(Moniteur belge n°49, du 18 février 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. B. Dubus procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M. Lejeune lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. B. Dubus donne communication des deux pièces suivantes.
« Le conseil communal et les habitans de la commune de Heymerskeid demandent la construction de la route de Stavelot à Diekirch. »
« Des distillateurs des cantons de Chièvres, Ath, Lessines et environs, adressent des observations sur la loi relative aux distilleries. »
- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions chargée d’en faire le rapport.
MM. Lardinois, W. de Mérode et Desmanet de Biesme informent la chambre que l’état de leur santé les empêche d’assister aux travaux de l’assemblée.
- Pris pour notification.
M. Lejeune. - Messieurs, j’ai l’honneur de déposer, au nom de la commission des naturalisations : 1° plusieurs bulletins qui peuvent servir à la prise en considération ; 2° des rapports sur plusieurs demandes en naturalisation. Je pense que, d’après les précédents, la chambre ordonnera l’impression et la distribution de ces rapports.
- La chambre consultée décide que ces rapports, ainsi que les bulletins de prise en considération, seront imprimés et distribués.
M. de Puydt, rapporteur d’une commission, dépose sur le bureau un rapport sur le projet de loi concernant l’école militaire.
- Le rapport sera imprimé et distribué.
M. Thienpont (pour une motion d’ordre.) - Messieurs, le rapport sur le projet de loi concernant le sel a été déposé depuis quelque temps ; je désirerais que la chambre voulût mettre la discussion de ce projet à l’ordre du jour pour la séance du 26. Vous savez tous, messieurs, que cet objet est de la dernière urgence ; la loi dont il s’agit est vivement réclamée de toutes parts. Je propose en conséquence que le projet de loi soit mis à l’ordre du jour pour le 26 de ce mois.
M. Dumortier. - Messieurs, il existe un projet de loi dont déjà, à plusieurs reprises, j’ai réclamé la discussion ; il serait à désirer qu’elle pût enfin avoir lieu, je veux parler du projet de loi relatif aux eaux-de-vie étrangères.
M. le président. - Je ferai une observation. Le rapport sur ce projet de loi n’est pas encore fait ; toutefois, M. le rapporteur de la section centrale m’a annoncé qu’il pourrait déposer son rapport lundi ; il m’a demandé de convoquer la section centrale pour lundi, à l’effet de donner lecture du rapport en section centrale.
M. Dumortier. - Je demande en ce cas que le projet de loi soit mis à l’ordre du jour au moins pour l’un des jours de la semaine prochaine.
M. le président. - C’est un objet que la chambre réglera lorsque le rapport aura été déposé.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, je suis aussi d’avis qu’il y a lieu de mettre à l’ordre du jour le projet de loi sur le sel, non pas pour la séance du 26 de ce mois, mais immédiatement après le vote de la loi sur le jury. Je ne sache pas qu’il y ait d’autres projets de loi à l’ordre du jour après celui sur le jury. On peut donc sans inconvénient s’occuper, immédiatement après, du projet de loi sur le sel. J’appuie ensuite la demande que M. Dumortier vient de faire, en ce sens qu’aussitôt que lorsque le rapport sur le projet de loi concernant les eaux-de-vie étrangères sera déposé, on veuille mettre ce projet à l’ordre du jour immédiatement après celui sur le sel. De cette manière, nous aurons des travaux parlementaires qui se suivent. Si nous tardions jusqu’au 26 de ce mois pour la discussion du projet de loi sur le sel, il pourrait se faire que nous n’eussions rien à faire pour les 22, 23, 24 et 25. Il est donc rationnel de fixer l’ordre du jour comme je le propose.
M. Thienpont. - Messieurs, lorsque j’ai proposé de mettre à l’ordre du jour le projet de loi sur le sel pour la séance du 26, je n’ai nullement entendu que cet ordre du jour ne pût être plus rapproché. S’il y a moyen de s’occuper plus tôt de l’objet urgent que j’ai signalé, je renoncerai volontiers à ma proposition. Je me rallierai donc à la proposition de l’honorable M. Rodenbach.
M. Devaux. - Messieurs, la loi sur le sel présente des questions extrêmement graves pour beaucoup de localités. Je suis informé qu’en ce moment il se fait dans une localité importante des recherches destinées à éclairer la chambre, qui les recevra incessamment ; mais je crois qu’il serait fort difficile de recueillir ces renseignements et de les faire parvenir à la chambre pour l’époque que viennent de fixer MM. Thienpont et Rodenbach. Je demanderai donc qu’on remette la discussion du projet de loi sur le sel après celle concernant la loi sur le fil.
M. de Brouckere. - Messieurs, il me semble qu’avant de rien décider, la chambre ferait prudemment d’attendre la présence de M. le ministre des finances…
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je suis présent. (On rit.)
M. de Brouckere. - Ah !... Eh bien, que M. le ministre des finances veuille bien donner les renseignements demandés par M. Devaux.
Un membre. - M. Devaux n’a pas demandé de renseignements.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, je suis prêt à soutenir la discussion du projet de loi sur le sel ; je n’ai donc rien à opposer, en ce qui me concerne, à ce qu’on le mette à l’ordre du jour ; mais l’honorable M. Devaux vient d’annoncer qu’une localité importante présenterait des observations sur ce projet, et qu’il ne pensait pas que ces observations pussent être envoyées pour l’époque que MM. Rodenbach et Thienpont ont indiquée tout à l’heure. L’honorable membre a demandé, en conséquence, que le projet de loi fût mis à l’ordre du jour pour une époque plus éloignée. La chambre en décidera ; quant à moi, je suis tout à fait à la disposition de l’assemblée.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, voilà plusieurs années qu’on a pétitionné pour avoir la loi sur le sel ; Louvain comme Bruxelles, Bruxelles comme Bruges, ont fait parvenir leurs réclamations ; la question a été également traitée depuis longtemps par la presse ; c’est maintenant à la chambre à prendre une décision.
Je persiste donc à demander qu’on s’occupe de cet objet après la loi sur le jury ; d’ailleurs, nos travaux nous permettent d’aborder cette question ; il n’y a rien à l’ordre du jour après la loi sur le jury, et si l’on n’y met la loi sur le sel, il est probable que plusieurs membres de la chambre partiront.
Un honorable membre nous a dit que Bruges avait à faire parvenir des observations. Je ferai remarquer qu’il y a longtemps que cette ville aurait pu nous les transmettre. Au reste, il ne faut pas un temps si long pour faire parvenir un mémoire. Avant que le projet nous soit soumis, Bruges aura un temps moral pour adresser sa requête.
Je pense, en conséquence, qu’il est plus que temps que nous nous occupions du projet de loi sur le sel, et je persiste à proposer qu’on le mette à l’ordre du jour après la loi sur le jury.
M. Devaux. - Messieurs, je crois que nous ne serons jamais en défaut de besogne ; car, après la loi sur le jury, nous aurons le projet de loi relatif aux ventes à l’encan, celui concernant l’école militaire et le projet de loi relatif au café ; par conséquent il n’y aura pas de vacance forcée pour la chambre.
Je le répète, la régence de Bruges prépare en ce moment les éléments d’une pétition ; les armateurs de la même ville vous adresseront également des observations à l’effet de vous éclairer sur la question, qui est d’une énorme importance pour le port de Bruges. Par conséquent, je crois que vous ne pouvez pas refuser un ajournement de quelques jours ; il ne s’agit pas d’un ajournement indéfini ; vous pouvez d’autant moins vous refuser à l’ajournement que je demande, que vous avez de la besogne ; des projets plus ou moins nombreux sont prêts.
Je propose donc qu’on mette le projet de loi sur le sel à l’ordre du jour après le vote des propositions concernant les fils : ce vote a été fixé au 12 mars prochain. (Appuyé !)
- La proposition de M. Devaux est mise aux voix et adoptée.
En conséquence la chambre décide que le projet de loi sur le sel sera mis à l’ordre du jour après la discussion des propositions concernant les fils.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, dans la séance du 16 avril 1836, j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre un projet de loi tendant à accorder au gouvernement un crédit destiné à régulariser des dépenses arriérées des exercices 1830, 1831 et 1832. Une faible partie de ces dépenses a été adoptée par la chambre qui, pour le surplus, a désiré recevoir de nouvelles explications.
Je viens, messieurs, déposer ces explications qui sont assez étendues, et qui sont accompagnées de différents tableaux à l’appui ; je vous présente en même temps un arrêté royal, à l’effet de retirer la partie du projet de loi du 16 avril 1836, qui n’a pas été adoptée par la chambre, et je vais y substituer un nouveau projet de loi, revêtu d’une forme nouvelle.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - J’ai en outre l’honneur de soumettre à la chambre un projet de loi réglant le compte de l’Etat pour l’exercice de 1833. Vous jugerez sans doute qu’il y a lieu de renvoyer le tout à la commission des finances, en l’invitant à s’occuper de l’examen de ce travail le plus tôt possible.
Ces projets de loi sont de nature à être examinés plus convenablement par une commission que par les sections, parce qu’ils se composent de chiffres, qui ne sauraient être utilement compulsés que par trois ou quatre personnes pour arriver à un résultat.
M. Pirson. - Depuis bien des années il est toujours question d’examiner les comptes, et cependant l’assemblée n’en a encore examiné aucun. Mais avant tout c’est une loi de comptabilité qu’il nous faudrait. M. Donny avait préparé un projet, ce projet a été renvoyé dans les sections, et je ne sache pas qu’il ait été examiné. Ce n’est pas assez que la loi de comptabilité soit examinée par les sections. Je voudrais qu’après cette épreuve la section centrale présentât aussi son projet, après avoir invité la cour des comptes à faire ses observations sur son travail.
Je voudrais que le ministre aussi nous présentât son projet ; car vous savez, d’après ce qu’a dit le ministre dans une séance précédente, qu’il n’est pas tout à fait d’accord avec les auteurs des projets présentés. Il avait même dit que bientôt nous aurions un arrêté royal sur la comptabilité. Mais la chambre n’a pas pensé que cet objet dût être réglé par voie d’arrêté, et qu’une loi était nécessaire. Depuis lors le ministre ne nous a rien présenté, et nous n’avons que le projet de M. Donny.
Nous savons que le ministre rencontre des difficultés dans ses rapports avec la cour des comptes. Il faut donc que le projet réglant ces rapports soit examiné par le ministre, la cour des comptes et la section centrale.
Malheureusement nous n’avons pas dans la chambre de spécialités en matière de comptabilité. Nous avons bien des spécialités financières ; mais je ne sais, pas si elles sont aptes à régler une comptabilité nationale. C’est pour cela que je voudrais, je le répète, que la section centrale, après avoir terminé son travail et formulé son projet, demandât un contre-projet et au ministre et à la cour des comptes.
M. Rogier. - Messieurs, depuis 1830, la chambre des représentants, est en défaut de régler les comptes de l’Etat ainsi que le prescrit la constitution. La constitution est aussi formelle pour les comptes que pour les budgets. Cependant jusqu’ici on ne s’est pas occupé d’un seul compte ; de manière que les chambres législatives donnent au pays l’exemple d’une haute négligence, dans une des parties les plus importantes de ses attributions. Comment, messieurs, quand il n’est pas une seule commune, un seul bureau de bienfaisance qui ne doive régler ses comptes annuellement et ne le fasse sous peine d’être fortement critiqué par l’autorité supérieure, les chambres législatives n’ont pas pu parvenir à régler un seul compte ! On dit que cet objet doit être subordonné à la confection d’une loi sur la comptabilité. Si une pareille assertion pouvait être admise en principe, je pose en fait que dans dix ans nous n’aurions pas encore voté une seule loi de comptes. Il est important de sortir de cet état de choses. Les communes, les bureaux de bienfaisance et les provinces règlent annuellement leurs comptes sans loi de comptabilité. Je ne vois pas pourquoi la chambre ne réglerait pas de la même manière les comptes de l’Etat. C’est quand nous aurons réglé quelques comptes de l’Etat, que nous serons en mesure de faire une loi de comptabilité. Nous serons alors à même de reconnaître les bases sur lesquelles nous devons l’établir. C’est en faisant une loi des comptes que nous tracerons les règles qui plus tard deviendront loi de comptabilité.
Mais il est une chose essentielle qu’on ne peut plus longtemps retarder : c’est le règlement des comptes des exercices clos, quand nous devrions le faire d’après des règles provisoires. Des projets de loi sont présentés par le gouvernement. Le gouvernement est en règle. C’est aux chambres maintenant à s’y mettre aussi de leur côté, dût-on avoir une session extraordinaire ; on ne peut pas tarder plus longtemps à s’occuper de cet objet.
Je demanderai donc que la commission, si c’est à elle que les projets sont renvoyés, veuille bien présenter son rapport sur le premier compte, le plus tôt possible. S’il y a des difficultés, ne les préjugeons pas ; elles se rencontreront dans la discussion. Si on reconnaît qu’il y a impossibilité d’arrêter les comptes des premiers exercices, il sera temps alors de voir si on doit s’occuper de la loi de comptabilité. Mais je pense que la chambre peut faire comme les communes, les bureaux de bienfaisance et les provinces. Il ne s’agit que de vérifications qui n’exigent pas de règles nouvelles. Qu’on suive provisoirement le règlement d’après lequel sont arrêtés les comptes des communes et des provinces.
J’insiste donc pour qu’il soit demandé à la commission des finances un prompt rapport sur le premier projet de loi des comptes présenté par le gouvernement.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On dirait, à entendre d’honorables membres de cette chambre, que nous sommes sans aucuns règlements de comptabilité, que les dépenses se font sans aucune méthode. Cependant les dispositions du règlement de 1824, appliquées aux communes et aux provinces, continuent à régir la comptabilité de l’Etat, et aussi longtemps qu’il n’y sera rien substitué, ces dispositions serviront de guide. Ainsi, messieurs, les lois des comptes qui vous sont présentées, n’ont pas besoin, pour être discutées et votées, d’être précédées d’un nouveau règlement de comptabilité. Les dépenses ont été faites depuis 1830 sous l’empire des règlements de 1824, et ce ne peut être que d’après ces règlements que les comptes doivent être examinés, si tant est que des règlements quelconques doivent venir en aide à l’examen de comptes semblables. Il ne s’agit en effet que de voir dans les lois qui vous sont soumises, et qui sont accompagnées des observations de la cour des comptes,, si les dépenses ont été faites légalement, dans les limites des crédits votés, et si ces dépenses sont justifiées ; or, vous avez pour cela, tous les éléments nécessaires, par le simple rapprochement des budgets.
Lorsqu’il a été question dans une autre occasion de la nécessité d’introduire de nouvelles règles de comptabilité, j’ai annoncé qu’un règlement venait d’être préparé par mon département, de concert avec la cour des comptes, et que je comptais le mettre bientôt à exécution ; j’ai fait connaître alors que ce nouveau règlement se coordonnait avec l’existence d’un caissier de l’Etat, et était organisé de manière à assurer le contrôle des opérations de ce caissier, Qu’est-il arrivé ? On a contesté ici au gouvernement le pouvoir de faire ce règlement. On a contesté même l’existence légale du caissier de l’Etat, question sur laquelle il faut nécessairement être fixé avant tout d’une manière définitive, parce que sa solution influera nécessairement sur l’économie de toute espèce de loi ou de règlement à faire. Enfin, mon règlement n’a pas été mis à exécution, et il ne devra pas l’être, aussi longtemps que la législature n’aura pas décidé définitivement si elle veut ou non maintenir le système actuel du caissier de l’Etat.
Voilà, messieurs, ce qui explique pourquoi ce projet de règlement que je crois toujours être très bon, qui a été élaboré de commun accord avec la cour des comptes, n’a pas encore été mis à exécution.
Quoi qu’il en soit, rien ne doit arrêter l’examen préparatoire des projets de loi des comptes qui vous sont soumis, et si, contre notre attente, des difficultés réelles se présentent, la commission des finances n’aura qu’à les signaler, et le gouvernement l’aidera à les aplanir.
M. Dubus (aîné). - Il est aisé de dire qu’on est saisi d’une loi des comptes, qu’on n’a qu’à l’examiner, et qu’il existe des règles d’après lesquelles cet examen doit être fait. Mais il ne suffit pas que les règles existent ; il faut qu’elles soient connues ; il faut que chacun y ait accès et puisse vérifier si on s’est conformé aux règles en vigueur. Aucun de nous n’est à même de faire cette vérification. Lors de la session dernière, j’avais demandé qu’on imprimât et distribuât le règlement de 1824, avec les modifications adoptées depuis ; eh bien, je crois que cette impression a été ordonnée par la chambre et que cependant jamais elle n’a eu lieu. On a trouvé que ce serait un trop grand travail que de rechercher toutes les modifications que ce règlement a subies, et on a reculé devant ce travail. Après cela on vient vous dire que rien n’est si simple que de vérifier si les dépenses ont été faites conformément aux règlements en vigueur.
Je ne puis que renouveler la motion d’ordre que j’avais faite d’imprimer et de distribuer et le règlement de 1824 et les modifications qui y ont été apportées. Nous saurons alors sur quoi établir notre examen.
On a dit que le gouvernement était en règle en ce qu’il avait présenté les lois des comptes, et que les chambres ne l’étaient pas, parce qu’elles ne les avaient pas examinées. Je ferai observer que ce sont les membres de la chambre qui ont pris l’initiative. Un projet de loi a été présenté et renvoyé à l’examen des sections, de sorte que la chambre était déjà saisie quand le gouvernement a présenté de son côté un projet de loi des comptes. Ce projet a été renvoyé à la commission des finances. La commission a trouvé qu’elle ne pouvait pas travailler parallèlement avec les sections, et qu’elle ne pourrait s’occuper du projet qui lui était renvoyé, que quand les sections se seraient prononcées sur celui soumis à leur examen. Sans cela elle n’aurait pas su si elle faisait un travail utile. Deux projets étaient renvoyés, l’un aux sections, l’autre à la commission des finances, et l’on aurait voulu qu’elles travaillassent à la fois pour arriver peut-être à deux résultats contradictoires, pour que d’un côté ou de l’autre on se livrât à un travail considérable et peut-être inutile. On ne peut pas procéder de cette manière. Il faut que la section centrale ait fait son rapport avant que la commission des finances ne s’occupe de cet objet, ou que les deux projets soient renvoyés à la même commission.
M. Lebeau. - Je ne conteste pas qu’il puisse y avoir lieu de soutenir la nécessité d’une loi de comptabilité ; car elle doit renfermer certaines dispositions de déchéance et de prescription à opposer à des créanciers de l’Etat, et il est plus convenable que cela soit réglé par une loi que par un arrêté royal. Mais ce que je puis contester, c’est la nécessité du vote d’une loi de comptabilité préalablement à l’examen des comptes. On se trompe sur la nature d’un compte. Un compte est une vérification légale, toute matérielle ; il suffit de voir d’une part les crédits alloués soit par le budget, soit par les lois de crédits supplémentaires, et d’autre part les dépenses qui déjà ont subi une première vérification, faite par le pouvoir le plus apte à juger de leur légalité : la cour des comptes. Il s’agit de vérifier la matérialité de la dépense. Quant à la moralité, c’est une question tout autre ; elle peut se présenter dans les discussions générales et servir de moyen pour attaquer un ministère. Mais les comptes constituent, je le répète, une opération toute matérielle.
Je crois qu’on verra, quand on s’en occupera, qu’on a beaucoup exagéré la difficulté de ce travail ; car ces comptes sont accompagnés d’observations de la cour des comptes qui doivent singulièrement en faciliter l’examen. Ce qui se fait pour les comptes des communes et des provinces peut se faire également pour les comptes de l’Etat.
Appuyant la motion d’ordre de l’honorable M. Rogier, je demande que la commission des finances soit invitée à présenter le plus tôt possible un rapport sur les projets de loi des comptes qui lui sont renvoyés. Libre après cela de donner telle suite qu’on voudra à un projet de loi sur la comptabilité de l’Etat.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’honorable M. Dubus est dans l’erreur, quand il pense que l’initiative de la présentation d’un projet de loi des comptes a été prise par un membre de cette chambre. Le projet présenté par M. Donny n’est relatif qu’à la forme dans laquelle les comptes devaient, selon lui, être rendus. Cet honorable membre a d’ailleurs reconnu lui-même que son projet primitif n’était pas admissible ; il l’a retiré et ne l’a représenté qu’après lui avoir fait subir de grandes modifications. Depuis lors la chambre a été renouvelée plusieurs fois, et le projet de M. Donny est tombé en désuétude.
Mais le gouvernement, messieurs, vous a présenté, lui, des projets de loi de comptes comportant en eux-mêmes, une forme convenable et renfermant le fond, c’est-à-dire les chiffres. Les objections qu’ils rencontrent en ce moment ne proviennent que de que personne n’en a abordé l’examen et qu’on y suppose grandement des difficultés. En définitive, qu’y a-t-il à faire pour arrêter un compte de l’Etat ? Voir si on n’a pas dépassé les crédits alloués, voir si les pièces justificatives accompagnent les dépenses, si la cour des comptes a donné dans tous les cas son visa préalable.
Quant aux règles de la comptabilité dont on veut parler, c’est tout autre chose : ce sont des dispositions qui, entre autres, déterminent, pour les ministères et pour la cour des comptes, la date de l’ouverture et la clôture des exercices, qui prononcent les cas de déchéance à l’égard des créanciers de l’Etat qui n’ont pas fait valoir leurs droits en temps utile. Ce sont ces points d’ordres et d’autres de cette nature qui font l’objet des lois et règlements de comptabilité, tandis que les comptes en ce qui concerne les chambres doivent se régler, le budget dans une main, et les observations de la cour des comptes dans l’autre.
M. Pirson. - J’avais demandé la parole pour faire voir la nécessité d’une loi de comptabilité. Mais je n’entendais nullement qu’elle fût faite dans un temps rapproché, ni surtout préalablement à la loi des comptes. Il y a une grande différence entre une loi de comptes et une loi de comptabilité. Une loi de comptabilité doit régler le mode des dépenses et les rapports qui doivent exister entre les ministres, la cour des comptes et le caissier de l’Etat. Voilà ce que c’est que la comptabilité. Quant aux comptes passés, ce sont des faits accomplis. Rien n’est plus urgent que l’examen des premières lois de comptes qui ont été présentées. L’une n’empêche pas l’autre. Nous devons nous occuper de la loi de comptabilité. Mais réglons d’abord les comptes des exercices passés. Quelles que soient les difficultés qu’ils puissent présenter, il faut bien les résoudre. Je me joins à ceux de mes collègues qui ont demandé qu’on s’occupât le plus tôt possible des comptes ; mais je demande aussi qu’on ne perde pas de vue la loi de comptabilité.
M. Dumortier. - Je partage l’opinion de l’honorable M. Rogier, quand il demande une prompte discussion de la loi des comptes. C’est une chose vraiment surprenante que, depuis huit années que la Belgique est constituée, nous n’ayons pas encore vérifié un seul compte. Il est temps d’en finir. Et même, s’il est besoin pour cela d’avoir une session extraordinaire, il est de notre devoir de ne pas reculer devant ce sacrifice. Je pense donc qu’il est à désirer que la commission des finances fasse le plus tôt possible un rapport sur cet objet.
D’un autre côté, l’observation de l’honorable M. Pirson n’est pas moins fondée. Il a raison de demander une loi de comptabilité ; car les règles de la comptabilité légale sont inconnues à chacun de nous. Personne de nous ne pourrait dire quand un exercice est clos ou ne l’est pas. C’est une des premières règles de la comptabilité. La chambre comprendra l’urgence de voter la loi des comptes et de régler les rapports du gouvernement avec la cour des comptes.
M. Donny avait présente un projet de loi sur cet objet, qui a été renvoyé aux sections. Après les observations de la cour des comptes, il a été refondu en un nouveau projet dont on attend l’examen. Personne n’est plus à même de l’examiner que la commission des finances ; et elle pourra le faire en s’occupant des comptes. Elle verra mieux que personne ce qu’il peut y avoir de bon dans le projet de M. Donny ; et le ministre, de son côté, pourra présentes les observations qu’il jugera convenables. Je demande donc que non seulement les projets de loi des comptes, mais encore la proposition de M. Donny, soient renvoyées à la commission des finances, qui verra duquel des deux projets elle doit faire rapport en premier lieu.
M. Rogier. - La chambre me pardonnera d’insister sur cette question du règlement des comptes de l’Etat, qui est plus important qu’on ne le pense. Depuis 7 ans nous sommes en défaut de remplir cette grande tâche que nous impose la constitution. On dit que nous ne pouvons pas le faire sans loi de comptabilité. Cependant nous réglons bien les budgets chaque année sans avoir de loi de comptabilité ; et une loi de comptabilité serait plus nécessaire pour les budgets que pour les comptes. Mais on n’a jamais opposé au vote des budgets le défaut de loi de comptabilité. Il n’y a donc pas lieu à s’opposer au vote de la loi des comptes.
La constitution prescrit d’une manière aussi formelle le vote annuel des comptes que le vote annuel des budgets ; et depuis huit années nous n’avons pas voté une seule loi des comptes. Un compte en lui-même est plus important à régler qu’un budget. Un budget ne se compose que de présomptions, tandis qu’un compte se compose de réalités. C’est la seule manière de bien éclairer la discussion d’un budget que la faire précéder de l’examen des comptes du dernier exercice. Vous savez alors comment les dépenses ont été faites. Vous pouvez en apprécier l’utilité et les discuter d’une manière plus approfondie. Nous devrions donc nous conformer à ce que nous prescrit la constitution, et régler les comptes en même temps que nous arrêtons les budgets.
J’insiste sur ma proposition. Il me serait agréable, si M. le président de la commission était présent, qu’il voulût bien nous donner des explications sur l’état de l’examen du premier projet de loi qui comprend les comptes de 1830, 1831 et 1832.
M. Angillis. - Je suis le premier à reconnaître l’indispensable nécessité de s’occuper de la loi des comptes. Au commencement.de cette session, j’ai même fait une motion d’ordre à cet égard. Je ferai seulement remarquer qu’il n’est pas exact de dire qu’il n’y a pas eu de rapport fait par la commission des finances. J’ai été membre de cette commission, et j’ai présenté en son nom un rapport sur les comptes des exercices 1830 et 1831. Après j’ai quitté la chambre, et je ne sais pas ce qui s’est passé dans l’intervalle. Je trouve sur la liste des projets de loi dont la chambre est saisie une proposition de M. Donny, laquelle a été renvoyée devant les sections. Je demande que les sections s’en occupent et qu’elle soit ensuite renvoyée à la commission des finances.
Le règlement sur la comptabilité a été mis en activité le 1er janvier 1825 ; il serait utile que la commission des finances le connût. Je fais partie de cette commission, et je déclare que je serai le premier à me livrer aux travaux concernant les comptes, quand on lui aura communiqué les documents nécessaires.
M. Duvivier. - Il n’y a pas longtemps que la commission des finances s’est réunie ; et elle m’a appelé à la présider. Mais les événements malheureux arrivés dans la famille d’un de ses membres, ayant causé son absence, et l’absence d’autres membres, elle ne s’est pas réunie depuis ; mais puisque la chambre le désire, je vais la convoquer immédiatement. L’on y entamera sans doute en premier lieu l’examen des comptes remis par le gouvernement.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Que l’on jette les yeux sur le projet de M. Donny, que je viens de faire prendre au greffe, et l’on verra qu’il n’a pour objet que la forme dans laquelle les comptes doivent être rendus. Mais cette forme compliquée ne vaut pas à beaucoup près, selon nous, celle que nous avons adoptée, et qui est mise en pratique en France depuis plusieurs années.
Quant au fond même des comptes de 1830, 1831, 1832 et 1833, dont vous êtes maintenant saisis, il peut facilement être examiné par la commission des finances, au moyen des documents qui vous ont été distribués, et qui contiennent les observations de la cour des comptes.
Relativement aux règlements de 1824, ils peuvent être connus de tout le monde ; je les ai remis moi-même à la chambre ; et d’ailleurs, quand la commission des finances sera réunie, on les lui communiquera de nouveau si elle le demande.
La chambre n’a, me semble-t-il, rien d’autre à faire en ce moment que d’adopter purement et simplement la proposition de M. Rogier, tendante à renvoyer les comptes à la commission des finances, avec demande de s’en occuper de suite.
M. Dubus (aîné). - J’insiste sur la proposition relative aux règlements. On les a déjà demandés au ministre des finances ; mais, a-t-il répondu, vu les nombreuses modifications qu’ils ont subies, il faudrait un long travail pour les réunir ; et il ne nous les a pas communiqués. Cependant il est indispensable que la commission des finances la connaisse.
M. Duvivier. - On veut qu’il soit procédé à l’examen des comptes, que ce soit la première chose à faire : je réitère la promesse déjà faite de convoquer la commission, afin d’aviser aux moyens de vider cet objet dans le plus court délai possible.
On voudrait ensuite que la commission s’occupât de préparer un projet de règlement général de comptabilité ; sur ce point je ne puis dire que les matériaux ont été envoyés à la commission pour se livrer à un pareil travail ; mais aussitôt que nous serons réunis, nous nous occuperons de l’examen des éléments qui lui ont été remis. D’après ces promesses, je crois que les discussions de la chambre peuvent cesser, et elle doit croire au zèle que sa commission apportera dans le double travail qui lui est confié.
- La chambre, consultée, décide que la commission des finances s’occupera de l’examen des lois des comptes, et que les propositions de M. Donny lui seront renvoyées.
M. de Brouckere (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je réitère la demande que j’ai faite hier, de commencer aujourd’hui par les naturalisations.
- Cette proposition est adoptée sans opposition.
Il est ouvert un scrutin de liste pour la prise en considération des demandes en naturalisation ordinaire formées par :
Mme Gefken, veuve Engler (Marie-Elisabeth), propriétaire, à Bruxelles,
M. Engler (Guillaume-Jacques-Gustave), propriétaire, à Bruxelles,
Budgen (Jean-Henry), capitaine, à Bruxelles,
Hans (François-Bernard), employé de deuxième classe au ministère de la guerre, à Bruxelles,
Keller (Célestin-Diethelm-Edouard), capitaine au 8ème régiment de ligne,
George (Frédéric-Guillaume), directeur de l’hôpital de Tournay,
Koch (Jean-Pierre-Xavier-Aloïse), médecin de régiment dans l’armée belge,
Harbaur (Pierre-Charles), médecin de bataillon dans l’armée belge, à Anvers,
Holling (Adrien-Alexandre-Conrad-Anne), ancien capitaine de cavalerie, à Salles, près de Chimay.
Dieskau (Hans-Henry-Ch. Guillaume), major, officier d’ordonnance du Roi, à Bruxelles,
Castinelle (Jean-Baptiste), entrepreneur des travaux publics et l’un des concessionnaires du canal de Charleroy, à Bruxelles,
Muller (Jean), capitaine pensionné, à Mons.
Hahn (André-Ernest-Ed.), instituteur, à Anvers.
Taglioretti (Antoine-Joseph, docteur en chirurgie, à Malines,
Benda (Sigismond), négociant en quincaillerie, à Bruxelles.
Perés (Jean-Hippolyte), inspecteur des messageries Van Gend, à Liége.
Braun (Alfred), chimiste-coloriste, à Vilvorde.
Dejardin (Godefroid), propriétaire, à Erquelines.
Dolé (François), tailleur, à Anvers.
Schottly (Michel), militaire pensionné, à Tournay.
Hulet (Maximilien-Joseph), propriétaire, à Gelbressée.
Bidand (Jean-Claude), propriétaire, à Liège.
Voici le résultat du scrutin :
58 membres prennent part au vote.
Majorité absolue, 30.
Mme Gefken a obtenu 44 voix.
M. Engler, 42 voix.
M. Budgen, 46 voix.
M. Hans, 43 voix.
M. Keller, 47 voix.
M. George 45 voix.
M. Koch, 49 voix.
M. Harbaur, 49 voix.
M. Holling, 49 voix.
M. Dieskau, 46 voix.
M. Castinelle, 44 voix.
M. Muller, 46 voix.
M. Hahn, 43 voix.
M. Taglioretti, 48 voix.
M. Benda, 43 voix.
M. Perés, 44 voix.
M. Braun, 46 voix.
M. Dejardin, 46 voix.
M. Dolé, 44 voix.
M. Schottfy, 45 voix.
M. Hulet, 45 voix.
M. Bidand, 45 voix.
En conséquence, toutes ces demandes sont prises en considération.
M. Zoude. - Messieurs, vous avez renvoyé à votre commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport, une pétition par laquelle plusieurs juges de paix du district d’Eecloo prient la chambre d’aviser au moyen d’améliorer leur sort.
Les pétitionnaires, après avoir dépeint le juge de paix tel que l’avait conçu l’assemblée constituante, c’est-à-dire l’ami, l’arbitre, le père bien plus que le juge de ses concitoyens, vous disent que si l’institution n’a pas répondu aux espérances de ses auteurs, il faut l’attribuer à deux causes.
La première, c’est que le juge de paix n’est pas mis dans une position en rapport avec le rang qu’il doit occuper dans la société.
Par son inamovibilité, il est bien indépendant du gouvernement ; mais, par la modicité de son traitement, il ne l’est pas des justiciables.
La deuxième cause, ils l’attribuent à ce que la place de juge de paix n’est pas toujours desservie par un homme capable et instruit dans la science des lois.
Pour parer à ces inconvénients, ils demandent que pour assurer l’indépendance des juges de paix envers les justiciables, leur traitement soit plus élevé, et que pour assurer leur capacité, ces places ne soient plus désormais conférées qu’à des licenciés en droit.
Votre commission, d’accord avec les pétitionnaires pour une augmentation de traitement, ne l’est pas du tout sur la condition d’être licencié en droit.
Votre commission croit, comme l’a dit quelque part un jurisconsulte célèbre, que les hommes qui se distinguent par un sens droit, des connaissances acquises, une vie pure et les qualités sociales que commandent la considération, sont préférables au légiste qui n’aurait ni influence ni autorité sur les esprits.
Lorsqu’il s’agira d’éteindre les haines, de faire cesser les divisions, de ramener la paix où règne la discorde, ne sera-t-il pas nécessaire que les efforts du conciliateur soient soutenus par une espèce de vénération attachée à son caractère ? Voilà les titres que votre commission croit nécessaires pour remplir convenablement la place de juge de paix, et elle dira avec le rapporteur à l’assemblée constituante que chacun des membres de la législature, en rentrant dans ses foyers, regardera comme une grande faveur la confiance qui l’appellerait à une place où l’honnête homme peut faite beaucoup de bien.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice pour y avoir égard en ce qui concerne la majoration du traitement, mais pour en écarter la condition de licencié, que votre commission ne croit nullement indispensable.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
La séance est levée à 4 heures et demie.