Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 12 mai 1837

(Moniteur belge n°133, du 13 mai 1837 et Moniteur belge n°134, du 14 mai 1837)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Kervyn fait l’appel nominal à une heure, et donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente ensuite l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le conseil communal de la ville de Saint-Nicolas demande la réforme de la loi électorale. »


« Le sieur Jean-Philippe Lohest, ancien militaire pensionné, demande un emploi. »


- Ces deux requêtes sont renvoyées à la commission des pétitions.


« Le sieur L. Verlinden-Claeys adresse des observations sur le projet de loi relatif au tarif des douanes, en ce qui concerne la bonneterie. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la loi portant des modifications au tarif des douanes.


« Le sieur Michel-Nicolas Beunet, né en France et exerçant en Belgique la profession d’instituteur depuis 1818, demande la nationalisation ordinaire. »

- Renvoyé à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Dally demande de nouveau la naturalisation ordinaire. »

- Renvoyé à la commission des naturalisations.


« M. Bergeron annonce à la chambre qu’il n’entend pas donner suite à sa demande en grande naturalisation. »

- Pris pour notification.

Proposition de loi relative à l'organisation des élections dans l'arrondissement de Nivelles

Lecture, développements et prise en considération

M. Gendebien monte à la tribune et donne, d’après l’autorisation des sections, lecture de la proposition suivante :

« Léopold, etc.

« Art. premier. Par dérogation à l’art. 19 de la loi du 3 mars 1831, les électeurs des cantons de Wavre, Jodoigne et Perwelz, se réuniront à Wavre, chef-lieu du canton de ce nom, pour l’élection des membres des deux chambres législatives. Ils formeront une ou plusieurs sections s’il y a lieu.

« Art. 2. Le juge de paix du canton de Wavre, ou l’un des suppléants, par ordre d’ancienneté, présidera le collège électoral, ou l’une des sections s’il y en a plusieurs ; dans ce dernier cas, la section présidée par le juge de paix ou son suppléant désignera les membres des bureaux qui nommeront leur secrétaire.

« Art. 3. Le dépouillement du scrutin se fera dans chaque section ; le résultat sera arrêté et signé par le bureau. Il sera immédiatement transmis par les membres du bureau de chaque section, au bureau présidé par le juge de paix ou son suppléant ; il fera, en présence de l’assemblée, le recensement général des votes.

« Art. 4. Le bureau principal du collège électoral du district de Nivelles est et restera à Nivelles.

« Art. 5. Le lendemain de l’élection, le juge de paix ou son suppléant portera au bureau principal, à Nivelles, le procès-verbal et toutes les de l’opération électorale ; il assistera au recensement général qui devra commencer dans les 24 heures de l’arrivée de ce magistrat.

« Art 6. Toutes les dispositions de la loi du 3 mars 1831, auxquelles il n’est pas expressément dérogé par la présente, continueront à recevoir leur exécution.

« Mandons, etc. »

M. le président. - Quand M. Gendebien désire-t-il développer sa proposition ?

M. Gendebien. - Si la chambre veut bien me le permettre, je lui soumettrai dès à présent mes développements, qui sont d’ailleurs très courts. (Parlez ! parlez !)

Messieurs, de nombreuses pétitions, des pétitions de presque toutes les communes formant les cantons de Wavre, Jodoigne, Perwelz, sont arrivées à la chambre ; plusieurs de ces communes et en autre autres celle de Wavre ont envoyé des pétitions à plusieurs reprises ; leur demande est si évidemment fondée que je ne puis comprendre comment on pourrait hésiter à l’admettre. Le conseil provincial du Brabant, dans sa session de 1836, a été saisi de la question, et voici, messieurs, la résolution qu’il a prise à l’unanimité :

« Les réclamations des habitants de Wavre, Jodoigne et Perwelz sont appuyées en ce qui concerne la demande de division du conseil milice et du canton électoral ; dans le cas ou la division du canton électoral souffrirait des difficultés, le conseil émet le vœu d’une démarche soit faite auprès du gouvernement, pour que le chef-lieu soit transféré de Nivelles à Wavre. »

Vous voyez donc, messieurs, que le conseil provincial a été d’avis que le chef-lieu électoral devrait être transféré de Nivelles à Wavre, tandis que je demande seulement la division des opérations. Cette décision, veuillez bien le remarquer, a été prise à l’unanimité. Voici, messieurs, en peu de mots, quelques considérations que je me permets de vous présenter pour appuyer la décision unanime du conseil provincial du Brabant, considérations qui reposent sur la supposition du transfert du chef-lieu de Nivelles à Wavre, et qui par conséquent s’appliquent à plus forte raison à ma proposition, à laquelle je demande seulement la division en transférant le chef-lieu de Nivelles à Wavre, il n’y aurait plus dans tout le district que 12,741 habitants, c’est-à-dire le dixième de la population totale, ni auraient plus de cinq lieues à faire pour arriver au chef-lieu ; si, au contraire, le chef-lieu reste à Nivelles, il y aura plus de 50,595 habitants, formant 48 communes, c’est-à-dire la moitié des communes et les quatre dixièmes de la population, qui auront plus de cinq lieues à faire pour se rendre au chef-lieu. Ainsi, messieurs, le chef-lieu étant transféré à Wavre, un dixième seulement des habitants du district auront plus de cinq lieues à faire pour s’y rendre, tandis que s’il reste à Nivelles, quatre dixièmes des habitants seront dans ce cas.

Si, en laissant subsister le bureau principal à Nivelles, nous permettons aux électeurs des cantons de Wavre, Jodoigne et Perwelz de se réunir à Wavre, la disproportion sera encore bien plus forte, puisque ces électeurs n’auront plus à faire, terme moyen, que la cinquième partie du chemin qu’ils doivent faire actuellement.

Voici, messieurs, une autre observation : la population du district est de 127,881 ; sur ce nombre 79,216 réclament non pas seulement la division que le propose, mais ils acclament, et à juste titre, le transfert du chef-lieu de Nivelles à Wavre ; 32,862 seulement s’opposent à cette demande. Vous voyez, messieurs, que les trois quarts des habitants réclament le changement et qu’un quart seulement s’y opposent. Pour les électeurs, il en est de même ; ils sont au nombre de 1,188 ; 654 réclament le changement ; 396 seulement s’y opposent. Quant au nombre des communes, 71 communes demandent le transfert du chef-lieu de Nivelles à Wavre ; 35 seulement en demandent le maintien. Vous comprenez facilement, messieurs, que toutes les raisons données pour le transfert du chef-lieu de Nivelles à Wavre se renforcent pour l’établissement de la division que je demande : dès lors, il n’est d’ailleurs plus personne qui ait intérêt à s’y opposer, tout le monde est d’accord.

La ville de Nivelles, seule, pourrait peut-être se plaindre de n’avoir plus, pendant 24 heures ou deux fois 24 heures, quelques campagnards à héberger. Or, je vous demande si cet intérêt tant soit peu égoïste peut prévaloir sur les réclamations de la totalité du district ? Je pense donc, messieurs, que tous les motifs se réunissent en faveur de ma proposition.

Les faits nombreux, les observations pleines de sens que vous avez remarquer dans les pétitions qui vous ont été adressées, me dispensent d’entrer dans de plus longs développements et me permettent d’économiser votre temps que réclament d’autres projets à l’ordre jour.

- La proposition de M. Gendebien est appuyée.

M. le président. - La discussion est ouverte sur la prise en considération de cette proposition,

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je partage l’opinion de l’honorable M. Gendebien sur le fond de la proposition ; moi aussi je pense que les habitants de certains cantons du district de Nivelles sont sujets à des déplacements plus ou moins pénibles, plus ou moins impossibles à l’exercice de leurs droits politiques ; mais, messieurs, je ne m’arrête pas seulement à vouloir qu’une partie des électeurs de ce district soient affranchis de l’inconvénient de devoir se transporter au loin ; je ne voudrais pas seulement qu’il y eût un bureau électoral à Wavre, mais je voudrais de plus qu’il y en eût un soit à Perwelz, soit à Jodoigne ; je voudrais même qu’il y en eût un dans chaque chef-lieu de canton ; et vous avouerez, messieurs, que si vous accordez un bureau électoral à Wavre, les autres cantons auront le droit d’en réclamer un également ; il faut être juste, il ne faut de privilège pour personne.

Ce n’est pas seulement dans le district de Nivelles que l’inconvénient dont on se plaint, existe ; il est des localités dont les électeurs ont 10 ou 15 lieues à parcourir pour pouvoir exercer leurs droits politiques ; cela a lieu, par exemple, dans la province de Liège. Je voudrais donc qu’il fût pris une mesure qui accordât à tous les chefs-lieux de canton ce qu’on demande.

M. de Brouckere. - J’appuie la prise en considération de la proposition de l’honorable M. Gendebien, sauf à m’expliquer plus tard sur son contenu lorsque la discussion sera ouverte sur le fond de la question ; mais je crois que nous ne devons point nous arrêter à l’observation faite par l’honorable préopinant auquel je succède ; car il va, lui, au-devant d’un vœu que les habitants de Perwelz n’ont jamais manifesté ; nous avons reçu des pétitions des habitants de Perwelz et de Jodoigne, et la seule chose qu’ils demandent, c’est d’avoir un bureau électoral à Wavre. Je ne sais pas, messieurs, pourquoi nous ferions plus que les intéressés eux-mêmes demandent.

Quant à ce qu’a ajouté l’honorable préopinant, qu’il serait plus juste encore que les élections se fissent partout dans chaque chef-lieu de canton, c’est là une question de la plus haute gravité, c’est la question du changement de la loi électorale tout entière. Or, ce n’est pas à l’occasion d’une question de localité que la chambre voudra s’occuper de changer totalement le système de la loi électorale ; une pareille proposition ne peut avoir qu’un seul résultat, c’est de nuire à la proposition qu’elle semble appuyer. Je crois donc que l’honorable M. Eloy de Burdinne, qui paraît partager l’opinion de M. Gendebien, s’il veut que cette opinion trouve de l’appui, doit s’abstenir de présenter la modification dont il a parlé.

Ce que la chambre doit faire aujourd’hui, c’est tout simplement de prendre en considération la proposition de M. Gendebien ; quand viendra la discussion de cette proposition, nous aurons à exprimer une opinion que chacun de nous conservera libre jusqu’à cette époque.

M. Eloy de Burdinne. - J’aurai l’honneur de faire observer au préopinant qu’il est arrivé à la chambre des pétitions de différentes localités qui demandent que les élections se fassent dans les chefs-lieux de cantons. J’ai entendu l’analyse de ces pétitions ; or, si nous voulons y faire droit, il faut bien qu’un de nous prenne l’initiative et fasse une proposition à cet égard. Je le répète donc, je voudrais qu’il fût fait droit à toutes les réclamations qui ont le même objet que la proposition de M. Gendebien.

M. de Brouckere. - Je ne m’oppose nullement à ce que l’honorable M. Eloy de Burdinne fasse la proposition dont il a parlé : qu’il dépose sur le bureau un projet de loi tendant à changer totalement la loi électorale, libre à lui ; mais je dis que ce n’est pas à l’occasion de la proposition de M. Gendebien, qui concerne une seule localité, qu’on peut s’occuper d’un projet qui changerait toute la loi électorale, Voilà, messieurs, la simple observation que j’ai faite.

(Moniteur belge n°134, du 14 mai 1837) M. Pirmez. - Je ne viens pas non plus, messieurs, m’opposer la proposition de l’honorable M. Gendebien : mais je vois bien, par le commencement de la discussion, laquelle elle donne lieu que cette proposition est de nature à mettre en question toute la loi électorale : M. Gendebien propose une modification pour Wavre, M. Eloy de Burdinne annonce une semblable proposition pour d’autres communes.

Au reste, nous ne discutons pas en ce moment le fond de la proposition ; si j’ai présenté ces observations, c’est que la proposition tend à changer tout à fait la loi électorale. Si vous allez fractionner les collèges électoraux, vous entrez dans un système nouveau.

M. Gendebien. - Je ferai remarquer à l’honorable préopinant qu’il ne s’agit pas de fractionner le collège électoral de Nivelles ; il s’agit seulement de diviser l’opération matérielle, d’en déplacer une partie. Le chef-lieu électoral reste à Nivelles ; seulement les électeurs de trois cantons iront déposer leurs votes à Wavre, et les électeurs de trois autres cantons à Nivelles. Le résultat des élections n’en sera pas moins constaté et proclamé par un recensement général à Nivelles.

J’arrive maintenant à la proposition de M. Eloy de Burdinne ; cette proposition, comme l’a déjà fait remarquer M. de Brouckere, est tout à fait en dehors de la mienne. C’est une question très grave que celle qu’a soulevée M. Eloy ; elle affecte les bases du système électoral, et nous n’avons pas assez de temps pour aborder et terminer la discussion de cette question. Ma proposition, au contraire, est toute simple. Il suffit, pour l’adopter, d’y mettre tant soit peu de bonne volonté, et de savoir comparer les quelques chiffres que j’ai présentés, pour se convaincre de la nécessité de l’adopter.

Je ferai remarquer en outre qu’il est urgent de prendre une décision, parce que les élections doivent avoir lieu le deuxième mardi du mois prochain. Si l’on ne compte pour rien les pétitions de la grande majorité des électeurs du district de Nivelles, si vous ne comptez pour rien la décision prise à l’unanimité par le conseil provincial du Brabant, alors je pense qu’il n’y a plus aucune espèce de réclamation qui puisse se produire ici avec des chances de réussite.

Il n’y a eu jusqu’ici qu’une réclamation semblable à celle des électeurs du district de Nivelles.

L’arrondissement de Maestricht a demandé d’être divisé en deux, Eh bien, cela s’est fait sans la moindre difficulté ; cela s’est fait même par arrêté royal. Eh bien, s’il y a d’autres localités qui se trouvent dans une position analogue, eh bien, qu’elles réclament, nous examinerons leur position. Si, comme on paraît le craindre, des réclamations générales s’élèvent, eh bien, il sera encore de notre devoir alors d’examiner s’il y a lieu de prendre une décision générale. Mais jusqu’à ce que la nécessité de cette mesure se fasse sentir, je ne vois pas pourquoi on sortirait de la proposition toute simple que j’ai eu l’honneur de faire. (Aux voix ! aux voix !)

- La proposition de M. Gendebien est mise aux voix ; elle est prise en considération.

M. le président. - Désire-t-on le renvoi de la proposition aux sections ou à une commission ?

M. Gendebien. - Messieurs, vous sentez qu’il est impossible de renvoyer la proposition en sections, nous ne pourrions avoir de rapport avant notre séparation. Ma proposition est si simple qu’une commission ne délibérera pas plus de cinq minutes pour l’adopter ; tandis que la marche nécessairement plus lente de la double opération dans les sections et dans la section centrale, l’ajournera jusqu’à la session prochaine.

Il me semble que si l’on veut sincèrement éviter à une grande partie des électeurs de Nivelles le désagrément de faire 10 et 11 lieues, si l’on veut tenir compte de leurs justes réclamations, il faut nécessairement renvoyer à une commission.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je n’entrerai pas dans le fonds de la question. Je crois cependant que, comme la proposition de M. Gendebien est le premier pas dans une voie qui peut déranger l’économie de la loi électorale, il est bon que l’attention de la chambre soit appelée sur cette proposition.

Je ferai remarquer que l’arrondissement de Louvain présente sous ce rapport les mêmes difficultés que celui de Nivelles. Le canton de Diest et celui de Léau sont aussi à une très grande distance du chef-lieu d’arrondissement.

M. Gendebien. - Il me semble que si M. le ministre de l’intérieur avait prêté quelque attention à mes développements, il se serait convaincu que ma proposition ne soulève pas une question de principe, mais qu’elle n’est qu’une simple question d’utilité locale.

Les habitants du royaume, autres que les intéressés qui habitent les localités, n’ont aucun intérêt à examiner la question qui se rattache simplement à un fait local.

Si maintenant l’on ne veut pas délibérer sur ma proposition avant de se séparer, qu’on le dise franchement, nous ne prolongerons pas la discussion. Mais si l’on veut sincèrement faire droit aux réclamations de l’immense majorité des électeurs du district de Nivelles ; si l’on veut prendre en quelque considération la décision unanime du conseil provincial du Brabant, il faut renvoyer ma proposition à une commission, seul moyen d’y statuer avant les élections.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable M. Gendebien dit que les habitants des autres provinces du royaume sont désintéresses dans la question. Je n’admets pas cela. Je pourrais citer, notamment dans le Limbourg, des cantons très éloignés des chef-lieux d’arrondissement. Il est vrai que dans ces différentes localités on a pris jusqu’à présent patience, tout en se plaignant ; mais on a cru probablement que le moment n’était pas encore venu d’occuper la législature de la révision de la loi électorale. Je ne doute pas que du moment que la chambre aura fait un premier pas, elles ne reçoivent des réclamations de presque tous les districts.

Je pense donc, messieurs, qu’il y a réellement lieu que la chambre examine sérieusement la proposition de l’honorable M. Gendebien. Je ne me prononce, quant à présent, ni pour ni contre ; tout ce que je demande, c’est que la question soit méditée et que l’on en connaisse bien toutes les conséquences.

M. Simons. - Messieurs, il est fâcheux que la proposition n’ait pas été présentée plus tôt. Je trouve quelque chose de juste dans le projet. Cependant, je crois qu’elle mérite d’être examinée attentivement. Il ne s’agit pas ici de la seule localité de Nivelles, mais il s’agit d’un principe qui a été adopté dans la loi. En effet, par la loi du 31 mars 1831, il a été admis en principe que toutes les élections auraient lieu aux chefs-lieux. Pourquoi ? Parce qu’on a voulu que les bureaux électoraux fussent présidés par un membre du tribunal. Or, dans le cas dont il s’agit, le bureau secondaire ne serait présidé que par un juge de paix. Vous voyez donc que réellement la question ne se restreint pas à la seule localité de Nivelles ; mais la proposition implique en quelque sorte une modification au système général.

Ce qui existe pour Nivelles, se rencontre dans d’autres localités. Et si la chambre croit qu’il y ait des motifs réels pour revenir d’un principe qui a été adopté dans la loi électorale après un mûr examen, je pense qu’il est de toute nécessité que chaque membre puisse méditer la question.

M. de Brouckere. - Messieurs, ce que vient de dire l’honorable préopinant ne peut rester sans réponse. En effet, tout son discours est basé sur une erreur,.Selon lui, lorsqu’on a fait la loi électorale de 1831, l’on aurait décidé que les élections auraient toujours lieu dans les chefs-lieux de district, par ce seul motif que le collège électoral devait être présidé par un membre du tribunal . Eh bien, la loi électorale n’a pas dit que les élections auraient lieu aux chefs-lieux d’arrondissement judiciaire, mais bien aux chefs-lieux de district administratifs ; comme Ath, Soignies, Virton, etc., qui n’ont pas de tribunal de première instance. Vous voyez donc, messieurs, que tout ce qu’a dit l’honorable préopinant est basé sur une erreur.

Ensuite, selon le même membre, vous allez violer le principe de la loi électorale ; ce sera la première fois qu’on sera entré dans cette voie, et Dieu sait où cela nous conduira. C’est là encore une erreur. Il est fort étonnant qu’elle soit commise par M. Simons qui est, lui, commissaire d’un district qui a été scindé en deux. En effet, il y a déjà eu une exception à la loi électorale, relativement à l’arrondissement de Maestricht. Dans cet arrondissement, il y a deux bureaux électoraux, l’un à Tongres et à Fauquemont. Et bien, c’est précisément ce que demande M. Gendebien, relativement à l’arrondissement de Nivelles.

En résumé, il n’est pas question aujourd’hui d’examiner la proposition au fond ; il n’est question que de savoir si elle sera examinée par les sections ou par une commission.

Prononcer le renvoi aux sections, c’est décider que les prochaines élections se feront à Nivelles comme aujourd’hui ; tandis que si vous ordonnez le renvoi à une commission, cette commission pourra, avant que la chambre se sépare, présenter des conclusions sur le parti qu’il convient de prendre.

- La chambre ordonne le renvoi de la proposition à l’examen des sections.

Proposition de loi relative aux droits sur les tabacs

Lecture, développements et prise en considération

M. C. Vuylsteke lit la proposition suivante dont les sections ont autorisé la lecture.

« Projet de loi

« Léopold, etc.

« Par modification spéciale au tarif des douanes, le droit d’entrée sur les tabacs est fixé comme suit :

« Tabacs d’Ukraine et autres pays de l’Europe, en feuilles, non séparés, les 100 kilogrammes, 20 francs.

« Les autres dispositions du tarif des douanes sur la matière sont maintenues.

« Mandons, etc. »

M. Dumortier. - Cette proposition pourrait être présentée comme amendement dans la discussion du tarif des douanes.

M. C. Vuylsteke - Messieurs, je partagerais entièrement l’opinion de l’honorable préopinant, si elle pouvait conduire à la discussion de ma proposition ; je pense, au contraire, que sa demande aurait pour résultat une fin de non-recevoir.

Je me hâte de déclarer que je suis loin de supposer cette intention de l’honorable membre, mais je pense que ses considérations produiraient cet effet ; car, d’après la marche que la discussion sur les modifications à apporter au tarif des douanes a prise, il est à présumer qu’elle occupera encore quelques-unes de nos séances ; or, comme la chambre paraît décidée à s’ajourner indéfiniment sous peu, on est porté à croire qu’elle bornera son examen uniquement aux propositions du gouvernement, et dans ce cas tous les amendements sont renvoyés aux calendes grecques, ce qui me porte surtout à le croire, c’est que déjà nous avons ajourné à la fin de la discussion de ce projet de loi un amendement présenté par les honorables collègues, MM. Verdussen et Rodenbach, tendant à imposer des droits d’entrée sur la chicorée. D’ailleurs, je ferai remarquer que si je transformais ma proposition en amendement, il pourrait arriver que la chambre, indécise sur le vote à émettre sur ce point, à défaut de renseignements suffisants, renvoyât cet amendement à l’examen, soit des sections, soit d’une commission. La proposition que je fais en ce moment prévient les discussions qui pourraient avoir lieu à cet égard ; c’est un moyen de vous épargner un temps précieux. Au surplus, le projet de loi présenté par le gouvernement n’a eu pour objet que de lever les mesures exceptionnelles établies par le gouvernement du roi Guillaume contre la France, vis-à-vis des autres nations : sous ce rapport, je ne pense pas que ma proposition trouverait sa place comme amendement dans ce projet de loi.

Je soumettrai à la chambre une dernière observation ; savoir que je ne pense pas que l’urgence de l’adoption de ma proposition soit telle, qu’il faille l’intercaler dans le projet de loi présente par le gouvernement. L’effet de ma proposition ne peut être immédiat ; les produits de la dernière récolte étant déjà vendus, elle ne pourra donc produire de l’effet que pour les récoltes futures. D’ici là, nous aurons le temps d’examiner. D’après ces considérations, je prie la chambre de vouloir bien me permettre de développer immédiatement ma proposition. (Parlez ! parlez !)

- L’honorable membre présente les développements de sa proposition.

La proposition de M. Constant Vuylsteke est prise en considération et renvoyée à l’examen des sections

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre de la guerre (M. Willmar) (pour une motion d’ordre). - Je dois prier la chambre de se prononcer sur deux objets très importants, concernant le dépôt de la guerre.

Le rapport de la section centrale sur le service de santé a été distribué hier. Il serait à désirer que la chambre délibérât sans retard sur ce rapport ; car il est à craindre que prochainement la chambre ne se trouve plus en nombre pour délibérer ; et au 30 juin il n’y aura plus de fonds pour le service de santé.

D’un autre côté, le rapport sur le transfert doit être distribué aujourd’hui. Il est également de la plus grande importance que le transfert soit voté ; sinon, il n’y aura pas de camp cette année. Cependant il faut qu’il y ait un camp, il faut qu’il y ait des manœuvres comme les années précédentes.

Ce sont donc deux délibérations importantes.

Je ne veux pas interrompre la discussion de projets de loi dont je reconnais également l’importance, notamment celui du tarif des douanes.

Je prie donc la chambre de fixer une séance du soir aujourd’hui pour s’occuper du service de santé, et une séance du soir demain, pour continuer cette discussion ou pour délibérer sur le projet de loi de transfert.

M. de Jaegher. - Si les objets dont vient de parler M. le ministre de la guerre ont l’importance qu’il y attache, je crois que le but qu’il se propose ne sera pas atteint par la fixation de séances du soir. Je vous proposerai donc de fixer la séance de meilleure heure demain, soit à 10 heures. Je crains que la semaine prochaine nous ne nous trouvions plus en nombre, car j’entends de part et d’autre énoncer l’intention de se retirer.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - J’entends dire qu’il y a chance que la chambre ne se trouve pas en nombre la semaine prochaine. Je dois dire cependant que la chambre a encore à s’occuper de délibérations importantes. La discussion du tarif des douanes est avancée ; il importe qu’elle soit achevée. D’autre part, la chambre a à s’occuper du projet de loi sur le chemin de fer de Gand vers Lille. Il importerait beaucoup que ce projet fût discuté, avant que la chambre se sépare.

Je pense donc que l’on peut attendre du zèle de la chambre qu’elle continuera les délibérations pendant quelques jours encore, pour s’occuper d’objets qui ont vraiment une très grande importance.

M. Dumortier. - Je puis annoncer à la chambre que la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif au chemin de fer, a terminé son travail et nommé son rapporteur, qui présentera bientôt son travail. Cependant, on ne peut méconnaître que beaucoup de membres ont l’intention de se retirer. On conçoit, en effet, que les élections devant avoir lieu dans un mois, les membres qui doivent être soumis à une réélection, désirent, dans leur intérêt, se trouver chez eux. Je pense donc qu’il y a lieu de fixer une séance du soir.

Il y a un autre objet d’une grande importance sur lequel la chambre devrait également se prononcer ; c’est la question des sucres, car tous les jours nous votons des dépenses qui s’élèvent à des millions : il faut bien, pour faire face à ces dépenses, qu’il y ait de l’argent dans le trésor public ; or, dans l’état actuel des choses, le trésor éprouve un préjudice annuel de 4 millions. Le vote du projet est également intéressant pour la fabrication indigène du sucre de betteraves ; car on sait que la betterave doit être plantée au printemps.

Comment ! le renvoi à la commission a été prononcé le 16 janvier dernier ; nous voici arrivés au 12 mai et nous n’avons pas de rapport. Pour moi, j’insiste pour que la commission des sucres présente ses conclusions, afin que la chambre, avant de se séparer, s’occupe de cet objet important.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ferai observer que si la chambre continue encore ses délibérations pendant 8 ou 10 jours, elle aura terminé les objets les plus importants. De cette manière, nous aurons eu une session utile en résultats.

M. Eloy de Burdinne. - Je ne partage pas l’opinion que l’on a émise, que la chambre se séparerait quand elle a à s’occuper de travaux urgents. Je compte trop sur le zèle de la chambre, pour avoir une telle pensée. Ce n’est pas dans un moment où de toutes parts, dans le pays, on réclame des lois urgentes, que les membres qui doivent être soumis à une réélection voudront se retirer avant que ces lois aient été votées. Ces honorables membres feront plus dans l’intérêt de leur élection en restant à leur poste, qu’en allant chez eux solliciter des suffrages.

M. de Jaegher. - Ce n’est pas moi qui donnerai l’exemple du départ. Loin d’exprimer le désir que la chambre se sépare, j’en ai exprimé du regret. Du reste je crois que l’opinion de M. Eloy de Burdinne est une erreur.

M. Eloy de Burdinne. - J’ai meilleure opinion que la chambre que M. de Jaegher.

M. Desmaisières. - On vient de me remettre à l’instant, à revoir, l’épreuve de la dernière feuille du rapport. Déjà depuis ce matin on a tiré les autres feuilles. Je pense qu’avant peu d’heures il sera distribué aux membres de la chambre.

Je ne veux pas traiter la question de séparation de la chambre. Je pense dans tous les cas qu’il n’y a pas lieu d’avoir une séance du soir, puisqu’on ne pourrait discuter le transfert ; on pourrait discuter demain les deux objets dont a parlé M. le ministre de la guerre.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne tiens pas à ce qu’il y ait séance du soir aujourd’hui, si on peut demain se réunir de meilleure heure. Mais il est indispensable que l’un et l’autre objet soient votés avant que la chambre se sépare. Si la chambre veut prendre l’engagement de rester réunie encore quelque temps, je ne tiens pas à une discussion immédiate. Si la chambre doit se séparer bientôt, je demande que la discussion ait lieu sans retard. Je ne demande pas mieux que ce soit demain à 10 heures, puisque cela paraît convenir à la chambre.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous demandons que la séance soit fixée pour demain, à 10 heures, afin qu’elle puisse être plus longue et nous permettre de faire plus de besogne ; mais il est bien entendu que ce n’est pas dans la crainte que la chambre se sépare après-demain que cette motion a été présentée. Il y a une quantité de projets urgents à discuter outre ceux que M. le ministre de l'intérieur vient de rappeler, et nous ne pouvons convenablement nous séparer avant qu’ils soient votés. J’insiste à cet égard, parce que je ne veux pas que M. Gendebien croie que nous avons voulu écarter tout à l’heure sa proposition par une fin de non-recevoir, au moyen du renvoi en sections. Je désire que celles-ci examinent cette proposition et qu’un rapport soit présenté à la chambre.

Nous ne sommes pas encore arrivés au milieu du mois, et nous pouvons très bien continuer nos délibérations au moins pendant toute la semaine prochaine.

Au point où la matière de nos projets de loi est élaborée, il vous faut très peu de temps pour être fixé sur plusieurs projets importants.

Alors, messieurs, nous aurons rempli notre devoir, nous aurons bien mérité du pays. Voilà, selon moi, le meilleur moyen de réclamer la confiance des électeurs.

Je me plais à croire que les craintes exprimées dans un but louable par M. de Jaegher sont gratuites et ne se justifieront pas. Nous consacrerons, je l’espère, la semaine prochaine aux travaux importants et urgents qui nous restent à terminer.

M. Berger. - Répondant à M. Dumortier, j’ai l’honneur d’annoncer à l’assemblée que la commission des sucres a terminé son examen ; qu’elle a nommé son rapporteur ; si l’assemble décide que le rapporteur peut ne présenter qu’un seul résumé, alors on vous fera connaître les conclusions de la commission très prochainement.

M. Eloy de Burdinne. - La question est pressante ; tout ce que l’on pourrait joindre aux conclusions de la commission, nous l’avons lu dans les mémoires que les industriels et le haut commerce nous ont adressés. Que le rapporteur fasse son travail pour le commencement de la semaine prochaine, il fera chose extrêmement utile. Je demanderai donc que le rapporteur fasse connaître immédiatement les conclusions de la commission.

M. Desmaisières. - Mes honorables collègues de la commission des sucres m’ont, malgré moi, chargé du soin de faire le rapport ; si le travail devait se borner à faire connaître à la chambre les décisions de la commission, sans aucune espèce de commentaire, demain on pourrait vous présenter le rapport ; mais je ne crois pas que ce soit là l’intention de la chambre. Dès qu’il faut accompagner les décisions des motifs sur lesquelles on les a fondées, il faut faire connaître à la chambre les législations des pays voisins sur la matière, et les effets qu’aurait la proposition faite sur les sucres relativement à ces législations.

Le travail ne peut donc être aussi court qu’on le dit ; il doit même être long ; aussi est-ce à regret que j’ai vu mes collègues me choisir pour faire connaître leurs opinions.

M. Dubus. - Je crains que si la commission ne fait pas son rapport immédiatement, son travail ne devienne inutile. On paraît assez généralement d’accord qu’il faut modifier la loi existante en ce qui concerne l’exportation des sucres ; on trouve que le rendement des sucres n’est pas exact, que l’on suppose un déchet beaucoup trop fort ; une proposition a été faite par un honorable député de Verviers pour remédier aux abus ; mais on a cru ne pas devoir l’adopter sans un examen préalable, parce qu’il semblait à plusieurs membres que cette proposition n’atteignait pas encore le but. C’était donc dans la prévision que la commission ferait promptement son rapport qu’on lui a renvoyé la question, parce qu’on ne veut pas laisser subsister l’abus plus longtemps, et priver le trésor de tout revenu ; les consommateurs paient plusieurs millions, et le trésor ne peut continuer à les restituer aux fabricants. Que l’on nous fasse un rapport quelconque, et la chambre verra quel parti elle doit prendre. J’aimerais mieux des conclusions sans développements que la perpétuation d’un abus.

M. Rogier. - Je ne puis croire que la proposition de M. Eloy de Burdinne, appuyée par l’honorable préopinant, ait des chances de succès. Il est sans exemple qu’on limite le travail d’un rapporteur. A quoi bon avoir fait une espèce d’enquête sur cette question, si on ne voulait pas quelques lignes dans le rapport ? Je m’étonne que le préopinant, qui a l’habitude d’approfondir toutes les matières, demande que la commission présente ses conclusions sans les motiver.

M. Desmet. - Je demande la parole pont appuyer la proposition faite par M. Dubus. Nous sommes certains que la session ne durera pas longtemps ; la question des sucres est claire, évidente, et il n’est pas nécessaire d’un grand rapport pour l’apprécier ; qu’on nous fasse un rapport verbal, et cela peut suffire.

M. le président. - Avant tout, il faut que la chambre prononce sur la proposition qui a été faite d’une réunion à 10 heures du matin.

- La chambre décide que la réunion aura lieu demain à 10 heures du matin.

M. Liedts. - Je crois que ce que nous avons de mieux à faire, c’est de nous occuper des lois qui sont à l’ordre du jour. La question des sucres nous a paru si grave que nous l’avons renvoyée à une commission spéciale ; et maintenant on demande que nous établissions notre jugement sur un rapport de deux lignes ; mais cette demande est impossible à admettre. Ce serait la première fois, depuis que la chambre existe, que nous prescrivions à un rapporteur l’étendue de son travail ; il faut lui laisser le temps de l’élaborer. Je persiste à demander que l’on passe à l’ordre du jour.

M. Donny. - Il est réellement étonnant de voir plusieurs membres de cette assemblée, qui n’ont pris connaissance de la question concernant les sucres que par des brochures, venir dire qu’elle est claire et ne présente aucune difficulté, alors que, dans le même instant, ceux qui ont fait partie de la commission vous déclarent que la question est compliquée, et qu’il est impossible de faire un rapport en peu de temps. J’appuie l’opinion de ceux qui ont soutenu qu’on ne pouvait limiter le temps qu’un rapporteur croyait devoir mettre à son travail.

M. Eloy de Burdinne. - On nous accuse d’être très pressés, je crois au contraire que nous sommes très patients, car c’est du mois de décembre dernier que nous sommes saisis de la proposition faite sur les sucres. Je demande le rapport pour lundi, si on ne veut pas faire un rapport laconique demain ; et si on ne veut pas faire de rapport prochainement, je demanderai que la discussion s’établisse sur la proposition de M. Lardinois.

M. Pirmez. - La question est sans doute compliquée, et on peut l’envisager sous différents points de vue. Par exemple, on peut demander comment agiront les agriculteurs relativement à la culture de la betterave pendant cette année ? Un rapport sur-le-champ fera connaître les résolutions de la commission, et nous pourrons nous déterminer en conséquence. Une décision prompte est indispensable.

M. Dumortier. - Il y a un fait patent, c’est que la fraude enlève au trésor annuellement trois ou quatre millions. Hier, vous avez voté une dépense de trois millions ; sur quoi l’hypothèquera-t-on cette dépense ? sur les bons du trésor ?

Eh bien, ces bons du trésor, il faut les payer ainsi que les intérêts. Il faut donc faire arriver au trésor public les ressources nécessaires pour faire face à cette dépense. Quand on vous présente un moyen de remplir ce but sans augmenter les charges des contribuables, vous devez vous empresser de le saisir.

Il y a ici une vérité qu’on ne peut pas méconnaître ; c’est qu’il y a longtemps qu’on aurait dû prendre une décision sur ma proposition, car je l’ai présentée quand nous discutions les voies et moyens. J’avais proposé un amendement pour augmenter le rendement des sucres. Vous avez renvoyé cet amendement à une commission, et on a tellement reconnu l’urgence de résoudre la question qu’il soulevait, que la commission fut nommée le 15 janvier. Voilà cinq mois que cette commission en est saisie, et nous n’avons pas encore de rapport.

Si la commission voulait examiner la matière de plus en plus, elle pourrait gagner le 1er janvier prochain. Elle aurait mis un an pour examiner cette question. Cela n’est pas admissible. Je demande que la commission soit engagée à faire imprimer ses conclusions ; nous verrons si nous pouvons les mettre à l’ordre du jour.

Il faut terminer ce litige. Il faut que les industriels, qui se livrent à la culture de la betterave, sachent à quoi s’en tenir. Tous les fabricants ont leurs sucres dans leurs magasins sans pouvoir en vendre une livre à cause de la prime accordée aux sucres exotiques. Il faut en finir si vous ne voulez pas ruiner cette industrie qui est très importante pour le pays.

M. Desmaisières. - Quant à moi personnellement, je ne ferais aucune objection à déposer les conclusions de la commission, car je me trouverais déchargé d’un travail énorme. Mais, quant à la question en elle-même, je pense que la chambre ne doit pas procéder de cette manière sans manquer à ce qu’elle doit au pays.

La question est tellement grave que depuis les vacances de Pâques, nous nous sommes réunis presque tous les jours, et ce n’est que hier que nous avons pu arriver à des conclusions Ce n’est que hier que j’ai été, malgré moi, je le répète, nommé rapporteur. Il me serait impossible de soumettre à la chambre un rapport quelconque ; je ne pourrais faire que déposer les conclusions. Je ne pense pas que ce soit ce que veut la chambre.

M. Gendebien. - M. Dumortier a fait une partie des observations que je me proposais de présenter, je me bornerai à ajouter quelques mots à ce qu’il a dit.

Messieurs, le pays a réclamé aussi de vous deux choses : d’abord le soin du trésor. Or, il est un fait patent, c’est que la fraude enlève de trois à quatre millions au trésor. Si la loi était exécutée franchement, loyalement, cela ne se verrait pas. Le produit de l’impôt sur le sucre ne se trouverait pas réduit à 120,000 fr. Nous devons, en second lieu, au pays une protection pour la culture de la betterave ; et nous ne devons pas à son préjudice et au préjudice du trésor, encourager la culture de la canne à sucre.

Voilà ce que nous devons au pays.

Maintenant, s’il s’agissait d’établir d’une manière absolue, fixe et définitive, le point où doit s’arrêter le droit de restitution, je conviendrais qu’il faut discuter mûrement la question ; mais il s’agit seulement d’arrêter ou de diminuer la fraude ou l’abus de la loi. Or, voici un fait : il y a deux ans, cet impôt produisait 1,750,000 fr. sous le régime de la même loi, et pour 1837 on annonce où il serait tout au plus de 120,000 fr. Il est probable même qu’il ne produira rien. Il n’est même pas possible qu’on restitue un jour plus qu’on n’aura reçu.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On ne le peut pas.

M. Gendebien. - Je n’en sais rien, je crois même que je pourrais justifier mes appréhensions. Quand on est descendu de 3 millions à 120,000 fr., le pas à faire pour arriver à zéro n’est pas bien grand.

Le premier devoir de la chambre, c’est d’examiner s’il y a moyen de prendre une décision sur les conclusions de la commission ; si après examen, elle juge qu’elle ne peut pas prendre de décision, du moins elle se sera acquittée d’un devoir, celui d’examiner.

Hier, nous avons voté deux ou trois millions pour une localité ; aujourd’hui cette localité devrait se montrer moins exigeante quand il s’agit encore de prendre 3 ou 4 millions dans le trésor.

Quand il s’est agi de venir au secours des habitants des polders, j’ai été au-delà des demandes du gouvernement et de la députation d’Anvers, parce que je croyais la chose juste. Aujourd’hui on me permettra de n’être pas d’accord avec eux et de défendre les intérêts du trésor, si évidemment compromis.

M. Rogier. - je ne sais pourquoi on revient toujours sur le vote d’hier en le présentant comme ne profitant qu’à une localité. Il est vrai qu’il concerne la province d’Anvers, mais il concerne aussi une grande partie de la Flandre orientale. Il a été d’ailleurs la consécration d’un principe de justice. Je ne vois pas le rapport qui peut exister entre le vote d’hier et le sucre.

J’ai pris la parole pour relever l’assertion très inexacte, avancée par deux honorables préopinants, relativement à la fraude de 4 millions qui se ferait dans la localité d’Anvers, au moyen des sucres raffinés.

D’abord il y a une exagération à porter à 4 millions une somme qui est évaluée, par le ministre des finances, à 1,700,000 fr. C’est une petite exagération du double : passe pour cela.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande la parole.

M. Rogier. - On dit que c’est la fraude qui enlève ces millions au trésor ; il n’en est rien. Les raffineurs usent, profitent de la loi, mais ne fraudent pas. Il importe que la réputation des raffineurs ne soit pas légèrement attaquée ; voilà ce que j’avais à dire.

Je répète que je ne puis considérer comme sérieuse la proposition de mettre à l’ordre du jour une question aussi importante que celle des sucres. Cette question n’est pas de celles qu’on peut résoudre dans une séance. Le rapporteur qui a examiné la question à fond vous le déclare. Je ne comprends pas ce grand empressement à vouloir faire discuter en un jour une loi qui, infailliblement, sera l’objet de très longs débats dans cette enceinte.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois relever une erreur échappée à l’honorable préopinant pour qu’on ne puisse pas plus tard, lors de la discussion qui interviendra dans la question des sucres, arguer de mon silence pour m’opposer les paroles que vous venez d’entendre.

Messieurs, en évaluant à 2 1/2 kil. de sucre brut par habitant la consommation qui s’en fait en Belgique, cela suppose 10 millions de kilogrammes. Et d’après les renseignements que j’ai pris, on peut admettre ce chiffre pour exact. Or, 10 millions de kil. à 37 fr. les 100 kil. (droit sur le sucre brut), feraient 3,700,000 fr. d’impôt. Voilà ce que le sucre devrait rapporter, si le droit de douane pouvait rentrer en totalité au trésor.

Maintenant je vous prie de remarquer si le produit n’a été évalué, il y a deux ans, qu’à 1,750,000 fr., c’est que la haute décharge des droits a déjà été appliquée alors à de fortes quantités de sucres à l’exportation, et que la différence au préjudice du fisc, entre le rendement légal et le rendement réel au raffinage, étant multipliée et étendue à des quantités plus fortes, la diminution du produit de la douane devait l’accroître dans la même proportion.

Messieurs, il y a erreur de part et d’autre, quand on dit d’un côté que c’est la fraude seule qui enlève au trésor la totalité de l’impôt sur le sucre, et de l’autre côté qu’il n’y a pas de fraude. Je pourrais vous le démontrer à l’instant même, mais pour cela je devrais aborder le fond de la question sur la législation des sucres, et ce serait sortir de la discussion actuelle.

Quoi qu’il en soit, je dois croire, d’après le sens du discours de M. Gendebien, qu’en parlant de fraude, il a entendu faire allusion au vice du système de la loi, vice dont profitent ceux qui usent de cette loi.

M. Gendebien. - Oui ; non seulement on use, mais on abuse de la loi.

- La discussion est close.

La chambre consultée décide que la commission sera invitée à présenter demain un rapport contenant ses conclusions.

Proposition de loi déclarant incompatible le mandat parlementaire avec les fonctions de gouverneur et de commissaire de district

Lecture, développements et prise en considération

M. Dumortier est appelé à la tribune pour lire une proposition dont la lecture a été autorisée par les sections.

Elle est ainsi conçue :

« Art. unique. Tout gouverneur ou commissaire de district élu membre de l’une ou de l’autre chambre par l’un des districts ou par le district où il exerce ses fonctions, devra opter entre ses fonctions administratives et celles de représentant ou de sénateur.

« Néanmoins, les gouverneurs et commissaires de district qui, à l’époque du 1er janvier 1837, étaient membres de l’une ou de l’autre chambre, pourront continuer à y être élus, sans être soumis à cette formalité. »

M. Lardinois. - Pas de privilège.

- La proposition de M. Dumortier est appuyée.

La discussion est ouverte sur la prise en considération de cette proposition.

M. Pollénus. - Je crois, messieurs, devoir m’opposer à la prise en considération de la proposition de l’honorable M. Dumortier. Si j’ai bien compris cette proposition, elle tend à établir une véritable cause d’exclusion et partant une condition nouvelle d’exigibilité ; or, messieurs, si nous faisons bien attention à l’art. 50 de la constitution, les conditions d’éligibilité ne peuvent être établies que par la loi constitutionnelle elle-même ; les formalités seules de l’élection sont du domaine de la loi particulière.

Voici ce que porte cet article 50 :

« 1° Etre Belge de naissance ou avoir reçu la grande naturalisation ;

« 2° Jouir des droits civils et politiques ;

« 3° Etre âgé de 25 ans accomplis ;

« 4° Etre domicilié en Belgique.

« Aucune autre condition d’éligibilité ne peut être requise. »

Il résulte de cet article, messieurs, que nous ne pouvons par une loi particulière établir des conditions d’éligibilité autres que celles qui sont déterminées par la constitution. Nous pouvons, il est vrai, reconnaître certaines incompatibilités, mais seulement pour autant qu’elles résultent de la nature même des choses ou des positions.

A en juger d’après une simple lecture de la proposition, il me semble que les deux dispositions dont elle se compose sont en contradiction entre elles et s’entredétruisent. En effet, messieurs, par une première disposition, l’honorable membre propose d’exclure des fonctions législatives les gouverneurs et les commissaires de district qui seraient nommés à l’une ou l’autre des deux chambres dans leurs arrondissements respectifs ; et, par une seconde disposition, il propose d’établir que ceux de ces fonctionnaires qui sont actuellement membres de l’une ou de l’autre chambre, pourront continuer à y siéger, à recevoir de nouveaux mandats.

L’honorable auteur de la proposition convient donc que l’état de choses qu’il veut faire cesser n’a offert jusqu’à présent aucun inconvénient ; il approuve donc le passé ; je ne conçois pas sur quoi il fonde l’exclusion qu’il propose pour l’avenir. L’honorable membre craint l’influence de ces fonctionnaires ; mais si c’est l’influence que vous redoutez, il faut dès lors frapper un plus grand nombre de fonctionnaires ; il faut même aller plus loin, car les fonctionnaires publics n’ont pas le monopole de l’influence ; je ne conçois donc pas pourquoi l’honorable M. Dumortier borne sa proposition aux deux catégories qu’il indique.

M. Dumortier. - Je ne m’opposerais nullement à ce que l’on étendît la disposition que je propose à d’autres fonctionnaires ; je le verrais au contraire avec plaisir.

M. Pollénus. - L’honorable auteur de la proposition dit qu’il consentirait volontiers à y voir comprendre d’autres fonctionnaires ; mais c’est à lui à s’expliquer et à compléter sa pensée.

Je dis donc que, d’après le système de l’honorable membre, il faudrait étendre l’exclusion qu’il propose à un bien plus grand nombre de catégories ; il faudrait l’étendre, par exemple, aux procureurs-généraux, aux procureurs du Roi, aux bourgmestres des villes, etc., fonctionnaires cependant auxquels on veut bien faire grâce ; car eux aussi peuvent exercer quelque influence.

Vous redoutiez l’influence ! Mais si l’influence est pour vous un motif d’exclusion, vous ne pouvez borner votre système aux seuls fonctionnaires publics ; pour être conséquent, il faut l’étendre à un plus grand nombre de catégories de citoyens, aux banquiers, par exemple. (On rit.)

Des voix. - Aux curés !

M. Pollénus. - Messieurs, c’est très sérieusement que je cite les banquiers, car l’influence financière est aussi une influence et une influence bien puissante encore, et qui de plus apparaît à certaines personnes comme étant bien redoutable.

Messieurs, il ne fait pas perdre de vue que la constitution de 1830, dont on invoque souvent et à juste titre la sagesse, a déterminé les conditions d’éligibilité ; contentons-nous des prévoyances du corps constituant qui a si bien compris les mœurs et les besoins du peuple belge.

N’oubliez pas, d’ailleurs, que la constitution autorise expressément les ministres à être membres des chambres législatives. Les ministres cependant sont placés au faîte du pouvoir, et réunissent, à ce titre, toutes les conditions d’une influence véritable ; eux, qui dirigent l’exercice de l’autorité publique, doivent être admis sans restriction ; et vous voulez exclure deux catégories de fonctionnaires administratifs, qui n’exercent qu’une faible part de l’autorité, sous la direction de ces mêmes ministres ; il y aurait là une véritable anomalie, que repousse le texte et l’esprit de notre pacte fondamental. Non, messieurs, les influences qui ne s’appuieraient point sur les mœurs du pays, n’auront jamais ici rien de bien redoutable ; nous pouvons avoir foi dans la moralité de nos élections.

Messieurs, si j’ai pris la parole à l’occasion de cette proposition, c’est qu’il m’a paru que le moment était venu de repousser d’injustes attaques qui, bien imprudemment parfois, ont été dirigées contre une catégorie de fonctionnaires administratifs ; mais ceux qui les attaquent sans cesse trouvent-ils donc qu’on est autre, qu’on présente seulement des garanties d’indépendance, de moralité, lorsqu’on cesse d’être commissaire d’arrondissement, par exemple ? Cruelle et imprudente censure qui retombe de tout son poids sur ceux qui les font !

Rappelez-vous, messieurs, que l’honorable auteur de la proposition veut bien que les gouverneurs et les commissaires d’arrondissement qui ont fait partie de l’une ou de l’autre chambre, avant la présente année, puissent continuer à y siéger, à y être réélus sans exception ni restriction ; mais cette exception, proposée par M. Dumortier lui-même, ne détruit-elle pas complètement la proposition d’exclusion, ou, pour parler plus exactement, la condition nouvelle d’éligibilité qu’il cherche à introduire à leur égard ? Où donc puise-t-on les motifs d’exclusion si l’on accepte le passé comme devant commander l’exception proposée ? L’auteur de la proposition a certes été dominé par cette pensée qui nous est commune, que les fonctionnaires dont il s’agit, ont souvent donné au pays des preuves non équivoques d’une honorable indépendance, prennent souvent une part fort utile aux différents travaux législatifs.

Messieurs, ces hommes qu’on attaque, si, en dehors de cette chambre, ils occupent une position révocable, savent vous montrer, non pas par des paroles seulement, qu’en eux il est des qualités pour lesquelles ils ne le cèdent en rien à leurs honorables adversaires. Une conscience inamovible, l’indépendance de caractère, voilà le point essentiel, voilà la véritable garantie ; et croyez-moi, cette conscience on ne l’abdique point en acceptant, même sous la condition de révocation, la mission de protéger l’ordre et de concourir à l’exécution des lois du peuple belge.

Vous parlez d’indépendance ! Mais ceux qui n’occupent point de fonctions publiques sont-ils dont par ce seul fait plus indépendants que ceux qui occupent ces fonctions ? Ceux qui convoitent les places, les faveurs, seraient-ils plus indépendants, offriraient-ils plus de garantie que ceux qui ont fait l’expérience du fardeau et de la responsabilité qu’entraîne toujours l’exercice de toute autorité ? Si telle était votre pensée, détrompez-vous, les garanties d’indépendance ne sont pas où vous croyez les voir. C’est pour ces motifs que je voterai contre la prise en considération de la proposition de M. Dumortier.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je demanderai qu’on mette fin à ce débat. Ainsi que la chambre le fait toujours en semblable occasion, je propose que, sans rien préjuger, l’assemblée vote la prise en considération de la proposition de M. Dumortier, et qu’elle en ordonne ensuite le renvoi aux sections, qui examineront s’il y a lieu de l’étendre ou de la restreindre, de l’adopter ou de la rejeter.

M. de Brouckere. - Messieurs, j’appuie la proposition de M. le ministre des finances.

Lorsque j’ai demandé la parole, j’avais particulièrement en vue de faire voir que la plupart des observations faites par l’honorable M. Pollénus concernant le fond de la question.

Messieurs, il n’y a véritablement qu’un seul motif dont la chambre doive s’occuper à l’occasion de la prise en considération. Car si dans la proposition de M. Dumortier, il y avait une inconstitutionnalité, il est évident qu’on devrait décider qu’il n’y a pas lieu de la prendre en considération ; mais du moment que l’on prouve qu’elle n’est pas inconstitutionnelle, c’en est assez pour que la chambre la prenne en considération, et surtout si la chambre se rappelle que la proposition primitive n’a été rejetée qu’à une faible majorité.

Or, je vais prouver en deux mots que la proposition n’est pas inconstitutionnelle.

On s’est appuyé, pour soutenir l’opinion contraire, sur l’art. 50 de la constitution. Cet article nous dit quelles sont les conditions nécessaires pour être éligible à la chambre des représentants. Le dernier paragraphe porte : « Aucune autre condition d’éligibilité ne peut être réclamée. »

Eh bien, messieurs, j’en appelle à tout homme de bonne foi, la proposition de M. Dumortier a-t-elle pour objet d’exiger une condition d’éligibilité ? En aucune manière. Si la chambre adopte la proposition de M. Dumortier, tous les Belges qui réuniront les conditions voulues par l’art. 50 de la constitution seront éligibles ; seulement, s’ils acceptent le mandat de député, ils devront résigner les fonctions de gouverneur ou de commissaire de district, en cas qu’ils occupent de semblables fonctions. Vous voyez donc bien que la proposition n’est pas inconstitutionnelle.

Ce raisonnement me paraît bien clair ; et je crois qu’on peut difficilement le réfuter. Mais s’il ne suffisait pas pour convaincre l’honorable préopinant, je lui rappellerai que la chambre elle-même, à une immense majorité, si pas à l’unanimité, s’est déjà décidée contre son opinion. En effet, dans la loi de 1832 sur l’organisation judiciaire, il a été décidé qu’il y avait incompatibilité entre les fonctions de membre de la cour de cassation, et celles de membres de la chambre des représentants. Eh bien, lorsqu’on a discuté cet article, un honorable membre qui est aujourd’hui membre de la cour de cassation s’est levé pour soumettre à la chambre un dote résultant de l’art. 50 de la constitution. On lui a répondu à peu près dans le sens des observations que je viens de faire à l’honorable préopinant ; et comme je l’ai déjà dit, la chambre presque entière s’est levée pour donner gain de cause au système que je défends.

Je pourrais encore rappeler ce qui s’est passé relativement à la cour des comptes en 1830. On savait bien alors quel était l’esprit de la constitution. Eh bien, en 1830, on n’a pas hésité à déclarer que les membres de la cour des comptes ne pouvaient pas être membres de l’une des deux chambres.

Ainsi il n’y a rien d’inconstitutionnel dans la proposition de M. Dumortier qui ne veut consacrer qu’une incompatibilité de plus et c’est à cette seule considération que je m’attache, parce que toutes les autres concernent le fond de la question. (Aux voix ! aux voix !)

M. Pollénus. - Messieurs, je demande à faire une simple observation, pour démontrer que l’opinion que j’ai défendue, relativement à l’art. 50 de la constitution, n’a pas été condamné, comme le prétend M. de Brouckere, par deux décisions unanimes de la chambre.

J’ai admis, dans les explications que j’ai données tout à l’heure que certaines incompatibilités pouvaient résulter de la nature de telles ou telles fonctions. Et sur quel motif s’est-on fondé, lorsque la chambre a décidé que les membres de la cour de cassation et ceux de la cour des comptes ne pouvaient pas faire partie de la chambre ? On a cru devoir exclure les membres de la cour des comptes, parce que la chambre était en quelque sorte juge des actes de la cour des comptes. Les membres de la cour de cassation n’ont pu non plus faire partie de la chambre, parce qu’en vertu de la constitution la cour de cassation juge les ministres que la chambre met en accusation. Un membre de la cour de cassation qui serait en même temps membre de la chambre, serait en pareil cas juge et partie ; ce qui est contraire aux principes.

La chambre a donc eu grand raison d’admettre ces deux incompatibilités qui dérivent de la nature des choses ; mais cette double décision de la législature n’est pas contraire, comme le prétend l’honorable préopinant, à l’opinion que j’ai défendue. (Aux voix ! aux voix !)

- La chambre vote la prise en considération de la proposition de M. Dumortier.

M. le président. - Désire-t-on le renvoi de la proposition aux sections ou à une commission ?

M. Dumortier. - Messieurs, il est indispensable que ma proposition soit renvoyée à une commission. Car si la chambre en ordonnait le renvoi aux sections, il est manifeste que la loi ne pourrait pas être mise à exécution au 1er juin prochain. Il est de toute nécessité de faire examiner le projet par une commission qui serait chargée de faire un rapport dans le plus bref délai. La question, au reste, n’est pas nouvelle, et a déjà subi l’épreuve d’une longue discussion.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, la proposition est trop importante pour être simplement renvoyée à une commission. Il est à désirer que la chambre soit mise à même d’émettre son avis dans les sections. Quant au motif d’urgence qu’invoque M. Dumortier, il est nul, puisque l’honorable membre fait remontrer sa proposition au premier janvier 1837…

Des voix. - Vous vous trompez, c’est au 1er juin.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - C’est vrai. Ma dernière observation est sans objet.

M. Pollénus. - Aux motifs qui viennent d’être développés par M. le ministre de l'intérieur, j’ajouterai qu’il n’y a qu’un instant que la chambre a renvoyé aux sections une proposition qui ne concernait guère que quelques cantons électoraux du district de Nivelles. Je vous le demande, la proposition de M. Dumortier n’a-t-elle pas une autre portée que celle de M. Gendebien ? Et pourquoi on voudrait renvoyer la première à une commission, tandis que l’autre a été renvoyée aux sections.

M. Dumortier. - Ma proposition est toute simple.

M. Pollénus. - Il n’en est pas moins vrai qu’elle est beaucoup plus grave que celle qui a été renvoyée tout à l’heure aux sections. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président consulte l’assemblée sur la question de savoir si la proposition sera renvoyée à une commission ou aux sections.

- Une double épreuve par assis et levé est douteuse ; il est en conséquence procédé à l’appel nominal.

En voici le résultat :

Nombre des votants, 80

Oui, 39

Non, 41.

En conséquence, la proposition sera renvoyée à une commission.

Ont répondu oui : MM. Beerenbroeck, Bekaert, Coghen, Coppieters Cornez de Grez, de Behr, de Jaegher, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Donny, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Hye-Hoys, Lardinois, Mast de Vries, Milcamps, Polfvliet, Pollénus, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Ullens, Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq et Raikem.

Ont répondu non. - MM. Andries, Berger, Corneli, Dams, de Brouckere, Dechamps, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Puydt, Desmaisières, Desmet, Doignon, Dolez, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Frison, Gendebien, Heptia, Jadot, Keppenne, Kervyn, Lehoye, Liedts, Manilius, Meeus, Morel-Danheel, Pirmez, Raymaeckers, A. Rodenbach, Seron, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Troye, Vandenbossche, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Watlet et Zoude.

M. le président. - Par qui veut-on que la commission soit nommée ? par la chambre, par les sections ou par le bureau ?

M. de Brouckere. - Je crois rendre un service au bureau en proposant que la commission soit nommée par la chambre ou par les sections. C’est une question extrêmement délicate dans laquelle beaucoup de personnes ont déjà exprimé leur opinion, de telle manière que si la commission était nommée par le bureau, elle serait l’expression de son opinion et non de l’opinion de la chambre. Je crois rendre service en le déchargeant du soin de nommer cette commission.

M. le président. - Le bureau ne demande pas mieux.

M. de Brouckere. - J’en étais persuadé. Je demande donc que la commission soit nommée par la chambre.

Une commission comme celle-là doit être nommée par la chambre elle-même.

Un membre. - Il faut la faire nommer par les sections.

M. Dolez. - Je demande la parole pour faire une observation bien simple. C’est que la nomination de la commission par les sections irait contre la décision que la chambre vient de prendre. La chambre vient d’ordonner le renvoi à une commission, pour éviter les lenteurs des sections ; si vous faites nommer la commission par les sections, vous retombez dans les lenteurs que vous vouliez éviter ; vous anéantiriez ainsi par une décision ultérieure une décision précédente. Je crois qu’il n’y a pas d’autre moyen de constituer la commission que de la faire nommer par la chambre.

- La chambre décide que la commission sera composée de sept membres et nommée par elle-même.

M. le président. - Sera-ce à la majorité absolue ou à la majorité relative ?

Quelques membres. - A la majorité relative !

M. Devaux. - La décision que vient de prendre la chambre prouve qu’elle attache à la proposition une très grande importance. Le premier vote sur le renvoi à une commission le prouve également. Par conséquent je crois que la chambre doit nommer la commission à la majorité absolue, parce que la majorité relative ne signifie rien. Autant vaudrait s’en remettre au hasard, tirer la commission au sort, que de la nommer à la majorité relative. Si vous voulez une commission qui représente l’opinion de la chambre, il faut qu’elle soit nommée à la majorité absolue : sans cela il valait mieux la nomination par les sections ; elle aurait représenté quelque chose.

La majorité relative, c’est l’effet du hasard qui réunit quelques voix sur quelque têtes.

- La chambre décide que la commission sera nommée à la majorité absolue.

On procède au scrutin pour cette nomination.

En voici le résultat :

Nombre des votants : 80.

Majorité absolue, 41.

M. Devaux a obtenu 38 suffrages.

M. Fallon 37.

M. de Brouckere 35.

M. Gendebien 31.

M. Milcamps 30.

M. Dubus (aîné) 29.

M. Mast de Vries 23.

M. Raikem 22.

M. Verdussen 22.

M. Dumortier 21.

M. de Behr 20.

Aucun membre n’ayant obtenu la majorité on procède à un second tout de scrutin. En voici le résultat :

Nombre des votants : 75.

Majorité absolue, 38.

M. Fallon a obtenu 56 suffrages.

M. Raikem 43.

M. de Brouckere 43.

M. Devaux 42.

M. Dubus (aîné) 37.

M. Milcamps 35.

M. Gendebien 34.

M. Mast de Vries 33.

M. Verdussen 29.

M. Dumortier 28.

En conséquence, MM. Fallon, Raikem, de Brouckere et Devaux sont proclamés membres de la commission.

Un scrutin de ballottage est ouvert entre MM. Dubus (aîné), Milcamps, Gendebien, Mast de Vries, Verdussen et Dumortier, qui ont obtenu le plus grand nombre de voix, après ceux qui ont réuni la majorité absolue.

Le nombre des votants est de 65.

D’après le dépouillement de ce troisième scrutin, MM. Dubus (aîné), Gendebien, Mast de Vries sont proclamés membres de la commission ; laquelle est par conséquent composée de MM. Fallon, de Brouckere, Devaux, Raikem, Dubus (aîné), Gendebien et Mast de Vries.

La séance est levée à 5 heures.