(Moniteur belge n°154, du 2 juin 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M. Dechamps lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Van Hoobrouck de Mooreghem demande le remboursement d’une somme de 14,000 fr., qu’il a prêtée en 1794, à la châtellenie d’Audenaerde, pour prestations militaires. »
« Le sieur Rogissart-Courot, négociant, domicilié à Mons, né en France, et marié en Belgique depuis 1821, demande la naturalisation. »
- Cette dernière pétition est renvoyée à M. le ministre de la justice ; la première est renvoyée à la commission des pétitions chargée d’en faire le rapport.
M. Verdussen donne lecture du message royal qui suit :
« Léopold. etc.
« Sur la proposition de notre ministre de la guerre,
« Nous, etc.
« Art. 1er. L’intendant en chef de Bassompierre, directeur de l’administration au département de la guerre, est nommé commissaire à l’effet de soutenir la discussion, dans les chambres, sur le projet de loi présenté par le gouvernement et qui concerne le couchage des troupes.
« Art. 2. Notre ministre de la guerre est chargé de donner communication du présent arrête à la chambre des représentants et au sénat. »
« Bruxelles, le 29 mai 1836.
« Léopold.
« Par le Roi,
« Le ministre de la guerre, baron Evain. »
M. le président. - Voici la proposition présentée par la commission :
« Léopold, etc.
« Art. 1er, Il est ouvert au ministre de la guerre un crédit de 778,603 fr. 20 C. pour le service du couchage des troupes pendant l’année 1836.
« Art. 2. L’indemnité d’occupation de couchage est fixée à 5 centimes par homme et par jour pour les fournitures complètes, et à 2 centimes et demi par homme et par jour pour les demi-fournitures.
« Art. 3. Il ne sera rien payé pour les fournitures non occupées.
« Art. 4. Les conventions passées entre le ministre et les administrations communales continueront à sortir leurs effets.
« Art. 5. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
M. Dumortier. - Messieurs, avant que la chambre entame la discussion de ce projet, je désirerais savoir si l’on a réellement fixé cette discussion à aujourd’hui. Si ma mémoire ne me trompe pas, la chambre a décidé, dans la séance de vendredi, que l’on s’occuperait dans celle de lundi du second vote de la loi sur la position des officiers, et de la discussion du projet relatif à l’école vétérinaire et qu’après avoir épuisé ces deux objets, on discuterait la question de savoir auquel des deux projets, du transit ou du marché des lits militaires, on accorderait la priorité,
Des membres. - Non ! non ! La question a été décidée ; qu’on relise le procès-verbal.
M. Dumortier. - Si je fais cette observation, c’est qu’on vient de nous distribuer un gros cahier contenant environ 40 pages que personne n’a encore eu le temps de lire. Il serait à désirer que nous en fissions l’examen avant la discussion. Il conviendrait donc de reprendre aujourd’hui la discussion du transit ; et nous pourrons nous occuper immédiatement après du rapport relatif au marché des lits militaires.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je ferai observer à l’honorable préopinant que la lecture de mon mémoire n’est pas nécessaire pour comprendre, soit les propositions que je viens de combattre, soit les nouvelles propositions que je vais avoir l’honneur de vous présenter.
M. le président donne lecture de la partie de la séance de vendredi relative à l’incident soulevé par M. Dumortier.
Il résulte de cette lecture que réellement la chambre a mis à l’ordre du jour le marché des lits militaires, immédiatement après la discussion de la loi sur l’école vétérinaire.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, pour juger sainement et sûrement une grande opération, telle que celle dont il s’agit, ce n’est pas dans ses minimes détails qu’il faut l’envisager. Il faut, au contraire, la considérer dans son ensemble, et surtout dans ses résultats.
Il est nécessaire aussi de l’examiner sous le rapport de la moralité qu’elle présente, en ne perdant pas de vue que la probité et la bonne foi de part et d’autre sont les seuls éléments qui constituent la bonté d’un traité tel que celui dont il est question, et peuvent seules en assurer la bonne exécution.
Lorsque, dans votre séance du 20 janvier dernier, j’appuyai vivement la proposition qui fut faite, de renvoyer à l’examen et aux investigations d’une commission spéciale tout ce qui avait trait à la passation du marché des lits militaires, j’étais dans l’intime persuasion que cette commission rechercherait d’abord les preuves de tous les faits et de toutes les assertions, dont j’appuyai mon opinion dans les divers discours que je prononçai pour soutenir la bonté et la régularité de cette opération ; qu’elle m’appellerait dans son sein pour lui donner des explications verbales et confidentielles qui résulteraient des faits que j’avais avancés et dont j’aurais désiré pouvoir lui administrer de nouvelles preuves.
Il n’en a pas été ainsi et hors un simple entretien d’une heure au plus, qui eut lieu le 20 mars, toutes nos relations avec la commission se sont bornées à la transmission, par écrit, des divers renseignements qu’elle m’a demandés et dont elle a cru devoir faire imprimer une partie à la suite de son rapport.
S’il est un axiome indubitable, et je fais ici un appel direct à votre propre conscience, c’est qu’il est dans la nature humaine, à très peu d’exceptions près, d’être disposé à croire le mal plutôt que le bien, et à se laisser aller aux préventions qu’inspire une calomnie activement et habilement exploitée, quand surtout elle puise ses motifs dans le désir de se venger.
Je ne suis donc pas en droit d’être étonné que MM. les membres de la commission aient pu et même qu’ils aient dû d’abord partager la défiance et les préventions qu’ont fait naître les dépositions du sieur Destombes, qu’elle a reçues plusieurs fois, et que ces sentiments n’aient été partagés par plusieurs d’entre vous, car le sieur Destombes n’a épargné aucune démarche pour me nuire et causer du scandale. Ceci est un fait patent, prouvé, dont il ne s’est nullement caché et qu’il est de mon droit de faire connaître.
Ces dépositions ont donc dû mettre la commission en défiance contre la régularité de l’adjudication, et contre les motifs qui m’ont déterminé à préférer, comme je m’en étais réservé la faculté, la première base d’adjudication. C’est dans ce cercle que sont renfermées les principales allégations du sieur Destombes contre moi et contre la société adjudicataire.
Celle-ci, dans le dernier mémoire qui vous a été distribué la semaine dernière, a fait une justice éclatante de toutes ces assertions et allégations. Je vous prie, messieurs, de lire ce qu’il contient de la page 5 à la page 11, en vous déclarant que je certifie la véracité de tous les faits qu’elle expose avec sincérité, et que je n’ai rien à y ajouter.
Il s’est ensuite produit un incident de si peu d’importance à mes yeux (je vous le dis avec toute la sincérité dont je suis capable), que je l’avais complètement oublié, quand on me dit, au mois de mars dernier, que la commission y attachait, elle, une certaine gravité.
Mais, ainsi que je l’ai déjà annoncé, cet incident m’est resté totalement étranger : il n’a pas eu la moindre influence sur le résultat de l’affaire, ainsi que j’en ai administré de nouvelles preuves.
Comme tous les faits traités dans le rapport de la commission ont exigé, de ma part, de longs développements dans les réponses que j’y ai faites, et que leur examen et leur discussions ne pouvaient être convenablement traités que dans un mémoire, à lire, à tête reposée, j’ai fait imprimer ma réponse qui vient de vous être distribuée, pour vous mettre à même de suivre la discussion orale qui va s’établir à la tribune.
J’ai d’abord traité avec détail tout ce qui a rapport aux onze questions que la commission s’était posées, et j’espère, messieurs, que vous reconnaîtrez que j’ai été fonde à conclure :
1° Qu’il avait nécessité d’améliorer le service du couchage des troupes.
2° Qu’il y a utilité reconnue à faire coucher les soldats seul et dans des couchettes en fer.
3° Que le modèle de ces couchettes a été fait avec soin, qu’il est en rapport avec son prix de revient que je ne voulais point dépasser, qu’il a subi, depuis son adoption, une grande amélioration par le pliage des six pieds ou supports sur lesquels il repose, ce qui lui donne une base plus large et conséquemment plus de solidité, et qu’il est surtout bien préférable aux 5 planches sur tréteaux, qui présentent, ainsi que je l’explique, deux graves inconvénients, qui m’ont décidé à n’en pas faire usage.
4° Que les effets de literie, tels qu’ils sont exigés par le marché et tels qu’ils ont été fournis avec loyauté par la société, sont de la meilleure qualité, et infiniment supérieurs à ceux qui existent en France, ce dont je me suis assuré dans mon dernier voyage en France ; et je vous le déclare avec toute assurance, nos effets ont coûté à l’entreprise le double et même le triple du prix que l’entreprise a déboursé par la faculté qu’elle a eue de faire servir la laine, le crin et les couvertures de la précédente entreprise qu’elle a achetés à bas prix.
5° Qu’au refus des régences de se charger de ce service, il était préférable de faire une adjudication générale, plutôt que de recourir à des adjudications partielles pour chaque place.
6° Qu’il ne peut rester aucun doute sur les inconvénients qui seraient résultés de la fourniture des couchettes au compte du gouvernement ; que je n’avais posé cette alternative que pour le cas où les régences se seraient chargées de ce service, et que, tout balancé et considéré administrativement, il est préférable que cette fourniture ait été laissée à la charge de l’entrepreneur, ainsi que vous en acquérez l’intime conviction par la connaissance que vous allez prendre des motifs dont j’appuie mon opinion.
7° Que les graves inconvénients qui résultaient du mauvais couchage de nos troupes ne permettaient plus de différer d’y apporter un prompt remède, qu’il ne devait plus être question de faire encore de nouveaux essais, qu’il était indispensable que le nouveau service fût monté instantanément, et que l’on peut d’ailleurs être assuré que les 20,600 lits seront toujours occupés en presque totalité.
8° Que d’après les considérations exposées avec les preuves à l’appui, il est démontré qu’il y a eu avantage réel pour l’Etat à adjuger l’entreprise d’après la première base stipulée au cahier des charges, et conséquemment obligation formelle de ma part à accepter la soumission du sieur Félix Legrand, comme celle qui offrait les moindres prix ; que ces prix d’ailleurs étaient loin d’arriver à ceux que j’avais supputés, avec plus de justesse qu’aucune des compagnies qui ont concouru à l’adjudication ainsi que le reconnaît aujourd’hui celui qui est chargé de ce service : j’avais établi mes calculs positifs et concluants sur un bénéfice de 3 p. c., indépendamment de l’intérêt légal du capital engagé. Or, les prix du marché sont loin d’assurer ce bénéfice de 3 p. c. à la compagnie contractante, ainsi que je le démontre de la manière la plus évidente dans le mémoire qui vient de vous être remis.
9° Que les conditions du marché sont donc bien loin d’être onéreuses à l’Etat, puisqu’il est mathématiquement prouvé que, prélèvement fait de l’intérêt légal de 5 p. c. du capital engagé, la société ne peut faire un bénéfice de plus de 1 1/2 à 2 p. c. au maximum, et qu’elle est en outre exposée à perdre une portion notable de la valeur de son capital engagé.
10° Que le ministre de la guerre avait, sous sa responsabilité personnelle, capacité de procéder à l’adjudication de cette entreprise et d’en passer le marché.
11° Enfin, que les conséquences du refus par la chambre d’allouer au budget de la guerre les fonds nécessaires à l’exécution de l’adjudication seraient des plus déplorables pour le crédit national, pour le manquements des engagements pris, et qu’une telle résolution serait contraire aux règles de la justice, entraînerait l’Etat dans des dépenses décuples de la somme de 36,000 fr. qui fait le fond du liège, et le jetterait dans des embarras inextricables qu’il ne peut être dans vos intentions de lui susciter.
Ayant donc ainsi résolu toutes les questions posées par la commission, j’ai donné de nouveaux éclaircissements sur l’incident relatif au sieur Marie de Valienne et sur les démarche, qu’il fit, à mon insu, pour obtenir un emploi dans la nouvelle administration des lits militaires.
J’ai prouvé ensuite, par des calculs irrécusables, que loin que, les bénéfices présumés de la société soient aussi considérables qu’on a bien voulu le supposer, il est de toute impossibilité qu’elle ait un bénéfice de plus de 3 p. c. en sus de l’intérêt légal de son capital engagé, et que ce capital même ne pourra être reproduit en entier à l’expiration du traité. Enfin j’ai donné toutes les explications nécessaires pour dissiper cette prévention, qui me paraît généralement répandue, que la société peut retirer des bénéfices illicites sur le paiement des pertes et des dégradations de ses effets.
Je vous prie, messieurs, de lire attentivement ce mémoire avant que la discussion ne soit ouverte, et j’ai tout lieu de croire que sa lecture suffira pour vous faire apprécier, comme il convient, tous les faits, et pour détruire toutes les préventions qu’on a cherché à faire naître et à propager au sein même de la chambre.
Les trois points importants qui doivent surtout appeler votre attention et qui dominent toute la discussion, sont ceux-ci :
1° Le traité est-il onéreux ou non aux intérêts de l’Etat ?
2° Avais-je capacité pour le conclure ?
3° Ne doit-il avoir d’effet qu’après la ratification des chambres ?
Par une coïncidence assez singulière, cette même question vient d’être débattue à la chambre des députes de France, à leur séance de vendredi dernier, et pour un cas entièrement analogue à celui qui nous occupe. Il s’agissait d’un traité passé pour dix ans par un des ministres, qui avait en outre stipulé que le traité serait résilié de droit dans le cas où les chambres refuseraient tout ou partie du crédit qui serait annuellement demandé, et que dans ce cas résolutoire l’Etat devrait payer une indemnité pour les pertes qui seraient éprouvées par suite de la cassation de ce traité.
Un député, M. Mauguin, a attaqué la validité de ce traité, attendu qu’il engage l’Etat pour dix années, et la chambre, a-t-il dit, ne peut souffrir qu’un tel traité soit valable.
« Il y aurait dérogation, a-t-il ajouté, à nos principes constitutionnels, si les ministres pouvaient lier les chambres pour deux ou plusieurs années. La force des chambres c’est que leur vote soit libre, c’est qu’elles puissent chaque année prendre des résolutions nouvelles, c’est qu’elles ne soient point engagées pour l’avenir. Cette force, on la détruit, si l’on souscrit à des traités qui obligent les chambres pour plus d’un an, et le traité dont il est question serait un premier pas fait dans cette voie funeste. »
Les principes émis par M. Mauguin n’ont pas été adoptés par la chambre, et voici l’opinion soutenue par le président du conseil sur cette question :
« Il est impossible d’admettre la doctrine de M. Mauguin : Sans doute les ministres doivent apporter le plus grand soin à réserver les droits des chambres, à ne lier l’Etat, et par suite les chambres, que le moins possible. Mais il faut bien aussi se prêter à la nature des choses, et quand il y a des engagements autres que des engagements annuels à contracter, il faut bien que le ministre ait le pouvoir de les prendre et qu’il exerce ce pouvoir sous sa responsabilité, car c’est pour cela qu’il est ministre.
« On est surpris que l’administration ait conclu un traité pour plusieurs années ; mais qu’est-ce que qu’administrer ? N’est-ce pas, lorsqu’il s’agit d’une entreprise qui exige plusieurs années de traiter pour plusieurs années, comme font les particuliers eux-mêmes quand il s’agit de passer des baux, de faire des marchés qui exigent plusieurs années ; n’avez-vous pas vu souvent des marchés, pour des vivres, par exemple, qui ont une durée de plusieurs années ?
« Si toutes les choses pouvaient se faire et se défaire annuellement, la chambre pourrait administrer elle-même mais cela est impossible. Pourquoi ? C’est qu’il faut une volonté, une autorité supérieure qui ait la faculté de conclure des engagements à ses risques et sous sa propre responsabilité, et cette faculté est l’attribut essentiel de l’autorité administrative, cela est incontestable. Reste à savoir s’il y a bonne ou mauvaise administration ; c’est là que commence le contrôle des chambres. »
Je crois devoir faire suivre cette opinion, que la chambre a accueillie par son vote, de quelques réflexions dont vous apprécierez aussi la justesse.
M. Mauguin s’abusait sur la nature du gouvernement représentatif, et a été entraîné au-delà du but qu’il se proposait d’atteindre ; car les principes formulés par ce député sont subversifs de tout gouvernement représentatif : ils tendent à substituer l’action des chambres à tout autre pouvoir exercé dans le cercle de la constitution. Ils transportent le gouvernement dans les deux chambres ; ils annulent l’administration. Qui ne voit en effet la destruction complète de l’autorité administrative dans cette obligation que M. Mauguin voudrait lut imposer de borner tous ses engagements financiers à une année ?
Quelle serait la solidité, la sagesse et l’étendue de ses plans ? Quelle garantie offrirait-elle, et avec qui pourrait-elle traiter, si tout ce qu’elle conclut pouvait être remis en question chaque année, à chaque session ? Evidemment, il vaudrait mieux charger les chambres d’administrer elles-mêmes, de passer des traités avec les fournisseurs du département de la guerre, avec les entrepreneurs de routes, de canaux, de chemins de fer, de monuments publics, etc., etc. M. Maiguin a oublié que ce qu’il prend pour un abus s’est fait en tout temps, et se fait nécessairement depuis qu’il y a une constitution. Les ministres engagent l’Etat sous leur propre responsabilité ; ils l’engagent tous les jours, tous les instants, souvent plusieurs années, et pour des intérêts beaucoup plus graves que ceux dont il s’agissait en la circonstance. La seule question que M. Mauguin devait examiner, c’était de savoir, non pas si M. Thiers avait eu le droit d’engager l’Etat par un traité, mais s’il avait eu raison de le faire ; si le traité est en effet convenable, utile, et de bonne administration or, la chambre s’est décidée pour l’affirmative,
Mais il s’agissait en France d’un traité relatif à un subside de 240,000 fr., donné à l’un de théâtres de la capitale, sur les 1,300,000 fr. dont le gouvernement dispose annuellement.
Ici, messieurs, notre affaire a un objet bien autrement utile : il s’agit du bien-être de nos soldats, et il y avait nécessité reconnue de contracter, et de contracter à long terme, par la nature même de la transaction, dont l’adjudication a été publique ; notre marché, d’ailleurs, a un but bien plus utile, un résultat bien plus profitable que celui dont il était question à la chambre française. J’espère, d’ailleurs, vous convaincre que loin d’être onéreux, il est bien réellement profitable et avantageux à l’Etat.
Vous conviendrez, messieurs, que la décision de la chambre des députés, et les principes sur lesquels elle s’est appuyée sont parfaitement applicables au cas dont il s’agit ici ; j’avais fait valoir ces principes en d’autres termes et avec d’autres arguments dans mon mémoire, avant même que j’eusse reçu les journaux qui rendent compte du fait dont je viens d’avoir de vous entretenir, et que vous ne pouvez regarder comme une digression inutile, puisqu’il répond victorieusement à l’objection la plus forte qu’on ait fait valoir, la nécessité de la ratification du traité par les chambres.
La commission, après avoir rendu compte du résultat de toutes les investigations auxquelles elle s’est livrée pendant trois mois et demi, a formulé en un projet de loi qui termine son rapport, les propositions qu’elle croit devoir soumettre à vos délibérations ; c’est donc sur ces propositions que doit porter la discussion ; j’aurai l’honneur de vous faire observer qu’il est réellement urgent de s’en occuper, pour me mettre à même de faire droit aux justes réclamations des régences, qui sollicitent le paiement de ce qui leur est dû depuis le commencement, et de la société des lits militaires, qui n’a pas encore reçu un centime, après avoir employé son capital de trois millions, et monté les deux tiers de son service.
J’aborde donc la discussion du projet de loi en quatre articles, que la commission vous propose comme résultat des dispositions de ses propositions.
La commission reconnaissant que, dans tout état de cause, il faut accorder des fonds au département de la guerre, pour assurer et payer le montant des dépenses relatives au coucher des troupes, vous propose, à l’art. 1er, de fixer cette allocation, au budget de 1836, à la somme de 778,603 fr. 20 c., qui est exactement celle que j’avais demandée dans le projet de budget que je vous avais présenté en novembre dernier.
Mais la commission, en vous faisant cette proposition, ne s’est sans doute pas rappelé que, sur celle de la section centrale, proposition que j’ai moi-même appuyée, il a déjà été retranché sur cette somme celle de 54,900 fr., représentant le montant de la dépense du couchage des 5,000 hommes en cantonnement.
Et je m’empresse, messieurs, de vous faire observer à ce sujet qu’on ne serait pas fondé à me reprocher d’avoir demandé en trop ces 54,900 fr. dont j’ai proposé ensuite le retranchement : une simple explication va vous le prouver.
Ayant indiqué pour mémoire seulement au projet du budget la dépense à régler pour les hommes qui seraient cantonnés en 1836, et la fixation du nombre de ces hommes n’ayant été réglée que par suite de mes communications avec la section centrale, j’ai dû nécessairement porter à l’article du casernement des troupes le complet des troupes fixé au budget, sauf à retrancher de cette somme la portion afférente au nombre de celles qui seraient cantonnées, et à reporter cette somme à l’article cantonnement, comme devant faire partie des dépenses de cet article.
Cette marche était toute rationnelle. Elle était la seule à suivre pour arriver à une évaluation exacte de la dépense de l’exercice.
Aussi, messieurs, cette somme de 54,900 fr. a-t-elle été retranchée de l’article casernement, pour être reportée à celui du cantonnement, et ce retranchement a réduit en conséquence le montant de ma demande à 723,703 fr. 20 c., somme qui est effectivement le montant de l’allocation qu’a proposée la section centrale, allocation à laquelle je me suis rallié, et qui doit suffire à tout le service.
Je ne peux attribuer qu’à un oubli de la part de la commission la fixation qu’elle propose, et non à toute autre cause ; car, encore dans mon rapport du 27 janvier dernier, que la commission cite dans le sien, je déclarais positivement, en faisant l’énumération de toutes les dépenses de ce service pour 1836, basées sur l’exécution du marché passé, que la somme de 723,000 fr. était suffisante.
Je me bornerai à vous déclarer de nouveau que je n’ai pas besoin de la totalité des fonds que la commission propose de m’accorder, et que je réduis ma demande à l’allocation fixée par la section centrale, c’est-à-dire à la somme de 723,000 fr.
Tel est donc l’amendement que je propose à l’art. 1er du projet de loi que la commission vous a soumis.
Quant à l’art. 2 qui règle l’indemnité d’occupation des effets de couchage à 5 centimes par homme et par jour, ce qui fait 18 fr. 25 c. par an, je me permettrai de vous faire observer que ce prix, qui est à peu de chose près celui que payait l’ancien gouvernement aux régences qui s’étaient chargées du casernement de leurs garnisons, s’appliquait exclusivement au service des lits à deux places, ce qui portait le loyer du lit à 33 fr. 80 c.
Je vous prie surtout de remarquer (car c’est un point essentiel) que si j’avais traité pour des lits à deux places, j’aurais obtenu de mon adjudication, malgré la fourniture de la couchette en fer, et de tous les effets neufs de première qualité, des prix moindres non seulement que ceux que nous payons aujourd’hui aux régences (36 fr. 50 c.), mais moindres aussi que ceux que payait à ces mêmes régences l’ancien gouvernement (33 fr. 80 c.).
En effet, messieurs, j’ai obtenu ce service à 29 fr. 50 c. pour l’année, ce qui fait par homme 14 fr. 75 c., et par jour 4 04 c. Ainsi l’entreprise qui s’est engagée à fournir 1,000 lits de cette espèce, c’est-à-dire à deux places, n’en retire de location que 4 centimes par homme et par jour, tandis que nous en payons 5 aux régences.
L’article 2 du projet de loi accorde donc pour cette espèce de lit une indemnité plus forte que ne le porte le marché passé avec la nouvelle société.
Mais, messieurs, est-il juste, est-il raisonnable de n’accorder que le même prix de journée pour les lits à une seule place ? Personne de vous, personne même de la commission peut-il supposer que la dépense d’achat et d’entretien doit être la même et être rétribuée au même prix pour deux lits où couchent des hommes seuls, et pour un seul lit où couchent ensemble deux personnes ?
Quel arbitraire amènerait ce système, de vouloir appliquer un prix unique à deux choses qui ne sont pas les mêmes ? Voudrait-on par là me forcer à revenir à l’ancien mode de coucher les soldats deux à deux, quand j’espérais de si grands avantages du couchage individuel sous le rapport de l’hygiène, des mœurs, de la propreté, en un mot, du bien-être du soldat ?
Si vous n’avouez pas ce système, quel est donc votre but en nivelant tout au même prix, puisque vous êtes forcés de convenir qu’il doit nécessairement coûter plus cher de faire coucher nos soldats seul à seul, qu’en les faisant coucher deux à deux ?
Et quelle est en définitive cette augmentation de dépense que l’article propose ne veut pas admettre ? Quel est ce surcroît exorbitant qui doit résulter du couchage individuel des soldats, et qui porte la commission à régler à cinq centimes indistinctement du mode de couchage, l’indemnité d’occupation ?
C’est 61/100 de centime par jour, faisant pour l’année entière 2 francs 20 centimes par homme. Ainsi, messieurs, pour cette somme modique de 2 francs 20 centimes pendant l’année tout entière, je fais coucher seul le soldat, dans un bon lit, et sur couchette en fer. Et c’est cet excédant de dépense que la commission propose de retrancher, sans en faire connaître les motifs.
L’excédant total de la dépense pour les 19,600 lits est donc de 43,120 fr. pour l’année : mais cet excédait est atténué de la somme de 7,000 fr. que je paie en moins pour les 1,000 lits à deux places.
Reste donc pour excédant final 36,120 fr. ; c’est, comme vous voyez, pour cette somme de 36,000 fr qu’on veut me contraindre à ne pas tenir les engagements formels que j’ai contractés, et qui l’ont été avec bonne foi, de part et d’autre.
Et c’est pour cette modique somme qu’on veut que je renonce aux avantages de faire coucher les soldats seuls ?
Non, messieurs, vous n’approuverez pas une telle proposition : vous ne sanctionnerez pas, par votre vote, une mesure dont l’effet ferait que deux choses si différentes dussent être payées le même prix.
Où seraient donc les principes de justice qui doivent guider toutes vos décisions ?
Il m’aura suffi (j’en ai la ferme conviction) de vous faire connaître le véritable point de la question que vous avez à résoudre, pour vous convaincre aussi qu’un même prix ne peut être appliqué à deux espèces de services différents entre eux, et pour les dépenses d’acquisition et pour celles d’entretien.
Ainsi, je demande la suppression de l’article 2 : d’abord, comme blessant les principes d’équité qui doivent être la base d’une bonne administration ; ensuite, comme forçant le gouvernement à renoncer à ses idées philanthropiques pour le bien-être et la santé de nos soldats ; puis enfin, parce que les dispositions qu’il renferme ne me paraissent réellement pas être du domaine de la loi.
Il est un autre article dont je conteste aussi la justice, et avec raison, comme j’espère vous le démontrer.
Lorsque l’ancien gouvernement fixa en 1815 l’Indemnité d’occupation des lits à deux places à 33 fr. 80 c. par lit occupé, il accorda le quart de cette indemnité pour le temps où le lit ne serait pas occupé : cela était juste, et établi dans les proportions, qui varient du tiers au quart, de l’indemnité d’occupation pour celle de non-occupation.
Il devait en être ainsi, par la raison que le système d’alors était de n’avoir la totalité des troupes réunies sous les armes que pendant un mois par année, et que, pour le surplus du temps, les troupes de garnison ne formaient qu’à peine les 3/8 de celles qu’on réunissait dans la belle saison, et pour lesquelles il fallait cependant avoir des fournitures de couchage.
Ce qui vient à l’appui de ce fait, c’est le relevé que j’ai fait dresser du nombre des lits entretenus par les régences de 1816 à 1824, qui se montent à 22,000, pouvant coucher 44.000 hommes, tandis qu’il n’y avait ordinairement que 15 à 16,000 hommes dans les garnisons de la Belgique.
Je prouve dans mon mémoire qu’il résultait du paiement de cette double prime que la dépense du coucher du soldat dans des lits à deux places revenait à 23 fr. 86 c. par homme et par an ; c’est-à-dire à 9 fr. 11 c.de plus que je ne paie pour les lits à deux places (14 fr. 75 c.), ce qui fait plus que moitié en sus, et même encore à 3 f. 36 c. de plus que je ne paie pour les lits à une seule place.
Jugez, messieurs, d’après un tel résultat, si je n’ai pas obtenu une énorme diminution sur les prix payés par l’ancien gouvernement.
Tel était aussi le système établi en France depuis 1792, où l’on payait l’indemnité d’occupation réglée par trimestre, et l’indemnité de non-occupation, qui était environ le tiers de la première.
En adoptant le mode de deux espèces d’indemnité, il est évident que l’entrepreneur doit demander un prix bien plus élevé pour l’indemnité d’occupation que pour une indemnité fixe : c’est ce dont j’ai acquis la certitude en France comme en Belgique.
Mais ce que mes fonctions m’ont mis à même de savoir mieux que tout autre, c’est que les entrepreneurs, secondés parfois par les autorités, faisaient en sorte que par les passages, les changements de garnisons, les mutations réelles ou fictives, les lits se trouvaient presque intégralement tous occupés pendant le trimestre ; car il suffisait qu’ils le fussent pendant quelques jours seulement, pour que l’indemnité d’occupation leur fût acquise pour le trimestre entier.
C’est pour obvier à ce grave abus, qui tournait au détriment de l’Etat, et d’après le résultat des relevés que j’avais fait établir depuis 1814 jusqu’en 1821, qui me donna la conviction que le gouvernement était la dupe d’un pareil système, que j’adoptai, en 1821, pour le nouveau marché des lits militaires, un prix unique de location, et que je mis fin aux abus qui avaient jusqu’alors existé.
Mais, en reconnaissant toutefois que le mode d’occupation et de non-occupation est susceptible d’application au service unique d’une place, je l’avais stipulé dans le premier cahier des charges, espérant encore que les dix régences qui avaient refusé de se charger du service du casernement, mieux éclairées sur leurs intérêts, proposeraient au moins des personnes pour traiter en leur nom, si elles refusaient de le faire directement. Mais quand je vis par leur nouveau refus que nécessairement il fallait en venir à une entreprise générale, je stipulai dans le second cahier des charges qu’il n’y aurait qu’un prix unique de location.
Et en cela j’agis très sagement, car je savais qu’on ne manquerait pas de demander des pris très élevés par la seule indemnité d’occupation, ce qui aurait fait revenir le prix final à un taux plus élevé que celui que j’ai obtenu, en supposant même un tiers des lits non occupés, ainsi que je vais le prouver dans l’instant. Car, il ne faut pas se le dissimuler, les entrepreneurs d’un service quelconque, quelque honnêtes gens qu’ils soient, savent toujours faire tourner à leur avantage les conditions comminatoires des marchés, quand on est obligé d’en insérer qui présentent des chances de bénéfices pour eux.
Mais ce qui me donnait une garantie formelle contre la crainte d’avoir dans les dix places en question plus de lits que d’hommes en garnison, c’est la faculté que je m’étais réservée, de faire transporter les lits sur telle autre place du royaume que je le voudrais. En sorte que tant que nous aurons de 40 à 45,000 hommes sous les armes, nous n’avons, avec les fournitures de l’entreprise et celles des régences que le nombre des lits nécessaires pour leur couchage, et il n’y a donc pas à craindre qu’il en reste de vacants. Si le nombre de nos troupes diminue, je pourrai facilement placer des lits de l’entreprise dans des places autres que celles qui sont indiquées au traité.
Cette faculté de diminuer et d’augmenter la fixation des lits dans les dix villes indiquées au marché, d’en répartir une portion sur d’autres places, constitue, en elle seule, un avantage immense pour le gouvernement, quand on compare cette condition si onéreuse à l’entreprise à celle du marché français qui rend la fixation des lits stable et immuable pendant toute la durée du marché, et quand on la compare aussi à la condition du traité du 30 juin 1814 pour les Pays-Bas, qui déterminait la fixation du nombre de lits à deux places dans chaque ville de garnison, et pour lesquels les régences avaient droit à l’indemnité de non-occupation.
Il est donc bien évident que si j’ai obtenu 20 fr. 50 c, pour le prix unique de location annuelle, par lit et par homme, j’aurais dû accorder à raison de 30 fr. au moins, c’est-à-dire, à plus de 8 centimes par jour, pour le loyer d’occupation, ce qui portait à 7 fr. 50 c. l’indemnité de non-occupation ; j’ai su depuis, et d’une manière très positive, que des soumissions partielles portaient ce prix à 10 centimes par jour (36 fr. 50 c. par an), pour un lit à une place avec couchette en fer, et je déclare ici, en mon âme et conscience, que d’après mes calculs celui de 30 fr. était juste, en supposant de un tiers à un quart de lits non-occupés dans l’année.
Or, en supposant que chaque lit n’eût même été occupé que les 2/3 de l’année seulement, l’indemnité d’occupation eût été, à raison de 30 fr. par an, de 20 fr. pour les 2 tiers de l’année ; et l’indemnité de non-occupation pour l’autre tiers se serait montée à 2 fr. 50 c., ce qui fait un total de 22 fr. 50 c. pour le prix de location annuelle, c’est-à-dire à 2 fr. de plus que le prix que j’ai obtenu par une location à prix fixe.
Mais s’ensuit-il de ce que j’ai pu obtenir pour prix unique de location 20 fr. 50 c. par année, ce qui fait 5 61/100 c. par homme et par jour, que la chambre puisse décider par une loi qu’on ne paiera que 5 centimes par jour et par fourniture occupée, quelle que soit l’espèce des lits fournis pour ce service ?
Que cette mesure s’applique aux lits à deux places, loués par les régences, rien de plus juste ; et je le reconnais, puisque les conventions que j’ai conclues avec elles portent cette clause expresse, et que le prix a été réglé avec la chance de non-paiement d’indemnité s’ils ne sont pas occupés.
Ces lits rapportent 36 francs 50 aux régences quand ils sont occupés ; en supposant qu’un cinquième ne soit pas occupés pendant toute l’année, ce qui a quelquefois lieu, cela ramène au prix moyen de 29 francs 20 centimes pour tous les lits, taux que je paie à la société pour les lits à deux places.
Mais, vouloir appliquer cette mesure aux nouveaux lits à une place, c’est vouloir une chose qui répugne à la saine raison et aux règles de la justice.
Comment, messieurs, voudriez-vous qu’on paie le même prix aux régences qui ont pu établir leurs lits à deux places avec couchettes en bois, pour 160 à 170 francs au plus, et à l’entreprise qui, pour coucher deux hommes dans deux lits sépares, a dû dépenser de 270 à 290 francs ?
Comment voudriez-vous n’accorder pour l’entretien de deux lits, qui se monte annuellement de 12 à 13 francs, que le même prix de l’entretien du lit à deux places qui ne s’élève que de 7 à 8 francs ?
Voilà déjà, pour l’intérêt légal de 100 fr. d’augmentation du capital employé, une somme de 5 fr. qui lui revient à bon droit.
Voilà aussi, sur la différence de l’entretien de deux lits à une place avec celui d’un lit à deux places, une nouvelle somme de 5 fr. qui doit bien justement lui être allouée.
C’est donc 10 fr. que coûtent annuellement deux lits à une place de plus qu’un lit à deux places ; et l’on propose cependant d’en payer les loyers au même prix. Je vous demande, messieurs, est-ce fondé en justice, en raison, si, comme on en exprime le vœu, et comme on en reconnaît l’avantage, on veut que les soldats couchent chacun dans un lit ?
Vous voyez des régences qui ne veulent pas même se charger de ce service, d’autres qui assurent qu’il leur est onéreux ; et vous voudriez que l’entreprise qui fournit des lits neufs, et deux lits au lieu d’un, ne reçoive que le même prix que celui que j’ai stipulé avec les régences !
Je vous avoue que de telles conditions me paraissent tout à fait inadmissibles, car elles sont manifestement contraires aux principes d’équité qui doivent diriger vos décisions.
La clause de non-paiement de location pour les lits non occupés me paraît donc inadmissible, par les diverses considérations que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer, et surtout quand elle n’a pas été formellement stipulée, ainsi que je l’ai fait avec les régences, cause de la fixation du prix qui leur est accordé par journée d’occupation, prix qui est de 36 fr 50 c., tandis que j’ai obtenu pour un service semblable (et remarquez-le bien), avec des lits bien mieux conditionnés, la réduction de ce prix à 29 fr. 50 c. pour l’entreprise actuelle.
Et ici, messieurs, je dois encore vous déclarer que diverses régences sont en réclamation pour obtenir, attendu, disent-elles, la modicité du prix qui leur est alloué pour loyer d’occupation, une indemnité de non-occupation. Je citerai entre autres les régences d’Ath et d’Audenaerde qui font de nouvelles instances pour obtenir cette allocation, en se fondant sur ce qu’elle était accordée par l’ancien gouvernement.
Quant aux dispositions de l’art. 4 du projet de loi proposé, qui m’autorisent à tenir les conventions passées avec les régences, permettez-moi de vous faire observer que je ne crois pas nécessaire qu’un acte législatif confirme de pareilles transactions qui, comme je viens de vous l’exposer, pourront être modifiées, soit dans l’intérêt des régences, si leurs réclamations sont trouvées fondées, soit par diverses circonstances, soit par événements imprévus.
Il est beaucoup d’autres transactions que je passe avec les administrations communales, et il résulterait du précédent que vous établiriez, en ratifiant par une loi une de ces transactions, que chaque régence pourrait désirer qu’elles fussent toutes aussi homologuées par les chambres, ce qui ajouterait encore de nouveaux embarras à la marche du gouvernement.
Je crois donc, messieurs, que cet article devient, sinon dangereux, au moins inutile, d’après les explications que je viens d’avoir l’honneur de vous donner.
Messieurs, ce rapport mérite toute votre attention. Je le ferai imprimer, soit séparément, soit dans le Moniteur, pour que chacun des membres de la chambre puisse en prendre une connaissance parfaite pour la prochaine séance.
En conséquence de ce rapport, je suis chargé par le gouvernement de vous présenter le projet de loi dont la teneur suit :
« Léopold, etc.
« Article unique. Le budget des dépenses du département de la guerre pour l’exercice 1836, fixé par la loi du 22 février dernier à la somme de 37,341,000 francs, est augmenté de 723 mille francs pour le service de campagne des troupes. »
« Cette dépense formera l’art. 15 (casernement des hommes), la troisième section du chapitre II du budget du département de la guerre. »
Je ferai encore une observation, c’est que l’article dont il s’agit renferme les mêmes conditions que le projet de loi présenté par la commission ; si ce n’est toutefois que la somme proposée par la commission est de fr. 778.603 20, tandis que je borne ma demande à 723,000 fr.
Ainsi il peut être considéré comme simple amendement.
- Il est donné acte à M. le ministre de la guerre de la présentation de son projet de loi.
M. Dubus. - M. le ministre de la guerre, au début du discours qu’il vient de prononcer, s’est référé, pour la réfutation du rapport de la commission, à un mémoire qu’il a fait imprimer et distribuer aux membres de la chambre. Il a dit à cette occasion qu’il l’avait fait imprimer et distribuer pour que nous pussions le lire à tête reposée, et nous former ainsi une opinion. M. le ministre a terminé son discours en nous annonçant l’impression et la distribution de ses nouvelles observations sur lesquelles il appelle toute l’attention et toutes les réflexions des membres de cette assemblée.
Je demande à M. le ministre si son intention est que nous suspendions la séance, ou que nous remettions la discussion à demain, afin que nous puissions examiner à tête reposée son mémoire et son discours.
Si ce mémoire était lu à la tribune, nous pourrions en prendre connaissance et examiner si réellement il réfute le rapport de la commission ; mais comme cette pièce ne nous a été remise qu’au commencement de la séance, personne n’a pu la lire ; et par conséquent le rapport de la commission reste sans réfutation.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Quoique je considère le discours que vient de prononcer M. le ministre de la guerre comme une réfutation du rapport de la commission, puisqu’il contient un grand nombre de faits très importants, je pense néanmoins qu’on pourrait remettre la discussion du projet à deux ou trois jours, par exemple jusqu’après le premier vote de la loi sur le transit.
De cette manière, tous les membres de l’assemblée auront le loisir d’examiner le mémoire qui leur a été distribué par M. le ministre de la guerre, ainsi que le discours qu’il vient de prononcer et qui sera imprimé dans le Moniteur de demain.
M. Dumortier. - Je demanderai au ministre de la guerre de faire insérer son discours dans le numéro de demain du il. Je fais cette demande parce que depuis quelques jours nous avons vu les discours des ministres insérés dans le journal l’Indépendant, ce qui retarde les publications du il.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Point du tout !
M. Dumortier. - J’ai été au Moniteur pour savoir pourquoi les discours des ministres n’étaient pas publiés le lendemain ; le directeur du il m’a répondu que les discours des ministres allant à l’Indépendant, il ne pouvait le faire imprimer avec le compte-rendu de la séance ; mais comme le Moniteur est le journal de l’Etat, et non l’Indépendant, et comme nous devons voir les discours des ministres au Moniteur, je demanderai que dorénavant les membres du cabinet envoient leurs discours au Moniteur.
J’ai une autre observation à faire :
Je demanderai au gouvernement si le projet de loi présenté aujourd’hui par le ministre est présenté comme projet nouveau, ou comme amendement au projet proposé par la commission. La question n’est pas indifférente.
L’article 33 de votre règlement porte que tout projet de loi doit être renvoyé devant les sections ou devant une commission. Si donc on nous présente un projet de loi, il faut qu’il subisse l’épreuve prescrite par cet article 33. Pour moi je demanderai qu’il soit renvoyé, ainsi que le discours du ministre, à la commission qui a été chargée de l’examen des lits de fer. Si la proposition faite par le ministre n’est pas un projet de loi, il ne fallait pas employer la rédaction qu’on lui a donnée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je prendrai la parole sur l’incident que vient de soulever l’honorable membre.
Il est évident que la proposition faite par le ministre n’est pas un projet de loi nouveau ; elle n’est que la rédaction d’un article qui se trouve au budget de la guerre, et c’est sur cet article que la discussion doit s’ouvrir.
La commission a fait aussi une proposition relativement à cet article du budget, et celle que fait actuellement le ministre ne diffère du chiffre du budget que de 50 mille francs en moins.
Quant aux discours des ministres, ils sont imprimés et communiqués au Moniteur en temps convenable, et il est inutile de répondre à ce qu’a dit l’orateur sur ce point. Ceux qui lisent nos discours voient bien qu’ils ne sont pas reproduits dans l’Indépendant.
M. F. de Mérode. - C’est probablement à moi que l’honorable membre a fait allusion quand il a dit que les discours des ministres étaient publiés dans l’Indépendant ; je lui répondrai que je n’ai pas de compte à lui rendre à cet égard, et que je peux faire imprimer mes discours où bon me semble. M. Dumortier n’a-t-il pas lui-même un journal qui lui est très dévoué ? Le Courrier de l’Escaut ne fait-il pas sans cesse l’éloge de l’honorable membre en attaquant les ministres ? M. Dumortier est libre de le faire là où il peut, et nous ne lui demandons pas compte sur ce point.
M. Dumortier. - Je trouve fort étrange que l’honorable membre parle d’un journal qui est imprimé à Tournay : ce journal n’est pas créé pour faire l’éloge des ministres ; il a été institué pour défendre notre constitution, si souvent méconnue par eux.
Quand j’ai parlé du il, c’était pour faire connaître à l’assemblée que M. le ministre de la guerre, et M. le ministre d’Etat comte de Mérode, sont cause que le compte-rendu des séances ne paraît pas à jour fixe, parce qu’ils envoient leurs discours à un autre journal. Libre à M. de Mérode de créer un journal pour injurier continuellement la chambre ; mais les discours des ministres doivent paraître dans le journal du gouvernement.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Tous les discours que j’ai prononcés ont paru le lendemain dans le Moniteur, excepté un seul, quoiqu’il eût été envoyé à l’imprimerie à six heures du soir. Mais c’est que le Moniteur avait des publications en arrière, et n’avait pas pu faire assez de suppléments pour se mettre au courant.
M. le président. - La proposition faite par M. le ministre de la guerre n’est point un projet de loi, pas plus que les conclusions du rapport de la commission ; nous devons discuter sur un article du budget des dépenses de la guerre, article qui avait été ajourné.
M. Dumortier retire sa proposition.
- La chambre consultée décide que la discussion sur les lits militaires aura lieu entre le premier et le second vote sur la loi concernant le transit.
La chambre décide ensuite que le discours lu aujourd’hui par M. le ministre de la guerre sera imprimé demain au Moniteur.
M. le ministre de la guerre (M. Evain) promet de faire imprimer séparément le même discours.
M. le président. - L’autre objet à l’ordre du jour est la loi relative au transit ; à la dernière séance, on a demande la clôture de la discussion générale.
M. Desmet. - On est venu ici aujourd’hui pour discuter le marché relatif aux lits de fer, et non pour discuter le transit ; aussi la plupart de nos collègues n’ont pas les documents nécessaires pour prendre part à la délibération sur le transit. On a distribué le mémoire imprimé de la chambre de commerce d’Anvers ; nous n’avons pas encore eu le temps de le lire. Je demanderai que la discussion générale sur le transit ne soit pas fermée, et qu’on remette la discussion des articles à demain.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ferai remarquer à l’honorable membre qu’il ne doit pas craindre que l’on aborde les propositions sur lesquelles il ne serait pas préparé. Les quatre premiers articles n’ont donné lieu à aucune observation ; sur l’art. 5 il n’a été proposé qu’un changement de rédaction. Il serait préférable de clore la discussion générale, et de commencer actuellement la délibération sur les articles.
M. Legrelle. - Il n’y a rien à dire sur les articles.
M. Van Hoobrouck de Fiennes. - On dit que des membres ont préparé des notes pour prendre part à la discussion générale. Il paraît qu’ils ne sont pas présents, parce qu’ils ne s’attendaient pas à voir reprendre aujourd’hui la discussion sur le transit. Remettons cette discussion à demain.
M. Desmet. - Je crois que M. Lardinois voulait parler sur le transit ; voila pourquoi j’ai demandé que la discussion générale ne fût pas close, et que l’on remît à demain toute discussion sur le transit.
- La proposition de renvoyer à demain la discussion sur le transit est mise aux voix et n’est pas adoptée.
La chambre ferme la discussion générale.
« Art. 1er. Il est établi par la présente loi trois modes de transit :
« 1° Le transit direct, comprenant les marchandises transportées de l’étranger à l’étranger, empruntant le territoire belge sans dépôt, ni entrepôt, ni emmagasinage intermédiaire ;
« 2° Le transit par entrepôt ordinaire, comprenant, dans les cas non exclus par la présente, loi, les marchandises sortant d’entrepôts publics, particuliers ou fictifs, déclarées en exportation ;
« 3° Le transit par entrepôt libre, comprenant les marchandises sortant dudit entrepôt également déclarées en exportation. Ce dernier mode de transit demeure exempt de droits lorsque la réexportation des marchandises s’effectue par le port même de leur importation. »
M. Rogier. - Il résulterait de la rédaction du n°3 de l’article que les marchandises en entrepôt seraient destinées à l’exportation seule. Cependant il a été entendu par M. le ministre des finances lui-même que l’entrepôt pouvait également servir aux marchandises destinées au transit. Il me semble que l’article aurait besoin d’une explication qui rendît les intentions de M. le ministre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il n’est pas nécessaire d’apporter un amendement à l’article 1er. L’art. 5 dit positivement que les marchandises dirigées sur entrepôt pourront être déclarées au transit. Il est important de laisser le n°3 tel qu’il est rédigé, pour les mêmes bureaux par où elles sont entrées sans payer de droits.
- L’article premier est adopté.
« Art. 2. Toute marchandise sans distinction d’origine, d’espèce on de qualité, non formellement exceptée par la loi, peut transiter par le territoire de la Belgique, moyennant le paiement des droits et sous les conditions et formalités auxquelles elle est soumise par les articles suivants, selon sa spécialité et sa nature.
« Les denrées non saines ou non marchandes ne pourront transiter qu’avec l’autorisation du gouvernement, qui prescrira les conditions qu’il croira nécessaires, et qui exigera, dans tous les cas, que le degré d’avarie soit constaté dans la déclaration en transit. Les marchandises expédiées en transit sont réputées d’une qualité saine, si le propriétaire n’a pas fait constater qu’elles étaient avariées, et indiquer dans l’acquit-à-caution le degré d’avarie ; à défaut de cette formalité, les marchandises présentées avariées au bureau de sortie perdent la faculté du transit. »
- Adopté.
« Art. 3. Il est réservé au Roi de désigner :
« 1° Les bureaux par lesquels les importations et les exportations en transit peuvent exclusivement avoir lieu ;
« 2° Les routes et voies à suivre pour arriver de l’étranger au bureau d’importation ;
« 3° Celles à suivre pour se diriger du bureau d’exportation à l’étranger ;
« 4° Les entrepôts hors desquels exclusivement les marchandises peuvent être expédiées en transit.
« Les routes et voies à suivre pour le trajet, soit du bureau d’importation, soit d’un lieu d’entrepôt vers le bureau d’exportation, seront désignées spécialement dans l’acquit-à-caution, par le receveur chargé de la délivrance de ce document, et devront toujours être les routes les plus directes. »
- Au moment de passer au vote sur cet article, la chambre n’est plus en nombre.
M. Legrelle. - Si nous ne pouvons nous compléter, ce n’est pas qu’il y ait impossibilité, c’est parce qu’il y a manque formel de bonne volonté chez quelques membres.
M. le président. - Le règlement interdit toute imputation de mauvaise volonté !
M. Gendebien. - Messieurs, moi aussi j’use quelquefois de la faculté de m’en aller lorsque je vois que la majorité veut imposer sa volonté à la minorité. Il serait étrange qu’un député ne pût sortir de la salle lorsqu’il le juge à propos. S’il y a un reproche que la chambre peut se permettre, c’est envers ceux qui ne remplissent pas le devoir que leur mandat leur impose, et qui font retomber sur leurs collègues plus assidus qu’eux tout le fardeau des travaux de la session. Lorsque chacun comprendra son devoir, on n’entendra personne se plaindre. L’on n’entendrait pas surtout une pareille sortie de la part de membres qui sont si inexacts à suivre nos travaux.
M. A. Rodenbach. - Plusieurs membres qui ont quitté la salle m’ont déclaré qu’ils se retiraient parce qu’ils ne s’attendaient pas à la discussion de la loi de transit ; ils n’étaient pas préparés à la soutenir et ne pouvaient voter en connaissance de cause. Il me semble que dans cet état de choses il conviendrait de remettre la discussion à demain.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je proposerai également de remettre la discussion à demain. Je ferai remarquer que si la discussion est arrêtée à tout moment par la nécessite de vérifier le nombre des membres, nous perdrons un temps précieux que mes honorables collègues et moi nous pourrions employer aux travaux importants dont nous sommes accablés. La plupart des membres de l’assemblée doivent désirer comme nous de ne pas perdre de temps.
Je demanderai seulement à M. le président de vouloir renouveler la recommandation qu’il fait si souvent à la chambre de se trouver en nombre suffisant à midi et demi précis pour pouvoir ouvrir la séance. En travaillant de midi et demi jusqu’à 5 heures nous pourrions avancer dans la discussion de la loi.
M. le président. - Le bureau est toujours prêt à midi à faire l’appel nominal, mais la séance ne s’ouvre jamais avant 1 heure.
Plusieurs membres demandent l’appel nominal.
- L’appel nominal constate la présence de 53 membres.
La discussion continue.
L’art. 3. est adopté.
« Art. 4. Les marchandises soumises aux droits de même que celles manufacturées, qui sont ou ont été déposées dans des entrepôts particuliers ou fictifs, sont dans tous les cas exclues de la faculté de transit. »
M. Rogier propose la suppression des mots : « qui sont ou ont été. »
M. Smits. - Il résulte de la rédaction de l’article 4 que les marchandises qui auront été entreposées dans les entrepôts fictifs ou particuliers ne pourront être livrées au transit.
Dans une séance précédente, M. le ministre a donné des explications suffisantes en ce qui concerne les sucres. Cet article est soumis à des règles spéciales. Ils jouiront également du transit lorsqu’ils auront été déposés dans les entrepôts fictifs, comme M. le ministre des finances l’a expliqué. Mais, d’après cet article, les vins entreposés dans les entrepôts fictifs ou particuliers ne pourraient être livrés au transit. L’intention de la législature ne peut être de consacrer une exclusion aussi rigoureuse.
Je pense que, dans tous les cas, il doit être entendu que les vins continueront à jouir des franchises que leur accorde la loi spéciale de 1822, c’est-à-dire que l’exportation pourra toujours s’en faire par entrepôt fictif avec décharge en compte. Je désire que M. le ministre des finances donne à cet égard quelques explications conformes à l’opinion que je viens d’émettre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Vous le savez, messieurs, il existe quatre entrepôts.
L’entrepôt libre, qui est soumis à des règles spéciales et qui a été créé par une loi particulière toute à l’avantage du commerce, qui n’a reçu son exécution que dans trois localités différentes, Anvers, Bruges et Ostende.
L’entrepôt public : ici nous n’excluons rien. Les vins, les sucres comme les autres marchandises soumises à l’accise non prohibées au transit, pourront y être entreposées pour être ensuite livrées au transit.
L’entrepôt particulier ; il se trouve chez le propriétaire de la marchandise, déposé dans un lien fermé dont l’administration à la clef. Ce genre d’entrepôt a souvent ouvert la porte à la fraude.
Il est souvent arrivé que par des ouvertures pratiquées à l’insu de l’administration, l’on est arrivé jusqu’à la marchandise, et que l’on y a opéré des falsifications au détriment du trésor public. Ainsi, dans le commerce de vins, on substitue de l’eau au vin, et de cette manière, une grande partie de la marchandise destinée au transit reste dans le pays sans avoir payé les droits. Nous avons cru qu’il serait dangereux d’admettre au transit des marchandises ainsi entreposées.
Enfin l’entrepôt fictif : celui-là offre encore moins de garanties à l’administration que l’entrepôt particulier. Il est entièrement à la disposition du propriétaire, et il n’est créé que pour que l’administration ait avec lui un règlement de crédit à terme.
Evidemment l’on ne peut admettre au transit des marchandises entièrement laissées à la disposition du propriétaire. De cette manière, il pourrait substituer, par exemple, du sable au sucre, de l’eau au vin, et introduire dans le pays une marchandise qui n’aurait payé aucun droit.
Tels sont les motifs qui ont dicté la rédaction de l’article 4. Il est nécessaire pour réprimer la fraude.
M. Smits. - Les explications de M. le ministre des finances ne m’ont pas entièrement satisfait, et je viens, en conséquence, vous représenter encore sous une autre forme les observations que j’ai eu l’honneur de vous présenter tantôt.
La loi de transit est destinée à favoriser le commerce et l’industrie. Il est donc du devoir de la législature de ne pas exclure une branche de commerce et d’industrie de ses bienfaits. J’ai appelé l’attention de la chambre sur deux articles soumis à un régime spécial. Je n’ai parlé que des sucres et des vins.
Les sucres peuvent être mis en entrepôt fictif et être ensuite exportés. La loi spéciale de 1822 est positive à cet égard.
Mais l’intention de la chambre ne peut être d’exclure le commerce de vins des bienfaits de la loi actuelle. Les vins, comme presque toutes les marchandises, s’achètent par spéculation.
L’acquéreur les conserve souvent pendant 3 à 4 années, et se réserve, en les faisant entreposer, la faculté de les livrer à la consommation ou de les exporter. C’est une faveur spéciale que la loi de 1822 a également accordée à ce commerce et dont il a toujours joui. Le gouvernement ne peut vouloir l’en priver. Si l’article était adopte sans modification, il aurait ce fâcheux résultat de faire passer tout le commerce de vins destiné à l’exportation dans les mains de la Hollande. Il y a donc nécessité de modifier cet article et de conserver au commerce de vins une faveur dont il est de l’intérêt du pays de ne pas le priver.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - D’après l’art. 4 les marchandises soumises aux droits d’accises de même que celles manufacturées, déposées en entrepôts particuliers ou fictifs, sont dans tous les cas exclues de la faculté de transit.
Cet article me paraît très clair. On exclut du transit toutes les marchandises déposées maintenant en entrepôts fictifs ou particuliers, comme celles qui pourront y être déposées à l’avenir.
J’ai démontré que deux objets seuls pouvaient être intéressés à avoir la faculté de transiter, après avoir été en entrepôt fictif ou particulier : c’est le sucre et le vin. Pour le sucre, j’ai montré qu’il était complètement inutile de permettre le transit quand il avait été déposé en entrepôt fictif ou particulier, attendu que le dépôt du sucre en entrepôt n’a lieu que dans les villes où il y a des entrepôts publics ou libres, et que quand le sucre est raffiné, opération pour laquelle, seule, on a intérêt de retirer le sucre brut de l’entrepôt, il peut être réexporté avec la haute décharge du droit.
Quant au vin, j’avoue que la disposition est très rigoureuse, mais elle a eu pour objet d’empêcher une fraude en quelque sorte imminente, car si on peut avoir accès dans le lieu où le vin est entreposé, sans l’intervention de l’administration, on pourra l’altérer, le falsifier, y substituer autre chose et faire sortir de l’eau rougie, tandis que le vin resterait dans le pays sans payer de droit d’accises.
Je ferai remarquer que les observations de la chambre de commerce d’Anvers sur l’art. 4 ne portent que sur le sucre.
Voici ces observations :
« Cet article exclut du transit les marchandises soumises aux droits d’accises, de même que celles manufacturées, déposées dans des entrepôts particuliers ou fictifs : nous pensons qu’il conviendrait de faire une exception en faveur des sucres déposés en entrepôt fictif dans le local de l’entrepôt libre, c’est-à-dire sans le déchet accordé pour les entrepôts fictifs ; car autrement nous manquerons toujours comme par le passé de sucres susceptibles d’être exportés ; par la raison que les sucres ne jouissant pas, dans les entrepôts publics et libres, du déchet qui leur est accordé dans les entrepôts fictifs, ceux-ci seront toujours préférés pour ces sortes de dépôts. »
Vous voyez que la restriction qu’on demandait à l’art. 4 ne portait que sur le sucre. Or, j’ai démontré qu’elle était inutile dans la pratique. Je suis persuadé que l’honorable M. Smits, qui connaît spécialement la matière, reconnaîtra que les explications que j’ai données sur ce point dans une précédente séance sont concluantes.
Quant aux vins, si on trouve la disposition trop rigoureuse, je ne verrais pas d’inconvénient à stipuler que le gouvernement pourra autoriser par une disposition spéciale le transit des vins déposés en entrepôts particuliers ; si l’administration croyait qu’on a dénaturé le vin, elle refuserait l’autorisation de transit. L’art. 4 perdrait de sa rigueur et la fraude n’y gagnerait rien.
Voici le paragraphe additionnel que je proposerai à l’art. 4, pour calmer toutes les inquiétudes ;
« Le gouvernement pourra autoriser par une disposition spéciale le transit du vin déposé en entrepôts particuliers. »
M. le président. - Je vais mettre d’abord aux voix l’amendement proposé au premier paragraphe, la suppression des mots : « qui sont ou ont été. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que maintenant que je viens de modifier l’article, que je viens de rendre facultatif au gouvernement d’autoriser le transit des vins qui auront été déposés dans les entrepôts particuliers, pour le cas où il croira qu’il n’y a pas eu fraude, il faut lui donner la même faculté pour les vins qui sont déjà maintenant en entrepôt particulier, car il se peut qu’il y ait eu fraude sur ces vins, et la fraude ne serait pas moins coupable.
Il n’y a aucun inconvénient à ranger les vins actuellement en entrepôt particulier, dans la même catégorie que ceux qui y seront placés à l’avenir. Chaque fois que le gouvernement aura reconnu qu’on n’a pas altéré dans l’entrepôt particulier, par un moyen frauduleux quelconque, le vin qui y est déposé depuis déjà assez longtemps, comme celui qui y sera déposé à l’avenir, il accordera l’autorisation de transit. Vous remarquerez que la disposition que je propose, ainsi amendée, est infiniment moins rigoureuse que celle qui avait été adoptée par la majorité des sections et de la section centrale.
M. Rogier. - L’art. 4 est une aggravation au système qui existe maintenant ; si nous n’avons pas attaqué cette disposition, c’est pour répondre aux vues conciliatrices que le ministre des finances a montrées ; mais toujours est-il que c’est une restriction apportée à la faculté de transit établie par la loi de 1822. S’il est nécessaire qu’une disposition spéciale soit prise à l’égard des vins pour empêcher la fraude, il ne faut pas pour cela que toutes les marchandises qui sont en entrepôt particulier soient frappées. Faites une exception pour le vin, mais que les autres marchandises entreposées sur la garantie de la législation actuelle aient la faculté de transiter.
M. A. Rodenbach. - Je ne partage pas l’opinion de l’honorable préopinant. Ce n’est pas seulement le vin qui peut être falsifié ; il y a d’autres marchandises qui ne prêtent pas moins à la fraude : les esprits, les eaux-de-vie sont dans le même cas que le vin ; on n’a qu’à substituer de l’alcool indigène à de l’esprit de vin, la substitution serait très difficile à constater ; il y a quelque temps qu’un procès a eu lieu sur une question semblable, et les tribunaux n’ont pas pu constater la différence entre les deux espèces d’alcool. C’est une chose qui ouvrirait une large porte à la fraude ; car on peut gagner 5 p. c. de cette manière.
Je dirai aussi que, dans les entrepôts particuliers, des alcools de 36 degrés au pèse-liqueur français peuvent être réduits à 18 degrés. La fraude est très active. Si on admet la proposition de M. Rogier, je crains qu’il n’y ait beaucoup de fraude sur les esprits et plusieurs autres marchandises, qui présenteront un appât suffisant aux fraudeurs.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ferai remarquer à l’honorable M. Rodenbach que pour ce qui concerne les boissons elles seront prohibées au transit d’après le projet.
L’honorable membre dit qu’il faut prendre des précautions minutieuses contre la fraude, je suis de son avis. La fraude peut se faire aussi bien sur les marchandises manufacturées que sur celles sujettes aux accises. Par exemple, on pourrait déclarer en entrepôt un ballot de soieries, et faire sortir en place du coton si l’administration n’était pas armée des moyens nécessaires pour y obvier ; on pourrait également faire entrer en entrepôt des cotons anglais et y substituer des cotons de rebut de manufacture indigène pour les faire transiter ; on laisserait donc ainsi dans le pays, au détriment de l’industrie intérieure, des marchandises étrangères qui n’auraient payé aucun droit.
Aussi l’honorable M. Rogier ne s’est pas élevé contre les précautions prises pour empêcher la fraude ; il demande que les marchandises qui sont en entrepôt particulier puissent effectuer le transit, et auquel elles sont autorisées par la législation actuelle. Je m’étais opposé à son amendement pour les vins, parce que je pensais que pour cela il fallait laisser au gouvernement la faculté d’autoriser ou de défendre le transit. Quant aux marchandises manufacturées, je ne verrais pas, pour le moment, d’inconvénient à ce qu’on adoptât une proposition qui répondît au but que se propose M. Rogier.
M. Legrelle. - Je vois avec plaisir déjà que M. le ministre des finances se rapproche de l’amendement de M. Rogier. Quant aux vins, c’est une question à examiner, si on peut donner une espèce de rétroactivité à la loi en l’appliquant aux vins qui se trouvent maintenant en entrepôt particulier. Je dois convenir que la fraude peut trouver là un aliment ; mais, malgré cela, est-il dans la justice de rendre rétroactive la loi que nous faisons pour le transit, en ce qui concerne des vins qui sont venus sur la foi des lois existantes ? Même pour empêcher la fraude, pouvez-vous prendre une de ces mesures rétroactives contre lesquelles on s’est tant récrié avec raison sous l’ancien gouvernement ? C’est une réflexion que je livre à votre sagesse.
Le ministre dit que l’article 4 ne peut avoir les sucres pour objet, puisque les sucres, admis en entrepôt fictif ou particulier, sont destinés à la fabrication. J’espère que cela sera vrai longtemps, et que ce sera ainsi aussi longtemps que les raffineries jouiront des heureuses dispositions législatives qui les régissent, aussi longtemps que les fabriques fleuriront dans l’intérêt du pays entier. Mais il pourrait arriver telle situation par la suite où les fabriques ne seraient plus aussi prospères ; alors la disposition concernant les sucres devrait être changée.
Dans cette prévision, je désire qu’on donne au gouvernement la même faculté pour les sucres que pour les vins.
Pour le moment il n’en est pas question ; mais comme dans une loi il faut prévoir l’avenir, je pense qu’il est bon que le sucre soit mis dans la même position que les vins.
Quant à l’observation que j’ai faite relativement à la rétroactivité que la loi fait peser sur les vins, je désire que la chambre y fasse attention.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il faut sans doute éviter la rétroactivité ; mais il faut aussi éviter d’être à la fois sous le coup de deux législations opposées ; d’après cette double considération, une disposition transitoire sera nécessaire pour laisser jouir, pendant un temps déterminé, du droit de transit, les marchandises qui pouvaient être transitées. Cette disposition, nous la présenterons.
M. Rogier. - La disposition transitoire s’appliquera aux sucres, aux vins et à d’autres marchandises encore ; dans ce cas je retire mon amendement.
M. Legrelle. - Je demande au ministre s’il voit de l’inconvénient à ajouter les mots : « Les vins, les sucres. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que l’exception demandée par M. Legrelle est inutile aujourd’hui. Elle serait inutile dans tous les cas, même quand il y aurait changement dans la législation. Le raffineur, que ferait-il du sucre dans un entrepôt actif ou particulier ? Il aimera toujours mieux le laisser dans un entrepôt public, d’où il pourra l’exporter en transit ou autrement.
Pour les vins, il faut les accommoder au goût des consommateurs ; avec deux sortes de vins, on fait quelquefois un mélange pour obtenir le résultat qui convient au pays où l’on expédie.
Il est donc nécessaire que le négociant ait le vin à sa disposition chez lui pour faire les mélanges ; mais, pour le sucre, il n’est pas nécessaire de le mélanger. Quelquefois on y met du sable, de la terre pour frauder.
M. A. Rodenbach. - Et de la farine.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je le répète, la disposition sera inutile. Nous ne pouvons d’ailleurs pas rédiger l’article dans la prévision d’un changement dans la législation, changement qui sera plus ou moins éloigné.
M. Legrelle. - Les sucres en entrepôt particulier ont un déchet que n’ont pas les autres. Je voudrais que le gouvernement se réservât la faculté de permettre aux sucres de sortir par transit, comme il le permet aux vins.
Je ne demande pas que l’on change les dispositions législatives relativement aux sucres, car je regarderais ce changement comme un malheur.
- L’amendement de M. Legrelle n’est pas appuyé, et par conséquent n’est pas mis aux voix.
L’article 4 est adopté.
« Art. 5. Ne sont admises en transit que les marchandises qui auront été déclarées formellement à cette destination ou à celle d’un entrepôt ouvert au transit, soit au premier bureau d’entrée ou de déchargement désigné pour le transit, en cas d’importation par terre ou par rivière, soit au lieu de déchargement en cas d’importation par mer ; dans tous les cas, cette déclaration devra être faite avant le déchargement et la vérification des marchandises. Sont exclues de la faculté du transit les marchandises sortant d’entrepôts, lorsqu’elles n’y sont pas arrivées par un bureau d’importation ouvert au transit. »
- Adopté.
« Art. 6. Indépendamment des déclarations à faire par les assujettis à l’importation et à l’exportation des marchandises, conformément à la loi générale du 26 août 1822, il sera exigé d’eux, pour les marchandises destinées au transit, une déclaration spéciale indiquant :
« 1° Quant à celles que le tarif des douanes, à l’importation, impose à la valeur, ou quant à celles dont l’importation est prohibée, la valeur exacte des unes et des autres ;
« 2° Quant à celles que le tarif à l’importation impose au poids, ou à la mesure, ou au nombre, le poids, la mesure ou le nombre (cette dernière spécification devant d’ailleurs toujours être fournie, quel que soit le mode de perception), et dans tous les cas pour les tissus, étoffes et rubans, le poids net que les colis renferment.
« Ces éléments serviront de base à l’application éventuelle des droits et pénalités ; dans les cas où le transit de ces différentes marchandises ne serait point légalement consommé, les déclarants, quelque minime que puisse être le droit de transit sur celles ainsi déclarées, seront soumis, sous ce rapport et à l’égard même du transit, aux dispositions établies, relativement à l’inexactitude des déclarations, par la loi générale prémentionnée, qui confère aux employés de l’administration, soit le droit de préemption en ce qui concerne la valeur, soit le droit de confiscation en ce qui concerne la différence au brut et au net du poids, du nombre et de la mesure, sans préjudice aux autres dispositions répressives de la fraude. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallie à la modification proposée par la section centrale. Elle demande aussi l’addition des mots : « ou au nombre, » ce qui est à peu près inutile ; toutefois, il n’y a pas d’inconvénient à adopter cette addition.
La seule différence qu’il y ait entre le projet du gouvernement et celui de la section centrale, c’est qu’elle exige que la spécification du nombre soit toujours faite. C’est une garantie de plus à laquelle je ne puis que me rallier. Lorsque l’on déclarera des tissus, l’on déclarera en même temps le nombre de pièces. De cette manière la fraude se trouvera gênée dans son action ; car elle ne pourra soustraire un certain nombre de pièces des colis, sans les remplacer. Au contraire, il n’y aura aucune gêne pour le commerçant loyal.
Quant à la déclaration du poids net, je la regarde comme indispensable. En effet, si le poids net de la marchandise n’était pas spécifié, l’on pourrait augmenter le poids de la taxe pour compenser la soustraction d’une certaine quantité de la marchandise. En indiquant à la fois le poids brut et le poids net, il est difficile que la fraude ne soit pas découverte.
M. Rogier. - Le paragraphe 2 est encore une aggravation aux avantages donnés au commerce par l’article 4 de la loi de 1822. D’après cet article, il existait une tare en faveur de la marchandise. Cette aggravation a frappé la section centrale elle-même. Car elle a exprimé le désir dans son rapport que l’article 6 de la présente loi fût entendu comme la loi française de 1832, loi très libérale au rebours de toutes les lois françaises de douane, a été interprétée par une circulaire de l’administration de la douane, c’est-à-dire, que l’on comprît dans le poids net des étoffes et marchandises légères, les papiers, ficelles, cartons ou boîtes de carton qui les enveloppent. Il me semble qu’il serait bon, pour réaliser le vœu de la section centrale, de voter un paragraphe additionnel rédigé dans le sens de la circulaire que je viens d’indiquer.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Mon opinion est également qu’il faut interpréter l’art. 6 dans le sens de la circulaire dont il a été parlé dans le rapport de la section centrale. Mais il me semble qu’il serait dangereux d’en faire une motion spéciale dans la loi, comme le propose l’honorable préopinant. Une pareille disposition consacrée par la loi pourrait donner lieu à la fraude. Elle doit plutôt faire l’objet d’un règlement. Les employés ont alors la faculté de décider si les cartons, enveloppés et ficelles doivent faire partie du poids net, c’est-à-dire s’il y a fraude on n’y a pas fraude, Il convient donc de laisser à l’administration le soin de donner des instructions, comme cela s’est fait en France. La discussion indiquera assez dans quel sens nous avons tous entendu cet article.
- Le paragraphe 2 amendé par la section centrale, est mis aux voix et adopté.
L’article 6 est mis aux voix et adopté.
Article 7
« Art. 7. Le droit de transit sera payé au bureau du lieu d’importation ou de celui d’entrepôt où se fera la déclaration de transit et où ces marchandises devront toujours être vérifiées. Les préposés du service des douanes auront toujours le droit de constater le poids net et effectif, en même temps que le poids brut, et porteront le résultat de cette opération au dos des documents, à l’effet d’assurer, soit pendant le trajet, soit au bureau d’exportation, la représentation et l’identité des marchandises et de leur quantité. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart) propose de supprimer les mots « et où, » et de faire une phrase des mots : « Les marchandises devront toujours être vérifiées. »
- Adopté.
L’article 7 est mis aux voix et adopté.
« Art. 8. Après qu’il aura été fourni caution suffisante pour le montant éventuel des droits d’importation et de l’amende proportionnelle à ceux-ci qui peut en résulter, ainsi que sûreté pour les droits d’accises à l’égard des objets qui y sont soumis, il sera délivré un ou plusieurs acquits-à-caution, dans la forme à déterminer par le gouvernement, indiquant, outre la désignation en détail des marchandises avec les particularités prescrites pour en garantir l’identité, les routes à suivre, les lieux où, à peine de nullité, ils devront être visés, l’entrepôt ou le lieu de sortie vers lequel le transport doit en être dirigé, le délai qui sera accordé pour traverser le rayon, ainsi que pour effectuer le transport, soit à l’entrepôt, soit au bureau d’exportation, ainsi que le terme dans lequel l’acquit-à-caution, dûment déchargé, devra être rapporté au bureau de sa délivrance. On y indiquera également si le transit s’opérera avec ou sans changement de moyens de transport, et l’endroit où, dans le premier cas, ce changement doit s’effectuer, avec mention du nom du conducteur, voiturier on batelier.
« La caution à fournir pour les marchandises prohibées à l’importation sera égale au montant du double de leur valeur. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je propose de supprimer ces mots : « à ceux-ci qui peut en résulter, » comme inutiles.
Je me rallierai au paragraphe additionnel proposé par la section centrale. Cependant je demande que le terme de cautionnement soit substitué à celui de caution.
M. Gendebien. - Il me semble, messieurs, qu’il conviendrait de conserver le mot caution dans le deuxième paragraphe, par la raison qu’il se trouve dans le premier. Si vous vous servez de deux termes différents, il s’en suivra que l’on croira que vous avez voulu donner deux sens différents à des expressions qui doivent n’en avoir qu’un. C’est pourquoi la rédaction de la section centrale me paraît préférable.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois la substitution que je propose nécessaire. En effet, il s’agit dans le deuxième paragraphe d’une valeur qui sera portée au double de la déclaration. Le mot cautionnement est le seul qui rende cette idée. Car la caution indique la personne qui fournit le cautionnement. Si l’on dit un acquit-à-caution, et non pas un acquit à cautionnement, c’est que cette pièce est revêtue de la signature de la personne qui se porte caution.
- Les changements proposés par M. le ministre à l’amendement de la section centrale est adopté.
- L’art. 8 est mis aux voix et adopté.
« Art. 9. Sous le rapport du régime du transit, les marchandises sont rangées en quatre catégories savoir :
« La première, générale, comprend toutes les marchandises non soumises aux droits d’accises et dont le droit à l’importation est ou serait ultérieurement fixé par le tarif à un taux qui ne s’élève pas au delà de 6 p. c. de la valeur, ou de 25 fr. le quintal métrique au poids.
« La deuxième, également générale, comprend toutes les marchandises non soumises aux droits d’accises dont le droit à l’importation excède le taux ci-dessus, ainsi que les tissus et les objets prohibés à l’importation.
« La troisième, exceptionnelle, comprend spécialement les marchandises soumises aux droits d’accises.
« La quatrième enfin, celles dont le transit est prohibé.
« L’énumération des marchandises rangées dans la troisième et la quatrième catégories est déterminée par les états annexés à la présente loi sous les lettres A et B. »
- L’article est adopté sous la réserve de discuter les états A et B.
La séance est levée à 4 heures et demie.