(Moniteur belge n°317, du 13 novembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Des fabricants de cartes à jouer de Turnhout et de Dinant demandent qu’il leur soit accordé des primes d’exportation pour leur industrie. »
« Le sieur A.-A.-J. Poodts, ex-sous-officier d’artillerie volontaire, ayant contracté des infirmités au service par suite de blessures, demande une pension. »
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
« Le sieur Van Hoorebeke de Vliegere, éditeur de deux journaux, à Bruges, adresse des observations sur le projet de loi relatif au timbre des journaux. »
- Cette pétition est renvoyée à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi relatif au timbre des journaux.
M. Van Hoobrouck, au nom de la section centrale chargée de l’examen du projet de loi de budget de la marine pour l’exercice 1838, dépose le rapport sur ce projet de loi.
M. Metz, au nom de la commission chargée de l’examen d’un projet de loi relatif à des séparations de communes, dépose le rapport sur ce projet de loi.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ces rapports.
M. le président. - La discussion est ouverte sur la proposition de M. Dubus (aîné), tendant à ce que l’on fasse une loi spéciale des articles déjà votés du projet de loi tendant à modifier le tarif des douanes, et à ce que les articles ajournés soient renvoyés à une commission spéciale.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Nous pensons qu’il vaut mieux ne pas diviser le vote sur l’ensemble de la loi. Le gouvernement n’a pas cherché à diviser cette discussion ; la chambre elle-même a reconnu que la discussion devait former un ensemble ; c’est ainsi qu’elle n’a pas adopté un projet de loi séparé que la section centrale a présenté dès 1836.
Par ces considérations nous pensons qu’il ne faut pas diviser le vote sur l’ensemble de la loi, et qu’il faut attendre que les articles ajournés aient été discutés.
M. Angillis. - Quand on fait un projet de loi sur les douanes, il faut comparer les nouvelles dispositions qu’on veut introduire avec les anciennes, pour voir les points dans lesquels elles se ressemblent et ceux dans lesquels elles diffèrent. Il faut observer le degré des améliorations des diverses industries et juger par expérience de l’utilité des changements à introduire.
Telle est la tâche que je me suis imposée dans l’examen du projet du gouvernement modifié par la section centrale.
Une loi de douane, comme toute autre, doit être examinée dans son ensemble, pour voir si toutes les industries qui ont besoin de protection sont également et proportionnellement protégées, afin de mettre leurs produits à l’abri de la concurrence étrangère. Cette protection sagement calculée est un acte de justice nationale que l’équité commande. Chaque industrie a le droit de réclamer cette protection.
J’ai dit que chaque industrie a droit d’obtenir la protection proportionnelle dont elle a besoin pour être à l’abri de la concurrence étrangère ; si on ne la lui accordait pas, ce serait agir avec deux poids et deux mesures.
Cependant on a refusé à une industrie la protection qu’elle réclamait. Je ne chercherai pas à combattre le principe en vertu duquel on a agi ainsi, car je ne le connais pas. Mais il faut en convenir, la même loi accordera une espèce de prime à des marchandises, tandis qu’elle refuse toute prohibition à une industrie nationale qui promettait les plus grandes espérances.
Quand j’examine la loi dans son ensemble, je trouve difficile et même impossible de voter une loi qui n’est pas complète, ou plutôt un lambeau de loi. Je déclare franchement que si je trouve des dispositions qui ne sont pas également et proportionnellement favorables à toutes les industries, je considérerai la loi comme injuste et je voterai contre. Ne sachant pas quelle sera la décision que prendra la chambre sur les objets ajournés, et subordonnant mon vote approbatif de la loi à cette condition, qu’une protection égale sera donnée à toutes les industries, je ne puis pas adopter la proposition de M. Dubus ; et je déclare que si elle était adoptée, je serais forcé de voter contre la loi.
M. Dubus (aîné). - Quand j’ai fait la proposition dont il s’agit, je ne prévoyais pas qu’elle pût donner lieu à quelques inconvénients. L’honorable membre que vous venez d’entendre en trouve un très grave en ce qu’une loi de douane est une loi d’ensemble qui doit faire justice à toutes les industries. Il déclare qu’il ne pourra se prononcer que quand il connaîtra la décision prise sur les dispositions ajournées, et sera mis à même de voir si on a fait justice à toutes les industries. Cet argument aurait de la force si nous avions remanié tout le tarif des douanes. Je dirais : Oui, voilà une loi d’ensemble, il faut voir si on y a tout équilibré. Il n’en est pas ainsi. Le projet du gouvernement portait sur un certain nombre et un petit nombre d’articles du code volumineux qui forme notre loi de douane. Ainsi vous ne pouvez pas y apercevoir une loi d’ensemble où chaque industrie ait sa part de protection. Dès que la chambre a consenti à faire une loi de douane partielle, je ne vois pas pourquoi on ne consentirait pas à en faire deux. L’argument tend à dire qu’on aurait dû proposer la question préalable sur le projet du gouvernement et demander la révision du code de douane. C’est ce qu’on n’a pas fait.
J’avais demandé qu’on fît une loi spéciale des articles adoptés définitivement, parce qu’il me paraît convenable que le vote sur l’ensemble suive le vote définitif, que la discussion qui a amené le vote est toute récente, et que si on portait le vote sur l’ensemble à l’époque où la chambre aurait pris une décision sur les articles ajournés, on aurait oublié les raisons qui out déterminé le vote émis. Nous devons donc procéder au vote sur l’ensemble de ces articles, à moins qu’on n’y trouve des inconvénients.
Celui que signale l’honorable député de Courtray ne me paraît pas réel ; je crois y avoir répondu. Quant aux raisons articulées par M. le ministre de l’intérieur, elles reviennent à dire que de ce qu’on n’a pas divisé la discussion, ou ne doit pas diviser le vote.
Je lui répondrai que maintenant que la discussion est divisée, que les articles ajournés sont renvoyés à une discussion qui ne portera que sur les articles ajournés et ne doit plus atteindre les articles définitivement adoptés ; je répondrai, dis-je : Puisque par la force des circonstances on a été obligé de diviser la discussion, c’est une raison pour diviser le vote.
Je ne trouve pas d’inconvénient à la division parce que les dispositions adoptées ne tiennent par aucun lien aux dispositions ajournées. Celles-ci se rattachent aux articles sur lesquels la majorité a été d’avis de lever la prohibition. Remarquez que cette mesure de la levée de la prohibition ne doit recevoir d’exécution que dans un an ; tandis que les articles adoptés définitivement doivent être mis à exécution dès que la loi sera rendue exécutoire.
Ainsi, en faisant deux lois séparées comme je vous le propose, vous en aurez une qui comprendra les dispositions définitivement adoptées et qui doivent être immédiatement exécutées, et une autre qui comprendra les dispositions qui ne doivent être exécutées qu’en 1839. En ajournant le vote sur l’ensemble, vous compromettez les industries que ce projet concerne, en les tenant dans l’incertitude.
M. de Brouckere. - Sans vouloir suivre les préopinants dans la discussion dans laquelle ils viennent d’entrer, il me semble que du moment que le gouvernement qui a présenté le projet de loi dont il s’agit déclare s’opposer à ce que son projet soit divisé, soit morcelé, s’oppose ce que la chambre vote une partie de la loi sans prendre de décision sur l’autre, cette déclaration doit suffire pour que la chambre ne puisse pas adopter la division. Remarquez qu’un vote partiel ne remédierait pas aux inconvénients signalés par M. Dubus, si tant est qu’ils existent ; car, en supposant que la chambre vote aujourd’hui une partie du projet, le gouvernement ne la mettra à exécution que quand l’autre partie aura été votée.
Sous tous les rapports, je crois convenable de remettre le vote sur les articles adoptés provisoirement jusqu’â ce qu’on ait pu voter sur les articles ajournés.
M. Angillis. - Il est très vrai que tous les articles n’ont pas été définitivement votés ; c’est précisément par cette raison que je ne veux pas voter partiellement sur quelques dispositions qui ont été adoptées définitivement. Je demanderai à M. Dubus, si on lui présentait une loi en 20 articles dont 16 seraient bons et quatre seraient inadmissibles, ce qu’il ferait. Dirait-il : La loi est plutôt bonne que mauvaise, on doit l’adopter ? Ces calculs seraient erronés. Le législateur doit toujours se conformer aux principes. Si, sur une loi en 20 articles, il s’en trouve un de mauvais, il doit rejeter la loi ; sans cela, nous n’aurions jamais de bonne loi.
Voilà pourquoi je ne veux pas voter sur l’ensemble des articles adoptés, sans savoir ce qu’on décidera à l’égard des dispositions que je voudrais voir adopter.
Je répète que si la proposition de M. Dubus était adoptée, je serais forcé de voter contre la loi.
M. Gendebien. - Il me semble qu’il y a chose jugée.
Sur la proposition de l’honorable M. Dubus (aîné) lui-même, la chambre a déclaré qu’elle occuperait des amendements de MM. Dechamps, Lardinois et Metz avant le vote définitif…
M. Dubus (aîné). De l’article « draps. »
M. Gendebien. - Mais l’article « draps » faisait partie de la loi, d’un tout qui nous était soumis.
J’ai considéré comme faite dans l’intérêt des drapiers la première proposition de l’honorable M. Dubus ; cette proposition devrait être entendue en sens inverse si vous adoptiez la proposition qui vous est faite maintenant. L’industrie drapière ne trouverait plus les garanties qu’on a voulu lui donner.
M. Dubus (aîné). - J’ai d’abord un mot de réponse à faire à l’honorable M. Angillis.
Il m’oppose une loi qui contiendrait 20 articles dont 16 bons et 4 mauvais. Il n’y aurait, dit-il, aucunes raisons d’adopter la loi parce qu’elle contiendrait 16 articles bons. Mais ce n’est pas là la question. La question n’est pas de savoir si nous devons rejeter une loi parce qu’elle contiendrait 16 articles bons et 4 articles mauvais. Mais je lui répondrai que s’il y avait deux lois, l’une contenant 16 articles bons et l’autre contenant 4 articles mauvais, il ne serait pas difficile de se prononcer sur l’adoption de la loi contenant 16 articles bons et sur le projet de la loi contenant 4 articles mauvais.
La division présenterait, dit-on, des inconvénients et ne doit pas avoir lieu, parce que la loi contiendrait 16 articles bons et 4 mauvais. Mais au contraire, raison de plus pour diviser. Il y a cela de remarquable que les raisons données pour s’opposer à la division me convainquent davantage que la division est une bonne chose.
Quant à ce qu’a dit un honorable préopinant que ma proposition est en opposition avec une autre proposition que j’ai faite et qui a été adoptée par la chambre, je rappellerai à la chambre que cette proposition consistait à ajourner l’article « tissus de laine » jusqu’au moment du vote définitif de la chambre sur l’article « drap» : car remarquez que sur cet article, il n’y a eu qu’un vote principal et que nous n’avons pas voté sur l’ensemble de l’article. J’ai demandé l’ajournement jusqu’au vote définitif de l’articles « draps. »
Si la chambre prononce la division, il n’y aura aucune opposition entre le vote d’aujourd’hui et le vote d’alors. Il en résultera que la chambre aura voulu l’ajournement de l’article « tissus de laine » jusqu’au moment du vote de l’ensemble de l’article « draps. » Cette proposition, dit-on, ne peut être entendue ainsi. Elle ne devait être entendue ni ainsi ni d’aucune manière ; car je devais laisser intacte la question de savoir si nous diviserions ou si nous ne diviserions pas. Ainsi, il n’y a pas d’opposition entre cette proposition et celle que j’ai maintenant soumise à la chambre.
M. Gendebien. - Pour bien comprendre le sens et la portée de l’amendement de l’honorable M. Dubus, veuillez-vous rappeler que cet amendement a été présenté pour combattre la proposition de M. le ministre des finances demandant que la chambre fît un projet de loi spécial des amendements de MM. Demonceau, Metz et Lardinois. C’est pour combattre cette proposition de loi spéciale que M. Dubus a proposé d’ajourner le vote définitif jusqu’à ce qu’on ait reçu les renseignements nécessaires pour le vote de ces amendements.
J’ai même eu l’honneur de dire à cette époque que c’était un moyen de sanction des dispositions énoncées par le ministère, relativement à l’industrie drapière. La chambre, en adoptant la proposition de M. Dubus, a donc repoussé toute idée de loi spéciale, puisque l’adoption de cette proposition a été considérée comme impliquant le rejet de la proposition du ministre des finances tendant à ce que les amendements de MM. Lardinois, Metz et Dechamps formassent une loi spéciale. Vous voyez que la chambre ne peut, sans se mettre en contradiction, décider qu’elle s’occupera de ces objets par des lois séparées. Il y a à cet égard chose jugée pour la chambre.
La proposition de M. Dubus a été adoptée dans l’intérêt des industries de la draperie, de la verrerie, etc., qui y ont trouvé une garantie qu’on veut leur enlever, en faisant tourner contre elles ce qui avait été voté en leur faveur.
Maintenant que quelques industries locales paraissent satisfaites, on veut au plus vite sanctionner la loi sans tenir aucun compte d’engagements solennels ; on veut abandonner les autres à l’égoïsme ou à l’indifférence d’intérêts satisfaits.
En un mot, une proposition de scinder la loi est faite par un ministre ; et, sur la proposition de M. Dubus, la chambre décide que la loi ne fera qu’un ensemble, et que l’on s’occupera des autres industries avant le vote définitif.
Maintenant vous voulez faire consacrer le contraire. Fidèle aux précédents qu’on ne saurait contester de bonne foi, je voterai conformément à ce qui a été dit et reconnu lors de l’adoption de la première proposition de M. Dubus.
M. Dubus (aîné). - On vous présente le vote précédent de la chambre et ce qui a été dit pour l’appuyer sous un point de vue qui n’est pas véritable.
Le ministre demandait la division ; mais de quoi ? Des amendements relatifs à l’article « draps» avec l’article en lui-même. Qu’est-il résulté de la discussion ? Qu’on ne veut pas séparer la levée de la prohibition d’une autre mesure qui en est considérée comme la compensation ; or le gouvernement vous proposait de reculer à une époque indéfinie les amendements relatifs à cette compensation et de conserver seulement la mesure blessante de la prohibition : c’est ce à quoi je me suis opposé. La proposition que j’ai déposée sur le bureau tendait à ce que l’on ne séparât pas deux dispositions entre lesquelles je reconnaissais un lien intime ; à savoir, d’une part, la levée de la prohibition qui frappe notre commerce de draps, et, d’autre part, les amendements relatifs aux tissus de laine. Ce sont là, je vous prie d’y faire attention, les motifs pour lesquels ma proposition a été accueillie.
M. Mercier. - S’il peut y avoir des doutes sur le vote précédent de la chambre relatif à la draperie, il ne peut pas y avoir de doute sur l’article « fil de mulquinerie ; » cet article a été ajourné non pas jusqu’au vote de l’article « draps, » mais jusqu’au vote définitif de la loi. A cet égard il n’y a pas de doute.
- La proposition de M. Dubus (aîné) est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
M. de Brouckere. - Messieurs, c’est un usage depuis longtemps par le gouvernement que celui de faire aux chambre, à l’occasion du budget des affaires étrangères, un rapport sur l’Etat de notre politique extérieure, de nos relations avec les autres puissances.
Ce rapport eût été d’autant plus opportun, cette année, que la session n’a pas été ouverte, comme de coutume, par un discours royal qui eût dû nécessairement nous dire quelque chose à cet égard. De ce double silence, nous devons, je crois, tirer la conséquence que l’on n’avait rien à nous apprendre, et que les négociations pour arriver à un traité définitif en sont toujours au même point.
Est-ce un bien, est-ce un mal ? Si le terme de l’état de chose actuel devait être un traité qui donnât à la Belgique les limites qui lui appartiennent, qui ne la chargeât que des dettes qui sont les siennes, je dirais : C’est un mal ; car tout état provisoire est fâcheux par cela même qu’il est provisoire.
Mais si les négociations doivent avoir pour dernier résultat l’exécution du traité des 24 articles, je le déclare sans détour, pour moi, je désire que l’on négocie encore longtemps, parce que je préfère beaucoup le traité du 21 mai au traité des 24 articles contre lequel j’ai voté, et contre lequel je voterais encore s’il était soumis à une nouvelle épreuve.
Mais il faut le dire, messieurs, c’est une chose dont la Belgique peut être fière que, tandis que c’est de son côté qu’a toujours été témoignée le plus de bonne volonté pour arriver à un arrangement définitif, c’est elle qui souffre le moins de l’état provisoire. Oui, messieurs, tandis qu’en Hollande il s’élève des plaintes presque générales, et souvent répétées, de la part des hommes les plus dévoués à leur pays, sur le peu d’empressement que le gouvernement hollandais montre à faire la paix avec nous, sur les charges intolérables qui pèsent sur la nation hollandaise, la Belgique fait, sans grands efforts, face à tous ses besoins, à toutes ses dépenses ; elle prospère ; elle se félicite et de la forme de gouvernement qu’elle s’est choisie et de la constitution qu’elle s’est donnée ; elle se développe, elle marche pour ainsi dire à la tête du progrès et de la civilisation.
C’est là, messieurs, une vérité qu’il est bon de proclamer quelquefois, parce qu’elle répond aux calomnies déversées sur notre pays par quelques hommes intéressés à égarer, sur notre compte, l’opinion des autres peuples. Aujourd’hui, d’ailleurs, que nous avons reçu la visite d’une foule d’étranger venus de l’Allemagne, de la France, de l’Angleterre, voire même de la Hollande, ils pourront eux-mêmes attester à leurs compatriotes que dans un semblable langage il n’y a pas d’exagération.
Mais cette situation prospère, si nous la devons surtout à la sagesse, à l’esprit d’ordre de la nation belge, à son grand amour pour le travail, il faut en attribuer quelque chose aussi au contrôle actif, incessant, de la représentation nationale sur les actes du gouvernement.
Aussi longtemps qu’aucune atteinte ne sera portée à nos lois fondamentales, aussi longtemps surtout que les élections et la presse seront libres, le peuple n’a rien à craindre du gouvernement, parce que s’il abusait des lois dont l’exécution lui est confiée, s’il se permettait de les violer, ceux qui se seraient permis de semblables écarts, ou seraient renversés, ou seraient ramenés au devoir.
Que ce contrôle bienfaisant ne se ralentisse donc pas, messieurs ; que chacun de nous présente, à l’occasion des budgets, et les critiques et les observations qu’il regarde comme utiles au pays.
Je vais m’expliquer en peu de mots sur ce qui concerne le budget des affaires étrangères.
Un an ne s’est pas encore écoulé depuis la discussion des derniers budgets, et sans doute vous n’avez pas oublié ce qui a fait le principal objet de nos débats.
A cette époque venait de s’opérer le remaniement ministériel qui eût pour principaux résultats la fusion du ministère, des affaires étrangères dans celui de l’intérieur ; la création d’un ministère des travaux publics ; la retraite d’un ancien ministre, et l’entrée au cabinet d’un député du Luxembourg que ses talents devaient y appeler tôt ou tard.
Je ferai remarquer en passant que la retraite subite de l’ancien ministre des affaires étrangères n’a jamais donné lieu à aucune explication officielle, et si ceux qui, par leur position, sont initiés dans les mystères du gouvernement, eussent été aussi discrets dans leurs relations particulières qu’ils l’ont été dans leurs rapports avec les chambres, nous serions encore à nous demander quelles circonstances graves et inattendues ont pu déterminer celui qu’on regardait presque comme le chef de l’ancien cabinet à se séparer de ceux avec lesquels il avait pu ne pas marcher d’accord sur certaines questions, mais dont il partageait en général les opinions. Heureusement chacun de nous a reçu quelque confidence à l’oreille, ce qui fait que le secret officiel est devenu le secret de la comédie.
L’an dernier donc je me suis élevé avec énergie contre la suppression du ministère des affaires étrangères, et la chambre a paru partager ma manière de voir ; et cela est si vrai que, voulant que son assentiment fût exprimé par un vote, j’avais proposé que l’on rétablît au budget des affaires étrangères le chiffre de 21,000 francs, montant des appointements du ministre de ce département, chiffre qui n’y figurait plus. Le gouvernement regardait comme si certain que ma proposition allait être admise, que, par l’organe du ministre des finances, il a déclaré que si elle était votée, lui et ses collègues déposeraient leurs portefeuilles.
Ne voulant pas le retrait du ministère, et je m’en étais expliqué auparavant, j’ai retiré ma proposition ; mais il demeure constant que la chambre voyait avec déplaisir la fusion du ministère des affaires étrangères dans celui de l’intérieur, qui équivaut à la suppression du premier de ces ministères.
La chambre pense-t-elle aujourd’hui comme elle pensait il y a dix mois ? Je l’ignore ; mais, quant à moi, je n’ai pas changé d’opinion à cet égard, et j’estime encore que c’est une combinaison malencontreuse qui a pour résultat de supprimer le ministère des affaires étrangères, ou de le conférer, comme attribution accessoire, au ministre qui réunissait déjà dans ses mains l’intérieur, l’instruction publique, les beaux-arts, le commerce et les cultes.
Les raisons que j’ai fait valoir alors n’ont pas été réfutées ; elles existent aujourd’hui comme lorsque je les ai présentées.
J’ajouterai même qu’une année d’expérience m’a confirmé dans mon opinion, et m’a convaincu que la direction du département des affaires étrangères laisse beaucoup à désirer. Si je n’éprouvais une invincible répugnance à traiter des questions de personnes, je justifierais cette assertion plus qu’à suffisance. Mais, laissant ces questions de côté, je soumettrai à la chambre quelques réflexions qui amèneront probablement des explications de la part des ministres.
Notre corps diplomatique est composé d’un ministre en France, d’un ministre en Angleterre, d’un ministre en Italie, d’un ministre en Portugal, d’un ministre en Autriche, d’un ministre en Prusse, d’un ministre résident aux Etats-Unis, et de chargés d’affaires au Brésil, en Espagne, en Suède, en Danemark et en Grèce. Ces deux dernières missions sont provisoirement vacantes.
En revanche, nous avons ici un ministre de France et un d’Angleterre, et des chargés d’affaires des autres puissances.
Bien que le rapport de la section centrale nous dise que « la réciprocité des grades n’est pas toujours une règle invariable en diplomatie, » je crois que c’est un usage général, et qu’il est convenable, sauf les exceptions que des circonstances particulières peuvent rendre nécessaires, de n’accréditer auprès de chaque gouvernement que des agents d’un rang égal à celui qu’on obtenu les envoyés de ces gouvernements chez nous ; et je ne saurais comprendre, par exemple, comment la dignité de la Belgique exige que nous ayons un ministre en Autriche, quand l’Autriche ne croit pas se ravaler en envoyant ici un chargé d’affaires.
Je sais ce que l’on a dit sur la position du chargé d’affaires à Vienne ; mais tout cela ne m’a pas touché. Le grand argument mis en avant, c’est que la Hollande avait un ministre en Autriche, et qu’il convenait que notre représentant eût le même rang, les mêmes honneurs.
Il suivrait de là que s’il convenait à la Hollande d’envoyer à plusieurs cours des ambassadeurs, le gouvernement belge serait tenu d’en faire autant, et d’envoyer des ambassadeurs aussi.
La dignité de la Belgique serait compromise si l’on ne rendait point à son représentant les honneurs qui sont dus à son rang ; mais elle ne saurait être ni relevée, ni compromise par le titre qu’aura ce dernier. Le rapport de la section centrale porte, il est vrai, que l’intention de l’Autriche est d’accréditer un ministre à Bruxelles ; pour ma part, messieurs, je vous avoue que je n’y crois point, mais cela fût-il vrai, alors encore il fallait moins se presser de prendre une résolution équivalente. M. le ministre des affaires étrangères n’eût-il pas pu attendre, par exemple, la discussion du budget, et devait-il faire cette nomination avant de savoir si nous consentirions à voter les fonds ? S’il a eu l’intention d’opposer à nos observations le fait consommé, la chose jugée, je dois le prévenir, pour ma part, qu’un semblable argument n’aura pour moi aucune valeur.
Ce qui se passe à Berlin, messieurs, ne mérite pas moins notre attention : depuis la révolution, la Prusse a toujours été représentée à Bruxelles par un ministre plénipotentiaire, tandis que nous avons presque toujours été en demeure d’en envoyer un, que nous avons laissé remplir ces importantes fonctions pas un secrétaire de légation. Fatigué sans doute d’aussi peu de courtoisie de notre part, la Prusse a retiré son ministre, et nous a envoyé un chargé d’affaires. Je désire savoir ce que va faire maintenant le gouvernement, et je demande formellement qu’il veuille s’expliquer à cet égard.
Quant à l’Italie, messieurs, chacun en son particulier sait que notre ministre ne résidera point à Rome, comme cela avait été annoncé, comme il semblait que cela dût être, mais à Naples ; d’un autre côté l’internonce du Saint-Siège a quitté Bruxelles. Ce dernier sera-t-il remplacé ? Aurons-nous aussi un envoyé de la cour de Naples ? Il est à supposer que oui, en vertu de la réciprocité que l’on invoque.
je ne dis rien du Portugal, la mission de l’honorable général qui y est envoyé n’étant que temporaire. Je suppose que si elle devenait définitive, le Portugal enverrait aussi un ministre à Bruxelles.
Enfin on demande au budget une allocation pour un chargé d’affaires en Danemark. Le ministre a donné à cet égard des explications qui ont satisfait la section centrale. J’espère qu’il voudra bien les répéter.
Je m’arrête ici ; j’attendrai les explications de M. le ministre des affaires étrangères, sauf à prendre la parole lors de la discussion des articles, s’il y a lieu.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable préopinant a dit avec beaucoup de vérité que l’absence d’un rapport sur la situation de nos affaires politiques indique que la question pendante entre la Belgique et la Hollande en est demeurée dans le même état ; je n’aurai donc aucune explication à donner sur ce point.
Je pense que l’honorable préopinant a été beaucoup trop loin lorsqu’il a affirmé que la chambre avait éprouvé du regret de voir réunir le département de l’intérieur et celui des affaires étrangères ; la chambre ne s’est nullement expliquée à cet égard ; il est très vrai que lorsque la proposition a été faite de rétablir dans le budget le traitement du ministre des affaires étrangères, nous avons déclaré que l’adoption de cette proposition serait envisagée par nous comme un blâme de la répartition des attributions avec lesquelles nous nous étions présentés devant vous ; mais la proposition a été rejetée à une très forte majorité.
M. de Brouckere. - Je l’ai retirée.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - C’est une erreur ; elle a été mise aux voix et rejetée.
C’est bien à tort, messieurs, qu’on s’est servi du mot de fusion pour désigner la réunion du ministère des affaires étrangères avec celui de l’intérieur : le ministère des affaires étrangères n’a pas plus été fondu dans le ministère de l’intérieur que le ministère de l’intérieur dans celui des affaires étrangères, pas plus que le ministère des affaires étrangères n’était anciennement fondu dans le ministère de la marine ; car ces deux départements étaient également réunis, comme sont aujourd’hui réunis le département des affaires étrangères et celui de l’intérieur.
La seule chose dont il s’agit, c’est de savoir si les attributions telles qu’elles sont aujourd’hui réparties entre les mains des membres du cabinet sont au-dessus des forces de chacun de ceux qui en sont chargés, c’est de savoir s’ils s’en acquittent convenablement ; sous ce rapport, messieurs, c’est à la chambre à exprimer sa confiance ou sa désapprobation.
On a dit que la direction des affaires étrangères semblait avoir laissé à désirer depuis le remaniement d’attributions. J’avoue que jusqu’à présent je ne connais aucun fait sur lequel puisse reposer un semblable grief ; au besoin il me serait facile de prouver que le traitement des affaires n’a été en aucune manière ralenti.
Parlant de la nomination d’un ministre plénipotentiaire à Vienne, on a dit que le principe de réciprocité ne devait point souffrir d’exception ; c’est là une erreur fondamentale : le principe de réciprocité souffre des exceptions nombreuses ; ainsi l’on voit des puissances de premier ordre avoir quelquefois auprès de puissances de deuxième et troisième ordre des agents diplomatiques d’un grade supérieur à ceux que ces dernières accréditent chez elles ; ce que l’on considère surtout dans ces sortes de missions, c’est l’importance des intérêts qu’ont à défendre les pays qui accréditent des agents diplomatiques. Voilà, messieurs, le principe sur lequel doivent se régler les grades des agents diplomatiques.
Ce n’est pas, comme on l’a dit, parce que la Hollande a un ministre plénipotentiaire à Vienne, que nous nous sommes déterminés à proposer au Roi d’accréditer auprès de la cour d’Autriche un agent diplomatique du même grade ; le seul motif de cette mesure est que nous avons vu qu’elle était réellement importante pour la Belgique. Une explication que j’ai donnée à cet égard à la section centrale et qui a été accueillie avec faveur, c’est que beaucoup de puissances dont l’importance est moindre que celle de la Belgique ont à la cour de Vienne un ministre plénipotentiaire.
C’est toutefois à tort qu’il est dit dans le rapport de la section centrale que les puissances qui sont dans ce cas sont celles qui appartiennent à la confédération germanique : je pourrais citer à cet égard de nombreuses exceptions, et spécialement la Suède ; le Portugal et l’Espagne avaient également, ci-devant, un ministre plénipotentiaire à Vienne ; or, messieurs, il est évident que le Portugal et l’Espagne n’ont pas plus d’intérêt d’avoir un ministre plénipotentiaire à Vienne que la Belgique, car quoique la Belgique ne fasse point partie de la confédération germanique, elle a cependant le plus grand intérêt à être convenable représentée auprès des principales puissances qui font partie de cette confédération.
On a semblé croire, messieurs, que nous aurions cherché à influencer vos délibérations en proposant au Roi la nomination d’un ministre plénipotentiaire à Vienne avant que la majoration de traitement nécessitée par cette mesure ait été admise dans le budget ; c’est là, messieurs, une véritable erreur ; il n’est jamais entré dans notre pensée d’en agir de la sorte ; nous savons fort bien qu’un pareil moyen, s’il pouvait être imaginé, manquerait complétement son but. Si donc nous avons nommé un ministre plénipotentiaire à Vienne, c’est que nous avons vu que cette nomination était utile dans l’intérêt de l’Etat ; toutefois, l’agent qui a été promu n’a pas reçu jusqu’ici la majoration de son traitement, et il ne la recevra que pour autant que la chambre alloue les fonds que nous avons demandés à cet effet.
Messieurs, nous n’entrerons point dans des explications sur les circonstances qui ont momentanément retardé la nomination d’un ministre plénipotentiaire auprès de la cour de Berlin, nous nous bornerons à dire que c’est là un objet que le gouvernement ne perd point de vue.
On dit, messieurs, que le ministre accrédité par la Belgique auprès des cours d’Italie n’a point sa résidence à Rome, on a semblé même croire qu’il ne l’y aurait jamais eue ; c’est encore là une erreur : le ministre belge a été accrédité directement auprès du Saint-Siège, et il y a été reçu à l’égal des autres agents diplomatiques.
S’il n’y a pas fait une plus longue résidence, c’est uniquement à cause de la maladie grave qui a désolé la capitale du monde chrétien. Ce fait est tellement vrai qu’aucun membre du corps diplomatique n’est resté à Rome pendant que le choléra y sévissait.
La mission de notre envoyé à Rome était également de se rendre à Naples ; il n’a pu accomplir cette mission jusqu’ici, mais il est sur le point de se rendre à cette destination.
L’internonce apostolique a quitté, il est vrai, la Belgique, et n’a pas encore été remplacé ; mais ce n’est pas un rappel ; c’est exclusivement à sa demande qu’il est retourné en Italie, à cause de l’état de sa santé ; rien n’est changé dans les relations entre les Etats romains et la Belgique.
En ce qui concerne les missions spéciales de Suède et de Danemark, nous croyons que cette mesure est suffisamment justifiée par la distance qui existe entre les capitales des deux royaumes, par les difficultés des relations pendant une grande partie de l’année, et par les intérêts divers des deux cours. Nous croyons, messieurs, que cette double mission est le seul moyen d’être convenablement représentés en Suède et en Danemark, et de recevoir sur ces pays toutes les informations dont nous pourrions avoir besoin, surtout en ce qui concerne nos intérêts commerciaux.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur. - Messieurs, si l’honorable M. de Brouckere avait jeté les yeux sur le rapport de la section centrale, il y aurait vu que le motif qui a déterminé cette section à appuyer la demande d’un traitement pour chacune des missions du Danemark et de la Suède, était l’envoi de la part de ces deux puissances d’un chargé d’affaires spécial à Bruxelles ; la section centrale a cru, en présence de ce fait, que les règles de la réciprocité internationale exigeaient que la Belgique envoyât à son tour un chargé d’affaires auprès de chacune des deux puissances dont il s’agit.
J’aurais encore un mot à répondre à M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères ; mais comme mes observations viendront plus à propos lorsqu’il s’agira du traitement de notre ministre à Vienne, je me réserve de répondre, dans le cas où l’amendement que la section centrale a proposé viendrait à être mis en question.
M. Dumortier. - Messieurs, chaque année, le budget du ministère des affaires étrangères présente une nouvelle augmentation. D’augmentations en augmentations, nous étions arrivés, l’an dernier, à une somme de 651,000 francs : ce qui, pour un Etat naissant, à peine entré dans le monde de la diplomatie, était déjà une somme assez bien arrondie. Maintenant c’est 751,000 francs que l’on demande, donc encore une augmentation de 100,000 fr. C’est particulièrement de cette question que je veux vous entretenir.
Le budget présente des majorations considérables de dépense sur chacun de ses chapitres, Pour couvrir ces dépenses, le gouvernement a demandé à la chambre une augmentation de centimes additionnels et des contributions extraordinaires. La section centrale du budget des voies et moyens, à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir, n’a pas cru pouvoir admettre ces majorations de recettes ; la section centrale a pensé que les moyens financiers que vous avez votés pour le service de cette année étaient suffisants pour celui de l’année prochaine ; elle a cru que si certains articles exigeaient une augmentation, d’autres articles pouvaient subir des réductions équivalentes. Nous avons d’ailleurs pensé que dans les circonstances actuelles, alors que la Hollande diminuait ses impôts, ce serait commettre une faute extrêmement grave que de vouloir augmenter les nôtres.
Toute la question consiste donc maintenant à savoir si vous voulez voter oui ou non les majorations qui vous ont été proposées par le gouvernement, et comme nous examinons maintenant les premiers articles qui ont été majorés, le vote que vous allez émettre à l’égard de ces articles aura pour résultat d’admettre ou de refuser toutes majorations d’impôts que l’on demande à faire peser sur le peuple.
Il importe donc de ne pas voter légèrement les majorations que le gouvernement a proposées et de ne les voter que lorsqu’elles sont indispensables ; il importe également d’opérer des réductions sur tous les articles qui en sont susceptibles, afin de pouvoir faire face aux augmentations qui seront reconnues nécessaires sans recourir à de nouveaux impôts.
Dans le budget actuellement en discussion, vous remarquerez, messieurs, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, une augmentation de 100,000 fr. : ce qui fait une majoration d’un sixième dans la dépense. Il faut convenir, messieurs, que si nous marchons de la sorte, le budget diplomatique deviendra dans peu d’années extrêmement dispendieux.
Quelles sont ces augmentations que l’on nous propose dans le budget des affaires étrangères ? J’en vois d’abord figurer une pour la mission belge en Autriche, puis une autre pour celle en Danemark, enfin une dernière de 70,000 francs pour traitements à des agents commerciaux ; tout cela fait une augmentation globale de 100,000 francs. Il me semble que dans l’hypothèse où quelques-unes de ces majorations doivent être admises, il est nécessaire de voir si d’autres articles du même budget ne sont pas susceptibles d’être réduits, et, pour mon compte, j’en remarque quelques-uns qui me paraissent pouvoir l’être sans le moindre inconvénient.
D’abord, je ne puis, dans l’état actuel de nos finances, consentir à une majoration en faveur de la mission belge en Autriche. En effet, la manière dont le gouvernement beige a été représenté dans cet empire depuis six ans est suffisante, et il n’y a aucun motif pour changer en ce moment le titre de notre chargé d’affaires, et faire de celui-ci un envoyé extraordinaire et un ministre plénipotentiaire. Si le gouvernement pensait qu’un changement de titre fût absolument nécessaire, eh bien, il y a un moyen bien simple de l’opérer, sans augmenter les charges du budget : qu’il nomme notre chargé d’affaires ministre résident, et avec les 30,000 francs qui lui sont alloués, notre envoyé aura certainement de quoi soutenir son rang.
Dans le projet du gouvernement, je vois une grande tendance à introduire près de chacune des cours des ministres plénipotentiaires. Je déclare que je ne reconnais nullement la nécessité d’un semblable système. Lorsque la révolution éclata, on donna à la nation l’assurance que la Belgique n’entretiendrait jamais que trois ministres plénipotentiaires, un à Paris, un autre à Londres et un troisième à Berlin ; tous nos autres envoyés devaient être de simples chargés d’affaires.
Et remarquez, messieurs, que des puissances bien plus considérables que la Belgique se contentent de chargés d’affaires. Ainsi, les Etats-Unis qui, certes, jouent un rôle important dans le monde politique et commercial, n’entretiennent que des chargés d’affaires à l’étranger, et personne n’ignore que ces agents font parfaitement les affaires des Etats-Unis.
Je le répète, à la suite de la révolution, le gouvernement avait donné l’assurance qu’il ne serait créé que trois ministres plénipotentiaires, l’un à Paris, l’autre à Londres, le troisième à Berlin. Maintenant nous avons un ministre plénipotentiaire près de la cour de Rome, un second près de la cour d’Autriche, et un troisième à Lisbonne. Je ne sais où nous arriverons avec un pareil système.
Pour moi, je demande que la chambre réduise le traitement de notre envoyé en Italie à celui d’un chargé d’affaires. Je ne suis nullement convaincu de la nécessité d’avoir à Rome un ministre plénipotentiaire, alors surtout que l’internonce romain dont la présence en nos murs nous avait engagés à voter momentanément un traitement de ministre plénipotentiaire, a quitté la Belgique. Pourquoi dès lors entretenir un ministre plénipotentiaire à Rome ou à Naples, alors que ni Rome, ni Naples n’en entretienne chez nous ? Ce serait là une absurdité qui saute aux yeux de tout le monde. Si la chambre adoptait ma proposition en ce qui concerne la mission de Rome, il en résulterait une économie considérable, au moyen de laquelle on pourrait satisfaire à la demande d’un traitement pour un chargé d’affaires en Danemark.
A Lisbonne nous avions autrefois un chargé d’affaires, et la Belgique était représentée d’une manière convenable ;. nos intérêts commerciaux avaient un digne représentant.
Le gouvernement a cru qu’un agent de cette catégorie ne suffisait pas. Qu’a-t-il fait ? Il a d’abord envoyé à Lisbonne notre ambassadeur près de la cour de Londres ; cet ambassadeur y a fait un séjour de plusieurs mois, séjour déplorable pour la Belgique, puisque nous avons vu l’envoyé d’une puissance qui a conquis sa liberté travailler dans le Portugal contre la liberté ; puisque nous avons vu le représentant de la Belgique forcé de fuir à bord de la flotte anglaise ; puisque nous avons vu le représentant de la Belgique poursuivi par des canonnières jusqu’à bord de cette flotte, et recevoir des volées de mitraille. Est-ce là, messieurs, le rôle que la Belgique doit jouer dans la diplomatie ? Est-il prudent que la Belgique des barricades, qui a chèrement acheté sa constitution, cherche à la faire avorter chez d’autres nations qui aussi l’ont conquise ? Qui nous dit que le gouvernement qui cherche ainsi à renverser la constitution libérale du Portugal, ne cherchera pas aussi un jouc à attenter à la nôtre ?
Et maintenant que notre ambassadeur est devenu odieux au Portugal, au grand détriment de la Belgique, que fait le gouvernement ? Il envoie un autre ministre plénipotentiaire en mission extraordinaire, sans que nous sachions dans quel but. On peut supposer sans doute que ce n’est que pour soutenir la même cause, les mêmes intérêts que son prédécesseur a défendus.
Si je n’avais pas à parler de ces hautes considérations de liberté, j’invoquerais l’intérêt pécuniaire, Je me suis fait représenter l’arrêté qui règle le salaire de ce nouvel agent, et j’ai été étonné de voir que cet envoyé, qui est là on ne saurait dire pourquoi, touche un traitement de 120 fr. par jour. indépendamment de son traitement de général qui est déjà très élevé. Est-ce là entendre l’économie que d’accorder de pareils traitements quand on est obligé de faire peser de nouvelles charges sur le peuple ? N’est-ce pas une dilapidation ? On envoie un premier ministre plénipotentiaire dont la belle équipée nous coûte 22 mille fr. ; puis on en envoie un second à qui on donne 120 fr. par jour. Si ce second ministre plénipotentiaire est envoyé comme le premier pour saper la liberté et la remplacer par le despotisme, je ne donnerais pas mon assentiment, je voterais contre tout crédit qui serait demandé dans un pareil but.
Je demande au reste au gouvernement de s’expliquer nettement, et de nous dire ce qu’ont fait pour le pays nos deux plénipotentiaires à Lisbonne, quelle est l’utilité de leur mission, pourquoi on les a envoyés. Avant de voter les fonds qu’on nous demande, il faut savoir si l’intérêt du pays est ici en jeu. Je le déclare de nouveau, le ministre plénipotentiaire de la Belgique, de cette nation qui a conquis sa liberté, a été obligé de se réfugier sur la flotte anglaise tant il s’était rendu odieux à la population du Portugal. Et c’est là ce qu’on vous demande de sanctionner par un vote de conscience. Mais vous ne le ferez pas, vous ne sanctionnerez pas une dépense qui avait pour but d’enlever à un peuple ami la liberté qu’il avait conquise par les baïonnettes, de renverser la constitution qu’il s’est donnée, car on pourrait bien un jour essayer de pareils moyens pour détruire la liberté de la Belgique.
M. F. de Mérode. - Je suis obligé de demander la parole pour prendre la défense d’un absent, d’un ami qui a été traité un peu sévèrement par l’honorable préopinant. D’après lui, notre ministre plénipotentiaire près la cour de Londres aurait été envoyé en Portugal, aurait travaillé à faire échouer dans ce pays les principes de liberté pour y établir les principes du despotisme en se rendant odieux aux populations du Portugal. Je ne sais si le préopinant a bien étudié les affaires du Portugal et la manière dont on y a établi la liberté. Si on y avait procédé comme on l’a fait en Belgique, je serais de son avis. Mais il ne sait pas plus que moi ce qui s’est passé, et il me semble qu’il traite un peu durement un homme qui a rendu de véritables services à la révolution belge, révolution véritablement libérale. J’ai entendu notre plénipotentiaire parler de ce qui s’est passé en Portugal. Je ne sais si vous savez qu’on y a supprimé toutes les corporations religieuses, qu’on a mis à la disposition du gouvernement tous les biens servant à l’existence des individus engagés dans ces corporations, dans l’espoir motivé d’y avoir de quoi vivre jusqu’à la fin de leurs jours. C’étaient là des droits acquis. Savez-vous comment on les traite ? On leur refuse la compensation pécuniaire qui leur était promise et due ; on leur laisse pour ressource la mendicité ; quelques-uns sont réduits à figurer sur les théâtres. Voilà la justice de ces libéraux, que j’appelle, moi, des libérâtres, suivant l’expression très juste que m’a suggérée ailleurs le préopinant. Je pense qu’il n’est pas d’avis de considérer ces hommes comme tellement dignes de son estime, qu’il doive, pour les défendre, traiter notre plénipotentiaire aussi rigoureusement qu’il le fait. Voilà l’observation que je voulais faire ; je la livre aux sérieuses méditations du préopinant.
M. Dumortier. - Je n’attaquerai jamais un homme de la révolution, à moins qu’il n’ait posé des actes très graves compromettant le pays tout entier. Certes, j’ai professé la plus haute estime pour la personne à laquelle l’honorable préopinant a fait allusion. Mais quand j’ai vu le pays exposé à voir ses intérêt gravement compromis par la conduite que cet agent diplomatique a tenue à Lisbonne, j’ai dû la signaler. Comment les faits se sont-ils passés ? Il est constant qu’il a pris une part très active à la tentative de contre-révolution. Que ce soit contre des libéraux ou des liberticides, cela ne nous regarde pas. Vous n’avez pas le droit d’envoyer un ambassadeur en Portugal pour y soigner les couvents, mais pour soigner les intérêts de la Belgique, et rien autre chose. Or, c’est compromettre ces intérêts que d’envoyer un ministre plénipotentiaire chez un peuple ami pour y appuyer une contre-révolution. Nos intérêts commerciaux seraient-ils donc comptés pour rien ? Laissons faire à une nation ce qu’elle juge convenable. Si elle trouve son gouvernement vicieux, laissons-là le réformer. Si des abus existent, laissez à la sagesse du peuple portugais le soin de les faire disparaître. Mais, en agissant comme on l’a fait, on expose la Belgique à voir ses intérêts matériels compromis, ses produits frappés de droits prohibitifs. Je déclare ici, que, dans toute circonstance semblable, je prendrai la parole pour protester. Et je répète que si le plénipotentiaire actuel est envoyé dans le même but, je voterai contre toute espèce de crédit. La Belgique ne doit envoyer d’agents diplomatiques que pour faire ses affaires et non celles d’aucun parti.
M. F. de Mérode. - Je n’ai relevé que quelques mots dont s’était servi M. Dumortier attribuant à notre plénipotentiaire d’avoir voulu faire triompher le despotisme contre les intérêts libéraux en Portugal. Quant au surplus de ses observations, je ne me suis chargé ni de les admettre, ni de les attaquer ; mais j’ai cru devoir répondre à une accusation qui me paraissait injuste.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois déclarer qu’il n’est en aucune manière à notre connaissance que M. Van de Weyer, dans sa mission comme ministre plénipotentiaire à Lisbonne, se soit mêlé des affaires intérieures du pays. Je dois protester contre l’assertion du préopinant, qui dit qu’il avait été obligé de fuit la capitale du Portugal. C’est là une erreur. Sa position a été la même que celle de tout le corps diplomatique. Il ne s’en est séparé en aucun point. Il est vrai que, quand la reine a quitté la capitale, le corps diplomatique l’a suivie, notre ministre plénipotentiaire a dû le faire aussi : le ministre accrédité près d’une cour, qui l’abandonnerait, manquerait à ses devoirs.
On s’étonne que le gouvernement ait accrédité une mission extraordinaire à Lisbonne ; mais il est notoire que c’est dans les moments les plus difficiles que les pays qui ont reconnu un gouvernement nouveau doivent envoyer des agents diplomatiques les plus distingués. Je dis que les puissances qui ont eu des relations commerciales avec le Portugal, ont eu un intérêt très grand à être représentés convenablement et le plus fortement possible dans ces circonstances. Je dois ajouter que notre ministre a été si peu en butte à la haine de la population, qui a conservé les meilleures relations avec le cabinet, après les événements de Lisbonne.
M. Gendebien. - Je n’entrerai en aucune façon dans les détails des faits, mais il est vrai de dire qu’en présence des faits énoncés, nous ne pouvons pas nous contenter des explications données par M. le ministre. Je désirerais que M. Dumortier fût encore entendu, pour administrer la preuve des faits graves administrés par lui. J’ai aussi la conviction, abstraction de ces faits, que notre envoyé s’est immiscé dans les affaires du Portugal, et que, dans le rôle qu’il a joué, ce n’est pas le parti de la liberté qu’il a soutenu, mais le parti de ceux qui voulaient la contre-révolution.
On nous a dit, pour justifier notre envoyé extraordinaire, que ce n’était que des libéraux ou des libérâtres qui avaient condamné le clergé à mendier et à figurer sur les théâtres, qu’on combattait alors.
Messieurs, messieurs, depuis lors un autre événement s’est passé, un nouvel essai de contre-révolution a été tenté. Qui a vaincu ? La nation. Comment supposer alors qu’une poignée d’hommes aussi ridicules qu’on les représente ait fait échouer quatre essais de contre-révolution ? C’est ici qu’un blâme de la part d’un ministre d’Etat a quelque chose de grave. Voilà comment on traite une nation qui a été quatre fois victorieuse d’intrigues ourdies pour comprimer la liberté conquise. Et on se permet ces odieuses imputations dans une assemblée d’un peuple qui a conquis lui-même sa liberté contre d’autres intrigants ! Là est l’inconvenance.
J’ai donc le droit de croire que ce qu’a dit le comte de Mérode n’existe que dans son imaginaire. Il est impossible que les libérâtres réunissent quatre fois l’immense majorité de la nation, pour vaincre quatre tentatives de contre-révolution.
J’ai donc raison de dire que j’ai le droit de douter de l’exactitude de l’assertion de M. F. de Mérode, non pas qu’il veuille nous en imposer, mais parce que je suis convaincu qu’il a été trompé. L’amendement de M. Dumortier, par contre, me paraît justifié par ces mêmes raisons.
Maintenant il est un fait certain (si on l’a contesté, au moins la preuve contraire n’a pas été donnée), c’est que l’envoyé extraordinaire de Belgique à Lisbonne s’est immiscé dans des questions relatives à la politique intérieure du Portugal. N’est-ce pas agir en sens inverse de ce qui s’est fait en Belgique, de ce que les puissances ont fait à notre égard ? N’est-ce pas le principe de non-intervention qui nous a sauvés en 1830 ? Et nous voudrions faire prévaloir à l’étranger des principes différents. Ce serait au moins une anomalie.
L’intervention serait-elle légitimée parce que, comme l’a dit l’honorable M. de Mérode, les moines mendieraient ou seraient comparses sur des théâtres ? Mais dans ce cas-là, il n’y a pas de raison pour qu’un jour ou l’autre on n’intervienne aussi bien dans notre pays ! Il y a dans notre pays des ordres de mendiants, au dire de plusieurs honorables députés des Flandres ; personne n’en doute d’ailleurs. Si on considère l’intervention à Lisbonne comme légitime, parce que (ce qui a été avancé, mais ce qui n’a pas é[é prouvé) on aurait mis des corporations dans la nécessité de mendier, pourquoi n’y aurait-il pas intervention chez nous ? Pourquoi la Prusse n’interviendrait-elle pas chez nous pour nous empêcher de laisser circuler des ordres de mendiants en Belgique ? (On rit.)
Il est maintenant vrai de dire que nous avons un nouvel envoyé extraordinaire à Lisbonne ; il peut se conduire fort prudemment ; il habite, à ce qu’il paraît, une villa à plusieurs lieues de Lisbonne ; j’approuve cette prudence (on rit) ; mais je ne sais jusqu’à quel point il peut être utile à la Belgique, alors qu’il est condamné, ou qu’il croit prudent de se condamner à habiter loin de la capitale.
Je désirerais savoir (on n’a pas répondu à l’observation de M. Dumortier sur ce point) s’il est vrai que 120 fr. par jour sont alloués à l’envoyé extraordinaire à Lisbonne, indépendamment de son traitement annuel des grades et emploi qu’il a en Belgique. Il en résulterait que cette mission extraordinaire coûterait plus à la Belgique que l’envoi définitif d’un ministre plénipotentiaire. Voilà encore une observation qui est restée sans réponse.
Je n’en dirai pas davantage sur ce point ; j’ai des raisons personnelles pour ne pas aller plus loin.
M. F. de Mérode. - On a dit, messieurs, que j’ai parlé comme ministre d’Etat ; on s’est trompé ; je ne siège pas au banc des ministres ; j’ai parlé comme représentant ; si c’était la première fois que cela m’arrive, on pourrait croire que j’ai recours à un subterfuge, mais rien n’est plus ordinaire ; souvent même je me prononce contre l’opinion du ministère, témoin mon vote dans la question de la draperie.
Si je devais voter dans toutes les circonstances avec le ministère, parce que je suis ministre d’Etat, comme j’ai eu l’avantage d’être toujours ministre d’Etat, je renoncerais à cette qualité.
Le préopinant a dit que j’étais dans l’erreur à l’égard du Portugal ; vous sentez que je ne vais pas développer ici tous les motifs qui m’ont fait adopter mon opinion. Que je sois dans l’erreur, c’est possible ; mais il est possible aussi que ce soit le préopinant.
Pour prouver qu’il est dans l’erreur, je répondrai à sa comparaison entre les moines mendiants qui existent, dit-on, en Belgique, et les corporations religieuses du Portugal ; que leurs membres possédaient légitimement en Portugal une existence assurée ; on les en a dépouillés et on les prive de toute indemnité. Je ne sais si nous avons des ordres mendiants en Belgique ; s’il en existe, ils ne peuvent être rangés dans la même catégorie.
M. Rogier. - Je n’ai pas non plus la prétention de connaître à fond les affaires de Portugal. Je ne déciderai pas de quel côté sont la justice et la vraie liberté. C’est un point difficile à décider pour d’autres que pour moi. Mais une chose dont j’ai la certitude, c’est que si celui qu’on a accusé avec tant de violence s’est immiscé dans les affaires de Portugal, il n’a pu le faire avec l’intention de faire rétrograder ce pays vers le despotisme.
Un chose encore dont je suis sûr, c’est que ce même honorable envoyé, qu’on a prétendu fuir devant la foule ameutée, a prouvé, en tout temps, par sa conduite qu’une telle façon d’agir ne peut pas lui être imputée avec justice ; c’est que ceux qui l’on connu de près, avantage que je partage avec plusieurs honorables membres de cette assemblée, savent qu’il a toujours montré une qualité assez rare dans les temps politiques, je veux dire le courage.
J’affirme donc (je donnerai au besoin à mon affirmation un caractère plus franc ou plus rude), j’affirme donc que l’honorable envoyé auquel on a fait allusion n’a fui devant qui que ce soit en Portugal.
M. Dumortier. - J’ai énoncé des faits ; je les maintiens comme constants : si la chambre a le moindre doute à cet égard, qu’elle ordonne une enquête ; elle acquerra facilement la preuve de ce que j’ai avancé.
- La discussion est close.
Les articles suivants sont mis aux voix et adoptés sans discussion
« Art. 1er. Traitements des fonctionnaires, employés et agents de service : fr. 38,000. »
« Art. 2. Matériel : fr. 12,000. »
« Art. 3. Achat de décorations de l’ordre Léopold : fr. 7,000. »
« Art. 1er. France : fr. 58,000. »
« Art. 2. Grande-Bretagne : fr. 80,000. »
M. le président. - La chambre passe à l’article 3.
« Art. 3. Prusse : fr. 54,500. »
M. de Brouckere. - Je ne voterai pas contre le chiffre demandé par le ministère, mais je déclare encore qu’il n’y a aucun motif pour envoyer un ministre à Berlin lorsque le gouvernement prussien n’a à Bruxelles qu’un chargé d’affaires.
- L’article 3 : « Prusse, 54,500 » est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La chambre passe à l’article 4 : « Autriche (chiffre proposé par le gouvernement, 45,000 fr.) (chiffre propose par la section centrale, 40,000 fr.)
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne me suis point rallié au chiffre de la section centrale parce que je pense que le chiffre de 45.000 fr. n’est nullement exagéré et qu’au contraire, en fixant ce chiffre, je suis demeuré dans les termes d’économie qua la législature a adoptés en ce qui concerne les légations.
Je pourrais citer des faits nombreux qui prouveraient que des traitements plus considérables sont alloués à des ministres plénipotentiaires à Vienne par des puissances d’un rang inférieur à celui de la Belgique.
Du reste la chambre en décidera.
M. Van Hoobrouck. - Lorsque la section centrale s’est déterminée à proposer le chiffre de 40,000 fr., c’est après avoir examiné le tableau des traitements alloués par différentes puissances à leurs ministres plénipotentiaires à Vienne. Elle a reconnu que si des puissances d’un rang inférieur à celui de la Belgique envoient à Vienne des ministres plénipotentiaires avec un traitement supérieur à 40,000 fr., il y en a qui ne leur allouent pas davantage. Ainsi le ministre plénipotentiaire de Danemark à Vienne ne reçoit que 40,000 fr.
Votre section centrale n’a pas tenu compte des 5,000 fr. qui peuvent résulter pour le trésor du rejet de sa proposition ; mais si vous entrez dans le système des majorations, les mêmes motifs qu’il peut y avoir pour majorer le traitement du ministre plénipotentiaire seront invoqués à l’appui d’autres majorations ; on ne manquera pas de preuves de ce que la vie est aussi chère dans d’autres capitales qu’à Vienne, et dès lors il y aurait les mêmes motifs pour accorder d’autres augmentations. Nous avons donc cru que dans l’intérêt du gouvernement lui-même, et pour le mettre à l’abri des importunités des agents des différentes résidences, nous devions vous proposer le chiffre de 40,000 fr. que nous avons cru suffisant pour qu’un ministre plénipotentiaire puisse convenablement représenter et tenir son rang dans la capitale de l’Autriche.
- Le chiffre de 45,000 fr. proposé par le gouvernement pour l’article Autriche est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’article 4 « Autriche » est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 40,000 fr. proposé par la section centrale.
M. le président. - « Art. 5. Italie : fr. 40,000. » Ce chiffre est adopté par la section centrale.
M. Dumortier. - Je proposerai une diminution sur ce chiffre ; je demanderai qu’il soit réduit à 15.000 fr. qui est le traitement des chargés d’affaires. Je ne vois pas la nécessité d’avoir un ministre plénipotentiaire à Rome ni à Naples. Les affaires que nous avons à traiter avec ces puissances se feront bien avec un chargé d’affaires.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne pense pas que la chambre ait l’intention de revenir sur le chiffre qu’elle a fixé précédemment après d’amples discussions. Je me bornerai donc exclusivement à faire remarquer que c’est à tort que l’on assure que les relations sont suspendues entre la Belgique et la cour de Rome. Ainsi que je l’ai dit, l’internonce apostolique n’a pas été rappelé par sa cour ; il a demandé à retourner en Italie pour cause de santé ; et il est remplacé par un chargé d’affaires ad interim. Les relations diplomatiques ne sont pas interrompues.
M. de Brouckere. - Par deux décisions antérieures la chambre a consenti à voter 40,000 fr. pour subvenir aux appointements des agents diplomatiques en Italie, et dont la résidence est à Rome : je demande donc que le ministre s’explique sur ce point : continuerons-nous à avoir un agent à Rome, oui ou non ? Il serait absurde d’envoyer un agent en résidence à Naples, quand le gouvernement napolitain n’envoie pas même un chargé d’affaires chez nous. C’est à cause du choléra que le ministre est allé à Naples ; quand le choléra ne sera plus à Rome, y retournera-t-il ?
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Le gouvernement est dans l’intention de laisser le siège principal à Rome. Si notre ministre s’est rendu à Naples, c’est à raison d’une mission momentanée. Il est inexact de dire que nous n’avons pas ici d’envoyés d’Italie, puisque le grand-duc de Toscane a accrédité ici un ministre résident.
M. Gendebien. - Il est une circonstance particulière qui vient à l’appui des observations présentées par M. de Brouckere et par d’autres membres, c’est que tandis que notre ambassadeur quitte Rome et se rend à Naples, M. Blondel, secrétaire d’ambassade à Rome, a reçu une autre destination, et qu’ainsi nous n’avons plus aucun représentant à Rome.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Pas du tout !
M. Gendebien. - Il est parti pour Alexandrie, je crois. Il se passe là quelque chose d’extraordinaire, puisqu’en même temps et le ministre et le secrétaire quittent Rome, et que, d’un autre côté, l’envoyé de Rome quitte la Belgique. Ce n’est pas que j’attache la moindre importance à la résidence d’un diplomatique à Rome, mais je considère comme utile d’avoir des agents commerciaux en Italie. Quoi qu’il en soit, l’absence simultanée de l’ambassade et du secrétaire de légation mérite explication. J’appuie dans ce sens les observations de M. Dumortier.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il est inexact de dire que le secrétaire de légation ait quitté Rome, dans le sens que l’honorable préopinant vient de rapporter. Il est vrai que l’ancien secrétaire, à Rome, est nommé agent commercial à Alexandrie ; mais un nouveau secrétaire de légation l’a remplacé à Rome, et y demeurera en l’absence momentanée d’un ministre. Il n’y a rien d’extraordinaire ce qu’un secrétaire de légation devienne consul ou agent commercial rétribué ; c’est ce qui vient de se passer à l’égard du secrétaire de la légation de France à Londres qui a été nommé consul ; d’autre part, l’on voit aussi quelquefois des agents commerciaux entrer dans le corps diplomatique.
M. Desmet. - Je ne voterai pas l’amendement de M. Dumortier. Cependant je dois demander au ministre des affaires étrangères quand nous aurons un ministre à Rome. On prétend que c’est à cause du choléra que celui que nous y avions est allé à Naples ; à Naples le choléra règne plus qu’à Rome. Je veux bien voter pour l’ambassadeur, mais je veux qu’il soit à Rome.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’intention du gouvernement, je le répète, est de laisser le siège principal de la résidence de son envoyé en Italie, à Rome ; mais l’on a confondu mes explications quand j’ai parlé du choléra ; quand le choléra régnait à Rome, le ministre est allé s’établir à Florence, à proximité de Rome, et son intention était d’aller à Naples.
- Le chiffre de 40,000 francs est adopté.
« Art. 6. Etats-Unis : fr. 25,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Brésil : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 8. Portugal : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 9. Espagne : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 10. Suède : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 11, Danemark : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Grèce : fr. 15,000. »
- Adopté.
M. le président. - « Article unique. Traitements des agents politiques en inactivité, de retour de leur mission : fr. 10,000. »
Cet article unique a été adopté par toutes les sections et par la section centrale qui demandent qu’on en termine le libellé par ces mots « sans qu’ils y soient remplacés. »
« Article unique. Traitements à allouer à quelques agents commerciaux : fr. 100,000. »
M. Dumortier. - Je demande qu’on réduise ce chiffre à 50,000 fr.
Les agents commerciaux dont il s’agit ne sont pas d’un grand intérêt pour le pays. Le gouvernement des Pays-Bas n’avait pas d’agents commerciaux ; il n’avait que des consuls. D’autres nations n’ont aussi que des consuls non rétribués. Je ne vois pas la nécessité de pareils agents et je les regarde comme inutiles au commerce. L’Angleterre en a beaucoup ; la France en a quelques-uns ; mais les autres puissances n’en ont pas du tout ; nous ne devons pas mettre notre diplomatie sur le pied de celle de l’Angleterre, mais sur le pied de celle de Suède, de Danemark. Cet article n’a pour but que d’augmenter le nombre des places à salaires afin d’y placer quelques créatures.
Vous avez cent navires et vous voulez dépenser 100,000 fr. ; faites un marine auparavant. A quoi servirait un agent commercial à Manille où aucun navire beige n’ira ? Aussi longtemps que nous aurons une marine commerciale aussi minime, nous n’avons pas besoin de ces agents.
La Prusse, l’Autriche, la Suède, le Danemark, l’Espagne ont des agents commerciaux non rétribués et s’en trouvent bien.
- L’amendement de M. Dumortier est appuyé.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, malgré mon vif désir de voir introduire beaucoup d’économies dans le budget, je ne puis pas appuyer l’amendement de l’honorable M. Dumortier. Je pense, messieurs, qu’un pays comme la Belgique, qui n’a point de colonies, doit avoir des consuls de commerce. On nous a dit que plusieurs pays de l’Europe n’ont point de consuls payés ; mais, messieurs, les Anglais, qui s’entendent parfaitement en affaires commerciales, la France, qui s’y entend bien aussi, ont adopté le système d’avoir des agents commerciaux rétribués. Je pense, messieurs, que la Belgique fera très bien de suivre l’exemple de ces puissances : on se plaint continuellement de ce que nous n’avons pas de débouchés pour les produits de notre industrie, tandis que nous produisons beaucoup ; eh bien, messieurs, tâchons donc de nous procurer des débouchés, et accréditons à cet effet des consuls dans les villes commerçantes avec lesquelles nous prévoyons pouvoir entrer en relations. D’ailleurs, messieurs, la somme qu’on vous demande à cet effet n’est pas exorbitante, c’est peu de chose que 100,000 francs lorsqu’il s’agit de faire des tentatives pour étendre nos relations commerciales ; quant à moi je veux qu’on fasse ces tentatives, et je voterai par conséquent les 100,000 fr. que le gouvernement demande.
Toutefois, messieurs, j’entends bien que les agents dont il s’agit ne seront point des agents politiques et qu’ils n’auront d’autre mission que de chercher à étendre notre commerce ; il doit être bien entendu aussi qu’ils s’occuperont des affaires de la Belgique et non point de leurs propres affaires. Il faut que le gouvernement ait bien soin de destituer les agents commerciaux qui, directement ou indirectement, se livreraient à des opérations commerciales ; j’insiste sur cette recommandation, parce que j’ai appris que certains consuls faisaient des affaires pour leur compte sous un nom emprunté.
Un honorable ami qui siège à mes côtés me fait observer qu’il conviendrait peut-être mieux d’avoir un envoyé à Constantinople qu’â Smyrne ; en effet, Constantinople étant la capitale de l’empire ottoman, je ne sais pas pourquoi nous donnons la préférence à Smyrne.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Les observations que vient de faire l’honorable préopinant pour le maintien du chiffre que nous avons proposé me paraissent pleines de justesse : il est évident que tous les pays qui ont attaché le plus d’importance au commerce ont cherché aussi à avoir à l’étranger des agents qui s’occupassent activement de leurs intérêts nationaux.
Remarquez, messieurs, qu’il ne s’agit d’envoyer des agents commerciaux que dans des parages éloignés où il y fait très cher vivre, et où il n’y a que peu de rétributions à percevoir du chef de l’office de consul, de sorte que, sans accorder une rétribution convenable, il est impossible d’avoir dans ces parages des agents belges. On comprend cependant sans peine de quelle utilité il est que nous ayons des agents qui puissent nous faire connaître tout ce qui se passe dans ces contrées relativement aux moyens que nous pourrions rencontrer de nous y ouvrir des débouchés, et qui au besoin puissent également faire connaître à ces pays les relations qu’ils pourraient ouvrir avec la Belgique.
Je pense, messieurs, que ce peu d’observations doivent suffire, d’autant plus que lors du vote du budget de l’année dernière la chambre a montré un si vif intérêt à l’institution des agents dont il s’agit, qu’elle voulait même majorer le chiffre qui avait été proposé par le gouvernement.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur. - Messieurs, après les explications qui viennent d’être données par M. le ministre, il me reste peu de chose à dire ; Je dois cependant répondre à un argument de mon honorable ami M. Dumortier, qui a dit que la Hollande n’a point d’agents commerciaux rétribués hors du continent européen. Remarquez, messieurs, que la Hollande possède des colonies, et que son principal commerce se dirige vers ces colonies, tandis que la Belgique n’ayant point des possessions d’outre-mer, doit nécessairement chercher à se créer des débouchés nouveau et à conserver ceux qu’elle a, ce qu’elle ne peut faire qu’à l’aide de consuls rétribués.
Les puissances dont le commerce est bien établi, qui ont des relations bien étendues, ont dans les différentes contrées des négociants qui remplissent les fonctions de consuls sans être rétribués, parce que ces fonctions leur procurent certains avantages, sinon pécuniaires, du moins de position ; mais la Belgique n’est pas dans ce cas. Il faut donc, messieurs, qu’elle envoie dans les différentes contrées des agents propres à l’éclairer sur tout ce qui peut intéresser les relations commerciales.
Lorsque la section centrale a examiné le crédit dont il s’agit en ce moment, elle n’a pas entendu se prononcer sur le chiffre, elle n’a pas recherché s’il était suffisant ou s’il était exagéré ; mais elle a cru qu’en présence de la demande générale de toutes les chambres de commerce qu’il soit établi des agents commerciaux et le désir manifesté plusieurs fois par la chambre d’ouvrir un crédit pour cet objet, elle a cru, dis-je, qu’il fallait proposer un chiffre quelconque, et elle s’est arrêtée au chiffre proposé par le gouvernement, qui est, mieux que personne, à même de connaître quels sont sous ce rapport les besoins du commerce.
M. Gendebien. - Si ma mémoire est bonne, messieurs, j’ai, l’année dernière, proposé un amendement ayant pour but de majorer l’allocation pour augmenter le nombre des agents commerciaux ; mais je mettais une condition au vote de cette somme, et c’est, je crois, pour laisser remplir cette condition par le gouvernement que le vote de la majoration a été ajourné jusqu’à cette année. Il a été soulevé alors une question assez grave, celle de savoir si les consuls ou agents commerciaux pouvaient faire des affaires pour leur propre compte. Je pensais que dès l’instant qu’ils étaient rétribués, il devait leur être interdit de se livrer à aucun genre de commerce, et qu’il était nécessaire de faire un règlement pour bien établir les droits et les devoirs des agents. Ce règlement a été promis par le ministère.
Je demanderai s’il a fait un semblable règlement, comme il l’avait promis. Si les agents commerciaux peuvent faire des affaires pour leur propre compte, soit directement, soit indirectement, ils seront plus nuisibles qu’utiles ; car ils commenceront par profiter pour eux-mêmes des renseignements qu’ils obtiendront, et ils ne les feront parvenir au gouvernement que fort tard, ou bien ils ne feront connaître au gouvernement que les renseignements de peu d’importance, se réservant les autres pour les exploiter dans leur propre intérêt. Il en résulterait qu’au lieu d’encourager des expéditions lointaines, on ruinerait ou l’on découragerait ceux qui ne seraient appelés qu’â exploiter des opérations douteuses ou de peu d’importance. Je déclare donc que je ne voterai la somme demandée que pour autant qu’il ait été fait un bon règlement qui empêche les consuls de faire des affaires pour leur compte, et offre des garanties suffisantes à nos industriels et négociants.
Il est un autre point, messieurs, sur lequel je dois appeler l’attention du ministère, c’est le choix des agents commerciaux. Déjà les journaux ont critiqué assez amèrement et peut-être même avec certain fondement des choix qui ont été faits. Je ne veux pas entrer dans des questions personnelles, je ne veux pas décider si les journaux ont raison ; je n’ai pas eu le temps de vérifier leurs assertions. Mais si un jour je vois qu’il y a système adopté de faire servir le crédit alloué à faciliter des mutations, à faire passer un homme qui embarrasse dans une certaine position, dans une autre ; si j’aperçois du népotisme, ou de l’esprit de coterie ; si quelque favori est nommé, sans qu’il ait les qualités nécessaires pour remplir les fonctions qu’on lui donne ; si je vois semblable système suivi par le gouvernement, je l’attaquerai de toutes mes forces, et alors, s’il le faut, j’entrerai même dans des questions de personnes, puisque c’est le droit et même le devoir d’un député. Il ne doit jamais hésiter lorsqu’il s’agit de défendre l’intérêt général, dût-il froisser quelques intérêts privés ; il serait certes contraire à l’intérêt général de faire de mauvais choix, soit sous le rapport de la capacité, soit sous celui de la délicatesse. Je n’attaque en aucune manière la capacité ni la délicatesse des personnes qui ont été nommées, je traite la question en thèse générale. Je prie le ministère de bien se rappeler les qualités que doit posséder un agent commercial, de ne pas perdre de vue qu’une des premières qualités, c’est de connaître le commerce et d’avoir au moins quelques notions d’économie politique. Il faut qu’il se pénètre bien que les hommes qu’il nomme pour soigner nos intérêts commerciaux, n’out pas pour mission de représenter la Belgique dans les salons, dans les antichambres, ou dans les cérémonies publiques.
Je suis très disposé, messieurs, à voter le crédit demandé, mais à condition qu’on me rassure sur les points que j’ai soulevés.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je n’hésite pas à déclarer, messieurs, que les agents commerciaux qui ont été nommés, et qui reçoivent un traitement de l’Etat, ont reçu la défense expresse de se livrer à aucune opération de commerce, soit directement, soit indirectement ; je dis, de plus que l’infraction à cette interdiction sera considérée comme une infraction capitale et de nature à motiver leur rappel.
Je ne répondrai point, messieurs, à ce qu’a dit l’honorable membre, des critiques de quelques journaux, relativement à certains choix ; je n’ai point l’habitude de répondre à ces sortes de critiques, et je crois qu’il me serait pas convenable que le ministère entrât en polémique sur des questions de personnes. Je puis déclarer, toutefois, que les choix ont été faits exclusivement dans l’intérêt du service et abstraction faite de toute considération personnelle ; c’est là, messieurs, la ligne de conduite que le gouvernement a suivie dans cette circonstance comme dans toutes les autres, et qu’il se propose de suivre toujours.
M. de Langhe. - Messieurs, je dois faire une question à M. le ministre des affaires étrangères, et de la réponse qu’il y donnera dépendra mon vote. Je désirerais savoir comment on pourra empêcher les agents commerciaux de faire indirectement le commerce ; s’ils s’associent avec une maison, sans que leur nom soit connu, comment pourra-t-on le savoir ?
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Ce serait là une fraude.
M. de Langhe. - Sans doute, mais c’est une fraude qu’il est impossible de découvrir. Je désirerais savoir quel moyen le gouvernement emploierait pour prévenir une semblable manœuvre ?
En second lieu, il y a une très grande différence entre les traitements des agents commerciaux-, ils varient, je crois, de 4 à 20 mille francs : je crois que la cherté de la vie ne peut pas différer à ce point-là d’un lieu à un autre. Je demande également une explication à cet égard.
M. Coghen. - Messieurs, la somme dont il s’agit est une des plus utiles qui figurent au budget ; il faut à l’industrie, au commerce et même au gouvernement, des agents dans presque toutes les places de commerce qui sont éloignées et où nous ne pouvons point avoir d’ambassadeurs ou des chargés d’affaires ; l’utilité de ces agents est suffisamment connue des autres Etats et surtout de la Hollande, qui en a établi presque partout.
On exige la condition que les agents consulaires ne s’occupent point d’affaires.
Je crois qu’il est très prudent de l’imposer, mais alors il faut prendre garde de ne pas les établir avec une rétribution tellement minime qu’il est matériellement impossible que ces agents puissent vivre dans les pays où on les envoie avec la somme qui leur est allouée.
Je ne crois pas, par exemple, qu’un agent consulaire puisse exister sur la côte de Guinée avec un traitement de 4,000 fr.
Il est également impossible qu’un agent puisse convenablement vivre à Tunis avec un traitement de 5,000 fr., et à Tanger avec 4,000 fr., alors surtout qu’il est interdit à ces agents de se livrer à des opérations commerciales.
Dans mon opinion, le gouvernement doit défendre à ces agents d’une manière positive de faire de semblables opérations.
Sinon, il est certain que ces fonctionnaires, salariés pour soigner les intérêts de l’industrie et du commerce, profiteraient seuls des avantages de leur position.
M. Gendebien. - Messieurs, j’ai déjà présenté l’année dernière l’objection que l’honorable M. de Langhe vient de faire ; j’ai demandé alors, ainsi qu’on le demande aujourd’hui, comment on pourra vérifier si un agent commercial fait indirectement ce qui lui est défendu de faire directement.
A cette occasion, j’ai vivement insisté pour qu’il y eût un règlement général qui serait publié dans notre pays et dans celui où nos agents commerciaux seraient accrédités. Je disais que de cette manière chacun saurait au juste quels sont les droits et les devoirs de ces agents ; qu’il en résulterait une surveillance légitime et par conséquent toute naturelle de la part des personnes intéressées. J’ajouterai que si l’on se bornait à donner des instructions, ce ne serait là, pour ainsi dire, qu’une affaire privée connue par le gouvernement et par l’agent, et que les intéressés n’auraient aucun moyen de contrôle.
Le ministre des affaires étrangères reconnut la justesse de ces observations, et déclara qu’un règlement, tel que je le demandais, était indispensable.
Je ne puis donc pas me contenter de l’engagement que vient de prendre M. le ministre, de donner les instructions les plus sévères aux agents commerciaux, et de les démissionner, pour le cas où ils contreviendraient à ces instructions.
Ces mesures ne seront nullement efficaces. Il faut de toute nécessité un règlement général, officiel, que tout le monde connaisse, et auquel on puisse recourir pour s’assurer si l’agent remplit bien ou mal ses devoirs.
Si l’on se borne à des instructions, qu’arrivera-t-il ? C’est que les personnes même les plus intéressées, ne sachant où s’arrêtent les droits, où commencent les devoirs de l’agent commercial, n’oseront se permettre des investigations, ni se plaindre ; car ces démarches et ces plaintes ressembleraient à des dénonciations. Tandis que s’il existe un règlement général, officiel, qui détermine d’une manière précise les droits et les devoirs de l’agent, personne ne se fera scrupule d’user, dans l’intérêt de tous, d’un droit qu’il trouvera écrit dans ce règlement, et d’avertir le gouvernement de ce que font ses agents commerciaux à l’étranger.
Sans ce règlement, vous n’avez aucune sanction des instructions que vous donnerez vos consuls. Je sais bien que le moyen que je propose n’empêchera pas toujours ces agents de contrevenir au règlement en s’associant secrètement dans des opérations commerciales ; mais ce moyen est le plus efficace que je connaisse pour prévenir cet abus.
M. Desmet. - J’ai à faire deux interpellations à M. le ministre des affaires étrangères avant de voter la somme que l’on nous demande pour les agents commerciaux.
Je désire savoir d’abord si le consul qui a été nommé à Alexandrie est déjà à son poste ; je demande ensuite si l’agent commercial qui a été nommé à la résidence de Smyrne, a été admis en cette qualité. Il est probable qu’il ne l’a pas été, puisque nous n’avons pas d’ambassadeur à Constantinople.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je répondrai d’abord à l’interpellation de l’honorable préopinant, relativement au consul qui a été nommé à Smyrne. Cet agent n’est pas encore parti pour sa destination et ne touche pas jusqu’ici son traitement. Quant à sa réception à Smyrne, il n’y a pas de doute qu’elle n’ait lieu, puisque déjà un consul belge a été admis dans cette ville et qu’il n’a cessé ces fonctions que parce qu’il voulait rentrer dans son pays.
Un honorable membre a dit que le gouvernement ne pouvait avoir la garantie que les consuls ne se livreraient pas, par voie détournée, à des opérations commerciales. Cette assertion est sans doute fondée. Cependant les dispositions qui ont été prises ne sont pas entièrement sans sanction ; les agents commerciaux sont immédiatement exposés à être dénoncés par d’autres commerçants qui seraient intéressés à ce qu’ils ne se livrent pas à des opérations commerciales et à ce qu’ils ne donnent au gouvernement que les renseignements les plus exacts et les plus utiles à la généralité du pays.
Si malgré ces circonstances une infraction était commise, et qu’on ne pût la découvrir, il en serait de ce fait comme d’autres faits qui peuvent se passer dans toute autre position. Il est de ces choses contre lesquelles il n’y a pas de remède absolu.
Quant au règlement dont a parlé un honorable préopinant, je ne vois aucun inconvénient à l’adopter ; si un semblable règlement a été retardé jusqu’ici, c’est qu’il doit être la conséquence d’un projet de loi à vous soumettre sur le tarif consulaire, à l’occasion duquel on refondera toutes les dispositions qui concernent les consuls en général.
En attendant cette révision complète, le gouvernement a donné à ses agents commerciaux des instructions de plus en plus précises, dans l’intérêt du commerce ; et je dois le dire, les consuls même non rétribués mettent actuellement plus d’activité dans leurs rapports avec le gouvernement, et lui envoie des renseignements plus fréquemment que par le passé. Réciproquement, nous les tenons au courant de ce qui se passe en Belgique, en fait de commerce, pour qu’ils puissent mieux remplir leur mission.
Je n’ajournerai qu’une observation pour démontrer l’utilité des agents commerciaux. L’on s’est étayé à tort sur l’exemple de la Hollande qui, dit-on, ne paie pas de semblables agents. Cette assertion ne paie pas de semblables agents. Cette assertion n’est pas entièrement exacte : la Hollande a plusieurs agents commerciaux rétribués.
Mais je ferai remarquer que la Hollande est en possession, depuis un temps immémorial, d’un commerce maritime extrêmement étendu ; que des commerçants hollandais se trouvent établis dans tous les parages importants, et que conséquemment le gouvernement hollandais à l’avantage de pouvoir nommer des nationaux aux frontières consulaires dans toutes les localités.
Lorsque notre commerce sera plus étendu, et que des négociants belges se seront établis à l’étranger, on pourra les charger des fonctions consulaires. Si le gouvernement reconnaît qu’ils peuvent rendre les mêmes services que les agents actuels, il sera permis alors de diminuer la dépense qui vous est proposée aujourd’hui ; mais, dans le moment actuel, il est extrêmement utile que la somme entière soit votée.
M. Dumortier. - Si nous n’avons des agents commerciaux que pour recueillir des renseignements je demande à quoi ces agents serviront, quand une fois ils auront recueilli ces renseignements. Je conçois que les agents commerciaux de la France et de l’Angleterre aient quelque chose à faire ; mais nous qui n’avons pas cent vaisseaux de commerce, à quoi pourrons-nous employer des agents commerciaux ?
On nous demande des traitements pour des agents à envoyer dans trois pays, aux grandes Indes, au Chili et dans les échelles du Levant. Or, je vous le demande, messieurs, combien la Belgique envoie-t-elle de vaisseaux dans ces divers parages ? Bien peu ou point. Quelles y seront dès lors les occupations de nos consuls ? Elles seront nulles.
Si l’on veut créer des agents commerciaux, que l’on songe d’abord à établir une marine, et alors les agents commerciaux pourront servir à quelque chose.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois faire remarquer que les agents commerciaux n’ont pas seulement pour objet de protéger les vaisseaux belges, à leur arrivée dans les parages éloignés ; mais qu’ils ont encore pour mission de prendre sous leur protection tous les Belges indistinctement qui se rendent dans les mêmes contrées.
L’utilité de ces agents ne se borne pas à cela. L’objet principal de leur mission est de tenir la Belgique au courant de tout ce qui se passe d’intéressant, en fait de commerce, dans les pays où ils exercent leur office.
Mais, dit-on, ces renseignements une fois recueillis et envoyés, la mission de ces agents est terminée. C’est une erreur. Il en est de ces pays comme du nôtre ; le tarif des douanes y éprouve des modifications d’année en année, et il est bon que nous soyons constamment tenus au courant de ces changements. Car c’est alors seulement que la Belgique pourra faire en toute sécurité le commerce avec ces contrées.
- Le chiffre de 100,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Article unique. Frais de voyage des agents du service extérieur ; frais de courriers, estafettes et courses diverses : fr. 70,000 fr. »
- Adopté.
« Article unique. Frais à rembourser aux agents du service extérieur : fr. 50,000. »
M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, j’ai déjà fait remarquer l’année dernière que tandis que dans ce pays l’on ne percevait rien pour les certificats de vie, les légalisations et même pour les passeports, d’autres pays exigeaient des rétributions assez fortes pour ces objets, et que cela donnait lieu à beaucoup de mesures fiscales.
Messieurs, le ministre des affaires étrangères m’avait dit qu’il ferait des réclamations auprès des puissances qui exigent ces droits, car toutes ne les exigent pas.
En Prusse on ne paie rien, mais en France on fait payer des droits assez élevés aux personnes qui ont besoin de ces légalisations pour toucher des rentes. Je désire savoir si on a fait des réclamations, afin d’établir une juste réciprocité. Je ne demande pas qu’on perçoive des droits semblables sur les étrangers, mais je voudrais aussi que les étrangers n’en perçussent pas sur les Belges.
Je ne sais pas si c’est à l’article dont il s’agit que se rapporte mon observation, mais je le fais ici parce que je n’en ai vu aucun autre auquel elle se rapportât davantage.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’observation de l’honorable préopinant est pleine de justesse. Jusqu’à présent il n’est rien résulté des réclamations du gouvernement ; je les renouvellerai, et si je n’obtiens pas satisfaction je ferai un rapport à la chambre pour la mettre au courant de ce qui se passe et en position d’adopter des mesures de réciprocité.
- Le chiffre de 50 mille francs est mis aux voix et adopté.
« Article unique. Missions extraordinaires et dépenses imprévues. »
M. Dumortier. - Messieurs, je renouvellerai ici mon interpellation. Je demanderai pourquoi on a envoyé un ministre plénipotentiaire en mission momentanée à Lisbonne. Je demanderai s’il y a quelque traité à faire qui exige des dépenses aussi considérables. Je demanderai pourquoi on déguise sous le nom de mission temporaire un traitement extraordinaire de 120 fr. par jour, en y réunissant les traitements attachés au grade que cet envoyé occupe dans l’armée. Je ne comprends pas comment le ministre a pu éluder ainsi le texte des lois, car le budget est une loi ; un traitement quelconque ne peut être donné qu’autant qu’il ait été alloué par le budget, et ici on paie à notre envoyé à Lisbonne un traitement de 58 mille fr. sans que la législature l’ait voté. Je prie M. le ministre de nous donner des explications.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Le chapitre des missions extraordinaires a pour objet particulier d’envoyer des agents diplomatiques dans les circonstances extraordinaires. Et telle est évidemment la situation du Portugal. Que l’on dise que la Belgique n’a aucun intérêt à régler avec le Portugal, c’est une véritable erreur. Au contraire, on attache une grande importance aux rapports commerciaux avec le Portugal.
On sait qu’un tarif exorbitant a été adopté par cette puissance ; les intérêts commerciaux de tous les pays ont été gravement froissés par cette mesure ; des réclamations ont été adressées au gouvernement portugais par plusieurs cours et notamment par la cour de Belgique. Notre envoyé extraordinaire a pour mission spéciale d’obtenir un redressement l’égard de notre pays.
Quant à la hauteur du chiffre, il est vrai que notre envoyé touche, outre l’indemnité, son traitement de général. Mais ceci est conforme à une disposition de la loi militaire votée il y a deux ans. D’après cette disposition, le militaire en activité de service, chargé temporairement d’une mission, conserve sa position d’activité. Mais j’ai eu égard à cette circonstance dans la fixation de l’indemnité quotidienne. La mission serait coûteuse, si elle devait être longue, car elle reviendrait à 58,000 francs par an. Mais, pour une mission temporaire, ce traitement n’est pas exorbitant. J’ai eu des détails circonstanciés, et il est constant qu’un envoyé en Portugal est obligé de faire de grandes dépenses.
Mais, disait M. Gendebien, quel besoin avons-nous d’un envoyé extraordinaire en Portugal, s’il habite la campagne ? Il est dans l’erreur. Les ministres plénipotentiaires en Portugal ont une double résidence, une résidence d’été à la campagne et une résidence d’hiver en ville. Ainsi. la résidence à la campagne, loin d’être un avantage, est une occasion de nouvelles dépenses.
M. Van de Weyer et M. Goblet m’ont transmis des détails desquels il résulte que les dépenses sont considérables. Du reste, si une semblable mission avait dû se prolonger, si j’avais eu la conviction qu’elle dût devenir un état régulier, j’en eusse fait l’objet d’une proposition à la chambre. Mais n’étant pas convaincu de la nécessité d’avoir en permanence à Lisbonne un ministre plénipotentiaire, et prévoyant qu’on reviendrait à l’état normal, à la mission d’un simple chargé d’affaires, je n’ai pas cru devoir faire de proposition.
On n’a pas éludé le budget comme le prétend l’honorable préopinant. Le traitement de chargé d’affaires reste disponible, et la mission extraordinaire doit être payée sur les frais imprévus.
M. Dumortier. - Quand nous avons fait la loi militaire, nous avons décidé que le militaire en activité envoyé en mission temporaire conserverait son activité, mais nous n’avons pas pour cela autorisé le cumul. Or ; ici il y a cumul, puisqu’on touche le traitement de général et celui d’agent diplomatique. On ne peut pas remplir ses fonctions de général dans l’armée et celle d’agent diplomatique ; si vous tolérez le cumul dans cette circonstance, vous devez le faire toujours. Pour moi, j’ai constamment été l’ennemi du cumul, et je le combattrai toujours.
M. le ministre nous a dit que le Portugal était intéressant pour nous ; je comprends qu’il l’est comme toutes les nations. Mais alors pourquoi n’a-t-on pas envoyé un ministre plénipotentiaire en Espagne ? Car nos rapports commerciaux sont plus considérables avec l’Espagne qu’avec le Portugal. Nous n’avons cependant là qu’un chargé d’affaires ; nous pourrions aussi bien nous contenter d’un chargé d’affaires en Portugal.
La Belgique est déconsidérée dans ce pays, depuis la malheureuse intervention de notre envoyé dans ses affaires ; les intérêts de la Belgique ont été depuis lors périclitants. C’est donc un très faux système d’avoir un homme politique à Lisbonne. Nous ne devons y avoir qu’un chargé d’affaires pour soigner nos intérêts.
Je répète en terminant qu’il y a cumul et qu’on doit le faire cesser ; sans cela, on pourrait cumuler toute espèce de traitement, ce qui est contraire à la constitution.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La même circonstance s’est présentée, lorsque le général Goblet a été envoyé à Londres, et je pense qu’il en a été de même lorsque le général Merx a été envoyé à Berlin.
Je répète que si la mission devait se prolonger, je me réserve de voir si l’indemnité n’est pas susceptible de réduction ; mais, pour un mission qui ne doit pas être de longue durée, il est permis d’adopter le chiffre que j’ai fixé.
M. Dumortier. - Il est inexact de dire que l’agent qui a été envoyé à Berlin a touché son traitement de général et celui d’agent diplomatique. La chambre a voté ure réduction pour empêcher ce cumul. Aujourd’hui, au moyen du cumul, on est arrivé à un chiffre qui dépasse tous les traitements d’ambassadeur. Celui de Paris n’a pas un traitement aussi élevé, si on déduit le paiement de son secrétaire d’ambassade et tous les frais de la légation.
Nous avons de grands intérêts à régler avec l’Allemagne, nous n’avons cependant accordé pour un ministre plénipotentiaire résidant à Vienne que 40,000 francs, et en Portugal un ministre plénipotentiaire seul nous coûterait 58,000 francs.
La chambre doit examiner s’il y a nécessité d’avoir un ministre plénipotentiaire à Lisbonne, et ne pas laisser éluder la question par cette considération que la mission est momentanée.
Quand nous avons autorisé des missions Londres et à Berlin, nous savons dans quel but elles avaient lieu ; l’une était pour faire un traité, l’autre pour faire reconnaître la Belgique. Mais ici on ne sait pas pourquoi on veut nous faire dépenser 58 mille fr.
Si on veut voter en aveugle, qu’on le fasse. Mais je déclare que je ne voterai qu’à yeux ouverts.
Je demande une réduction de 40 mille fr.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois combattre la réduction proposée par M. Dumortier. Je dirai qu’alors même qu’il n’y aurait pas en ce moment un envoyé extraordinaire en Portugal, je combattrais encore la proposition de l’honorable membre, parce qu’il n’est pas possible de prévoir les besoins du service dans cette partie pour une année ; il peut se présenter des circonstances qui exigent la mission d’envoyés ; ces missions sont indépendantes de celle de M. le général Goblet, sur la durée de laquelle je ne puis donner des indications catégoriques, ainsi que je l’ai dit précédemment.
- L’article unique du chapitre 7, « missions extraordinaires et dépenses imprévues : fr. 65,000 francs, » est mis aux voix par assis et levé ; deux épreuves sont douteuses ; la chambre procède au vote par appel nominal ; en voici le résultat :
59 membres prennent part au vote.
27 votent pour l’adoption.
32 votent contre.
La chambre n’adopte pas.
Ont voté pour l’adoption : MM. Bekaert-Baeckelandt, Coghen, Coppieters, de Brouckere, de Jaegher, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Renesse, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dolez, Ernst, Fallon, Kervyn, Mercier, Nothomb, Pirson, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Smits, Verdussen, Vandenhove.
Ont voté contre : MM. Beerenbroeck, Berger, Brabant, Corneli, de Behr, Dechamps, de Florisone, de Perceval, de Roo, Desmanet de Biesme, Doignon, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Frison, Gendebien, Keppenne, Maertens, Metz, Mast de Vries, Polfvliet, Raymaeckers, A. Rodenbach, Scheyven, Vandenbossche Van Hoobrouck, de Langhe, Van Volxem, Verhaegen, Dubois.
La chambre adopte l’article unique du chap. VII : « Missions extraordinaires et dépenses imprévues, » avec le chiffre de 40,000 francs proposé par M. Dumortier.
M. le président. - La chambre a terminé le projet de loi de budget des affaires étrangères ; mais comme des amendements ont été introduits dans ce budget, s’il n’y a pas d’opposition, le vote définitif est renvoyé à lundi. (Adhésion.)
- La séance est levée à 4 heures et demie.