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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 9 février 1837

(Moniteur belge n°41, du 10 février 1837 et Moniteur belge n°42, du 11 février 1837)

(Moniteur belge n°41, du 10 février 1837)

(Présidence de M. Fallon., vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi un quart.

M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.

« Les élèves de l’école vétérinaire de Liége adressent des observations sur le projet de loi relatif à l’école vétérinaire, présenté par M. le ministre de l’intérieur. »


« Le conseil communal et le bureau de bienfaisance de Boussu (Hainaut) adressent des observations en faveur des réclamations des fabricants de sucre indigène. »


« Le sieur Vreucop adresse des observations sur le projet de loi relatif à l’instruction primaire. »


« Les raffineurs de sucre de Gand réclament contre le mémoire adressé à la chambre par les fabricants de sucre de betteraves. »


- Ces diverses pétitions sont renvoyées aux sections centrales chargées de l’examen des projets de loi auxquels elles ont trait. La pétition des élèves de l’école vétérinaire de Liége et celle du sieur Vreucop resteront déposées sur le bureau pendant la discussion du budget de l’intérieur.


MM. Raikem, de Meer de Moorsel et Jadot informent la chambre que l’état de leur santé ne leur permet pas d’assister à la séance.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1837

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. – Instruction publique

Article 7

M. le président. - La chambre a à statuer sur l’art. 7 du chap. IV :

« Art. 7. Instruction primaire : fr. 255,000. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Le motif pour lequel l’honorable M. Devaux a demandé hier que l’on ajournât cet article, est qu’il était à sa connaissance que la régence de Bruges réclame une majoration de 4.900 fr. en faveur de ses écoles primaires.

Je regrette, ayant été obligé d’assister à un conseil, de n’avoir pu examiner cette demande en détail.

La ville de Bruges n’a pas une industrie et un commerce proportionnés à sa population. Il en résulte que l’octroi n’est pas pour cette ville une ressource aussi considérable que pour les villes de même importance. Une autre conséquence de cet état de choses, c’est que la classe indigente est également plus nombreuse que dans d’autres villes.

En outre on a fait observer que plusieurs villes, telles que Gand, Bruxelles et Liège jouissent, du chef de divers établissements publics, de subsides plus considérables que Bruges.

Tels sont les principaux motifs que l’on a fait valoir. De manière que la ville de Bruges est dans l’impuissance d’améliorer la situation de ses écoles gardiennes, qui sont au nombre de deux.

Cette ville a également deux écoles primaires et chacun de ces établissements n’a qu’un instituteur.

Maintenant vous apprécierez si, dans ces circonstances, il y a lieu d’accorder la majoration demandée. Ce subside serait accordé à la charge d’introduire, s’il y a lieu, des améliorations dans l’administration des écoles gardiennes.

M. Dumortier. - Je ne crois pas qu’il y ait nécessité d’adopter la proposition de M. le ministre de l’intérieur.

Si la régence de Bruges veut avoir des écoles gardiennes comme en ont les autres régences, qu’elle prenne à son propre budget les sommes nécessaires à ces établissements, ou que son bureau de bienfaisance y pourvoie.

Si vous accédez à la demande de l’administration communale de Bruges, vous aurez des demandes du même genre de la part de toutes les administrations communales, et force vous sera de les accueillir favorablement. Car ce que vous aurez fait pour une, il faudra, en bonne justice, le faire pour toutes. Or, comme le budget n’y suffirait pas, je n’ai pas besoin de vous présenter d’autre considération pour vous faire voir la nécessité de rejeter l’augmentation demandée.

Je vois l’honorable député de Bruges qui se lève. Je suis persuadé qu’il va nous dire d’excellentes choses. Il aura cependant de la peine à me convaincre.

M. Devaux. - L’honorable préopinant comprend mal ce dont il s’agit. Il croit qu’il s’agit d’un système nouveau. Il n’y a rien de semblable. M. le ministre de l’intérieur demande une augmentation de 5,000 fr. à la somme de 255,000 fr., qu’il avait demandée pour l’instruction primaire. Mais vous n’allouez rien à la ville de Bruges. Le gouvernement repartit les fonds suivant les besoins de chaque localité.

Il y a deux ans l’honorable M. d’Hoffschmidt a représenté les grands besoins du Luxembourg, et la chambre a majoré le crédit sans rien allouer spécialement à aucune commune du Luxembourg.

Je vous ferai voir en peu de mots la situation toute particulière de la ville de Bruges comparativement aux autres villes.

Sa population est de 43,000 habitants. Le nombre de ses pauvres est de plus de 16,000. Vous sentez que chez ces 16,000 individus il y a un grand besoin d’instruction gratuite. On évalue au quart de la population totale le nombre des enfants en âge de fréquenter les écoles ; donc 4,000 enfants pauvres.

Si vous ajoutez à cela les petits ouvriers qui, sans être des indigents proprement dits, n’ont pas le moyen d’instruire leurs enfants, vous aurez un nombre de 7,000 enfants auxquels l’instruction doit être donnée gratuitement. Il est impossible que la ville de Bruges, avec ses ressources, puisse satisfaire à de pareils besoins. Elle subsidie plusieurs établissements d’instruction primaire. Dans un de ces établissements un seul homme dirige plus de 500 enfants. On n’a pu lui accorder un adjoint. Il en résulte que cet homme est maintenant abîmé. En effet, à diriger seul l’instruction de 500 enfants, il est impossible de ne pas se perdre la poitrine.

Bruges est dans une position tout à fait exceptionnelle. C’est une ville d’une grande étendue, reste d’une ancienne splendeur commerciale. Mais une chose lui manque : l’industrie et le commerce. Il résulte de là que, si à Bruges il y a bien de grands propriétaires et beaucoup de pauvres, il n’y a pas de classe moyenne, ce qui fait la ressource d’une ville.

La comparaison des revenus de la ville de Bruges avec les revenus des autres villes, dont elle se rapproche le plus par son importance, fait ressortir d’énormes différences. La ville de Bruges est la cinquième du royaume, elle n’a que 450,000 francs de revenus ordinaires. Je ne parle pas des revenus extraordinaires. La différence serait plus sensible. Mais la comparaison ne serait pas aussi sûre.

Eh bien, les quatre autres grandes villes ont les revenus suivants :

Liège, dont la population est d’un tiers supérieure de celle de Bruges, a eu l’année dernière 800,000 fr. de revenus ordinaires. Cette année son revenu sera de plus de 900,000 fr.

Gand a 1,300,000 fr. de revenu ordinaire. Ainsi sa population est double de celle de Bruges ; son revenu triple.

Anvers, dont la population est également double de celle de Bruges, a 1,400,000 fr. de revenu ordinaire.

Je ne parle pas de Bruxelles qui est dans une position particulière.

Vous voyez que la position de Bruges ne peut être comparée à celle d’aucune autre ville.

On dit qu’il faut que le bureau de bienfaisance de Bruges pourvoie à la dépense de ses établissements d’instruction primaire (car ce ne sont pas, comme on l’a dit, des écoles gardiennes). Mais je ferai remarquer que le bureau de bienfaisance est à la charge de la ville chaque année pour 50,000 fr. L’an prochain les besoins qui sont déjà connus seront de 55,000 fr.

Vous voyez, messieurs, quelle est la position exceptionnelle de cette ville ; si j’avais besoin de la constater par des détails, ma tâche ne serait pas difficile. Tandis que Bruges est forcée de consacrer à son bureau de bienfaisance sur ses modiques sources 87 francs par 1,000 de revenus ordinaires, Gond n’a consacré que 59 ; Bruxelles 8 ; Liége rien. Ceci vous montre quelle distance il y a de l’une de ces villes à l’autre.

Les dépôts de mendicité coûtent énormément à Bruges, à cause du grand nombre de pauvres : Liége ne paie de chef que 9 francs par 1,000 de revenus ordinaires ; Anvers 27 : Bruges paie jusqu’à 45 pour le même objet.

De la situation de la ville de Bruges, il résulte que toutes les dépenses nécessaires y sont extrêmement restreintes. On dit que relativement à l’instruction moyenne, un bon collège coûte ordinairement 30 à 40,000 francs ; Bruges ne peut y dépenser que 15,000 fr., y compris les minervales et un subside de l’Etat. Si vous comparez maintenant les subsides que reçoivent les autres grandes villes à ceux que reçoit la ville de Bruges, vous verrez qu’il n’y a pas l’ombre de proportion avec les besoins respectifs.

Car ce dont il s’agit n’est pas une nouveauté, et vous savez que les villes reçoivent des subsides pour leurs écoles. Voici ce que reçoivent les quatre autres grandes villes du pays :

Anvers, ville qui, je le répète, a près de un million et demi de revenu, et une population qui n’est pas double de celle de Bruges, reçoit du gouvernement 2,100 fr. pour l’instruction primaire.

Liège, dont la population n’est pas d’un tiers plus grande que celle de Bruges, et dont le revenu est à peu près double de celle de Bruges, si je ne me trompe, reçoit du gouvernement 2,100 fr. pour l’instruction primaire ; je ne suis pas bien sûr du chiffre.

Le gouvernement donne à Gand 10,000 fr. pour l’instruction des ouvriers ; c’est une ville encore plus riche que Liége.

Le gouvernement paie 6 à 7,000 fr. à la ville de Bruxelles pour l’instruction primaire.

Ainsi toutes ces villes reçoivent, proportion gardée des besoins, beaucoup plus que ce que réclame la ville de Bruges.

Mais si la ville de Bruges ne reçoit rien pour l’instruction primaire, reçoit-elle plus que les autres villes pour l’instruction élevée ? Non, il n’y a pas compensation dans ce que le gouvernement accorde pour les autres branches de l’industrie.

Par exemple, on accorde à Bruxelles, pour l’athénée, 25,000 fr., et 60,000 francs pour l’école vétérinaire.

Liége reçoit 6,000 francs pour son collège ; et si on y ajoute ce qu’elle reçoit pour son université, c’est une dépense de 300,000 francs.

A Gand, il y a aussi une université.

Bruges reçoit pour son collège 6,000 francs.

Voulez-vous passer en revue l’enseignement des arts, voici ce que le gouvernement donne pour les académies de peinture et de musique ou pour les conservatoires :

A Anvers, 15,900 fr.

A Gand, 4,000 fr.

A Liége, 18,000 fr.

A Bruxelles, 22,000 fr.

A Bruges, 4,200 fr.

Ainsi, vous voyez que de toutes les manières Bruges se trouve au plus bas degré de l’échelle quant au chiffre du subside, et au plus élevé quant à celui de ses besoins.

Au reste, ce n’est qu’un crédit que le gouvernement demande ; il jugera lui-même encore la convenance de son application. J’ai voulu prouver seulement que la demande était loin d’être exagérée, si on la compare aux besoins existants.

M. Dumortier. - Il me semble que le préopinant a justement dit tout ce qu’il fallait pour repousser sa demande. Il a dit que la ville de Bruges n’avait pour revenu ordinaire que 450 mille francs ; et il a comparé ce revenu à celui des autres grandes villes du royaume : qu’est-ce que cela prouve ? c’est que la ville de Bruges n’a pas suffisamment élevé ses impôts municipaux ; mais qu’elle fasse comme on a fait à Liège, à Anvers, à Bruxelles ; et elle pourra subvenir à ses besoins, et subsidier ses écoles gardiennes. Si tous nous voulions prêcher pour notre cloche, nous pourrions grever le trésor qui l’est déjà beaucoup trop.

L’honorable membre a pris pour terme de comparaison les quatre plus grandes villes du royaume ; je prendrai pour terme de comparaison la ville de Tournay, la sixième ville du pays.

Tournay n’a que 30,000 habitants, peut-être que 25,000 ; cependant elle compte autant de pauvres qu’à Bruges, c’est-à-dire 17,000 pauvres. Ainsi à Tournay les pauvres forment plus des trois cinquièmes de la population, et à Bruges ils n’en forment que le tiers ; cependant Tournay ne demande pas de subsides. A Bruges, dit-on, il y a deux écoles primaires suivies chacune par 500 élèves ; il y a de même à Tournay un professeur pour 600 élèves, dans une école lancastrienne.

Les revenus à Tournay sont de 400 mille fr., et tous ces revenus sont pris sur les impôts mais si nous avions établi ces impôts communaux proportionnellement à ceux de la ville de Bruges, Tournay n’aurait que 300,000 fr. à peu près. Si Tournay a des revenus plus élevés, c’est parce qu’elle perçoit davantage d’impôts ; que Bruges fasse comme Tournay, et elle aura de quoi fournir à ses besoins.

A Bruges vous avez une académie de peinture et de dessin, et vous recevez 4,000 fr. du gouvernement pour cet objet ; eh bien, nous avons aussi à Tournay une académie de dessin et de peinture, et le gouvernement ne lui donne rien ; cependant l’académie de Tournay a fourni des élèves qui sont la gloire de la Belgique ; Gallais est un élève de Tournay, et beaucoup d’autres ; ainsi nous fournissons des artistes et nous ne demandons rien du gouvernement ; il y a plus, nous ne demandons rien. Voilà un exemple que nous vous proposons.

On a cité des villes qui ont un conservatoire de musique ; à Tournay, il y a un semblable établissement, et nous ne recevons rien encore pour cet objet ; notre conservatoire a aussi produit des élèves remarquables : Dubois qui a reçu le prix de violon, à Liége, sort de notre conservatoire. Ainsi nous formons des élèves distingués sans rien demander.

Je ne crois pas en effet que les administrations communales doivent rien demander au gouvernement. Toutes les villes doivent faire comme à Tournay ; là on s’est cotisé ; cotisez-vous de la même manière. Ce n’est pas dans un moment où le trésor se couvre pas ses dépenses, où nous n’établissons pas la balance entre nos recettes et nos besoins que nous devons demander pour nos clochers ; c’est à peine si, dans les temps de prospérité, on peut demander pour son cocher, faites comme nous ; faites des sacrifices pour subvenir à vos besoins.

M. Pollénus. - Je crois qu’il serait dangereux d’admettre des demandes improvisées pour les écoles gardiennes des communes. S’il y a nécessité d’accorder des subsides à la ville de Bruges, le ministre les lui accordera sur le chapitre dont nous nous occupons. Cette année les conseils provinciaux ont alloué des sommes plus considérables que les années précédentes pour les écoles gardiennes, ainsi le gouvernement n’aura pas besoin de donner des sommes aussi fortes que par le passé. Si des besoins extraordinaires se sont révélés dans la ville de Bruges, le ministre y fera facilement face.

Je crois que généralement il serait inconvenant de rien donner aux localités. Les autres années vous savez combien de demandes successives vous ont été faites pour des communes ; ces demandes se renouvelleront si vous en accueillez une seule.

Quant à moi, si j’avais prévu que des demandes semblables fussent accordées, j’en aurait fait une pour la province du Limbourg qui a été privée de son athénée, lequel était à Maestricht. Ni Tongres, ni Ruremonde n’ont rien obtenu pour augmenter leurs collèges, et rien ne remplace l’athénée. Mais, messieurs, ajournons toutes les demandes de cette nature ; nous sommes à la veille de voter une loi sur l’enseignement primaire ; attendons cette loi avant de rien modifier. Je le répète, si la ville de Bruges a des besoins extraordinaires le gouvernement aura le moyen d’y pourvoir. Je persiste à penser qu’il serait dangereux et inconvenant d’accorder l’allocation.

M. Devaux. - Il ne s’agit pas, messieurs, pour la chambre d’allouer un subside à une localité spéciale ; le gouvernement pense qu’il y a lieu de majorer un article du budget ; on a pu dire les motifs qui militent en faveur de cette majoration, mais, je le répète, dans aucun cas il ne peut être question pour la chambre d’allouer un subside pour une localité spéciale. C’est là l’affaire de l’administration.

L’argumentation de M. Dumortier se réduit à ceci : « Vous êtes pauvres, nous sommes riches ; faites comme nous. »

M. Dumortier. - Nous sommes riches par nos impôts !

M. Devaux. - Mais les mêmes impôts n’offrent pas les mêmes produits quand une population a peu de ressources que quand elle est riche. Voulez-vous apprécier ces ressources ? le moyen est bien simple. Comparez les produits des 7 centimes additionnels que différentes villes perçoivent sur les contributions personnelle et foncière ; eh bien, messieurs, ces 7 centimes additionnels produisent :

Pour Bruxelles, fr. 105,000.

Pour Gand, fr. 47,000

Pour Anvers, fr. 60,000

Pour Liège, fr. 29,000

Pour Bruges, fr. 14,900

C’est-à-dire que la contribution personnelle et foncière rapporte à la ville de Bruxelles 1 fr. 5 c. par habitant, à Gand 54 centimes, à Anvers, 81, à Liége 49, tandis qu’elle ne produit à Bruges que 32 centimes par habitant.

Voilà, messieurs, une démonstration bien claire que ce ne sont pas les impôts, mais la matière imposable qui fait défaut à Bruges.

La ville de Tournay, dit l’honorable préopinant a une académie de peinture, un conservatoire ; eh bien, messieurs, Bruges ne peut rien faire de tout cela ; l’académie de peinture de Bruges est une institution particulière, et cette ville n’a ni conservatoire ni école de musique.

La ville de Bruges, messieurs, se trouve dans une positon spéciale en ce qu’elle ne supporte pas seulement des charges proportionnées à sa population actuelle, qui est de 43,000 habitants, mais des charges proportionnées à son ancienne population ; la ville est assez étendue pour contenir 100 mille habitants : il résulte de là des charges beaucoup plus fortes que celles qu’elle aurait à supporter si son étendue était proportionnée à sa population.

Il me semble, messieurs, que ces motifs suffisent pour vous déterminer à mettre le gouvernement à même d’allouer à la ville de Bruges un subside en faveur de ses écoles primaires où, faute de ressources, les enfants sont maintenus pour ainsi dire entassés dans des locaux malsains ; où rien n’est suffisant. Mais je le répète il ne s’agit pas de voter un crédit spécialement pour la ville de Bruges ; il est seulement question d’accorder au gouvernement, comme on le fait tous les ans, la faculté d’allouer un subside à telle ou telle ville, lorsqu’il le jugera convenable.

M. Dumortier. - Messieurs, l’honorable préopinant me fait dire tout le contraire de ce que j’ai dit ; il prétend que mes observations se réduisent à ceci : « Nous sommes riches, vous êtes pauvres, faites comme nous ! » Ce n’est point du tout là ce que j’ai dit ; j’ai dit, messieurs : « La ville de Tournay a établi des impôts très onéreux, des charges très fortes, et par ce moyen elle pourvoit à tous ses besoins sans venir demander des subsides au gouvernement ; faites comme nous, établissez des impôts suffisants pour couvrir les dépenses que vous croyez devoir faire. » On dit : « Nous avons établi des impôts, mais les ressources nous manquent. » Il est manifeste, messieurs, que les habitants de Tournay paient deux fois plus d’impôts que les habitants de Bruges ; il est manifeste aussi que sur une population de 25,000 habitants nous avons 17,000 pauvres, tandis que Bruges n’en a que le même nombre sur une population de 43,000 habitants. Cela prouve suffisamment, ce me semble, que les ressources ne sont pas plus abondantes à Tournay qu’à Bruges.

Je le déclare donc, messieurs, si l’amendement est adopté, je demanderai aussi 5,000 fr. pour la ville de Tournay, et j’engagerai chacun de nous à en faire autant en faveur de sa localité, car si le trésor public est au pillage, il faut que tout le monde en profite.

- Le chiffre de 259,900 francs est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

Le chiffre primitif de 255,000 francs est ensuite mis aux voix et adopté.

Chapitre V. Cultes

Article 3

M. le président. - Dans la séance d’hier la chambre a ajourné à aujourd’hui l’article 3 du chapitre V allouant un crédit de 80,000 francs pour le culte protestant ; la discussion est ouverte sur cet article.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - J’ai demandé la parole, messieurs, pour donner quelques explications sur la réclamation qui nous a été adressée par le comité de direction du culte protestant dans la province de Limbourg. On sait, messieurs, que la pétition se fonde sur ce que, sous le gouvernement précédent, il existait une direction centrale du culte protestant, établie à Maestricht ; mais, messieurs, indépendamment de ce que le nombre des protestants a singulièrement diminué dans la province de Limbourg (si ma mémoire est fidèle, le chiffre ne s’en élève plus guère qu’à 1,200), la direction dont il s’agit a été supprimée de fait à l’époque de la révolution, par suite de l’occupation de la ville de Maestricht par les troupes hollandaises, et ceux qui réclament aujourd’hui la même position que l’ancienne direction ont obtenu leur titre du suffrage de quelques-uns des pasteurs du Limbourg, je pense même de la majorité de ces pasteurs ; mais ce qu’il y a de certain, c’est que tous n’ont pas voulu reconnaître la direction dont il s’agit ; ce qu’il y a de certain encore, c’est que dans les autres parties du royaume les pasteurs protestants ne reconnaissent point de direction ; ils correspondent directement avec les autorités provinciales pour ce qui concerne les affaires matérielles, et sous le rapport religieux ils ne reconnaissent l’autorité de personne.

M. Dumortier. - Ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur prouve qu’il n’y a pas lieu à voter le crédit ; si tout le culte protestant reconnaissait la direction dont il s’agit, il faudrait lui accorder un subside, mais puisque les protestants ne s’entendent pas eux-mêmes à cet égard, je crois qu’il convient de laisser les choses dans l’état où elles se trouvent. J’ai vu d’ailleurs des ministres protestants qui m’ont dit être très content de la situation où se trouve leur culte.

M. Pollénus. - Dans la séance d’hier j’ai demandé, messieurs, que la discussion de l’article qui nous occupe en ce moment fût remise à aujourd’hui afin de laisser au gouvernement le loisir d’examiner les motifs de la demande d’une augmentation de subside pour le culte protestant. Vous venez maintenant d’entendre M. le ministre de l'intérieur, qui vous apprend que la direction, en faveur de laquelle le subside est demandé, n’existe plus ; en admettant ce fait, il est évident que l’augmentation ne peut être accordée, et il faut reconnaître que la demande n’a pas été suffisamment justifiée ; si les réclamants avaient fourni des preuves à l’appui de leur demande, ce qu’ils n’ont pas fait, alors j’aurais invoqué en leur faveur ce qui s’est pratiqué depuis 1830, car la chambre a constamment montré qu’elle était animée des sentiments de tolérance et qu’elle ne voulait rien innover au détriment d’un culte quelconque ; mais puisque la demande n’est pas accompagnée d’une justification suffisante, et d’après ce que vient de nous dire M. le ministre de l'intérieur, je ne ferai aucune proposition.

M. le président. - Je mettrai d’abord aux voix le chiffre de 80,000 fr.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Le chiffre de 79,000 fr. est celui qui a été voté l’année dernière et que nous demandons également cette année ; nous n’avions pas de motifs pour demander une majoration ; c’est par une erreur d’impression qu’il a été mis 80,000 fr.

- Le chiffre de 79,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Articles 4 et 5

« Art. 4. Culte israélite : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Secours : fr. 60,000. »

- Adopté.

Chapitres VI et VII (pour mémoire)

M. le président. - Nous passons au chapitre VIII, les chapitres VI et VII étant transférées au budget du ministère des travaux publics.

Chapitre VIII. Subsides aux villes et communes

Article unique

« Article unique. Subsides aux villes et communes dont les ressources sont insuffisantes : fr. 20,000. »

M. Desmet. - Je demande la parole pour faire une simple observation. Ce n’est pas sans surprise que j’ai parcouru le tableau de la répartition qui a été faite du crédit alloué pour cet objet au budget de 1836.

Si l’on en excepte deux communes, Turnhout et Silenrieux, toutes les localités qui ont été comprises dans la répartition appartiennent au district de Bruxelles.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable préopinant est dans l’erreur ; je puis assurer que nous n’avons fait aucune acception de communes dans la répartition de la somme votée l’année dernière.

Il est très vrai que dans une circonstance toute particulière la ville de Bruxelles a obtenu un subside assez élevé ; mais les motifs en ont été expliqués. Il était vraiment déplorable de voir la rue Royale et le Parc dans un état de dégradation qui faisait honte à la capitale de la Belgique.

C’est pour faire cesser cet état de choses, que le gouvernement a pris le parti d’accorder le subside ; la ville a alloué le surplus, et tous les dégâts ont été immédiatement réparés.

M. Desmet. - Messieurs, je n’ai qu’à dire un mot. En faisant tout à l’heure mon observation, je n’ai nullement voulu inculper les intentions de M. le ministre de l'intérieur ; je n’ai voulu que constater un fait.

M. Dumortier. - Est-il réellement nécessaire de maintenir au budget une somme pour être affectée à des subsides en faveur de communes dont les ressources sont insuffisantes ? Je désirerais que M. le ministre de l’intérieur voulût bien nous donner une assurance à cet égard.

Vous vous rappellerez, messieurs, dans quelles circonstances nous avons voté pour la première fois une allocation de ce genre ; c’était à l’époque qui a suivi immédiatement la révolution. Plusieurs localités éprouvaient alors de grands besoins ; elles s’étaient imposé de très grands sacrifices pour donner de l’ouvrage à la classe pauvre. Aussi nous nous sommes empressés de notre côté de voter des crédits très considérables ; si mes souvenirs sont fidèles, nous avons alloué jusqu’à 300,000 florins.

Cet état de choses étant venu à cesser, il va sans dire que les secours doivent ainsi ne plus être accordés.

Dans l’état actuel de nos lois, lorsque la commune n’a pas assez de ressources pour subvenir ses dépenses, c’est à la province qu’elle doit s’adresser pour obtenir des subsides.

Je pense donc qu’il y a lieu de supprimer au budget l’allocation dont il s’agit.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, il est bien certain qu’aujourd’hui la nécessité de cette allocation est beaucoup diminuée : aussi le chiffre en est-il considérablement réduit.

Je rappellerai que dans les premières années qui ont suivi la révolution, la somme qui a été accordée de ce chef a été très considérable. J’ajouterai que plusieurs de ces subsides ne sont alloués qu’à titre d’avance, et à charge de remboursement dans un terme plus ou moins rapproché.

Mais je déclare qu’il m’est tout à fait impossible de constater dans le moment actuel la nécessité de l’emploi de l’allocation pendant l’année 1837, cela dépendra des cas particuliers qui se présenteront.

M. de Jaegher. - Messieurs, je crois que la chambré ne devrait pas rayer entièrement du budget l’allocation dont il s’agit. Des subsides ayant une destination très utile sont prélevés sur ce crédit ; une commune, par exemple, projette la construction d’un établissement pour les pauvres ; elle contribue dans la dépense pour une certaine partie la province et l’Etat se chargent du surplus.

M. Desmanet de Biesme. - J’appuie les observations de M. Dumortier.

Nous savons tous dans quelles circonstances le crédit dont la discussion nous occupe a été accordé pour la première fois ; circonstances tout à fait politiques et qui n’existent plus aujourd’hui.

Depuis la mise en vigueur de la loi communale, cet article doit être rayé du budget ; les dépenses pour lesquelles des subsides pourraient être accordés sur cet article, ont été déclarées dépenses communales.

Par suite l’allocation de ces subsides devient une affaire de faveur, et conséquemment de jalousie entre les communes.

Tous les ans, nous augmentons le budget de l’intérieur pour des choses que nous croyons nécessaires, mais je pense que l’allocation dont il s’agit n’est pas de cette catégorie, et qu’il y a lieu par conséquent de ne plus la porter au budget.

D’après ces considérations, je voterai contre le chiffre en discussion.

M. Verdussen. - Messieurs, je pense aussi que le crédit ne doit pas figurer au budget. Si une commune se trouve dans le cas de devoir recourir au gouvernement, le subside qu’on voudrait lui accorder devrait faire l’objet d’une proposition spéciale.

Au reste, je pense qu’il est beaucoup plus dans l’ordre que les communes dont les ressources sont insuffisantes s’adressent d’abord à la province ; si celle-ci n’a pas assez de moyens pour accorder le subside demandé, que l’Etat intervienne alors, je le veux bien ; mais je le répète, l’allocation doit toujours faire l’objet d’une disposition spéciale et particulière.

- Il est procédé au vote, par appel nominal, sur le chiffre de 20,000 fr.

53 membres prennent part au vote.

44 répondent non.

9 répondent oui.

En conséquence, le chiffre n’est pas adopté.

Ont répondu non : MM. Bekaert, Goblet, Brabant, Cornet de Grez, Dams, de Jaegher, de Puydt, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt, Dubois, Dubus (aîné), Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn, Mast de Vries, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Pollénus, Raymaeckers, A. Rodenbach, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, Verrue-Lafrancq, Van Hoobrouck, C. Vuylsteke, Watlet et Zoude.

Ont répondu oui : MM. de Longrée, de Muelenaere, de Nef, Dequesne, de Theux, Devaux, Milcamps et Smits.

Chapitres IX et X (pour mémoire)

A transférer au budget du département des travaux publics

Chapitre XI. Industrie, commerce, agriculture

Article premier

« Art. 1er. Encouragement à l’industrie et au commerce, frais de rédaction et de publication de la statistique industrielle et commerciale : fr. 220,000. »

M. de Muelenaere. - Messieurs, je demande la permission de vous entretenir un instant d’un objet qui me semble d’un intérêt assez majeur.

Mes observations ne se rattachent pas au chiffre du budget, mais elles ont rapport à une question industrielle et commerciale que je livre aux méditations de M. le ministre de l'intérieur.

Il est vrai, messieurs, que cette question aurait mieux trouvé sa place dans une discussion qui probablement se présentera bientôt ; mais peut-être alors serait-il trop tard ; et, à défaut de renseignements que ne peuvent être bien recueillis que par le gouvernement, la chambre se trouverait hors d’état de pouvoir apporter un remède au mal.

Il n’est pas dans mon intention de provoquer une discussion immédiate, je désire uniquement soumettre une demande à M. le ministre de l’intérieur.

Ceux qui s’occupent d’agriculture, et particulièrement les députés des Flandres, savent que la culture des graines oléagineuses constitue une des branches essentielles de notre richesse agricole.

Sous ce rapport, cette culture est digne de toute notre sollicitude, D’un autre côté, ces semences oléagineuses servent à la fabrication des huiles, et cette fabrication par son importance mérite également toute notre attention. De tout temps les graines oléagineuses ont trouvé en France un débouché facile. Je me rappelle que j’ai souvent entendu des plaintes amères de la part des fabricants d’huile contre l’exportation des graines oléagineuses à l’époque où le tarif français les frappait d’un droit d’entrée de 11 à 12 fr. par 100 kilog. Ces plaintes n’ont rien d’étrange. En effet, cette matière première ne sort du pays que pour y rentrer immédiatement après, sous une autre forme, au grand préjudice des fabriques indigènes, c’est-à-dire convertie en huiles et en tourteaux.

Si ces plaintes étaient déjà très vives, et non peut-être sans raison, à l’époque où, comme je viens de le dire, le tarif français frappait d’un droit assez élevé nos graines à l’entrée en France, combien ces plaintes ne doivent-elles pas être plus fortes, maintenant que la France, dans l’intérêt des fabriques qui s’érigent dans le département du Nord, vient de réduire le droit d’entrée de 11 fr. à un simple droit de balance de quelques centimes ou tout au plus d’un franc. Les renseignements me manquent pour me former une opinion raisonnée à cet égard ; mais je désirerais savoir s’il est vrai que la plupart de nos moulins à huile sont en souffrance par suite de la difficulté que les fabricants éprouvent à se procurer la matière première. Je désirerais savoir s’il est vrai qu’une grande partie du pays reçoit ses approvisionnements d’huile de l’étranger ; s’il est vrai que dans l’une des provinces les plus considérables du pays, où il se fait une grande consommation de tourteaux, les quatre cinquièmes de l’approvisionnement sont tirés de la France et de la Hollande.

Vous sentez que, si ces faits sont vrais, sont constatés, il est urgent au moyen de porter un remède au mal.

Deux moyens se présentent, vous les devinez ; mais à défaut de renseignements, je ne sais auquel je dois m’arrêter ; je ne sais pas même s’il ne faudra pas les combiner et les appliquer simultanément dans des proportions équitables.

Un malaise existe, et le malaise est assez grand ; les modifications apportées au tarit français vont accroître le mal. Ce mal, je le signale, et je me borne à demander à M. le ministre de l’intérieur si cette question a fixé son attention. Dans le cas contraire, je le prierai de s’entourer, le plus tôt possible, des lumières et des renseignements nécessaires pour que la chambre, en temps et lieu, puisse être mise à même de se prononcer sur les mesures qu’il convient d’adopter.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Les questions soulevées par l’honorable préopinant ont attiré notre attention. Du moment que nous avons connu qu’il existait des plaintes sur l’état de l’industrie de la fabrication des huiles, nous nous sommes empressés de recueillir des renseignements. Mais ces renseignements ne nous sont pas encore parvenus ; je ne serais pas à même de donner pour le moment tous les éclaircissements que la chambre pourrait désirer sur ces questions. Mais nous ne perdrons pas de vue cet objet, qui est d’un grand intérêt pour le pays.

M. A. Rodenbach. - Les faits signalés par l’honorable M. de Muelenaere sont constants. Dans la moitié de la Flandre occidentale et notamment dans l’arrondissement de Courtray, les fabricants d’huiles sont depuis plusieurs mois sans graines oléagineuses, parce que la France a diminué le droit d’entrée sur nos graines de 11 francs à un franc. Les Français ont accaparé toutes les graines oléagineuses ; nos moulins ne peuvent plus continuer à travailler. Plusieurs fabricants se sont adressés à moi pour se plaindre de cet état de choses et se proposent de pétitionner.

La France nous envoie ses huiles ainsi que les résidus ; c’est tout à fait un commerce du dupe que nous faisons, car nous laissons sortir nos graines oléagineuses sans droit et nous recevons les huiles françaises, tandis que la France prohibe les nôtres. Il est impossible que notre industrie se soutienne dans de pareilles circonstances.

L’augmentation qu’a éprouvée le charbon dans la moitié de la Flandre occidentale a été funeste à l’industrie de cette province ; il est urgent d’apporter sous ce rapport des modifications à notre tarif de douanes ; si le gouvernement ne nous faisait pas prochainement des propositions à cet égard, nous serions forcés d’user de notre droit d’initiative.

M. Desmet. - M. le ministre va prendre des renseignements sur l’article des graines de colza, mais il ne doit pas faire ces démarches, qui ne sont nullement nécessaires, car nous sommes amplement informés de tout ce que nous devons connaître à ce sujet. Nous connaissons les modifications que la France a faites à son tarif, et dans son intérêt elle a très bien fait, elle a parfaitement compris combien les moulins à huile sont importants, non seulement pour cette branche d’industrie en elle-même, mais pour l’agriculture même, qui ne peut se passer des tourteaux ou gâteaux d’huile, et elle a apprécié ce dont cette industrie avait besoin pour faire des progrès ; elle a laissé entier à peu près librement les graines oléagineuses, qui sont une matière première, et quoiqu’elles soient aussi un produit de son sol, elle n’a pas eu peur que cette libre entrée fasse tort à son agriculture ; elle savait qu’elle avait besoin de conserver les gâteaux comme engrais, et particulièrement pour la culture, aussi aucune plainte de la part des agriculteurs ne s’est soulevée contre la mesure prise pour rendre libre en France des graines de colza.

Je le répète encore, les modifications que la France a apportées à son tarif, n’ont eu pour objet que son propre intérêt. Elle a voulu favoriser ses tordoirs et rien de plus. Nous serions donc bien bons de modifier notre tarif dans l’intérêt de la France, quand de son côté elle n’a rien fait qui nous soit profitable ; on ne pourra me citer aucun objet. Il n’est pas nécessaire de prendre des renseignements pour se convaincre de cela ; c’est trop clair.

D’un autre côté, nous gênons de toute façon l’industrie de la fabrication des huiles ; ou fait payer une patente pour battre le colza, on en exige également une de celui qui écrase les tourteaux, puis de celui qui débite les tourteaux, et enfin de celui qui débite l’huile. Toutes ces tracasseries enlèvent à cette industrie tous ses bénéfices. Je le dis encore, on n’a besoin d’aucun renseignement pour se convaincre de l’état fâcheux de cette industrie ; tout le monde le connaît. Un grand nombre de pétitions vous ont été adressées à cet égard.

La France, en nous présentant comme une faveur la modification qu’elle a faite à son tarif par rapport à l’entrée des graines de colza, nous a fait un nouveau préjudice, mais cela ne doit pas étonner, c’est ainsi qu’elle en agit pour tous les articles de douane qu’elle a modifiés ; et ici je dois lui donner raison, et j’approuve fortement qu’elle ait travaillé dans son propre intérêt, mais aussi, de notre côté, soyons aussi prudents et adroits, travaillons aussi pour notre propre intérêt, et quand nous voyons que les Français sont et restent égoïstes à notre égard, usons de représailles ; mais que la France, écoutant ses véritables intérêts, négocie avec la Belgique, ouvre franchement ses portes à l’entrée de nos produits, nous recevions immédiatement les siens, et les deux pays y gagneront réellement ; que les Français et les Belges fassent ce que font les Allemands, et que les deux peuples ne soient pas unis seulement politiquement, mais aussi commercialement

Mais aussi, quand elle ne veut rien faire pour nous, quand elle ne nous donne rien, nous ne serons pas si maladroits, je l’espère, de lui donner quelque chose !

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois relever l’assertion de l’honorable préopinant, que la France, dans les modifications qu’elle a apportées à son tarif, n’aurait rien fait dans l’intérêt de la Belgique Les ordonnances de l’année dernière et la loi votée en France, ont accordé de grands avantages à la Belgique. Cette discussion serait prématurée, elle trouvera sa place lors que nous nous occuperons du projet de loi portant des modifications à notre tarif.

M. Dumortier. - Je remercie l’honorable député de Courtray des observations qu’il vient de soumettre à l’attention de la chambre. Nous ne devons pas regarder comme une concession la mesure par laquelle la France a réduit le droit d’entrée sur nos graines oléagineuses. Les huiles qui se consomment en Belgique, surtout dans les pays houillers, proviennent de graines cultivées dans notre pays ; ces huiles sont toutes fabriquées à l’étranger ; de sorte que l’étranger perçoit le bénéfice de la fabrication.

Ce que nous pourrions faire, ce serait d’établir un droit modéré et sage qui favorisât notre industrie. Il est de fait de l’état de nos fabriques d’huiles est très peu prospère ; je remercie, je le répète, l’honorable député de Courtray des observations qu’il a présentées. Elles porteront leurs fruits. La chambre, étant informée de l’état des choses, verra ce qu’elle doit faire ; elle prendra en considération les observations qui lui ont été présentées, s’occupera des modifications à apporter à notre tarif des douanes : cet objet est digne de toute notre sollicitude.

M. Smits. - J’ai demandé la parole pour faire remarquer que la réduction apportée par la France au droit d’entrée sur nos graines oléagineuses, n’a été pour rien dans les considérations qui nous ont déterminé à vous proposer de modifier notre tarif de douanes. Aussi n’en est-il pas parlé dans l’exposé des motifs du projet de loi qui vous est soumis.

Quant à la question soulevée par l’honorable M. de Muelenaere, une espèce d’enquête a été faite pour connaître l’état des choses et consulter tous les intérêts. Cette question est assez difficile à résoudre. D’un côté c’est l’agriculture qui demande la libre exportation de ses produits ; il est de son intérêt de chercher à les écouler ; d’un autre côté ce sont les fabricants d’huile qui demandent que la sortie des graines oléagineuses soit frappée de hauts droits ; en troisième lieu, vous avez l’agriculture qui demande que les tourteaux soient fortement imposés à la sortie et restent dans le pays ; et en quatrième lieu les fabricants demandent à pouvoir écouler leurs tourteaux. Voilà donc quatre intérêts opposés ; il faut trouver le point juste où ces diverses prétentions doivent s’arrêter, c’est ce que le gouvernement cherche.

J’ai voulu vous soumettre ces observations pour vous faire apprécier la difficulté que présente la solution des questions soulevées.

M. Dubus. - Ainsi qu’on vient de le faire remarquer, un autre intérêt que celui des fabricants d’huile se trouve en jeu dans cette question, c’est l’intérêt de l’agriculture. Pour les fabricants d’huile, les graines oléagineuses sont une matière première qu’il ne faut pas laisser sortir trop facilement, parce qu’ils en ont besoin, disent-ils, pour la fabriquer. Mais si la graine est pour eux une matière première, pour le cultivateur c’est un produit, c’est ce qu’il obtient par l’exercice de son industrie. Ainsi quant à lui, il est intéressé à ce que vous ne provoquiez pas une mesure dont le résultat serait d’avilir le prix de sa production.

En avilissant le prix des graines, vous frappez l’agriculture. Il me semble que plusieurs des raisons qu’on a fait valoir tendraient à obtenir l’avilissement des graines oléagineuses, afin que les fabricants d’huile pussent gagner plus d’argent. Mais ce ne serait là qu’un déplacement d’écus. Les fabricants d’huile gagneraient plus d’argent ; mais aux dépens de qui ? Aux dépens des agriculteurs. Il faut donc examiner la question sous ces deux faces. Il ne faut pas perdre de vue l’intérêt de l’agriculture.

Je conviens que nous devons tenir à ce qu’autant que faire se peut les huiles consommées en Belgique soient le résultat de la fabrication du pays, et que les Français ne viennent pas acheter nos graines et ensuite nous vendre leurs huiles.

Il y a des mesures par lesquelles on peut empêcher un pareil état de choses. La France prohibe nos huiles ; prohibons les huiles françaises, ou frappons-les d’un droit suffisant pour protéger la fabrication du pays. Mais gardons-nous de prendre une mesure qui porterait un coup funeste à notre agriculture.

On nous dit que la mesure prise par le gouvernement français à l’égard de nos graines est toute dans l’intérêt de la France et pas du tout dans l’intérêt de la Belgique ; le résultat a été que les Français sont venus faire rafle sur toutes nos graines et que nos fabricants en manquent. Ce résultat est affligeant. Je dois déclarer que je suis réellement surpris que nos fabricants n’aient pas le même intérêt que les fabricants français à se procurer des graines oléagineuses. S’ils ont le même intérêt, pourquoi se laissent-ils gagner de vitesse ? Si on me dit que les Français en offrent un prix plus élevé, comment se fait-il que payant la matière première plus cher, l’important en France pour la travailler et réimportant les produits chez nous, les fabricants français puissent lutter contre nos fabricants ? Il y a là quelque chose que j’ai peine à m’expliquer.

C’est une question qui mérite d’être mûrement examinée. J’engage M. le ministre à la considérer sous toutes ses faces et à ne pas perdre de vue l’intérêt de l’agriculture, qui paraît avoir échappé aux premiers orateurs qui ont pris la parole dans cette discussion.

M. A. Rodenbach. - Je pense que les honorables collègues qui ont parlé avant moi, n’ont pas perdu de vue l’intérêt de l’agriculture. Nous ne voulons en aucune façon sacrifier l’agriculture ; nous nous sommes montrés ses plus fermes soutiens dans toutes les circonstances, et nous en agirons encore de même aujourd’hui. Mais nous ne pouvons pas lui donner une faveur tellement grande que nous ruinions l’industrie, il faut un système qui concilie les intérêts de l’industrie et de l’agriculture. Nous ne pouvons pas accorder toute faveur à l’agriculture et faire chômer tous nos moulins.

C’est un fait constaté qu’ils sont obligés de chômer.

Je vais vous expliquer pourquoi les Français ont intérêt à accaparer nos graines. La France n’envoie pas en Belgique toutes les sortes d’huile qu’elle fabrique, mais seulement certaines sortes, et pour les autres elle a pour débouché la consommation de 32 millions tandis que nos fabricants n’ont qu’une consommation de quatre millions d’habitants. Les fabricants français ont donc un débouché huit fois plus fort . Ils peuvent payer plus cher la matière première parce qu’ils peuvent vendre l’huile beaucoup plus cher aux consommateurs.

Je ne demande pas qu’on prohibe les graines à la sortie, je me suis toujours prononcé contre la prohibition ; quand les Flandres ont demandé la prohibition de certains articles, j’ai voté contre leur demande. Je veux un tarif qui protégé en même temps l’agriculture et l’industrie. Je demande un droit suffisant pour remédier au mal, parce que le mal est certain, l’enquête le prouvera.

Comme on fabrique infiniment plus d’huile dans le département du Nord qu’en Belgique, et que nous manquons de tourteaux pour la culture du lin, nous sommes obligés d’en faire venir de France. De sorte que notre graine sort au préjudice de nos fabriques, et nous revient partie en huile, partie en tourteaux.

Si vous voulez anéantir nos fabriques, proclamez le principe de la liberté de commerce ; vous n’aurez plus de fabriques. Je ne pense pas que ce soit l’intention du gouvernement, d’anéantir l’industrie pour favoriser l’agriculture et le commerce.

M. de Muelenaere. - Mon intention, en présentant mes observations, n’était pas de provoquer la discussion qui s’agite en ce moment, mais seulement d’engager le gouvernement à s’entourer de renseignements, afin qu’on puisse, en temps et lieu, s’occuper utilement de la question que j’ai soulevée. Il n’était pas entre non plus dans ma pensée de provoquer l’avilissement du prix des graines oléagineuses. J’ai commencé par dire que la culture de ces graines constituait une des branches essentielles de notre richesse agricole, et que sous ce rapport cette culture méritait toute notre sollicitude.

Ce que je veux, je le répète, que le gouvernement se livre à l’examen sérieux de cette question, et qu’après avoir réuni tous les renseignements nécessaires, il propose des mesures de nature à concilier les intérêts de l’agriculture avec ce que réclame la fabrication des huiles et des tourteaux.

Autrefois, la Belgique expédiait en France une quantité considérable de tourteaux. Ces tourteaux sont indispensables non seulement à la culture de certains produits du sol, mais encore pour l’engraissage du bétail. Eh bien, qu’est-il arrivé ? Aujourd’hui, dans l’arrondissement de Courtray, si mes renseignements sont exacts, les cinq sixièmes de ce qu’on consomme en tourteaux sont tirés de la France et de la Hollande, tandis qu’autrefois la Belgique produisait non seulement tout ce dont elle avait besoin, mais en expédiait une quantité considérable en France.

Je le répète, il existe un malaise ; le mal se fait sentir vivement ; je n’indique pas le, moyen d’y porter remède, je l’ignore à défaut de renseignements ; j’engage le gouvernement à y réfléchir et à nous proposer les moyens qu’il croira les plus convenables ; la chambre adoptera ceux qui lui paraîtront devoir atteindre le but que nous nous proposons.

M. Pirmez. - On a signalé comme un mal la mesure prise par la France à l’égard de nos huiles. L’honorable M. Dubus vous a déjà fait voir qu’il n’en était pas ainsi. Je crois devoir ajouter quelques observations à celles qu’il a faites, afin de prémunir la chambre contre la manière dont on voudrait lui faire envisager les modifications que la France a apportées à son tarif. Pour moi, je les regarde comme un très grand bien. C’est l’enrichissement de la Belgique et surtout des Flandres que la réduction du droit sur les graisses oléagineuses à leur entrée en France. L’on a prétendu qu’en blâmant cette mesure on ne voulait pas faire diminuer le prix des graines. Cependant si nous établissons un droit à la sortie de ces graines, le débouché diminuant, le prix baissera, et quand vous aurez fait diminuer ce produit vous aurez appauvri considérablement les Flandres. M. Dubus vous a dit tout ce qu’on pouvait dire sur les conséquences fâcheuses qu’une pareille mesure aurait pour l’agriculture.

Il faut avouer que nos fabricants d’huile sont d’une extrême maladresse, si les Français viennent prendre nos graines pour aller fabriquer en France, et peuvent ensuite nous renvoyer cette huile à meilleur marché que nos producteurs. En vérité, il faut qu’ils soient bien maladroits !

Ce n’est pas le moment de traiter cette question. Quand en serons là, on prouvera que ceux qui condamnent les modifications apportées par la France à son tarif veulent l’appauvrissement de leur pays, et surtout des Flandres (Aux voix ! aux voix !)

- L’article premier est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Secours maritimes : fr. 40,000. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Pêche nationale : fr. 40,000. »

M. Smits. - Ces 40 mille francs sont destinés à encourager la pêche maritime. Depuis deux ans le gouvernements a présenté un projet de loi ayant pour but de régler la distribution des primes pour la pêche du cabillaud et du hareng mais jusqu’ici la législature n’a pas eu le temps de s’occuper de cette loi. Cependant la pêche souffre de cet état de choses.

Beaucoup de pécheurs émigrent. Je demanderai s’il ne serait pas convenable d’autoriser le gouvernement par un vote de confiance à distribuer cette allocation en primes, mais de la manière déterminée par le projet de loi qui vous est soumis.

Je demande que la chambre, en attendant le vote de la loi sur la matière, accorde cette faculté au gouvernement.

M. Dumortier. - J’avais demandé la parole en même temps que l’honorable préopinant pour faire remarquer comme lui que la pêche maritime est en souffrance. Vous avez témoigné le désir de venir au secours de cette industrie.

La pêche, comme vous le savez, est l’agriculture de la mer. Il dépend de nous de profiter des produits que la mer nous offre. C’est une richesse dont le pays peut s’emparer sans dépense aucune, sans exposer de capitaux ; ce qu’on emploie pour construire et armer les vaisseaux, cordages, fers, ancres, tout cela est le produit de notre industrie, et la pêche est une pépinière de marins.

Il est à désirer que la Belgique ait une marine indépendante de tout pour aller chercher à l’étranger les produits qu’elle consomme que pour y porter ceux qu’elle crée. C’est déterminé par ces considérations que la chambre a témoigné le désir qu’on favorisât la pêche.

Dans l’adresse que vous avez votée en réponse au discours du trône, vous avez déclaré que la pêche serait l’objet de votre sollicitude : le moment est venu de remplir les promesses que vous avez faites au pays dans une occasion aussi solennelle : votez donc le subside proposé par le gouvernement. Toutefois, ce vote ne suffirait pas à lui seul, parce que ce crédit se trouve stérile dans les mains du ministre de l’intérieur, à défaut d’une loi qui l’autorise à disposer de ce crédit et qui règle les mesures à prendre en pareil cas ; mais il semble que nous pouvons très bien combler cette lacune législative par une simple disposition que je vais proposer. Je voudrais que l’on mît dans le budget : « Jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu par une loi, les primes pour la pêche de la morue et du hareng seront payées sur le même pied qu’elles l’étaient avant la révolution. »

Par cette disposition le gouvernement aura le moyen de disposer du crédit.

Quant à la proposition faite par M. Smits, nous ne pouvons l’admettre : nous ne pouvons donner un crédit au gouvernement avec la faculté d’en disposer à sa volonté ; ce serait contraire à tout vote parlementaire ; quelque bon que soit un ministère, dans un pays constitutionnel, il faut que ses actes soient réglés par des lois. Mettons donc dans la loi mon amendement et, vous donnerez par là, au ministre, la facilité de disposer du crédit que nous lui ouvrons annuellement.

Je le répète, j’aimerais mieux refuser le crédit que d’adopter l’amendement de M. Smits.

M. A. Rodenbach. - J’appuie les observations présentées par l’honorable préopinant ; mais la mesure qu’il propose n’est pas suffisante. Vous savez que tous les pêcheurs d’Ostende, de Nieuport, de Blankenberg vont en Hollande, et il est important de porter un prompt remède à ce mal. Je crois qu’il y a un projet tout prêt au ministère de l’intérieur sur la pêche ; ce projet pourrait arrêter les émigrations.

Quelques primes, quelques subsides ne sont qu’un simulacre de protection ; il faut des dispositions législatives et permanentes pour un objet aussi important. J’invite le ministre à présenter son projet le plus promptement possible afin que notre pêche ait une véritable protection.

M. Pollénus. - Je dois déclarer qu’il est impossible de voter sur l’amendement présenté par M. Dumortier sans connaissance de cause. Me dire qu’on fera comme avant la révolution, c’est ne me rien dire ; il faudrait citer les arrêtés ou les lois qui contenaient les mesures que l’on veut suivre. Je crois qu’il conviendrait de renvoyer l’amendement à la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - J’aurais préféré que l’amendement eût une autre rédaction. Je voudrais que l’on prît pour bases de la manière d’accorder les primes, celles qui sont dans le projet de loi dont la chambre est actuellement saisie ; d’ici au second vote du budget de l’intérieur, la section centrale pourra examiner la proposition qui vous est présentée, et elle pourra faire à la chambre un rapport sommaire sur l’objet en discussion ; d’après ses conclusions vous jugerez ce qu’il y aura à faire et quelle rédaction il faut adopter.

M. Dumortier. - Si la chambre désire que mon amendement soit renvoyé à la section centrale, je ne m’y opposerai pas ; mais je n’en vois pas la nécessité. On a suivi, avant la révolution, des règles tracées dans un arrêté que je n’ai pas sous les yeux ; on n’a pas réclamé contre leur application, et je ne sais pas pourquoi on ne continuerait pas de la même manière. Mais admettre la proposition du ministre de l’intérieur, ce serait voter un projet de loi à l’occasion d’un simple amendement...

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Non pas !

M. Dumortier. - Les primes étaient accordées autrefois en vertu d’un simple arrêté, et non en vertu d’une loi ; les primes ne sont plus accordées maintenant parce qu’il n’y a pas de loi ; mais si vous donnez force de loi à cet arrêté au moyen de la rédaction que je propose, vous aurez tout ce qu’il faut ; vous aurez une mesure temporaire.

Dans la session actuelle, vous n’aurez pas le temps de voter la loi sur les primes, et vous ne pourrez en faire usage.

Plus tôt on examinera le projet de loi sur les primes et plus tôt je serai satisfait ; mais, voulez-vous, en attendant, laisser la pêche en souffrance, laisser émigrer nos navires et nos matelots ? Ce n’est sans doute pas votre intention ; faites donc comme faisait le roi Guillaume, et ce sera une bonne action pour le pays.

M. Smits. - L’honorable M. Dumortier veut bien accueillir ma proposition ; mais c’est sous la condition de suivre les lois anciennes ; ces lois anciennes accordaient une prime de 500 florins pour chaque bâtiment qui allait à la pêche du cabillaud et du hareng ; mais elles contenaient d’autres dispositions qui ne seraient peut-être plus applicables dans les circonstances actuelles. Le projet présenté par le gouvernement, et qui a été élaboré de concert avec les collèges de pêche, est beaucoup plus favorable aux pêcheurs que les lois antérieures. Je ne veux pas discuter les dispositions qu’il renferme ; elles seront examinées plus tard ; mais je crois devoir lui donner la préférence

M. Dumortier a dit que l’on ne pouvait accueillir ma proposition, parce que ce serait faire adopter un projet de loi à l’occasion d’un amendement ; je lui ferai observer que nous n’admettons les mesures portées dans le projet que pour un an ; le budget est annuel ; et notre vote actuel ne préjugera rien sur l’avenir. Je persiste dans ma proposition.

M. Hye-Hoys. - Je dois dire que si la section centrale chargée de l’examen du projet de loi relatif au primes sur la pêche n’a pas terminé son travail, c’est qu’elle attend communication d’un autre projet sur la pêche, et que doit présenter M. le ministre des finances. Je demanderai à M. le ministre des finances s’il a l’intention de soumettre prochainement ce projet à l’assemblée.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce n’est pas pour examiner le mérite des amendements présentés, mais simplement pour répondre deux mots à l’interpellation qui vient de m’être adressée, que je prends la parole.

Effectivement, messieurs, un projet de loi sur la pêche a été élaboré au ministère des finances. Ce projet concerne la police à observer pour empêcher les introductions frauduleuses du poisson de pêche étrangère ; il comprend aussi des droits de douane plus élevés que ceux qui existent aujourd’hui sur le poisson importé par l’étranger.

A l’égard de la première partie de ce projet, je pense qu’il y a lieu de l’introduire par amendement dans la loi dont il vient d’être parlé, proposée par M. le ministre de l’intérieur pour l’encouragement de la pêche du cabillaud. Je suis en ce moment en correspondance avec mon collègue, afin que des modifications à son projet puissent vous être soumises, de commun accord, dans ce sens.

Relativement à l’augmentation des droits de douanes, il parait convenable de ne vous la présenter qu’après la discussion du projet dont vous êtes saisis, complété comme je viens de le dire.

M. Dubois. - Je demanderai que les deux amendements soient renvoyés à la section centrale. Je demanderai en outre que la section centrale examine s’il ne serait pas possible de disposer des primes votées dans les années 1834 et 1835. Tous les ans les armateurs font des arrangements avec les matelots, ils leur promettent partage dans les primes ; mais comme les primes ne sont pas distribuées, les matelots trompés dans leur espoir ne veulent plus s’engager, et les armateurs sont obligés d’aller en chercher en France. Si cela continue il ne sera plus possible avoir des matelots pour la pêche.

M. Desmet. - Quand j’avais demandé la parole, l’honorable M. Smits n’avait pas encore fait la déclaration que les dispositions que contient le projet de loi que le ministre de l’intérieur a présenté, sur la distribution des primes pour la pêche nationale, ne valaient rien ou du moins n’étaient pas comme on désirait qu’elles fussent. C’est ce que je voulais faire remarquer à la chambre, que les dispositions dudit projet de loi avaient beaucoup été critiquées et que les personnes intéressées dans la pêche nationale leur préféraient celles des lois hollandaises. Il n’est aussi pas très exact d’avancer que les collèges maritimes aient approuvé le projet de loi, car celui du port d’Ostende l’a fortement critiqué, et déclaré positivement et dans des termes non ambigus qu’il était destructif pour la pêche nationale.

Je pense donc, messieurs, que nous agirons très prudemment d’accepter l’amendement de l’honorable M. Dumortier.

M. Dumortier. - Je n’ajouterai, messieurs, que deux mots à ce qui vient d’être dit ; c’est qu’il est impossible d’adopter la proposition qui vous est faite de mettre en vigueur une loi qui n’a pas été examinée. Si nous admettions cette proposition, le gouvernement aurait intérêt à ce qu’on n’examinât pas le projet qu’il nous a présenté et auquel nous aurions donné force de loi sans aucun examen préalable. Une semblable manière de procéder est d’ailleurs sans précédent dans les assemblées législatives.

Il vaut bien mieux remettre provisoirement en vigueur les dispositions qui existaient sous le gouvernement précédent. Lorsque j’ai été à Ostende, pendant l’année dernière, j’y ai vu des pêcheurs qui m’ont dit qu’ils seraient fort satisfaits si on mettait le gouvernement à même d’accorder les primes de la même manière que le gouvernement hollandais les accordait ; pourquoi, messieurs, ne pas satisfaire à un vœu si légitime ? Votez le crédit que vous votez depuis six ans, et donnez force légale aux dispositions qui existaient avant la révolution, jusqu’à ce que vous ayez voté le projet qui vous est présenté sur la matière ; de cette manière vous satisferez aux besoins de l’industrie dont il s’agit et vous ne mettrez pas le gouvernement dans la nécessité de chercher à retarder l’examen de ce projet, comme vous le feriez en adoptant la proposition de M. Smits, proposition que réellement je ne conçois pas et qui, si elle était admise, me ferait voter contre tout le budget.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je pense, messieurs, qu’il n’est jamais entré dans la pensée de M. Smits, non plus que dans la mienne, de vouloir faire adopter comme définitif un projet de loi qui n’a pas été discuté, pas plus qu’il n’est entré dans la pensée de M. Dumortier et des autres honorables membres qui appuient son amendement de vouloir faire adopter comme définitives les anciennes dispositions qui n’ont également pas été soumises à votre examen ; il s’agit seulement de savoir d’après quelles bases on pourra provisoirement appliquer les primes. Puisqu’il y a doute à cet égard, j’appuierai le renvoi à la section centrale des deux amendements (Appuyé, appuyé.)

M. Smits. - Si l’honorable M. Dumortier ne conçoit pas comment la chambre pourrait admettre mon amendement, il me permettra de dire que je ne conçois pas non plus comment la chambre pourrait admettre le sien ; la seule différence qu’il y ait entre les deux propositions, c’est que M. Dumortier demande qu’on distribue les primes conformément à une loi qui n’existe plus, et que je demande qu’on les distribue conformément à un projet de loi qui est présenté à la chambre.

La loi dont M. Dumortier demande l’application n’existe plus, et n’existait même plus lorsque la révolution a éclaté, car je crois qu’en 1830, et même en 1829, les primes n’étaient plus distribuées aux pêcheurs. J’engage en conséquence M. Dumortier à rectifier sa proposition ; car, je le répète, la loi dont il demande l’application a cessé d’exister depuis 1829, si ma mémoire est fidèle.

M. Dubus. - J’ai demandé la parole pour répondre à M. le ministre de l’intérieur et pour faire remarquer la grande différence qu’il y a entre la proposition de mon honorable ami et celle de l’honorable député d’Anvers. L’une et l’autre donnent, en quelque sorte, une exécution provisoire à des dispositions qui ne sont pas maintenant eu vigueur, mais celle de mon honorable ami tend à faire exécuter provisoirement des dispositions qui existaient avant 1830 et dont tout le monde est censé avoir connaissance, que tous ceux pour qui la loi aura été faite connaîtront à la simple énonciation qui en aura été insérée au budget. Ces documents-là sont entre les mains de tous ceux qui veulent les trouver.

Ainsi, messieurs, si vous adoptez la proposition de mon honorable ami, tout le monde saura ce que vous aurez voulu dire, tandis que si vous adoptez celle de M. Smits, vous invitez toute la Belgique à se rendre au greffe de la chambre pour prendre connaissance du projet dont elle est saisie ; vous dites à toute la Belgique : Venez au greffe de la chambre des représentants et vous saurez en quoi consistent les mesures que la loi veut mettre provisoirement en vigueur relativement aux primes.

Je vous demande, messieurs, s’il existe un seul exemple qu’on ait rendu obligatoire un projet de loi qui repose au greffe de la chambre et que personne ne connaît, que nous et le ministre qui nous l’a présenté ? Une pareille proposition n’est pas même présentable.

Du reste, je ne m’oppose pas au renvoi des deux propositions à la section centrale, mais je suis bien persuadé que cette section nous proposera une autre mesure que celle de mettre à exécution un projet de loi. (La clôture ! la clôture !)

M. Pollénus. - Je ne demande qu’à faire une seule observation, c’est que le renvoi de la proposition de M. Smits à la section centrale ne peut pas même avoir lieu, la constitution ne permet pas de voter globalement une loi ; tout projet de loi doit être voté article par article. (Aux voix ! aux voix !)

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

Le renvoi des deux propositions à la section centrale est également mis aux voix et adopté.

Article 4

(Moniteur belge n°42, du 11 février 1837) « Article 4. Agriculture : fr. 366,000. »

M. le président. - La section centrale propose l’ajournement du crédit de 12,000 fr. en faveur du jardin botanique qui est compris dans cet article.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je vais vous donner, messieurs, quelques explications concernant le jardin botanique ; la pétition qui nous a été adressée à cet égard signale que la société du jardin botanique met en vente une quantité de plantes, au détriment des jardiniers ; je vous ferai observer, messieurs, que la société ne fait en cela que se conformer à ses statuts, où nous trouvons, en effet, que les revenus de la société se composent : 1° du secours annuel de 12,000 florins que le gouvernement et la ville de Bruxelles lui ont alloué ; 2° du produit de la vente des plantes d’agrément ou d’utilité qu’elle cultive. Ainsi, aux termes mêmes de ses statuts, la société est autorisée à faire le commerce de plantes.

La section centrale a élevé des doutes sur la permanence du subside qui a été alloué par le gouvernement ; je pense, messieurs, que ces doutes doivent disparaître en présence des deux faits que je vais vous signaler : d’abord la ville de Bruxelles a accordé à la société d’horticulture un subside permanent pour toute la durée de la société, et, d’un autre côté, dans les statuts de la société le subside du gouvernement est mis sur la même ligne que celui de la ville de Bruxelles, puisque nous y lisons que les revenus de la société se compose : 1° du secours annuel accordé par le gouvernement et par la ville de Bruxelles. Or, comme je le disais tout à l’heure, d’après des pièces authentiques, la ville de Bruxelles a accordé le subside qu’elle fournit, d’une manière permanente, pour tout le temps que doit durer la société.

Je conviens que, malgré toute la force de ce raisonnement, la chambre a le droit d’exiger la production de l’arrêté royal qui accorde le subside dont il s’agit ; mais je ferai observer que les démarches qui ont été faites jusqu’ici à cette fin ont été infructueuses, et que le contrat doit avoir été perdu ou détruit à l’époque de la révolution.

Mais du moins il existe la présomption la plus forte que le subside de la part du gouvernement devait être permanent. En admettant même que le subside ne fût pas obligatoire, je dirais qu’alors encore il serait utile de le conserver, parce qu’il est certain, d’après la situation financière de la société, que celle-ci est hors d’état de maintenir l’établissement sur le pied actuel, si le subside vient à ne plus être fixé.

J’ajouterai une autre considération : c’est que la société consent à ce que le gouvernement nomme auprès d’elle un commissaire qui serait chargé de surveiller l’institution, de manière que la société ne se refuse nullement à ce que toute la surveillance désirable soit exercée, pour qu’elle remplisse le but de son institution.

M. Hye-Hoys. - Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur si la société n’est pas obligée de donner un cours de botanique.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je pense, messieurs, que la société s’est engagée à ouvrir ses jardins pour un cours de botanique ; je crois que cette condition est aujourd’hui remplie.

M. Dumortier. - Dans la séance d’hier, j’ai eu l’honneur de voir plusieurs membres de la société d’horticulture de Bruxelles ; je leur ai demandé si l’arrêté du roi Guillaume qui a autorisé la collation du subside des 6,000 florins existait encore. Ces messieurs m’ont répondu que dans un incendie qui a eu lieu au local de la société d’horticulture, lors de l’invasion des Hollandais en 1830, l’arrêté dont il s’agit a été la proie des flammes.

Mais il paraît que deux lettres qui constatent l’existence de l’arrêtée étaient entre les mains du secrétaire qui habitait la ville, de manière que ces deux pièces ont échappé à l’incendie. Ces lettres sont rédigées en hollandais ; je ne connais pas cette langue ; ceux de mes collègues qui la comprennent pourront, en prenant lecture des deux pièces, s’assurer qu’elles certifient l’existence de l’arrêté dont il s’agit.

Au reste, je pense que si même l’arrêté n’existait pas, la chambre ne pourrait, selon moi, se dispenser de voter un subside en faveur d’un des plus beaux établissements d’horticulture en Belgique et peut-être en Europe.

M. A. Rodenbach. - Nous ne nions pas que l’établissement d’horticulture de Bruxelles soit un des plus beaux de l’Europe. Ce que nous voulons, c’est que l’on exécute les conditions qui ont été attachées à l’obtention du subside. Il paraît que la société est tenue à donner un cours de botanique dans l’établissement ; M. le ministre dit que ce cours y est donné ; j’ai des raisons pour croire le contraire.

M. Dumortier. - L’honorable préopinant est dans l’erreur. Si je suis bien informé, la société ne devait pas donner un cours de botanique, mais devait seulement ouvrir ses salons pour le cours que le gouvernement aurait voulu y faire donner. Or, la société est très disposée à prêter ses salons dans ce but.

Je ferai remarquer, an reste, messieurs, que ce cours ne serait pas d’une très grande utilité à Bruxelles ; car cette capitale possède déjà deux cours de botanique professés, l’un à l’université libre, et l’autre à l’école vétérinaire ; je pense même qu’il y en a un troisième dans l’établissement particulier de M. Vandermaelen.

Sous ce rapport donc, l’établissement d’un quatrième cours de botanique à Bruxelles ne serait pas d’une très grande importance.

Au reste, si des conditions quelconques ont été attachées à l’obtention du subside des 6,000 florins, qu’on les exécute, je le veux bien ; mais je pense, et je le dis avec franchise, je pense que la chambre commettrait un acte de vandalisme en supprimant l’allocation et en mettant ainsi la société dans la triste position de devoir détruire un établissement aussi précieux.

J’ai le ferme espoir que la chambre ne voudra pas provoquer par son vote un aussi déplorable résultat, et qu’elle s’empressera d’allouer les fonds nécessaires pour une dépense aussi utile.

M. Heptia, rapporteur. - Messieurs, la question ne se présente pas devant la chambre comme elle s’est présentée devant la section centrale.

Lorsque la section centrale a examiné la demande de crédit pour le jardin botanique de Bruxelles, elle a cru reconnaître que la société, pour avoir droit à ce subside, devait remplir certaines conditions.

D’après le prospectus de la société, ces conditions consistaient à ériger une école de botanique, et à donner une culture modèle pour les différents arbustes et plantes qu’on aurait voulu acclimater dans le pays.

C’est pourquoi la commission centrale a désiré connaître d’une manière positive si l’arrêté du roi Guillaume en date du premier juillet 1828 existait. Elle a désiré avoir communication de cet arrêté, pour s’assurer s’il n’y avait pas formellement stipulé les obligations de cette société.

En place de l’arrêté, on a fait parvenir à la section centrale trois lettres qui paraissent établir d’une manière très probable, même certaine, que le roi Guillaume aurait accordé un subside de 6,000 florins.

Ces pièces, je les ai analysées dans le rapport de la section centrale. Ce sont les mêmes que celles dont a parlé M. Dumortier ; voici quelle en est la teneur :

La première est une lettre de cabinet, datée de La Haye (16 mai 1826), par laquelle le roi Guillaume faisait connaître qu’il accorderait à la société un subside annuel de 6,000 florins.

La seconde est une autre lettre du 16 juin 1827, ou plutôt un arrêté du roi Guillaume, par lequel, sur la demande d’un nouveau subside, pour contribuer aux frais d’une exposition de fleurs, le gouvernement accordait 500 florins, en disant que la société avait déjà obtenu par l’arrêté du 1er juillet 1826 une somme annuelle de 6,000 florins.

Il paraît que ces pièces n’ont été communiquées à la section centrale que parce qu’elles mentionnaient d’une manière précise et formelle l’arrêté du 1er juillet 1826.

La troisième pièce est une lettre du 26 juin 1830, par laquelle M. le ministre de l'intérieur d’abord faisait connaître à la société que le roi refusait d’allouer le nouveau subside qui lui avait été demandé. Cette pièce parle encore nominativement de l’arrêté du 1er juillet 1826.

Il est donc hors de doute que le roi Guillaume a accordé un subside annuel à la société ; mais comme je l’ai déjà dit, la section centrale aurait voulu savoir uniquement si la société remplissait ses engagements.

Dans cette circonstance, la chambre jugera s’il y a lieu à voter la somme demandée, sans que l’arrêté du 1er juillet 1826 ait été produit.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, il est certain que la société n’a pas rempli toutes les obligations de ses statuts, mais on n’en sera pas étonné, lorsqu’on prendra en considération les événements de la révolution, les embarras financiers qui en sont résultés pour la société ; l’incertitude de la continuation du subside qui a été remis chaque année en question a encore contribué à ce résultat.

Mais je puis assurer qu’aujourd’hui la société est disposée à donner le plus d’extension possible à l’établissement, et à le mettre sur un pied complet, conformément à ses statuts.

Les obligations sont définies dans les statuts déjà communiquées à diverses reprises à la chambre.

Si la chambre exprime l’intention de continuer l’allocation des subsides, je ne doute pas que la société ne fasse tous ses efforts pour remplir complètement ses obligations.

M. A. Rodenbach. - Au commencement de cette discussion, le jardin botanique était magnifique ; il remplissait parfaitement ses obligations, il donnait des cours. Nous savons maintenant pertinemment qu’il ne donne pas de cours ; et, des conditions dont vient de parler M. le ministre de l'intérieur, la moitié n’est pas remplie. Il y a une demi-heure, lorsqu’a commencé la discussion, on ne disait pas cela. Ceci prouve la nécessité de nommer un commissaire du gouvernement pour voir si la société remplit ses engagements, car on ne peut voter ainsi chaque année des fonds à la charge du pays.

Si j’accorde les fonds demandés, c’est à la condition sine qua non qu’il sera nommé un commissaire qui fera suivre l’arrêté de Guillaume, arrêté que l’on a perdu, je ne sais pourquoi.

Puisque les statuts énoncent des obligations, on doit tenir la main à ce que ces obligations soient remplies.

M. de Jaegher. - Dans l’analyse, du reste assez exacte, des titres que M. Dumortier a dans les mains, on a omis un mot qui pourra jeter du jour sur le caractère de permanence du subside de 6,000 fl. Je crois que M. le ministre de l’intérieur vient de dire que la ville de Bruxelles s’était engagée à continuer le subside pendant la durée de la société ; or, une lettre de 1826, que M. Dumortier a dans les mains, dit que le roi Guillaume accorde le subside de 6,000 fl. comme l’avait accordé la ville de Bruxelles. Je crois que cette expression est assez importante dans l’état de la discussion, et doit nous porter à croire que l’intention du roi était de donner, comme l’avait fait la ville, un caractère de permanence au subside qu’il accordait.

Je me bornerai à cette observation, et n’entrerai pas dans l’examen des questions conditionnelles de l’exécution du contrat.

M. Dumortier. - Je ne répondrai qu’un mot à M. A. Rodenbach. Il a prétendu que la société ne remplissait pas ses engagements, parce qu’elle n’avait pas établi de cours. Mais on se trompe sur l’expression : « Ecole de botanique. » Une école de botanique n’est pas un cours de botanique. On entend par école de botanique une plantation systématique formant le fonds d’un jardin scientifique. Ainsi un cours et une école de botanique sont choses bien distinctes. Cette école de botanique existe : chacun de nous peut la voir. La société a donc rempli en cela ses engagements.

M. A. Rodenbach dit que l’on a perdu l’arrêté du roi Guillaume il ne sait pourquoi. Mais il sait au moins comment la révolution s’est faite. Il sait qu’il y a eu des pillages, des incendies. C’est dans un de ces incendies que les archives de la société ont été brûlées, car nous avons vu malheureusement beaucoup d’incendies. Toute la rangé de maisons qui fait face au jardin botanique a été incendiée.

L’honorable M. de Muelenaere demande la parole pour parler d’une lettre en hollandais d’où résulte un droit acquis à la société. N’y eût-il pas de droit acquis, il faudrait encore accorder le subside. Il peut se trouver à Tournay et Gand des jardiniers qui trouvent mauvais cet établissement. Mais nous ne devons pas nous arrêter à cela.

M. de Muelenaere. - Vous venez d’entendre dire à M. le ministre de l’intérieur que la ville de Bruxelles s’était engagée à payer à la société un subside pendant toute la durée de son existence. Or, il résulte d’une lettre du 16 mai 1826 que M. le ministre de l’intérieur de l’ancien gouvernement des Pays-Bas écrivait au baron Wellens, à cette époque bourgmestre de Bruxelles, que le Roi s’engage, de la même manière que la ville de Bruxelles, à payer à la société un subside annuel de 6,000 florins.

Il résulte évidemment de là que ce subside annuel était accordé à la société pour toute la durée de son existence. Cette intention est confirmée par une lettre du 26 juin. La société avait demandé un nouveau subside pour contribuer aux dépenses d’une exposition de plantes. Ce nouveau subside est refusé par le motif que la société jouit d’un subside annuel de 6,000 fl., et parce que l’état financier de la société était tel que l’année précédente, indépendamment des intérêts, les actionnaires ont touché un dividende. Dans cette lettre le gouvernement déclare que, malgré cette circonstance, le subside continuera d’être payé.

Maintenant reste à savoir si la société remplit vis-à-vis du gouvernement les conditions auxquelles le subside a été accordé. C’est au gouvernement à y veiller. Si ces conditions ne sont pas remplies, le gouvernement ne doit pas continuer son subside.

M. le président. - M. Zoude propose une augmentation de 3,000 fr. en faveur de l’industrie sétifère de la province de Liége. Il a la parole pour développer cette proposition.

M. Zoude. - (Le discours de l’honorable membre ne nous a pas été communiqué.)

M. Dumortier. - Je ne vois pas la nécessité d’augmenter, à l’occasion de la proposition de M. Zoude, le chiffre de l’article du budget en discussion, article montant à 366,000 fr. Le gouvernement a des fonds suffisants pour faire droit à cette demande s’il la trouve fondée ; car deux sommes pour l’industrie sétifère figurent déjà au budget de l’intérieur, savoir : 8,000 fr. pour des vers à soie, et 10,000 fr. pour encouragement de l’industrie sétifère. Donc 18,000 fr. Et c’est vraiment tout ce que vaut cette industrie dans notre pays. Je pense donc qu’il n’y a pas lieu de proposer à la chambre une augmentation de chiffre. Si la demande de M. Zoude est fondée sur de justes motifs, qu’il appuie une allocation sur les sommes que je viens d’indiquer.

M. Zoude. - J’ai demandé une allocation spéciale, parce que j’ai appris au ministère de l’intérieur que l’on ne pouvait rien distraire des deux crédits spéciaux dont on vient de parler. Si M. le ministre de l’intérieur vent prendre l’engagement d’accorder sur les fonds de son budget le subside que je demande, je ne demande pas mieux que de retirer ma proposition.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Nous avons été en effet, à diverses reprises, sollicité par M. Foulon de lui accorder un subside pour son établissement ; si nous n’avions pris en considération que l’intérêt particulier qu’inspire M. Foulon et les soins qu’il donne à cette entreprise, il est certain que nous n’aurions pas hésité à lui accorder annuellement un subside de 3,000 fr. Je dis annuellement, car, une fois ce subside commencé, il faudra le continuer tous les ans. Mais nous avons été arrêté par cette considération qu’il existe d’autres personnes qui s’adonnent à cette culture en Belgique et qui ne manqueraient pas de crier au privilège. En effet, il existe un industriel dans les Flandres qui a occupé la chambre de ses plaintes, à mon avis très injustement, ainsi qu’il résulte des renseignements que j’ai adressés à la commission. Mais il n’en est pas moins vrai que cela fait suffisamment prévoir des réclamations opposées à une allocation que le gouvernement ferait en faveur de M. Foulon.

Jusqu’à présent nous avons accordé aux personnes qui s’adonnent à la culture du mûrier, des prêts à charge de remboursement moyennant un intérêt modique. Attendu qu’il s’agit d’une culture tout à fait nouvelle, nous avons fait ici ce que nous avons fait dans des circonstances rares pour l’industrie.

Ensuite, indépendamment des primes allouées annuellement au meilleur éducateur, il y a une allocation pour l’établissement modèle établi aux frais de l’Etat.

Dans notre opinion, il serait plus utile pour les établissements de culture du mûrier et d’éducation des vers à soie qu’une loi assurât pour un nombre d’années considérable des primes aux meilleures plantations de mûriers, au plus bel établissement d’éducation de vers à soie, à la production la plus abondante et la meilleure. De cette manière il y aurait des garanties permanentes ; il y aurait un stimulant donné au zèle des personnes qui voudraient se livrer à ce genre d’industrie.

Je dirai même que le directeur de l’établissement modèle de Meslin-Lévêque nous a proposé de concéder cet établissement à quelqu’un qui offrait de faire face aux dépenses de l’établissement actuel, et de le maintenir pendant un nombre déterminé d’années si la législature voulait accorder des primes permanentes pendant un temps d’années assez considérable pour engager à faire les frais qu’exigent ces établissements.

Jusqu’à présent je n’ai pas présenté de projet de loi. Cependant j’incline assez à le faire.

Si la chambre, déterminée par l’intérêt particulier qu’inspire M. Foulon, voulait accorder une majoration de 3,000 francs, nous ne nous y opposerions pas. Mais alors nous serions exposé aux récriminations d’industriels qui prétendraient avoir les mêmes droits.

M. Van Hoobrouck. - Si l’intention de l’honorable M. Zoude, en proposant une augmentation de 3,000 fr., a été d’encourager l’entreprise de M. Foulon, je ne m’y opposerai pas. Mais si son intention a été de créer une succursale de l’établissement modèle de Meslin-Lévêque, je m’y opposerai de toutes mes forces.

Vous avez à Meslin-Lévêque un bel établissement dirigé avec le plus grand zèle par un homme plein de connaissances en cette matière. C’est là que tous les renseignements doivent être puisés.

La Belgique n’est pas si étendue que l’on ne puisse se rendre à Meslin-Lévêque de tous les points du royaume. Si M. Foulon vent fonder un établissement modèle, peut-être n’a-t-il pas des connaissances pratiques aussi étendues que le directeur de l’établissement de Meslin-Lévêque. Peut-être n’a-t-il pas suivi comme lui les immenses perfectionnements que cette industrie a reçus surtout dans ces dernières années. Il y aurait sans doute des différences dans les indications données dans les deux établissements modèles aux personnes se livrant à l’industrie sétifère. Ensuite … (L’orateur, atteint de la maladie régnante, se rassied sans pouvoir continuer son discours.)

M. Zoude. - Puisqu’on vient d’élever des doutes sur les connaissances de M. Foulon, je ferai remarquer que le rapport de M. Winssinger rend l’hommage le plus éclatant aux connaissances de M. Foulon et aux soins qu’il prend, ainsi que Madame son épouse, de l’établissement qu’il dirige.

M. Dumortier. - Je n’ai pas l’honneur de connaître M. Foulon, non plus que Madame son épouse (on rit) ; mais je déclare que je ne suis pas disposé à voter pour eux une allocation au budget, quand ce seraient les plus respectable gens du monde. Si on admettait ce système, on formerait des établissements pour avoir des subsides. Ce deviendrait une spéculation !

- Le chiffre de 369,000 fr., proposé par M. Zoude, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

L’art. 4 est adopté avec le chiffre de 366,000 fr.

Article 5

« Art. 5. Ecole vétérinaire et d’agriculture : fr. 244,000. »

M. Desmet. - Je demande la parole pour attire l’attention de M. le ministre de l'intérieur sur les épizooties des bêtes à cornes.

L’art. 459 du code pénal n’est pas observé.

Ensuite les animaux malades sont tués, et leur viande est débitée pour la nourriture des garnisons et des prisons. J’appelle particulièrement sur ce point l’attention du ministre ; car cela doit être bien contraire, surtout en raison de la maladie régnante.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - J’ai spécialement recommandé aux gouverneurs de province de tenir sévèrement la main aux règlements sur les épizooties et sur le débit de la viande des bêtes abattues pour cause de maladie.

En ce qui concerne les mesures que le gouvernement a prises pour arrêter les épizooties, j’avoue que ces mesures, en général, dépendent des particuliers. Des artistes vétérinaires ont été chargés de visiter les localités où règnent les épizooties.

Un rapport a été adressé au gouvernement. Ce rapport a été communiqué aux autorités avec invitation d’engager les habitants à employer les moyens indiqués pour prévenir les épizooties.

Une cause qui exercé beaucoup d’influence sur les épizooties, c’est que les étables sont généralement mal construites, ne sont pas espacées, ne sont pas aérées.

On a lieu de croire que les sujets qui sortiront de l’école vétérinaire, en éclairant les habitants, arrêteront un fléau qui cause la ruine d’un grand nombre de cultivateurs.

M. de Jaegher. - Aux causes signalées par M. Desmet et par M. le ministre de l'intérieur lui-même comme s’opposant à ce que les épizooties soient arrêtées dans les Flandres, il faut ajouter celle-ci :

Du temps du gouvernement hollandais, il avait été formé un fonds appelé fonds de l’agriculture, sur lequel étaient indemnisés les cultivateurs qui perdaient quelques têtes de bétail ; ce fonds étant resté en Hollande depuis la révolution, il a été pour ainsi dire impossible depuis lors d’indemniser de ces pertes les cultivateurs. Il en est résulté qu’ils ont cessé de se conformer aux règlements qu’ils devaient suivre sous peine de ne pas avoir de droits à l’indemnité.

Je regrette que M. le ministre de l’intérieur soit sorti depuis un instant. Je lui aurais demandé s’il n’y aurait pas quelque moyen de remplacer le fonds dont il s’agit, de manière à indemniser les cultivateurs qui perdent du bétail.

M. Desmanet de Biesme. - Déjà plusieurs fois on s’est occupé des abus qui ont lieu dans cette partie de l’agriculture. Quant à moi, je n’attends pas grands résultats des élèves des écoles vétérinaires, sous le rapport dont il s’agit. Je crois que la maladie qui sévit actuellement est assez connue ; mais comme l’a fait observer M. de Jaegher, depuis que le fonds d’agriculture n’est plus en notre possession, les habitants des campagnes négligent d’appeler des vétérinaires brevetés, parce qu’ils ont peut qu’on abatte leur bétail.

Je crois que pour remédier au mal, on ferait bien d’engager les états provinciaux à rétablir la taxe pour le fonds d’agriculture et d’en faire un fonds provincial. Le gouvernement, avec la somme qui est au budget, pourrait alors accorder des secours qui deviendraient efficaces pour les contrées atteintes de la maladie.

Cette maladie est devenue presque endémique ou presque permanente dans les Flandres ; dans nos provinces nous la connaissons moins. Elle a beaucoup d’influence sur la santé publique, comme l’a très bien dit M. Desmet, car on conduit les bestiaux atteints aux boucheries des villes.

J’engage M. le ministre de l’intérieur à faire faire un fonds spécial et provincial contre la maladie et contre les cas extraordinaires ; ce sera le meilleur moyen de remédier au mal ou de l’atténuer.

M. de Jaegher. - Voici M. le ministre de l’intérieur ; je dois lui répéter à peu près ce que j’ai déjà dit. J’ai attribué l’étendue que prend l’épizootie à ce que nous n’avons plus le fonds spécial à l’agriculture ; les cultivateurs, n’étant plus indemnisés, ont cessé de s’adresser aux vétérinaires brevetés, parce qu’ils ont peur que ceux-ci ne fassent abattre le bétail ; ils ont recours à des empiriques qui ne connaissent rien à l’art de guérir les animaux, et ils vendent leurs bestiaux malades. C’est ainsi qu’ils compromettent la santé publique. J’engageais en conséquence M. le ministre de l’intérieur à aviser au moyen de créer de nouveaux fonds pour l’agriculture en remplacement de ceux qui sont dans les mains des Hollandais.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il est certain que plus la prime accordée pour l’abattage des bestiaux est forte, et plus facilement les paysans se déterminent à déclarer ceux de leurs animaux qui sont atteints de la maladie ; cela est incontestable. Aussi depuis 1832 nous avons songé à mettre à exécution l’idée que vient d’exposer M. Desmanet de Biesme, de faire un fonds provincial pour l’épizootie ; si nous n’avons pas présenté de projet sur la matière, c’est parce qu’alors on ne prévoyait pas que la liquidation entre la Belgique et la Hollande, serait aussi éloignée. La Hollande est dépositaire du fonds spécial pour l’agriculture ; et ce fonds est tel que les intérêts pourraient suffire aux dépenses annuelles ; nous pensions à une liquidation prochaine, et nous avons laissé de côté la formation d’un nouveau fonds par province. Le fonds qui est dans les mains des Hollandais a été formé par des contributions prises sur tout le pays ; il faudra procéder différemment pour un fond provincial ; mais cette difficulté pourrait être surmontée, parce que, lors de la restitution de l’ancien fonds par la Hollande, on ferait une répartition entre les provinces. Aussi je me propose d’attirer l’attention des conseils provinciaux sur cet objet dans leur prochaine session.

M. Mast de Vries. - Beaucoup de mesures sont à prendre dans les circonstances actuelles, et en voici une qui aurait, je pense, beaucoup d’utilité : ce serait d’appliquer sur les bestiaux une marque de santé. Les bestiaux qui, en Hollande, sont frappés par la maladie se vendent à vil prix, et les marchands ont un grand intérêt à les faire entrer en Belgique. Il faudrait prendre une mesure d’après laquelle les bestiaux, non porteurs de la marque de santé, ne seraient pas reçus dans nos marchés. Selon ce que disent plusieurs personnes qui s’occupent du commerce des bestiaux, on fait entrer, en fraude, beaucoup d’animaux malades par les frontières d’Anvers. Si l’épizootie est endémique dans les environs d’Anvers, à plus forte raison doit-elle sévir en Hollande ; on devrait donc redoubler de vigilance de ce côté de nos frontières.

M. Eloy de Burdinne. - Les artistes vétérinaires reçoivent-ils toujours un traitement pour visiter les animaux malades par suite d’une épizootie ? Ils en recevaient un, comme vous savez, sous l’ancien gouvernement. Si les animaux cessent d’être visités, le mal doit s’accroître prodigieusement. Toutefois je dirai que si la maladie règne avec tant de force dans certaines localités, sa malignité a pour cause une mauvaise nourriture et le manque d’air ; car on entasse les bestiaux dans des étables étroites et mai disposées. Ces sortes de maladies ont régné aussi dans nos contrées, et elles y ont fait de grands ravages ; des indemnités, prises sur les fonds de non-valeurs des provinces, ont été accordés aux propriétaires. Cependant je m’opposerai à ce qu’il soit formé un nouveau fonds par des impôts provinciaux ; un premier fonds a été fait ; il a été versé dans les mains du gouvernement c’est donc au gouvernement à subvenir aux besoins pour lesquels ce fonds a été créé.

De ce qu’un fonds pour les pensions avait été formé et déposé dans les mains du gouvernement, vous avez décidé qu’il serait pourvu par le budget aux pensions liquidées, en attendant que le gouvernement hollandais, détenteur de la caisse des pensions, ait restitué ce qu’il a emporté ; vous devez par les mêmes motifs pourvoir, par le budget, aux indemnités que l’on accordait aux agriculteurs sur le fonds d’agriculture. Il faut que l’on fasse à l’égard de l’agriculture ce que l’on a fait à l’égard des fonctionnaires pensionnés. Quand on liquidera avec la Hollande, on règlera les avances que le trésor aura faites.

M. Desmet. - J’ai demandé la parole pour la deuxième sur l’objet en discussion, parce qu’il me semble que M. le ministre, dans ce qu’il vient de dire, ne reconnaît pas toute l’importance de l’épizootie qui règne actuellement dans le bétail et tout le danger qu’elle présente. On dirait que M. le ministre de l’intérieur n’est pas informé de ce qui se passe dans l’intérieur du pays : qu’il veuille s’informer près des fonctionnaires subalternes et près des autorités provinciales et municipales, il pourra se convaincre de la nécessité urgente de prendre des mesures énergiques pour arrêter les fléaux de la maladie contagieuse. Sous les gouvernements précédents, et particulièrement sous le régime autrichien et français, on appréciait mieux toute l’importance du bétail pour la Belgique, et on connaissait mieux le danger d’une épizootie ; que M. le ministre veuille consulter à ce sujet nos anciens édits et règlements, et particulièrement ceux des 8 septembre et 10 novembre 1769, du 11 janvier 1770, du 15 janvier 1772 et du 4 mai 1777, sur lesquels ont été basées les lois et décrets français des 19 juillet et 28 septembre 1791, du 27 messidor an V, ainsi que la fameuse circulaire du ministre de l’intérieur, du 23 messidor an V, circulaire que je ne puis assez recommander à M. le ministre, car c’est un document extraordinairement important sur la matière, qui jamais n’a été traitée avec plus de détails et de raisonnement que dans cette instruction ministérielle.

C’est vraiment inconcevable que depuis quelque temps l’administration soit si insouciante pour ce qui regarde les maladies épidémiques du bétail ; elle l’est tellement que les dispositions du code pénal même sur cette matière sont tombées en désuétude. Pourrait-on me dire que, quelque part où l’épizootie existe, les administrations municipale ou judiciaires font observer les articles 459, 460 et 461 du code pénal ? Nulle part. Cependant les dispositions en sont bien claires, et l’objet en est si important pour que le chef du département de l’intérieur se donne la peine d’écrire, à ce sujet, une circulaire aux fonctionnaires subalternes.

Je dois aussi appuyer la remarque que vient de faire l’honorable M. Mast de Vries, qui désire que le bétail étranger, à l’entrée dans le pays, reçoive la marque de santé. Pourquoi ne prendrions-nous pas la même précaution que prennent nos voisins les Hollandais pour garantir leur pays de la contagion, car vous savez qu’en Hollande aucune tête de bétail ne peut entrer sans qu’elle ait reçu la marque de santé ; à chaque bureau, il y a en permanence un artiste vétérinaire qui visite la bête qui se présente pour entrer, en grand détail, et quand le moindre indice de maladie se laisse apercevoir, l’entrée est interdite. Cette précaution ne peut être critiquée de personne ; mais pourquoi ne ferions-nous pas de même, pourquoi ne serions-nous pas aussi vigilants que les Hollandais ? Je me flatte que M. le ministre des finances voudra bien prendre en considération ces remarques et celles de M. Mast de Vries, et faire exécuter cette mesure qui sera entièrement dans l’intérêt du pays et de notre agriculture ; il y trouvera en même temps une garantie que le bétail étranger ne sera pas entré en contrebande.

M. de Jaegher. - Si la proposition de M. Mast de Vries est exécutable, je l’appuie ; mais il faut réfléchir que la plupart des maladies ne sont pas ostensibles, et que le plus souvent ce n’est qu’après un jour ou deux de traitement dans une étable que l’on s’aperçoit de la maladie.

M. Eloy de Burdinne a demandé si les artistes vétérinaires étaient encore payés comme ils l’étaient sous le gouvernement hollandais, pour visiter les bestiaux ; je crois pouvoir lui répondre par cette règle :

« Un fermier dont le bétail est malade, pour avoir droit à une indemnité quelconque, doit faire traiter son bétail à ses propres frais, par un artiste vétérinaire reconnu par le gouvernement. » Vous voyez donc que le fermier préfère appeler un vétérinaire non breveté. On a dit que plus l’indemnité sera forte et plus le fermier s’empressera de déclarer son bétail ; cela n’est pas exact, parce que le fermier ne veut pas faire traiter son bétail par un vétérinaire breveté, dans la crainte qu’il ne soit abattu ; il aime mieux le vendre ; et il propage par là la maladie dans d’autres étables.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Les fonds n’étant pas suffisants, messieurs, pour indemniser convenablement les propriétaires de bétail, ceux-ci évitent d’appeler un artiste vétérinaire, de crainte qu’il ne les oblige à abattre leur bétail ; c’est là la véritable cause du mal qu’on a signalé. En ce qui concerne les mesures de police dont a parlé l’honorable M. Desmet, c’est l’affaire des autorités locales, et sur ce point elles doivent être taxées ; soit de négligence, soit d’une fausse humanité envers les détenteurs de bétail, en voulant leur éviter la nécessité de l’abattage. Le manque de surveillance en cette matière provient principalement de ce que les administrations communales craignent de léser leurs habitants en les exposant à voir abattre leur bétail, alors qu’ils conservent encore quelque espoir de guérison.

M. Devaux. - C’est sur l’art. 5, messieurs, que j’ai demandé la parole. L’année dernière, lorsqu’il s’est agi de l’école vétérinaire, j’ai dit que tout en attachant un grand prix à l’établissement d’une école rurale, je trouvais peu heureuse et surtout fort peu économique l’idée de l’établir là où on voulait la fonder et où elle se trouve maintenant. Je ne répéterai point les observations que je faisais à cet égard, quoique, sous le rapport de l’économie, les chiffres prouvent bien que j’avais raison ; mais j’ai une question à adresser à M. le ministre de l’intérieur : il y a au budget un article spécial, libellé « Ecole vétérinaire et d’agriculture, et où figure une somme de 244,000 francs ; c’est l’art. 5 : il semble qu’il aurait fallu porter à cet article toutes les dépenses pour l’école vétérinaire ; mais il n’en est pas ainsi : il est encore porté à un autre article, celui de l’agriculture, 60,000 francs pour la même institution. Ce n’est pas tout : l’école vétérinaire touche encore des fonds sur un troisième article : parmi les encouragements aux beaux-arts se trouvent une somme pour la musique de l’école vétérinaire. Je ne me plains pas qu’on enseigne le musique à l’école vétérinaire ; je désire que l’enseignement de la musique se propage dans l’éducation du peuple, même dans l’éducation rurale, mais il me semble qu’il serait plus régulier de porter à un seul article les 244,000 fr. qui figurent à l’art. 5, les 60,000 fr. qui sont portés à celui de l’agriculture, et le crédit pour la musique de l’école. Je demanderai à M. le ministre s’il trouve qu’il y aurait des inconvénients à réunir dans l’art. 5 toutes les dépenses relatives à l’école vétérinaire ; je lui demanderai, en outre, si à d’autres articles que ceux que j’ai cités, il se trouve encore des dépenses pour l’établissement dont il s’agit.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Remarquez, messieurs, que le crédit porté à l’art. 5 a uniquement pour objet le paiement des terrains, des frais de construction et d’appropriation des bâtiments. Cette dépense est tout à fait de circonstance et nullement annuelle, c’est pourquoi nous avons cru devoir la porter à un article spécial tandis que la dépense annuelle se trouve portée à un autre article. La dépense pour la musique de l’établissement se trouve effectivement comprise dans l’article relatif aux beaux-arts ; si on le désire, rien ne s’oppose à ce qu’à l’avenir elle se trouve réussie aux autres dépenses de l’école vétérinaire ; mais je ne pense pas qu’il puisse résulter le moindre inconvénient de ce que les fonds employés pour cet objet aient été pris sur l’article des beaux-arts, car tout le monde conviendra qu’il est bon de procurer aux jeunes gens qui fréquentent l’école un délassement à la fois utile et honnête, et certainement la musique est dans ce cas.

M. Eloy de Burdinne. - Un honorable préopinant a paru croire, messieurs, que lorsqu’il règne une épidémie, le bétail doit être traité d’après les dispositions qui étaient autrefois en vigueur ; il fallait alors que les artistes vétérinaires nommés par le gouvernement, et dont il y en avait un pour chaque canton, ou au moins pour deux cantons lorsqu’ils y étaient requis par le conseil provincial, par le commissaire de district ou par une commission d’agriculture, traitassent gratuitement les animaux malades ; et sur leur déclaration que la maladie était épidémique, l’abattage était ordonné et les propriétaires recevaient une indemnité. Voilà comment les choses se passaient.

Je demande à M. le ministre de l’intérieur si les artistes vétérinaires continuent à être chargés des mêmes opérations, et s’ils continuent à recevoir un traitement.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Le traitement est continué aux anciens artistes vétérinaires qui en avaient joui jusqu’ici ; mais l’insuffisance des fonds n’a pas permis de l’accorder aux nouveaux artistes.

M. Dumortier. - J’ai demandé la parole, messieurs, pour appuyer les observations de M. Devaux ; je ne pourrai jamais consentir à ce qu’on impute des dépenses pour l’école vétérinaire, qui a un article au budget, sur le fonds spécial de l’agriculture, et sur le fonds plus spécial encore qui est consacré à l’encouragement des lettres et des arts ; c’est là, messieurs, une véritable distraction des deniers publics, c’est un scandale. Les régiments de l’armée ont aussi une musique, mais ils la paient : que l’école vétérinaire en fasse autant, je l’approuverai ; mais je ne concevrai jamais que pour faire de la musique dans un établissement privé, on détourne les fonds que nous avons votés pour les sciences et les arts pour l’encouragement des hautes sciences en Belgique.

Je pense, messieurs, que sans rien changer au vote que vous avez émis, l’on pourrait très bien réunir dans l’article 5 tous les crédits destinés à l’école vétérinaire : on ne peut pas dans un budget imputer des dépenses pour un même objet sur différents articles ; il faut que chaque article ait sa spécialité, sans cela ne seraient point catégorisées, et l’on tomberait dans un véritable chaos.

M. Devaux. - Je persiste, messieurs, dans les observations que j’ai faites ; puisqu’il y a un article au budget pour l’école vétérinaire, il convient d’y porter toutes les dépenses concernant cet établissement, aussi bien les dépenses qui ne doivent être faites qu’une fois que les dépenses annuelles. En ce qui concerne la dépense pour la musique de l’école, je ne m’oppose pas à ce qu’on enseigne la musique aux élèves, mais je demande que cette dépense soit portée sous son véritable nom et qu’on ne l’impute sur l’article des sciences et des arts. Vous avez une école industrielle à Gand pour laquelle vous votez annuellement 10,000 fr. ; eh bien, cet objet a un article spécial au budget : qu’on porte de même à l’article qui concerne l’école vétérinaire toutes les dépenses à faire pour cet établissement, alors les choses seront régulièrement faites. Je demande de nouveau à M. le ministre s’il prend encore sur d’autres articles des fonds pour l’école vétérinaire.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il n’est fait, messieurs, aucune dépense pour l’école vétérinaire que sur les trois articles dont on nous a parlé. Si les dépenses une fois à faire ont été séparées des dépenses permanentes, ç’a été pour mieux les spécialiser ; c’était une affaire d’ordre. Il m’est du reste indifférent que la dépense figure en entier à l’art. 5, ou que les dépenses une fois à faire soient portées à l’art. 4, et seulement les dépenses annuelles à l’art. 5. Quant à la musique de l’école vétérinaire, décidément dans le budget prochain la dépense à faire pour cet objet sera portée au même article que les autres dépenses de l’établissement.

Ce n’est d’ailleurs pas sérieusement sans doute que l’honorable M. Dumortier a parlé, dans cette affaire, de distraction des deniers publics, car les fonds employés à entretenir une musique vétérinaire sont bien appliqués à l’encouragement des beaux-arts, à moins que la musique ne fasse plus partie des beaux-arts.

M. Dumortier. - M. le ministre de l’intérieur a eu grand tort de croire que ce n’est pas sérieusement que j’ai présenté les observations que je viens de faire relativement à la musique vétérinaire ; c’est très sérieusement, messieurs, que j’ai fait ces observations, et je suis très étonné que la cour des comptes ait liquidé la somme qui concernait cet objet ; car il était certainement du devoir de la cour des comptes de ne pas approuver une dépense pour la musique d’un établissement particulier, imputée sur le crédit destiné à l’encouragement des sciences et des arts, comme il était du devoir du gouvernement de ne pas faire une pareille dépense.

La musique est au compte de ceux qui s’en procurent le plaisir ; mais il serait étrange que dans un établissement quelconque on fît de la musique au compte du pays.

Encore une fois, vous ne devez pas prendre une somme destinée au paiement des professeurs de l’école vétérinaire, sur le crédit affecté à l’encouragement des sciences et des arts en Belgique. Ce crédit, certes, n’est pas déjà assez considérable, et quant à l’article qui s’y rapporte, je démontrerai aisément combien un encourage peu les sciences et les arts dans notre pays ; et lorsqu’on les encourage si peu, n’est-il pas pénible de voir qu’une partie du crédit soit détournée de sa véritable destination, pour être employée à un cours de musique dans un établissement privé ?

Je maintiens, messieurs, qu’on ne peut prélever sur le budget une somme quelconque pour être affectée à des dépenses de récréation. Sinon, je ne vois pas de raison pour ne pas porter au budget les traitements de maîtres de classes d’escrime. (On rit.) Oui, messieurs, c’est là que vous en arriveriez avec ce système, si vous pouviez y donner votre assentiment.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je pense, messieurs, que cette allocation dont l’honorable préopinant a fait la critique, n’est pas trop élevée ; je dis, en outre, qu’elle est très utilement employée, car, d’une part, les élèves de l’école vétérinaire ont besoin d’une récréation convenable, et de l’autre, ils reçoivent par là une meilleure éducation.

On dit qu’ils devraient payer la musique. Mais, messieurs, on sait que la plupart de ces jeunes gens sont sans fortune : c’est à tel point que plusieurs d’entre eux reçoivent des bourses, pour être admis à l’établissement.

L’école vétérinaire est une institution toute spéciale et qui appartient à l’Etat ; la dépense est généralement admise comme utile, et je ne pense pas que l’honorable préopinant la conteste sérieusement.

Ainsi, si l’article relatif à l’école vétérinaire n’était pas voté, la chose la plus simple serait de porter la somme de 2,800 fr. à cet article. Mais, puisque l’article est voté, il ne vaut pas la peine pour cette année de revenir sur un vote de la chambre. L’année prochaine, la musique de l’école vétérinaire pourra être comprise dans les dépenses ordinaires de l’établissement.

M. Dumortier. - Je ne puis passer sous silence la réponse que vient de faire M. le ministre de l'intérieur, car il résulterait de cette réponse que, dans le cours de la présente année, on imputera encore la dépense de la musique de l’école vétérinaire sur les fonds destinés à l’encouragement des sciences et des arts.

S’il en est tellement ainsi, je déclare que, pour ne pas sanctionner une pareille distraction de fonds, je voterai plutôt contre le budget.

Si vous voulez de la musique à l’école vétérinaire, imputez-en la dépense sur les fonds affectés à cette école, et non pas sur le crédit destiné à l’encouragement des sciences et des arts.

Quand je songe que l’année dernière on n’a donné en tout qu’une misérable somme de 20,000 fr. pour l’encouragement des sciences et des arts, qui ont cependant un si grand besoin de protection, je m’indigne qu’une partie de ce crédit, voté par la législature dans les meilleures intentions du monde, reçoive une tout autre destination.

Comment ! il se trouve en Belgique des auteurs qui ne peuvent publier le résultat de leurs travaux, et cela faute d’argent ; et c’est en présence d’un pareil fait qu’on viendra distraire du crédit une somme de 2,800 fr. pour la musique de l’école vétérinaire.

Est-ce là, messieurs, le but que vous vous êtes proposé, quand l’année dernière vous avez voté des fonds pour l’encouragement des sciences et des arts ? Sera-ce dans cette intention que vous voterez une semblable allocation au budget de 1837 ?

M. Eloy de Burdinne. - Ce qui m’étonne de la part de ceux qui s’opposent à l’imputation sur les fonds des sciences et des arts, du crédit affecté à la musique de l’école vétérinaire, c’est qu’ils ne font pas la même observation an sujet des subsides qui sont accordés aux élèves en musique, et qui font partie d’un autre établissement.

Il me semble, messieurs, que les campagnards qui fréquentent l’école vétérinaire ont autant de droits que les citadins particuliers aux fonds destinés aux arts et aux sciences.

Dans mon opinion, le subside accordé pour la musique de l’école vétérinaire ne peut figurer à aucun autre chapitre qu’à celui où il est porté maintenant.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il semblerait, messieurs, d’après ce que vient de dire M. Dumortier, que le crédit dont on aurait distrait 2,800 francs pour la musique de l’école vétérinaire ne s’élèverait qu’à 20,000 fr. ; c’est une erreur. La somme votée l’année dernière pour l’encouragement des sciences et des arts est de plus de 300,000 francs. Ainsi, la somme de 2,800 francs qu’on a imputée sur ce crédit n’a pu porter préjudice aux intentions de l’honorable M. Dumortier, alors même qu’il trouverait défectueux l’emploi de cette somme, ce que, pour ma part, je suis loin d’admettre.

M. Dumortier. - M. Eloy de Burdinne vient de dire que les campagnards ont autant de droit que les citadins à participer aux fonds destinés à l’encouragement des sciences et des arts. Je suis parfaitement d’accord avec cet honorable membre : il est hors de doute que tous les habitants du pays, indistinctement jouissent des mêmes droits.

Mais, je ferai observer à l’honorable M. Eloy de Burdinne, que déjà l’école vétérinaire figure au budget pour une somme de 300,000 francs ; il me semble que c’est faire là une part assez large à l’école, pour qu’elle ne porte pas ses prétentions à la jouissance d’une partie du crédit destiné aux sciences et aux arts.

Il y a, dit M. Eloy de Burdinne, des élèves en musique qui reçoivent des subsides, et pour ceux-là, ajoute l’honorable membre, vous n’avez à faire aucune observation. Je ferai remarquer qu’il y a une grande différence entre les deux cas. Oui, des élèves en musique touchent des subsides, mais la chambre a voté des fonds spéciaux pour un conservatoire de musique ; elle avait donc déterminé la destination de ce crédit. Mais quant à la somme de 2,800 fr., la chambre n’en a nullement réglé l’emploi d’avance ; c’est par une communication faite par le gouvernement à la section centrale que nous avons appris que l’on avait affecté à la musique de l’école vétérinaire une partie d’un crédit que la chambre n’avait nullement alloué pour un semblable usage.

Ainsi, l’observation faite par l’honorable M. Eloy de Burdinne est dénuée de tout fondement. (La clôture ! la clôture !)

- La clôture est prononcée.

Le chiffre de 244,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Chapitre XII. Lettres, sciences et arts ; fonds provenant des brevets, service de santé

Article premier

« Art. 1er. Lettres, sciences et arts : fr. 307,000. »

La section centrale propose une réduction de 40,000 fr.

M. Heptia, rapporteur. - La première section avait proposé de réduire de 40,000 francs la somme destinée à l’encouragement des sciences et des arts, par le motif qu’il ne doit pas y avoir en 1837 une exposition d’objets d’art à Bruxelles.

La section centrale a partagé cet avis, elle le dit formellement dans le rapport qu’elle a présenté à la chambre.

M. Verdussen. - Messieurs, j’espère que la chambre ne se rangera pas de l’avis de la section centrale qui propose une réduction de 40,000 francs sur le crédit en discussion.

J’ai encore présent à la mémoire tout ce qui a été dit l’année dernière en faveur de l’augmentation de ce crédit, et l’on n’a pas oublié avec quelle chaleur plusieurs honorables membres de cette assemblée ont plaidé la cause des arts et des sciences dans notre pays.

Le moment, messieurs, me paraît mal choisi, pour venir demander une réduction sur le crédit propose par le gouvernement.

En effet, messieurs, chacun de nous a pu remarquer avec plaisir que la dernière exposition de Bruxelles a dignement répondu à la générosité de la chambre envers les arts ; chacun de nous a pu s’assurer que jamais allocation ne fut mieux placée que celle qui a fait éclore en Belgique d’aussi belles productions.

Le principal motif allégué par la section centrale à l’appui de sa proposition de réduction est qu’il n’y aura pas une exposition d’objets d’art à Bruxelles en 1837.

Mais, messieurs, je pense que la section centrale n’aurait pas été d’avis d’admettre la proposition de la première section, si elle s’était rappelée que l’arrêté du 7 janveir 1835 qui a institué une exposition triennale, n’est que la conséquence d’un arrêté du 29 juin 1827.

Il ne s’agissait pas seulement dans cet arrêté d’établir une exposition dans Bruxelles ; mais dans trois villes de la Belgique et dans trois villes de la Hollande. C’est ainsi que nous avons vu que le ministre de l’intérieur qui, dans le projet qu’il avait présenté, fixait les expositions de deux ans en deux ans, s’est ravisé pour maintenir l’arrêté du 29 juin 1827 qui prescrivait une exposition nationale dans trois villes. Ce serait une erreur de croire que parce qu’il y a une exposition à Bruxelles, là seulement doit être dépensée la somme destinée à l’achat de tableaux et objets d’art. Toutes les expositions sont nationales. Celle de Bruxelles peut être plus brillante que les autres, parce que c’est la capitale du royaume ; cependant il ne faut décourager les sociétés qui dans les autres villes font beaucoup de dépenses pour relever l’éclat des expositions qui s’y font.

C’est ainsi que dans la ville que j’habite à Anvers, chaque fois qu’il y a une exposition, nous avons mis 15,000 fr. de nos propres fonds. A Bruxelles, vous avez exigé un droit d’entrée des visiteurs ; nous, nous les admettons toujours gratis. Un jour par semaine est réservé pour les souscripteurs, et ce jour-là on ne pourrait pas entrer en payant une rétribution ; on délivre des cartes, mais toujours gratis.

Il ne s’agit pas de retrancher cette somme de 40,000 fr., qu’on veut réduire comme si elle était votée uniquement pour l’acquisition des chefs-d’œuvre qu’on rencontrerait à l’exposition ; il faut que quand l’occasion se présente de faire l’acquisition d’une pièce digne de figurer dans le musée national, le gouvernement puisse en faire l’acquisition. En conséquence je demande le maintien du chiffre. (Aux voix ! aux voix !)

M. Dumortier. - Je demande la discussion par littera.

Un grand nombre de voix. - A demain ! à demain !

- La séance est levée à 4 1/2 heures.