(Moniteur belge n°20, du 20 janvier 1837)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à 1 heure.
M. Lejeune lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« La dame veuve Cloquet, à Bruxelles, dont le mari est mort par suite des blessures qu’il a reçues en combattant pour la cause nationale, demande une pension. »
« Le sieur Davreux aîné, propriétaire d’ardoisières, à Bouillon, demande une loi qui établisse les droits respectifs de l’inventeur, du possesseur du terrain et des propriétaires contigus des ardoisières. »
« La dame veuve Jacques Serruys, à Couckelaere, adresse des observations sur le projet présenté par M. le ministre des finances, portant des modifications à la loi sur les distilleries. »
« Le sieur H. Leydlitz, saunier à Venlo, adresse des observations sur le projet de loi relatif aux sels. »
« L’administration communale de Tohogne (Luxembourg) réclame l’intervention de la chambre pour obtenir de la société dite de Luxembourg le paiement de la redevance annuelle qu’elle devait payer aux propriétaires des terrains pour exploration du minerai de fer. »
« Le sieur Pierre Tallois, propriétaire à Ham-sur-Heure, réclame contre un arrêté du ministre de l’intérieur en matière d’élection communale. »
- Sur la demande de M. Donny, la pétition qui contient des observations sur le projet de loi relatif aux distilleries est renvoyée à la commission chargée de l’examen de ce projet.
La pétition qui concerne le projet de loi sur les sels est renvoyée à la section centrale chargée de l’examen de ce projet ; elle sera en outre déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi auquel elle se rapporte.
M. Gendebien. - Messieurs, parmi les pétitions dont vous venez d’entendre l’analyse, il en est une qui est relative aux élections communales de Ham-sur-Heure : il s’agit là d’une question de validité d’une élection, et vous comprenez à ce seul mot toute l’urgence de la pétition ; je demande que la commission des pétitions soit invitée à nous faire un prompt rapport sur cette requête.
- Cette proposition est adoptée ; en conséquence la pétition du sieur Tallois est renvoyée à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
Les autres pétitions sont renvoyées à la même commission.
- Par divers messages en date du l décembre dernier, le sénat annonce qu’il a pris en considération les demandes en grande naturalisation de MM. le général Niellon, de Radzisky, Steinbach, Bresson, le comte de Briey et Gautier, ainsi que les demandes en naturalisation ordinaire de MM. Garand, Stenmans, Arnould, de Joug, Dezantis et Heidemann.
M. le président. - D’après la loi sur les naturalisations et le règlement de la chambre, il y aura maintenant lieu de renvoyer ces demandes à une commission ou aux sections.
M. Gendebien. - Je ne sais pas s’il est nécessaire de faire une nouvelle instruction sur ces pétitions ; je ne me rappelle pas bien les termes du règlement, mais il me semble que, puisque le rapport a été fait, que la prise en considération a eu lieu, l’instruction est complète ; il n’y a plus qu’à discuter et à accorder ou refuser définitivement les naturalisations dont il s’agit. Je pense donc que nous n’avons autre chose à faire que de fixer un jour pour la discussion.
M. Dubus (aîné). - Il y a lieu, messieurs, à formuler des projets de loi sur les demandes dont il s’agit ; il faut un projet de loi séparé pour chaque grande naturalisation, tandis que les naturalisations ordinaires pourront être réunies en un seul projet ; il faut donc renvoyer les demandes à une commission quelconque.
M. Gendebien. - Si l’on entend que la commission à laquelle on renverrait les requêtes n’aurait plus à compulser les dossiers, à examiner les motifs de chaque demande, en un mot, qu’elle ne serait chargée que de rédiger les projets de loi accordant les naturalisations, je ne m’oppose plus au renvoi.
- La chambre, consultée, renvoie les pièces à la commission des naturalisations.
Première section
Président : M. de Nef
Vice-président : M. Duvivier
Secrétaire : M. B. Dubus
Rapporteur : M. Hye-Hoys
Deuxième section
Président : M. Legrelle
Vice-président : M. de Terbecq
Secrétaire : M. Milcamps
Rapporteur : M. Doignon
Troisième section
Président : M. Vanderbelen
Vice-président : M. Simons
Secrétaire : M. Scheyven
Rapporteur : M. Verrue-Lafrancq
Quatrième section
Président : M. Fallon
Vice-président : M. H. Vilain XIIII
Secrétaire : M. Dequesne
Rapporteur : M. Vergauwen
Cinquième section
Président : M. Desmanet de Biesme
Vice-président : M. Thienpont
Secrétaire : M. d’Hoffschmidt
Rapporteur : M. de Longrée
Sixième section
Président : M. Dubus aîné
Vice-président : M. Pollénus
Secrétaire : M. Lejeune
Rapporteur : M. de Jaegher.
M. Dolez, élu par le district de Mons, qui a été proclamé membre de la chambre dans une précédente séance prête serment.
M. le président donne lecture de l’art. 1er du projet et des amendements qui s’y rapportent, sauf de celui de M. Vandenbossche qui a été retiré par l’honorable membre.
M. Dechamps. - Je n’avais présenté mon amendement que pour déterminer d’une manière plus précise le sens de l’article premier. Comme M. le ministre des finances a déclaré hier qu’il entendait cet article comme moi, et que je crains que si mon amendement était écarté, les contribuables pussent croire que la chambre a voulu donner un autre sens à la loi, je retire ma proposition. Je pense que l’article exprime assez clairement le sens que j’y ai attaché, ainsi que M. le ministre des finances lui-même.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est sur la position de la question, messieurs, que je demande à parler. D’après l’amendement de M. Eloy de Burdinne, on excepterait de la disposition de l’art. 1er les chevaux servant à la selle, parce que, d’après l’article 2 qu’il propose, ces chevaux ne seraient imposés que d’un droit de 5 fr. par cheval. Je pense qu’il importe de voter d’abord sur cet art. 2 ; car s’il était rejeté, l’exception que réclame M. Eloy de Burdinne à l’art. 1er se trouverait par cela même écartée.
M. Eloy de Burdinne lit un discours dans lequel il développe son amendement. (Ce discours ne nous a pas été communiqué.)
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ferai une simple observation ; le droit de 15 francs que nous proposons, et qui sera maintenant le plus souvent appliqué, est très modéré ; le réduire encore, ce serait aller trop loin. L’on n’accorderait du reste par là qu’un bien faible avantage à ceux qui se servent de chevaux, et l’on diminuerait beaucoup les revenus du trésor ; celui qui a la faculté de faire usage d’un cheval peut bien, sans s’imposer un grand sacrifice, payer le droit modique de 15 fr. que vous adopterez, je n’en doute pas, de préférence à celui de 5 francs, qui est véritablement en-dessous de toute proportion équitable.
- Le chiffre de 5 fr, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le commencement de l’art. 1er, jusqu’aux mots « commis-voyageurs » inclusivement est mis aux voix et adopté.
L’addition du mot « notaires » est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
Il en est de même de la disposition concernant les doyens ruraux domiciliés dans les villes.
L’amendement de M. Dubus, tendant à supprimer les mots : « dont la culture forme le principal moyen d’existence, » est mis aux voix et adopté,
L’ensemble de l’article 1er est ensuite mis aux voix et adopté.
(Projet du gouvernement.) Art. 2. Sont soumis à la même taxe les chevaux tenus pour le service de la garde civique, lorsqu’ils servent en même temps pour d’autres usages, à la selle ou à des voitures suspendues. »
(Projet de la commission.) « Les chevaux servant à la selle ou à l’attelage de voitures suspendue, mais employés habituellement à l’usage de professions non désignées à l’article précédent, seront soumis à la même taxe, lorsqu’ils seront indispensables à l’exercice de ces professions. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense que la commission ne propose pas de substituer l’art. 2 qu’elle a présenté à l’article 2 du projet du gouvernement.
Je ne me suis rallié à l’article 2 proposé par la commission, comme devant former l’art. 3 ; ces deux articles sont indépendants l’un de l’autre.
Je prierai donc M. le président de vouloir bien mettre d’abord en discussion l’art. 2 du projet du gouvernement relatif à la garde civique.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’art. 2 du projet du gouvernement.
M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, la commission n’a pas cru pouvoir adopter l’art. 2 du projet du gouvernement et cela se conçoit : la loi de 1822 faisait jouir de la taxe modérée les militaires qui se servent de chevaux en exécution des règlements ; c’est une obligation qui leur incombe de tenir des chevaux, et aucune idée de luxe ne s’attache à cet emploi. Mais la commission n’a pas cru que les mêmes raisons pouvaient être invoquées en faveur des membres de la garde civique à cheval.
La loi sur la garde civique laisse la faculté aux villes d’établir des corps de cavalerie ; mais la loi n’oblige pas les membres de la garde civique à tenir des chevaux. Les jeunes gens de la garde civique qui s’incorporent dans ces compagnies de cavalerie ne le font que par fantaisie, et les chevaux qu’ils emploient doivent être considérés comme de véritables chevaux de luxe ; aussi, la commission n’a pas cru qu’ils devaient jouir de la taxe modérée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je pense que votre commission n’a pas bien apprécié la question qui est actuellement en discussion.
L’on a cru que les officiers de l’armée devaient plutôt jouir du bénéfice de la loi, en ce qui concerne les chevaux mixtes, que les membres de la garde civique à cheval et les officiers supérieurs de la garde civique à pied.
Je pense, messieurs, qu’il y a, au contraire, plus de motif pour exempter les chevaux tenus pour le service de la garde civique, que ceux qui sont employés par les officiers de l’armée de ligne.
En effet, le service de la garde civique est purement gratuit. Les officiers qui, aux termes des règlements, sont dans le cas de tenir de chevaux, sont entraînés à des dépenses considérables pour leur équipement. Ils ne retirent aucun bénéfice des fonctions qu’ils remplissent ; ces fonctions sont généralement considérées comme onéreuses et comme un sacrifice fait à la chose publique. Dès lors, il est de toute justice d’assimiler les chevaux qu’ils sont obligés de tenir pour leur service, à ceux que tiennent les officiers dans l’armée de ligne.
Quant aux simples gardes civique à cheval, il existe des motifs également très légitimes pour les faire jouir du bénéfice de la loi ; car s’il est vrai que leur service, aux termes de la loi sur la garde civique, est tout à fait volontaire, il n’en est pas moins vrai que si nous consultons l’esprit de la même loi, il est à désirer qu’il se forme dans les villes des compagnies de garde civique à cheval ; c’est précisément parce qu’on a reconnu que les dépenses d’équipement dans ces compagnies seraient élevées, qu’on s’est borné, dans la loi, à rendre le service volontaire. Mais il entrait certainement dans les vues du législateur de faciliter la formation de ces corps. Dès lors il est juste que les personnes qui consentent à y entrer, jouissent de l’exemption.
J’aime à croire, messieurs, que pour la décision que vous prendrez, vous ne perdrez pas de vue que le service de la garde civique est purement gratuit, qu’il est d’un intérêt général, et qu’aucun membre de cette garde ne tire aucun avantage de ce service.
M. F. de Mérode. - Je suis de l’avis de M. le ministre de l’intérieur, si l’on entend n’appliquer cette faveur qu’aux officiers de la garde civique qui ont le droit de tenir un cheval, et qui appartiennent en outre à des corps organisés ; car l’on sait que dans beaucoup de communes la garde civique n’est pas organisée, est purement nominale. Je pense qu’il faudrait ajouter le mot « organisée » après celui de « garde civique. »
M. Eloy de Burdinne. - Nous sommes d’accord qu’il est nécessaire de favoriser l’organisation de la garde civique dans les communes. Or, nous irions évidemment contre ce but si nous adoptions l’amendement de M. de Mérode. Tel voudra bien accepter les fonctions d’officier supérieur dans la garde civique, avec la jouissance de l’exemption de la taxe pour son cheval, qui ne le voudra plus, si vous l’astreignez à payer cette taxe.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il est en outre à remarquer que la loi qui nous occupe est destinée à être permanente, et que dans le courant de la présente session, ou au plus tard dans la session prochaine, la chambre aura à s’occuper du projet de loi concernant la réorganisation de la garde civique dans les campagnes. (Marques de satisfaction.)
M. Pollénus. - Messieurs, il me paraît que les observations de M. le ministre de l’intérieur répondent à l’amendement proposé par M. de Mérode.
Comme M. le ministre l’a fait remarquer, la loi est destinée à être permanente. En y insérant, par conséquent, l’amendement de M. de Mérode, qui suppose une situation temporaire, provisoire, on défigurerait cette loi.
Je crois qu’il serait très peu convenable d’employer dans la loi ces mots : « Garde civique non organisée ; » car par là vous constateriez que la garde civique n’est pas organisée, et, d’après la loi, elle devrait l’être partout.
Je crois, au reste, que l’intérêt qui s’attache à l’amendement de M. de Mérode est tellement minime, qu’il ne vaut pas la peine d’être inséré dans la loi. Je pense que les considérations qui viennent d’être émises engageront l’honorable membre à renoncer à son amendement.
M. F. de Mérode. - Je n’insiste pas sur l’adoption de mon amendement, parce qu’il pourra toujours être constaté que la garde civique est organisée ou ne l’est pas.
M. le président. - Dès qu’il n’y a pas d’amendement, je vais mettre aux voix l’art. 2 tel qu’il est proposé par le gouvernement.
- L’article est adopté.
« Les chevaux servant à la selle ou à l’attelage de voitures suspendues mais employés habituellement à l’usage de professions non désignées à l’article premier, seront soumis à la même taxe, lorsqu’ils seront indispensables à l’exercice de ces professions. »
- Adopté.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande la parole pour proposer un article additionnel.
L’art. 42 de la loi de 1822 porte, au paragraphe 4, que pour chaque cheval de militaire ou fonctionnaire tenu en exécution des règlement sur le service, quand il sera employé à d’autres usages que ceux prévus par les règlements, on paiera le droit de 7 florins.
Or, 7 florins faisant 14 fr. 82 c. Pour qu’il n’y ait pas dans un même rôle des différences de taxe de quelques centimes pour des chevaux qui se trouvent dans la même catégorie, je proposerai de dire que le droit de 15 fr. remplace celui de sept fl., établi par le paragraphe 4 de l’art. 42 de la loi de 1822.
M. Pollénus. - Je ne puis, quant à présent, me prononcer sur la proposition de M. le ministre des finances. Il m’a été impossible de méditer la portée de la disposition. Je dois cependant faire observer qu’il n’est pas sans inconvénient de rédiger des lois comme le propose M. le ministre des finances ; car, en renvoyant à des lois dont très peu de personnes se souviennent, on fait des choses inintelligibles. Il vaudrait mieux que M. le ministre reproduisît la disposition de la loi de 1822, et rappelât les catégories auxquelles s’applique sa proposition.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). L’article que je soumets à la chambre est un amendement. Il sera soumis au second vote, et si alors on ne le trouvait pas bien en rapport avec la loi de 1822, on pourrait l’écarter ou le modifier.
M. Pollénus demande qu’on indique les catégories auxquelles s’appliquera la disposition. Je lui ferai observer qu’il ne s’agit que de militaires et de fonctionnaires, qui doivent connaître la loi de 1822.
M. Pollénus. - Il vaudrait mieux répéter la disposition de la loi de 1822, ce serait plus clair.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ceux qui sont passibles d’un droit en vertu de la loi de 1822, connaissent les dispositions de cette loi. Les militaires et les fonctionnaires qui attellent leurs chevaux à des voitures suspendues continueront à se référer à l’art. 42 de la loi de 1822 comme à la disposition que je propose.
M. Gendebien. - Il me semble qu’il conviendrait de réduire en francs tous les droits établis par la loi de 1822.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Non ! non !
M. Gendebien. - Je ne veux pas réduire votre portion congrue ; il s’agit ici d’un impôt de luxe, il ne peut entrer dans ma pensée d’en proposer la réduction.
Je voudrais qu’à l’art. 1er, au lieu de 20 florins qui font 42 fr. 32 c., on fixât ce droit à 43 fr. Comme vous voyez, j’augmente l’impôt.
Au lieu de 5 florins je proposerai 10 fr. Ici je diminue un peu, mais je ferai observer qu’il ne s’agit plus de chevaux de luxe, mais de chevaux de diligence, de chevaux de poste, etc.
Je voudrais également qu’on diminuât au second paragraphe relatif aux marchands de chevaux, en prenant le florin pour deux francs ; ce ne sont pas ici non plus des chevaux de luxe, mais des objets de négoce. De cette manière, nous ne verrons pas dans la loi cette bigarrure, de fixer d’un côté l’impôt en florins et de l’autre en francs.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne vois pas l’utilité de la proposition de M. Gendebien ; si on adoptait le mode qu’il suggère, il faudrait revoir encore d’autres paragraphes de la loi que ceux qu’il a indiqués. Il y a sept ou huit droits différents en florins, il faudrait les réduire tous en francs. Nous ne révisons pas la sixième base de la loi de 1822 dans toutes ses parties, nous ne la modifions que dans les articles qui ont donné lieu des contestations. Je n’ai au surplus présenté mon amendement que pour éviter de placer dans un même rôle un droit de 14-82 à coté d’un droit de 15 fr., pour des objets imposables analogues ; mais si M. Gendebien persistait dans sa proposition, je préférerais retirer la mienne pour faite cesser toute discussion.
M. Gendebien. - Je ne tiens pas du tout à ma proposition, mais M. le ministre des finances paraît tenir beaucoup à la sienne, quoiqu’elle ne s’applique pas à des chevaux de luxe. Quoi qu’il en soit, comme c’est une loi provisoire que nous faisons et qui doit rentrer dans une loi générale que, j’espère, on nous présentera prochainement, je ne persiste, pas dans ma proposition.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je retire mon amendement.
« Toutefois, les médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires, commis-voyageurs, et les gardes civiques, ne pourront jouir pour plus d’un cheval du bénéfice des précédentes dispositions. Tous autres chevaux tenus par eux, et servant aux mêmes usages, seront imposés comme chevaux de luxe. »
M. le président. - La commission ajoute les mots : « fabricants et cultivateurs. »
MM. Eloy de Burdinne et Vandenbossche proposent de rédiger l’art. 4 de la manière suivante :
« Toutefois les commis-voyageurs et les gardes civiques ne pourront jouir pour plus d’un cheval du bénéfice des précédentes dispositions.
« Tous autres chevaux tenus par eux, et servant aux mêmes usages, seront imposés comme chevaux de luxe. »
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je crois que la rédaction que j’ai proposée est rationnelle, en ce que le garde civique, n’étant tenu à avoir qu’un cheval pour son service, doit être passible du surplus du droit pour les autres chevaux qu’il aurait. Il en est de même des commis-voyageurs à qui un seul cheval peut suffire. Il n’en est pas de même des médecins et chirurgiens, artistes vétérinaires ; car pour eux, surtout ceux qui habitent les campagnes, pour peu qu’ils soient en vogue, ils ne peuvent exercer leur profession avec un seul cheval ; il serait injuste d’exiger l’impôt de luxe pour le second cheval qui leur serait nécessaire pour pouvoir donner les soins convenables à leurs malades, qui pour la plupart sont des malheureux qu’ils traitent gratuitement.
Un seul cheval ne suffit pas, par le motif qu’il ne peut supporter la fatigue et franchir 12 ou 13 lieues par jour dans des chemins souvent impraticables. Par ces motifs, je maintiens mon amendement.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Eloy de Burdinne demande, contrairement à ce qui est proposé par le gouvernement et en partie par la commission, d’autoriser toutes les professions désignées dans l’article 1er, à l’exception des gardes civiques et des commis-voyageurs, à tenir plus d’un cheval au droit de 15 fr. Ainsi les médecins, les chirurgiens, les artistes vétérinaires, les fabricants, les cultivateurs et toutes les autres professions, même non désignées dans la loi, pourraient tenir 2, 3 ou quatre chevaux au droit de 15 francs.
Le gouvernement a pensé qu’en restreignant à un seul cheval les besoins des médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires, commis-voyageurs, et gardes civiques, il posait réellement une limite raisonnable. La commission a trouvé même que sous ce rapport le gouvernement a été trop libéral, et qu’il ne fallait pas autoriser les cultivateurs et les fabricants à tenir plus d’un cheval au droit de 15 francs ; la proposition du gouvernement tient donc, entre les diverses propositions, une moyenne admissible et juste, fondée sur les besoins réels des diverses professions mentionnées dans la loi : d’une part, il ne convient pas de restreindre la loi comme le propose la commission, et d’autre part il ne serait pas juste de l’étendre comme le propose l’honorable M. Eloy de Burdinne.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande si l’on peut considérer comme cheval de luxe le second cheval d’un médecin qui lui est indispensable pour remplir les devoirs de son état, pour soulager l’humanité souffrante. Je dis qu’un médecin de campagne, un peu en vogue, un peu achalandé, ne peut donner les secours de son art à ses malades s’il n’a deux chevaux. Eh bien, vous allez frapper son deuxième cheval du même droit que paie l’homme opulent qui tient un cheval uniquement par luxe.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il m’avait échappé de répondre à cette observation de M. Eloy de Burdinne, je vais le faire. Si un médecin est obligé, pour suffire à sa clientèle, d’avoir deux chevaux, il a une clientèle assez belle pour pouvoir payer sans gène le droit de 20 florins sur le second cheval ; mais chacun sait qu’en général les médecins de campagne n’ont qu’un seul cheval qui suffit amplement aux besoins de leur profession il y en a même beaucoup qui n’en ont pas du tout.
M. Eloy de Burdinne. - Je répondrai à M. le ministre des finances qu’il peut en être ainsi dans des localités populeuses, par exemple, dans les Flandres. Mais il n’en est pas de même dans le Luxembourg, le Limbourg, une partie du Hainaut et du Brabant, et dans les provinces de Liège et de Namur. Là, je le répète, il est impossible à un médecin de remplir les devoirs de son état avec un seul cheval. Donc, lorsqu’il en tient, on ne peut considérer son deuxième cheval comme un cheval de luxe. M. le ministre des finances dit qu’un médecin de campagne qui a deux chevaux gagne beaucoup d’argent. Oui, c’est bien dans les campagnes que l’on gagne de l’argent à soigner les malades, le plus souvent des malheureux auxquels le médecin doit plutôt porter ses honoraires qu’en recevoir d’eux. Il serait injuste de frapper les médecins de campagne qui gagnent 10 ou 12 francs par jour d’un droit qui n’atteindrait pas les médecins de ville, eux qui gagnent de 70 à 80 francs par jour en se promenant dans les villes où les chemins sont très bons.
En outre je ferai remarquer que les médecins qui parcourent un espace de 12 à 15 lieues par jour, et qui peuvent gagner douze francs par jour, lorsqu’ils déduisent de cette somme les frais de nourriture de leurs chevaux, ont réellement fort peu de chose. Je persiste à dire que l’on ne peut considérer comme cheval de luxe le deuxième cheval d’un médecin de campagne, puisqu’il lui est indispensable pour l’exercice de sa profession.
Si vous admettez la proposition du ministre des finances, il en résultera que les malheureux ne recevront plus dans les campagnes les soins des médecins.
- L’amendement de M. Eloy de Burdinne est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’amendement de la commission tendant à ajouter dans l’article les mots « les fabricants et les cultivateurs, » est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’art. 3 du projet du gouvernement, qui devient l’art. 4, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
« Art. 4 du projet du gouvernement, qui devient l’art. 5 : En cas de contestation relativement à l’usage du cheval ou à la condition exprimée à l’égard du cultivateur, la cotisation sera établie d’après une décision de la députation permanente des conseils provinciaux prise sur l’avis de la commission instituée par l’art. 58 de la loi sur la contribution personnelle, et dont chaque fraction avisera séparément lorsqu’il y aura partage égal de voix.
« L’avis de la commission sera présenté à la députation permanente par l’intermédiaire du directeur des contributions directes, cadastre, douanes et accises. »
« Art. 4 (nouveau), proposé par M. Vandenbossche. Les chevaux servant à l’attelage de voilures suspendues, ou servant principalement à la selle, mais employés en même temps à l’agriculture par les cultivateurs, dont la culture forme le principal état, seront soumis à la même taxe de 15 francs.
« Les cultivateurs et les fabricants sont en droit d’atteler à des voitures suspendues, alternativement tous leurs chevaux, en payant la taxe pour un, ou pour deux, si simultanément ils emploient deux chevaux à une voiture suspendue. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Cet article me paraît complètement inutile. L’art. 1er a pourvu au cas prévu par le premier paragraphe de cet amendement.
Quant au deuxième paragraphe, il est évident que c’est d’après le nombre des chevaux qu’on attelle régulièrement aux voitures suspendues que le droit est réglé. Si on attelle deux chevaux, deux chevaux seulement paient.
M. Vandenbossche. - Je retire cet article.
« Art. 5 (proposé par M. Vandenbossche). Les particuliers qui n’ont point de cheval, mais qui possèdent une voiture suspendue sur ressorts ou soupentes, sont admis, moyennant de payer la taxe de quinze francs, à y atteler un cheval de cultivateur, servant principalement et habituellement à la culture, sans que ce cultivateur soit sujet à la taxe. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois faire remarquer que ce second amendement de M. Vandenbossche est également inutile. L’administration ne s’enquiert jamais si celui qui attelle un cheval à sa voiture est propriétaire de ce cheval. Il suffit d’atteler à une voiture suspendue un cheval dont on est ou non propriétaire, en même temps qu’il est principalement et habituellement employé à la culture de la terre ou pour d’autres professions, pour qu’il y ait lieu à l’application de la taxe de 15 francs. Il ne s’agit pas de savoir si la propriété de la voiture appartient à tel ou tel individu qui s’en sert.
- L’art. 5 nouveau, proposé par M. Vandenbossche, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il paraît que par suite d’un retranchement opéré dans l’art. 1er, il faut retrancher dans l’art. 4 ces mots ; « ou à la condition exprimée à l’égard du cultivateur. »
M. Fallon. - J’allais faire la même observation.
- Le retranchement est adopté.
M. Pollénus. - C’est au conseil provincial qu’est dévolue la faculté de déterminer à quel usage le cheval est consacré ; je demanderai à la section centrale, ou à M. le ministre des finances, si la députation des états aura en même temps le droit de prononcer les peines portées par la loi de 1822 dans le cas de fausses déclarations. Voici ce qui m’engage à faire cette interpellation :
S’il appartient à la députation des états de prononcer définitivement relativement à l’usage du cheval, cette décision entraînerait nécessairement l’application de la peine, et les tribunaux ne pourraient se dispenser de la prononcer ; mais je ne crois pas qu’il puisse en être ainsi. Si l’on veut enlever aux tribunaux la connaissance de ces sortes d’affaires, il faut que la députation des états puisse infliger les peines.
M. Dechamps. - L’honorable membre demande si les peines portées par la loi de 1822 existent encore : la commission n’a pas cru devoir abolir les articles de la législation de 1822 contre les fraudeurs, et ils restent en vigueur.
M. Pollénus. - La réponse de M. le rapporteur me démontre que nous n’entendons pas l’article en discussion de la même manière. Selon moi, il amènera un conflit interminable ; car il pourra y avoir deux décisions diamétralement opposées et qui subsisteront ensemble. Il s’agit d’une contravention ; eh bien, je suppose que la question soit jugée d’une manière par la députation, et d’une autre manière par le tribunal : qu’arrivera-t-il, puisqu’on ne peut pas forcer un tribunal à prononcer une peine sur une appréciation administrative ? Les moyens d’instruction par la députation permanente sont indiqués dans la loi ; elle base sa décision sur un avis de la commission ; on ne réserve pas à la partie intéressée la faculté de se défendre, dès lors il n’entrera dans l’esprit de personne de vouloir qu’une décision de cette députation puisse entraîner la décision des tribunaux ; et dans ces circonstances ne serait-il pas préférable que la députation permanente prononce les amendes ?
Si elle ne les prononçait pas, on pourrait se pourvoir devant les tribunaux, et il pourrait y avoir deux décisions contradictoires.
Si M. le ministre ou si la section centrale avaient laissé à la députation la faculté de régulariser les moyens d’instruction, je crois qu’il y aurait garantie suffisante, et il n’y aurait plus lieu à des conflits qui font toujours un mauvais effet, s’ils ne font pas scandale.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est évident que nous n’avons pas entendu, par l’art. 4 du projet, supprimer les pénalités qui existent dans la loi de 1822 contre les fausses déclarations ; sans quoi on ne manquerait jamais de déclarer le cheval au taux le plus bas, puisqu’on n’encourrait aucune peine.
L’honorable membre se demande ce qui arrivera lorsque la députation des états aura statué ; mais, pour le savoir, il suffit d’examiner dans quelles circonstances la députation prononcera.
Comment parviendra l’affaire devant la députation ? Par suite d’un procès-verbal. Si ce procès-verbal est mal fondé, la députation permanente déclare que le cheval est mixte, et alors il n’y a pas lieu à aller devant les tribunaux ; si le procès-verbal est déclaré fondé par la députation des états, ce procès-verbal ira devant les tribunaux comme si le recours devant la députation n’avait pas eu lieu. Il n’y aura, du reste, aucune espèce de scandale dans cette manière de procéder.
M. Pollénus. - Je rends justice aux intentions du ministre des finances ; mais il me semble que l’inconvénient que j’ai signalé existe réellement ; que l’on veuille y faire attention.
La députation des états prononçant sur une contestation, elle peut se trouver en contradiction avec la décision du tribunal, si la faculté d’aller devant le tribunal n’est pas supprimée ; mais comme on doit éviter tout conflit, il faut laisser, si on le juge convenable, la décision entière à la députation des états.
M. Dubus. - Messieurs, il me semble aussi que l’article en discussion laisse beaucoup à désirer ; car on établit une jurisprudence extraordinaire, et on n’en détermine pas les règles : vous n’avez pas de garanties que celui qu’il s’agit de condamner pourra présenter ses moyens de défense ; comment, en effet, celui contre lequel on aura dressé procès-verbal, et qui prétendra n’être pas en contravention, pourra-t-il prouver qu’il est dans les conditions prévues par la loi et qu’il ne doit payer que 15 francs au lieu de quarante francs ? On dit que la députation des états prononcera ; comment prononcera-t-elle ? Sur l’avis d’une commission, dit l’article en discussion ; mais d’entendre la personne intéressée, il n’y a pas un mot relatif à cela dans cet article. Cependant si cette personne annonçait qu’elle a 10 ou 20 témoins à faire entendre, rien n’indique comment ils seront entendus, comment on procédera aux enquêtes. Il me paraît que c’est là de l’arbitraire tout pur que l’on formule dans la loi.
Tout contribuable doit cependant pouvoir se défendre ; il faut qu’il ait les mêmes moyens de se défendre devant une députation que devant un tribunal.
Je ne saisis pas bien les raisons pour lesquelles on veut soustraire ces sortes d’affaires à la connaissance des tribunaux ; toutefois, si on veut que la députation décide seule, il faut que celui à qui on impute une contravention soit mise à même de se défendre devant cette députation.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est à tort que l’on taxe la loi d’arbitraire, car aucune loi ne présente de pareilles garanties aux contribuables.
En effet le procès-verbal devrait, sans la disposition de l’article, aller directement devant les tribunaux, tandis que nous, au contraire, nous voulons le faire passer d’abord devant la députation permanente.
La députation des états prononce sur les pièces produites tant par la personne à charge de laquelle le procès-verbal a été dressé que par l’administration, attendu que l’article n’exclut aucune espèce de preuve ; si la députation déclare que le procès-verbal n’est pas fondé, l’administration se soumet à cette décision ; si, au contraire, la députation déclare que le procès-verbal est fondé, alors le contribuable reste dans tous les droits que lui donne la loi de 1822 : il peut se pourvoir devant les tribunaux, y faire prévaloir ses raisons et gagner son procès ; l’instance devant la députation des états n’est qu’un simple moyen d’instruction administrative, qui n’enlève aucun droit au contribuable et qui lui donne de plus des garanties contre toute fausse interprétation de la loi. La disposition mérite dont d’être accueillie favorablement par la chambre.
M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, d’après ce que vient de nous dire M. le ministre des finances, la députation provinciale ne ferait que donner un simple avis pour éclairer l’administration, et si je l’ai bien compris, le contribuable restera dans tous ses droits et pourrait toujours recourir aux tribunaux s’il le jugeait convenable. D’après ces explications, il me semble que le mot « décision » n’est plus le terme propre, et qu’il faut le remplacer par le mot « avis » ou par une expression équivalente.
M. Fallon. - Messieurs, je considère aussi la disposition de l’art. 4 du projet du gouvernement comme une amélioration à la loi sur la contribution personnelle ; c’est, comme vient de le M. le ministre des finances, une garantie de plus qu’on accorde au contribuable ; par exemple, un procès-verbal a été dressé contre un médecin par le fisc, qui trouve que son cheval n’est pas employé principalement dans l’exercice de sa profession ; ce médecin s’adresse à la députation des états qui déclare que le cheval sert effectivement à cet usage et qu’il rentre par conséquent dans l’application de l’art. 1er ; eh bien, cette décision lie l’administration qui ne peut plus donner suite au procès-verbal.
Je suppose maintenant que sur une semblable réclamation la députation provinciale déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer ; en ce cas l’administration poursuit le médecin devant les tribunaux, et là le médecin se défend par tous les moyens que lui fournit la procédure ordinaire. Voilà, messieurs, comme j’entends la disposition, et il me semble qu’elle est tout en faveur des contribuables.
M. Verdussen. - D’après les observations qui ont été présentées par l’honorable M. Dechamps, je crois qu’il faudrait ajouter quelque chose à l’article ; car si nous disons dans la loi que la cotisation sera établie d’après une décision de la députation des états, et que nous ne parlions pas du recours aux tribunaux, il s’en suivra que la décision de la députation des états sera sans appel ; il faudrait donc, me semble-t-il, dire : « sauf le recours à l’autorité judiciaire. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il faut alors que la faculté de recourir aux tribunaux soit réciproque.
M. Verdussen. - Sans doute.
M. de Jaegher. - Il y aurait un inconvénient très grave à établir la réciprocité de la faculté de recourir aux tribunaux, il résulterait de là un grand nombre de procès ; il est arrive souvent que l’administration poussait jusqu’en cassation des causes souverainement injustes ; c’est ce que je veux éviter autant que possible et pour cela je m’opposerai à ce que le principe de réciprocité soit établi dans la loi.
M. Gendebien. - Si j’ai bien compris M. le ministre des finances, je ne vois pas la nécessité d’introduire dans la loi la disposition proposée par mon honorable collègue M. Verdussen ; il me semble que le ministre entend l’article dans ce sens que la décision de la députation provinciale lierait toujours l’administration, mais que le particulier contre lequel la députation aurait prononcé pourrait toujours former opposition à la contrainte décernée contre lui par l’administration ; voilà je crois ce qu’a dit le ministre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est ce qui résulte du projet.
M. Gendebien. - Dès lors, messieurs, lorsqu’il s’agira d’appliquer la loi, on en consultera l’esprit, ou se reportera à la discussion qui aura précédé son adoption, on y verra les paroles du ministre, et aucun tribunal ne pourra se méprendre sur le sens de la loi. D’ailleurs, messieurs, la disposition fait une exemption au droit commun en faveur du contribuable, et l’on pourrait presque dire contre l’administration ; il faudrait donc une stipulation expresse du législateur pour qu’on pût y donner l’extension qu’on semble craindre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La disposition proposée par M. Verdussen me paraît inutile, puisque nous entendons l’article en ce sens qu’il ne fait que donner au contribuable à charge duquel un procès-verbal est dressé, la faculté de recourir à la députation des états, qui émet un avis obligatoire pour l’administration, mais qui ne lie pas le contribuable devant les tribunaux.
M. Fallon. - Messieurs, d’après le sens que nous attribuons à l’article 4, je ne vois pas qu’il soit possible d’admettre l’amendement de M. Verdussen. Si la députation des états donne gain de cause au contribuable, l’administration se trouve arrêtée dans son action ; dans le cas contraire le contribuable a toujours son action ouverte devant les tribunaux, ou plutôt il n’aura pas d’action à intenter : il attendra celle que lui intentera l’administration et alors il se défendra ; je ne vois donc pas à quoi servirait la réserve que propose l’honorable M. Verdussen.
M. Verdussen. - Je crois, messieurs, que les tribunaux pourront se récuser ; lorsqu’il est dit dans la loi que la cotisation est établie d’après une décision de la députation des états, je ne conçois pas pourquoi les tribunaux ne pourraient pas dire : « Puisque, conformément à la loi, la cotisation a été établie par la députation provinciale, nous n’avons pas à intervenir. » Il faut laisser la porte des tribunaux ouverte aux contribuables qui se croiraient lésé, et vous ne pouvez, me semble-t-il, le faire qu’en adoptant mon amendement.
M. Gendebien. - On pourrait peut-être, messieurs, éviter toute espèce de doute en ajoutant les mots suivants, qui compléteraient l’amendement de M. Verdussen : « sauf recours aux tribunaux, par les contribuables, sur opposition à la contraintes. »
M. Pollénus. - M. le ministre des finances ne peut pas contester que le projet de loi ne rend pas l’opinion qu’il vient d’énoncer ; l’honorable M. Verdussen et d’autres orateurs l’ont assez dit, le texte du projet porte : « La cotisation sera établie d’après une décision de la députation permanente. » Or, si vous ne dites pas dans la loi que la députation ne donnera qu’un simple avis, si vous ne réservez pas le recours aux tribunaux, l’administration ne pourra-t-elle pas dire que les tribunaux n’ont plus à connaître de ce qui concerne la cotisation, puisque, d’après l’article 4 de la loi, elle a été définitivement arrêtée par la députation provinciale ? Ce ne sera donc pas un avis qu’émettra la députation, mais elle prendra une véritable décision ; et cela est tellement vrai, que la loi suppose qu’il y aura déjà eu des contestations, puisqu’elle dit : « en cas de contestation, etc. » Si donc vous ne réservez pas expressément le recours contre la décision de la députation, il en résultera qu’elle sera définitive et que l’autorité judiciaire ne pourra pas intervenir.
Je crois donc que l’amendement de l’honorable M. Verdussen est nécessaire, ou qu’au moins un changement de rédaction dans le projet est indispensable. Je pense même que l’amendement de M. Verdussen est suffisant, et qu’il est inutile d’y ajouter de quelle manière les tribunaux seront saisis, car il va de soi qu’ils seront saisis par suite de l’opposition des contribuables.
Je crois toutefois qu’il conviendrait d’ajouter un mot à l’amendement qui nous occupe. M. le ministre des finances a dit qu’il considérerait l’administration comme étant irrévocablement liée par la décision de la députation permanente ; mais il ne peut ravir aux contribuables la faculté de se pourvoir devant les tribunaux. Je proposerai, en conséquence, d’ajouter à l’amendement ces mots : « Sauf le recours aux tribunaux de la part des contribuables. »
Un membre. - Ces mots se trouvent dans l’amendement.
M. Pollénus. - Si ces mots s’y trouvent, mon observation devient inutile ; je n’avais pas compris de cette manière l’amendement de M. Verdussen. Au reste, dans tous les cas, il est indispensable d’adopter cet amendement, ou bien de modifier la rédaction du projet du gouvernement.
M. Fallon. - Je suis disposé à donner mon assentiment à l’amendement proposé. Mais comme je ne crois pas nécessaire de charger la députation permanente des conseils provinciaux de faire la cotisation, je proposerai un changement de rédaction.
A ces mots : « La cotisation sera établie d’après une décision de la députation permanente des conseils provinciaux, prise sur l’avis… » je demande qu’on substitue ceux-ci :
« Il y sera statué par la députation permanente des conseils provinciaux sur l’avis… »
- Ce changement de rédaction est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement de M. le ministre des finances, qui consiste à ajouter à la fin de l’article les mots : « le tout sans préjudice de l’opposition et du recours aux tribunaux de la part des contribuables. »
- Cet amendement est mis aux voix et adopté.
L’ensemble de l’article, avec les deux amendements ci-dessus, est ensuite mis aux voix et adopté.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je demande la parole pour présenter la disposition finale suivante, que je crois indispensable.
« La présente loi sera applicable à partir du 1er janvier 1837. »
Je ne pense pas que la moindre objection puisse être soulevée contre l’espèce de rétroactivité consacrée par l’article additionnel que je propose.
La loi qui nous occupe vous est déjà soumise depuis l’année 1835. L’on pouvait croire, en conséquence, qu’elle aurait été votée assez tôt en 1836 pour pouvoir sortir ses effets au 1er janvier 1837.
D’ailleurs les rôles ne sont pas faits, la disposition n’aura donc réellement pas d’effet rétroactif, puisqu’il n’y aura pas de droit acquis ; et comme, en outre, la loi tend plutôt à entraîner une diminution qu’une augmentation pour le trésor, je pense, messieurs, que vous n’éprouverez pas le moindre scrupule à adopter l’article additionnel que j’ai l’honneur de vous présenter.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne partage pas l’opinion de M. le ministre des finances, qui prétend que la loi ne peut entraîner une nouvelle charge pour les contribuables : je vais citer un exemple du contraire.
Un médecin qui aura déclaré deux chevaux mixtes se trouvera, contre son intention, appelé à payer pour un cheval, à raison de la taxe modérée ; et, pour le second, à raison de 20 florins.
Je crois donc qu’il n’y a pas lieu de donner un effet rétroactif à la loi ; et qu’elle doit seulement sortir ses effets pour l’année prochaine.
M. Fallon. - Je ne vois pas d’inconvénient à donner un effet rétroactif à la loi ; toutefois, je crois qu’il serait nécessaire d’accorder aux contribuables un temps quelconque pour qu’ils pussent rectifier leurs déclarations.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne vois pas d’inconvénient à dire que les déclarations seront rectifiées dans les 15 ou les 20 jours après la promulgation de la loi.
Cette disposition aura plus de poids qu’une simple mesure ministérielle, parce qu’elle tendra à faire exécuter plus strictement la loi dans un délai déterminé.
Je prierai donc M. Fallon de vouloir bien déposer un amendement dans le sens qu’il vient d’indiquer.
M. le président. - Voici, avec l’amendement de M. Fallon, la disposition finale, présentée par M. le ministre des finances :
« La présente loi sera applicable à partir du 1er janvier 1837.
« Toutefois, les déclarations qui ont été faites avant l’époque à laquelle la présente loi sera obligatoire, pourront être rectifiées dans les 20 jours qui suivront cette époque. »
- Cette disposition est mise aux voix et adoptée.
M. Dechamps, rapporteur. - J’ai une explication à demander à M. le ministre des finances. Ne serait-il pas nécessaire de faire précéder la loi d’un considérant dans lequel on mentionnerait que les articles de la législation précédente, contraires à la présente loi sont abrogés ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart) et d’autres membres. - Cela va de soi !
M. Dechamps. - Si telle est l’opinion de M. le ministre, je n’insiste pas.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je demande que la chambre veuille bien fixer le vote définitif de la loi entre les deux votes du budget du département de la justice. De cette manière, nous aurons le temps de revoir tous les amendements qui ont été introduits dans la loi. En outre, en procédant ainsi, nous n’interromprons pas la discussion du budget de la justice, qui sera probablement entamée demain.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demanderai à la chambre de vouloir bien fixer la discussion du projet de loi relatif à l’achat de la bibliothèque van Hulthem, entre les deux votes du budget de la justice.
Aux termes du contrat il faut que les fonds nécessaires soient alloués avant le 1er février.
Le sénat, il est vrai, n’est pas réuni, mais je sais que les héritiers seront satisfaits, si la chambre des représentants s’est prononcée avant l’époque fixée.
- La proposition de M. le ministre de l'intérieur est adoptée.
M. d'Hoffschmidt., rapporteur de la commission de comptabilité, dépose le rapport sur le budget de la chambre.
- L’impression et la distribution en sont ordonnées, et la discussion est fixée après le vote du budget de la justice.
M. Rogier. - La discussion très importante sur la loi des mines devant avoir lieu très prochainement, et ne voulant pas la retarder par des demandes de renseignements auxquelles le gouvernement ne pourrait satisfaire que dans un certain délai, je crois convenable de présenter dès aujourd’hui quelques questions sur lesquelles je crois que la chambre serait bien aise d’être éclairée avant que la discussion ne commence.
Il serait utile de connaître d’une manière approximative et officielle le nombre, l’étendue et la situation des mines de houille concédées ;
Les quantités et le prix par tonneau des houilles extraites par année, en Belgique, de 1830 à 1836 ;
Le nombre, l’étendue et la situation des mines de houille pour lesquelles des demandes en concession ont été adressées au gouvernement ;
Même question sur les demandes en extension ou maintien de concession.
Je crois que ces renseignements sont entre les mains du département de l’intérieur, aujourd’hui des travaux publics, et par conséquent qu’ils pourront facilement nous être fournis.
La Belgique renferme des richesses considérables qui de jour en jour acquièrent plus d’importance. Ce serait le moment de savoir au juste en quoi consistent ces richesses. C’est le but des questions que j’ai l’honneur de présenter.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense qu’il pourra être donné des renseignements satisfaisants sur les questions posées par l’honorable préopinant : cependant, à l’égard de celles relatives à l’étendue et la situation des mines concédées et des concessions demandées, on ne pourra donner que des renseignements approximatifs.
Quant à la quantité et au prix dès houilles extraites, cela a été l’objet d’une enquête ; on pourra donner à la chambre des renseignements tout à fait satisfaisants.
M. Rogier et M. Gendebien. - Il ne serait pas mal de remonter jusqu’à 1829.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - M. le ministre des travaux publics pourra donner tous les renseignements désirables avant la discussion.
M. Rogier. - Il faudrait qu’ils fussent imprimés.
M. le président. - M. le ministre des travaux publics n’est pas présent et pourra s’expliquer à la prochaine séance.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Si la chambre, comme l’auteur de la motion, veut se contenter de renseignements approximatifs sur les deux questions que j’ai indiquées, je puis dès à présent déclarer que les renseignements demandés pourront être fournis.
M. le président. - Nous avons à l’ordre du jour la loi sur les distilleries et le budget de la justice, mais un nouveau projet sur les distilleries ayant été présenté et des pétitions ayant été renvoyées à la commission, dans cet état de choses, je ne pense pas qu’on puisse s’occuper de cet objet.
Nous avons ensuite à l’ordre du jour la discussion du budget de la justice.
M. Fallon. - Il a été déposé par la commission des finances un rapport sur les créances arriérées du département de la guerre pendant les exercices 1830, 1831 et années antérieures. La discussion de ce rapport est urgente, car la position de plusieurs négociants serait gravement compromise si on tardait à les payer. Cette discussion ne sera pas longue ; je proposerai de la fixer immédiatement après le vote du budget de la justice.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne sais si la commission de finances a présenté son rapport sur les autres demandes de crédit pour liquider les créances arriérées ; si ce rapport est fait, je demanderai qu’il soit mis à l’ordre du jour avec celui que vient d’indiquer l’honorable préopinant ; s’il n’est pas fait, je demanderai que la commission soit invitée à le présenter dans le plus bref délai possible.
M. Fallon. - La commission a dû consacrer un grand nombre de séances à l’examen des créances arriérées du département de la guerre, elle s’est déjà occupée de celles du département des finances ; et elle présentera son rapport le plus tôt possible. La commission sait qu’il y a urgence de liquider ces créances pour éviter des poursuites judiciaires.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a aussi celles du département de la justice.
M. Fallon. - L’examen de celles-là sera l’affaire d’un instant.
M. Verdussen. - Cela ne doit pas arrêter la discussion de la chambre sur le rapport déjà déposé par M. Fallon.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Non ! Non !
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Si le budget du ministère de la justice n’occupait pas toute la séance, je demanderais qu’on la remplît par la discussion des petits projets qui ont été indiqués.
M. le président. - La discussion générale sur le budget de la justice est ouverte.
Plusieurs voix. - A demain ! à demain !
M. Pollénus. - On devait penser que le budget de la justice ne serait pas discuté aujourd’hui, le projet de loi sur les distilleries étant placé avant sur le bulletin de l’ordre du jour. Rapporteur de la section centrale je ne m attendais pas à ce que cette discussion commençât aujourd’hui ; je n’ai pas avec moi le dossier concernant ce budget. Il est quatre heures, nous ne serions guère avancés à commencer aujourd’hui cette discussion.
M. le président. - J’ai déjà fait observer pourquoi on ne pouvait pas discuter le projet de loi sur les distilleries. L’heure est avancée : nous pouvons, puisque beaucoup de membres le désirent, renvoyer à demain la discussion du budget de la justice.
- La séance est levée à 4 heures.