(Moniteur belge n°150, du 29 mai 1836)
(Présidence de M. Fallon, vice-président.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et demie. Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
« L’administration communale de Kessel demande qu’on établisse un droit de sortie plus élevé sur le foin. »
« Le sieur Martin Lanis, à Anthée, demande l’annulation de la décision de la députation de la province de Namur, en date du 20 avril dernier, annulant celle du conseil de milice de Phippeville, qui exemptait du service pour un an son fils Désiré-Joseph, milicien de 1830 et marié depuis. »
« Le conseil de fabrique de l’église de Notre-Dame à Verviers adresse des observations sur le projet de loi relatif au traitement des vicaires. »
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions chargée d’en faire le rapport.
M. le président. - Il nous reste à discuter deux articles additionnels proposés par M. Gendebien dans la séance d’hier.
M. Gendebien. - Pour compléter l’article que j’ai proposé, il conviendrait d’ajouter un amendement après la première disposition de l’article.
L’article serait conçu de la manière suivante, avec l’addition que je propose :
Ne pourront être membres du conseil d’enquête :
« 1° Le commandant du corps auquel appartiendra l’officier inculpé, les officiers de l’escadron ou de la compagnie dont il fera partie, ses parents ou alliés, jusqu’au degré de cousin, issu de germain inclusivement ;
« 2° Les parents au même degré du ministre de la guerre et de la personne sur la plainte de laquelle l’officier aura été renvoyé devant le conseil ;
« L’inculpé aura la faculté de récuser deux membres du conseil, sans toutefois pouvoir motiver sa récusation. »
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, nous avons examiné la proposition déposée à la fin de la séance d’hier ; et nous avons pensé que les deux articles dont elle se compose pourraient être remplacés par les deux articles que je vais avoir l’honneur de vous faire connaître :
« Art. 4. Ne pourront faire partie du conseil d’enquête les parents ou alliés de l’officier inculpé, jusqu’au degré de cousin issu de germain inclusivement ; ni l’officier sur le rapport duquel la poursuite a lieu.
« Tout conseiller qui saura cause de récusation en sa personne sera tenu de la déclarer au conseil. »
« Art. 5. L’inculpé et l’auditeur militaire ont le droit de récuser chacun deux membres du conseil, sans toutefois pouvoir motiver cette récusation.
« Les récusations devront être faites avant l’interrogatoire de l’inculpé. »
M. Gendebien. - Messieurs, la disposition que j’ai présentée est la copie textuelle des articles 7 et 9 de la loi française, ainsi que je vous l’ai dit hier.
En France, on n’a pas reconnu les récusations utiles de la part du gouvernement. Je ne connais pas le motif pour lequel on veut introduire des récusations semblables dans la loi dont nous nous occupons, à moins que le gouvernement ne veuille s’assurer tous les moyens d’accabler l’officier qu’il voudra perdre. Je ne conçois pas la prétention, n’est-ce donc pas assez pour lui d’avoir obtenu l’arbitraire par le vague des moyens d’accusation et par l’absence de toutes garanties dans la forme, ou plutôt dans l’absence de toutes formes. Il veut encore qu’il s’assure par la récusation le moyen d’introduire dans le conseil deux septièmes d’hommes dévoués à ajouter à ceux sur lesquels il pourra toujours exercer une grande influence.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Le gouvernement remplace par deux articles les deux propositions de l’honorable préopinant.
La première proposition de l’honorable membre est ainsi conçue :
« Ne pourront être membres du conseil d’enquête :
« 1° Le commandant du corps auquel appartiendra l’officier inculpé, les officiers de l’escadron ou de la compagnie, dont il fera partie, ses parents ou alliés à un des degrés prohibés par la loi. »
Nous conservons une partie de cette disposition, celle qui concerne les parents ou alliés de l’officier, sauf que nous la complétons et la rendons plus claire. En effet, il ne suffit pas de parler de la parenté au degré prohibé par la loi ; il faut indiquer ce degré. Or, nous avons pensé qu’on pourrait se référer à l’art. 578 du code de procédure civile, concernant la récusation des juges ordinaires, et établir l’empêchement jusqu’au degré de cousin germain.
Quant au commandant du corps et aux officiers de l’escadron ou de la compagnie dont l’inculpé fait partie, nous ne voyons pas de motifs pour qu’on doive les récuser, et cela même dans l’intérêt de cet officier : car, il est probable qu’il trouvera toujours de la bienveillance, de l’appui dans ses compagnons qui pourront attester sa conduite honorable, et la manière courageuse dont il peut s’être montré dans quelques circonstances.
Nous avons amélioré la disposition de l’honorable membre sous un autre point de vue, savoir : en excluant du conseil l’officier sur le rapport duquel la poursuite a lieu.
Il me semble donc que le premier article proposé par le gouvernement est suffisamment justifié.
Je passe à la deuxième disposition additionnelle présentée par M. Gendebien.
« L’inculpé aura la faculté de récuser deux membres du conseil, sans toutefois pouvoir motiver sa récusation. »
Nous ajoutons que l’auditeur pourra user du même droit. L’honorable préopinant ne comprend pas l’intérêt que le gouvernement peut avoir à aggraver la position de l’officier.
Messieurs, le gouvernement n’a qu’un intérêt, celui d’avoir de bons officiers et dans l’intérêt des bons officiers, il est intéressé, aussi bien que le régiment, à ce qu’il puisse en expulser l’officier dont la conduite ferait la honte du régiment,.
Voila le seul intérêt et le seul devoir du gouvernement,
L’honorable préopinant veut que l’officier puisse récuser deux membres du conseil. Pourquoi ? Parce qu’il a peut être des ennemis dans le conseil ; cela est peu probable, puisque le conseil est pris au hasard parmi tous les officiers de la division ; cependant la chose est possible, aussi admettons-nous ce droit de récusation ; mais il est possible d’un autre côté que dans le conseil se trouvent des officiers qui soient liés avec l’inculpé d’une amitié toute particulière ; il est possible encore qu’il s’y trouve des officiers qui, sans avoir participé directement aux faits dont l’autre est inculpé, y ont pris cependant une part plus ou moins éloignée, ou se sont trouvés dans la réunion où l’un d’eux a commis un écart. Si on veut une justice impartiale, il faut qu’il y ait réciprocité, et que la faculté de récuser appartienne également à l’auditeur.
L’honorable préopinant a dit que c’est dans la loi française qu’il a puisé la deuxième disposition et que cette loi n’introduit la récusation qu’au profit de l’officier inculpé. Mais je dois faire observer que le projet de loi de 1832 auquel l’honorable membre fait allusion n’a pas été sanctionné en France et qu’il a été remplacé en 1833 par un autre projet dans lequel on n’a pas reproduit la disposition dont il s’agit ; on a proposé un système de récusation tout différent ; et si la chambre le désire, je donnerai lecture des articles sur la récusation. L’art. 18 est ainsi conçu :
« Ne pourront faire partie du jury militaire les parents ou alliés de l’officier inculpé à l’un des degrés prohibés par la loi, ni l’officier sur le rapport duquel le prévenu aura été traduit devant le jury. »
Voilà l’article que nous proposons textuellement. D’après l’art. 19 les membres du jury seront interpellés sur le point de savoir s’il existe une des causes de récusation ; mais on n’a pas accordé aux inculpés le droit de récuser des membres du jury.
Je crois devoir borner là mes observations. Je me réserve de répondre à l’honorable préopinant, s’il réplique.
M. Gendebien. - Je ne sais pas quel peut avoir été le motif qui a déterminé la proposition d’un nouveau projet de loi en 1833. J’espère que le ministre de la justice nous le dira ; je m’y rendrai s’ils sont acceptables, mais je persisterai s’ils sont mal fondés. Voici, du reste, les considérations qu’on a fait valoir à l’appui du projet de loi de 1832 :
« Le projet écarte encore avec soin des conseils tout officier qui par sa position militaire pourrait être justement soupçonné d’y entrer avec un esprit de partialité, soit comme chef, soit comme plaignant, soit comme camarade.
« Malgré la sagesse de ces précautions, la loi nouvelle donne à l’inculpé le droit de récuser deux membres des conseils d’honneur, sur les sept dont ils sont formés ; elle veut encore que l’inculpé trouve parmi eux deux officiers du même grade, deux de ses pairs, garantie à la fois délicate et nouvelle, et qui ne peut que lui inspirer une noble confiance. »
Voilà les raisons qu’on a alléguées à l’appui des deux articles relatifs à la récusation ; je demande si ces raisons ont été détruites par d’autres raisons dans l’exposé des motifs du projet de 1833. Je désire qu’on veuille réfuter ces raisons ; elles sont basées sur des observations morales qui existeront dans tous les temps pour les hommes justes ; elles ne peuvent être contestées que par des hommes aveuglés par l’esprit de parti, ou inféodés au joug du servilisme.
Il est certain, messieurs, que l’on doit éviter qu’un chef de corps, ou qu’un chef quelconque de l’officier inculpé, capitaine, major ou colonel, arrive au conseil ; car il arrivera irrité ou avec des préventions. En France on les a écarté, parce qu’on a reconnu, ce qui est peut-être contesté de bonne foi, l’influence de l’amour-propre blessé et de toutes les passions de l’esprit de parti, ou des amours-propres froissés. Quelles sont les raisons qui ont fait dévier de ce principe ? Je demande des raisons, car on n’en a pas donné. D’un autre côté, si on récuse les parents de l’officier inculpé, il faut aussi récuser les parents de ceux qui par intérêt, par haine ou par d’autres passions trop nombreuses et trop actives malheureusement s’efforcent de perdre un militaire. C’est pour cela que j’ai demandé la récusation des parents du ministre et de ceux sur les rapports desquels l’officier inculpé a été traduit devant le conseil d’enquête. N’est-ce donc pas assez de l’esprit de parti après une révolution ; faut-il encore exposer les officiers aux petites et mesquines passions de son amours-propres froissés de chefs improvisés ?
M. Dumortier. - Je ne comprends pas les objections que l’on pourrait faire contre le système présenté par M. Gendebien ; aussi, je vois que le système présenté par le gouvernement a beaucoup d’analogie avec celui de l’honorable M. Gendebien. Toutefois, je ne puis admettre la rédaction proposée par le gouvernement. Il dit que l’officier sur la plainte duquel un autre officier est traduit devant le conseil, ne peut en faire partie ; mais ordinairement ce sera le colonel qui aura fait la plainte ; il ne fera pas partie du conseil, soit ; mais il sera remplacé par le lieutenant-colonel, lequel est animé du même esprit que le colonel. On dit qu’il y a 500 officiers par division et que c’est la sort qui décide ; l’observation peut avoir de la valeur relativement à un officier inférieur, mais l’officier supérieur n’aura pas les mêmes chances.
D’après ces observations, je pense donc qu’il est nécessaire d’admettre la rédaction proposée par M. Gendebien. Néanmoins quel que soit le système que l’on adopte, le système sera incomplet.
De quoi s’agit-il ? Des récusations ; mais supposons qu’il y en ait quatre de faites ; il faudra remplacer ces membres ; comment les remplacera t-on ? Vous voyez donc qu’il faut prévoir dans cette loi le cas des remplacements.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je demande la parole.
M. Dumortier. - Je vous écouterai avec plaisir ; mais laisses- moi continuer.
Vous tirez au sort le conseil publiquement, au commencement de l’année ; on fait les récusations ; il ne reste que trois membres ; il faut tirer au sort maintenant les remplaçants, mais il pourra arriver que les remplaçants sont à cinquante lieues ; il faudra suspendre les séances du conseil en attendant leur présence.
Moi, je crois qu’en tirant au sort le conseil, il faudra en même temps tirer au sort les suppléants. Voilà comment le conseil devra être organisé. (Aux voix ! aux voix !)
M. Gendebien. - Je demande la parole.
De toutes parts. - Aux voix ! aux voix !
M. Gendebien. - Messieurs, la matière est assez grave pour ne pas délibérer sans examen.
Le code de procédure hollandais n’a jamais passé pour être libéral ; cependant il l’était bien plus que le projet présenté par le ministre, ou plutôt il était bien moins illibéral. Voici ce que dit l’article 48 du code néerlandais :
« Le conseil de guerre devra observer à cet égard que personne ne soit dispensé de discuter une affaire sans des raisons graves, mais aussi qu’il est essentiel d’écarter jusqu’à l’ombre du doute au sujet d’un degré d’impartialité. »
L’article 149 dit : « Un membre dispensé, à sa requête ou autrement, de discuter une affaire pour cause de quelques relations, ne pourra pas assister aux délibérations relatives aux autres membres. »
On lit dans l’article 150 : « Si, de plus, un accusé était d’opinion qu’un des membres du conseil de guerre fût moins qualifié à prononcer comme juge de sa cause pour quelque raison de haine ou d’inimitié, ou pour quelque autre motif, il aura la faculté de produire respectueusement ses griefs au conseil de guerre et de demander la récusation. »
Vous voyez, messieurs, au milieu de ce style plus ou moins bizarre, traduction d’un texte non moins bizarre peut-être, que la récusation a été établie dans le sens le plus large. D’une part, on déclare qu’il est essentiel d’écarter jusqu’à l’ombre d’un doute au sujet d’un degré suffisant d’impartialité ; de l’autre, on écarte ceux qui peuvent avoir des motifs de haine, d’inimitié ou d’autres motifs de partialité contre l’inculpé ; et vous cependant, vous voulez que les chefs de l’officier inculpé viennent donner leur avis, lorsque ce sont leurs caprices, leur haine ou d’autres passions déraisonnables, lorsque ce sont leurs plaintes qui le plus ordinairement ont occasionné l’inculpation, ou lorsque ce sont leurs molestations qui, d’un officier capable, honorable, bon sujet, en auront fait un officier mauvais sujet ou brouillon, comme disent les ministres.
L’article 150 laisse toute latitude à l’accusé pour récuser tout le conseil.
L’article 151 ajoute : « Dans ce cas, le juge récusé devra s’abstenir du conseil de guerre, jusqu’à ce que les membres aient délibéré et jugé de la liquidation des motifs de la récusation. »
Tous ces détails vous prouvent que le projet du ministre s’écarte, et du projet français de 1832, et du code de procédure hollandais, et qu’il donne moins de garanties que ces dispositions, qui ont été considérées, par notre armée, sous le roi Guillaume, comme barbares et contraires aux mœurs belges. Voulez-vous donc forcer notre armée à regretter le code hollandais justement flétri avant 1830 ?
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - J’ai à faire quelques observations qui lèveront les doutes que l’on peut concevoir sur le mode du tirage.
Dans chaque division de l’armée il y a cinq cents officiers ; pour les trois divisions cela fait en tout 1,500 officiers. Les 1,000 autres sont répartis dans les 8 provinces, ce qui fait de 100 à 200 officiers par province, suivant l’importance de leurs garnisons.
Au commencement de chaque année il sera fait un tirage au sort qui déterminera le rang dans lequel les officiers pourront être réunis pour former les conseils d’enquête ; ainsi, au lieu d’appeler sept membres seulement, on appellera nécessairement les suppléants, et les affaires ne seront pas retardées, puisque les suppléants étant connus se trouveront sur place, et pourront remplacer immédiatement les membres du conseil d’enquête qui seraient récusés.
M. Gendebien. - Il faut que cela soit dit dans la loi. Je me réservais de faire remarquer que l’on n’avait rien prévu à cet égard dans cette loi.
Je ferai remarquer, de plus, que personne n’a répondu à mes observations.
- La première partie de l’amendement proposé par M. Gendebien, mise aux voix, n’est pas admise.
La première partie de l’amendement présente par le ministre est mise aux voix et adopté. Eu voici les termes :
« Ne pourront faire partie du conseil d’enquête les parents ou alliés de l’officier inculpé, jusqu’au degré de cousin issu de germain inclusivement ; ni les parents et alliés de l’officier sur le rapport duquel la poursuite a lieu.
« Tout membre du conseil qui serait dans le cas d’être récuse devra en faire la déclaration. »
M. Dumortier. - Je ferai remarquer à l’assemblée qu’après le vote qu’elle vient d’émettre, il est indispensable d’admettre purement et simplement la proposition de M. Gendebien.
D’après le vote que la chambre a émis, les parents de l’inculpé ne pourront siéger dans le conseil. Pour rendre les choses égales, il faut que les parents de l’accusateur ne puissent non plus siéger dans le conseil. Autrement il n’y aurait pas justice, et dans toute espèce d’enquête, il faut d’abord de la justice.
Au reste, si le gouvernement consent à ce qu’on introduise dans la loi une disposition portant que les parents de l’officier qui soutient l’accusation ne puissent siéger dans le conseil... (Dénégations au banc des ministres.)
Vous m’obligez alors à défendre cette disposition. Rien n’est plus criant d’injustice que le système soutenu par le ministre. Comment, l’officier qui sera parent de l’officier inculpé ne pourra siéger dans le conseil parce qu’on craint que le lien du sang ne lui fasse émettre un avis trop favorable à l’officier inculpé, et l’on ne craindra pas que le lien de parenté avec l’officier qui soutient l’accusation ne fisse émettre un avis trop favorable à l’accusation ! Mais, je le répète, il y aurait là une criante injustice. Au reste, à ce titre, cette disposition ira bien avec les autres dispositions de la loi ; car toute la loi est une loi d’iniquité.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - L’officier qui a fait son rapport n’est pas accusateur ; il a rempli peut-être à regret un devoir qui lui est imposé par sa position ; pourquoi suspecter ses parents ?
Le préopinant prétend que pour qu’il y eût impartialité, l’auditeur militaire ne devrait pas avoir les mêmes droits de récusation que l’officier inculpé. C’est une erreur ; à l’égard du jury ordinaire, le ministère public a les mêmes droits de récusation que l’accusé ; la même chose doit avoir lieu à plus forte raison pour le conseil d’enquête, car l’auditeur militaire n’est pas nécessairement opposé à l’officier inculpé ; il ne fait que résumer les faits avec impartialité et dans l’intérêt de la justice.
M. Dumortier. - Je ferai une proposition au deuxième vote ; car il est impossible de se prononcer avec connaissance de cause sur des amendements ainsi improvisés. C’est au reste pour qu’on puisse discuter une seconde fois les amendements que le règlement les a soumis à un second vote.
- La chambre, consultée, décide que l’accusé aura deux récusations péremptoires.
La chambre, consultée, décide que l’auditeur aura également deux récusations péremptoires.
Le paragraphe : « Les récusations pourront être faites avant l’interrogatoire de l’inculpé, » est mis aux voix et adopté.
L’ensemble du second article additionnel est adopté.
M. le président. - Le premier article additionnel devient l’art. 4 ; le deuxième article additionnel devient l’art. 5. L’art. 4 du projet devient l’art. 6.
M. le président. - M. Gendebien propose la disposition additionnelle suivante :
« De plus, l’officier inculpé pourra récuser les membres du conseil pour quelques raisons de haine ou d’inimitié ou pour tout autre motif. Il aura la faculté de proposer ses griefs au conseil, qui jugera de la vérité des motifs de la récusation. »
M. Gendebien. - La proposition que j’avais faite pour donner quelques garanties à nos braves officiers tourne en définitive contre eux, grâce à la tendre sollicitude de nos ministres pour l’armée.
J’avais proposé que l’officier inculpé eût le droit de récuser deux membres du conseil ; le ministre veut que le gouvernement ait également cette faculté. L’officier inculpé ne connaît pas ou connaît peu les officiers charges de prononcer sur les faits qui lui sont imputés. Il pourra donc rarement exercer son droit de récusation. Le gouvernement les connaîtra toujours bien, soit par les rapports des chefs, soit par l’espionnage qu’il a introduit dans l’armée. Ainsi ce droit de récusation tournera contre l’officier.
D’un autre côté, vous récusez les parents et alliés de l’officier inculpé, et vous ne voulez pas écarter les parents ou alliés du ministre, des chefs du corps et de l’accusateur. Vous ne voulez même pas écarter les supérieurs de l’officier inculpé, dont l’impartialité est au moins douteuse, Si vous reconnaissez au gouvernement la faculté de récuser de plein droit deux membres du conseil, admettez au moins la proposition que j’ai l’honneur de faire. Cette disposition est empruntée au code de procédure hollandais. A moins que vous ne vouliez vous montrer plus illibéraux que le code de procédure hollandais, vous devez admettre ce droit de récusation.
M. F. de Mérode. - J’ai demandé la parole pour dire encore une fois que l’on considère la privation du grade comme un procès criminel ; mais c’est à tort. Il s’agit là d’affaire disciplinaire. Pour moi, je regrette que l’on ait admis le système des récusations. Il ne s’agit pas de jugements, il ne s’agit pas de procès ; il s’agit, je le répète, d’affaire purement disciplinaire, dans un système militaire purement disciplinaire, toutes ces récusations ne devaient avoir lieu ni pour les uns ni pour les autres.
M. Gendebien. - Vraiment ce sont de tristes et pitoyables raisons que déjà l’on a répétées plusieurs fois, et que déjà plusieurs fois nous avons réfutées. On devrait réfuter les réfutations qui ont été faites, au lieu de représenter toujours les mêmes allégations.
Ce n’est pas, dit-on, une cour militaire que l’on veut établir ; il ne s’agit pas de cour criminelle, mais d’une commission d’enquête. Sans doute c’est le nom que vous donnez à votre cour martiale ; mais cette commission d’enquête va plus loin qu’un conseil de guerre ordinaire. Un conseil de guerre peut condamner un militaire aux arrêts forcés, à 15 jours de prison, à quelques mois de prison ; et votre conseil d’enquête peut priver un officier de son existence, de son grade et de tous les moyens d’existence qui y sont attachés ; il peut le déshonorer aux yeux de la nation et de l’armée ; et vous ne voudriez pas admettre de récusations en pareille matière. C’est vraiment pitoyable. Mettez-y de la franchise, dites que vous voulez de l’arbitraire, que vous ne voulez que de l’arbitraire ; mais ne cherchez pas à justifier par de faux-fuyants, par un abus de mots, votre refus d’admettre une disposition consacrée partout et même dans une législation aussi peu libérale que celle de la Hollande, que celle du roi Guillaume que notre armée a chassé dans ses marais.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je n’ai pas besoin de protester contre l’allégation du préopinant que nous ne voulons que l’arbitraire. Je ne serais pas fâché que la loi fût jugée par des personnes impartiales ; elles reconnaîtraient que toutes les garanties désirables se trouvent dans le projet de loi. D’ailleurs, l’opinion du préopinant ne peut valoir contre l’opinion de l’immense majorité des membres de cette assemblée sur laquelle retombe cette accusation d’arbitraire.
Le préopinant dit que nous ne voulons pas admettre le système de la loi hollandaise. Mais, messieurs, il ne s’agit pas ici de jugement ; le conseil ne peut pas juger ; il ne peut que donner une déclaration sur des faits. C’est précisément parce qu’il ne peut juger qu’il est nécessaire d’admettre des récusations non motivées, parce que personne n’aurait le droit de juger les motifs de ces récusations.
Au reste, si le hasard fait que l’officier inculpé a des motifs de haine contre un membre du conseil, ne peut-il pas récuser deux de ces membres sans en indiquer les motifs ? L’auditeur usera rarement de cette faculté ; ainsi, l’impartialité exigeait qu’on lui donnât les mêmes droits qu’à l’officier inculpé.
M. F. de Mérode. - Le préopinant trouve mes observations pitoyables ; mais je trouve que ce sont les siennes qui sont pitoyables.
Dans aucun pays civilisé, on ne condamne un homme à une peine sans jugement, et, dans des pays aussi civilisés que le nôtre, on révoque, sans jugement, un fonctionnaire civil et militaire. Ici donc, il ne s’agit pas de jugement, mais de mesure disciplinaire. Ainsi mes observations n’ont rien de pitoyables. Ce sont les observations du préopinant qui sont vraiment pitoyables.
M. Gendebien. - Sans contredit il n’arrive jamais à M. le ministre d’Etat comte Félix de Mérode de faire des observation pitoyables, pas même lorsqu’il redit, pour la vingtième fois, que la perte des grades, pensions, honneurs, traitements, ne constitue pas une peine, mais une simple mesure disciplinaire.
Je dirai à l’honorable ministre d’Etat comte Félix de Mérode que ce n’est qu’un faux-fuyant, que l’on ne peut nommer mesure disciplinaire une mesure qui aura pour résultat de priver d’un grade qu’il aura acquis au prix de son sang, un officier honorable, et souvent par le seul motif qu’il aura déplu a un ministre, à un supérieur, quelquefois même à la maîtresse d’un homme haut placé.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Cela est impossible.
M. Gendebien. - Je pourrais citer des faits, et puisque l’on m’y force, j’en citerai.
Un honorable officier aide-de-camp a été disgracié ; on avait même exigé qu’il fût renvoyé de certain état-major, parce qu’il n’avait pas eu tous les égards qu’une certaine dame se croyait en droit d’exiger, une dame qui n’était ni femme, ni veuve, ni fille. (Hilarité.) Si l’officier, auteur de cette injustice, pousse un jour l’extravagance un peu plus loin, il pourra faire convoquer un conseil d’enquête et provoquer la destitution de l’aide-de-camp dont je parle, et à l’aide de la police secrète, on trouvera ou on imaginera au besoin des motifs suffisants de destitution. A la suite des révolutions, il y a toujours des haines, des animosités de parti ; il y a des nuances de parti, ces nuances sont représentées toutes dans le gouvernement. Il n’y aura aucun officier à l’abri de semblables vexations.
Et l’on appellera peine disciplinaire la punition la plus cruelle, celle qui prive un officier de son grade, qui le dépouille de ses moyens d’existence, une punition qui sera, d’ailleurs, un stigmate aux yeux de l’armée !
Quelle comparaison pouvez-vous faire entre la condamnation à 15 jours d’arrêt, un mois de prison et la perte du grade ? Ne nous arrêtons pas aux mots ; depuis longtemps les mots n’ont aucune valeur ; c’est la réalité des choses qu’il faut considérer.
- La proposition de M. Gendebien est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
M. le président. - La discussion s’ouvre sur l’amendement de M. Dumortier.
M. Dumortier. - La proposition que je viens de déposer est conforme à l’article 96 de la constitution qui veut que les audiences des jurys soient publiques.
Dans une séance précédente, M. le ministre a dit que le conseil d’enquête est un véritable jury. J’ai donc raison de demander que les audiences du conseil d’enquête soient publiques. Et qu’on n’aille pas dire, messieurs, que c’est une condition de peu d’importance que la publicité des audiences des conseils d’enquête. Lorsque la publicité pourra s’emparer de tous les actes des conseils d’enquête, commenter les dépositions des témoins, nous pourrons espérer que l’exécution de cette loi présentera aussi peu d’abus qu’on peut attendre de pareilles dispositions ; si, au contraire, vous refusez la publicité, les actes des conseils d’enquête se passeront dans l’ombre et ne seront pas connus du pays. L’officier sera frappé dans son honneur et dans ses moyens d’existence sans aucune espèce de garantie. Comment ! lorsqu’il s’agit de punir un officier d’une simple mesure disciplinaire de 4 heures d’arrêt, les audiences sont publiques, et elles ne le seraient pas lorsqu’il s’agit de le priver de son grade, de lui enlever son honneur ! Je ne pense pas que l’assemblée puisse consentir à un pareil système. J’espère qu’aucune voix ne s’élèvera contre ma proposition. La publicité est une garantie que la constitution a cru devoir apporter en toute chose. Le congrès a professé un tel respect pour la publicité, qu’il l’a étendue jusqu’aux séances des conseils communaux. Vous devez l’admettre dans cette circonstance comme dans toutes les autres.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Si je pouvais croire que sur une matière aussi grave l’on ne parlât pas sérieusement, je dirais que c’est de cette manière que l’honorable préopinant a développé sa proposition. Je me bornerais donc à dire qu’il ne s’agit ici ni de jugement ni de tribunal. Il s’agit d’un conseil qui examine les faits. L’article de la constitution qui consacre la publicité des audiences, ne peut donc être invoqué.
Il est très possible que les faits imputés à un officier soient déclarés constants, et que, cependant, aucune mesure ne soit prise par le ministre. C’est donc une question de savoir si c’est de l’intérêt de l’accusé de mettre au grand jour des faits qui peuvent être plus ou moins contraires à l’honneur militaire sans avoir la gravité qu’exige le numéro 1° de l’art. 1er. L’officier ne sera pas, pour cela, dépouillé de toute garantie : s’il est destitué, il pourra se servir de tous les moyens de publicité qui existent dans les gouvernements représentatifs.
M. Gendebien. - Messieurs, quand il a été question des lois d’expulsion, l’on nous disait aussi qu’il s’agissait de l’intérêt des expulsés, qu’il ne fallait pas motiver les arrêtés d’expulsion. Qu’en est-il résulté ? C’est que l’on expulse sans se donner la peine de donner des raisons convenables.
Aujourd’hui, c’est encore dans l’intérêt des officiers que l’on refuse la publicité. Si vous avez tant à cœur l’intérêt de l’officier, soyez sûr que l’officier aura soin de demander le huis-clos, quand il pourra lui être favorable. Laissez donc la faculté de la publicité toutes les fois qu’un officier y trouvera une garantie.
Si vous refusez la publicité, il ne reste plus aucune garantie à l’officier. Car rien dans la loi ne force le gouvernement à suivre l’avis du conseil d’enquête. Le gouvernement pourra destituer un officier, lors même que l’avis du conseil ne lui sera pas défavorable. La preuve, c’est que la section centrale avait proposé que l’avis du conseil d’enquête ne pût être modifié qu’en faveur de l’inculpé. La chambre a rejeté cette proposition ; maintenant il ne reste plus une seule garantie pour l’officier à qui la décision du conseil aura été favorable. Quelle règle le ministre suivra-t-il dans son rapport ? Aucune règle ne lui est tracée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant a dit que l’on expulse sans motifs. Je déclare au contraire qu’il ne s’est fait aucune expulsion que l’on ne puisse motiver d’après le texte même de la loi.
M. Dumortier. - Je ne crois pas, messieurs, que l’on puisse écarter légèrement une proposition aussi importante que la mienne.
Je me rallie volontiers à l’amendement de M. Gendebien. Si l’on croit que la publicité dans certains cas peut être nuisible à l’officier inculpé, je demande qu’elle soit de droit du moment qu’elle sera demandée par lui.
La loi française porte en termes formels que la décision du conseil d’enquête ne pourra être modifiée qu’en faveur de l’inculpé ! Aujourd’hui vous voulez que le conseil d’enquête soit le plastron des abus que le gouvernement commettra. Du moment que vous avez écarté l’article de la section centrale reproduit d’après la loi française, le conseil d’enquête devient inutile, à moins que vous n’accordiez la publicité.
Si le gouvernement peut destituer un officier après que le conseil d’enquête aura déclaré à l’unanimité qu’il n’y aucune charge contre cet officier, autant vaut ne pas avoir de conseil d’enquête.
Permettez au moins que l’officier attaqué dans son honneur demande la publicité et l’obtienne. Il doit être permis à tout homme de demander la publicité sur les faits dont on l’accuse.
Dans la loi française, le conseil d’enquête n’est consulté que pour savoir s’il y a lieu de mettre un officier à la retraite. Ce n’est que par un jugement qu’il peut être privé de son grade. Et encore ne peut-il être mis à la retraite que sur l’avis conforme du conseil d’enquête.
Le gouvernement ne peut prendre une résolution plus défavorable à l’inculpé que le conseil d’enquête lui-même. Le pouvoir dont le gouvernement veut être armé, il en abusera. Rappelez-vous ce qu’il a fait envers six officiers de cuirassiers.
N’avons-nous pas vu six officiers de cuirassiers, mis arbitrairement par le gouvernement dans la position où votre loi l’autorise à mettre désormais tous les officiers de l’armée, et cela parce que ces officiers de cuirassiers avaient refusé de prêter un serment que la constitution interdisait et qui répugnait à leur conscience ?
Eh bien, que pour de pareilles causes des officiers soient traduits devant le conseil d’enquête, ne sera-t-il pas de son honneur de demander la publicité ? Ils se devront à eux-mêmes de la demander.
Je ne comprends plus que le gouvernement s’oppose à ce que les séances du conseil d’enquête soient publiques quand l’officier inculpé le demandera.
L’officier ne demandera pas la publicité quand elle pourra lui être défavorable. Mais s’il croit trouver une garantie en appelant la publicité sur les accusations dont il est l’objet, vous ne pouvez pas la lui refuser.
Je me rallie donc au sous-amendement proposé par M. Gendebien.
M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. Dumortier, amendée par M. Gendebien, qui est ainsi conçue :
« La publicité est de droit lorsque l’officier inculpé la réclame. »
- Cette disposition n’est pas adoptée.
M. le président. - Des amendements ayant été adoptés, il ne pourra être procédé au second vote qu’à la séance de lundi.
Nous passons à l’objet de l’ordre du jour.
- Les amendements adoptés aux articles 1 et 2 sont confirmés sans discussion.
M. le président. - Un amendement a été adopté à l’art. 6, mais c’est un amendement de la commission, et je crois que le ministre s’est rallié au projet qu’elle a présenté.
M. Gendebien. - Ce n’est pas un motif pour ne pas le discuter.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Si ! si !
M. Gendebien. - En vertu de quel article du règlement ?
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - En vertu des précédents de la chambre.
M. Gendebien. - Je ne veux pas soulever cette question maintenant, parce qu’elle nous mènerait trop loin ; mais il n’y a pas de précédent de la chambre qui établisse qu’on ne doit pas remettre en discussion au second vote les dispositions auxquelles le gouvernement s’est rallié ; seulement on a admis ce mode de procéder dans la discussion de la loi communale pour éviter des longueurs et parce que c’était la quatrième ou cinquième fois qu’on discutait cette loi.
Je le répète, je ne veux pas soulever cette question maintenant, parce qu’elle nous mènerait trop loin. Je me réserve de la discuter quand la chambre en aura plus le temps et sera moins pressée de se séparer.
M. le président - Toutes les fois que le gouvernement a déclaré se rallier au projet d’une commission ou section centrale, ce projet a été considéré comme proposition principale, et quand le ministre reproduisait une disposition de son projet primitif, elle était considérée comme amendement.
Dans la discussion de la loi communale, le ministre ne s’est pas rallié à l’ensemble du projet de la section centrale ; mais il a été admis, par exception, que s’il se ralliait à certains articles avant la discussion, ces articles seraient considérés comme propositions principales.
On vient de me dire que M. le ministre s’était rallié au projet de la section centrale. Dès lors il n’y a pas lieu de mettre aux voix l’amendement dont il s’agit.
Si quelqu’un a des observations à faire, je l’engage à les présenter.
- Personne ne demande la parole.
Les amendements adoptés aux divers articles de la loi sont successivement confirmés.
M. le président. - Il reste une disposition additionnelle proposée par M. Dumortier qui a été ajournée. Elle est ainsi conçue :
« L’ancienneté pour l’avancement sera déterminée, savoir :
« Par la date du jour de leur entrée au service actif de l’armée nationale, pour les officiers qui n’ont pas obtenu d’avancement depuis leur première nomination à la suite de la révolution.
« Par la date du brevet, pour ceux qui ont obtenu de l’avancement depuis cette époque.
« Dans le cas où plusieurs officiers du même grade auraient, un brevet de même date, l’ancienneté sera réglée d’après celle du grade antérieur. »
M. Dumortier. - Je demande la parole.
Messieurs, il me semble que les motifs qu’on allègue pour repousser la proposition que nous avons eu l’honneur de faire, mes honorables collègues, MM. Doignon, d’Hoffschmidt, Liedts, A. Rodenbach et moi, ne sont aucunement fondés. En effet, les raisons qu’on invoque se bornent à peu près à ceci, que le fait du classement appartient exclusivement au gouvernement. Cela n’est pas du tout fondé en ce qui concerne les classements antérieurs et postérieurs. La loi qui règle la position des officiers doit nécessairement établir comment l’ancienneté pour l’avancement sera déterminée, car la position des officiers consiste en grande partie dans le classement.
Ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de le dire il est résulté des abus très graves de la fausse interprétation donnée à l’arrêté du gouvernement provisoire.
En effet, le gouvernement provisoire, pour établir le classement des officiers, s’est fondé sur un arrêté du gouvernement provisoire. Or, cet arrêté du gouvernement provisoire (si vous le lisez avec attention, vous en serez convaincu) est exclusivement destiné à établir l’ancienneté des officiers rentrés à la suite de la révolution, et incorporés par les inspecteurs généraux. Vous savez que les officiers de l’ancienne armée sont venus successivement offrir leurs services au gouvernement provisoire. Le gouvernement chargea le général Goethals de réorganiser l’armée.
Comme il ne pouvait pas en un seul jour réorganiser tous les régiments, il a donnée aux brevets provisoires qu’il délivrait la date du jour où il réorganisait le régiment. C’est ainsi que les régiments réorganisés à Bruges et à Ostende ont été réorganisés avant ceux de Gand, ceux de Gand avant ceux d’Ypres, ceux d’Ypres avant ceux de Tournay, ceux de Tournay avant ceux de Mons, ceux de Mons avant ceux de Charleroy, ceux de Charleroy avant ceux de Namur, et ainsi de suite. Au fur et à mesure qu’il réorganisait un régiment il donnait des brevets provisoires aux officiers dont il réorganisait les corps.
Le gouvernement provisoire a voulu par cet arrêté régler l’ancienneté des officiers revenus après la révolution. Lisez le troisième considérant, vous verrez qu’il est manifeste que cet arrêté ne s’appliquait pas aux officiers que le gouvernement provisoire avait nommées lui-même. Tous ont été nommés en rémunération de services qu’ils avaient rendus, ils devaient conserver leur rang à dater de l’époque où ces services avaient été rendus. Qu’a fait le gouvernement ? Il s’est établi juge des motifs du gouvernement provisoire, il a mis tous les brevets dans la même urne, de telle manière qu’un militaire qui a obtenu un brevet le 28 ou le 30 septembre, se trouve mis sur la même ligne que celui qui est entré au service de la Belgique le 15 décembre.
Messieurs, remarquez bien que, du 28 septembre au 15 décembre, trois mois se sont écoulés, et, en temps de révolution, trois mois sont trois siècles ; à de pareilles époques, chaque jour de service peut valoir des années. Vous ne pouvez donc pas admettre qu’on mette sur le même pied les hommes qui se sont ralliés à la cause de la patrie lorsqu’il y avait danger à le faire, et ceux qui sont venus plus tard, lorsqu’ils ne pouvaient plus qu’y gagner, c’est, cependant là ce qui résulte de la classification qui a été faite par le gouvernement : il y a, par exemple, un major qui a été nommé par le gouvernement provisoire à la date du 28 septembre ; on croirait que ce major doit nécessairement être inscrit le premier dans les cadres de l’armée, pour l’ancienneté. ; eh bien, messieurs, il est aujourd’hui le trentième sur le tableau des majors, de manière que cet officier, qui, suivant la justice et l’équité, devrait avoir de l’avancement avant tous les autres officiers de son grade, attendra, peut-être, encore dix ans, avant d’obtenir un grade plus élevé.
Ce n’est là, messieurs, qu’un fait isolé, mais on peut en citer d’autres, car, parmi les officiers qui ont été nommés par le gouvernement provisoire, dans les premiers jours de la révolution, il en est très peu qui ont obtenu de l’avancement, tandis qu’on a élevé rapidement ceux qui n’ont offert leurs services au pays que quand la révolution était consommée. Il est scandaleux, messieurs, que, tandis que les hommes de la révolution, ceux qui ont combattu pour notre cause, qui ont versé leur sang pour la patrie, dans les jours de sa délivrance, sont encore aujourd’hui dans le grade qui leur a été conféré par le gouvernement provisoire ; d’un autre côté, ceux qui, par faiblesse ou autrement, ont pris part aux conspirations qui avaient pour but de nous replacer sous le joug de l’étranger, ont obtenu l’avancement. Oui, messieurs, ce sont les hommes qui ont participé à la conspiration du mois de mars qui jouissent des faveurs du gouvernement, tandis que ceux qui ont rendu des services à la révolution, ne peuvent rien obtenir.
Voilà comment le gouvernement se conduit envers les braves qui ont défendu la cause nationale, aux grands jours de la révolution, et maintenant, dans la loi dont il s’agit, il vient vous proposer de sanctionner cet état de choses, en déclarant que la classification établie par lui est valide, et qu’il n’y a pas lieu à la réviser.
Si vous admettez, messieurs, cette demande du ministre, les abus qui ont été commis seront maintenus, car le même esprit qui a fait donner l’avancement aux partisans de l’ancien gouvernement, au préjudice des hommes de la révolution, agira toujours dans le même sens. Je ne parle pas des officiers qui ont servi comme volontaires : quant à ceux-là, le grand nombre d’entre eux ont encore été manifestement mal traités ; en effet, par un arrêté du 1er novembre, le ministre de la guerre d’alors a fixé à cette date le brevet des officiers de l’ancienne armée, mais il n’a pas compris dans cette disposition les officiers de volontaires qui étaient à la frontière et combattaient pour notre cause ; et, comme la reddition de Venloo n’a eu lieu que le 11 novembre, 11 jours après, il en résulte que les officiers qui ont été nommés par le gouvernement provisoire, pour leur belle conduite dans la délivrance du Limbourg, se trouvent sur la liste d’ancienneté après tous ceux qui figuraient dans l’arrêté en question ; c’est là, messieurs, une scandaleuse injustice, que vous ne pouvez pas tolérer, car si vous le faisiez, c’est alors qu’il serait vrai de dire que le patriotisme est mort, tout à fait mort dans cette assemblée.
Non seulement les officiers qui n’ont pas voulu prendre part à la conspiration qui avait pour but de faire peser de nouveau sur la Belgique le joug odieux de la maison d’Orange n’ont pas obtenu d’avancement, mais parce qu’ils ont dénoncé cette conspiration au gouvernement, ils ont été placés dans des grades inférieurs : c’est ainsi qu’un chef d’escadron, par une simple mesure arbitraire du ministre de la guerre de cette époque est descendu au grade de capitaine, quoiqu’il fût le plus ancien chef d’escadron de la Belgique, et que cet officier qui a été nommé, par le gouvernement provisoire, dans le mois de novembre, se trouve encore aujourd’hui dans le même grade, tandis qu’une foule d’autres, qui ont été nommés après lui, ont été avancés. Je pourrais citer une foule de faits semblables qui rendent indispensable l’intervention de la chambre dans la classification des officiers sous le rapport d’ancienneté ; vous ne pouvez donc, messieurs, écarter l’amendement que j’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau.
Le rapport de la commission ne rencontre aucunement mes objections ; il se borne à dire qu’il faut maintenir le travail qui est fait ; mais c’est précisément parce que nous ne voulons pas maintenir ce travail que nous avons reconnu mauvais, que nous avons reconnu consacrer une foule d’injustices, que mes honorables amis et moi avons présenté l’amendement dont il s’agit. Nous avons voulu que l’ancienneté d’un officier datât du jour ou il a commencé à servir la révolution, du jour où il s’est rallié à la cause de la patrie ; ce principe est incontestable, et j’espère que vous le sanctionnerez en adoptant ma proposition.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, deux questions ont été traitées par l’honorable préopinant ; j’aurai l’honneur de vous donner sur toutes les deux quelques explications. Déjà je vous ai fait connaître la marche qui a été suivie pour le classement, et il doit vous être facile de juger s’il a été opéré d’une manière aussi injuste qu’on le prétend. J’avais dit dans une séance précédente, que 70 à 80 officiers avaient été nommés par le gouvernement provisoire du 26 septembre au 1er novembre : le chiffre en est, en effet, de 77, mais dans ce nombre, il en est 50 qui avaient déjà reçu leur nomination ou la confirmation de leur nomination par les généraux qui ont organisé l’armée dans les premiers jours de la révolution, ce qui réduit à 27 le nombre des officiers promus par le gouvernement provisoire. Remarquez, messieurs, que l’arrêté du 10 décembre 1830, relatif aux classement à en faire, dit dans le troisième considérant :
« Que les grades accordés en récompense d’actions d’éclat ou de services éminents rendus pendant notre glorieuse révolution, ne pourront être soumis à aucune révision. » Il en résulte nécessairement que ce droit n’est acquis qu’à ceux qui ont fait des actions d’éclat ou rendu des services éminents. Il fallait donc s’assurer quels étaient ceux qui pouvaient revendiquer l’application de cette disposition.
Or, messieurs, des 27 officiers en question, il en est sept dont j’ai la liste nominative, qui sont reconnus avoir rendu des services éminents, ou avoir fait des actions d’éclat ; les vingt autres, dont j’ai également la liste nominative, sont reconnus n’avoir rien fait de plus que leur devoir ; ceux-ci n’entraient donc point dans l’exception faite par le troisième paragraphe de la loi. D’après cela, les sept officiers qui avaient rendu des services éminents ou fait des actions d’éclat ont été maintenus à la date du grade qui leu avait été conféré par le gouvernement provisoire, et les vingt autres ont été placés, avec les officiers de leur catégorie, conformément à leurs grades antérieurs, ce qui était encore conforme à une disposition formelle de l’arrêté que je viens de citer.
L’honorable préopinant a encore reproduit deux assertions relatives à deux officiers, dont l’un avait été effectivement nommé major par le gouvernement provisoire, mais n’était que lieutenant avant cette promotion ; or, comme il n’avait pas fait d’actions d’éclat ni rendu de services éminents, il a été classé avec les autres majors de la même catégorie, comme le prescrit positivement l’arrêté dont j’ai parlé tout à l’heure.
Il en est de même pour ce qui concerne le capitaine de cavalerie dont a parlé l’honorable préopinant, il n’était que sous-lieutenant lorsqu’il a été nommé capitaine ; il a été classé après ceux qui, étant lieutenants, ont été également nommés capitaines à la même époque.
L’honorable M. Dumortier a blâmé, en second lieu, que l’on ait fixé au 1er novembre la date d’ancienneté des officiers nommés avant cette époque par les généraux organisateurs, d’autres nommés après, et de quelques-uns qui ne sont revenus en Belgique qu’avant le terme fatal qui leur avait été fixé par l’arrête du gouvernement provisoire ; eh bien, messieurs, c’est une erreur de croire que le faux classement de quelques officiers puisse leur causer un préjudice bien notable ; il résulte d’un relevé que j’ai fait faire de tous les officiers nommés avant le 1er novembre que, par suite des promotions successives qui ont eu lieu dans l’armée, tous ont reçu de l’avancement, à l’exception d’un sous-lieutenant de cavalerie et d’un lieutenant d’infanterie, et à la première promotion qui sera faite, ces deux officiers seront également élevés en grade : il ne me semble pas que, pour ces deux cas, l’on puisse adresser de grands reproches au classement dont il s’agit.
Il y a, dans l’infanterie, l’artillerie et la cavalerie, dix majors nommés avant le 1er novembre, et 25 nommés après ; ainsi 33 officiers de ce grade,, nommés, soit un peu avant, soit un peu après cette date ; ils ont été classé entre eux suivant la date de leur grade antérieur de capitaine.
Parmi le nombre des capitaines d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie, il y en a 30 nommés depuis le 1er novembre ; ils ont été également classés suivant l’antériorité du grade qu’ils avaient.
C’est après avoir bien médité sur la manière d’arriver à un résultat juste, équitable, que nous avons procédé : nous nous sommes surtout basé sur les dispositions de l’arrêté du gouvernement provisoire.
Si ce travail contient quelques erreurs, si quelques officiers peuvent avoir des réclamations à faire, on les examinera. Cependant, ils ont déjà dû les présenter dans leurs régiments, où elles ont été discutées et appréciées par la commission spéciale que j’ai instituée pour dresser le classement qui sera publié dans l’annuaire.
Quoi qu’il en soit, si des erreurs avaient pu se glisser dans un travail aussi considérable, le gouvernement se ferait un devoir de les réparer ; et comme l’a dit M. le rapporteur de la commission à laquelle la proposition de M. Dumortier a été renvoyée, le gouvernement a un moyen assuré de rectifier les erreurs par l’avancement au choix.
D’après l’arrêté il fallait qu’un membre du gouvernement provisoire fît partie de la commission ; pour me conformer autant que possible à cette disposition, j’ai appelé à cette commission M. le colonel Jolly, membre adjoint du gouvernement provisoire et ministre de la guerre jusqu’au premier novembre, j’y ai également appelé M. le général d’Hane, ministre de la guerre en 1831.
Les autres officiers généraux et supérieurs qui ont composé la commission représentant les intérêts de toutes les catégories d’officiers de l’armée, je ne pense pas qu’il fût possible de faire un choix plus convenable.
Je dois déclarer que cette commission s’est occupée de ses devoirs avec toute l’attention et toute l’impartialité possible : son travail qui a duré une année semble avoir atteint le but que l’on devait désirer, et faire un nouveau travail, ce serait jeter la perturbation dans un point important de l’administration militaire.
Il faut conserver le travail effectué par la commission, sauf y faire les rectifications d’après les réclamations fondées que pourra faire naître la publication du tableau de classement dans l’annuaire que l’on imprime en ce moment.
M. Gendebien. - Je ne me dissimule pas tout l’embarras de la position où se trouve le ministre pour décider les questions d’ancienneté. Ces questions sont délicates, difficiles et compliquées en raison des diverses catégories d’officiers et de leurs situations diverses pendant la révolution.
Pour moi, je n’oserais pas émettre d’opinion sur le travail qui a été fait, à moins d’avoir sous les yeux le résultat du travail et les pièces et les documents sur lesquels on l’a établi. Ce sera quand l’annuaire aura paru que je pourrai asseoir mon jugement.
Je n’ai demandé la parole que pour dire quel a été le but et la pensée du gouvernement provisoire, ou à moins quelle a été la mienne, lorsque j’ai signé l’arrêté du 10 décembre 1830.
Nous avons été frappés de la nécessité d’établir les droits d’ancienneté entre tous les régiments organisés pendant les premiers moments de la révolution, par la raison qu’ils ont été organisés à des dates différentes ; cette circonstance n’exerce pas d’influence sur l’avancement des officiers d’un régiment ; mais elle établissait des dates d’ancienneté différentes à l’égard des régiments respectivement les uns aux autres.
Si mes souvenirs ne me trompent pas, le gouvernement provisoire avait pour but unique d’établir une classification entre les officiers de tous les régiments qui avaient reçu des brevets à des dates différentes, selon les diverses époques de leur organisation respective ; il n a pas voulu que ces époques différentes, par le seul effet du hasard, exerçassent une influence sur l’ancienneté de la même arme.
Quant à tous les officiers qui ont reçu des nominations individuelles, l’intention du gouvernement provisoire était que leur ancienneté datât de la signature de leur brevet. Seulement les officiers de l’ancienne armée, pourvus d’un ou plusieurs grades d’avancement, et concourant pour l’ancienneté, avec d’autres du même grade, qui n’avaient pas reçu le même avancement, ils devaient être classés après ces derniers, à moins qu’ils eussent reçu l’avancement pour services rendus à la révolution.
Voilà les souvenirs que j’ai, et je crois ne pas me tromper ; si je suis dans l’erreur, je prie mes collègues de rectifier mes souvenirs. Dès lors, vous voyez qu’il y a injustice à maintenir dans le même grade qu’il a reçu le 27 ou 28 septembre, un officier qui a été nommé capitaine et qui a été chargé de l’organisation du premier escadron que la Belgique indépendante ait vu sous les armes.
Cet officier est arrivé à Bruxelles à la tête de sa troupe ; ce n’était pas pour escorter le gouvernement provisoire, comme on l’a dit, mais pour montrer au congrès que nous avions déjà quelques cavaliers montés.
Il est parti le lendemain de l’installation du congrès, il est allé à la frontière qu’il n’a pas quittée tant qu’il y a eu du danger. Eh bien, cet officier est aujourd’hui un des moins anciens commandants d’escadron ; c’est ce que je ne puis comprendre, car son ancienneté et celle des officiers de sa catégorie doit dater du jour de la signature du brevet.
Quant au major dont on a parlé, il était lieutenant depuis 1821 ; en 1829 il a été fait adjudant-major ; et il n’aurait pas tardé à être capitaine. C’est lui qui a puissamment concouru à la reddition de la ville d’Ath, place importante, comme position militaire, et surtout par les armes et les munitions qu’elle nous a procurées. Il a donc contribué efficacement au succès de la révolution en procurant des armes et de la poudre dont on manquait dans les premiers temps. C’est d’Ath, que nous sont arrivés les premiers canons, les premières munitions de guerre. Je conçois que les hommes du lendemain attachent peu d’importance à de pareils faits. Il est même possible qu’ils les considèrent comme des motifs de disgrâces ; mais il faut s’être trouvé dans le moment de la tourmente pour apprécier de quelle utilité ont été des officiers qui comme celui auquel on a fait allusion, nous ont donné des positions militaires, des armes et des munitions, ou qui se sont rangés des premiers sous le drapeau de la liberté et de l’indépendance.
On a fait des catégories qu’il me serait impossible de suivre et dont je ne puis d’ailleurs vérifier l’exactitude ; on assure qu’il n’y a qu’un seul sous-lieutenant d’infanterie et un lieutenant de cavalerie qui se trouvent lésés dans leur ancienneté par la résolution prise de les faire dater tous du 1er novembre 1830 ; on cite un plus grand nombre dans les grades plus élevés ; mais, vous dit-on, à la première promotion qui aura lieu on réparera l’injustice involontaire commise à leur égard. J’en prends acte pour eux ; mais je dis qu’il sera impossible de réparer entièrement le tort qu’ils ont souffert, sans les replacer à leur rang d’ancienneté ; on leur donnera un grade, mais on ne leur donnera pas dans ce grade l’ancienneté qu’ils devraient avoir. Ils ressentiront donc toujours cette injustice dans les grades successifs qu’il obtiendront, parce qu’ils seront toujours les derniers dans le grade nouveau qu’on leur conférera. Tandis qu’en les mettant à leur rang d’ancienneté, tout en avançant d’un grade, ils pourront n’être pas les derniers dans le grade nouveau qu’on leur donnera.
Je pense que la chambre a bien fait de ne rien préjuger sur le classement opéré par le ministère. C’est déjà beaucoup de n’avoir disposé que pour l’avenir. J’avoue au reste que je ne comprends pas bien la partie de l’amendement de l’honorable M. Dumortier. je craindrais en faisant acte de justice pour quelques-uns de commettre une injustice à l’égard d’autres. Il serait bon, ce me semble, de prendre plus tard une mesure spéciale quand nous connaîtrons le travail fait.
Le ministère n’a prétendu rien préjuger à cet égard. Il a même reconnu que toutes les réclamations seraient admises ; nous pourrons donc y revenir nous-mêmes par une loi spéciale.
Messieurs, comme je veux être juste envers tout le monde, je dois déclarer qu’il m’est parvenu des réclamations d’officiers qui sont revenus des Indes : il paraît qu’on ne leur a pas appliqué les dispositions des arrêtés du gouvernement provisoire. Il avait décidé à l’article 5 de son arrêté du 10 décembre, que les officiers qui pouvaient justifier qu’ils avaient été dans l’impossibilité de rentrer en Belgique avant le 15 décembre 1830, pourraient réclamer les avantages qui étaient assurés aux officiers de l’ancienne armée.
Je ne dis pas précisément qu’il y ait eu injustice commise envers les officiers des Indes ; cependant, je dois le dire, des réclamations m’ont été adressées ; et elles m’ont paru fondées ; je désire que réparant les injustices faites aux officiers de la révolution, et à ceux de l’ancienne armée, on examine aussi les droits des officiers revenus des Indes, car il faut être juste avant tout et quand même.
M. A. Rodenbach. - Si le ministre déclare qu’il n’y a rien de préjugé relativement au classement des officiers, malgré le travail qui a été exécuté, je n’ai plus d’objections à faire, et je retirerai mon amendement. Il est évident que nous ne pouvons donner la sanction législative au tableau que l’on a dressé. On cite quelques-unes des erreurs qui ont été commises ; il est probable qu’on ne les connaît pas toutes ; mais n’y eût-il que vingt on trente officiers lésés, c’est un acte d’injustice que nous ne pouvons consacrer. Si tout reste dans le provisoire, je retire mon amendement.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - S’il y a des réclamations relatives au classement, elles devront être adressées au ministre de la guerre. Ces réclamations seront examinées, et il y sera fait droit, s’il y a lieu.
Il en sera ainsi de toutes celles qui pourront être faites par les officiers quand ils auront consulté l’annuaire qui va être publié, s’ils croient être lésés dans le classement qui leur est assigné.
M. A. Rodenbach. - D’après ce que vient de déclarer M. le ministre de la guerre, à savoir que le classement n’est que provisoire, et qu’il ne s’agit de rien légaliser, je renonce à l’amendement. Je ne puis le retirer, ne sachant si mes collègues qui l’ont présenté avec moi y consentent.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - M. le ministre de la guerre aurait été mal compris si l’on pensait que le classement n’est que provisoire.
M. le ministre de la guerre a déclaré à plusieurs reprises qu’il regardait le classement comme étant fait avec toute l’équité possible et comme remplissant strictement les intentions du gouvernement provisoire, que s’il s’élevait cependant quelques réclamations individuelles, elles seraient examinées et qu’il y serait fait droit.
Je dois faire remarquer au reste, que la loi que nous votons ne tend pas à légaliser le classement. Nous ne demandons pas que vous approuviez le classement qui a été fait. L’art 10 ne dispose que pour l’avenir.
Ces nouvelles explications étaient nécessaires d’après la réponse de M. A. Rodenbach. J’ai lieu d’espérer qu’il s’en trouvera satisfait.
- L’amendement de MM. A. Rodenbach, Liedts, Dumortier et d’Hoffschmidt est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
La chambre procède à l’appel nominal sur l’ensemble du projet de loi ; voici le résultat du vote.
70 membres sont présents.
2 (MM. Andries et Dumortier) s’abstiennent.
68 membres prennent part au vote.
66 votent pour l’adoption.
2 (MM. Gendebien et Seron) votent contre. La chambre adopte.
M. Andries s’est abstenu parce qu’il n’a pas assisté à la discussion.
M. Dumortier s’est abstenu parce qu’il a craint que le sort des officiers de la révolution ne fût sacrifié par la loi.
Les amendements introduits dans ce projet de loi sont successivement confirmés par le vote de la chambre. Le projet de loi avec ces amendements est ainsi conçu :
« Art. 1er. Les grades conférés par le Roi dans l’armée, depuis et y compris celui de sous-lieutenant, constituent l’état de l’officier.
« Tout officier sera pourvu d’un brevet royal du grade qui lui est conféré dans l’armée. »
« Art. 2. Le grade est distinct de l’emploi. Le Roi confère l’emploi du grade et le retire ; l’emploi est exercé en vertu de lettres de service du ministre de la guerre, délivrées d’après les ordres du Roi. »
(M. le ministre s’y est rallié.)
« Art. 3. Les positions de l’officier sont :
« 1° L’activité ;
« 2° La, disponibilité,
« 3° La non-activité ;
« 4° La réforme. »
« Art. 4. L’activité est la position de l’officier appartenant aux cadres de l’armée, et pourvu d’emploi.
« Les officiers chargés de missions ou d’un service spécial, en dehors de l’emploi de leur grade, conservent leur position d activité.
(Le ministre s’y est rallié.)
« Art. 5. » (L’art. 5 a été supprimé.)
« Art. 5. (art. 6 ancien.) La disponibilité est la position spéciale de l’officier-général ou supérieur qui appartient aux cadres de l’armée, et qui est momentanément sans emploi.
« L’officier-général ou supérieur en disponibilité jouit d’un traitement égal aux deux tiers de la solde d’activité de son grade.
« Quelle que soit la position de l’armée, il n’a droit qu’au nombre de rations de fourrages attribuées à son grade sur le pied de paix. »
« Art. 6 (art. 7 ancien.) La non-activité est la position de l’officier hors cadre et sans emploi. Jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu par une loi, le traitement des officiers actuellement en non-activité reste fixé d’après le tarif existant ci-annexé qui est applicable aux officiers de toutes armes.
« Le traitement de non-activité sera fixé, pour les officiers qui y seront admis après la promulgation de la présente loi, aux 2/5 du traitement d activité pour les officiers généraux, et à la moitié du traitement d’activité des officiers d’infanterie pour tous les officiers depuis le grade de colonel jusqu’à celui de sous-lieutenant, quelle que soit l’arme à laquelle ils appartiennent. »
« Art. 7 (art. 8 ancien). Le traitement de réforme est inhérent au grade dont l’officier est pourvu dans l’armée, et il ne peut en être privé en tout ou en partie que par la perte de son grade. Les officiers peuvent être mis au traitement de réforme pour les causes suivantes :
« 1° Pour excès qui auront résisté aux punitions disciplinaires ;
« 2° Pour désobéissance grave ou réitérée, inconduite habituelles, sévices envers leurs inférieurs ;
« 3° Pour cause de négligence grave dans l’accomplissement des devoirs qui leur sont imposés. »
« Art. 8 (art. 9 ancien). La mise au traitement de réforme pour les causes ci-dessus prévues sera prononcée par arrêté royal motivé sur le rapport du ministre de la guerre. »
« Art. 9 (art. 10 ancien). Le traitement de reforme des officiers de tout grade et de toutes armes, est fixé à la moitié de celui de non-activité. »
« Art. 10 (art. 11 ancien). Les officiers en disponibilité, en non-activité et en réforme, restent soumis à la juridiction militaire et aux ordres du ministre de la guerre. »
« Mandons et ordonnons, etc. »
« Annexe : Tarif extrait de l’arrêté royal du 22 décembre 1832 (traitement annuel de non-activité) :
« Général de brigade : fr. 6,300
« Général de division : fr. 5,250
« Colonel : fr. 4,200
« Lieutenant-colonel : fr. 3,150
« Capitaine de première classe : fr. 2,300
« Capitaine de seconde classe : fr. 1,270
« Lieutenant : fr. 950
« Sous-lieutenant : fr. 740. »
M. Dumortier. - Je fais la proposition formelle de réunir en une seule loi ces deux lois. Rappelez-vous, messieurs, que l’honorable M. Gendebien a demandé à M. le ministre de la guerre si la loi sur la position des officiers s’appliquait également aux officiers du service de santé. M. le ministre a déclaré que oui ; cependant nous ne voyons rien dans la loi qui le dise. Mais dans la seconde loi, dans celle qui est relative à la perte du grade, il est explicitement disposé sur l’extension des mesures prises par cette loi aux officiers de l’intendance et du service de santé.
Il faut être juste, messieurs, si vous voulez soumettre les officiers de santé aux mesures exceptionnelles et rigoureuses de la loi sur la perte des grades, il faut leur donner en même temps les avantages qui résultent de la loi sur la position des officiers. Ce serait un abus criant d’assimiler les officiers de santé aux autres officiers de l’armée pour les mesures vexatoires de la perte des grades et de ne pas leur accorder les bénéfices de la loi sur la position des officiers. Il est temps que le service de santé sorte de l’état exceptionnel sous lequel il a trop longtemps gémi. Ce régime n’est pas tolérable pour tout homme de cœur qui se trouve en butte aux iniquités d’un chef et qui est exposé a tout instant à être envoyé malade dans une ville malsaine où il ira mourir.
Je maintiens donc qu’il y a lieu de réunir la loi sur la position des officiers et celle sur la perte des grades, en une seule loi ou d’insérer, dans la première, une disposition additionnelle, qui la rende applicable aux corps de l’intendance militaire et au service de santé.
- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix. Elle n’est pas adoptée.
La chambre vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.
69 membres sont présents.
1 membre s’abstient.
4 votent contre.
64 adoptent.
MM. Gendebien, Dumortier, Seron et Vanden Wiele rejettent.
En conséquence, la loi sur la position des officiers est adoptée.
Elle sera transmise au sénat.
M. Andries s’est abstenu parce qu’il n’a pas assisté à la discussion.
M. Legrelle. - Discutons la loi du transit. (A demain ! à demain !)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demanderai la priorité pour la loi relative à l’école vétérinaire.
M. Dumortier. - Avant de proposer d’acheter des bâtiments pour l’école vétérinaire, on devrait demander s’il y a de l’urgence pour faire des acquisitions. Occupons-nous de la loi du transit qui procurera de l’argent au pays.
M. Legrelle. - Il y a lieu de s’étonner qu’après que la chambre a mis deux fois à l’ordre du jour un projet de loi dont nous devrions avoir depuis longtemps la jouissance, le ministre de l’intérieur vienne demander la priorité pour un projet dont le rapport n’est ni imprimé ni distribué, qu’on n’a pas encore lu à la tribune et que personne n’a examiné tandis qu’on est prêt pour discuter la loi du transit. Je demande qu’on commence cette discussion immédiatement.
M. Van Hoobrouck de Fiennes. - Je demande la priorité pour l’école vétérinaire ; le rapport sera imprimé ce soir ; et je ne pense pas qu’il donne lieu à une longue discussion. Je ferai observer qu’il existe entre le ministre de l’intérieur et des particuliers des contrats qui ont besoin de la sanction de la chambre dans un délai fatal qui est sur le point d’expirer. Il y a donc urgence ; et il s’agit de doter le pays d’un établissement qui attirera l’attention des étrangers.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Si on avait adopté ma proposition, on n’aurait pas employé autant de temps à la discussion du projet qu’on en perd maintenant à discuter une question de priorité.
Comme l’a dit l’honorable préopinant, il y a des contrats qui sont sur le point d’expirer. Il est important que la chambre puisse voter le projet de loi sous peu. On pourrait demain commencer par ce projet.
L’honorable député d’Anvers doit croire que je ne suis nullement hostile au projet de loi relatif au transit, puisque nous l’avons présenté conjointement, le ministre des finances et moi. Je désire qu’il soit discuté dans cette session. Il ne s’agit ici que d’une question de priorité.
M. Legrelle. - Je crois que c’est perdre du temps inutilement que de discuter plus long temps la question de priorité. Je demande qu’on entame immédiatement la discussion de la loi sur le transit. Il n’est que quatre heures.
A moins que vous ne vouliez renvoyer la loi à une autre session, je ne vois pas pourquoi on ne la commencerait pas aujourd’hui.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Si on n’a pas de projet à mettre à l’ordre du jour de demain, je pourrai répondre au rapport de la commission sur la question des lits en fer. Je pourrai donner demain à la chambre tous les renseignements qu’elle peut désirer sur cette question ; mais les pièces à l’appui ne pourront être imprimées que lundi.
J’avais demande hier que la question des lits en fer fût mise à l’ordre du jour de lundi ; mais si demain vous n’avez pas de matières suffisantes pour remplir la séance, je demanderai qu’on entende toujours ma réponse au rapport de la commission.
M. Rogier. - Je crois qu’il y a place et pour la loi relative à l’école vétérinaire et pour la loi sur le transit. Déjà depuis longtemps la loi sur le transit est à l’ordre du jour. On a donné la préférence aux lois militaires, nous ne nous y sommes pas opposés, mais cette loi sur le transit est présentée depuis un an, et il y en a déjà six qu’on aurait dû changer à cet égard l’état de choses actuel. Si on discute la loi concernant l’école militaire et la question des lits en fer avant la loi sur le transit, cette loi sera encore retardée d’une session.
Je crois qu’il y a lieu de commencer par la loi sur le transit, Il faut espérer qu’on pourra s’entendre facilement sur cette loi et que la discussion ne demandera pas beaucoup de temps.
M. Dumortier. - Il est indispensable de compléter nos lois de commerce en votant la loi sur le transit. Cette loi est réclamée depuis plusieurs années. Elle est indispensable dans notre position avec les nations maritimes. L’on veut que notre commerce reprenne toute sa prospérité, il faut absolument voter cette loi. Au reste, elle ne donnera pas lieu à une longue discussion.
Je viens d’entendre que cette loi durera 15 jours. Je ferai observer que ce n’est pas une loi de tarification intérieure, mais un transit qu’on accorde dans tous les pays du monde. Cette loi doit pouvoir être votée dans une seule séance. Si vous allez mettre à l’ordre du jour avant le transit la loi sur l’école vétérinaire et le rapport sur les lits militaires, la session pourra se finir avant que cette loi sont votée.
Au commencement de la session, tous les jours on avait à l’ordre du jour la question de la banque, et maintenant qu’on a besoin d’argent, qu’on vient demander l’autorisation de contracter un emprunt de 3 millions, on semble oublier que nous avons 25 millions dans les caisses de la banque ; commençons par faire entrer ces 25 millions avant de faire un emprunt.
Je demande qu’on mette la question de la banque à l’ordre du jour après la loi sur le transit.
M. Gendebien. - Vous n’avez pas le rapport de la loi sur l’école vétérinaire ; nous ne pouvons pas la discuter demain ; fixez à demain la discussion générale de la loi sur ce transit sauf à l’interrompre lundi pour nous occuper de l’école vétérinaire.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que dans l’intérêt de la loi du transit, il convient de ne pas la discuter demain. Je pense que les honorables collègues que j’entends faire une exclamation vont tomber d’accord avec moi ; La discussion de la loi sur le transit peut être très courte, terminée en deux séances si on veut s’entendre ; mais il y a des questions excessivement graves qui, si on ne s’entend pas, seront controversées pendant un grand nombre de séances.
Le gouvernement désire vivement que cette loi soit discutée et votée le plus tôt possible.
Plusieurs personnes s’opposent à quelques principes posés, nous pourrions avoir une réunion demain ; et si nous tombons d’accord, la discussion marchera vite.
Un membre. - Pourquoi ne pas se réunir ce soir ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - D’après ce qui vient de m’être communiqué, il y a des amendements proposés qui sont d’une trop haute portée pour pouvoir être appréciés dans un instant.
Ce que je dis n’est pas pour retarder la discussion, mais pour arriver plus vite à l’adoption.
Si on se présente dans cette chambre avec des systèmes différents, nous n’en finirons pas. La discussion générale durer huit jours et se renouvellera à chaque article.
Il faut en remettre la discussion à lundi.
Il faudrait donc mettre à l’ordre du jour de demain la question des lits militaires. Cet objet, messieurs, est très urgent ; il y a des dépenses indispensables à faire ; et il y a des dépenses faites qui doivent être payées. La question doit être absolument résolue avant votre séparation.
Je proposerai, en conséquence, à la chambre de mettre à l’ordre du jour de demain, la discussion des allocations relatives au couchage des troupes ; et de faire suivre immédiatement cette discussion de celle concernant l’école vétérinaire et le transit ; et quant à ce dernier objet, j’espère que d’ici lundi nous nous serons entendus sur les principales dispositions du projet y relatif.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’appuie d’autant plus volontiers les observations de M. le ministre des finances que j’ai reçu hier de la chambre de commerce d’Anvers une lettre avec diverses observations sur le projet de loi de transit tel qu’il se trouve rédigé actuellement.
Ces observations concernent plus particulièrement le département des finances, et je n’ai pu les communiquer qu’aujourd’hui à mon collègue qui doit avoir le temps de les méditer
Je ferai remarquer, messieurs, que nous entrons tout à fait dans les vues du commerce, en suivant la marche qu’on indique, car si nous devons discuter longuement le projet, il est certain qu’il ne pourrait être converti en loi dans le courant de la session, on aura au contraire cette loi si la discussion en est courte.
La chambre de commerce elle-même, quelque prix qu’elle attache à la rectification de quelques dispositions du projet, préférerait, à cause de l’urgence, voir le projet immédiatement adopté sans modifications, à le voir ajourner, même avec l’espoir d’obtenir les changements qu’elle désire.
Mais, messieurs, je ne pense pas que nous perdions beaucoup de temps en mettant à l’ordre du jour de demain le projet de loi relatif à l’école vétérinaire, et ensuite la discussion des lits militaires ; de cette manière, la séance de demain sera entièrement remplie, et si le dernier objet n’était pas épuisé dans cette séance il exigerait tout au plus deux nouvelles séances, celle de lundi et mardi. L’on s’occuperait immédiatement après du projet de loi concernant le transit.
M. Smits. - Messieurs, je désire beaucoup que les membres qui ont à faire des observations sur le projet de loi relatif au transit, puissent s’entendre avec les ministres, afin d’abréger la discussion ; mais je crains que si l’on met à l’ordre du jour de demain le projet touchant l’école vétérinaire et la discussion des lits militaires, la loi sur le transit ne soit renvoyée à la session prochaine.
Rappelez-vous que c’est pour la seconde fois que cette loi a été mise à l’ordre du jour ; et c’est même sur ma proposition qu’elle l’a été la première fois ; la chambre a cru devoir donner la priorité à la loi sur les mines ; mais je ne sais pas pour quels motifs l’ordre du jour a été de nouveau changé depuis lors. Ce que je crains, c’est que les réclamations, les plaintes du pays deviennent plus vives ; car le pays attend impatiemment cette loi importante.
Messieurs, on s’est plaint dans cette enceinte du défaut d’emploi de notre marine nationale. Eh ! votez la loi du transit et les nombreux transports qu’elle occasionnera, donneront de l’emploi à votre marine.
Je demande qu’on discute en premier lieu le projet de loi relatif au transit.
M. Gendebien. - Messieurs, je n’ajouterai rien à ce que vient de dire l’honorable M. Smits. Mais je dois une réponse aux observations de M. le ministre des finances.
On propose de mettre à l’ordre du jour la discussion des lits militaires ; quant à moi, je ne crois pas pouvoir m’opposer à cette proposition, puisque j’ai été membre de la commission chargée de l’examen du marché ; mais, il ne conviendrait peut-être pas de commencer la discussion dès demain, le ministre de la guerre ayant annoncé qu’il se propose de nous communiquer des pièces qui devront être préalablement imprimées et examinées.
Quant à la loi du transit, M. le ministre des finances vous dit qu’il serait utile de s’entendre, avant de commencer la discussion générale.
Je ne pense pas que la manière de procéder qu’indique le ministre des finances puisse abréger la discussion. A quoi servirait de convoquer en conférence des membres de la chambre dont on ne connais pas l’opinion ? Ce qu’on peut faire de mieux, c’est d’ouvrir demain la discussion générale, à la fin de la séance on connaîtra les divergences d’opinion sur le projet ; et alors on pourra se réunir, si on le juge convenable, dans la journée de dimanche.
On peut commencer la discussion sur le transit ; mais on ne peut s’occuper de l’école vétérinaire avant lundi, parce que nous n’avons pas de rapport sur cet objet. Si on n’entame pas la loi sur le transit immédiatement, on ne le fera pas dans cette session. Commençons le transit demain, sauf à interrompre la discussion lundi pour l’école vétérinaire. (Aux voix ! aux voix !)
M. Desmanet de Biesme. - Je crois bien que la loi sur le transit est d’un intérêt plus général et plus élevé que la loi sur l’école vétérinaire ; cependant il faut considérer ici que le gouvernement a acquis des terrains pour placer l’école et que si la chambre n’adopte pas la loi, il y a un terme fatal fixé dans les marchés, et que le gouvernement se trouvera fort embarrassé après ce terme.
M. Hye-Hoys. - Le dernier projet sur le transit n’a pas été présenté aux chambres de commerce ; il faudrait connaître leur avis pour discuter cette loi.
- La clôture est de nouveau demandée et adoptée.
M. de Jaegher. - La question est de savoir à quel projet on donnera la priorité entre le transit et l’école vétérinaire.
M. Dumortier. - On ne peut pas donner la priorité aux lits militaires ; on manque de documents.
M. Devaux. - La question est de savoir si l’on maintiendra l’ancien ordre du jour qui indiquerait le transit.
M. Gendebien. - Il y a deux mois que l’on a décidé que le transit viendrait après les mines ; la question est : maintiendra-t-on cette ancienne décision ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne m’oppose pas à ce qu’on ouvre demain la discussion générale du projet de loi relatif au transit bien que ce ne soit pas sans inconvénients ; car des orateurs pourront se lier jusqu’à un certain point par les discours qu’ils prononceront. Mais je demande que l’on suspende lundi la discussion de cette loi pour discuter le projet de loi relatif à l’école vétérinaire et la demande du crédit pour les lits militaires.
- La chambre consultée adopte la proposition de M. le ministre des finances relative à l’ordre du jour.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.