »

M. Mast de Vries. - Dans une précédente séance j’ai dit ce qui arrive dans les foires. Mais il est possible que des individus voulant faite des ventes à l’encan soient d’accord avec d’autres qui cessent un commerce fictif ; ils en trouveront aisément qui seront disposés à payer une patente pour prêter leur nom à cette espèce de ventes. Je demande donc qu’il soit de notoriété publique que le cessant-commerce a fait commerce l’année précédente. Ce sera à la régence à dire si l’individu qui veut faire une vente est marchand ou non.

Je propose donc un amendement consistant à ajouter à la fin de l’article 2 les mots suivants :

« Et qu’il sera de notoriété publique qu’il a fait commerce l’année précédente. »

M. Verhaegen. - Je pense que l’article dit tout. L’amendement de l’honorable M. Mast de Vries me paraît inutile ; je crois même qu’il présenterait des inconvénients. Quand on parle d’un cessant-commerce, on parle d’un commerçant ; or, pour être commerçant il ne suffit pas de prendre une patente, il faut encore, au terme du code de commerce, faire habituellement des actes de commerce. Si un individu prend une patente pour faire une vente à l’encan, il sera passible d’une pénalité, parce qu’il ne sera pas un cessant-commerce. Je crois donc qu’il serait dangereux d’adopter l’amendement de l’honorable M. Mast de Vries, qui peut donner lieu à des contestations.

M. Mast de Vries. - Mais c’est une erreur. Si l’individu qui veut faire une vente à l’encan cesse réellement un commerce, la vente aura lieu. Mon amendement tend à éviter une fraude que, sans une disposition expresse, on pourrait faire, en prenant une patente et en ayant un commerce simulé pour faire faire une vente à l’encan.

- L’amendement de M. Mast de Vries est mis aux voix, il n’est pas adopté.

L’article 2 est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Dans les cas prévus par les deux articles précédents, l’officier chargé de la vente sera tenu de faire, au secrétariat de la régence, au moins quatre jours avant celui fixé pour la vente, une déclaration en double expédition, constatant la quantité et la nature des objets, le nombre et la mesure des pièces qu’il se propose de vendre ; un des doubles lui sera remis avec le visa.

« Dans les cas de l’article 2 il ne pourra comprendre dans la déclaration qu’il est tenu de faire, des objets ou marchandises n’appartenant pas à la boutique ou magasin des décédés ou cessant-commerce. »

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je crois qu’il faut un paragraphe additionnel à cet article. Nous avons établi que certains lots ne pourraient être vendus que quand ils auraient telle valeur ; il faut dire qui estimera cette valeur. Voici le paragraphe que je proposerai :

« La valeur des lots sera estimée aux frais du vendeur par deux experts nommés par le collège des bourgmestre et échevins. »

- Ce paragraphe additionnel est adopté.

L’article 3 ainsi amendé est adopté.

Article 4

« Art. 4. La prescrite loi n’est pas applicable aux ventes publiques par adjudication de marchandises neuves provenant de faillite, de saisies et préemptions légales, et de monts-de-piété. »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. Toute contravention aux dispositions qui précèdent sera punie de la confiscation des objets exposés ou mis en vente et en outre d’une amende de 50 francs, qui sera prononcée solidairement à charge du propriétaire de ces marchandises, de l’officier public qui fait la vente et de celui qui en a la direction.

« En cas de récidive pendant l’année, l’amende sera double, et l’officier public pourra être suspendu par le juge compétent. »

M. Verhaegen. - Je pense que cette disposition serait insuffisante, et que la loi serait éludée dans beaucoup de cas. La confiscation pourrait être illusoire quand les marchandises seraient dans les mains des tiers, et il n’y aurait pour toute peine qu’une amende de 50 francs. Je proposerai de mettre une amende de 50 francs à 1,000 francs, et de supprimer la suspension de l’officier public qui est une peine rigoureuse. En cas de récidive, je demanderai que le maximum de l’amende soit appliqué.

M. Pollénus. - Puisqu’on regarde la confiscation comme une peine inutile, il faudrait la payer.

M. Lardinois. - La confiscation est nécessaire dans beaucoup de cas. Quand les ventes à l’encan ont lieu par cessation de commerce, les négociants qui ont de mauvaises marchandises ne manquent pas de les envoyer à cette vente ; il faut faire cesser cet abus, s’il est possible.

M. Verhaegen. - Je n’ai pas dit que la confiscation fût toujours inutile ; j’ai dit que dans les cas où la marchandise était dans les mains des acheteurs, elle était illusoire.

Les amendements présentés par M. Verhaegen sont adoptés.

L’article 5 est ainsi conçu :

« Art. 5. Toute contravention aux dispositions qui précèdent sera punie de la confiscation des objets exposés ou mis en vente, et en outre d’une amende de 50 à 1,000 fr., qui sera prononcée solidairement à charge du propriétaire de ces marchandises, de l’officier public qui fait la vente et de celui qui en a la direction.

« En cas de récidive pendant l’année, le maximum de la peine sera appliquée. »

Cet article est adopté.

Second vote des articles

M. le président. - Comme il y a des amendements nous mettrons te vote définitif à après-demain.

M. Desmanet de Biesme. - Je crois, messieurs, que les amendements introduits dans la loi sont assez peu importants pour qu’il n’y ait pas d’inconvénients à voter définitivement la loi aujourd’hui ; comme le sénat ne sera plus réuni que pendant quelques jours, il convient que cette loi lui soit transmise le plus tôt possible. Je crois donc, messieurs, qu’il conviendrait de déclarer l’urgence. (Appuyé ! appuyé !)

M. Pollénus. - Quoique je sois persuadé, messieurs, que le résultat du vote définitif sera le même, que ce vote ait lieu aujourd’hui ou un autre jour, je ne puis cependant m’empêcher de faire remarquer à la chambre que les amendements qui ont été adoptés aujourd’hui sont tout à fait improvisés, que personne n’a eu le temps de les méditer : à l’article premier les mots « ventes à l’encan » ont été remplacés par ceux de « ventes par adjudication ; » c’est là une modification dont je ne pourrais en ce moment apprécier la portée, mais ce n’est pas la seule que le projet ait subie, il y en a d’autres, qui peuvent être très importantes ; je crois donc qu’il n’y a pas lieu de contrevenir au règlement en passant immédiatement au vote définitif.

On dit qu’il importe de renvoyer la loi au sénat, le plus tôt possible ; je ne pense pas que le sénat soit sur le point de se séparer et je ne vois pas d’ailleurs l’urgence de la loi : on a beaucoup parlé des inconvénients des ventes à l’encan, mais si plusieurs personnes signaient ces inconvénients, il en est d’autres aussi qui n’en reconnaissent pas l’existence ; j’appartiens, moi, à une province où, comme je l’ai dit hier, on n’en a jamais entendu parler ; je crois donc, messieurs, que ces inconvénients sont plus imaginaires que réels, et qu’il n’y a aucune urgence à voter la loi.

M. Maertens. - On voit bien, messieurs, que l’honorable préopinant n’habite pas les contrées où depuis si longtemps on déplore l’existence de ces ventes malheureuses qui font tant de mal au commerce ; s’il avait vu ce qui se passe chez nous, il serait convaincu de l’urgence qu’il y a de voter la loi le plus tôt possible. Cette urgence est d’autant plus grande, messieurs, que c’est maintenant le moment où les détaillants font ordinairement leurs approvisionnements, et qu’ils n’oseront pas se pourvoir de marchandises si la loi qui doit les protéger contre les ventes à l’encan n’est pas votée. D’ailleurs le sénat se sépare d’ici à quelques jours, et si nous ne votons pas la loi aujourd’hui, elle pourrait se trouver ajournée jusqu’à ce que cette assemblée se réunisse de nouveau.

Je ne vois pas, du reste, quel inconvénient il pourrait y avoir à voter la loi immédiatement ; les amendements qui y ont été introduits sont peu importants ; il y en a même un, celui qui a été proposé par l’honorable M. Verhaegen à l’article 5, qui est plutôt favorable que nuisible aux ventes dont il s’agit, puisqu’il écarte la peine de la suspension que le projet de la section centrale prononçait en cas de récidive, contre l’officier public. Qu’est-ce ensuite que l’amendement qui remplace les mots de « ventes à l’encan » par ceux de « ventes par adjudication » ? Qu’est-ce que l’amendement de M. Hye-Hoys qui défend de vendre les nankins par quantités moindres de 8 pièces au lieu que la section centrale défendait de les vendre par moins de 2 pièces ? Il faut convenir que ce sont là des amendements d’une bien faible importance et dont la portée peut être comprise par tout le monde, sans qu’il soit besoin de les méditer.

M. Pollénus. - Je ne puis concevoir, messieurs, comment l’honorable préopinant considère comme une disposition favorable, celle qui établit une augmentation de peine. Comment, lorsque vous dites une pénalité de cinquante à mille francs, vous dites que c’est une disposition favorable ! Lorsque vous dites que le maximum est inévitable en cas de récidive, vous appelez cela une disposition favorable ! Lorsqu’on discutait la loi sur le jury, on ne raisonnait pas de cette manière ; alors on voulait laisser à l’appréciation du juge l’application de telle ou telle peine ; aujourd’hui c’est une peine de rigueur, une peine obligatoire qu’on établit.

L’honorable préopinant revient encore sur les inconvénients de l’état de choses actuel, je ne révoque pas ses assertions en doute, mais il me permettra de lui faire remarquer qu’il est des personnes qui habitent sa province et qui ne sont cependant pas tout à fait d’accord avec lui sur la gravité de ces inconvénients.

On a cherché dans la séance d’hier à établir que les ventes à l’encan ne s’alimentent que du produit de vols et d’escroqueries ; mais s’il en est ainsi, la loi est insuffisante, alors il faut, comme l’a dit l’honorable M. Lebeau, prohiber entièrement ces ventes : avec le vol il n’y a pas de transaction possible.

- L’urgence est mise aux voix et prononcée.

L’amendement qui consiste à remplacer les mots « ventes à l’encan » par ceux de « ventes par adjudication, » est mis aux voix et définitivement adopté.

L’amendement qui consiste à remplacer le nombre de 2 pièces pour les nankins par celui de 8 pièces, est mis aux voix ; deux épreuves sont douteuses.

M. le président.- Il va être procédé à l’appel nominal.

M. Verhaegen. - Je voudrais demander un éclaircissement à l’honorable M. Hye-Hoys.

M. le président.- On ne peut plus discuter sur une proposition qui a déjà été mise aux voix.

M. Hye-Hoys. - Si M. le président voulait consulter la chambre sur la question de savoir si elle permet de rouvrir la discussion, je pourrais peut-être satisfaire l’honorable M. Verhaegen.

- La chambre consultée décide que la discussion ne sera pas rouverte.

Il est procédé à l’appel nominal sur l’amendement. En voici le résultat :

59 membres y prennent part.

27 répondent oui.

32 répondent non.

En conséquence, l’amendement n’est pas adopté.

L’article 3 nouveau qui a été présenté par M. le ministre de l’intérieur, est mis aux voix et définitivement adopté.

M. Angillis. - Je crois que cette disposition trouverait mieux sa place à la suite de l’article premier.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je pense aussi que cet article pourrait former un paragraphe additionnel à l’article premier.

- La chambre consultée décide que l’article 3 formera un paragraphe additionnel à l’article premier.

Les deux amendements introduits dans l’article 5 sont ensuite mis aux voix et confirmés.

Vote sur l'ensemble du projet

Il est ensuite procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.

En voici le résultat :

59 membres y prennent part.

43 répondent oui.

16 répondent non.

En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Angillis, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Coppieters, de Florisone, de Foere, de Jaegher, Demonceau, de Nef, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Doignon, Donny, Dubois, Hye-Hoys, Kervyn, Lardinois, Lecreps, Liedts, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, A. Rodenbach, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vanderbelen, Verhaegen, Wallaert, Zoude et Raikem.

Ont répondu non : MM. Corneli, de Brouckere, de Langhe, Dequesne, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de Burdinne, Jadot, Lebeau, Metz, Pollénus, Raymaeckers. Scheyven, Seron et Peeters.

Projet de loi sur le droit d'importation et d'exportation du café

Discussion générale

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Non, M. le président.

M. le président. - La discussion générale est ouverte.

M. Hye-Hoys. - Messieurs, dans la noble mission imposée au gouvernement d’organiser la Belgique à l’instar des Etats les plus civilisés, et de répondre aux vœux du pays, le gouvernement voit impérieusement augmenter ses besoins financiers, et partout la nation doit répondre à la sollicitude de ses chefs et pourvoir aux dépenses qu’ils font pour elle ; ce qui prouve la confiance que le gouvernement inspire à cette chambre et à toute la nation, c’est qu’à la demande d’une majoration d’impôt, nous n’avons pas entendu ces expressions de mécontentement qui accueillent presque partout les demandes de ce genre ; dans vos sections comme dans la section centrale, dans nos villes comme dans le sein de nos chambres de commerce, on peut dire que l’approbation part d’une majorité qui équivaut à l’unanimité. Personne ne se récrie contre la hauteur de la demande, parce qu’on la reconnaît équitable, et parce qu’un impôt est remboursé au centuple lorsque son emploi est national. Jetons un coup d’œil sur l’état et le nombre de nos relations diplomatiques, rappelons-nous le crédit voté récemment pour ouvrir des relations politiques et commerciales avec l’Orient ; examinons l’organisation de l’armée, des communes et des provinces, et nous reconnaîtrons que depuis sept ans nous avons fait d’immenses progrès ; enfin les efforts les plus louables et les plus constants pour donner des relations et des débouchés à notre commerce ; nos banques et nos capitalistes rivalisant de zèle : tels sont les fruits, la prudence, et la constance du gouvernement qui a la confiance publique, et la sécurité, sans lesquelles l’industrie ne peut prendre son essor.

Mais les besoins sont nombreux là où la sollicitude du pouvoir est sans cesse éveillée ; aussi ne pouvons-nous méconnaître la nécessité de pourvoir aux charges de l’Etat, dont les ressources se trouvent dans la confiance et les richesses de la nation. Félicitons aussi le gouvernement d’avoir choisi un impôt dont la majoration a obtenu l’assentiment de tous les intérêts. Il est modéré, ne nécessite pas de violence pour sa perception, n’oblige pas à d’énormes sacrifices ; il n’est pas assez élevé pour encourager la fraude, il réunit les conditions pour obtenir le vote de la chambre, en majorant l’impôt sur le café, le gouvernement belge ne fait rien d’incertain, d’extraordinaire ; il a pour lui l’expérience des hommes d’Etat ; car l’ancien gouvernement qui avait certes intérêt à ménager ses colonies qui fournissaient de café les marchés d’Amsterdam et de Rotterdam, avait déjà reconnu la possibilité d’une majoration d’impôt sur ce produit, et l’avait fixé à 10 fl. par 100 kilog., pour recevoir son application au 1er janvier 1831. Messieurs, nous devons applaudir à la sagesse du gouvernement qui, loin d’épuiser la carrière que l’impôt lui ouvre, se restreint dans les bornes de la modération, et ménage les ressources du peuple avec cette parcimonie qui est le devoir du véritable homme d’Etat. C’est en ménageant les ressources de la nation qu’on peut dire que celles-ci sont inépuisables. Certainement on pourrait élever les droits sur le café plus que ne le propose le gouvernement, sans faire rien d’inouï, ni même d’insupportable ; mais au lieu d’élever cette majoration au taux où la voulait porter l’ancien gouvernement, on ne nous demande que 8 francs par 100 kilogr., c’est à-dire bien moins que l’on pourrait obtenir même sans fiscalité ; il n’y a donc rien d’excessif dans cette proposition, et je crois aussi qu’elle ne rencontrera pas d’opposition dans le sein de cette assemblée qui se félicitera de pouvoir trouver un revenu de 500,000 fr., sans imposer de gêne à aucune partie de la population.

Messieurs, j’ai rendu justice à l’administration de notre gouvernement, j’ai reconnu avec plaisir ce que la nation lui doit ; aussi la nation s’est-elle toujours empressée de lui accorder les impôts qu’il réclamait, et reconnaît-elle ce qu’elle a acquis de prospérité matérielle depuis sept ans ; mais la richesse nationale est susceptible de plus grands accroissements et une de ses principales sources nous manque aujourd’hui. J’ai hâte d’entrer en matière. Depuis que j’ai l’honneur de siéger à cette chambre, nous avons plusieurs fois fait entendre des plaintes sur l’état de notre marine marchande ; mais rarement, il est vrai, l’occasion s’est présentée de proposer une mesure radicale et qui, sans nous faire départir de notre système de rigoureuse équité vis-à-vis des autres nations, assurât à notre pavillon national les avantages qu’il peut raisonnablement demander. Vous comprendrez, messieurs, que j’entends parler de droits différentiels ; si, dans le système politique des nations dont nous faisons partie, les droits différentiels étaient chose inconnue ou tombée en désuétude, nous aurions mauvaise grâce à baser l’avenir de notre marine sur des usages et des privilèges abolis ; ce serait porter la perturbation dans les usages généraux de la mer ; nous pourrions faire douter par là de notre validité comme nation, et de notre amour de la paix ; mais examinons, messieurs, si la proposition d’établir des droits différentiels a quelque chose d’usé ou d’insolite, si le système commercial des nations qui ont acquis la plus grande prospérité ne repose pas sur les droits différentiels, si nous n’avons pas le droit de nous élever comme nation, si nous apportons dans le monde politique des idées subversives de l’ordre public, ou plutôt si nous n’accomplissons pas à l’égard de nos mandants un véritable devoir.

Nous avons fait, toute l’Europe le reconnaît, d’immenses progrès dans l’agriculture ; les Flandres sont depuis longtemps visitées et citées comme modèles en ce genre par les Allemands, les Anglais et les Français ; dans l’industrie manufacturière, nous pouvons en être fiers, nous avons fait des progrès si rapides que depuis la révolution de 1830, tous les monarques de l’Europe ont charge des hommes spéciaux de venir étudier cette Belgique tant calomniée par des Belges mêmes, et dont les produits se rencontrent partout ; mais aussi, de ce côté, nous sommes protégés, nous avons fait ce que font toutes les nations, nous avons donné à nos cultivateurs et à nos industries notre marché d’abord, puis la protection d’un tarif.

Quant à notre commerce maritime, nous ne pouvons en parler avec autant de satisfaction : jusqu’ici la chambre ne s’en est pas sérieusement occupée ; pour lui, nous n’avons pas eu la même sollicitude, nous n’avons ni protection ni privilèges assez étendus, nous ne le défendons même pas à l’égal de ce que font les autres peuples ; nous produisons amplement, il est vrai, mais nous n’utilisons pas les habitants de nos côtes ; nous n’encourageons pas nos constructeurs de navires ; nos chantiers sont déserts dans nos ports, et sur les mers nous n’avons pas la quantité de navires que réclament nos besoins ; l’étranger fait nos transports, et nous lui accordons des avantages qu’il nous refuse ; pendant 18 ans nous avons vainement rappelé cette prospérité maritime que nous a donnée l’empire ; malgré nos efforts, notre position, nous n’avons rien obtenu, Vous savez tous, messieurs, dans quel misérable état la Hollande nous a abandonné Ostende et son port, en haine évidemment de l’avenir maritime de la Flandre ; vous le savez, messieurs, puisque vous avez voté 600,000 francs pour travaux urgents de réparation au port ; croirait-on qu’il y a huit ans que nous reconnaissons ce que réclame notre marine, et que nous n’avons rien fait pour la retirer de son anéantissement ! Nous manquons réellement envers notre pays, nous restons insensibles à un ordre de choses qui l’attaque dans un des principes de son existence.

Comme négociant, je suis à même de connaître les usages du commerce et de la navigation, et d’apprécier quel a été, au dire de toutes les nations, le secret de la prospérité de leur marine marchande, et par suite de leur marine militaire, et je puis assurer que toutes les nations de l’Europe qui ont quelque importance, protège l’importation des produits chez elles, par leurs propres navires.

C’est à ce système que l’Angleterre doit sa puissante marine ; c’est ce système qu’ont suivi, par un sentiment d’équité et de justice distributive envers leurs sujets, les gouvernements de la France, de la Prusse, de la Hollande, de la Suède et du Danemarck, et les villes anséatiques ; c’est le droit commun de toute nation, et il n’y a que nous qui le dénions à nos propres concitoyens. Nous, Belges, avec toutes nos libertés, nous n’accordons pas à nos concitoyens de faire nos affaires ; bien plus, nous le leur défendons, car nous permettons à des étrangers de le faire, qui, pour remercier, nous excluent de chez eux ; et l’on viendra dire, comme le font les ennemis de la cause nationale depuis huit ans, que la Bétique n’aura jamais de marine ! Non, messieurs, elle n’en aura jamais, si nous ne le voulons pas. Mais voulez-vous savoir si nous avons des ressources et un avenir maritime, rappelez-vous ce qui s’est passé en Flandre au commencement du dix-huitième siècle (de 1719 à 1725) ; songez aux brillants débuts de la compagnie d’Ostende, dont les succès sont présents encore à la mémoire de tous les Belges. En cinq ans la prospérité maritime des Flamands devint telle, que contre tout droit des gens, et en pleine paix, les Hollandais et les Anglais capturèrent nos plus riches vaisseaux dans l’espoir de détruire des rivaux naissants et que pendant cinq ans tous les cabinets de l’Europe s’agitèrent, se liguèrent contre nous, et parvinrent enfin, en 1731, à supprimer la compagnie d’Ostende au profit de l’Angleterre et de la Hollande. Nous avions donc chez nous ce qu’il fallait pour être quelque chose sur mer : des capitaux et des hommes, car il n’en manque jamais aux circonstances. Il n’a jamais manqué à la Belgique qu’un gouvernement national pour l’apprécier. Nous avons respiré un moment cependant sous l’empire ; la prospérité d’Anvers et des Flandres est trop récente encore pour qu’elle se soit effacée de notre mémoire.

Nous avons aujourd’hui ce gouvernement national ; qu’il ait donc sa sollicitude éveillée sur notre commerce maritime. La chose la plus importante à faire en ce moment, c’est une loi qui établisse des droits différentiels, et de frapper les navires étrangers des droits qu’ils font peser sur les nôtres. Saviez-vous quelle est notre richesse en navires et pour quelle part nous participons à nos importations ? De 1831 à 1834, il est entré dans nos ports 1,641 navires belges, jaugeant ensemble 175,189 tonneaux ; mais il en est entré 5,469 étrangers, jaugeant 612,555 tonneaux, et pendant cette même période il est sorti 1,667 navires belges, jaugeant ensemble 183,368 tonneaux, et 7,018 étrangers, jaugeant 780,157 tonneaux. Ces données sont authentiques, messieurs ; c’est le gouvernement qui nous a donné ces chiffres dans le tableau du commerce. C’est lui-même qui vient vous dire que notre marine est si peu nombreuse que nous ne faisons nous-mêmes qu’un cinquième de nos transports par eau ; et pourquoi ? Parce que nous favorisons chez nous les étrangers, et que les étrangers nous repoussent de chez eux, parce que nous refusons à nos marins, à nos constructeurs et à nos armateurs la protection que l’Etat doit à ses habitants.

Il est bien vrai que nos lois accordent une prime à nos constructeurs de navires, et que les marchandises importées par nos vaisseaux reçoivent une restitution de 10 p. c. sur les droits, tant à l’entrée qu’à la sortie ; mais que sont ces faibles avantages ? Qu’importent les faveurs accordées aux constructeurs, si nos navires ne sont pas reçus à l’étranger sur le pied où nous recevons tous les pavillons ! Ce ne sont là que des demi-mesures ; avec cela nous n’arrivons pas au but, et la preuve en est dans le petit nombre de nos vaisseaux. Supprimez les mesures, étabissez des droits différentiels pour notre pavillon, et vous nous verrez suffire en peu de temps à nos besoins. Or, le gouvernement qui nous a donné cet argument, en contestera-t-il les conséquences ? Refusera-t-il de se joindre à nous pour améliorer notre position ? N’est-ce pas lui qui nous dit clairement que nous ne voiturions pas nos produits, que les vaisseaux étrangers sont à notre solde, qu’une sage protection peut détruire ces abus dont le pays souffre et nous restituer des profits que nous donnons impolitiquement à des étrangers ? N’est-ce pas lui qui nous met le doigt sur la plaie, et qui nous dit que nous employons les matières nécessaires à la construction navale, les capitaux, les ouvriers et les matelots de l’étranger ? Qu’une partie de nos houilles, de nos fers, de nos bois, de nos produits agricoles et de nos capitaux est pour nous une matière inerte ; qu’une grande partie de notre population, que nos côtes et nos ports, ne sont pas utilisés dans la construction des navires et de la navigation ?

N’est-ce pas lui qui nous dit que notre marine ne suffit pas pour emporter les produits qui excèdent la consommation intérieure, d’où il résulte une autre réduction dans l’emploi de nos capitaux et de nos matières premières, dans le travail et dans le bénéfice du commerce extérieur ; qu’au lieu de conserver à l’industrie nationale les marchés du pays nous les ouvrons, à qualités et à prix égaux, à l’industrie étrangère ; fait démontré à satiété depuis six ans par tous les industriels ? N’est-ce pas lui enfin qui nous a dit qu’à défaut de telle protection dont jouit la marine de toute autre nation, notre marine marchande tombe dans une décadence progressive, parce que nous l’obligeons de lutter à moyens inégaux contre la protection et la richesse de la marine étrangère ?

Messieurs, quand un gouvernement nous fournit des données statistiques dont l’expérience et le plus simple bon sens nous autorise à tirer les conséquences que je viens de développer, conséquences qui sont d’une rigoureuse exactitude, que lui reste-t-il à faire ? Il ne faut pas chez nous, comme en Russie, appeler l’or étranger pour féconder le sol ; on ne peut rien dire contre nos ports ; Anvers et toutes les côtes de la Flandre répondent victorieusement à ceux qui nous contestent la possibilité d’avoir une marine.

Ce qu’il faut faire ? C’est de réparer au plus tôt l’injustice commise jusqu’ici contre nos concitoyens, faire ce que tous les Etats de l’Europe ont fait pour leur marine, accorder à la nôtre la protection qu’on doit aux produits de son sol, la défendre avec les armes dont la politique a fait prévaloir l’usage ; il faut enfin au dehors, comme au dedans, sur terre comme sur mer, assurer aux capitaux et aux entreprises belges la liberté d’action, la protection et les moyens de se développer, que tout gouvernement national doit à ceux qu’il gouverne. Il faut commencer à entrer dans le système des droits différentiels. Les arguments qu’on pourra m’objecter ne m’effraient guère. Nous ne sommes pas constitués, viendra-t-on dire ; nous allons blesser la France, l’Angleterre, et bien d’autres puissances ; nous allons paralyser les bonnes intentions des gouvernements étrangers avec lesquels nous avons l’espoir de conclure des traités de commerce ; enfin nous allons apporter à notre législation douanière des modifications qu’il faudrait ajourner à une révision générale.

Remarquez bien, messieurs, qu’une partie de ces objections n’a rien de bien neuf ; depuis plusieurs années nous sommes habitués à les voir rappeler, dans le même ordre, à chaque question un peu importante de commerce et d’industrie.

D’abord je dirai qu’il est bien plus sage d’apporter incidentellement des modifications à notre législation douanière que d’ajourner toutes les améliorations à une révision générale. Qui est celui qui ne tremble à l’idée d’un remaniement complet de nos lois de douanes ? C’est un travail qui exigera le concours de toutes les spécialités de l’administration et du commerce, et qui nous prendrait un temps infini ; cette manière de procéder n’a d’ailleurs rien de rationnel ; il est bien plus sage de réparer un édifice au fur et à mesure que nous y découvrons des causes de destruction, que d’attendre jusqu’à ce qu’il menace de nous écraser sous ses ruines ; une sage économie nous le conseille, et c’est ce que font toutes les nations ; c’est donner aux lois la sanction du temps et de l’expérience.

Dire que nous ne sommes pas constitués, c’est dire une chose vraie, en un sens seulement. Nous qui, depuis 1830, faisons des lois pour le pays, qui connaissons ses ressources. Ses relations et ses gages d’avenir, nous aurions mauvaise grâce à nous dire à l’abri de tout ce que le futur peut enfanter de trouble : il est, on ne peut en douter, des événements qui se jouent de la prévision de tous les hommes d’Etat ; il est, je le sais aussi, des nations qui ne nous ont pas encore reconnus, et il reste encore bien à faire qui nous élever au point où nous pouvons parvenir ; car chaque jour nous révèle une nouvelle tâche à remplir. Mais nous dire que nous ne sommes pas constitués, c’est donc nous dire une chose qui n’attaque en rien l’opinion de la section centrale sur l’opportunité d’établir des droits différentiels en faveur de nos navires.

Si nous sommes mal constitués en un point, c’est dans notre marine ; c’est pour cela qu’il faut nous hâter de combler cette lacune et de compléter nos moyens d’action comme puissance politique.

La Belgique, ainsi que vous l’a dit l’honorable M. de Foere, n’a que 115 navires ; mais je lis dans l’état de la marine marchande belge publié à la fin décembre 1837, à Anvers, que le chiffre est monté à 155. Nous voyons dans le même tableau que 34 navires, la plupart d’un grand tonnage appartenant à la Belgique, naviguent aujourd’hui sous pavillon étranger ; c’est ce que justifient les chiffres donnés par le gouvernement et que j’ai cités plus haut ; or, depuis 1831 jusqu’en 1834, 1,392,712 tonneaux ont été exportés de la Belgique, ou importés chez nous par navires étrangers, et si nous venons à comparer les ressources de notre pays à celles de la France qui a 15,000 navires marchands, de l’Angleterre qui en a 25,000, et de la Hollande qui en a 1,400, nous serons convaincus que le nombre de nos navires peut être plus que triplé pour nos besoins, et décuplé si nous voulons utiliser nos ressources et servir le commerce étranger, comme le font d’autres nations, et que le secret de cet accroissement est dans nos mains. Aurons-nous blessé par là la France, l’Angleterre, ou autres puissances amies, comme on voudrait nous le faire craindre ? Depuis quand nous seuls ne pourrions pas faire ce que font et ce que doivent faire toutes les nations dans la vue de favoriser leurs intérêts ? Quelles susceptibilités blesserions-nous ? Etablissons-nous des privilèges ? La France, l’Angleterre, la Hollande, et toutes les nations maritimes de l’Europe ne repoussent-elles pas nos navires, puisqu’elles accordent des privilèges aux leurs, et viennent faire jusque dans nos toits nos propres affaires à l’aide de droits différentiels ; et qui pourrait nous déterminer à repousser cette politique de protection ? Jamais nous n’obtiendrons des puissances étrangères, dans l’état où est notre marine marchande, que le pavillon belge soit traité avec les mêmes avantages que les autres pavillons ; les puissances nous répondraient qu’elles font nos affaires chez nous, qu’elles n’ont pas à craindre que nous fassions leurs affaires chez elles, puisque nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes ; que pour obtenir quelque chose entre nations, il faut offrir un équivalent ; que nous n’avons rien à offrir puisque nous devons nous laisser exploiter ; qu’au milieu du mouvement commercial maritime de l’Europe, la Belgique est isolée, sa marine marchande écrasée par la marine étrangère, qu’elle s’est laissé enlever ses propres marchés, qu’il lui manque 80/100 de navires pour suffire aux besoins d’une population de 4,400,000 âmes, et qu’elle doit se compter heureuse que d’autres viennent lui prêter le secours de leurs vaisseaux. Voilà, messieurs, comment nous ne sommes pas constitués et pourquoi nous devons nous hâter d’organiser notre marine marchande et de constituer la Belgique sur des bases d’une politique vraiment nationale.

Il ne s’agit, comme je l’ai démontré, dans l’opinion de la section centrale, ni de représailles, ni de choses inusitée, mais uniquement d’adopter, en matière de commerce maritime, le principe de toutes les nations du monde ; ce principe dans son exécution ne blesse personne, il met les navires de toutes les nations sur un rang comparativement inférieur aux nôtres, jusqu’à ce que des traités de commerce nous permettent d’établir des dispositions différentes de réciprocité. Il n’y a donc pas même ici de considération de puissance amie à faire valoir, considération qui, dans mon opinion, devrait toujours fléchi devant l’intérêt national ; mais toute la question se réduit à celle-ci, le gouvernement :

1° Doit-il protéger l’industrie ?

2° Lui assurer le marché du pays ?

3° La marine marchande a-t-elle moins de droits à cette protection que les autres industries ?

4° L’équité, comme une sage politique, ne lui en fait-elle pas un devoir rigoureux ?

Enfin, messieurs, j’aborde la dernière objection : si, pour protéger notre marine marchande, nous allons entrer dans la voie adoptée par toutes les puissances, la France et l’Angleterre ne voudront plus entendre parler de nous ; dès lors plus d’espoir de traité de commerce, nous nous serions donc blessés avec nos propres armes. Mais qui de nous pourrait croire que la France allait nous permettre de l’exploiter, comme l’Angleterre le fait à l’égard du Portugal ? Ma réponse à ceux qui lèvent des traités de commerce, la voici :

« Je crois, messieurs, devoir déclarer qu’il n’a jamais été question de négocier un traité de commerce avec la France, il y a eu uniquement des conférences qui avaient pour but d’engager la France à apporter certaines modifications à son tarif de douanes, comme, de son côté la France en a réclamé de la Belgique dès le principe de la révolution ; à la fin de 1831, il a été institué un grand comité chargé d’éclairer le gouvernement sur la direction à donner aux réclamations qu’il aurait à faire auprès des pays étrangers.

« En 1834, les négociations devinrent officielles ; le gouvernement français nomma des commissaires, et le gouvernement belge en nomma de son côté, Mais nous n’avons jamais pensé qu’il pût être sérieusement question de négocier un traité de commerce qui portât sur l’ensemble des intérêts des deux pays, et qui, par sa nature de traité, eût été obligatoire ; nous avons cru que chaque pays devait demeurer libre dans la fixation de son tarif de douanes, comme dans les modifications qu’il croirait devoir y apporter, etc. »

Cette réponse, messieurs, est catégorique et aussi explicite qu’on peut la souhaiter ; elle a pour elle l’autorité d’un homme qui a la confiance du monarque. En d’autres termes, ce sont les expressions de l’honorable M. de Theux, prononcées dans cette chambre dans la séance du 22 avril 1837, et rapportées au Moniteur de cette même année, n°113.

Pour moi, messieurs, je n’ai jamais pensé non plus qu’il pût être question de traité de commerce, nous ne sommes pas assez forts pour en imposer ; et d’ailleurs les traités de ce genre ne sont plus de notre époque. S’entendre réciproquement pour abaisser progressivement les tarifs, ou les élever par mesures de représailles, voilà le principe qui domine les relations communales entre les peuples de l’Europe ! Mais dès lors aussi, ce dernier argument, si fort au premier aspect, s’évanouit comme tous ceux qu’on viendra nous objecter ; l’opinion de la section centrale vous trouvera portés à la soutenir, et le commerce maritime de notre pays applaudira à notre sage politique. Non, nous n’avons puis d’espoir, nous n’avons jamais eu d’espoir d’avoir un traité de commerce avec la France ; chaque pays demeure libre dans la fixation de son tarif et de ses lois de douane, et il doit le rester pour arranger ses affaires comme il l’entend ; il a la plus grande latitude dans son action, et les bornes à cette latitude se trouvent dans la connaissance parfaite qu’il a de ses besoins, et dans les représailles qu’il doit subir, s’il sort des limites de l’équité.

Maintenant donc, messieurs, que la question me semble nettement posée et dégagée des obstacles dont on voudrait nous effrayer, je pense que la chambre n’hésitera pas sur le parti que lui commandent nos vrais intérêts. C’est une protection efficace pour notre marine marchande.

- La séance est levée à 4 heures.