(Moniteur belge n°159, du 7 juin 1836 et Moniteur belge n°160, du 8 juin 1836)
(Moniteur belge n°159, du 7 juin 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure et demie.
M. Schaetzen lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Brycx (Désiré-François-Guillaume), né en France et habitant la Belgique depuis 1814, demande la naturalisation. »
« Le sieur Mengal, clerc laïc, né en Belgique d’un père français, ayant omis de faire la déclaration prescrite par l’article 9 du code civil, demande la naturalisation. »
« Le sieur Moraux, ex-employé des douanes, admis à la retraite, réclame le paiement d’une somme de 61 francs qui lui reviennent du chef de sa pension pour le 1er semestre de 1832. »
« Le sieur Nicolas-Joseph Dumoulin, à Liège, réclame la pension du chef d’indemnités contractées au service. »
« Trois miliciens de 1835 de la province de Namur, non tombés au sort et mariés en 1835, réclament contre la décision de la députation de la province de Namur, qui les appelle au service pour compléter le contingent de la classe de 1836. »
- Les pétitions concernant les naturalisations sont renvoyées à M. le ministre de la justice ; les autres sont renvoyées à la commission des pétitions chargée d’en faire le rapport.
M. Dubus, M. Lejeune, M. Milcamps et M. Desmet, rapporteurs de la commission des naturalisations, déposent des rapports sur le bureau.
M. F. de Mérode. - Messieurs, d’après notre règlement, nos séances doivent commencer à midi. Néanmoins, depuis assez longtemps, on ne parvient à être en nombre qu’à deux heures ; il en résulte que ceux qui arrivent à midi doivent attendre pendant deux heures, sans aucun avantage pour nos travaux.
Il me semble qu’il serait urgent de prendre une résolution relative à la tenue de nos séances. On devrait faire l’appel nominal à midi précis, procéder à un réappel à midi et demi ; et si alors on n’était pas en nombre, les membres présents sortiraient de la salle de manière que chacun serait averti le lendemain que s’il n’était pas rendu à la chambre à midi, la séance ne pourrait avoir lieu.
De cette manière, nous aurions des séances de 4 à 5 heures ; nous pourrions faire de la besogne, au lieu que si nous continuions à n’avoir que des séances de 2 heures, nous pourrions encore passer une grande partie de l’été ici.
M. le président. - Demain nous ferons l’appel nominal à midi et quart.
M. F. de Mérode. - Je ne demande pas qu’on fasse simplement l’appel nominal, sans autre résultat. Je le répète, l’objet de ma motion est qu’on procède à un réappel à midi et demi, et qu’alors, si la chambre n’est pas en nombre, les membres présents prennent la résolution de quitter la salle.
J’entends dire que la session ne durera guère plus de 8 jours ; mais, messieurs, je ne pense pas qu’il faille perdre la moitié des séances, parce que la session ne durera plus que huit jours ; je pense, au contraire, que c’est un motif de plus pour adopter ma proposition ; les huit jours qui nous restent en seront d’autant mieux utilisés.
Je demande qu’il soit pris une décision sur ma motion d’ordre.
M. le président. - Je déclare de nouveau que demain nous ferons l’appel nominal à midi et quart.
M. F. de Mérode. - Mais, M. le président, je demande qu’on fasse un réappel à midi et quart.
M. le président. - Nous le ferons, quand nous serons en nombre.
M. F. de Mérode. - Il me semble que M. le président n’est pas disposé à mettre ma proposition aux voix.
M. Dubus. - La proposition de l’honorable ministre d’Etat, M. de Mérode, telle qu’il vient de la formuler, serait réellement un article de règlement. Or, je ne pense pas qu’on puisse adopter un nouvel article de règlement, sans examen préalable.
Je ferai observer, d’ailleurs, que l’adoption de la proposition aurait un résultat contraire à celui que se promet l’auteur de la motion. Il pourrait en résulter, en effet, que les travaux de la chambre fussent entravés ; nous pourrions souvent ne pas avoir séance ; et il me paraît qu’il vaut mieux avoir une séance de deux ou trois heures que de n’en avoir pas du tout. (L’ordre du jour ! l’ordre du jour !)
M. F. de Mérode. - Messieurs, ma proposition tend évidemment à rendre nos séances plus longues, et il ne plus laisser attendre ceux qui se rendent toujours à la chambre à l’heure précise, sans aucun encouragement pour eux.
L’honorable préopinant ne montre pas beaucoup de sollicitude pour l’emploi du temps de la chambre : car, dans beaucoup de circonstances, il est disposé à voter des congés, à lever les séances de bonne heure, et même à les faire cesser.
Quant à moi, j’ai un autre système ; si l’on ne veut pas adopter ma proposition, il est clair qu’on veut traîner les sessions indéfiniment, comme cela a eu lieu jusqu’à présent.
M. Dubus. - Je demande la parole pour un fait personnel.
Comme je suis le seul qui aie pris la parole pour répondre aux observations de l’honorable ministre d’Etat, M. de Mérode, je ne puis appliquer qu’à moi les insinuations qu’il s’est permises.
C’est donc moi que M. le ministre d’Etat signale comme étant fort empressé de provoquer des congés, et de rendre les séances aussi courtes que possible.
Je dois dire que ma conduite à la chambre me paraît tout à fait opposée à celle que me prête M. de Mérode ; et je me bornerai à répondre à l’honorable membre que je l’invite à articuler des faits, et que je les rencontrerai un à un.
Certes, messieurs, il ne dépend pas de moi que les séances de la chambre ne soient pas plus longues, et il m’est arrivé aussi souvent qu’à tout autre de mes honorables collègues d’attendre assez longtemps avant l’ouverture de la séance.
M. Gendebien. - Il n’y a pas plus de trois mois que nous avons adopté un article additionnel au règlement. Il a été décide alors qu’on ferait l’appel nominal à midi et quart précis, et qu’on insérerait les noms des absents dans le Moniteur.
Messieurs, nous devons prendre un parti aujourd’hui. Fera-t-on l’appel nominal demain à midi et quart, et inscrira-t-on au Moniteur les noms des absents ?
Quant à moi, si on est décidé à faire l’appel nominal à midi et quart, je serai à mon poste à midi et dix minutes.
M. David monte en ce moment à la tribune et dépose un rapport sur le projet de loi modifiant certains articles du tarif des douanes.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
- La chambre reprend la discussion de la motion de M. de Mérode.
M. Dumortier. - Messieurs, certainement c’est une chose très fâcheuse de voir que l’assemblée n’est généralement en nombre que vers deux heures, alors que le règlement nous oblige d’ouvrir la séance à midi.
Mais je ne pense pas que l’on doive, ainsi que l’a fait un des préopinants, adresser de ce chef des reproches à l’un ou à l’autre membre de cette chambre.
Comme les paroles de M. de Mérode pourraient avoir du retentissement dans le pays, je dois expliquer les causes du retard qu’éprouve la chambre d’être en nombre ; il provient, messieurs, de ce que les séances sont beaucoup trop prolongées sans intervalle. Rappelez-vous que nous avons été convoqués au mois d’août dernier ; c’est donc depuis dix mois que la session dure, et dans cet intervalle nous n’avons été en vacances que pendant le mois d’octobre.
Il n’en est pas de même en Angleterre ; là, le parlement ne reste jamais rassemblé que pendant 6 semaines ou deux mois ; après quoi il prend un congé de la même durée.
Il faut l’avouer, messieurs, la vie que nous menons ici est tout à fait fatigante. Comment pouvez-vous exiger une assiduité constante pendant des sessions qui durent dix mois ? On ne pourra parer à l’inconvénient dont on se plaint, qu’en adoptant le système suivi en Angleterre et en France.
M. Gendebien. - En attendant, le règlement doit être exécuté. La chose dépend du bureau. Je le prie de vouloir bien s’expliquer.
M. le président. - Messieurs, nous faisons toujours l’appel nominal, dès que la chambre est en nombre, et le bureau est toujours à son poste à midi.
Si l’assemblée le désire, on procédera demain à l’appel nominal à midi et quart.
M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, j’ai l’honneur de déposer sur le bureau divers rapports sur des demandes en naturalisation.
La chambre a renvoyé à la commission une nouvelle pétition de M. Hauss, professeur à l’université de Gand, sur la première pétition duquel j’ai déjà fait un rapport.
Comme la nouvelle requête ne contient aucune considération nouvelle, je demande qu’elle puisse être jointe au premier rapport. (Oui ! oui !)
M. de Brouckere. - La chambre est maintenant saisie d’un certain nombre de rapports relatifs à des demandes en naturalisation. Il conviendrait de fixer dès à présent des séances pour prendre des décisions sur ces rapports.
Comme ce ne sera guère qu’une opération de vote, on pourrait y consacrer des séances du soir.
M. Desmanet de Biesme. - Tout en appuyant la proposition faite par M. de Brouckere, je ferai remarquer que nous ne pouvons pas nous occuper de toutes les demandes en naturalisation à la fois, et de là j’en infère que nous devons commencer par statuer sur les demandes les plus pressées. Par exemple, il y a beaucoup de douaniers qui peuvent continuer leur service sans être naturalisés ; mais il est beaucoup d’employés dans les administrations communales pour lesquels il importe d’être promptement naturalisés. Il est ainsi beaucoup de personnes qui, par certaines circonstances, ont perdu leur qualité de Belges et qui veulent la recouvrer ; il serait important pour elles qu’elles pussent prendre part aux élections départementales et communales. De tout ceci il résulte qu’il faudrait ranger les demandes en naturalisation en diverses catégories.
M. Pollénus. - Je rappellerai que parmi les demandes en naturalisation il en est une d’un magistrat de l’ordre judiciaire ; il est extrêmement important pour ce magistrat et pour le tribunal où il doit remplir ses fonctions, que l’on statue sur sa demande.
M. de Brouckere. - Je crois que ce n’est pas le moment de rechercher dans quel ordre nous discuterons les demandes en naturalisation. La commission qui a examiné ces demandes pourrait nous dise quel ordre serait le meilleur.
M. Legrelle. - Dans l’ordre qui nous sera proposé, je ferai observer qu’il est important de ne pas négliger les demandes en naturalisation faites par des capitaines de navires.
- La chambre décide que mercredi soir elle s’occupera des demandes en naturalisation. La réunion aura lieu à 8 heures précises du soir.
M. de Brouckere. - Mercredi soir, la commission nous fera connaître dans quel ordre il conviendra de procéder.
M. Dubus. - Il y a environ soixante rapports déposés sur le bureau ; pour les discuter, il faut que les rapporteurs soient présents. Ce serait un précédent fâcheux que d’établir l’ordre d’une discussion dans la séance même où elle doit avoir lieu.
Les rapporteurs pris à l’improviste pourraient ne pas être en état de donner les renseignements utiles. Si les rapporteurs jetaient un coup d’œil sur les travaux qu’ils ont déjà faits, ils pourraient, dès demain, nous dire dans quel ordre il conviendrait de délibérer.
M. le ministre des finances (M. d'Huart) (pour une motion d’ordre). - Je pense avec M. Dubus que demain, à la séance, nous pourrons déterminer l’ordre de la discussion, sur l’avis de MM. les rapporteurs de la commission des naturalisations.
M. le ministre des finances (M. d'Huart) (pour une motion d’ordre). - Mais j’ai une autre motion à soumettre à l’assemblée.
Je demande que la discussion sur le projet de loi concernant l’emprunt de 30 millions soit mis à l’ordre du jour immédiatement après la délibération sur le projet concernant le crédit pour les lits militaires.
M. Dumortier. - Je pense que l’on doit entendre la proposition faite par le ministre en ce sens que l’on s’occupera de l’emprunt après le second vote sur la loi concernant le transit.
Mais, à propos de la motion du ministre, je dois rappeler une question préjudicielle agitée par la troisième section dont je faisais partie. Cette section a demandé que l’on ne discutât l’emprunt qu’après avoir discuté la question relative à la banque.
Le trésor public possède entre les mains de la banque une somme de 25 millions environ ; avant de faire un emprunt, il faut savoir si nous ne pouvons pas disposer d’une grande partie de ces 25 millions. Je demande que les questions de la banque et de l’emprunt soient mises simultanément en discussion.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’il n’y a pas lieu à mettre en délibération la proposition de M. Dumortier ; la section centrale en a fait justice, en l’écartant. Les chiffres se joignent aux raisonnements pour combattre péremptoirement cette proposition. Quand même vous pourriez obtenir les 25 millions qui sont, dites-vous, entre les mains de la banque, quand même cette somme pourrait être versée au trésor, il y aurait encore lieu à s’occuper de l’emprunt.
M. Dumortier nous parle sans cesse de ces 25 millions ; mais cette somme ne se touchera pas sans quelques difficultés, sans de longs délais, et cependant il y a urgence à faire de l’argent, car les dix millions de bons du trésor créés pour le chemin de fer sont à peu près épuisés, et si l’on écarte l’emprunt, ce ne sera qu’au détriment de la continuation des travaux du chemin de fer ; ce qui ne peut entrer dans la pensée de personne.
Il ne faut pas embrouiller les idées et les affaires ; il faut se borner à l’examen de la question que soulève l’emprunt, comme la majorité de la section centrale l’a déjà décidé.
M. Dumortier. - Le ministre des finances s’exprime légèrement sur la décision qu’a prise la section centrale, et sur la manière dont elle a envisagé la question. La section centrale n’a pas combattu victorieusement ma proposition.
On vous dit : L’argent que le gouvernement a dans les mains de la banque, n’est pas de l’argent dont on puisse disposer, et si on n’accorde pas un emprunt, il faudra abandonner momentanément le chemin de fer ; mais, réfléchissez que le moyen le plus sûr d’avoir de l’argent n’est pas de faire un emprunt : tout le monde sait que les rentrées pour les emprunts se font mensuellement : le prêteur donne deux ou trois millions par mois, et il faudra 12 ou 15 mois pour l’encaissement de 30 millions.
Quant aux 25 millions en litige et sur lesquels la chambre est appelée à statuer, il en serait autrement. En maintenant le traité avec la banque, vous obtiendrez facilement la somme ; en ne le maintenant pas, vous obtiendrez encore la somme après régularisation des opérations par la cour des comptes.
Ainsi, loin de considérer ma proposition comme défavorable au chemin de fer, elle lui serait très favorable, et il ne faut pas la traiter légèrement.
Je demande que la chambre ne préjuge rien actuellement. Quand nous en viendrons à l’emprunt, nous examinerons s’il faut accorder la priorité au rapport sur la banque ou à l’emprunt.
Tout particulier qui a besoin d’argent, avant de faire un emprunt, doit voir s’il ne peut pas disposer de l’argent qu’il a entre les mains de son caissier. Il faut appliquer cette notion si simple aux affaires de l’Etat.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Lorsque la discussion de la loi concernant l’emprunt sera ouverte, on examinera s’il faut recourir à cet emprunt ou si l’on peut s’en passer ; on développera toutes les raison qui appuient la demande du gouvernement ou qui la repoussent ; ceux qui n’en voudront pas, voteront contre, ou ils accorderont avec M. Dumortier un fragment de la somme réclamée, Car je crois qu’il veut donner six millions au lieu de 30.
Si ses raisons sont concluantes, si vous pensez que l’on peut toucher, en temps utile, les fonds de la banque, vous ne voterez que six millions. Ce sera contre la loi un motif que nous aurons à combattre. Mais, entre discuter la question de l’emprunt et examiner toutes les questions que soulève le rapport de M. Fallon, il y a une différence immense ; vous le sentirez facilement.
Je n’ai pas besoin d’insister sur l’urgence de l’emprunt, elle est évidente pour tout le monde.
Je ne veux pas aborder le fond de la question, quoiqu’il me serait facile de démontrer par des chiffres à M. Dumortier qu’il est dans l’erreur lorsqu’il prétend qu’un emprunt ne produirait pas de suite les sommes nécessaires pour continuer les travaux du chemin de fer.
Je me borne à demander que le projet de loi relatif à l’emprunt soit mis à l’ordre du jour. M. Dumortier fera valoir ses motifs pour le faire rejeter ou pour faire voter six millions au lieu de trente.
M. Dumortier. - Je prie M. le ministre des finances de ne pas placer la sixième section dans une autre position que celle où elle s’elle mise. La 6ème section n’a pas demandé le rejet de l’emprunt, elle a demandé que la priorité fût accordée à la question de la banque, parce qu’elle s’est dit que si l’examen de cette question était que l’on pût disposer des fonds de la banque, il y aurait lieu de modifier en ce sens la loi de l’emprunt ; tandis que si vous mettez d’abord en discussion la loi de l’emprunt, vous nous mettez dans une fausse position, vous nous mettez dans l’impossibilité de faire triompher l’opinion que nous défendons.
Réfléchissez-y bien : avant d’entrer dans la voie ruineuse des emprunts, il importe que nous sachions si nous avons ou non le moyen de toucher les fonds que nous doit la banque.
Dès le mois de novembre dernier, sur la proposition de l’honorable M. Lebeau, la question de la banque a été mise à l’ordre du jour. Elle devait venir immédiatement après la loi communale, ensuite immédiatement après les budgets ; nous voici arrivés au mois de juin, et la question de la banque n’est plus à l’ordre du jour, je ne sais comment. J’aurais pensé qu’on aurait dû continuer de la porter à l’ordre du jour comme on y a porté la loi communale, qui a figuré pendant deux mois sur nos bulletins de convocation.
Je maintiens la proposition de la 6ème section ; je demande que, sans rien préjuger, la chambre décide qu’elle examinera, avant de discuter le projet de loi d’emprunt, s’il n’y a pas lieu d’accorder la priorité à la question de la banque.
- La chambre consultée adopte successivement la proposition de M. le ministre des finances, tendant à ce que le projet de loi relatif à l’emprunt de 30 millions soit mis à l’ordre du jour après les objets qui s’y trouvent déjà, et la proposition de M. Dumortier tendant à ce que, quand viendra la discussion de ce projet de loi, on examine la question de savoir s’il n’y a pas lieu d’accorder la priorité la discussion du rapport sur la banque.
M. Gendebien (pour une motion d’ordre.) - Je ne puis me dispenser de renouveler la motion que j’ai faite il y a quelques jours. M. le ministre des finances a reconnu la nécessité d’achever le plus tôt possible les travaux du chemin de fer. Je pense qu’il est d’accord sur ce point avec M. le ministre de l’intérieur. Cependant je ne puis m’empêcher de rappeler que de toutes parts il s’élève des plaintes sur la lenteur des travaux, sans doute par suite de l’excès de zèle des deux ingénieurs directeurs des travaux, qui croient pouvoir suffire à tout et qui craignent peut-être aussi de partager la gloire qu’ils espèrent en retirer.
Je demande si les travaux ne marcheraient pas avec plus de promptitude, s’ils étaient dirigés par six ingénieurs, au lieu de l’être par deux. Il ne s’agit pas ici de travaux d’entreprise particulière, qui doivent souvent marcher lentement, parce que les entrepreneurs n’auraient pas d’argent. Non : tous les fonds sont faits, et la chambre est prête à fournir les fonds nécessaires ; nous ne manquons pas de capacités ni de bras dans le pays ; il ne manque qu’une volonté ferme qui fasse sentir aux deux ingénieurs qu’en partageant la gloire de la direction des travaux, ils conserveront celle de la conception de cet immense travail, et ils acquerront encore une gloire suffisante à leurs justes prétentions.
Je demande donc que M. le ministre de l’intérieur examine s’il n’y a pas lieu d’appeler à la direction des travaux six ou huit ingénieurs au lieu de deux. Il n’y a pas d’ingénieur des ponts et chaussées qui ne soit disposé à y concourir avec le même zèle que ceux qui s’y consacrent aujourd’hui.
D’un autre côté, je dois dire que j’ai reçu du Hainaut une lettre où on me fait remarquer que M. le ministre de l’intérieur ne m’a pas répondu catégoriquement lorsque je lui ai demandé quand on s’occuperait des travaux de l’embranchement du chemin de fer vers le Hainaut. Il faudrait cependant une solution à cette question.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois avoir répondu le plus catégoriquement possible. J’ai dit que le rapport de la commission des ingénieurs, chargée d’examiner les diverses directions par le Hainaut, n’était pas encore prêt. Ce rapport doit m’être remis demain. Je m’occuperai immédiatement de son examen.
M. Dumortier. - J’approuve les motifs qui ont dicté les observations de l’honorable M. Gendebien. Mais puisqu’il a parlé du Hainaut, je dois dire quelques mots dans l’intérêt de la ville que je représente.
Rien n’est décidé pour la direction de la route vers la France. Il est hors de doute que si cette route passe par St-Quentin et Valenciennes, elle devra passer à Mons ; que si au contraire elle passe par Amiens et Lille, elle devra passer à Tournay. Je voudrais donc que le gouvernement fît faire des études non seulement pour la direction de la route par Tournay, mais encore pour la direction de la route par Tournay.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je puis répondre à l’honorable préopinant que les ingénieurs se sont occupés des diverses directions par le Hainaut, et que leur rapport contiendra des conclusions sur ce point.
M. Devaux. - Il me semble qu’il n’y a pas de reproches à adresser aux deux ingénieurs qui dirigent les travaux du chemin de fer, et qu’ils méritent au contraire des éloges pour leur activité et leur intelligence.
Je crois qu’un honorable préopinant est dans l’erreur relativement à l’embranchement par le Hainaut ; car les deux ingénieurs auxquels il a voulu faire allusion sont absolument étrangers à ce projet. Ce sont trois autres ingénieurs qui sont chargés de cette partie de la route en fer.
Quant à la continuation de la route commencée, il n’y a pas, ce me semble, de retard : dix lieues de route sont terminées ; la section de Termonde va être bientôt livrée.
Les travaux sont en outre très avancés sur plusieurs points, notamment entre Louvain et Tirlemont. Plusieurs autres sections sont mises en adjudication. Je crois donc que l’on n’est pas fondé à adresser des reproches à des hommes qui font preuve, je le répète, de beaucoup d’activité et d’intelligence et qui ont plutôt droit à des éloges que pour ma part je leur adresse très volontiers.
M. Gendebien. - Il faut avoir une singulière manie d’interpréter, et d’interpréter d’une manière malveillante, les paroles d’un collègue pour voir un reproche dans ce que j’ai dit. Je voudrais bien qu’un membre de la chambre indiquât un reproche, ou même seulement l’intention d’un reproche, dans ce que j’ai dit à l’égard des deux ingénieurs auxquels j’ai fait allusion. Il faut avoir une singulière manie d’interpréter à mal les paroles d’un collègue pour voir, dans ce que j’ai dit, un reproche à leur égard. Au contraire, en toute occasion, j’ai rendu justice à leur zèle, à leur capacité, à leur bonne volonté. Mais n’est-il pas évident qu’il y aura plus d’activité dans les travaux, s’il y a 6 ingénieurs au lieu de 2 ?
Voilà la seule observation que j’ai faite précédemment, et que j’ai renouvelée aujourd’hui. Quant aux reproches que j’aurais adressés aux ingénieurs, je repousse cette imputation malveillante, et je défie de citer une de mes expressions qui puisse la justifier.
Le préopinant dit que ce ne sont pas les 2 ingénieurs qui dirigent l’exécution des travaux qui ont été chargés de lever les plans pour l’embranchement vers Mons. Je le sais aussi bien que lui, et je ne leur ai pas plus adressé des reproches sous ce rapport que sous l’autre point de vue. Mais je dis que sur les routes vers Gand, Ostende, Liége, il est impossible d’activer davantage les travaux, si on n’en confie pas la direction à 6 ingénieurs au lieu de deux. Il me semble qu’il y a là plutôt louange que blâme.
Quant à l’embranchement vers le Hainaut, je ne veux pas entrer dans cette discussion de savoir s’il doit passer par Mons plutôt que par Tournay. Je ne veux pas qu’on dise que j’insiste en faveur de mon clocher. Si la route de France passe par Amiens et Lille, Tournay aurait son embranchement vers Lille. Mais cela n’empêche pas que Mons ait un embranchement qui lui est indispensable.
Du reste, il est certain que si le gouvernement français fait passer la route en fer par Cambray, il y aura deux embranchements : l’un vers Lille, l’autre vers Valenciennes. Si le chemin de fer ne va que jusqu’à Valenciennes, il se trouvera bien une société qui fera un embranchement de Mons vers Valenciennes.
- La chambre passe à la suite de l’ordre du jour.
(Moniteur belge n°160, du 8 juin 1836) M. le président. - La discussion continue sur l’article 37 et l’amendement proposé à cet article par M. Dubus.
M. Smits. - Je ne pense pas que la proposition de l’honorable M. Dubus puisse être admise ; car il y a une grande différence entre l’article 15 et l’article 37. L’article 15 accorde au gouvernement la faculté de prohiber le transit de telles denrées qu’il jugera convenable, sauf à donner aux chambres, dans leur plus prochaine session, communication des mesures qu’il aurait prises. D’après l’article 37 le gouvernement peut accorder à une nation étrangère des avantages de transit sous la condition d’une entière et parfaite réciprocité. Ainsi il peut arriver que le gouvernement traite, par exemple, avec la Prusse, pour obtenir une diminution sur les droits de transit en usage dans les Etats de cette puissance. D’après la disposition proposée par M. Dubus, il faudrait en rendre compte aux chambres. Mais si la chambre ne sanctionnait pas, le contrat serait en quelque sorte annulé. Il pourrait en résulter un désavantage pour la Belgique car les avantages qu’il aurait assurés à cette puissance étrangère venant à cesser, elle ferait aussitôt cesser les avantages qui n’auraient été assurés à la Belgique que par réciprocité. Je crois, d’après cela, que l’honorable M. Dubus n’insistera pas pour l’adoption de sa proposition.
M. Pollénus. - Après que M. le ministre des finances s’était rallié, à la dernière séance, à la proposition de la section centrale, l’honorable rapporteur a déclaré que l’intention de la section centrale avait été d’adopter la proposition telle qu’elle a été faite par l’honorable M. Dubus. En effet, le rapporteur de la section centrale nous a renvoyés à la page 15 du rapport où nous lisons :
« Nous avons cru devoir accorder au gouvernement cette faculté de suppression ou de diminution des droits de transit, mais en la limitant dans le sens de l’art. 15, c’est-à-dire que les diminutions ou les suppressions de droit que l’administration aura opérées viendront à cesser, après la clôture de la plus prochaine session de la législature, si elles n’ont été converties en lois. »
Je demanderai donc à M. le ministre des finances s’il se rallie à la proposition de M. Dubus, laquelle, d’après le rapporteur rend mieux la pensée de la section centrale que la proposition qu’elle avait faite.
L’honorable préopinant croit qu’il n’y a pas les mêmes motifs pour adopter à l’article 37 la disposition que vous avez votée à l’article 15. Je crois que les mêmes motifs existent absolument. De quoi s’agit-il, dans l’une et l’autre disposition ? De modifier une disposition sur un objet sur lequel il appartient au pouvoir législatif seul de statuer ; car l’art. 112 de la constitution porte : « Nulle exemption ou modération d’impôt ne peut être établie que par une loi. » Or, une loi, c’est bien un acte des différentes branches du pouvoir exécutif. Un acte du pouvoir exécutif remplaçant une loi, même pour un terme limité ! Cela est déjà exorbitant. L’art. 15 porte que le gouvernement n’aura ce droit qu’en l’absence des chambres.
Je dis, messieurs, que nous avons le même motif de nous assurer que la déviation de l’art. 112 de la constitution ne sera pas permanente. C’est à porter à l’art. 37 la même disposition qu’à l’art 15.
Je trouve qu’il y a ici une difficulté grave, une question constitutionnelle à examiner. D’après l’art. 112 de la constitution, un impôt ne peut être établi que par une loi. Une loi est l’œuvre des trois branches du pouvoir législatif, et ici vous voulez déléguer au pouvoir exécutif un droit qui appartient aux différentes branches réunies du pouvoir législatif. Je n’ai pas eu le temps d’examiner la question ; les réflexions que je viens de faire m’ont été suggérées par ce que vient de dire l’honorable préopinant ; je les livre aux méditations de la chambre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ainsi que l’a fait remarquer l’honorable M. Smits, il faut convenir qu’il y a une différence notable entre l’article 15 et l’article 37. L’article 15 donne au gouvernement la faculté de prohiber telle ou telle marchandise, par conséquent de prendre une mesure rigoureuse, tandis que dans l’article 37 il ne s’agit que de diminuer, de supprimer même les droits de transit par voie de réciprocité.
Nous avons pensé devoir vous présenter une rédaction qui nous paraît de nature à recevoir notre approbation. Elle est conçue dans le même sens que celle de M. Dubus, sans présenter les mêmes inconvénients.
Nous pensons que dès qu’une seule chambre aura manifesté son opinion, la mesure doit tomber de plein droit. Il n’y a donc pas à craindre ainsi que la mesure subsiste contre la volonté d’une partie du pouvoir législatif, puisque nous voulons aussi qu’il y ait obligation pour le gouvernement de soumettre la disposition aux deux chambres à la plus prochaine réunion. Dès qu’une des branches de la législature aurait manifesté une opinion contraire, cette mesure tombera d’elle-même.
D’après la proposition du gouvernement, si la session qui suivrait la mesure prise était laborieuse comme elles le sont toutes, si des projets plus importants occupaient les moments des chambres, ou s’il n’y avait qu’une courte session extraordinaire, on pourrait se borner à prendre ratification de l’arrêté communiqué, et les chambres le laisseraient subsister, sans se prononcer, jusqu’à la session suivante ; toutefois, si on y trouvait des inconvénients, il suffirait de le déclarer, et pour faire tomber l’arrêté, il ne faudrait pas pour cela le concours des trois branches du pouvoir législatif. Le refus d’approbation d’une seule branche du pouvoir législatif amènerait le même résultat.
Voici la disposition que je propose :
« Les diminutions et les franchises accordées par le gouvernement devront être soumises à l’approbation de la législature dans sa plus prochaine session, et cesseront leur effet de plein droit le jour où l’une des deux chambres aurait déclaré ne pas admettre le projet. »
Vous avez là toutes les garanties que vous pouvez désirer.
M. Dumortier. - Messieurs, je ne pense pas que vous puissiez adopter cette proposition. Le texte de la constitution est formel. J’aurai l’honneur de faire remarquer qu’il y a une différence entre l’article en discussion et l’art. 15 ; mais cette différence n’est pas celle signalée par le député d’Anvers. Par l’art. 15, dit-on, vous avez autorisé le gouvernement à diminuer ou augmenter la prohibition. L’art. 15 n’accorde au gouvernement qu’une chose, la faculté d’augmenter la liste des objets prohibés. Mais qu’est-ce qu’une prohibition ? C’est la défense d’entrer. La constitution n’a rien stipulé à cet égard ; nous avons donc pu voter l’art. 15 sans porter atteinte à la constitution.
Mais ici il s’agit de diminuer les droits de transit ; or, les droits de douanes sont des impôts, pouvons-nous autoriser le gouvernement à lever un impôt par simple arrêté ? L’art. 112 porte : « Nulle exemption ou modération d’impôt ne peut être établie que par une loi. »
Le gouvernement ne peut donc pas faire de modération d’impôt ; à la loi seule appartient de modifier, augmenter ou diminuer les impôts. Si on avait eu l’art. 112 de la constitution sous les yeux, on ne nous aurait pas proposé cette disposition. Son inconstitutionnalité est si flagrante que nous ne pouvons pas la discuter.
Si on admettait une semblable proposition, on substituerait le régime des ordonnances au régime de la loi.
Il pourrait se faire que le gouvernement fît un traité avec la Prusse pour diminuer les droits de transit. On a déjà répondu qu’un traité que les deux parties ne sont liées qu’autant que le traité a été sanctionné par la législature.
Même en admettant qu’il y ait eu convention réciproque, vous ne pourriez pas adopter la proposition qui vous est faite, car cette convention ne peut être faite aux termes de la constitution qu’avec l’assentiment des chambres. Lisez l’article 68 de la constitution ; il porte : « Les traites de commerce et ceux qui pourraient grever l’Etat ou lier individuellement des Belges n’ont d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment des chambres. »
On voudrait ici que ces traités eussent leur effet avant d’avoir eu l’assentiment des chambres.
Il y a donc deux articles de la constitution qui s’opposent à l’adoption de la disposition proposée, les articles 68 et 112 ; l’art. 112 qui ne permet de modération ou exemption d’impôt que par une loi.
Une voix. - Eh bien, ce sera la loi qui le dira !
M. Dumortier. - L’art. 112 ne dit pas : « par la loi » mais « par une loi, » ce qui indique qu’il faut une loi spéciale.
Ensuite vient l’art. 68, aux termes duquel aucun traité pouvant grever l’Etat ou individuellement des Belges ne peut avoir d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment des chambres.
Dans l’un et l’autre cas, il y a violation formelle de la constitution.
L’amendement de mon honorable ami a l’avantage que la chambre est obligée de se prononcer à la prochaine session, car la mesure tombe si elle ne le fait pas.
L’application de l’art. 68 ne peut pas être l’objet d’un doute. Quand le gouvernement a fait un traité de pilotage avec le Brésil, ce traité avons-nous eu le droit de le ratifier ou de ne pas le sacrifier ? Manifestement nous avons eu ce droit. Ce n’était pas une loi de douane, mais c’était dans l’intérêt du transit actuel, car les modifications apportées aux droits de tonnage étaient un moyen d’arriver au transit.
Eh bien, vous avez fait une loi, et, manifestement, vous ne pouviez pas faire différemment ; si donc vous avez alors été obligés de faire une loi, vous ne pouvez pas actuellement autoriser le gouvernement à en faire lui-même. Vous ne pouvez pas substituer le pouvoir exécutif au pouvoir législatif, ce qui est contraire à la constitution.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, vous aurez remarqué que nous admettons la première partie de l’amendement de M. Dubus, qui dit que le gouvernement ne pourra prendre les mesures dont il s’agit que dans l’intervalle des sessions législatives. Nous admettons également, sans la moindre opposition, que la communication aux chambres devra se faire immédiatement à l’époque de leur première réunion qui suivra l’arrêté. Maintenant, M. Dumortier dit : « Mais vous autorisez le gouvernement à modérer l’impôt, à conclure des traités de commerce, sans l’intervention des chambres. » Je vous ferai remarquer, messieurs, que ni l’une ni l’autre de ces assertions ne me paraît fondée ; d’abord il n’est pas question d’autoriser le gouvernement à conclure des traités sans l’intervention des chambres ; car, en premier lieu, il ne s’agit pas de conventions définitives, puisqu’elles doivent être soumises aux chambres à leur plus prochaine réunion ; et, en, second lieu, ces conventions provisoires ne se feront qu’en vertu de l’autorisation que nous vous demandons par l’article en discussion, article qui détermine d’avance les conditions sous lesquelles nous pourrons conclure des conventions provisoires, savoir : une entière et parfaite réciprocité. Je crois donc que de ce chef la disposition est constitutionnelle.
L’art. 37 suppose également que la réduction du droit de transit sur l’une ou sur l’autre marchandise ne pourra être accordée que dans l’intérêt du commerce et de l’industrie nationale ; dès lors vous voyez bien qu’il faut envisager la disposition seulement sous le rapport industriel et commercial, et non pas comme étant relative à l’impôt : toute la discussion de la loi que nous votons prouve en effet qu’il ne s’agit pas d’une question d’impôt, mais d’une question de commerce ; il n’y a donc également sous ce rapport rien d’inconstitutionnel à adopter l’amendement présenté par M. le ministre des finances ; tous les droits des chambres sont entièrement réservés, car du moment que l’une ou l’autre aurait déclaré qu’elle n’adopte pas le projet de loi qui approuve une convention conclue par le gouvernement, cette convention assurerait tout son effet.
J’ajouterai quelques mots sur l’utilité de la disposition. Indépendamment des considérations qu’a fait valoir M. le ministre des finances, il en est encore d’autres qui militent fortement en faveur de l’adoption de la proposition qu’il vous a faite ; par exemple que le gouvernement ait pris une des mesures dont il s’agit et qu’il ait soumis aux chambres un projet de loi à cet égard. Mais les chambres désirent, avant de se prononcer, s’éclairer sur l’utilité de cette mesure par l’expérience des effets qu’elle produira ; eh bien, la rédaction que nous vous soumettons présente cet avantage, que dans un pareil cas les chambres pourront consacrer un temps plus long à l’examen de la mesure, et que cet examen sera d’autant plus parfait que la mesure sera mise en pratique, tandis que dans le cas où les chambres devraient prendre une décision immédiate, lorsque la question ne serait quelquefois pas assez éclaircie, elles pourraient sanctionner une convention qui laisserait à désirer et qui, devenant ainsi définitive par l’approbation de la législature, ne pourrait plus être modifiée, ou bien elles pourraient rejeter une mesure salutaire et avoir plus tard à se repentir d’avoir émis un vote prématuré, ou plutôt à regretter de s’être trouvées dans la nécessité de se prononcer sur une mesure avant d’avoir pu l’examiner mûrement.
M. Dubus. - Messieurs, quand j’ai présenté mon amendement, je n’en avais pas aperçu toute la gravité ; je dirai même que je ne m’attendais pas à ce qu’il ne rencontrât aucune espèce d’opposition, car j’avais uniquement pour but de mettre la rédaction de la section centrale d’accord avec le rapport de cette même section, dans lequel on lit à la page 15 :
« La section centrale s’est ralliée à l’observation faite par la deuxième section, qui a trouvé avec raison cette faculté d’exemption d’impôt abandonnée au gouvernement, comme étant en opposition avec la lettre et avec l’esprit de la constitution.
« Ne voulant pas cependant, puisque l’administration allègue que les inconvénients de l’absence d’une autorisation pareille qui permette de satisfaire à des nécessités imprévues, fondées sur les besoins du commerce et de l’industrie, se sont fait fréquemment sentir, empêcher que le gouvernement puisse alors faire tout ce que commandera l’intérêt de l’agriculture, de l’industrie et du commerce.
« Nous avons cru devoir accorder au gouvernement cette faculté de suppression ou de diminution des droits de transit, mais en la limitant dans le sens de l’art. 15, c’est-à-dire, que les diminutions ou les suppressions de droit que l’administration aura opérées viendront à cesser après la clôture de la plus prochaine session de la législature, si elles n’ont été converties en lois. »
Vous voyez, messieurs, que la rédaction de la section centrale n’atteignait pas le but que, dans son rapport, elle disait vouloir atteindre. Car au lieu de dire que l’ordonnance du gouvernement cesserait son effet dans le cas où elle n’aurait pas été approuvée par les chambres, elle s’est bornée à dire que cette ordonnance serait soumise à l’approbation de la plus prochaine législature, d’où il résultait que si les trois branches du pouvoir législatif ne se mettaient pas d’accord sur le projet, et que par suite il n’y eût aucune solution de la question, l’ordonnance du gouvernement subsistait et acquérait par conséquent le véritable caractère d’une loi, ce qui, de l’aveu de tout le monde, est en opposition manifeste avec la constitution ; car nous ne pouvons pas donner au gouvernement le pouvoir de faire des lois, nous ne pouvons pas déléguer le pouvoir législatif.
Il fallait donc, d’après les observations de la section centrale que j’ai citées tout à l’heure, ajouter à l’art. 37 la même disposition qui se trouve dans l’art. 15, et c’est ce que j’ai eu l’honneur de proposer à la chambre.
Cependant M. le ministre des finances, qui s’est rallié au travail de la section centrale, ne veut pas admettre que l’on introduise dans l’art. 37 une disposition semblable à celle de l’art 15, parce qu’il trouve entre ces deux articles une grande différence en ce que dans l’art. 15 il s’agit d’étendre la prohibition du transit ; mais ce sont là deux genres de modification qui ont tout à fait le même caractère ; il peut importer autant au pays de ne pas accorder, dans un cas donné, diminution ou franchise du droit de transit que de ne pas étendre la prohibition du transit dans un autre cas donné ; il est évident que ce sont deux sortes de dispositions qui affectent, tout autant l’une que l’autre, la loi du transit, et que vous ne pouvez pas établir de différence entre elles ; je crois que tous ceux qui sont conséquents voudront la même règle pour l’art 37 que pour l’art. 15, et que si vous n’insérez pas dans l’art. 37 la disposition qui se trouve dans l’article 15, ce sera une raison pour modifier celui-ci au second vote ; car, encore une fois, les deux articles ont le même caractère.
Il y a plus, messieurs ; je trouve dans l’art. 37 la prévision d’un cas plus grave encore, puisqu’il suppose que la franchise du droit de transit pourra être accordée, non pas seulement en faveur du commerce du pays, mais encore en faveur du commerce de nos voisins.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - A condition de réciprocité.
M. Dubus. - Un moment ; nous verrons si tout le monde se laissera payer par ce mot de réciprocité.
Je disais que ce ne serait pas en faveur du pays, mais en faveur des puissances étrangères que le gouvernement serait autorisé à conclure des conventions, des traités de commerce ; car toute convention en matière de douane est évidemment un traité de commerce.
Or, la constitution a précisément réservé à la législature la sanction des traités de commerce, et elle a même prescrit qu’ils ne sortiront aucun effet avant cette sanction. Considéré sous ce point de vue, l’art. 37 est donc plus grave que l’art. 15, et au lieu de trouver entre ces deux articles une différence en faveur de l’article 37, on en trouve une qui tourne contre cet article.
Mais, dit-on, si le gouvernement peut accorder des avantages au commerce étranger, c’est sous la condition d’une parfaite et entière réciprocité ; remarquez bien, messieurs, que, dans une convention qui a pour base une parfaite réciprocité, les intérêts du pays peuvent très bien être sacrifiés, car le pays peut avoir intérêt, sous plusieurs rapports, à prohiber telle ou telle marchandise, et cet intérêt ne cessera pas toujours lorsque la puissance voisine admettra la même marchandise. Dès lors vous devez reconnaître qu’une convention qui accorde franchise entière du droit de transit sous la condition d’une parfaite réciprocité peut être favorable au pays voisin, mais dommageable à la Belgique ; c’est ce que personne ne contestera. Ainsi en définitive il s’agit dans l’art. 37 d’autoriser le gouvernement à prendre des mesures qui soient favorables au commerce des puissances voisines et dommageables au pays.
Mais, dit-on, nous ne voulons pas enlever à la législature le droit de sanctionner de telles mesures ; mais il pourrait arriver que la chambre à laquelle le gouvernement avait communiqué un projet de loi ayant pour objet de conserver une ordonnance provisoire, pourrait n’avoir pas le temps de s’en occuper. Messieurs, s’il est nécessaire que la mesure soit définitive, vous avez la garantie que la chambre s’en occupera ; vous ne devez pas vous défier de vous-mêmes ; or ce que l’on vous propose c’est de vous défier de vous-mêmes.
Toutefois apprécions l’amendement en lui-même et tel qu’on vous le propose, et voyons s’il ne présente pas d’autres inconvénients, s’il répond au but que l’on veut atteindre.
On consent à stipuler que le gouvernement ne pourra prendre ces mesures que dans l’intervalle des sessions ; à stipuler qu’il devra présenter un projet de loi aux chambres à l’ouverture de la plus prochaine session ; et l’on a ajouté que l’on présenterait cette loi aux deux chambres.
Mais veut-on les mettre à même de se prononcer en même temps ? Ce serait quelque chose de tout nouveau dans notre système parlementaire que la présentation d’un projet de loi aux deux chambres en même temps ! Le gouvernement, lorsqu’il use de l’initiative, présente un projet de loi à l’une des deux chambres ; et c’est quand l’une d’elles a prononcé qu’on le présente à l’autre. Si les chambres venaient à délibérer toutes deux ensemble sur le même projet, on verrait entre elles un échange de projets assez singulier ! Quoi qu’il en soit, n’y a-t-il pas des projets qui doivent être présentés en premier lieu à la chambre des représentants ? Ces projets ne sont-ils pas précisément ceux qui concernent les recettes et les dépenses, et toutes les lois d’impôt ? Et ici qu’est-ce autre clause qu’une loi d’impôt ?
Tout à l’heure j’ai entendu dire que la loi sur le transit n’était pas une loi d’impôt. Messieurs, d’après les définitions de la constitution, elle est bien une loi d’impôt.
L’art. 110 porte : « Aucun impôt au profit de l’Etat ne peut être établi que par une loi. »
L’art. 111 porte : « Les impôts au profit de l’Etat sont votés annuellement.
« Les lois qui les établissent n’ont de force que pour un an si elles ne sont renouvelées. »
Ainsi, du moment qu’une loi stipule une rétribution à exiger des citoyens, elle devient une loi d’impôt ; alors la loi qui établit un droit de transit, un droit sur des marchandises qui traversent le territoire, est une loi d’impôt, tout aussi bien que la loi qui établit un droit sur les marchandises à l’entrée et à la sortie.
Si la loi de transit est une loi d’impôt, toute loi qui la modifiera sera également une loi d’impôt. Par conséquent, si vous avez seul l’initiative de la loi concernant le transit, vous avec seuls l’initiative de la loi qui la modifierait. Le gouvernement serait donc obligé de présenter en premier lieu à la chambre des représentants son projet de loi ; et si la chambre des représentants ne les examinait pas dans sa session, elle enlèverait au sénat la faculté de se prononcer encore qu’il voulût se prononcer.
De là il s’ensuivrait que l’ordonnance aurait le caractère d’une loi par la simple volonté de la chambre des représentants, volonté qu’elle ne manifesterait qu’en s’abstenant de s’occuper d’un projet de loi présenté ; et de cette manière vous ôteriez à l’autre branche du pouvoir législatif sa prérogative.
La modification présentée par le ministre des finances ne me paraît pas acceptable. Je crois que vous devez introduire dans l’article 37 le même amendement qui a été introduit dans l’article 15, sauf à examiner, lors du second vote, si l’un et l’autre article peut se concilier avec tous les textes de la constitution.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous ne pensions pas que la question soulevée pût subir une discussion sérieuse ; mais nous voyons, d’après les discours des préopinants, que le débat peut se prolonger très longtemps encore ; alors il vaudrait mieux, dans l’intérêt de la chose publique, nous rallier à l’amendement de M. Dubus. Nous ne voulions en rien toucher aux prérogatives des chambres ; mais nous ne voulions pas les mettre dans le cas de s’occuper de questions sur lesquelles il y aurait eu assentiment tacite ou qu’on n’aurait pas eu le temps de juger par les lumières d’une expérience suffisante.
Aux opinions contradictoires émises, nous pourrions cependant opposer une autorité bien imposante, celle de la législature belge elle-même. En effet nous pouvons citer plusieurs lois qui ont décrété la même chose. La loi du 8 août 1835 qui donne au gouvernement la faculté d’accorder la franchise de l’importation ou de l’exportation de certains objets, en est une ; la loi concernant l’introduction des machines en est une autre.
Je pourrais citer encore d’autres exemples de dispositions semblables adoptées par notre législature ; mais, je le répète, puisque la mesure que nous proposons paraît sujette à une très longue controverse, nous déclarons nous rallier à la disposition présentée par M. Dubus. (Aux voix ! aux voix !)
M. Dumortier. - Si on veut réserver la question de constitutionnalité pour le second vote, je ne m’oppose pas à la clôture de la discussion.
- La chambre ferme le débat.
L’amendement présenté par M. Dubus est adopté.
L’article 37 est adopté.
« Art. 38. Les mesures de surveillance, de vérification, de précaution, ainsi que les pénalités prescrites dans la présente loi pour le transit, sont, en tout, rendues applicables à l’exportation en décharge des droits pour les objets soumis à l’accise, de même qu’aux marchandises importées même autrement qu’en transit sur un entrepôt, ou transportées d’un entrepôt sur un autre.
« Elles ne dérogent point toutefois aux mesures spéciales établies par les lois du 31 juillet 1834 (Bulletin officiel, n°626 et 672), on ce qui concerne les céréales, les toiles et le bétail. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallie à cette rédaction de l’article 38, présentée par la section centrale, en demandant l’addition, au deuxième paragraphe, de ces mots : « et de la loi du 31 décembre 1835, n°866, » que l’on placerait avant ceux-ci : « en ce qui concerne les toiles et les céréales. »
- L’amendement est adopté.
L’article 38 est adopté.
M. le président. - M. Rogier propose l’article additionnel suivant :
« Il pourra être transigé par l’administration, ou d’après son autorisation, sur toutes contraventions à la présente loi, toutes et autant de fois que l’affaire sera accompagnée de circonstances atténuantes, ou qu’on pourra raisonnablement supposer que la contravention doit être attribuée plutôt à une négligence ou erreur qu’à l’intention de fraude préméditée. »
M. Rogier. - Messieurs, l’article additionnel que je propose n’est autre chose que la reproduction de l’art. 229 de la loi actuelle. J’ai cru utile de faire cette proposition, parce que comme nous venons de voter un code complet de transit et que ce code renferme plusieurs dispositions rigoureuses, il est bon de montrer aux négociants de bonne foi qu’il y a un recours ouvert contre ces rigueurs dans certains cas.
Cette loi, étant destinée à augmenter nos rapports avec les étrangers, sera répandue dans les pays étrangers, Je pense qu’il est utile qu’elle y arrive aussi complète que possible.
Déjà nous avons introduit dans la loi sur le transit plusieurs articles qui ordonnent des mesures de police. Il est bon d’y insérer également une disposition qui en adoucît la rigueur.
En proposant cet article, nous n’en demandons pas l’application aux fraudeurs, mais nous demandons que l’on n’effraie pas non plus inutilement le commerce loyal.
Je ne pense pas que M. le ministre des finances s’oppose à l’adoption de cet article dont je lui ai parlé avant de le présenter à la chambre. J’espère avoir encore occasion de rendre hommage aux vues conciliatrices qui l’ont dirigé dans cette discussion et qui ont singulièrement contribué à l’abréger.
Pour ce qui est de la loi en elle-même, nous attendons du temps et de l’expérience, et surtout des besoins et des rapports nouveaux qui résulteront de l’ouverture de la route en fer pour nous éclairer sur la nécessité des dispositions rigoureuses qu’elle renferme.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’article 34 de la loi en discussion porte que toutes les dispositions de la loi générale de 1822 auxquelles il n’est pas dérogé par la présente loi demeurent maintenues. Par conséquent, l’article additionnel que propose l’honorable M. Rogier se trouve dans cette catégorie.
Mais je crois comme lui qu’il est utile de l’insérer dans la loi actuelle, par la raison qu’il en a donnée. Il est intéressant pour notre commerce de transit, que les étrangers sachent que si la loi contient des dispositions rigoureuses, elles ne sont que comminatoires pour ceux qui auraient intention de frauder. Je me rallierai donc à la proposition de M. Rogier.
J’ajouterai, avec l’honorable préopinant, que je laisse comme lui au temps et à l’expérience à décider si nous avons poussé trop loin les formalités que nous avons jugées nécessaires ; s’il en est que l’on puisse rapporter sans s’exposer à la fraude, si la suite démontre qu’il en est ainsi et si je suis encore alors dans la situation d’y remédier, je m’empresserai de le faire en proposant à la législature les modifications nécessaires.
- L’article additionnel proposé par M. Rogier est mis aux voix et adopté.
Le second vote de la loi sera fixé ultérieurement.
M. Desmaisières, rapporteur. - Dans la séance de mardi dernier, M. le ministre de la guerre vous a fait distribuer un très volumineux mémoire, qu’il a ensuite appuyé d’un discours non moins volumineux. A peine ai-je eu le temps, à raison de mes autres occupations à la chambre, d’en faire une lecture attentive.
Je n’ai donc pu que rédiger à la hâte des notes très incomplètes que je suis obligé de développer oralement. J’aurai en conséquence besoin, pour être bien compris, de votre attention que, vu la gravité de la question, j’ose réclamer toute entière de votre part en ce moment.
J’entre en matière et je passe tout de suite à la page 5 du mémoire de M. le ministre, à la troisième question. Cette question et ainsi posée.
« Le modèle des couchettes, tel qu’il a servi de base à l’adjudication, était-il dans les formes convenables à son usage ? »
M. le ministre commence par poser qu’il n’est pas exact de dire que le ministre et les entrepreneurs ont reconnu que le modèle des couchettes tel qu’il a servi de base à l’adjudication n’était pas dans la forme convenable. Il dit cependant plus bas que le courbage des six pieds du lit demandé et obtenu depuis peu par les entrepreneurs, est une amélioration dans le système ; et qu’est-ce, je vous prie qu’une pareille amélioration de système si ce n’est une amélioration de la forme du modèle ? Ne prétendez donc pas qu’il n’est pas exact de dire qu’en admettant une amélioration dans le système, vous avez reconnu par là que le modèle n’était pas dans les formes convenables. Certes, messieurs, il est fort peu d’inventions qui ne se modifient avec le temps, comme le dit M. le ministre. Je lui répondrai : c’est pour cela que vous avez mal fait d’abord de ne pas mettre cette invention au concours et ensuite plus mal fait encore de ne pas vous être borne à quelques lits pour le service d’une seule place.
La peinture a trois couches au lieu du vernis à une seule couche ; n’est-ce pas une nouvelle amélioration que vous avez été obligé d’introduire. Si vous aviez d’abord consulté des officiers d’artillerie et du génie, si vous aviez fait un essai, vous auriez appris avant l’adjudication qu’un seul vernis ne peut suffire.
A la page 6 du mémoire on trouve cette phrase :
« Si elle (l’oxydation) est le résultat de l’usé naturel, on ne pourra pas plus en imputer les conséquences aux hommes qu’on ne pourrait leur imputer les déchirements provenant de l’usé naturel des draps de lit ou autres effets en toile, sujets à se détériorer par l’usage,
Mais, qu’est-ce qui est juge entre le soldat et l’entrepreneur ? N’avez-vous pas mis le soldat, sous ce rapport, tellement à la discrétion de l’entreprise que tous vos officiers de casernement, sans exception aucune, ont reculé devant l’expertise.
Mettez, je dirai jusqu’a 10 couches de peintures, il arrivera toujours que les lames du fond métallique se découvriront dans quelques parties, sans qu’il y ait de la faute du soldat, et, dès ce moment, elles seront sujettes à une oxydation rapide qui produira des tâches de rouille que vous voulez faire payer au soldat.
Il n’est pas vrai, dites-vous, que les inconvénients signales par les entrepreneurs, en ce qui concerne les fonds métalliques, aient été tellement appréciés en France que le ministre de la guerre de ce pays y a renoncé, et vous vous chargez cependant ensuite de prouver la vérité de cette allégation que vous combattez, puisque vous dites qu’après avoir confectionné et mis en service 70,000 couchettes à fond métallique, le gouvernement français (éclairé sans doute par l’expérience), a préféré les lits à tréteaux en fer et à fond de planches. Mats, dites-vous encore, ce ne sont pas les motifs que le rapporteur allègue qui ont déterminé le gouvernement à en agir ainsi, ce sont des motifs d’économie, de facilité de transport et d’emmagasinage.
Ces motifs sont-ils donc comptés par vous pour rien ? Puis de ce que nous voyons figurer dans la compagnie un des principaux actionnaires de l’entreprise française, ne sommes-nous pas fondés à croire que les assertions émises par les entrepreneurs sont très vraies ?
Certes, messieurs, la facilité d’emmagasinage devait être prise en considération dans un pays où le gouvernement livre les magasins ; mais s’ensuit-il qu’il ne faille pas la prendre en considération, lorsque l’on laisse les magasins à la charge de l’entreprise ? Ne faut-il pas précisément, à cause de cette facilité d’emmagasinage, chercher à obtenir des conditions meilleures pour le trésor. Ne doit-on pas tout faire pour obtenir le plus bas prix possible, et n’est-ce pas un moyen de l’obtenir que de mettre à la charge de l’entreprise les conditions les moins onéreuses possibles ?
Vous dites que le prix élevé a influé sur la détermination du gouvernement français. Est-ce que ce prix élevé ne serait donc rien pour vous ? Le peuple belge est-il donc composé de gens taillables à merci, et la question d’économie ne vous touche-t-elle donc pas, surtout quand il doit en résulter moins de dégradations à la charge du soldat.
« On comprend facilement, dites-vous, que poussé par des motifs aussi puissants, le gouvernement français ait renoncé à étendre l’usage des couchettes à fond métallique à toutes les places du royaume et qu’il ait donné la préférence au chalet à tréteaux. »
Eh bien, je le demande, n’est-ce pas là reconnaître vous-même, que les motifs qui ont fait prendre au gouvernement français cette détermination, étaient puissants, et cependant ils n’ont eu aucune influence sur celle que vous avez prise. Mais ces motifs d’économie n’existent pas pour lui en Belgique, dit le ministre. Il prétend que le prix des couchettes est ici inférieur d’un tiers à ce qu’il est en France.
Eh bien, messieurs, si les couchettes à fond métallique coûtent un tiers de moins que les couchettes à fond de planches en France, n’est-il pas logique de dire par analogie, que les couchettes de fer à fond de planchent coûteraient un autre tiers de moins que les couchettes à fond métallique. Et dans tous les cas, n’en fût-il pas ainsi, il resterait toujours une différence presque de moitié en Belgique, entre le prix de la couchette à fond métallique et celui de la couchette à fond en planches.
L’observation que j’ai faite que les aspérités du fer peuvent produire des déchirures, est, dit-on, sans fondement, et il est sans exempte depuis que le service existe, que des déchirures aient eu lieu à Bruxelles ou à Tournay.
Je remarquerai d’abord, que quelques soins qu’apportent les commissions de vérification à la réception des lits, il leur échappera toujours quelques aspérités du fer qui occasionneront des déchirures. Ces déchirures n’ont pas été signalées, dit-on, jusqu’ici. Mais je ferai observer que tous les objets de couchage dont on se sert actuellement sont encore neufs. Mais qu’on attende un peu plus tard, on verra si ces objets ne céderont pas facilement aux aspérités du fer.
L’Etat, dit M. le ministre, n’a souffert aucun préjudice des améliorations qui ont été introduites dans le système de la couchette. Ces améliorations n’ont pas influé sur le prix d’adjudication ; mais M. le ministre oublie-t-il qu’il a permis à la compagnie de se servir des lits du gouvernement, et qu’il paie ou plutôt qu’il se propose de payer le loyer entier, quoique les lits de l’entreprise ne soient pas en usage.
La commission avait signalé plusieurs défauts dans les lits de fer et M. le ministre de la guerre se borne à répondre que si le modèle qu’il a adopté ne réunit pas toutes les perfections que l’on pourrait désirer dans sa structure, il n’a pas non plus les défauts qu’on lui reproche.
Ces défauts avaient été pourtant reconnus être des défauts par les officiers présents aux visites que nous avons faites dans les casernes, et qui plus est, par le commandant de l’école militaire lui-même.
« La commission n’a donc pu, sans tomber dans l’exagération, présenter le modèle de couchette en fer adopté par le gouvernement, comme une cause de ruine pour le soldat. »
Et cela parce qu’un lit a été traîné sans se briser dans une caserne. Mais La commission n’a-t-elle pas trouvé des lits neufs déjà cassés à l’endroit où les lames transversales du fond des lits sont recourbés ?
Un guide ne nous a-t-il pas déclaré en présence de ses officiers, d’un des de aides-de-camp du ministre et de ses camarades qu’il lui avait suffi de jeter sa paillasse sur le lit pour en casser le fond ? Avant de taxer la commission d’exagération, l’on devrait détruire les objections qu’elle a présentées.
Je passe à la quatrième question, ainsi conçue :
« Les effets de literie tels que la fourniture en a été prescrite, étaient-ils convenables ? »
M. le ministre de la guerre dit ici que les objections tirées de l’absence de dispositions prises sur le taux des indemnités pour dégradations doivent disparaître par suite de l’établissement d’un tarif dont la rédaction est confiée à une commission d’officiers supérieurs présidée par un inspecteur-général d’infanterie.
Il serait plus exact de dire « vont disparaître. » N’aurait-on pas dû stipuler ce point dans le cahier des charges ? Quand M. le ministre s’est-il décidé à prendre cette mesure ? Le 10 mai, huit jours après le dépôt de mon rapport sur le bureau de la chambre. Et si la commission de la chambre ne s’était pas jointe en quelque sorte à la compagnie Legrand sous ce rapport, cette mesure déjà si tardive eût-elle été prise ?
Après cela, M. le ministre dit qu’il a peine à s’expliquer, du reste, le reproche que la commission lui fait de n’avoir pas inséré dans le cahier des charges les dispositions du règlement du 30 juin 1814 concernant l’estimation des dommages résultant des dégradations, dont les réparations doivent être payées par les soldats.
Il suffira, messieurs, de rapprocher ce qui se trouve aux pages 8 et 9 du mémoire du ministre de ce que disent les entrepreneurs dans leurs explications, page 29 de mon rapport, et de ce que je dis moi-même page 3 pour vous prouver combien c’est à tort que le général Evain attaque ici de nouveau la commission de la chambre d’une manière que je ne veux pas qualifier.
J’extrais d’abord textuellement du mémoire l’art. 37 du contrat du 29 juin :
« Art. 37. S’il résulte de la vérification qu’il est survenu, du fait de la troupe, des pertes ou dégradations dans les fournitures, il sera sursis à leur réception, et l’intendant militaire, ou, à son défaut, le commandant de place, sur le compte qui lui en sera rendu, fera procéder par expertise à l’estimation du dommage qui en sera résulté pour l’entrepreneur.
A la page 3 de mon rapport se trouve l’analyse des articles 37 et 47 du règlement des villes de 1814, en ces termes :
« Les articles 37 et 47 combinés établissaient expressément que les détériorations résultant de l’usage ne seraient pas à la charge des corps, que l’estimation des autres dégradations mises à leur charge se ferait par deux experts, dont un à nommer par l’agent municipal chargé du casernement, et l’autre par l’officier chargé de l’inspection des casernes ; en cas de partage le commandant de place nommait un troisième expert qui décidait. »
Voici maintenant ce que disent (page 29 de mon rapport) les membres de la compagnie Legrand qui ont été entendus par la commission :
« L’art. 37 du contrat porte que lorsque l’on ne pourra pas s’entendre de gré à gré, l’intendant militaire où à son défaut, le commandait de place fera procéder par expertise à l’estimation du dommage, mats on ne dit pas à charge de qui tomberont les frais d’expertise.
« La compagnie pense que c’est à charge de celui qui succombe dans ses prétentions, mais, etc. »
Je vous le demande, messieurs, y a-t-il ici similitude entre les deux systèmes, entre celui de 1814 et celui de l’adjudication du 29 juin ? Le soldat ne trouverait-il pas toutes les garanties possibles dans la nomination des experts d’après le mode établi par le règlement de 1814 ?
Dans le contrat du 29 juin, au contraire, on se borne à dire qu’il sera procédé par expertise à l’estimation des dommages qui seront résultés pour l’entrepreneur, mais on n’indique pas le mode de nomination de experts, et en l’absence d’un mode de nomination déterminé par le contrat, comme il s’agit d’une expertise contradictoire, il est naturel que l’entrepreneur nomme un expert, que l’officier de casernement de son côté en nomme un et qu’en cas de désaccord les experts de deux parties en nomment un troisième ensemble qui vide le différend.
Quelle est là la garantie du soldat, du malheureux soldat qui n’a aucun moyen d’influence sur les esprits et qui n’aura à opposer que la pauvreté aux moyens dont peut disposer une riche compagnie d’entrepreneurs ?
Vous voyez donc bien que votre contrat du 29 juin diffère essentiellement du règlement de 1814, qu’il enlève aux soldats les garanties qu’ils trouveraient dans le mode de nomination des experts.
Eh bien, venez encore dire après cela : « N’est-il pas étonnant dès lors que la commission, qui pendant trois mois et demi à pu consulter le contrat du 29 juin, vienne me faire un grief de n’avoir pas adopté des dispositions qui s’y trouvent néanmoins positivement insérées ? »
Ne pourrions-nous pas, maintenant que nous avons prouvé que ces dispositions du règlement de 1814 ne sont pas reproduites dans votre déplorable marché, ne pourrions-nous pas dire qu’il est étonnant qu’un ministre qui a sous ses ordres une foule innombrable d’officiers et d’employés, ne pourrions-nous pas dire qu’il est étonnant, et tout à fait étonnant qu’un ministre qui a pu consulter et dû mettre en pratique les règlements de 1814, dont le devoir était de compulser ces règlements avant de faire une opération aussi important, pour l’Etat et pour le soldat, pas étonnant, dis-je, que ce ministre ignore encore aujourd’hui les garanties que ce règlement de 1814 assurait aux soldats ?
Ne serait-il pas plus étonnant encore si le ministres ne les ignorait pas, ces dispositions du règlement de 1814, que lorsque l’ancien gouvernement a cru devoir prendre de pareilles mesures contre les régences qui sont naturellement protectrices du soldat, il ait cru lui pouvoir se dispenser de les prendre vis-à-vis des entrepreneurs ?
Maintenant, messieurs, après avoir prétendu que les dispositions du règlement de 1814 étaient insérées dans le contrat du 20 juin, M. le ministre fait la critique du règlement de 1814. Et notez-le bien, messieurs, que puisqu’il soutient qu’il y a identité entre les deux règlements, la critique qu’il prétend appliquer aux règlements de 1814, s’applique particulièrement aussi au règlement du 29 juin.
Eh bien, messieurs, que vous dit le ministre de la guerre ? Il vous dit, après avoir cité un exemple qui s’applique effectivement très bien aux dispositions du contrat du 29 juin, il vous dit :
« Ainsi donc, outre les francs auxquels auraient été taxées les dégradations, les soldats devront encore payer douze francs aux experts pour leur vacation, et ils auront ainsi déboursé une somme cinq fois plus forte que celle à laquelle s’élevait l’estimation du dommage.
« Ce seul exemple suffit pour démontrer que les dispositions du règlement du 30 juin 1814 sont, dans certains cas, plus défavorables que profitables au soldat. La formation d’un tarif établi sur des bases également équitables pour le soldat et pour l’entrepreneur devenait donc indispensable pour empêcher que le soldat fût livré à la discrétion des entrepreneurs. »
Ainsi, sous le rapport des dégradations, par le contrat du 29 juin, le soldat est livré à la discrétion des entrepreneurs ; c’est le ministre de la guerre lui-même qui le dit !
D’après le tableau ci-joint, dit ensuite le ministre, page 10 de son mémoire :
« Les corps en garnison à Bruxelles et à Tournai, où le nouveau service est établi, ont payé ou doivent encore à la compagnie des Lits militaires pour les dégradations constatées à leur charge depuis qu’ils sont détenteurs des fournitures, les premiers, fr. 2,407 35, et les seconds, fr. 485 70.
Il fait ensuite des calculs à l’aide desquels il arrive au chiffre de 1 fr. 58 cent, pour Bruxelles, et à celui de 96 cent. pour Tournay comme étant les sommes moyennes à payer par homme et par an pour les dégradations dans ces places respectives en supposant que les dégradations continuent sur le même pied que pendant ces quelques premiers mois d’exécution du marché.
Prenant de nouveau la moyenne entre ces deux chiffres de 1 fr. 58 cent. et 96 cent, il en conclut que les dégradations ne coûteraient au soldat que terme moyen, 1 fr. 27 cent, par année.
Je ne veux pas contester les chiffres du tableau C qui se trouve à la fin du mémoire du ministre de la guerre. Mais je ne peux m’empêcher de faire remarquer qu’il aurait rendu sa statistique beaucoup plus complète s’il avait procédé par moins d’occupation, alors on aurait pu voir si les visites faites au mois de février par deux membres et ensuite plus tard par toute la commission, aux casernes de Bruxelles, n’ont pas eu pour effet d’atténuer ces chiffres des indemnités pour les derniers mois d’occupation.
Et puis fr. 1,58 ou 1,27 pour les literies seules, car on a soutenu n’avoir encore rien porté en compte aux soldats pour les couchettes de fer, fr. 1,27 pour literies seules, n’est-ce pas déjà beaucoup dès les premiers mois, lorsque tous les effets sont encore neufs ? Si déjà le soldat doit payer fr. 1,27 pour des effets encore tout neufs, qui ne donnent pas lieu nécessairement à d’aussi grandes dégradations que quand ils ont déjà un certain temps de service, que sera-ce plus tard ?
Le loyer du lit en fer et des literies ensemble est de 20 fr. 50 c. et lorsque tout est encore cent. Et lorsque tout est encore neuf, dans les premiers mois d’occupation, le soldat paie déjà, en supposant justes les chiffres posés par le ministre, le soldat, dis-je, paie déjà, terme moyen, de 6 à 8 p. c. pour dégradations aux seules literies, et cela encore lorsqu’on ne fait encore rien payer pour les taches de rouille qui ont lieu. Qu’on rapproche ce résultat de ce qu’on paie dans les villes avec les régences qui font le service avec des effets qui ne sont plus neufs, et verra quel est sous le rapport des charges imposées aux soldats, le meilleur des deux systèmes.
Pourquoi ne paie-t-on pas autant aux régences qu’aux entrepreneurs ? Parce que les régences ne sont pas naturellement aussi exigeantes des soldats, parce que le règlement de 1814 présente toutes garanties pour les intérêts du soldat, parce que le soldat n’est pas mis à la discrétion des régences comme il est mis, de l’aveu du ministre, à la discrétion des entrepreneurs, par le contrat du 29 juin.
La commission s’est en effet appuyée, comme le ministre, sur le fait des 45 fr. exigés de 14 hommes pour très peu de temps d’occupation. Si elle s’est appuyée sur ce fait, c’est parce que ce fait lui a été certifié par les officiers de casernement eux-mêmes, et voudrait-on par hasard que la commission eût raisonné sur de pures hypothèses ?
Je dois encore faire remarquer qu’on oublie de donner dans le tableau dont j’ai parlé le chiffre des mutations ; car, messieurs, s’il n’y a pas eu beaucoup de mutations pendant les quelques mois d’occupation sur lesquels on table ses calculs, vous sentez que le paiement des dégradations n’est que différé jusqu’à la fin du trimestre, suivant l’art. 12 du contrat.
Le ministre dit page 10 et 11 de son mémoire :
« Je ne parlerai pas ici des indemnités à payer pour perte d’effets, et qui sont fixées par le tarif annexé au contrat du 29 juin. La commission n’a fait à cet égard aucune objection sérieuse. Elle s’est attachée seulement à faire ressortir la différence existant entre les prix des couvertures portés à ce tarif, et ceux fixés aux tarifs annexés aux cahiers des charges du 30 avril et du 7 juin. J’ai fait connaître à la commission les causes de la majoration qu’elle a remarquée et à l’égard de laquelle elle a demandé des explications ; il est donc inutile de revenir sur ce point.
C’est-à-dire qu’il est inutile de revenir sur le point de 50 p.c. dont le ministre a majoré le tarif des pertes des couvertures.
Mais, messieurs, je demanderai au ministre de la guerre s’il trouve que les explications qu’il a données à la commission (voir page 41 de mon rapport et la pièces jointe littera AA), le justifient de s’être permis de modifier le tarif des pertes entre l’adjudication et la signature du contrat, et cela, encore une fois, au détriment du malheureux soldat.
Les pertes, dit-on, ne proviennent que par suite de vols, et il est juste, par conséquent, de faire en sorte qu’on ne puisse pas gagner sur la vente des couvertures.
Mais, messieurs, est-ce toujours celui qui a volé qui paiera ? Non, c’est le plus souvent celui à qui on aura volé ; et ainsi au malheur qu’éprouvera le soldat de devoir payer une couverture qu’on lui aura volée, il devra encore payer 50 p. c. en sus du prix de cette couverture, tel qu’il se trouvait porté au cahier des charges.
Je passe à la cinquième question.
- « L’adjudication générale du couchage de la troupe était-elle préférable à des adjudications particulières pour chaque place de garnison ? »
Vous voyez qu’ici, messieurs, le ministre de la guerre s’appuie fortement sur le système de mobilisation facultative qu’il a introduit.
Il vous dit :
« C’est là en effet, qu’est toute la question, et les membres même qui se sont prononcés pour l’adjudication partielle n’ont point contesté les avantages qui doivent résulter d’un service établi sur un système de mobilisation facultative des effets de couchage d’une place sur une autre ; seulement ils ont pensé que ces avantages n’étaient pas assez marquants pour qu’on sacrifiât les intérêts des communes qui se sont montrées disposées à seconder les vues du gouvernement pour l’amélioration du couchage des troupes. »
Il paraît qu’on n’a pas bien compris ici ce que j’ai dit dans mon rapport. Les membres de la majorité de la commission ont dit, les uns, que, dans tous les cas, c’était un bien mince avantage que ce système de mobilisation facultative, parce qu’ils croyaient qu’on n’en ferait pas usage ; et les autres, que c’était une faculté tout à fait illusoire.
A la page 14 de son mémoire le ministre vous dit :
« Et c’est en présence de ces faits et avec la preuve acquise, par des documents authentiques, que je n’ai rien négligé pour obtenir le concours des régences, que la commission veut révoquer en doute le ferme désir que j’ai eu de traiter avec elles, et poser comme un fait incontestable que je les aurais amenées à l’entreprise, si l’adjudication avait été proposée sur d’autres bases que celles stipulées dans le cahier des charges du 30 avril. »
Je ne sais vraiment, messieurs, comment le ministre de la guerre peut vouloir autant persister à dire qu’il a tout fait pour amener les régences à traiter avec lui, qu’il a eu constamment un ferme désir de traiter avec elles ; tandis que l’art. 4 du cahier des charges du 30 avril était tel qu’il était impossible aux régences de concourir, et je l’ai tellement prouvé dans mon rapport qu’on n’a pas même essayé de réfutation à cet égard.
On vient dire ensuite au bas de la même page 14 du mémoire :
« En ce qui concerne l’adjudication provisoire par services partiels, et l’adjudication par accumulation de tous les services partiels, je ferai remarquer que la marche tracée par la commission est précisément celle qui devait être suivie, d’après l’art. 4 du cahier des charges pour l’adjudication tentée le 1er juin, sauf qu’il n’a pas été fait mention dans l’article susdit d’une adjudication provisoire par entreprise générale. Je ne vois pas, au reste, de quelle utilité, eût été cette adjudication provisoire par entreprise générale, pour ouvrir ensuite un rabais entre la masse des soumissions partielles et l’entreprise générale. Ce qui formait l’entreprise générale était évidemment l’accumulation de tous les services partiels. Or, ouvrir un rabais entre la masse des soumissions partielles et l’entreprise générale, n’était pas mettre l’entreprise générale en concurrence avec elle- même ? »
Non, messieurs, ce n’était point mettre l’entreprise générale en concurrence avec elle-même ; c’était mettre en concurrence deux entreprises générales distinctes, l’une ne formant qu’une seule et même entreprise, et l’autre formée de diverses entreprises partielles dont les adjudicataires provisoires s’entendaient pour répartir entre eux la diminution qu’ils doivent nécessairement opérer sur le chiffre total, pour concourir contre l’entrepreneur de l’entreprise générale. Cela se pratique tous les jours, et il n’y a pas jusqu’au plus petit clerc de notaire qui ne sache cela.
Messieurs, il est un peu tard, si la chambre le désire, je continuerai demain. (Oui, oui.)
- La séance est levée à 5 heures.