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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 28 octobre 1837

(Moniteur belge n°302, du 29 octobre 1837 et Moniteur belge n°303, du 30 octobre 1837)

(Moniteur belge n°302, du 29 octobre 1837)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. B. Dubus fait l’appel nominal à une heure.

M. Lejeune donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. B. Dubus présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Des juges de paix de divers cantons de la Flandre orientale adressent des observations sur la position des juges de paix en général. »


« Le sieur Tallois, à Ham-sur-Heure, demande que la chambre réclame de M. le ministre de l’intérieur les explications qui lui ont été demandées sur sa première pétition contre un arrêté de ce ministre au sujet des élections municipales de cette commune. »


M. Lejeune. - On vient de vous faire l’analyse d’une pétition concernant la position des juges de paix. Vous savez qu’il existe une commission à laquelle vous avez renvoyé un projet de loi sur la compétence ; je ne demande pas qu’on lui renvoie aussi la pétition dont il s’agit. Je voudrais seulement qu’on invitât la commission des pétitions, à laquelle elle sera soumise, à faire un prompt rapport, parce qu’il est probable qu’elle en proposera le renvoi à votre commission spéciale et au ministre de la justice.

- Cette proposition est adoptée.


M. Frison. - Dans la séance du 1er mai dernier, l’honorable M. de Jaegher a fait le rapport sur une précédente pétition du sieur Tallois, qui se plaint de la violation de la loi électorale dans les élections communales d’Ham-sur-Heure. La chambre a demandé de promptes explications à M. le ministre de l’intérieur ; pour lui rappeler cette décision, il suffirait donc de renvoyer immédiatement à M. le ministre la pétition du sieur Tallois, analysée aujourd’hui.

- La proposition de M. Frison est adoptée.


M. B. Dubus. continue en ces termes :

« Des habitants de la 5ème section (extra muros) d’Anvers demandent qu’il soit fait une allocation au budget de 1838, pour les indemniser des pertes que leur ont causées les désastres de la guerre. »


« Les syndics et membres de la chambre de discipline des huissiers de l’arrondissement de Liége adressent des observations contre le projet présenté par M. le ministre de la justice, tendant à abroger le décret impérial du 14 juin 1813. »

« Même pétition des huissiers de l’arrondissement de Liége. »


« Le sieur Grégoire, entrepreneur de messageries de Bruxelles à Liége, demande que les voitures à six roues, de l’invention de M. Dietz, soient assimilées à celles à quatre roues. »

- Tous ces mémoires sont renvoyés à la commission des pétitions.

Projet de loi portant des modifications au Tarif des douanes

Second vote du tableau du tarif

Draps

M. le président. - La discussion continue sur les articles de la draperie et sur les amendements à ces articles, lesquels sont ainsi conçus :

Amendement de M. Dechamps : « J’ai l’honneur de proposer à la chambre d’adopter l’amendement suivant pour la tarification des draps :

« Draps, casimirs, péruviennes, circassiennes, castorines et tous autres tissus similaires, 250 fr. par 100 kilog. »

Amendement de M. Verhaegen : « J’ai l’honneur de proposer sur l’article draps l’amendement suivant :

« La prohibition à l’entrée en Belgique des draps étrangers sera levée à l’égard de tous pays qui lèveront la prohibition dont sont encore frappés chez eux les draps belges.

« Il sera établi sur les draps étrangers un droit protecteur semblable à celui dont sont frappés les draps belges à l’étranger, en y comprenant les primes d’exportation accordées à la sortie par les pays respectifs qui feront l’objet du droit. »

Amendement de M. Demonceau : « J’ai l’honneur de proposer à la chambre d’examiner et voter, préalablement à toute discussion sur la tarification et les mesures à adopter pour atteindre les primes, la disposition suivante, que je lui soumets par forme d’amendement :

« La prohibition sur les draps et casimirs d’origine française ou importés de France est maintenue ; toutefois le gouvernement est autorisé à lever cette prohibition lorsque le gouvernement français lèvera celle frappant les draps et étoffes de laine d’origine belge. »

M. Verhaegen. - Nous avons entendu tous avec la plus grande attention le discours de notre honorable collègue M. Lebeau. Comme ce discours m’a paru de nature à faire sur vos esprits une profonde impression, j’ai cru qu’il était de mon devoir d’examiner un à un ses arguments et de les réduire à leur véritable valeur. Je serai heureux si je parviens à vous faire partager la conviction que j’ai que les raisonnements de notre honorable collègue reposent sur de fausses bases. Je le suivrai sur le terrain des chiffres, et je crois pouvoir établir que les chiffres qu’il a posés, au lieu de lui être favorables, viennent à l’appui de notre système.

L’honorable M. Smits vous a dit qu’il ne se proposait pas de prendre la parole, parce que M. Lebeau avait tout dit et qu’il ne pourrait tomber que dans des redites. Néanmoins, M. Smits a parlé ; et, en effet, j’ai trouvé qu’il n’a fait que répéter ce que M. Lebeau avait dit. Je ne répondrai donc qu’à l’honorable M. Lebeau, à l’exception de quelques faits personnels qui se rattachent à moi et auxquels les convenances parlementaires demandent que je fasse une réponse.

L’honorable M. Lebeau a envisagé la question sous le rapport économique et sous le rapport politique. Je ne confondrai pas ces deux questions. Je me propose de les discuter l’une après l’autre, et je réserve la question politique pour la fin.

On a attaqué bien vivement mon amendement ; on l’a traité, je ne dis pas mon honorable collègue M. Lebeau, mais d’autres, de ridicule, d’un tissu d’aberrations ; et on prétend que si j’avais consulté ceux que la chose concerne, je ne me serais jamais permis de le présenter. Eh bien, messieurs, comme je ne suis pas plus familier qu’il ne faut avec les articles de détail en matière d’industrie, je me suis adressé à des industriels, j’ai consulté plusieurs de mes honorables collègues avant de me décider, et mon amendement n’a été que le résultat d’une conviction profonde que mes collègues et les industriels avaient comme moi ; mon amendement, tel qu’il a été déposé, n’est autre chose que celui proposé par M. Demonceau.

Si l’honorable M. Lebeau et après lui M. Smits avaient bien voulu se pénétrer de la portée de mon amendement, ils ne m’auraient pas fait le reproche dont j’ai été l’objet.

A entendre ces honorables membres, je voudrais recevoir en Belgique les productions de tous les pays qui nous ouvrent leurs frontières. On s’est écrié : Voyez où cela va nous conduire : nous recevrons tous les cotons de la Suisse, parce que la Suisse n’a pas de douane ; nous recevrons de même les productions quelconques de tous les autres pays, si ces pays nous ouvrent leurs frontières.

M. Smits a ajouté que j’étais en contradiction avec moi-même ; que moi qui avais exprimé le vœu de voir tous les peuples s’entendre sur leurs véritables intérêts, de faire tomber les barrières qui les séparent pour ne plus faire qu’un peuple de frères, je reculais devant les conséquences de ce vœu ; que je voulais arrêter l’élan du commerce. On m’a mis en contradiction en supposant ce que je n’ai pas dit ; il est facile de mettre un adversaire en contradiction avec lui-même quand on combat un système qui n’est pas le sien. C’est toujours ce qui arrive quand on se place à côté de la question, et que des talents oratoires tels que ceux que nous avons entendus se mêlent de défendre une cause qui, d’après moi, n’est pas la bonne.

Nous avons mis beaucoup de temps à examiner les arguments de notre honorable contradicteur ; nous allons les réduire à leur juste valeur et retracer en peu de mots le véritable état de la question ; nous allons faire voir ce que nous avons dit, qu’elle a été notre idée en présentant notre amendement. Cela n’est pas difficile ; car heureusement nos paroles sont consignées au Moniteur.

Je n’ai pas dit qu’il fallait laisser entrer en Belgique toutes les marchandises des pays qui nous ouvrent leurs frontières.

Nous occupons-nous d’une loi générale de douane ? Non. J’ai énoncé l’espoir qu’un jour viendrait où tous les peuples pourraient s’entendre sur leurs intérêts réciproques ; j’ai énoncé cet espoir qu’un jour viendrait où toutes les barrières de douane seraient renversées. Mais nous n’en sommes pas là ; la discussion actuelle ne comporte pas ces idées, il ne s’agit que de quelques modifications à apporter à notre tarif, et nous sommes arrivés à l’article draps.

L’honorable M. Lebeau dont les amis avaient demandé la clôture de la discussion générale, car c’est de ce banc que sont partis les cris de clôture, s’est mis en contradiction avec eux, car il est rentré dans la discussion générale qui était close.

Quant à moi, je ne me propose pas d’y rentrer ; je ne dirai que ce qu’il faut pour répondre à l’honorable M. Lebeau. Toujours était-il nécessaire de faire cette remarque.

Je n’entends donc pas discuter les principes généraux des tarifs de douane ; et l’espoir que je voudrais voir réaliser ne vient pas à propos dans une discussion où il s’agit d’un article particulier. Qu’on ne fasse donc pas emploi de choses étrangères à la question, et qu’on ne prétende pas me mettre en contradiction en rapprochant ce que j’ai dit sur l’ensemble avec ce que j’ai dit ensuite dans la discussion des articles.

Mon amendement aurait-il donc cette portée que mes adversaires veulent y voir ? Si mon amendement était adopté, en résulterait-il donc que les productions des pays étrangers viendraient inonder la Belgique ? Parce que ces pays nous ouvriraient leurs frontières, devrions-nous leur ouvrir les nôtres ? A Dieu ne plaise que cette idée ait présidé à la rédaction de mon amendement ! Il ne s’agit que de l’article draps, et il ne s’applique qu’aux pays qui frappent encore les draps belges de prohibition.

Mon amendement, d’après les termes et l’esprit dans lesquels il est conçu, ne laisse pas l’ombre d’un doute cet égard : ce n’est pas sérieusement qu’on a soutenu que s’il était accueilli, il en résulterait que tous les cotons suisses entreraient sans payer aucun droit.

Vous avez traité naguère la question cotonnière, cette question est épuisée ; lorsque vous avez réglé les droits dont vous vouliez frapper les produits de cette nature provenant des peuples avec lesquels vous étiez en relations, il s’agissait d’un tout autre ordre de choses ; il ne s’agit plus aujourd’hui d’argumenter de cet état de choses à un objet tout à fait différent. C’est un ordre d’idées tout à fait différent.

Tout ce qui est relatif aux cotons a été réglé précédemment. A cet égard, je me permettrai cependant de faire une réflexion, On a dit que les orateurs qui soutiennent aujourd’hui notre système étaient en contradiction avec ce qu’ils disaient sur la prohibition quand elle était demandée par l’industrie cotonnière, et on a cité l’avis donné à cette époque par la chambre de commerce de Verviers.

Il y a des personnes qui trouvent des contradictions partout. Quant à moi, je n’en trouve pas dans l’occurrence. Nous en trouverons plus tard, mais je suis fâché de le dire, ce sera dans les paroles de ceux qui ont présenté le projet de loi, et c’est dans l’exposé des motifs de 1836 que je les ferai parler. Nous verrons alors qui des ministres ou de nous est en contradiction. Pour le moment je maintiens que les orateurs qui ont parlé de la prohibition, que la chambre de commerce le Verviers qui a donné son avis, n’étaient pas en contradiction, et je maintiens que ces orateurs étaient parfaitement d’accord comme nous le sommes sur les principes d’économie politique, qu’on a prétendu que nous avions entièrement méconnus, et dont on a dit que nous n’avions pas la moindre idée.

Je ne suis pas habitué à répondre à des articles de journaux mais je dirai que l’écho de l’opinion adverse est allé jusque-là. Je n’en dirai pas davantage. il est au-dessous de moi de répondre à des assertions de cette nature.

Il n’y avait, messieurs, aucune contradiction dans la conduite des honorables membres qui ont parlé de la prohibition à l’époque que je viens de rappeler, ni dans l’avis de la chambre de commerce de Verviers. En effet, lorsqu’il s’est agi de l’industrie cotonnière, que demandait-on ? De maintenir une prohibition établie à titre de représailles ? Non ; on demandait d’établir une prohibition qui n’existait pas. Voilà sur quoi on discutait. Qu’on ne me mette donc pas en contradiction, car j’ai été le premier à établir cette distinction d’accord avec tous les auteurs qui se sont occupés d’économie politique.

Il faut être avare de prohibition, il n’est jamais de l’intérêt d’un pays d’en établir, voilà la règle ; mais lorsque des prohibitions existent, et surtout lorsqu’elles existent à titre de représailles, alors il faut être avare de levées de prohibitions, c’est l’exception ; alors l’argument inverse doit prévaloir. Cela était présenté ainsi quand la discussion eut lieu sur la prohibition en matière d’industrie cotonnière. Les orateurs qui ont soutenu que les prohibitions n’étaient pas plus dans l’intérêt de ceux qui les établissaient que dans l’intérêt de ceux qu’elles concernent sont d’accord quand aujourd’hui ils viennent soutenir qu’il y aurait danger à lever la prohibition ; c’est aussi dans ce sens que la chambre de commerce de Verviers s’en est expliquée.

Je crois devoir ajouter quelques mots sur ce point, quoique les explications d’un honorable préopinant m’aient paru suffisantes. Il est constant que la question était celle-ci : Convient-il d’établir une prohibition sur les articles de coton ?

Maintenant, après avoir démontré qu’il n’y a aucune contradiction dans ce système, pas plus dans mes paroles que dans celles des orateurs qui ont parlé dans mon sens, je viens examiner si je mérite les reproches qui m’ont été faits au sujet de mon amendement.

Quelle idée a dominé chez moi ? De ne pas sacrifier une industrie au profit d’une autre, et, aussi longtemps que nous n’aurions pas un bon système général et complet en matière de douanes, de conserver le statu quo. J’ai annoncé, comme je croyais de mon devoir de le faire, que je voterais contre les amendements qui auraient une autre portée. La discussion s’est engagée, les opinions ont été chaudement défendues de part et d’autre. J’ai dit : « On demande la levée d’une prohibition à l’industrie de Verviers. L’industrie de Verviers est frappée d’une prohibition à l’égard de la France. Eh bien, que la France lève sa prohibition, et la Belgique lèvera la sienne. »

Y a-t-il rien de plus juste ? Est-ce que personne peut le contester ? Avant d’offrir à la France ce que la France nous demande ou plutôt ce que les ministres nous demandent pour elle, attendons qu’elle nous ait accordé ce que nous demandons. J’ai ajouté que l’on devait frapper les marchandises venant de ce pays de droits semblables à ceux dont nos marchandises sont frappées dans ce pays, y compris les primes d’exportation.

Je sais que si on considère le paragraphe 2 de mon amendement indépendamment du premier, on pourra y donner une portée plus étendue que celle qu’il a. Mais ne scindez pas mon amendement ; prenez-le dans son ensemble, et vous verrez que je n’ai pas voulu autre chose que ce qu’a voulu l’honorable M. Demonceau par son amendement.

En ayant l’air de généraliser mon amendement, de ne pas l’appliquer exclusivement à la France, j’ai suivi la marche que m’a indiquée le ministère. Mais j’ai trouvé dans la conduite de M. le ministre des finances un exemple dont il m’a convenu de profiter ; je m’en suis emparé ; j’ai suivi la marche qu’il m’a tracée.

Vous vous rappelez que dans la discussion sur l’article de la bonneterie, M. le ministre des finances vous a proposé un amendement, ayant pour objet de comprendre dans les droits à établir le montant des primes d’exportation. Quoique dans la discussion il fût bien constaté que cela ne se rapportait qu’à la France ; quoiqu’il ne s’agît de statuer que relativement à la France et contre la France, M. le ministre des finances a généralisé son amendement ; et j’ai pensé (la discussion m’en a même donné la conviction) que le but de M. le ministre des finances a été de ne pas faire voir à la France que c’était à elle que dans une loi belge nous avions égard. D’après cet exemple, je n’ai pas dit un mot de la France dans mon amendement, par courtoisie pour ce pays allié et ami ; j’ai dit comme M. le ministre des finances que « la prohibition à l’entrée en Belgique des draps étrangers sera levée à l’égard de tous pays qui lèveront la prohibition dont sont encore frappés chez eux les draps belges. »

J’ai parlé d’une manière générale, quoiqu’il ne fût question que de la France ; mais maintenant qu’on a levé le voile, maintenant qu’on a mis de côté toute courtoisie, tout ménagement, puisqu’il en est ainsi, je déclare que je me rallie à l’amendement de M. Demonceau ; je n’avais d’autre pensée que lui. Voici mon amendement :

« La prohibition à l’entrée en Belgique des draps étrangers sera levée à l’égard de tous pays qui lèveront la prohibition dont sont encore frappés chez eux les draps belges.

« Il sera établi sur les draps étrangers un droit protecteur semblable à celui dont sont frappés les draps belges à l’étranger, en y comprenant les primes d’exportation accordées à la sortie par les pays respectifs qui feront l’objet du droit. »

Vous voyez que je parle au futur à l’égard des pays qui ont encore la prohibition contre nous.

C’est, je le répète, par égard pour la France que j’avais généralisé mon amendement ; j’avais donc lieu de croire que l’honorable M. Smits qui l’a critiqué ne l’avait pas lu. Quand il est venu vous dire que si cet amendement était adopté, les grains de la Russie, les sucres du Brésil entreraient dans le pays sans payer des droits, c’est qu’il n’avait pas compris, c’est qu’il n’avait pas voulu comprendre mon amendement ; car, pour quiconque a des yeux ou des oreilles, il est constant que je n’avais voulu la levée de la prohibition qu’à l’égard du pays qui frappe nos draps de prohibition. Cela était-il équivoque ?Ai-je donc mérité les reproches dont j’ai été l’objet ? Et peut-on dire avec quelque apparence de fondement que j’ai méconnu tous les principes de l’économie politique ? Vous voyez que quand on parle seul, on a raison ; mais, pour celui qui écoute toutes les opinions, de semblables allégations se réfutent d’elles-mêmes.

Le paragraphe second de mon amendement est ainsi conçu :

« Il sera établi sur les draps étrangers un droit protecteur semblable à celui dont sont frappés les draps belges à l’étranger, en y comprenant les primes d’exportation accordées à la sortie par les pays respectifs qui feront l’objet de ce droit. »

Ceci est en rapport avec le paragraphe 1, exclusivement en rapport avec les pays qui frappent encore de prohibition les draps belges.

Ainsi je n’ai rien dit qui ne fût conforme à mes précédents développements, et il est évident qu’en généralisant mon amendement je n’ai fait que suivre la voie tracée par M. le ministre des finances. Je crois en effet qu’il n’était pas nécessaire de faire voir à la France que la disposition n’était prise que contre elle. Mais puisqu’on le veut ainsi, soit ; encore une fois je me rallie à l’amendement de M. Demonceau qui remplit parfaitement mon but.

Maintenant, après avoir répondu à ces reproches un peu trop acerbes, il faut en convenir, j’ai à rencontrer les objections contre le système en général et contre ses spécialités. Je ne rentrerai pas dans la discussion générale ; j’ai le plus grand respect pour les décisions prises, et je sais que la chambre a clos la discussion sur l’ensemble. Mais toute attaque mérite défense, et comme l’honorable M. Lebeau, après la clôture de la discussion générale, est revenu à des idées sur l’ensemble, force m’est de revenir à ces objections.

Envisageant la question sous le rapport économique, on vous a dit que la loi actuelle n’avait pour objet que d’exécuter ce que nous avions promis comme équivalent, qu’il y aurait de la déloyauté à ne pas faire pour la France ce qu’elle a le droit d’exiger comme équivalent de ce qu’elle a fait pour nous.

L’honorable M. Lebeau est entré dans des calculs, et comme ces calculs (car les calculs ont toujours une haute portée) auraient pu faire impression sur vos esprits, j’ai examiné à mon tour ces calculs, et je crois que vous partagerez avec moi la conviction que si, globalement, il n’y a pas d’erreur de chiffres, au moins il y a erreur dans l’application spéciale ; vous trouverez comme moi que les tableaux comparatifs sont inexacts en ce que, alors qu’on compare 1834 avec 1836, et 1835 avec 1836, on omet de comparer 1834 avec 1835. Si nous faisons cette dernière comparaison, nous voyons que l’exportation était en progression de 1834 à 1835, comme elle l’a été de 1835 à 1836. C’est ce que je vais avoir l’honneur de vous démontrer à mon tour par des chiffres.

Les calculs de nos honorables adversaires tendaient à établir que depuis les lois que la France a faites en notre faveur, nos exportations ont considérablement augmenté. C’est ainsi que notre honorable collègue M. Lebeau a fait imprimer dans le Moniteur du 27 octobre 1837 la statistique suivante :

« Extrait de la statistique française

« Aperçu de quelques importations de Belgique en France, mises en consommation :

« Chevaux entiers, têtes : en 1834 : 387 ; en 1836 : 1,044.

« Hongres, têtes : en 1834 : 1,546 ; en 1836 : 5,003.

« Juments, têtes : en 1834 : 378 ; en 1836 : 1,585.

« Poulains, têtes : en 1834 : 3,136 ; en 1836 : 3,605.

« Marbres, kilog. : en 1834 : 3,017,831 ; en 1836 : 3,354,389.

« Matériel à bâtir, kilog. : en 1834 : 3,038,739 ; en 1836 : 17,476,000.

« Ardoises, en nombre : en 1834 : 618,339 ; en 1836 : 1,300,000

« Fonte brune, kilog. : en 1834 : 3,845,691 ; en 1836 : 9,303,000

« Graines oléagin., kilog. : en 1834 : 213,786 ; en 1836 : 12,014,000.

« Toile écrue, kilog. : en 1834 : 3,447,676 ; en 1836 : 4,246,184. »

« Toiles, linge de table, coutils, etc., kilog. : en 1835 : 3,509,086 ; en 1836 : 4,289,573. »

« Houilles, kilog. : en 1835 : 614,978,000 ; en 1836 : 715,655,000. »

« Fonte brute, etc., kilog. : en 1835 : 5,665,000 ; en 1836 : 9,303,000. »

« Pierres non ouvrées (mat. à bâtir), kilog. : en 1835 : 5,629,000 ; en 1836 : 17,476,000.

« Chaux calcinée, kil. : en 1835 : 13,103,000 ; en 1836 : 15,273,000.

« Chevaux, têtes : en 1835 : 7,637 ; en 1836 : 11,234.

« Ardoises, pièces : en 1835 : 760,400 ; en 1836 : 1,300,000.

« Graines oléagineuses (de lin) : en 1835 : 644,000 ; en 1836 : 1,727,000.

« Graines oléagineuses (autres) : en 1835 : 616,000 ; en 1836 : 10,287,000. »

Voilà donc un tableau comparatif de 1834 à 1836. Vient maintenant un tableau comparatif de 1835 à 1836.

Je remarque, et il y a beaucoup d’art dans tout cela, que dans le tableau comparatif de 1835 à 1836 on ne met que le nombre des chevaux sans les distinguer en entiers, en hongres, en poulains, etc. ; on ne présente que le chiffre global : pourquoi cela ? Parce que, si on mettait les détails, ou aurait pour résultat que les progressions de 1834 à 1835 étaient aussi fortes que les progressions de 1835 à 1836 ; et alors l’argumentation échappe à notre honorable adversaire.

En effet, et je prie la chambre de fixer son attention sur ce point, la manière dont je raisonnerai sur les chevaux s’appliquera aux toiles, aux graines oléagineuses, relativement à la faveur que nous aurait accordée, sur ces objets, la loi française du 5 juillet 1836.

Dans l’ordonnance de 1835 il ne pouvait être question que de certains objets qui se rattachent aux manufactures, car la loi de 1814 ne permet au roi de faire des ordonnances sur les douanes que pour des modifications aux tarifs concernant des objets employés par les manufactures. Il ne pouvait donc pas en être question pour les chevaux, pour les toiles, etc. ; de sorte que, pour ces matières, mon argument restera en entier.

Les lois qui auraient été favorables à la Belgique sont du 2 et du 5 juillet 1836 : il importe de fixer cette époque.

M. Lebeau a jugé à propos de vous présenter des tableaux comparatifs de 1834 à 1836 et de 1835 à 1836 : mais moi je ferai la comparaison de 1834 à 1835 et de 1835 à 1836.

Quant aux chevaux, lorsque j’additionne toutes les spécialités, j’ai 5,647 têtes pour 1834 ; à côté de ce chiffre je vois tout d’un coup, pour l’année 1836, le chiffre 11.254 têtes importées en France. Et on mettait pour 1835 le chiffre de 7,637 têtes importée en France.

Voyons maintenant pourquoi, de 1834 à 1835, il y a une augmentation de 2,000 têtes importées. Est-ce parce que la loi de juillet 1836 a été favorable à cette importation ? Non, messieurs, puisqu’elle n’existait pas.

De 1835 à 1836 l’augmentation a été d’environ 3,500 ; ce qui ne provient pas non plus de la loi de juillet 1836.

Voilà bien établi que la loi ne devait produire rien de favorable et qu’elle ne pouvait exercer son influence ni en 1835 ni au commencement de 1836.

Toutefois. pourquoi y a-t-il eu augmentation d’importations de 1834 à 1835, et de 1835 à 1836 ? Pourquoi ? Tout le monde ne sait-il pas que la France, en 1835, faisait les remontes pour sa cavalerie et pour ses trains d’artillerie ? Telle est la cause de la progression des importations pendant ces années. La France a continué ses remontes en 1836, et la progression a été plus forte encore ; elle a été de 3,500 à peu près.

Comment pouvait-on argumenter, même en se faisant illusion sur les chiffres ? car je crois que mon honorable collègue s’est fait illusion en développant son opinion avec tout le talent que nous nous plaisons à lui reconnaître.

N’est-il pas de notoriété publique que les chevaux entraient, comme aujourd’hui, en France, quand le droit était à 50 fr., quoique ce pays soit entouré d’une triple ligne de douanes ? Il suffisait, pour les faire entrer, de donner une prime de 25 fr. aux fraudeurs. Depuis que le droit est réduit à 25 fr., il n’entre ni plus ni moins de chevaux ; la seule différence que ce tarif ait amené, c’est que le fisc français perçoit la prime au lieu de la laisser percevoir aux fraudeurs.

Messieurs, n’allons pas nous engouer ; n’allons pas nous abandonner aux impressions de l’art oratoire ; ce n’est pas en pareille circonstance qu’il faut s’abandonner à ses effets.

C’est, vous a-t-on dit, une augmentation de produits pour les agriculteurs, car c’est de l’agriculture qu’il s’agit ! Messieurs, il y a à prendre et à laisser dans ces exclamations.

Je parle devant des collègues qui savent, aussi bien que moi, qu’à toutes les foires de notre Belgique il y a un grand nombre de marchands étrangers qui y viennent acheter, non des chevaux belges, mais des chevaux d’Allemagne et de Hollande ; non des chevaux que l’on transite, mais qui sont entrés sur notre sol comme s’ils devaient y rester. Voilà ce qu’il ne faut pas perdre de vue.

Je n’ai pas besoin de cette dernière considération pour combattre mes adversaires, qui semblent en dénier la base ; je connais toute leur tactique, et je sais que, quand ils ne peuvent pas toucher aux considérations principales, ils attaquent les détails pour se donner un air de triomphe ; toujours est-il que ce que j’ai avancé à cet égard est l’exacte vérité.

En me résumant sur ce point, et en restant dans les bornes du vrai, je dirai à mes honorables contradicteurs : Votre loi de l836 n’a pu produire les résultats que vous annonciez hier, puisqu’elle est postérieure à la proposition qui a eu lieu de 1834 à 1836 et de 1835 à 1836. Cette progression est due aux besoins de la France ; et la France y a gagné des recettes de droit.

On a trouvé singulier que l’on ait dit que c’était au profit de la France que la diminution du droit avait été faite ; eh ! oui, la France y a gagné puisqu’elle a touché les 25 p. c. donnés aux fraudeurs. Elle a besoin de chevaux ; elle n’en a pas assez pour ses remontes ; elle est allée les chercher là où ils sont. Voilà pour l’article chevaux ; voyons les toiles.

Les tableaux comparatifs pour les toiles sont encore plus artistement arrangés. Je trouve dans le tableau comparatif de 1834 à 1836 : toiles écrues, 1854, 3,447,678 kilog., et 1836, 4,216 184 ; et dans un autre tableau de 1835 à 1836 : toiles, linges de table, etc. : 1835, 3,509,086 kil., et 1836, 4,289,573.

Vous croiriez trouver un tableau comparatif pour la toile écrue de 1835 à 1836 ; pas du tout.

Ainsi, pour les toiles le tableau ne porte que sur 1834 à 1836 et point de 1835 à 1836 ; et pour 1835 on a fait un seul et même article global. Cependant, quand on veut faire des comparaisons, il ne faut rien omettre. Mais il y a beaucoup d’adresse dans cette manière d’opérer.

On nous a mis sous les yeux d’une part les détails de la comparaison de 1834 à 1836, et un chiffre total pour 1835 à 1836. Dira-t-on que c’est à moi à deviner, à faire la soustraction ? Mais si je fais cette soustraction, j’aurai un résultat qui ne sera pas favorable à mes adversaires.

Eh bien, si je fais cette opération, c’est parce qu’elle tourne contre nos honorables adversaires, qui ne l’ont pas faite parce qu’elle sape les arguments qu’ils ont tirés de leurs chiffres, croyant sans doute que ceux que la chose concerne se seraient contentés de voir les chiffres globaux et ne se seraient pas donné la peine de les scinder ; mais, messieurs, je me suis donné cette peine, j’ai passé à cela beaucoup de temps (et ici je réponds sur un fait personnel à l’honorable M. Sinus), j’ai passé à cela autant de temps que j’en ai mis à lire toute la discussion antérieure relative au tarif des douanes. On m’a fait le reproche que je n’avais formé mon opinion que sur le mémoire des industriels de Verviers, au lieu de consulter les divers discours qui avaient été prononcés dans la session dernière ; on m’a même donné le conseil de consulter en pareille occurrence le pour et le contre.

Eh bien, je l’ai dit tantôt, en l’absence de l’honorable M. Smits, comme je le répète maintenant en sa présence, je ne suis pas disposé à recevoir des conseils semblables ; mais ce que l’honorable membre croit que j’aurais dû faire, je l’ai fait. Oui, messieurs, l’importance de la matière qui nous occupe m’a tellement frappé que j’ai voulu m’éclairer par tous les moyens possibles. Vous vous rappelez tous, messieurs, que, lorsqu’il s’agissait de reprendre la discussion au point où elle avait été laissée à la dernière discussion, je me suis opposé à cette proposition, parce que je craignais de ne pouvoir suffisamment examiner la question s’il ne m’était pas permis de revenir sur tous les articles du projet. Eh bien, messieurs, j’ai passé trois nuits à tout voir et j’ai tout vu ; j’ai tout lu, le pour et le contre, et après avoir mûrement tout pesé, j’ai, en pleine connaissance de cause, formé ma conviction en adoptant en dernière analyse les arguments qu’ont fait valoir ces messieurs de Verviers dans le mémoire qu’ils ont mis sous nos yeux.

Quant à l’opinion publique, je ne m’en suis pas rapporter à l’opinion publique de Verviers, ni à l’opinion publique contraire d’Anvers ; ce sont là les extrêmes : mais j’ai eu recours à l’opinion publique de la capitale dans les cercles d’industriels où je me suis trouvé, j’ai rencontré tout au plus un ou deux industriels qui, travaillant avec la France, n’ont pas jugé à propos de condamner le système du ministère. Sauf cette exception, il n’y a qu’une voix dans la capitale contre le projet du gouvernement.

Quand je dis que j’ai eu recours à l’opinion publique de Bruxelles et que je ne m’en suis rapporté ni à Verviers ni à Anvers, ce n’est certes pas, messieurs, que j’aie consulté l’intérêt de la localité qui m’a envoyé à la chambre ; cette localité n’en a aucun dans l’occurrence ; j’ai mis la main sur la conscience ; je me suis dit : « Je ne représente pas le district de Bruxelles plus que tout autre, je représente toute la Belgique ; il faut donc consulter l’intérêt général du pays, il faut tâcher d’éviter qu’une localité soit sacrifiée à l’autre, et travailler à la prospérité de toutes les localités. » J’ai donc examiné consciencieusement tous les intérêts ; j’ai consulté tous les renseignements avec la plus grande attention, et, après un examen approfondi, j’ai arrêté mon opinion sur les inspirations de ma conscience. Aussi, messieurs, c’est précisément parce que je n’ai écouté que ma conscience que j’ai mis peut-être un peu trop de chaleur dans la défense de mon système. Voilà, messieurs, ce que j’avais répondre au fait personnel de l’honorable M. Smits.

Je continue maintenant l’examen des chiffres qu’a fait valoir l’honorable M. Lebeau : comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, le tableau est incomplet en ce qui concerne les toiles : je voudrais bien qu’on nous dît ce que les toiles ont gagné aux nouvelles lois françaises ? J’ai entendu l’honorable M. Desmet développer ses convictions à cet égard ; je sais bien qu’il n’a pas convaincu nos adversaires puisqu’il sape leur système par sa base ; mais ce sont cependant des chiffres qu’il nous a présentés ; il est impossible de croire que les industriels soient assez stupides pour regretter un état de choses moins favorable que celui qui existe, et cependant les industriels, par l’organe de M. Desmet et d’autres, soutiennent, avec raison, je pense, que leur position est plus défavorable aujourd’hui qu’elle ne l’était avant la loi de 1836.

Examinons, en effet, l’état de la législation antérieure à 1836 ; car, à cet égard, on a constamment versé dans un cercle vicieux. Je commence, moi, par déclarer que je n’admets jamais de prémisses que quand elles sont exactes, car il est très facile d’arriver à une conséquence quelconque, quand on pose des prémisses comme on l’entend ; eh bien, je conteste les prémisses posées par l’honorable M. Lebeau, et je le prie de bien vouloir me permettre de recourir à l’état de choses antérieur à 1836.

Il y avait, messieurs, la loi de 1822, dont nous aurons l’occasion de parler ultérieurement, et qui frappe de certains droits diverses qualités de toiles ; arrive ensuite la loi de 1826 qui renferme des dispositions hostiles à l’industrie des toiles ; arrive enfin le nouveau projet. Quand vous aurez, messieurs, comparé ces trois législations, le point qu’il s’agira de savoir, c’est si la législation de 1836 est plus favorable que celle de 1826 ou celle de 1822. Voilà une question sur laquelle j’ai entendu des opinions divergentes et à laquelle nos honorables adversaires n’ont pas répondu, quoi qu’ils en disent. Au total, ce qui est toujours certain pour moi, c’est qu’une industrie ne foule pas aux pieds ses propres intérêts, et que quand elle vient nous dire que tel état de choses lui est plus favorable que tel autre, elle doit être bien convaincue qu’il en est ainsi.

Le ministère, messieurs, est d’accord avec nous que, quant aux toiles, le gouvernement français n’a pas pu tenir ce qu’il avait promis ; que les dispositions du projet de loi que le gouvernement français a présenté aux chambres sont tout autres que celles qui ont été adoptées ; que les chambres françaises ont mis de côté les dispositions du projet primitif qui étaient destinées à rendre justice à nos fabricants de toiles.

J’en appelle aux industriels dans cette branche spéciale, et je suis bien persuadé qu’aucun d’eux ne contredira ce que j’avance ici d’après les renseignements qui m’ont été donnés par des personnes bien au fait de la matière dont il s’agit : car vous sentez bien, messieurs, que je dois m’en rapporter à cet égard aux indications qui me sont données, tout en les vérifiant ensuite par les lois auxquelles elles se rapportent. C’est, je crois, de cette manière qu’il faut se conduire en pareille occurrence.

Un objet dont on a beaucoup parlé et qui a fourni encore un grand argument à nos honorables adversaires, ce sont les graines oléagineuses ; sur ce point j’ai entendu aussi les opinions divergentes : les uns disent que l’exportation des graines n’est pas avantageuse à la Belgique, qu’elle tue l’industrie ; d’autres disent que cette exportation nuit à quelques batteurs d’huile, elle favorise l’agriculture : de quel côté est la vérité ? Si j’avais à me prononcer cet égard, je dirais que dans ma manière de voir, s’il fallait mettre en présence les intérêts de l’agriculture et les intérêts de l’industrie, il faudrait peut-être donner la préférence aux derniers.

On ne peut pas attribuer l’accroissement de l’importation de nos graines oléagineuses en France à l’ordonnance du 10 octobre 1835, car l’article 5 des dispositions générales de cette ordonnance porte ce qui suit :

« Les réductions des droits d’entrée portées dans la présente ordonnance ne s’appliqueront que le 1er janvier prochain (donc le 1er janvier 1836) pour les articles ci-après désignés. » (Suit l’énumération de ces articles, parmi lesquels se trouvent les graines oléagineuses.)

Vous voyez dons, messieurs, que l’argument qu’on a voulu tirer, en faveur des ordonnances de 1835, d’un accroissement dans l’importation en France de nos graines oléagineuses en 1835, tombe tout à fait à faux.

Maintenant, messieurs, on a encore fait un tableau, ou plutôt deux tableaux comparatifs de l’importation en France de nos graines oléagineuses ; on en a fait un pour 1834 à 1836 et un pour 1835 à 1836 ; mais il eût fallu aussi en faire un pour 1834 à 1835 : nos honorables contradicteurs ne l’ont pas fait parce qu’alors ils seraient arrivés au même résultat que j’ai signalé quant aux chevaux et quant aux toiles.

Eh bien, je trouve qu’en 1834 on a introduit 213,786 kilog. de graines oléagineuses, et 1,230,000 en 1835 ; il y a donc progression de 1834 à 1835 ; cette progression continue de 1835 à 1836 : mais nos contradicteurs peuvent-ils argumenter de cette progression de 1835 à 1836 pour en conclure qu’elle est due à l’effet des ordonnances du mois d’octobre 1835 qui ne devaient recevoir son exécution qu’en 1836 ? Mais non, messieurs car j’ai établi qu’il y avait eu progression antérieurement à ces ordonnances. Que mes honorables contradicteurs répondent à cela, s’ils le peuvent ; pour moi, je les en défie.

(Moniteur belge n°303, du 30 octobre 1837) M. Verhaegen continue en ces termes. - Si ce sont les ordonnances du mois d’octobre 1835 et les lois qui les ont suivies qui ont amené les faveurs qu’on vient nous prôner, comment se fait-il donc qu’antérieurement à la mise à exécution de ces lois, la progression existait déjà. Voilà, messieurs, des faits qui parlent ; voilà des arguments appuyés sur des chiffres irréfutables.

Comme j’avais pensé que l’argumentation de l’honorable M. Lebeau, appuyée également sur des chiffres, et conduite avec un grand talent oratoire, pouvait faire de l’impression sur vos esprits, j’ai jugé à propos d’examiner à mon tour ces chiffres, et de réduire la question à ses véritables éléments.

Il ne me reste plus que l’article des houilles. A cet égard, on nous donne un tableau comparatif pour 1835-1836. En 1835, l’importation a été de 614,978.000 kilog., et en 1836 de 715,665,000 kilog. L’argument dont je me suis servi pour les articles précédents ne trouve plus ici sa place parce que l’ordonnance française qui concerne cet article a reçu son application avant le 1er janvier 1836. Mais si je ne puis répondre sur cet objet de la même manière que je l’ai fait pour les articles précédents, je serais curieux cependant de savoir quelle a été l’importation en 1834. Car il est à remarquer que le chiffre de cette importation ne se trouve pas indiqué dans le tableau. Pourquoi donc ne nous a-t-on pas donné ce point de comparaison ? Pourquoi ? On peut en présumer le motif : si on nous avait demandé ce point de comparaison, on m’aurait peut-être donné occasion d’établir pour l’article houilles une progression du même genre que celle que j’ai établie tout à l’heure pour les chevaux, les toiles et les graines oléagineuses.

Au reste, je n’en dirai pas davantage sur ce dernier objet. L’importation des houilles en France a été un avantage pour la Belgique ; c’est possible ; quant à moi, je ne veux pas pour le moment examiner la question. J’ai entendu à cet égard des opinions différentes ; les unes se sont prononcées pour l’affirmative, les autres pour la négative. Quoi qu’il en soit, et comme ce point n’est pas l’objet de notre discussion, je ne m’en occuperai pas davantage ; je répéterai seulement qu’il est nécessaire que l’on nous donne le point de comparaison pour 1834, comme on nous l’a fourni pour 1835 et 1836.

J’ai pris les points les plus saillants dans le raisonnement de nos adversaires, pour ce qui concerne les chiffres ; si je ne me suis attaché qu’à ces points, c’était pour ne pas fatiguer l’attention de la chambre, et il était absolument nécessaire de répondre à l’honorable M. Lebeau à cet égard.

Ce que j’ai dit à ce sujet, messieurs, a eu pour but de prouver par des chiffres opposés à des chiffres que l’argumentation de l’honorable M. Lebeau pèche par sa base ; que ce ne sont pas les lois françaises de 1836 qui ont procuré à la Belgique les avantages de cette importation progressive en ce qui concerne les divers articles que j’ai passés en revue ; que ce sont les besoins de la France elle-même, qui ont amené cette progression ; que c’est enfin dans l’intérêt bien entendu de la France que s’est accompli ce qui au premier coup d’œil pourrait être considéré comme un avantage pour la Belgique.

Abandonnons maintenant ces questions de chiffres que nous avons réduites par le raisonnement à leur véritable valeur, et revenons aux faits qui en découlent.

Ici, messieurs, je dois encore répondre à l’honorable M. Smits pour un fait personnel ; car ce n’est guère que pour les faits de ce genre que je réponds à l’honorable membre. M. Smits a dit que nous étions en contradiction : que d’une part il s’agissait dans cette occurrence d’un contrat synallagmatique, et que d’autre part nous voulions le rejet de la loi. Or, disait M. Smits, nos adversaires veulent le rejet de la loi, et cependant ils veulent profiter des concessions que la France a faites à la Belgique ; cela, a-t-il ajouté, est-il loyal ?

Messieurs, quand j’ai parlé des promesses qui auraient pu être faites au gouvernement français par le ministère belge ou par ses commissaires, je me suis empressé de dire que dans un pays constitutionnel, ces promesses n’avaient de force qu’autant que les chambres législatives les sanctionnassent : on ne me contestera pas qu’aussi longtemps que les chambres n’ont pas approuvé les promesses que notre gouvernement aurait pu faire à un autre gouvernement, ces promesses ne lient pas la nation. Voilà quelle est la conséquence du système constitutionnel.

Mais supposons même que les promesses que notre gouvernement a pu faire à celui de France soient valables sans l’approbation des chambres. Mais, messieurs, la France a fait à la Belgique des promesses équivalentes ; or, messieurs, ces promesses n’ont pas reçu leur exécution ; la plus grande partie des concessions que l’on nous avait annoncées a été retirée, je voudrais bien que l’honorable M. Smits me dît quelle balance il prendra pour apprécier lesquelles des promesses faites par nos commissaires nous devons tenir, en échange de celles que la France a réalisées de son côté ; je voudrais bien qu’il me dît quelle partie du pays doit être offerte en holocauste pour les autres ? Quelle sera l’industrie qui sera sacrifiée au détriment de l’autre ? Immolera-t-on l’industrie drapière, en disant aux autres industries : Vous, vous resterez dans le statu quo ? ou bien, mettra-t-on les industries de Verviers, de Tournay et des autres villes industrielles et manufacturières dans une urne, et tirera-t-on au sort pour savoir laquelle de ces industries sera sacrifiée ? Quel autre moyen d’y parvenir ? A-t-il une balance juste dont les résultats puissent nous apprendre à laquelle de nos branches d’industrie il faut donner le coup de mort ?

Questions oiseuses, messieurs ; car si notre gouvernement a fait au gouvernement français des promesses équivalentes à celles qu’il en a reçues, du moment que l’exécution n’en est pas pleine et entière des deux côtés, le contrat synallagmatique est rompu. La France n’a tenu qu’en partie les promesses qu’elle nous avait faites ; devons-nous dès lors lui accorder tout l’équivalent de ce qu’elle nous avait promis dans le principe ? Mais à coup sûr la chose n’est pas possible.

Je dois encore répondre ici à l’honorable M. Smits, et c’est toujours pour un fait personnel. L’honorable membre m’a dit que j’avais été induit en erreur sur l’article rails ; qu’il n’avait pas été question de rails dans les négociations commerciales avec la France en 1833 et 1834. Si j’avais été en erreur, je l’aurais reconnue volontiers, je l’aurais puisée dans le mémoire de MM. les industriels de Verviers, et dès lors n’aurais-je pas été excusable ? Certes, je n’aurais pas mérité derechef le reproche amer que M. Smits m’a adressé. N’a-t-il pas dû avouer hier qu’il s’était trompé sur un fait capital sur lequel il s’était appuyé dans son argumentation ? Mais loin d’avoir été en erreur, j’ai dit l’exacte vérité.

M. Smits a prétendu qu’à l’époque de nos négociations prétendues commerciales avec la France, la loi du chemin de fer n’était pas même décrétée ; qu’il n’y avait pas de laminoir en Belgique pour la confection des rails. Je commencerai par faire observer à mon honorable contradicteur que la loi qui a décrété l’établissement des chemins de fer est du 1er mai 1834 ; je lui dirai ensuite que M. Dupont du Fayt, qui ne reste jamais en arrière quand il s’agit d’industrie, et qui avait déjà construit des chemins de fer dans le Hainaut, se mit immédiatement à la besogne, et qu’il n’épargna ni peines di dépenses pour être en état de pourvoir à tous les besoins.

Et cela est si vrai que, le 22 juillet 1834, le ministre de l’intérieur fit avec M. Dupont du Fayt un marché de 2,835,000 kil. de rails, et M. Dupont du Fayt était à même de subvenir à tous les besoins du pays et de faire des exportations de ses produits. Son exploitation a pris depuis une extension considérable, et, soit dit en passant, il est assez extraordinaire qu’au beau milieu du développement de cet établissement, le gouvernement ait fait des commandes de rails en Angleterre pour au-delà d’un million, alors que M. Dupont de Fayt pouvait fournir assez pour satisfaire à tous les besoins. Quand nous nous occuperons du budget des travaux publics, je me réserve de faire à cet égard les réflexions que la chose comporte.

Comme on m’avait donné une espèce de démenti sur ce point, je tenais à répondre. L’établissement de M. Dupont du Fayt était à cette époque en pleine exploitation, car il avait précédemment fourni des rails aux sociétés du Hainaut pour les chemins de fer qu’elles ont construits, et je le répète, il était à même d’en fournir autant qu’il en était besoin.

Messieurs, on ne peut pas se dissimuler l’importance de cette industrie, on ne peut pas se dissimuler qu’il eût été très agréable à la Belgique d’obtenir l’entrée de ses rails en France, et que cela aurait pu amener de la part de la Belgique des concessions équivalentes. S’il y a erreur dans ce qui a été dit à cet égard, l’erreur ne peut pas être imputée à moi. Je n’ai pas parlé de ce qui s’est passé dans les premières négociations, mais avant l’ordonnance de 1835, entre l’époque à laquelle notre honorable collègue M. Smits avait été envoyé à Paris pour le compte du gouvernement et l’époque à laquelle le ministre du commerce présenta son projet, il y a eu un intervalle ; et, pendant cet intervalle, la Belgique avait pu, sinon par des commissaires spéciaux, au moins par une voie indirecte, faire connaître quels étaient ses désirs, quels pouvaient être ses besoins.

M. Dupont du Fays, dont l’établissement avait pris beaucoup d’extension, ne s’était pas endormi. Eh bien, lors de la présentation de l’ordonnance, le ministre français, qui la présenta, parla des rails. Et, je dois lâcher le mot, comme la France est assez égoïste, il dit ouvertement que puisqu’on se proposait d’établir plusieurs chemins de fer, on permettrait au moins l’introduction de la moitié des rails dont on aurait besoin. C’était dans le projet. Cela regardait toutes les nations avec lesquelles la France pouvait avoir des relations, mais cela regardait particulièrement la Belgique où se trouvait l’établissement de M. Dupont du Fayt. C’était un appât offert aux Belges et qu’on faisait sonner bien haut. C’était dans le rapport du ministre du commerce que cela se trouvait. Mais, après avoir été ainsi avancée, la disposition projetée ne fut pas insérée dans l’ordonnance. On avait demandé également une réduction sur l’introduction dus machines ; elle ne fut pas accordée. Tout ce que je viens de vous dire est attesté par le rapport qui a précédé l’ordonnance de 1835. Maintenant, jugez qui a eu tort, qui a commis l’erreur, un anachronisme, de moi ou de mes adversaires !

J’ai établi qu’au moment où l’ordonnance a été rendue, l’établissement de M. Dupont du Fayt était en pleine exploitation, et que non seulement il pouvait satisfaire à tous les besoins du pays, mais encore travailler pour l’exportation ; j’ai établi que l’introduction des rails en France était un appât qu’on avait offert aux industriels belges, et qu’il en avait été de même des machines.

MM. les ministres, d’un autre côté, sont en aveu que les concessions promises par le gouvernement français n’ont pas pu être réalisées, parce que les chambres françaises les avaient refusées. A ces articles pour lesquels les ministres sont en aveu, j’en avais ajouté deux autres ; à l’égard de l’un concernant les rails, on m’avait donné un démenti. Je crois avoir redressé les faits et prouvé que s’il y a eu erreur, ce n’était pas de ma part.

Mais, messieurs, rétablissons maintenant les choses comme elles doivent l’être ; et après avoir rencontré nos honorables contradicteurs dans les détails, examinons notre position vis-à-vis de la France, mais non depuis 1836 seulement ; remontons plus haut, allons jusqu’à 1822. J’ai pris la peine de prendre à votre bibliothèque les lois françaises de 1822, de 1826 et de 1836 ; je les al combinées et mises en rapport avec les ordonnances qui ont paru dans notre pays et avec les lois qui sont émanées de la législature. Et cet examen, auquel je vous engage à vous livrer, m’a conduit à ce résultat qu’il n’y a eu de la part de la Belgique que concessions faites à la France, et concessions dont elle n’a obtenu que peu et même pas d’équivalent.

En 1822 (ici je ferai parler notre honorable collègue M. Trentesaux, qui est plus à même que nous, qui n’assistions pas aux états-généraux, de rendre compte de l’état de la législation) ; il vous a fait connaître ce qui existait en 1823. La loi française qui fut alors portée fut le premier acte d’hostilité contre le commerce et l’industrie belges. Il n’y eut qu’un cri de réprobation contre cette loi. Malheureusement les intérêts belges n’étaient pas assez étroitement liés avec les intérêts des habitants de la Hollande ; les premiers étaient souvent sacrifiés aux seconds. A force de réclamations cependant, les vœux des Belges furent écoutés ; on craignit une explosion, on n’osa pas refuser la justice qui leur était due.

La loi française frappait notamment l’industrie belge ; le commerce hollandais qui ne voyait que spéculations partout, n’avait pas intérêt à ce que l’arrêté de 1823 fût rendu. L’honorable M. Trentesaux vous a rendu compte des circonstances dans lesquelles il fut porté. Cet arrêté fut soumis aux chambres, et, cet honorable collègue nous l’a dit, dans les états-généraux aucun Belge n’osa lui refuser sa sanction ; on reçut comme un véritable bienfait toutes les dispositions consignées dans cet arrêté. Je dois dire ici que j’ai entendu avec peine un respectable collègue qui ne faisait plus partie des états-généraux à cette époque, venir nous dire que tous ses honorables collègues avaient eu tort d’adopter l’arrêté dont je viens de parler. Si cet honorable membre avait fait partie des états-généraux, son opinion n’aurait donc pas été celle de l’unanimité. Il est heureux que l’honorable M. Pirson n’ait pu détruit cette unanimité.

Quoiqu’il en soit, cet honorable membre n’a pu répondre aux observations de l’honorable M. Trentesaux qui a rendu compte des circonstances dans lesquelles l’arrêté de 1823 a été rendu par le roi Guillaume et sanctionné par la législature, et de quelle manière il a été accueilli. Vous croirez peut-être que cet arrête converti en loi a été considéré comme un acte d’injustice par le gouvernement français, vous croirez peut-être que ce n’est qu’en Belgique qu’on a approuvé cette mesure. Ne vous y trompez pas. Le Moniteur français n°502 rapporte les paroles remarquables que M. de St-Cricq prononça. Il y avait eu exagération ; on avait dit que la France n’exportait en Belgique que pour 36 millions de marchandises, tandis qu’elle en recevait pour 70 millions ; eh bien, à cet égard, M. de St-Cricq a répondu que dans les estimations de ce qui était importé et exporté dans les relations de la France avec la Belgique, de graves erreurs avaient été commises, et que le commerce existant entre les deux pays était réciproque. A quelle époque M. de St-Cricq disait-il cela, messieurs ? En 1824, quand la France était sous le poids de l’arrêté du roi Guillaume, converti en loi. Le commerce entre la France et la Belgique, disait-il, était réciproque. Il considérait donc comme un déni de justice l’arrêté du roi Guillaume. Par cet arrêté, le roi Guillaume a soigné les intérêts belges au détriment de l’intérêt hollandais ; il a prouvé que lorsque les réclamations étaient justes, il les accueillait.

Ceux que cet arrêté concernait l’ont également trouvé juste, car ils ont dit que le commerce était réciproque et ne proposèrent pas d’user de représailles.

Maintenant que se passe-t-il ? La Belgique reste dans cet état, sous le poids de la loi de 1822, tandis que la France est sous le poids de l’arrêté de 1823 converti en loi. En 1826, la France pose de nouveau un acte d’hostilité plus grand que le premier ; la France porte de 25 à 50 francs le droit sur tous les chevaux qui entreront chez elle. D’autres entraves sont apportées à nos relations commerciales avec la France. Veuillez, je vous prie, lire la loi de 822 et la loi du mois de mai 1826, et vous aurez la conviction que les aggravations contre la Belgique sont énormes.

Pour rester dans ce seul article dont a parlé M. Lebeau (les chevaux), les chevaux n’étaient pas imposés ; il y avait la loi de 1793 qui les admettait en franchise, et la loi de 1814 avait appliqué aux chevaux de race anglaise ce qui était appliqué aux chevaux d’autres races par la loi de 1793 : voilà ce que j’ai trouvé en combinant les lois de 1793 et de 1814.

Chaque tête de cheval fut frappée par la loi de 1826 d’un droit de 50 fr. ; on frappa aussi une partie du Luxembourg en mettant sur la même ligne les bêtes maigres et les bêtes grasses ; on doubla certaines autres redevances ; en un mot la loi de 1826 donna à la Belgique une position intolérable. Que fit la Belgique alors ? Rien. Elle était victime ; elle ne se bougea point. Arrive la révolution de 1830. Que fait la Belgique ? des sacrifices pour la France. Que fait la France pour la Belgique ? Rien. A cette époque nous ne pouvions guère nous montrer exigeants, et si j’avais dû alors examiner le point politique, je n’aurais pas parlé comme je le fais à présent. Mais, depuis lors, il y a eu des faits accomplis dont nous devons profiter. En 1830 nous avons fait des sacrifices exigés par la nécessité ; après cela des réclamations se sont élevées, la Belgique a élevé la voix ; elle a envoyé des commissaires en France ; là on les a fort bien reçus, mais ils n’ont rien obtenu ; les communications n’ont produit aucun résultat.

N’allez pas croire, lorsque j’ai parlé de promesses et de quasi-promesses, de contrats et de quasi-contrats, que je voulusse parler du résultat des négociations de 1834 ; car l’honorable M. Smits ne m’a pas compris lorsqu’il a prétendu en réponse que jamais il n’avait parlé à M. Thiers. Je comprends fort bien qu’il n’ait jamais parlé à M. Thiers des articles du tarif des douanes qui nous occupe ; mais ce n’est pas une raison pour que, depuis le retour des négociateurs et notamment de notre honorable collègue M. Smits, il n’y ait eu les promesses dont on a parlé, promesses qui auraient dû être tenues pas les chambres françaises.

Nous restons dans cette position jusqu’en 1836 ; nous étions dans une position bien fâcheuse en 1826 ; la révolution vient ; nous faisons encore les sacrifices ; des négociations ne produisent rien, et lorsque, après les réclamations de la Belgique, M. Odilon-Barrot demanda à M. Thiers pourquoi on ne faisait rien pour la Belgique, M. Thiers répondit que la France ne pouvait rien faire pour la Belgique. (Je ne prétends pas que M. Smits ait eu connaissance de cette réponse, mais je l’ai puisée dans un document qui m’inspire toute confiance). Cela n’est-il pas assez significatif pour que nous ne soyons plus dupes de toutes ces belles paroles ? Du côté de la France, tout se réduit à des mots, tandis que de notre côté on voudrait des faits. Je maintiens donc sur ce point l’exposé du mémoire de Verviers, qui a rappelé les paroles remarquables de M. Odilon-Barrot et de M. Thiers.

Maintenant, et c’est ici un objet important, nous arrivons au mois d’avril 1836 ; c’est alors que fut proposé le projet de loi qui nous occupe. Que MM. les ministres, qui nous reprochent des contradiction, veuillent bien, à leur tour, remarquer les leurs dans l’exposé des motifs de cette loi. Ce document qui émane de MM. les ministres de l’intérieur et des finances, est digne de fixer votre attention ; il porte :

« Un arrêté du 20 août 1823 a frappé de mesures restrictives et de prohibitions quelques articles de provenance de France. Ces mesures n’étaient point dictées par des considérations d’économie politique, elles n’étaient réellement que la manifestation d’une intention de représailles envers un pays qui se montrait alors peu favorable aux convenances commerciales du ci-devant royaume des Pays-Bas. »

Arrêtons-nous ici un moment. Vous voyez que les ministres conviennent que c’était à titre de représailles que le gouvernement avait, par son arrêté du 20 août 1823, frappé de mesures restrictives et de prohibitions quelques articles de provenance de France, cas dans lequel ces mesures sont conformes aux principes de l’économie politique ; voilà déjà une vérité qui sort de la bouche de MM. les ministres. En voici d’autres encore :

« Cet arrêté fut, conformément à l’article 9 de la loi du 26 août 1822, n°39, soumis aux états-généraux et converti en loi le 8 janvier 1824 (n°4). Il est à remarquer cependant que, par une espèce d’anomalie, un article supplémentaire de la loi du 11 avril 1827, n°14, admettait au transit les articles prohibés à l’importation.

« La régénération politique de la Belgique, ayant placé notre pays dans une situation qui exigeait immédiatement la cessation de plusieurs de ces restrictions, la loi des voies et moyens de 1832, promulguée le 29 décembre 1831 (Bulletin officiel, n° 360), leva la prohibition relative à l’importation par terre des vins, vinaigres et eaux-de-vie, et fixa le droit d’entrée pour les vins à fl. 1-60 par hectolitre en cercle, et à fl. 6-50 par hectolitre en bouteilles. Elle admit en outre les bateaux charbonniers français à naviguer en Belgique aux mêmes conditions que les bateaux belges.

« Les autres dispositions de l’arrêté restrictif demeurèrent provisoirement en vigueur, et ont été depuis lors l’objet de réclamations diverses qui semblaient devoir exiger un examen plus approfondi dans leurs rapports avec nos relations internationales.

« Des commissaires furent désignés afin de connaître les convenances réciproques suivant lesquelles il pourrait être apporté des modifications aux tarifs des deux pays.

« Les rapports d’amitié et de bon voisinage, si avantageusement établis entre la France et la Belgique, faisaient désirer depuis longtemps que l’on parvînt à aplanir les difficultés inséparables de la complexité des intérêts de cette nature. »

Vous voyez donc qu’il y a dans cette matière des difficultés très compliquées ; faudrait-il pour cela que la Belgique qui n’a cessé de faire des sacrifices en fît encore en 1837 ?

« Ainsi que nous venons de le faire remarquer, la Belgique est entrée la première dans les voies de conciliation, (voilà ce que disaient en avril 1832 MM. les ministres les finances et de l’intérieur) : heureusement elle vient d’acquérir la preuve que la France est disposée à s’y rencontrer avec elle ; une ordonnance royale du 10 octobre 1835 a apporté au tarif des douanes de France des modifications dont plusieurs sont favorables à nos produits industriels ou territoriaux ; de plus, le projet de loi présenté le 2 avril courant aux chambres françaises, promet particulièrement de nouvelles améliorations notables ; ces résultats justifient de plus en plus l’espoir conçu de voir les deux pays s’accorder successivement des avantages propres à assurer et à accroître mutuellement leur prospérité commerciale. »

Nous sommes maintenant en 1837, et l’expérience nous a appris le cas que nous devons faire de toutes ces espérances que l’on nous offrait comme un équivalent.

On vient encore nous demander la concession, comme si les concessions promises par la France avaient reçu leur entière exécution : en 1835, pour faire passer la loi, on nous disait que la France abaisserait ses tarifs ; on le disait qu’on croyait que les chambres françaises sanctionneraient les ordonnances qui avaient été rendues, et on le croyait juste.

Mais comment se fait-il que vous puissiez vouloir en 1837 ce dont vous ne vouliez pas en 1836 ? Ce que vous considériez en 1836 comme contraire à l’honneur national, comme imprudent, pouvez-vous le considérer comme honorable, comme prudent en 1837 ?

La question qui vous est soumise est grave ; la responsabilité qu’elle impose est immense ; qui est-ce qui voudrait prendre sur lui de frapper de mort l’industrie de Verviers ?

Qui de nous aurait osé dire, il y a assez peu de temps, qu’en 1839 la prohibition sur les draps français serait levée ? Les malheurs qui pourraient résulter de la loi sont incalculables. Je n’oserais émettre ma pensée concernant les effets sinistres qu’elle entraînerait.

Aussi ceux qui demandent la loi le sentent bien, ils vous disent : Si la crise qui a frappé la France, l’Angleterre et l’Amérique, si les circonstances sont de nature à ne pas lever la prohibition, qu’on l’ajourne à six mois, à un an. On hésite ; on a donc peur de son œuvre.

Il me reste à vous faire une prière sur un point que je n’entreprendrai pas d’examiner ; car cela me conduirait beaucoup plus loin que je ne désire ; j’ai peut-être déjà abusé de vos moments. Je vous prierai d’examiner les lois françaises de 1822, 1826 et 1836, et de les combiner entre elles.

La loi de 1822 fut un acte d’hostilité de la part de la France. En 1823, Guillaume y répondit ; et M. de Saint-Cricq disait en 1824 que le commerce était réciproque. Mais arrive la loi de 1826 ; celle-là était un acte d’hostilité ayant bien d’autres résultats que la loi de 1822 ; eh bien, croyez-vous que la loi de juillet 1836 ait effacé tous les mauvais effets de celle de 1826 ? Certes non. On parle de droit commun ; on dit : Remettez la France dans le droit commun. Mais, pour Dieu, remettez-moi d’abord, moi-même, dans le droit commun. Je suis dans une position plus mauvaise qu’en 1823 ; voilà où en sont véritablement les choses.

Sous le rapport de l’économie politique, il n’y a pas l’ombre d’un doute que tous les principes que nous avons indiqués sont restés debout.

D’accord avec nos honorables contradicteurs, nous n’admettons pas les prohibitions ; on doit en être sobre, et n’en user que par représailles ; mais on leur a fait observer que les prohibitions existantes ont été établies à titre de représailles, ainsi il faut les maintenir. J’ai toujours entendu dire que les effets ne devaient pas cesser avant les causes ; on nous demande de lever les prohibitions avant que les prohibitions sur nos articles similaires ne soient levées, cela est impossible.

On dit : Pourquoi voulez-vous des prohibitions ? elles vous sont inutiles ; au moyen d’une prime les draps français seront importés en fraude ; accordez donc les concessions que l’on vous demande. Puisqu’il est si facile à la France de faire entrer ses draps au moyen d’une prime, je demanderai pourquoi on insiste tant pour obtenir la levée de la prohibition ? On a nécessairement un but ; quant à nous, nous insistons pour que la prohibition ne soit pas levée, parce que nous sentons le danger de cette mesure.

Les draps français portent avec eux la preuve de leur origine ; il y a, en lettres d’or, écrit sur chaque pièce : drap de Sedan, drap de Louviers. Si on coupait les lettres, ou n’aurait rien à craindre à Verviers, car nos draps sont aussi bien fabriqués que ceux de France. Quelquefois même, dit-on, nos fabricants mettent des lettres d’or à leurs pièces pour satisfaire l’engouement de ceux qui recherchent les étoffes françaises. Ce n’est réellement là qu’un caprice.

Tout ce que l’on nous dit ne sont que des subterfuges, ne sont que des prétextes qui nous cachent un grand intérêt qui s’agite. On veut introduire les draps français, et on ne veut pas que les nôtres entrent en France ; et nous, nous répondons par mon amendement et par celui de M. Demonceau. Peut-on être plus raisonnable que nous le sommes ?

Je n’avais en vue que la France : mon discours le prouve. Il se trouve dans le Moniteur du 27 octobre, on y lit en toutes lettres que mon amendement a pour but de dire à la France : La prohibition sera levée contre vos draps quand vous aurez levé la prohibition contre les nôtres ; et c’était un ménagement que je prenais, en rédigeant cet amendement, de ne pas y énoncer que la France était dans le cas exceptionnel.

J’ai encore un mot à dire sur la politique. Je dois vous paraître long ; mais je remplis un devoir de conscience, et vous excuserez la fatigue que je puis vous causer en faveur de mes intentions. (Continuez ! continuez !)

On nous a dit qu’en politique comme en économie, il fallait savoir faire quelques sacrifices. Messieurs, nous n’avons reculé devant aucun sacrifice quand ils étaient commandés par la nécessité ; mais il est un temps où les sacrifices cessent, et où tout le monde doit rentrer dans le droit commun. La Belgique, aujourd’hui, n’a rien à craindre de la France, et je défie la France de nous mettre dans une autre position que celle où nous nous trouvons ; et les craintes que l’on a manifestées dans cette enceinte de voir la France traiter la Belgique comme elle a traité naguère la Suisse sont dénuées de fondement.

Ce que la France a fait à l’égard de la Suisse a été apprécié par la France elle-même et par tous les peuples civilisés ; ce que la France a fait à l’égard de la Suisse constitue un acte d’oppression ; je dirai comme mon honorable collègue M. Gendebien un acte de basse police (c’est l’expression convenable), et si la France en venait à menacer la Belgique de faire à son égard ce qu’elle a fait à l’égard de la Suisse, le cœur belge, j’en suis certain, messieurs, lui en dirait plus que le cœur suisse ; j’augure assez bien de mon pays pour croire que si on la plaçait un jour dans la position où on a placé la Suisse, la Belgique aurait assez de force de caractère pour dire qu’elle méprise de semblables mesures, et, pour en soutenir tous les résultats, je serais le premier, messieurs, à engager mes concitoyens à agir de cette manière.

Mais une autre circonstance, messieurs, mérite de fixer votre attention : on veut aujourd’hui que nous fassions des sacrifices, on veut que nous accordions ce que la France nous demande : l’amour-propre de la France, dit-on, le réclame, il ne s’agit pas de ses intérêts matériels, mais de sa fierté nationale, et il ne faut pas mépriser cette fierté, car vous ne savez pas ce qui peut arriver. Eh, messieurs, veut-on donc rouvrir toutes les plaies qui viennent à peine de se cicatriser ? Aujourd’hui, en 1837, que toutes les opinions viennent se rallier autour de notre indépendance nationale, que tout le monde fait le sacrifice de son opinion personnelle pour n’avoir qu’une opinion commune, on vient nous présenter les choses comme si les industriels étaient placés dans une position plus défavorable qu’avant 1830 ! Le roi Guillaume, messieurs, sut faire respecter l’indépendance des Pays-Bas ; il prit des mesures de représailles contre la France, et la grande France dut les subir. Et ce sera en 1837, messieurs, qu’on viendra nous dire que devons faire des sacrifices, ce sera en 1837 qu’on fera croire que la révolution de 1830 a rendu notre position plus défavorable qu’elle n’était auparavant ! Est- ce là le moyen, messieurs, de rallier toutes les opinions au sort commun ? En vérité, messieurs, je crois qu’il faut attribuer les paroles qui sont sorties de la bouche de l’honorable M. Lebeau à cette préoccupation sous l’empire de laquelle on le trouve toujours quand on défend une opinion avec chaleur. Non, je ne pense pas que notre honorable collègue soit d’avis que nos industriels doivent faire aujourd’hui ce qu’ils ne devaient pas faire avant 1830. La Belgique était glorieuse de son industrie en 1830, elle le sera encore en 1837 ; cette industrie prospérera tous les jours : mais prenez-y garde, n’y portez pas une main sacrilège, ne faites pas regretter le passé, ne mécontentez les villes les plus industrielles de la Belgique ; ne renouveler pas les dissensions qui ont existé jusqu’ici ; n’allez pas replonger la Belgique dans l’état de division où elle se trouvait immédiatement après la révolution : c’est là ce que tout vrai Belge doit tâcher d’éviter, et c’est le désir d’éviter des malheurs inséparables des divisions intestines qui ont dicté les considérations que j’ai eu l’honneur de vous soumettre. Je n’ai pas cherché à faire de l’effet ; comme M. Lebeau j’ai évité les mouvements oratoires. Etranger à toutes les localités, je n’ai eu qu’un but : l’intérêt général. Je vous ai fait remarquer les conséquences terribles qui résulteraient de l’adoption de la loi : cinquante mille ouvriers privés de travail, tous les fabricants ruinés, l’industrie nationale anéantie. Ces conséquences n’échapperont pas à vos méditations.

M. Pirson. - Il vous est fort indifférent sans doute, messieurs, de savoir ce que j’aurais fait en 1823, si j’avais encore été membre des états-généraux avec l’honorable M. Trentesaux : mais ce qui m’importe beaucoup, c’est que vous sachiez si à cette époque j’avais encore le cœur belge, car je tiens à l’estime de mes honorables collègues et de mes concitoyens.

Ce qu’a dit M. Verhaegen pourrait faire croire que si, en 1823, j’avais fait partie des états généraux, j’aurais voté contre un bienfait dont, selon lui, le roi Guillaume aurait gratifié la Belgique. En parlant de cette mesure, j’ai dit, messieurs, que le roi Guillaume avait profité de l’occasion, comme il le faisait toujours, pour éloigner tous les arrivages de nos provinces et les reporter vers la Hollande, et je citerai un exemple à cet égard : quel tort le roi Guillaume faisait-il à la France en défendant l’entrée des vins par la frontière de terre ? Aucun, messieurs ; cette mesure n’avait d’autre but que de reporter le commerce des vins vers les frontières maritimes, vers la Hollande.

Lorsque le roi Guillaume défendait la sortie de nos grains vers la France, lorsqu’on tuait un habitant du pays qui se dirigeait vers la France en portant sur ses épaules une charge de pommes de terre, tandis qu’elles s’exportaient librement par mer et que les vaisseaux transportaient les grains en Angleterre et dans tous les pays qui en avaient besoin, quel autre but avait le roi Guillaume que de tourner le commerce vers la Hollande ? Si, à cette époque, j’avais été membre des états-généraux, j’aurais fait sentir que ce n’étaient pas de semblables mesures qu’il fallait à la Belgique, mais des mesures générales ; et comme il n’était pas permis aux états-généraux d’amender les projets de loi, je me serais, peut-être, abstenu de voter sur celle dont il s’agit. Il n’appartenait donc pas à M. Verhaegen de dire que si en 1823 j’avais été membre des états-généraux, j’aurais repoussé un bienfait que le roi Guillaume offrait à la Belgique.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je croyais, messieurs, traiter exclusivement la question de la levée de la prohibition des draps venant de France, mais les considérations dans lesquelles l’honorable préopinant est entré m’obligent également de m’écarter tant soit peu de l’objet en discussion.

L’honorable membre a dit que la disposition de l’ordonnance du 10 octobre 1835, sur les rails, n’avait pas été confirmée par les chambres françaises ; il a attaché la plus haute importance à ce fait ; il s’est étendu à cet égard en de très longues considérations. Eh bien, messieurs, ma réponse sera très courte ; je reproduirai la disposition de l’ordonnance et la disposition de la loi, et vous verrez qu’il n’y a pas un seul mot de différence.

L’ordonnance portait :

« Les barres à rainures dites rails acquitteront les droits des fers en barres selon les dimensions. »

La loi dit : « Barre à rainures dites rails, même droit que les autres fers tirés, selon leur dimension. »

J’ai parcouru la discussion qui a eu lieu sur cet article : il est vrai qu’un amendement beaucoup plus favorable à la Belgique a été présenté par M. Bignon et que cet amendement a été repoussé, de même qu’un amendement restrictif proposé par la commission de la chambre des députés ; mais c’est en dernier résultat la disposition du gouvernement qui a été adoptée.

On a encore parle des machines : je regrette de n’avoir pu retrouver le numéro du il dans lequel se trouve un discours que j’ai prononcé dans la première discussion, et où je faisais valoir les modifications qui ont été introduites dans le tarif français, en faveur des machines ; je le chercherai pour la prochaine séance ; là se trouvent toutes les explications désirables.

Le préopinant trouve que les concessions que la France nous a faites, sont complétement nulles. « L’importation, dit-il, a été progressive de 1834 à 1835, on ne peut donc tirer aucune conséquence de ce qu’elle a été de 1835 à 1836 ; » et il applique particulièrement ce raisonnement à l’article chevaux. Cependant, messieurs, il a été forcé de convenir lui-même que la progression a été bien plus considérable en 1836 qu’en 1835. « Mais, dit-il, en 1836 ils ont acquitté les droits. » Je réponds qu’il y a grandement lieu de douter qu’en 1835 il ait été introduit une forte quantité de chevaux en France par la fraude, lorsqu’on voit le relevé de ceux qui ont été introduit légalement ; car si le tarif avait été trop exorbitant, l’introduction légale n’aurait pas été si considérable. Il y a donc grandement lieu de douter des assertions de l’honorable préopinant en ce qui concerne la fraude des chevaux. S’il fallait cependant admettre que ces assertions fussent exactes, alors, messieurs, il en résulterait une conséquence tout à fait favorable à notre système ; car si des droits exorbitants n’ont pas pu empêcher l’introduction de nos chevaux en France, alors il est tout à fait inutile que nous maintenions de semblables droits et même la prohibition. Et ici, je suis d’autant plus conséquent dans mon argumentation, que nos tarifs d’importation ne mentionnent qu’un petit nombre d’objets soumis à des droits très élevés et susceptibles de fraude.

Si le raisonnement de M. Verhaegen pouvait être admis, il en résulterait encore cette autre conséquence que la Belgique a eu bien tort de réclamer de la France des réductions dans son tarif, puisqu’une réduction de la moitié comme celle qui a été opérée sur le droit à l’entrée des chevaux, n’aurait, selon lui, produit aucun résultat.

Une telle logique nous dispenserait à l’avenir de faire aucune espèce de démarches, et nous aurions grandement tort de nous plaindre de l’état de nos rapports commerciaux avec la France, soit actuellement, soit à des époques antérieures.

Pour nous, messieurs, nous n’apprécions pas ainsi les lois de douane. Nous croyons que quand il s’agit d’objets qui ne sont pas susceptibles de fraude, les réductions de tarif ont une grande portée et qu’elles ont une immense utilité pour les pays qui les obtiennent.

En parlant de l’importation des toiles, M. Verhaegen se plaint ce que, dans la séance d’hier, M. Lebeau ait présenté des chiffres d’une manière opposée à la tarification de 1835. Mais, messieurs, l’honorable M. Lebeau ne pouvait pas les poser autrement ; il était obligé de suivre la tarification de 1836, pour faire voir quels avaient été les effets de cette tarification.

L’honorable M. Verhaegen a signalé l’absence du tableau des exportations pour 1834. Je dirai que si, dans la séance d’hier, on avait réclamé ce tableau, nous nous serions empressés de le communiquer ; mais personne n’en a fait la demande.

Le commerce se plaint, dit le préopinant, des dispositions qui ont été prises par la France à l’égard des toiles ; il préférerait l’ancien tarif. Je ne suis nullement de cet avis, Je dirai que les chambres de commerce de Bruges, de Courtray et de Gand ne font aucune opposition à la levée de la prohibition sur les draps ; et pourquoi ? Parce qu’elles ont très bien compris que si l’on voulait maintenir la prohibition sur les draps, l’on s’exposerait à voir retirer les avantages que nous avons obtenus.

La chambre de commerce de Bruges a été plus loin dans un avis qu’elle a adressé récemment au gouvernement : elle exprime le vœu le plus vif, le plus formel de voir la législature adhérer aux propositions du gouvernement.

Messieurs, si nos négociants en toiles s’étaient plaints des nouvelles dispositions du tarif français, rien n’eût été plus facile que d’avoir égard à leurs plaintes. Le gouvernement belge n’eût eu qu’à déclarer au gouvernement français qu’il se désistait des demandes qu’il avait formées. A l’heure qu’il est, rien n’empêcherait encore nos négociants de demander qu’on fasse des démarches pour rentrer dans l’ancien tarif, mais je crois que nous attendrons longtemps avant d’être saisis de réclamations de cette nature. (Sourires d’approbation sur plusieurs bancs.)

Les modifications faites à l’égard de l’introduction des graines oléagineuses sont sans importance, dit le préopinant. Nous sommes d’un avis contraire. Nous pensons qu’une exportation de 7 millions de produits de notre agriculture est d’une très grande importance. Mais, dit l’honorable membre, ces graines auraient pu être converties en huile dans le pays ; il aurait pu ajouter que si ces huiles avaient été admises en France, il eût été certainement préférable de nous réserver cette main-d’œuvre. Mais voilà justement ce que l’orateur n’est pas à même de prouver. Dans l’impossibilité d’exporter les huiles, mieux valait sans doute exporter les graines et tirer ainsi parti de nos terres.

Abordant plus spécialement l’article des draps, je m’attacherai à démontrer que le maintien de la prohibition est inutile, que la levée en est réclamée à juste titre dans l’intérêt du pays, et qu’enfin les intérêts des fabricants de draps seront mis à couvert.

En ce qui concerne l’inutilité de la prohibition, je pourrai m’en rapporter en toute confiance à l’avis que la chambre de commerce de Verviers a émis en 1833, avis on ne peut pas plus formel, puisqu’elle déclare positivement que « la prohibition des draps n’a eu aucun résultat ; qu’on a introduit en fraude à des primes très faibles. »

Et qu’on ne dise pas, messieurs, que c’était là un avis de circonstance, à l’occasion de l’industrie cotonnière. Je dirai que c’est précisément cette circonstance qui donne plus de poids à l’avis de la chambre de commerce de Verviers. Elle n’avait pas été consultée par la chambre sur la question de savoir si la prohibition des draps était de quelque utilité ; on lui demandait simplement si elle était d’avis que la prohibition réclamée par les fabricants de coton fût utile.

Eh bien, non seulement elle s’oppose à ce qu’on introduise cette prohibition en faveur des cotons, mais à l’appui de son opinion elle donne le motif tiré de l’inutilité de la prohibition des draps, dont elle a eu occasion de faire une longue expérience.

L’on a dit, pour atténuer l’effet de cet avis, qu’en 1835, il s’agissait d’introduire une prohibition nouvelle à l’égard des cotons ; mais cette circonstance est bien indifférente. Les fabricants de colon se plaignaient amèrement ; ils disaient notamment : Nous recevons les cotons français à des droits modérés, alors que nos cotons sont prohibés en France ; il y a là iniquité révoltante.

Malgré cela, la chambre convaincue de l’inutilité de la prohibition n’a pas admis cette mesure.

Je vais plus loin, et je dirai que ces honorables membres, qui avaient proposé d’introduire la prohibition des cotons, que les fabricants qui l’avaient réclamée, ont eux-mêmes condamné la prohibition sur les draps.

Je le prouve de la manière la plus évidente.

En effet, les honorables auteurs de la motion ne voulaient pas de la prohibition à l’égard des cotons, si elle n’était accompagnée de la recherche à l’intérieur et de toutes les mesures vexatoires qui doivent en assurer l’efficacité. Eh bien, par les mêmes motifs qui les ont engagés à ne pas vouloir de la prohibition sur les cotons, sans la recherche à l’intérieur, par les mêmes motifs, dis-je, ils doivent avoir reconnu l’inutilité de la prohibition sur les draps, puisque cette prohibition n’est accompagnée d’aucune des garanties ordinaires.

A cette occasion, je dois relever une expression qui est échappée à M. Desmaisières. Il a dit qu’il avait lieu de croire, d’après les devis de plusieurs honorables collègues, que j’avais considérablement modifié certains passages de mon discours. Or, j’ai fait faire la recherche de la minute de mon discours dans le bureau du il ; on l’a heureusement retrouvée ; (erratum inséré au Moniteur belge n°304, du 31 octobre 1837) et j’ai pu vérifier ces passages, qui ont été conservés tels que MM. les sténographes les ont pris ; il n’y a pas été changé une virgule. On devrait donc être plus réservé à avancer de semblables assertions.

La prohibition des draps français est un véritable privilège pour notre industrie drapière, puisque la prohibition n’existe pas à l’égard d’autres produits manufacturés en Belgique, quoique ces mêmes produits soient prohibés en France. A quel titre veut-on donc maintenir ce privilège en faveur de l’industrie drapière ? Si le maintien de ce privilège était nécessaire, s’il était utile, il faudrait en faire une mesure générale, il faudrait l’étendre à tous les produits manufacturés en Belgique dont l’importation est prohibée en France. Alors seulement l’on serait conséquent avec les principes, alors on serait juste à l’égard de toutes les industries, si tant est que la prohibition soit de quelqu’utilité. Mais c’est parce qu’on est convaincu que la prohibition n’est nullement utile, qu’on ne propose pas d’étendre cette mesure à d’autres industries.

Je dis en second lieu que la levée de la prohibition est réclamée à juste titre dans l’intérêt du pays. En effet, maintenir une prohibition exceptionnelle contre la France, c’est blesser son amour-propre, c’est méconnaître les dispositions favorables qu’elle nous montrées, dispositions qu’elle a su traduire en faits dont la réalité est incontestable ; c’est repousser des avances commerciales dont les résultats sont si importants pour la Belgique ; c’est vouloir rétrograder au régime hostile qui a été proclamé de part et d’autre avant 1830. Or, je ne pense pas que l’intérêt de la Belgique ni celui de la France réclame le retour des dispositions qui ont duré pendant l’existence du royaume des Pays-Bas et sous la restauration.

Cependant, je le dis à regret, le discours de l’honorable préopinant tend à ce retour. Oui, messieurs, lisez-le attentivement, et vous serez convaincus que les principes émis par l’honorable membre tendent directement au rétablissement de l’état d’hostilité qui existait entre les deux pays avant 1830.

L’on a encore parlé des dispositions qui avaient été prises par le gouvernement des Pays-Bas en 1823, on en a fait le plus grand éloge ; mais j’avais demandé, dans une séance précédente quels avaient été les effets de cette loi, quels en avaient été les effets politiques. J’avais dit que dans mon opinion les effets matériels avaient été nuls ; je pouvais le dire avec d’autant plus de fondement, que la principale disposition de cette loi était relative à l’industrie drapière. Je pouvais me fonder sur l’opinion de la chambre de commerce de Verviers, sur l’opinion des députés de cette localité, et enfin, sur l’opinion émise par la chambre, quant à l’inutilité de la prohibition en général, alors qu’elle n’est pas accompagnée des mesures de surveillance qui peuvent seules la sanctionner.

Considérera-t-on, par exemple, comme une mesure utile pour la Belgique l’obligation pour les habitants du Hainaut et de la province de Namur de faire venir leurs vins par les ports maritimes ? Certes, messieurs, personne ne peut soutenir raisonnablement qu’une telle mesure soit utile à la Belgique ; elle peut être utile à quelques navigateurs, ainsi qu’aux ports d’Anvers et d’Ostende ; mais que la Belgique en général puisse en profiter, voilà ce que je nie.

Mais, dit-on, l’utilité de ces mesures existaient dans les représailles ; ce sont ces mesures qui ont forcé le gouvernement français à nous faire les concessions que nous avons signalées.

C’est là, messieurs, une erreur capitale. L’honorable M. Verhaegen s’est chargé de répondre au député de Gand, à M. Desmaisières. La loi belge, loin d’atteindre son but, a été suivie en 1826 d’une loi française plus odieuse encore, ce n’est donc pas nous qui devons préconiser ses avantages ! Si telles sont les conséquences que pourrait amener le retour vers un système de représailles, nous laissons au député de Bruxelles la responsabilité de les provoquer.

Les honorables membres qui ont soutenu le maintien de la prohibition des draps ont dit : Mais nous pouvons dédommager complétement la France, en abaissant les droits d’accises sur les vins, en les supprimant même au besoin. Messieurs, cette compensation ne serait pas admise par la France, alors qu’il serait dans notre intention de l’offrir ; le principe d’inégalité dont se plaint la France, n’en subsisterait pas moins dans notre tarification ; et ses réclamations ne continueraient pas moins, alors que nous abolirions en entier les droits sur les vins. Mais, sous le rapport matériel, la concession qu’on nous propose de consentir serait au détriment de la Belgique. En effet, qu’en serait le résultat ? De généraliser davantage l’usage des vins étrangers au détriment des vins du pays et des bières fortes qui sont la boisson d’une certaine classe de la société. Cela aurait donc pour résultat de créer de nouveaux besoins de luxe, d’augmenter l’exportation de notre numéraire, et de supprimer un impôt important au moment où déjà le gouvernement est obligé de proposer des centimes additionnels aux contributions existantes.

Pourquoi faire à la France une concession aussi large, aussi exorbitante, dans l’intérêt de l’industrie drapière ? Pour maintenir une prohibition qui ne produit pas d’effet ! Ce serait donc pour le pur plaisir de maintenir une prohibition nominale qu’on ferait des sacrifices réels.

Mais l’honneur national s’oppose, dit-on, à la levée de la prohibition à l’égard des draps français, aussi longtemps que la France prohibera les draps étrangers. Messieurs, l’opinion émise par l’honorable orateur sur la position politique de la Belgique respecte moins l’honneur national que le gouvernement ne l’a respecté dans les propositions qu’il vous a faites. Oui, l’honneur national serait blessé si le tarif français frappait d’une prohibition spéciale les draps belges, et que la Belgique eût la faiblesse de lever la prohibition spéciale dont elle frapperait les draps français. Mais là n’est pas la question. En France, la prohibition des draps étrangers existe sans distinction de provenance. Si cette mesure avait été de nature à blesser l’honneur des peuples qu’elle frappait, pensez- vous que la Grande-Bretagne n’eût pas pris des mesures de représailles ? Pensez-vous que la Prusse se fût endormie et n’eût pas à l’instant établi la prohibition sur les draps de provenance française ? Vous voyez qu’il ne peut être ici question sérieusement d’honneur national.

S’agit-il de principes d’économe politique ? On a démontré à suffisance que le principe de réciprocité commerciale, article par article, de pays à pays, était une absurdité. Ainsi, sous le rapport de l’économie politique, il n’y a pas de motif pour maintenir la disposition exceptionnelle que contient notre tarif à l’égard de la France.

Mais je me rappelle que la question d’honneur national a été aussi agitée en France, et qu’on a mis en doute si le gouvernement français pouvait faire des concessions à la Belgique, alors que bien que la Belgique eût fait quelques concessions depuis 1830, elle maintenait dans les articles de son tarif des mesures exceptionnelles vis-à-vis de la France.

Cependant nous avons obtenu de la France qu’elle prît l’initiative de concessions plus considérables, nous avons fait appel à ses sentiments de bienveillance vis-à-vis de la Belgique, sentiments qui ne nous ont jamais fait défaut. Nous avons été assez heureux pour obtenu que la présentation du projet de loi en France précédât la présentation du projet de loi à notre tribune. C’est dans de semblables circonstances qu’on voudrait prétendre dans cette enceinte que le gouvernement aurait négligé l’honneur national et les intérêts du pays !

J’en reviens à ma dernière proposition : les intérêts de l’industrie drapière seront mis à couvert. En effet, messieurs, d’abord un délai a été proposé pour lever la prohibition, à l’effet de laisser s’amortir quelques préjugés qui existent contre cette modification.

En deuxième lieu, nous avons proposé de tenir compte de la prime d’exportation, à l’égard des pays qui en accordent. Et ici, il ne faut pas se le dissimuler, lorsque la loi en tiendra compte, elle dépassera en réalité le montant de la prime, car celle-ci n’équivaut pas au droit payé sur les laines étrangères. Je puis à cet égard m’appuyer d’un document officiel publié en France. En 1835 le montant des primes payées s’est élevé à 3,085,000 fr., et pendant la même année les droits perçus sur les laines importées se sont élevés à 7,656,000 fr.

Lors de la première discussion, l’honorable M. Lardinois vous a annoncé qu’il désirait revenir sur l’article des droits relatifs aux draps étrangers ; nous avons pensé que si une disposition utile à l’industrie drapière pouvait être présentée à la chambre, le gouvernement pourrait lui donner son assentiment. Ainsi tous les ménagements ont été pris à l’égard de cette industrie. Jamais il n’est entré dans la pensée du gouvernement d’immoler cette industrie, de priver les ouvriers qu’elle emploie de leurs moyens d’existence,

Je l’ai proclamé dès la première discussion et je le répète aujourd’hui, si le gouvernement avait la conviction que la levée de la prohibition des draps français dût entraîner la ruine de l’industrie drapière et des ouvriers, cette considération parlerait plus haut que toute autre, et nous n’aurions pas le courage de provoquer un pareil résultat. Loin de nous une pareille opinion ; nous pensons, au contraire, qu’avec l’amendement de M. Dechamps, l’industrie drapière serait plus efficacement protégée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Cette opinion non seulement est la nôtre, mais elle est partagée par de véritables industriels, qui sont spécialement intéressés dans cette question.

Quant à l’amendement de M. Demonceau, nous ne pouvons en aucune manière l’accueillir. Il n’est que la reproduction d’une proposition qui a été écartée au premier vote. Cet amendement n’offrirait aucune espèce de satisfaction à la France, ne la ferait pas rentrer dans le droit commun et ne lui procurerait aucune espèce d’avantage.

C’est en vain qu’on a signalé la crainte de la mode française, l’introduction des draps fins de provenance française ; il est notoire qu’à l’égard des objets de mode et de fine fabrication, la fraude a toujours existé, ou que ces objets ont été apportés par la frontière d’Allemagne ou par mer. On n’exige pas de certificat d’origine par ces voies.

Ainsi, on peut librement importer des draps français par la frontière d’Allemagne et par celle de mer ; on n’a pour cela qu’un détour à faire. Or, quant à ces objets de qualités flues, recherchés par les personnes riches, leur consommation ne peut être importante. Ce seront ces objets seuls qui seront introduits directement par suite de la levée de la prohibition ; il résultera de cette mesure que les déclarations seront faites à la douane, et que les droite légalement dus seront perçus.

C’est également à tort qu’on a signalé les éventualités d’une crise commerciale en France et le déversement probable des marchandises françaises sur le marché belge. Les dispositions protectrices qui sont proposées rendent ce déversement impossible.

En effet, quel négociant français voudrait payer des droits considérables pour vendre en Belgique à aussi vil prix qu’en France ? Mais s’il était possible dans les temps de crise d’inonder si facilement notre marché, on le ferait également sous l’empire de la législation actuelle, en introduisant les draps français par la frontière d’Allemagne ou par celle de mer. Il est évident que l’on ne regarderait pas à la légère dépense du transit par l’Allemagne ou à la dépense du transit jusqu’à la mer ; or, puisqu’il n’y a pas de déversement aujourd’hui, il n’y a pas à le redouter davantage lorsque la prohibition sera levée.

Je crois donc avoir justifié mes diverses propositions, et avoir démontré que le maintien de la prohibition des draps français ne serait pas utile à l’industrie drapière qui trouvera une compensation suffisante dans les dispositions protectrices soumises à la chambre, et que l’intérêt du pays aussi bien que les vrais principe de l’économie politique réclament la levée de la prohibition.

M. Dubus (aîné) signale plusieurs erreurs de chiffres dans le tableaux déposés par M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères dans la séance d’hier, et insérés dans le Moniteur d’aujourd’hui, et demande que ces tableaux soient vérifiés.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) annonce que cette vérification sera faite par la confrontation avec les documents officiels français, d’où est extrait le contenu de ces tableaux.

- La séance est levée à quatre heures et demie.