(Moniteur belge n°149, du 28 mai 1836)
(Présidence de M. Fallon., vice-président.)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M. de Renesse lit le procès-verbal de la séance précédente.
M. Verdussen fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Tourinnes-Beauvechain (Brabant) demande l’achèvement de la route projetée de Wavre à Tirlemont, et déjà pavée jusqu’à Hammemille. »
« Le sieur E.-B. Jacques, congédié du service à cause d’une blessure qui lui a estropié la main gauche, demande une pension. »
- La première pétition concernant une construction de route est renvoyée, conformément aux antécédents de la chambre, à M. le ministre de l’intérieur.
La deuxième pétition est renvoyée à la commission des pétitions, chargée d’en faire le rapport.
M. le ministre de la justice adresse à la chambre un rapport sur treize demandes en naturalisation.
Le message de M. le ministre de la justice, avec les pièces qui l’accompagnent, est renvoyé à la commission des naturalisations.
M. Desmet, rapporteur de la commission chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’école vétérinaire de Bruxelles, dépose son rapport sur le bureau.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Desmet. - Je demande, au nom de la commission dont je suis l’organe, que le projet de loi dont il s’agit soit discuté après les lois à l’ordre du jour.
M. Legrelle. - Messieurs, je ne m’oppose pas à ce que ce projet soit discuté après ceux qui sont à l’ordre du jour ; mais je dois faire observer que la loi sur le transit, cette loi si impatiemment attendue et si longtemps promise, qui a été mise à l’ordre du jour par décision de la chambre, a disparu depuis quelques jours des bulletins qu’on nous distribué ; je demande qu’elle y soit remise.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de fixer dès aujourd’hui l’ordre du jour sur le projet relatif à l’école vétérinaire ; toutefois, je désire beaucoup que la chambre s’en occupe avant qu’elle se sépare.
Au reste, la discussion en sera très courte ; chacun de vous, messieurs, en lisant l’exposé des motifs, se sera convaincu que c’est une affaire extrêmement simple.
Si la chambre ne vote pas la loi cette année, il en résultera que le marché provisoire qui a eu lieu sera annulé de fait.
Je demande donc que, sans rien préjuger du reste, on mette la loi à l’ordre du jour sur les bulletins de convocation.
M. Legrelle. - Je fais la même demande pour la loi du transit.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, la loi des douanes qui vous a été présentée par le gouvernement a été renvoyé aux sections. Je désirerais savoir si les sections s’en sont déjà occupées, et si la section centrale elle-même l’a déjà examinée.
Ce projet est de la plus haute importance ; il a aussi son caractère d’urgence, s’il n’avait pas encore été délibéré dans les sections, je désirerais que M. le président voulût bien leur rappeler cet objet.
M. le président. - Je prie M. Raikem de vouloir bien donner quelques explications à ce sujet.
M. Raikem. - Messieurs, vous savez comment les choses se passent. Quand les sections se sont constituées, les présidents sont convoqués, pour mettre à l’ordre du jour les divers projets de loi qui ont été présentés à la chambre.
Je rappellerai que les sections sont saisies en ce moment d’un grand nombre d’objets ; et il n’y a pas longtemps que le projet de loi dont parle M. le ministre des finances a été envoyé aux sections.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Mon intention n’a été nullement d’inculper ni le bureau ni les sections ; mon but unique a été de les prier de s’occuper le plus tôt possible du projet dont j’ai parlé.
M. de Puydt, rapporteur, s’exprime en ces termes. - MM. Dumortier, Doignon, d’Hoffschmidt, Liedts et A. Rodenbach ont présenté à la chambre, dans la séance du 17 mai, un amendement relatif à la loi d’avancement, ainsi conçu :
« L’ancienneté pour l’avancement sera déterminée, savoir :
« Par la date du jour de leur entrée au service actif de l’armée nationale, pour les officiers qui n’ont pas obtenu d’avancement depuis leur première nomination à la suite de la révolution ;
« Par la date du brevet, pour ceux qui ont obtenu de l’avancement depuis cette époque.
« Dans le cas où plusieurs officiers du même grade auraient un brevet de même date, l’ancienneté sera réglée d’après celle du grade antérieur. »
Cet amendement, proposé comme disposition transitoire, a été renvoyé à une commission dont j’ai l’honneur d’être l’organe et qui m’a chargé de vous faire connaître le résultat de son examen.
Après avoir pris connaissance des pièces relatives au mode de classement des officiers de l’armée opéré par le département de la guerre et de l’arrêté du gouvernement provisoire en date du 10 décembre 1830, qui pose les premières bases de ce classement, la commission a été d’avis qu’un semblable travail était entièrement dans les attributions du gouvernement ; qui en possède les éléments pratiques et peut seul apprécier les moyens de vaincre toutes les difficultés dont il est inséparable en blessant le moins possible les intérêts nombreux, et plus ou moins opposés, des différentes catégories d’officiers. Elle pense donc ne pas devoir se prononcer sur la proposition dont il s’agit.
La loi d’avancement par son article 10 ne dispose que pour l’avenir ; cet article ne s’appliquera point au classement qu’ont nécessité les circonstances extraordinaires amenées par la révolution.
La commission fait remarquer, d’ailleurs, qu’admettre d’autres bases que celles arrêtées par le gouvernement, que chercher par des dispositions générales à améliorer le sort de certains officiers d’une catégorie qui auraient pu être lésés, ce serait s’exposer à nuire à certains officiers d’une autre catégorie et tout aussi dignes peut-être de la sollicitude du gouvernement. Pour opérer un classement parfait il faudrait, en raison de la diversité des éléments qui composent l’armée, et par suite des circonstances qui ont présidé à son organisation, apprécier en quelque sorte chaque cas spécial ; or, c’est ce qui est impossible à la législature et même au gouvernement.
La commission croit cependant devoir attirer l’attention du gouvernement sur le sort des officiers en général, auxquels la chambre portera toujours tout l’intérêt que la justice réclame. Elle voit un moyen de réparer les torts que le classement pourrait avoir faits à quelques-uns en particulier, dans la latitude laissée au Roi pour l’avancement au choix. La totalité des emplois d’officiers supérieurs, la moitié dans les autres grades, sont à la nomination du Roi. Si l’ancienneté, en thèse générale, peut et doit avoir une influence sur ces nominations, il n’en est pas absolument ainsi à la suite d’un classement, résultant d’un concours de faits extraordinaires. Ici, le gouvernement, libre dans son choix, examinera les circonstances particulières du classement à l’égard de chaque officier, et par les nominations qui lui seront déférées, il pourra corriger les défauts du travail qui a été fait : défauts qui ne peuvent, ainsi qu’on l’a fait observer, être réparés par des dispositions générales et législatives.
D’après ces considérations, la commission a été d’avis qu’il n’y avait pas lieu à adopter l’amendement proposé.
M. Doignon dépose sur le bureau un rapport sur le projet de loi relatif aux traitements des vicaires.
- Ce rapport sera imprimé et distribué ; la discussion en sera ultérieurement fixée.
M. le président. - Nous en sommes restés à l’article 9, ainsi conçu :
« Art. 9 (projet du gouvernement.) Le procès-verbal d’enquête, signé par les membres du conseil et par l’auditeur, sera envoyé, dans les trois jours après la clôture, au ministre de la guerre. »
« Art. 9 (projet de la section centrale.) Le procès-verbal d’enquête et l’avis du conseil, signés par les membres du conseil et par l’auditeur, seront envoyés, dans les trois jours après la clôture, au ministre de la guerre. »
M. le ministre de la guerre propose d’amender la rédaction de la section centrale, comme suit :
« Le procès-verbal d’enquête, signé par les membres du conseil et par l’auditeur, et l’avis du conseil d’enquête, seront envoyés, dans les 3 jours après la clôture, au ministre de la guerre. »
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Comme la rédaction de la section centrale est au fond la même que la mienne, je m’y rallie.
M. Desmaisières, rapporteur. - Je n’ai pas bien compris M. le ministre de la guerre. Entend-il se rallier entièrement à la rédaction de la section centrale ? Dans l’imprimé qui nous a été distribué, le ministre de la guerre ne parle pas de la signature que les membres du conseil doivent apposer sous l’avis qu’ils émettent, tandis que la rédaction de la section centrale exige l’accomplissement de cette formalité.
M. Raikem. - Messieurs, j’ai à présenter une simple observation.
Il faut que le procès-verbal d’enquête et l’avis du conseil soient l’un et l’autre signés ; mais faut-il qu’ils soient signés par la même personne ? Je soumets cette question à M. le ministre de la guerre.
Que le procès-verbal d’enquête soit signé par les membres du conseil et par l’auditeur, il n’y a pas de difficulté sur ce point ; mais l’auditeur n’intervient pas dans l’avis du conseil : est-il nécessaire qu’il signe cet avis ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je propose la rédaction suivante :
« Le procès-verbal d’enquête et l’avis du conseil, signés par les membres du conseil, seront envoyés, dans les trois jours après la clôture, au ministre de la guerre. »
M. Verdussen. - Il y a une lacune dans cette rédaction ; en voici une autre que je propose :
« Le procès-verbal d’enquête, signé par les membres du conseil et par l’auditeur, et l’avis du conseil d’enquête signé par les membres, seront envoyés, dans les 3 jours après la clôture, au ministre de la guerre.
- Cette rédaction est adoptée.
« Art. 10 (projet nouveau du gouvernement.) Le Roi décidera sur le rapport du ministre de la guerre. Si les faits sont déclarés constants par le conseil d’enquête, le Roi pourra prononcer, suivant la gravité des cas, la perte, la suspension du grade, ou seulement la mise au traitement de réforme.
« Les arrêtés royaux seront motivés. »
« Art. 10 (projet de la section centrale.) Le Roi décidera, sur le rapport du ministre de la guerre. Il pourra prononcer la perte ou la suspension du grade.
« Les arrêtés portant le retrait ou la suspension des grades seront motivés.
« Les avis du conseil d’enquête ne pourront être modifiés qu’en faveur de l’inculpé. »
M. Desmaisières, rapporteur. - J’ai demandé la parole pour faire une interpellation à M. le ministre de la guerre.
Le ministre propose de rédiger ainsi l’art. 10 :
« Le Roi décidera sur le rapport du ministre de la guerre.
« Si les faits sont déclarés constants par le conseil d’enquête, le Roi pourra prononcer, suivant la gravité des cas, la perte, la suspension du grade, ou seulement la mise au traitement de réforme.
« Les arrêtés royaux seront motivés. »
Comme hier nous avons dû nécessairement anticiper sur la discussion de cet article, parce qu’il se lie à l’art. 8, je désirerais savoir positivement et d’une manière catégorique si, en disant : « si les faits sont déclarés constants par le conseil d’enquête, » le ministre a entendu limiter l’avis à émettre par le conseil sur les faits imputés à l’officier, à déclarer si les faits sont constants oui on non. Ainsi, Pour citer un exemple, lorsqu’un officier sera traduit devant un conseil d’enquête comme prévenu d’avoir commis un fait grave de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la profession des armes ou la subordination militaire, le ministre entend-il que le conseil d’enquête n’aura qu’à répondre : Oui ou non, à cette question : « Est-il constant que l’officier inculpé a commis un fait grave de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la profession des armes ou la subordination militaire ? »
Je désirerais que M. le ministre de la guerre voulût s’expliquer à cet égard.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Ainsi que l’a très bien dit l’honorable préopinant, il était impossible que la chambre discutât l’art. 8, sans discuter en même temps la question qui s’élève sur l’art. 10. Ces questions sont évidemment connexes ; en décidant l’une, on a préjugé la solution de l’autre.
Si vous aviez voulu adopter le système de la section centrale, vous auriez dit à l’art. 8 que le conseil d’enquête émettra un avis au scrutin secret sur les conséquences que devra entraîner pour l’officier la déclaration de sa culpabilité. Cependant vous avez décidé que le conseil d’enquête déclarerait seulement l’existence des faits. Mais de quels faits s’agit-il ? A cet égard, il n’y a pas le moindre doute. Quel fait peut-on imputer à l’officier ? Un des faits énoncés dans l’art. 1er, comme il est dit à l’article 2.
Il faut que l’inculpé soit prévenu d’un fait pour lequel la loi prononce la perte ou la suspension du grade ou la mise à la réforme. Cela est tellement vrai que l’arrêté ne peut être motivé que sur un fait de cette nature déclaré constant par le conseil d’enquête. Le ministre violerait évidemment la loi s’il prononçait la perte du grade pour un fait autre que ceux énoncés dans la loi, ou pour un fait qui n’aurait pas été déclaré constant par le conseil. Après cela, je ne sais pas où il y a la moindre difficulté.
Par exemple, on impute à un officier d’avoir publiquement manifesté une opinion hostile à la monarchie constitutionnelle. Après l’instruction prescrite par la loi, le conseil déclare qu’il est constant que l’officier a publiquement manifesté, dans tel lieu et tel jour une opinion hostile à la monarchie constitutionnelle : Mais le conseil ne déclare pas les circonstances atténuantes ; là-dessus je me suis expliqué hier : il est manifeste que le conseil d’enquête n’a pas à s’occuper des circonstances atténuantes, mais uniquement de l’appréciation du fait. L’arrêté royal sera motivé sur le fait apprécié et déclaré constant par le conseil d’enquête. Il portera, par exemple, que « vu la déclaration du conseil d’enquête d’après laquelle il est constant que tel officier s’est rendu coupable d’avoir publiquement manifesté une opinion hostile à la monarchie constitutionnelle, cet officier est privé ou suspendu de son grade, ou mis à la réforme. » Cependant le Roi peut user d’indulgence, et ne prendre aucune de ces mesures.
Prenons une autre hypothèse, celle signalée par l’honorable préopinant ; car, en vérité, je ne sais où est la difficulté. On impute à un officier d’avoir outragé, menacé par écrit un officier supérieur. Je prends cet exemple que j’ai déjà cité, parce que, selon moi, c’est bien là un fait grave de nature à compromettre la subordination militaire.
Le fait est-il prouvé ? L’officier inculpé a-t-il menacé par écrit un officier supérieur ? Ce fait est-il grave ? Compromet-il la subordination militaire ? Si le conseil déclare que le fait présente ces trois caractères, le Roi peut, sur le rapport du ministre de la guerre, prononcer la perte ou la suspension du grade de l’officier, ou sa mise au traitement de réforme. Mais si la déclaration du conseil porte que l’officier a effectivement commis tel fait, mais que ce fait ne porte pas atteinte à la subordination militaire, ou que ce fait porte atteinte à la subordination militaire, mais qu’il n’est pas grave, alors il ne réunit pas les caractères déterminés dans le n°1° de l’article 1er, et aucune mesure ne peut être prise contre l’officier. Ainsi il n’y a pas de doute sur la nature de la déclaration à faire par le conseil d’enquête.
Je répéterai que l’arrêté doit contenir ses motifs et qu’il ne peut en contenir d’autres que ceux indiqués dans la loi et constatés par le conseil d’enquête.
Je crois que ces explications satisferont l’honorable rapporteur de la section centrale.
M. Pollénus. - Je prierai la chambre de me permettre une dernière observation, pour justifier la proposition de la section centrale, en ce moment en discussion.
On a paru élever des doutes, à la séance d’hier, s’il était dans l’intention de la section centrale de considérer l’avis du conseil d’enquête comme pouvant contenir des propositions sur les mesures à prendre à l’égard de l’officier. Pour ma part, j’ai déjà dit que telle avait été mon intention en admettant la proposition de la section centrale ; je croyais même, d’après l’exposé des motifs, que la section centrale n’avait fait qu’énoncer d’une manière explicite les intentions du gouvernement. En effet, l’honorable général ministre de la guerre s’exprime ainsi dans l’exposé des motifs :
« La juste susceptibilité qui porte les militaires à ne point permettre que celui-là conserve leur uniforme, qui a commis des actions dégradantes, encore qu’elles ne soient point du ressort des tribunaux, cette susceptibilité n’est pas un sentiment qu’on puisse ni qu’on doive combattre ; mais il est convenable de lui prescrire les moyens réguliers de se produire, et c’est ce que nous proposons. »
Ainsi le ministre de la guerre propose d’investir le conseil d’enquête du droit de produire son opinion sur la question de savoir si tel officier est oui ou non digne de conserver l’uniforme. Après ces termes clairs et précis de l’exposé des motifs, la section centrale pouvait-elle croire que l’on voulût borner les attributions du conseil d’enquête à une simple déclaration sur ou la non-existence des faits ? Comment voulez-vous cependant qu’en l’absence de la proposition de la section centrale, le conseil d’enquête puisse faire une proposition sur les mesures à prendre à l’égard de l’officier inculpé ? Cette proposition était évidemment dans la pensée du ministre de la guerre ; je n’ai pas besoin de faire des efforts pour le prouver. Cela résulte de l’exposé des motifs. La section centrale, au moins de ma part, lorsque conjointement avec mes collègues j’ai été d’avis qu’il y avait lieu de formuler la disposition en discussion, ne s’est pas attendue, de la part du gouvernement, à la moindre opposition à l’égard d’une disposition si bien justifiée par l’exposé même du ministre de la guerre.
D’ailleurs je ne considère pas qu’il soit exact de dire que le conseil d’enquête émette un avis si ses attributions se bornent à déclarer l’existence d’un fait ; car un avis est une opinion sur une chose à faire ; si le conseil ne fait qu’une déclaration, ce n’est plus un avis qu’il donne.
La loi française du 19 mai 1834 contient dans son art. 13 une disposition plus expresse encore. Je n’ai pas entendu que cette disposition ait été le moins du monde combattue. Il y a encore cette différence entre la loi française et le projet de la section centrale, que la loi française est plus explicite. Elle dit que les mesures dont il est question, s’il s’agit de sévir contre des officiers inculpés, ne sont prononcées, par décision royale, que sur l’avis du conseil d’enquête.
J’ai un mot à répondre à M. le ministre de la justice qui a répliqué à M. le rapporteur de la section centrale. Mais, dit ce ministre, ne suffit-il pas que l’avis du conseil d’enquête énumère les cas rentrant dans les dispositions de l’art. 1er et qu’il dise qu’il est constant qu’il y a eu des abus graves. Mais la loi elle-même suppose qu’il y a des degrés de gravité. La loi prononce une échelle de peines. Dans certains cas, elle prononce la suspension du grade ; dans d’autres, la déchéance. Il y a donc une échelle de mesures de répression. Donc ici il y a un degré dans les faits auxquels cette échelle doit s’appliquer. Pourquoi ne voulez-vous pas que le conseil fasse des propositions et s’explique sur les degrés de gravité ? Il lui sera difficile de déclarer d’une manière absolue et par oui ou par non si l’officier a mérité la perte de son grade.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - On ne lui demande pas cela.
M. Pollénus. - On me dit qu’il n’appartient pas au conseil de se prononcer là-dessus. Mais c’est cela qui est en question.
Plusieurs membres. - La question a été jugée hier.
M. Pollénus. - Je conviens que dans la séance d’hier il a été question de ce point ; mais le vote émis par la chambre n’a rien décidé à cet égard. Du texte adopté, il ne résulte pas que le conseil ne peut se prononcer sur la nature de la peine.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Le conseil ne pourra émettre qu’un avis sur les faits.
M. Pollénus. - Un avis sur les faits peut contenir un avis sur les mesures à prendre. (Réclamations.) S’il en est autrement, alors à quoi bon la proposition que nous discutons ? Et si la question n été jugée hier, votre amendement devient inutile. Mais, je le répète, il ne m’est pas démontré que, dans l’opinion de la chambre, il ait été reconnu que le conseil ne pourra se prononcer que sur les faits. Dans tous les cas, l’opinion professée par M. le ministre de la guerre, dans son exposé des motifs, n’est pas la même que celle défendue par son honorable collègue M. le ministre de la justice.
Veuillez d’ailleurs ne pas perdre de vue qu’en restreignant inutilement l’avis du conseil, vous gênez une déclaration à laquelle on pourrait attribuer des conséquences qui ne sont pas entrées dans l’esprit de ses auteurs.
M. Gendebien. - J’avais pris la résolution de ne plus prendre la parole, parce qu’il me semblait que tout a été décidé dans les séances précédentes contre les libertés de l’armée ; mais je ne crois pas, tant qu’il reste une heure d’espoir, qu’il me soit permis de déserter mon mandat : je reprends donc le courage et la parole.
C’est une chose singulière, pour ne rien dire de plus, de voir l’abus du sophisme que l’on fait sans cesse dans cette enceinte. L’on ne veut point d’avis du conseil sur autre chose que les faits ; on n’en veut point sur la nature des faits et sur leur gravité. De plus, l’on ne veut pas de jugement. L’on veut laisser le tout à l’arbitraire du ministre et sous la responsabilité du Roi personnellement, et l’on prétend que le Roi ne prononce pas de jugement, n’inflige pas de peine.
Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit dans la séance d’hier, pour prouver le danger de cette imprudente disposition. Je me bornerai à demander pourquoi l’on ne fait pas ici ce que l’on fait en France. L’art. 12 de la loi française rentre dans les théories que j’ai développées hier :
« Le prononcé du conseil d’honneur ne recevra son exécution qu’après avoir été préalablement soumis par M. le ministre de la guerre à l’approbation du Roi. »
En France, vous le voyez, ce n’est pas le Roi qui prononce, qui prend le rôle de juge ; c’est le Roi qui est le modérateur, comme c’est son rôle unique en toutes choses, et surtout entre le juge et le condamné. Le conseil d’honneur n’avise pas seulement, il prononce. Le Roi est appelé, non pas à prononcer une peine, à dépouiller un officier de son honneur, de sa fortune, mais à arrêter les effets du jugement, s’il trouve qu’il est basé sur l’erreur ou l’injustice ; et vous, vous voulez intervertir les rôles sous une constitution aussi explicite que la nôtre ; vous répudiez ce que l’on a jugé nécessaire en France sous une constitution qui ne contient aucune des garanties caractérisées dans la nôtre.
Que vient-on dire après cela ? Que l’art. 1er se compose de plusieurs paragraphes ; que s’il s’agit de faits rentrant dans la catégorie des n’ 2° et 3°, ils seront caractérisés comme ils le sont dans l’article. D’abord, c’est ne pas répondre à la question. Il en résultera toujours cette conséquence que c’est le Roi et non le conseil qui prononce. Mais, pour la première partie de l’article, lorsqu’il s’agira de faits graves non prévus par les règlements qui sont de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la profession des armes, je vous demande ce qu’il en adviendra. L’on demandera, dit le ministre, au conseil d’enquête si tel officier a adressé des injures par écrit à son chef, si cet écrit contient des faits graves, si leur gravité est de nature à compromettre la discipline ou la subordination militaire. Mais quel article de la loi impose au ministre l’obligation d’adresser ces questions au conseil d’enquête ? Si vous voulez ce que vous dites, quel inconvénient trouvez-vous à ce que cela soit inséré dans la loi ? En adoptant l’amendement de la section centrale, vous arrivez à ce résultat. Si vous repousser cet amendement, c’est que vous ne voulez pas ce que vous dites que vous voulez. Mais, pour qu’il n’y ait pas d’équivoque, si vous êtes sincères dans vos allégations, admettez l’art. 12 du projet de loi de 1832, projet que la législature française n’a pas voulu discuter, parce qu’elle le trouve trop arbitraire. Adoptez néanmoins cet article, vous serez dispensés de faire toutes les distinctions si laborieuses et insolites qui prolongent bien inutilement notre discussion.
Un officier, dénoncé pour un fait quelconque, comparaît devant le conseil d’enquête. Le conseil prononce alors sur l’existence des faits, sur leur gravité et sur la peine qu’ils entraînent. Le Roi n’aura autre chose à faire qu’à approuver, s’il croit qu’il est nécessaire que l’officier soit puni, ou à refuser son approbation s’il croit qu’il y a eu trop de sévérité ou qu’il y a eu des erreurs. L’article 12 est d’ailleurs conforme à tous les principes constitutionnels, à ce que vous appelez la dignité et à ce que j’appelle moi l’intérêt du chef de l’Etat.
Il fait une distinction que l’on doit toujours respecter, la distinction entre le juge et celui qui gracie. Au chef du pouvoir exécutif appartient le droit de grâce, au pouvoir judiciaire celui de juger ; confondez ces deux choses essentiellement distinctes, et vous produirez le plus monstrueux comme le plus dangereux des cumuls.
Si ce que j’ai dit, dans la séance d’hier, si le peu de mots qui ont été prononcés aujourd’hui ne suffisent pas pour vous convaincre, je désespère de la chose publique.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Il est inutile de relever les paroles de l’honorable préopinant que l’odieux de la décision retombera sur la personne du Roi. La prérogative appartient au Roi ; au chef de l’Etat appartient tout honneur ; c’est sur les ministres que l’odieux retombe si jamais il y en a.
(Addendum inséré dans le Moniteur belge n°150, du 29 mai 1836) L’honorable membre ne s’élève pas contre la manière dont j’ai interprété le projet ; mais il prétend que les textes pouvaient être exécutés d’une manière différente : quant à moi aucun doute ne me paraît possible d’après la combinaison des divers articles : en effet, les faits sont déclarés constants par le conseil : quels faits ? Ceux imputés à l’officier. Or, on ne peut lui imputer d’autres faits que ceux prévus par l’article 1er. Le conseil doit donc examiner si les faits réunissent les conditions prescrites par cet article.
En outre l’arrêté royal ne peut être motivé que sur des faits de cette nature : dès lors, je ne comprends pas qu’il reste la moindre difficulté.
M. Gendebien. - Je ne répondrai qu’à une seule objection. L’on dit : Mais l’arrêté sera motivé. La belle garantie vraiment !
Lorsque l’on a arraché à la législature la loi sur l’ordre civil contrairement à la constitution, l’on devait aussi motiver tous les arrêtés. L’on disait aussi : Qu’avez-vous à craindre ? Tous les arrêtés seront motivés, il sera donc impossible d’en abuser. Pour mieux assurer que les arrêtés seraient motivés, on a consenti d’insérer dans la loi que les motifs seraient spécifiés. Eh bien, consultez les arrêtés qui confèrent l’ordre civil, y en a-t-il un dont les motifs soient spécifiés ? La plupart des arrêtés ne sont pas seulement motivés, ou le sont sur services rendus, ce qui rentre dans les généralités du genre des lieux communs, et peut s’appliquer à tout.
Quelle sanction donnerez-vous d’ailleurs à votre loi pour défaut de motifs ? Quand le juge néglige de donner les motifs d’un arrêt, il est réformé par la cour d’appel ou cassé par la cour de cassation. Mais quel recours l’officier aura-t-il contre un arrêté royal qui l’aura destitué sans motifs ? Vous voyez donc que cette garantie est un leurre comme les autres.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est nécessaire de donner encore un mot de réponse au préopinant. Je répéterai d’abord ce qu’on a déjà répondu plusieurs fois, qu’il aura beau prétendre que la responsabilité des décisions qui seront prises en vertu de la loi en discussion tombera sur la personne du Roi, cette allégation est sans aucune espèce de fondement. L’honorable membre qui se montre si jaloux de défendre la constitution, alors qu’on n’y porte aucune atteinte, devrait aussi se pénétrer de l’art. 64 de cette même constitution, portant en termes exprès que le ministre est toujours responsable, et qu’aucun acte du Roi comme chef du gouvernement n’a d’effet qu’avec le contreseing du ministre.
Nous repoussons donc les idées de danger dont l’honorable membre nous entretient avec tant de précaution en ce moment dans l’intérêt de la personne du Roi ; ce danger ne peut être considéré comme sérieux par personne.
Le même orateur a dit que dans la loi, qu’il a qualifiée d’inconstitutionnelle, relative à l’ordre civil, on avait, comme dans la loi qui nous occupe, stipulé que les arrêtés devaient être motivés, que cependant aucun arrête ne contenait de motifs spéciaux. Je demanderai si dans la loi de l’ordre civil on a indiqué les motifs qu’il fallait donner, si on a stipulé dans la loi que les arrêtés devraient s’appuyer sur tels et tels motifs spécifiés. Non. On ne l’a pas fait, tandis qu’ici les motifs sont précisés.
Et en effet s’agit-il d’un des faits rentrant dans le n°1 de l’article premier ? Il faudra que ce soit un fait grave non prévu par les lois, de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la profession des armes, ou la subordination militaire.
Voilà un motif déterminé. Si c’est ce fait qui est imputé à l’officier inculpé et que ce fait soit reconnu constant, la peine que porte la loi y sera appliquée. Mais remarquez qu’il faudra que le fait soit reconnu constant tel qu’il est spécifié ; je dis le fait tel qu’il est spécifié, car c’est à tort que pour raisonner dans cette discussion, on a tronqué l’article et qu’on a conclu que l’officier pourra être privé de son grade pour faits graves non prévus par les lois. Il faut que ce soit un fait grave de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la profession des armes.
Il n’y a donc pas là d’arbitraire. L’arbitraire n’existe que dans l’opinion de l’honorable membre, car il est impossible avec une disposition aussi positive.
Ce ne sera, je le répète encore, que quand un des faits tels qu’ils sont spécifiés dans la loi aura été reconnu constant par le conseil d’enquête que le Roi pourra prononcer une des pénalités, si toutefois ce sont des pénalités, ce que nous n’avons jamais admis, mais soit une des pénalités portées dans l’article dont il s’agit.
M. Gendebien. - M. le ministre des finances s’est fâché et fâché très fort.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Pas autant que vous.
M. Gendebien. - Je montrerai plus de modération. Le ministre me reproche de ne pas respecter l’art. 64 de la constitution, moi qui me montre si sévère pour défendre la constitution en toute circonstance.
Si on avait pris la peine de répondre aux observations que j’ai faites hier, au lieu de faire avec colère de semblables accusations, j’aurais pu prendre la peine de répliquer ; mais ces accusations sont sans portée, je n’y répondrai pas.
J’ai dit hier, et sans attendre la semonce d’un ministre, que l’art. 64 de la constitution assurait l’inviolabilité de la personne royale par le contreseing d’un ministre dans tous les actes du pouvoir exécutif proprement dits ; mais j’ai ajouté que par votre loi vous immisciez le pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire, et qu’en cela vous violiez la constitution, et que dès lors vous n’aviez plus le droit d’en invoquer l’égide. J’ai dit qu’en ce sens vous mettiez imprudemment à découvert l’inviolabilité royale, et que le contreseing du ministre était impuissant en dehors de la constitution.
J’ajoutais qu’en supposant que cela fût inexact, toujours est-il vrai qu’on faisait peser sur la personne du Roi la responsabilité morale, qu’on faisait remonter jusqu’à sa personne les plaintes de ceux qui se trouveront frappés par un acte judiciaire porté par le pouvoir exécutif.
Voilà ce que j’ai dit, et j’invite le ministre à y répondre s’il veut prendre la parole encore une fois.
Je me suis montré plus jaloux des prérogatives du chef de l’Etat que les ministres eux-mêmes, en signalant le danger qu’il y avait à faire sortir le pouvoir exécutif de ses attributions pour l’immiscer dans le pouvoir judiciaire.
On a dit que, dans la loi relative aux décorations de l’ordre civil, il n’y avait pas de motifs spécifiés. Je répondrai que la loi dit positivement que tout arrêté devra contenir des motifs spécifiés. On ne s’est pas contenté de dire que les parties seraient motivées, on a exigé que les motifs seraient spécifiés. Eh bien, malgré cette précaution, il n’y a pas un arrêté qui soit motivé ; on n’y parle que de services rendus sans les individualiser, de manière qu’on peut décorer celui qui a attaqué les libertés de son pays comme celui qui les a défendues ; et on prétend qu’on pourrait en citer des exemples.
Ici, dit-on, c’est différent ; l’article 1er, paragraphe 1er, dit que l’officier pourra perdre son grade, être suspendu ou mis au traitement de réforme :
« Pour faits graves non prévus par les lois, de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la profession des armes ou la subordination militaire. »
Eh bien, qu’est-ce que cela prouve ? Je suppose qu’on dise dans l’arrêté qui prive un officier de son grade : « Attendu que tel officier s’est rendu coupable d’un fait grave non prévu par les lois et de nature à compromettre l’honneur et la dignité de la profession des armes, etc. » (C’est le texte même de l’article cité par le ministre des finances.)
Est-ce que cet arrêté sera motivé ?
Mais c’est là ce qu’on appelle un lieu commun, qu’on peut appliquer à tous, à l’innocent comme au coupable. Quand on dit qu’un arrêté sera motivé, il faut qu’il soit motivé sur un fait, sur les circonstances de ce fait, sur son caractère, sur les circonstances aggravantes, en un mot sur les circonstances caractéristiques du fait.
Ainsi, non seulement vous n’avez pas la sécurité qu’on dit vouloir vous donner, mais le texte même de la loi repousse toute supposition à cet égard ; en effet vous voyez qu’il s’agit de faits graves non prévus par les lois, de nature à compromettre l’honneur de la profession des armes : faits vagues, insaisissables. Au surplus, veuillez-le remarquer, la loi ne dit même pas que le ministre devra suivre l’avis de la commission d’enquête ; le ministère ne veut pas être lié par son avis.
Le ministre des finances ne m’a donc pas répondu plus que ses collègues.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant nous a reproché de manquer de modération, de nous fâcher très fort, ce sont ses expressions.
Je crois, messieurs, qu’il est peu d’exemples d’une modération comme celle dont les ministres ont fait preuve dans toute la discussion des lois militaires. Ne nous a-t-on pas accusés de toutes les façons ? Le respectable général Evain en particulier n’a-t-il pas été attaqué de la manière la plus scandaleuse, quand on lui a imputé un assassinat juridique ? Cependant il a gardé le silence. Mais puisqu’on veut pousser les choses à bout, il est de son intérêt de ne pas le garder plus longtemps, et je l’engage à le rompre. Je l’invite en quelque sorte à donner des explications sur sa participation à un acte qu’on a qualifié de barbare, de lâche assassinat et de je ne sais quel autre caractère qu’on lui a encore donné.
Je le répète, j’invite mon honorable ami le général Evain à parler, si ce n’est maintenant, dans une séance prochaine. Et nous verrons à qui appartiendra le scandale et de quel côte est le défaut de modération.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je demande la parole.
Je réponds à l’invitation de mon honorable ami le ministre des finances, et en même temps à l’attaque dont j’ai été l’objet de la part de M. Gendebien.
J’ai hésité, je vous l’avoue, sur la question de savoir s’il convenait aux usages parlementaires de repousser, avec les sentiments qu’elle fait naître, la nouvelle et injuste attaque dont j’ai été l’objet de la part du même représentant ; mais, en ce moment, je me trouve dans l’obligation, quoique bien à regret, de faire connaître, pour que mon silence ne puisse être interprété contre moi, quel est le motif de l’accusation et de la condamnation de l’homme dont il a fait un si brillant éloge, sans l’avoir jamais connu, et sans être à même de prouver la moindre de ses assertions à son égard.
Je prouverai, moi, par des faits, celles que je vais alléguer, en lui disant d’abord qu’il est odieux d’imputer à lâcheté la versatilité d’opinion politique qu’il me reproche et que je n’ai jamais eue, ainsi que je vais le démontrer.
Ainsi que tous les bons Français, je vis avec une grande satisfaction l’avènement du général Bonaparte au pouvoir suprême, comme étant le gage de notre délivrance de l’anarchie, et la fin du règne des misérables factions qui ensanglantaient la France depuis dix ans, et dont j’ai failli être plusieurs fois victime.
Je servis fidèlement l’empereur, qui m’en a publiquement, et à diverses reprises, témoigné toute sa satisfaction ; j’étais, conformément à ses ordres, à Blois avec la régence, quand, après l’abdication de Fontainebleau, je reçus l’ordre du nouveau gouvernement de revenir prendre mes fonctions au ministère de la guerre.
Honoré de la confiance du Roi et des ministres de la guerre, je continuai à remplir mes fonctions avec zèle et fidélité.
A l’annonce du débarquement de l’empereur, le 5 mars 1815, le maréchal Soult, alors ministre, me fit appeler, et nous concertâmes les mesures à prendre pour défendre le gouvernement à qui nous devions nos services, quel que fût notre ancien attachement pour Napoléon. Mais l’empereur était déjà à Grenoble avant que nos ordres y fussent arrivés, et il fut reconnu par le maréchal et par moi qu’il était impossible d’arrêter ses progrès et d’empêcher sa prochaine arrivée dans la capitale.
Cette vérité, que nous avouâmes, fit naître des soupçons de la part de gens qui voyaient partout de la trahison. Ce fut le 15 mars que le maréchal Soult fut obligé de céder aux préventions qui s’élevaient contre lui, et qu’il remit au roi son épée et son portefeuille.
Ce fût le même jour que des ordres furent donnés pour m’arrêter comme ayant été en correspondance avec l’île d’Elbe, et comme étant d’intelligence avec le général Drouot qui accompagnait l’empereur à son retour. Le nouveau ministre de la guerre prit sur lui de suspendre l’ordre de mon arrestation, et il me fut facile de prouver la fausseté des accusations de trahison dont j’étais l’objet, en montrant ma correspondance toute d’intimité, et non politique, avec le général Drouot.
Je servis fidèlement le gouvernement jusqu’au 20 mars, jour de l’arrivée de l’empereur à Paris, et le ministre duc de Feltre m’ayant donné l’ordre, le 19, de rester à Paris jusqu’à nouvel ordre de sa part, je fus appelé le 21 mars par l’empereur.
Dans la conversation que j’eus avec lui, comme dans celle qui suivit son retour de Russie, il m’ordonna de lui proposer et soumettre les mesures à prendre pour se mettre promptement en état d’entrer en campagne, afin de repousser les armées alliées qui ne manqueraient pas d’attaquer la France, d’après la déclaration du congrès de Vienne, en date du 13 mars, que le ministre des affaires étrangères m’avait communiquée l’avant-veille, et dont je fis part à l’empereur, comme m’ayant été officiellement transmise le 19 au soir.
Mes services réclamés pour la défense de la patrie ne pouvaient être refusés, et je repris le 22 mes fonctions au ministère de la guerre.
Au retour de Gand, j’eus de violents reproches à essuyer sur la part que j’avais prise à la réorganisation de l’armée, et dès le mois d’août je donnai ma démission. Mais le maréchal Gouvion-St-Cyr, alors ministre, voulut me conserver jusqu’à l’achèvement de la nouvelle réorganisation des troupes, et me conserva en effet près de lui jusqu’au mois de novembre suivant, époque à laquelle il donna lui-même sa démission et m’autorisa à renouveler la mienne.
Ce fut au mois de décembre que je pris le commandement de l’école d’artillerie à Douai, loin de toute affaire et de toute tourmente politique. J’y restai quinze mois avant d’être de nouveau rappelé à Paris, pour y reprendre encore mes anciennes fonctions.
Voyez-vous dans cette conduite autre chose que mon dévouement au pays, mon désir de me consacrer aux services que l’on reconnaissait que j’étais en état de lui rendre, et ma fidélité au gouvernement auquel je devais obéir ? Où est donc ma versatilité politique ? Suis-je cause que le gouvernement ait changé quatre fois en France dans l’espace de quinze mois ? Mais la confiance que le gouvernement m’accorde à chaque revirement n’est-elle pas une preuve manifeste de mon dévouement au pays, de la loyauté de mes services ?
C’est pendant mon séjour à Douai, au mois de mai 1816, que je fus appelé, en ma qualité de maréchal de camp employé dans la 16ème division militaire, à faire partie du conseil de guerre de cette division, chargé de juger le général Chartrand, détenu à Lille.
Je vous ferai d’abord observer que c’est d’après les dispositions de la loi qu’on adjoignit au conseil de guerre trois maréchaux de camp pris dans la division, et les seuls, je crois, qui s’y trouvaient alors. Ce n’était donc pas une commission extraordinaire, comme on l’a faussement avancé, mais bien un conseil de guerre ordinaire, et composé conformément à la loi.
Je vous ferai ensuite remarquer que tous les membres du conseil (sauf un seul, le comté de Caraman, qui n’avait pas repris de service) avaient servi loyalement la cause de l’empereur pendant les cent jours.
Aussi n’était-ce pas pour avoir servi pendant les cent jours que nous devions juger le général Chartrand, c’était sur une tout autre accusation.
Quelque pénible que me soit le souvenir de cette affaire, j’entrerai cependant dans quelques détails qui vous prouveront, j’espère, que le conseil a jugé d’après les lois existantes, et n’a pu se dispenser d’en faire l’application. Telle avait été d’ailleurs la jurisprudence suivie par les autres conseils de guerre qui avaient jugé et condamné les généraux Mouton-Duverney, Gilly, Travo, Debelle et autres, pour avoir attaqué l’autorité royale le 20 mars, époque de sa chute.
Le général Chartrand fut arrêté à Toulouse, vers le 10 mars, pour avoir voulu renverser l’autorité du roi, et il fut conduit à Paris pour y être jugé.
Le 20 mars, il sortit de la prison où il était détenu en attendant son jugement, et le 23 ou le 24, il sollicita l’ordre d’aller à son tour arrêter le duc d’Angoulême dans le midi.
Mais déjà ce prince avait réuni quelques troupes, et le genéral Chartrand ne prit qu’une partie de ses chevaux et de ses bagages, qu’il était accusé d’avoir gardé à son profit.
Ce fut donc sur le chef d’accusation d’avoir pris les armes avant le 20 mars contre le gouvernement du roi, et non, je le répète, pour avoir servi pendant les cent jours, que ce général a été jugé.
J’ajouterai que néanmoins sa grâce était promise, comme au général Debelle et à d’autres, s’il avait voulu joindre sa demande à celle que nous avions faite.
Quant à l’éloge pompeux qu’on a fait de lui, j’en appelle aux anciens officiers de la garde impériale. Ils ont encore gardé le souvenir de faits que je ne veux pas signaler ici, mais que je dévoilerais si l’on m’y forçait.
Voilà, messieurs, comme des récits mensongers peuvent égarer l’opinion publique. L’honnête homme, fort de sa conscience, tout en déplorant ces abus de la presse, doit les mépriser. Mais, reproduits à la tribune, j’ai dû faire connaître la vérité pour les repousser, et si je ne la dis pas tout entière, c’est par un sentiment que les âmes honnêtes sauront apprécier. (Très bien ! très bien !)
M. Gendebien. - Je dois au ministre des finances des remerciements pour la manière dont il a amené cette espèce de comédie préparée d’avance, puisque le ministre de la guerre avait en poche un discours écrit, et qu’il n’attendait que l’occasion de produire son apologie par lui-même.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Une comédie !
M. Gendebien. - Je prie M. le ministre de l’intérieur de ne pas m’interrompre ; je trouve fort inconvenant qu’un ministre donne le signal des interruptions.
M. Rogier. - Mais est-ce que cette comédie va durer longtemps ?
M. Gendebien. - J’ai la parole pour un fait personnel ; on n’a pas le droit de m’interrompre.
M. Rogier. - Mais vous avez toujours la parole.
M. Gendebien. - C’est une compensation pour ceux qui ne parlent jamais ou trop rarement. (Agitation.)
Je remercie donc M. le ministre des finances d’avoir fourni à son comparse, le ministre de la guerre, l’occasion de lire ici son article biographique fait par lui-même. Mais de tout ce qu’a dit le ministre de la guerre, il n’est pas un mot qui contrarie ce que j’avais dit ; au contraire, il en dit beaucoup puis que je n’en ai dit moi-même. J’ai voulu signaler et j’ai signalé les dangers de toute commission quelconque formée sous l’influence des ministres ou par des hommes qui sont eux-mêmes sous l’influence des ministres ; j’ai cité divers exemples et entre autres, un exemple dans lequel M. le baron Evain, ce n’est pas ma faute, jouait un triste rôle. J’ai lu son nom comme tous les autres ; je ne pouvais m’en dispenser, puisque le général baron Evain a reconnu lui-même qu’il assistait au jugement qui condamnait à mort le général Chartrand, malgré le traité fait en 1815, sons les murs de Paris, avec Wellington, garantissant l’amnistie à tous les officiers de l’armée. Il vous a présenté sa justification ; ah ! quelle justification !
Quant à la versatilité des opinions politiques du général Evain, je n’en avais pas parlé ; mais chacun pourra en juger d’après son propre article biographique rédigé par ses soins. Ce n’est pas sa faute, dit-il, si le gouvernement, en France, y a changé quatre fois en si peu de temps. Touchante naïveté !
Ce n’est pas la mienne, si le général Evain a changé d’opinions et d’affections politiques, chaque fois qu’il a vu changer le gouvernement et disparaître ses bienfaiteurs. Je n’avais pas fait, je le répète, mention de la versatilité du général Evain par excès d’indulgence. Mais, en admettant que j’en eusse eu la pensée, chacun pourra juger, si les faits historiques ne la justifient pas parfaitement et complètement. M. le général baron Evain a pris lui-même la peine de le prouver.
Pour se justifier d’une condamnation à mort, d’un autodafé réactionnaire, il s’est permis de dire que le général Chartrand avait été condamné pour d’autres faits que celui pour lequel il a été fusillé le 22 mai à Lille ! Quelle atroce insinuation ! J’ai des pièces authentiques, j’ai le jugement qui est consigné au Moniteur, et l’on ne peut sans s’inscrire en faux, on ne peut, sans s’exposer à une accusation en calomnie, alléguer aucune espèce de prétexte quelconque pour justifier une pareille condamnation. S’il avait existé d’autres faits, on n’eût pas manqué de s’en prévaloir ; car on en a inventé de bien noirs contre d’honorables officiers. Savez-vous comment les lois pénales qualifieraient une allégation dans le genre de celle que présente le général baron de l’empire Evain ! Savez-vous qu’il est certains faits allégués qui, s’ils ne sont pas prouvés par pièces authentiques, sont déclarés par les lois calomnieux et exposent leur auteur à la peine du calomniateur ?
La mémoire du général Chartrand est placée sous l’égide d’une pièce authentique, c’est l’arrêt de mort que vous-mêmes avez prononcé ; sa cendre reposera en paix sous l’égide de tous les hommes de cœur et d’honneur.
Je ne qualifierai pas les insinuations lancées contre un homme que vous avez envoyé à la mort ! Moi, j’ai attaqué face à face un homme qui pouvait me répondre. Je n’attaquerai jamais la mémoire d’un mort, pas même celle du général Evain ; car je ne l’imiterai pas. Je respecterai toujours la cendre des morts, même dans l’accomplissement de mes devoirs constitutionnels ; mais pour les vivants, toutes les fois que mon devoir me le prescrira, je les flétrirai lorsqu’ils seront méprisables et dangereux.
Après tout, ai-je dit toute ma pensée ? (Et je pourrais aussi faire des réticences et des insinuations, puisqu’on s’en est permis à l’égard d’un brave général qui n’est pas là pour se défendre, puisqu’on l’a tué.) Non, j’ai rapporté des faits ; seulement je les ai caractérisés. Je n’ai rien dit de plus et je n’en ai pas dit assez dans d’autres circonstances ; j’ai été trop facile peut-être à proclamer des convictions qui se sont bien modifiées depuis.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Lorsqu’il y a deux jours on avait présenté contre le général Evain les accusations excessivement graves auxquelles il vient de répliquer, elles avaient fait sur moi, je l’avoue, une impression extrêmement pénible. Je demandai immédiatement au général s’il avait quelque souvenir de cette affaire, s’il pourrait répondre à l’attaque dont il était l’objet. Il me dit à l’instant : Je me rappelle très bien les choses, mais je ne veux pas remuer une malheureuse affaire dont je pourrais cependant me justifier complètement ; il me répugne d’attaquer pour cela un homme qui n’existe plus.
Je lui ai fait remarquer que l’accusation était tellement grave qu’il n’était pas possible de la passer sous silence ; je l’engage à y penser et à jeter sur le papier ses explications pour ne rien omettre de ce qu’il pouvait dire dans une pareille circonstance.
Aujourd’hui, au commencement de la séance, le général Evain me dit : Voilà ce que j’aurais pu répondre ; et cependant je garderai encore le silence, à moins que de nouvelles injures, semblables aux premières, ne me soient adressées.
Vous voyez avec quelle modération, cet honorable général s’est conduit. Il pouvait se justifier, et il ne le faisait pas, afin de ne pas renouveler dans cette enceinte les scènes désagréables qui s’y sont passées à plusieurs reprises depuis quelques jours ; il n’a parlé, comme vous venez de le voir, que parce que je l’ai en quelque sorte forcé à repousser d’injustes agressions.
Maintenant examinons ce qu’avait avancé M. Gendebien, en attaquant l’honorable général Evain. Celui-ci avait fait partie d’une commission militaire expressément composée pour condamner un général français ; eh bien, mon collègue n’a point fait partie d’une commission, mais bien d’un conseil de guerre dont la formation était réglée par la loi.
Ce n’est donc point par suite d’un choix arbitraire que le baron Evain a fait partie de ce conseil de guerre qui était, notez-le bien, formé de généraux de l’empire ; il ne dépendait ni de lui, ni de la haute administration militaire, qu’il n’en fît pas partie ; c’est la loi qui l’a appelé, parce qu’il était dans la division militaire où le conseil a été formé.
M. Gendebien avait prétendu ensuite que la vie de l’officier condamné par le conseil de guerre était garantie par le traité de Paris, dont je dirai, en passant, que ce conseil de guerre n’avait toutefois pas à connaître ; c’est encore une erreur, car les faits pour lesquels le général Chartrand comparaissait devant le conseil de guerre, s’étaient passés avant le 20 mars 1815, époque véritable de la chute des Bourbons.
Quant à ces faits imputés au général Chartrand et sur lesquels le baron Evain n’a pas voulu s’expliquer, je ne les connais pas ; mais j’approuve sa réserve. Je crois que le respect que doit aux cendres des morts, fait un devoir de ne les pas divulguer sans de graves motifs.
Voilà, messieurs, la comédie que, selon les expressions de M. Gendebien, nous venons de jouer devant vous. Cette comédie qui a pour objet de faire connaître la vérité, de faire cesser d’injustes agressions, vaut bien cet échafaudage d’accusations qui s’écroule dès qu’on y touche.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Oui, messieurs, j’ai donné des marques d’improbation quand j’ai entendu qualifier de comédie la conduite pleine de modération qu’a tenue le général Evain et les paroles pleines de dignité et de vérité qu’il a prononcées. Et en donnant des marques d’improbation, j’ai donné cours aux sentiments d’indignation qui, dans, cette enceinte, étaient sans doute partagées partout (Adhésion générale.)
De toutes parts. - La clôture ! la clôture !
M. Gendebien. - Je demande la parole pour un fait personnel.
De toutes parts. - La clôture ! assez ! assez !
M. Gendebien. - Je suis dans mon droit ;je parlerai ; je défie que l’on cite un article du règlement qui m’empêche de parler sur un fait personnel, alors surtout que c’est à un ministre que je demande à répondre. Je ne serai pas long. Je ne ferai qu’une seule observation. Je ne conçois pas comment on ose répéter sans cesse que j’ai indignement accusé, que mes accusations sont fausses, alors que j’ai produit un acte authentique, extrait du Moniteur universel ; au reste, je m’en rapporte, pour prouver l’exactitude de ce que j’ai dit, à l’article apologétique du ministre baron Evain lui-même : il a confirmé tout ce que j’ai dit ; il en a dit beaucoup plus que je n’en avais dit moi-même ; il a prononcé lui-même sa propre condamnation.
Je n’en dirai pas davantage ; les fureurs des ministres ne sont pas des raisons ; le Moniteur en fera raison, et moi je dédaigne.
- La chambre ferme la discussion.
L’article 10 mis aux voix est adopté.
« Art. 11. Les dispositions de la présente loi seront applicables aux officiers de l’intendance militaire et à ceux du service de santé. »
- Cet article est adopté sans discussion.
M. le président. - « Art. 12 (présenté par le gouvernement.) Il n’est pas dérogé par la présente loi aux dispositions des lois militaires et civiles relatives à la perte des grades militaires. »
« Art. 12 (présenté par la commission). Il n’est pas dérogé par la présente loi aux autres dispositions législatives concernant la perte des grades militaires.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je dois faire observer que par ces codes militaires la perte du grade peut avoir lieu d’après l’application de leurs dispositions ; mais comme la commission fait une restriction relativement aux dispositions législatives, je demanderai si le code militaire est considéré comme une disposition législative ; si l’on me répond affirmativement, je n’ai pas d’objection à faire.
M. Raikem. - L’art. 12 présenté par la commission contient, sauf rédaction, les mêmes dispositions que l’article présenté par le ministère. Il suffit de lire ces deux articles pour en être convaincu.
D’ailleurs, messieurs, on sait qu’une loi ne déroge à une loi antérieure que lorsqu’elle s’en explique formellement, ou lorsque ses dispositions lui sont contraires ; or, la loi actuelle n’est pas en contradiction avec la législation précédente.
Quant à la question soulevée par le ministre de la guerre, de savoir si le code militaire aura toujours force de loi, s’il y a doute à cet égard, ce doute ne peut être levé ni par la rédaction de son article, ni par la rédaction de l’article de la section centrale.
Du reste, je pense que le doute n’est pas fondé, que le code militaire continuera d’avoir là même force obligatoire qu’il avait avant la loi en discussion, mais c’est là mon opinion personnelle.
- L’article 12, présenté par la section centrale, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Voici un amendement proposé par M. Dumortier :
« L’officier révoqué conservera ses droits à la retraite. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Cette disposition ne peut trouver place ici, mais bien dans la loi relative aux pensions militaires, dont la chambre est saisie depuis longtemps. En ne s’occupant pas actuellement de la proposition faite par M. Dumortier cela ne préjugera rien. Je crois d’ailleurs pouvoir déclarer au nom du gouvernement qu’il n’a pas de raison de s’opposer au principe de la proposition de M. Dumortier, car aujourd’hui déjà la pension donnée à un officier est irrévocable, et lors même qu’il est condamné criminellement, il n’est pas déchu de ses droits, à la pension ; seulement le paiement en est suspendu.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Le projet de loi sur les pensions militaires, présenté par le ministre de la guerre, contient des dispositions relatives à la question que soulève la proposition faite par M. Dumortier.
La chambre aura donc à prononcer sur les causes qui doivent faire perdre les droits à la pension. L’article 31 du projet sur les pensions détermine les conditions requises pour avoir droit à la pension, et l’art 33 indique les causes pour lesquelles le droit est perdu ou simplement suspendu.
Je crois donc que la chambre peut ajourner la disposition présentée par. M. Dumortier sans rien préjuger.
M. Gendebien. - Il me semble qu’il pourrait y avoir doute dans l’application de la loi ; ne pourrait-on pas dire à un officier privé de son grade : Vous avez perdu votre titre ; donc vous avez perdu toute les prérogatives qui s’y rattachaient, aussi bien les droits à la pension qui s’y rattachaient que toutes les autres prérogatives ? Cela ne me paraît sans doute pas fondé, mais il est bon de se mettre en garde contre les abus du pouvoir : si l’on veut ne rien préjuger sur cette question, je demande que la déclaration en soit faite au procès-verbal.
- Cette demande est adoptée.
L’amendement de M. Dumortier mis aux voix n’est pas admis.
« Sous-lieutenant : 1 lieutenant-colonel, président ; 1 major, 1 capitaine, 2 lieutenants, 2 sous-lieutenants.
« Lieutenant : 1 colonel, président ; 1 lieutenant-colonel, 1 major, 2 capitaines, 2 lieutenants.
« Capitaine : 1 colonel, président ; 1 lieutenant-colonel, 2 majors, 3 capitaines.
« Major : 1 général de brigade, président ; 1 colonel, 2 lieutenants-colonels, 3 majors.
« Lieutenant-colonel : 1 général de division, président ; 1 général de brigade, 2 colonels, 3 lieutenants-colonels.
« Colonel : 2 généraux de division, le plus ancien président ; 2 généraux de brigade, 3 colonels.
« Général de brigade : 4 généraux de division, le plus ancien président ; 3 généraux de brigade.
« Général de division : 7 généraux de division, le plus ancien président. »
- Ce tableau mis aux voix est adopté.
M. Gendebien. - Messieurs, il me semble que la loi est incomplète : la loi française de 1832 a prévu les cas de récusation, et, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, la récusation est toujours admise dans toutes les législations criminelles et même civiles. Je ne pense pas qu’on puisse citer un seul exemple qu’elle ait été repoussée par une législature. Ce n’est que devant les commissions extraordinaires que l’accusé peut arbitrairement être privé du droit de récuser, mais la constitution repousse toute espèce de tribunal exceptionnel, de commission extraordinaire, et dès lors nous devons rester dans le droit commun. Je crois, messieurs, pouvoir vous citer comme interprètes de ce droit commun les articles 7 et 9 de la loi dont j’ai parlé plus haut ; voici ce que portent ces articles :
« Art. 7. Ne pourront être membres des conseils d’honneur, le commandant du corps auquel appartiendra l’officier inculpé, les officiers de l’escadron. ou de la compagnie dont il fera partie, ses parents ou alliés à l’un des degrés prohibés par la loi. »
« Art. 9. L’inculpé aura la faculté de récuser deux membres du conseil, sans toutefois, pouvoir motiver sa récusation. »
Voila, messieurs, une garantie que nous devons donner aux officiers inculpés ; cette garantie a été jugée nécessaire en France, et, en l’accordant, nous ne ferons qu’appliquer un principe qui n’a jamais été contesté. Je demande donc que les articles 7 et 9 de la loi française de 1832 soient insérés dans la loi que nous votons.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Cette proposition, messieurs, mérite d’être examinée, je proposerai donc à l’honorable membre qui l’a présentée, de consentir à ce qu’elle soit imprimée et discutée au second vote.
M. Gendebien. - Alors, pour la régularité, je demande qu’on l’adopte provisoirement, sauf à l’examiner d’ici au second vote et à la discuter alors, si quelqu’un croit devoir s’y opposer ; cela ne préjugera rien ; si on préfère discuter demain, je n’y vois pas d’obstacle.
M. le président. - On pourrait mettre la proposition à l’ordre du jour de demain.
- La chambre consultée décide que la proposition sera imprimée et discutée dans la séance de demain.
M. le président. - La chambre veut-elle passer au second vote de la loi sur l’avancement dans l’armée ?
Plusieurs membres. - Ce n’est pas possible, cela n’est pas à l’ordre du jour.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - J’aurai l’honneur de faire observer à la chambre que par une décision qu’elle a prise à la fin de la discussion de la loi sur l’avancement il a été convenu qu’on passerait à la discussion de la loi sur la position des officiers, qu’on s’occuperait ensuite de celle sur la perte des grades, et que quand les trois lois seront votées, on reviendrait au second vote, en suivant le même ordre que pour la première discussion ; c’est donc à tort, ce me semble, qu’on fait observer que l’objet n’est pas à l’ordre du jour
Quoi qu’il en soit, si la chambre croit devoir remettre à demain le second vote sur la loi sur l’avancement, je proposerai alors à l’assemblée de passer à la discussion du projet de loi autorisant des transferts au budget de la guerre.
M. Gendebien. - Il me semble qu’avant de passer au second vote de la loi sur l’avancement, il serait convenable que les amendements introduits dans les trois lois relatives à l’armée fussent imprimées et distribuées aux membres de la chambre ; puisque ces trois lois forment un ensemble, il est nécessaire qu’avant d’en voter définitivement une, on puisse les examiner toutes,
M. le président. - On fera imprimer et distribuer les amendements pour demain.
- La chambre décide qu’elle va s’occuper de la discussion du projet de loi autorisant des transferts au budget de la guerre.
M. le président. - M. le ministre de la guerre a présenté successivement deux projets de loi autorisant des transferts au budget de son département ; la commission les a réunis en un seul projet de loi. M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la commission ?
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je consens à réunir les deux projets en un seul, mais je ne puis me rallier à la réduction de 50,000 francs, proposée par la commission ; quand nous en serons à la discussion de l’article sur lequel porte cette réduction, je prierai la chambre de vouloir écouter à cet égard quelques observations.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On peut prendre pour base de la discussion le projet de la commission ; M. le ministre de la guerre représentera, sous forme d’amendement, une majoration de 50,000 francs, en donnant les explications nécessaires pour l’appuyer.
M. Verdussen. - Messieurs, j’ai remarqué que dans l’un et l’autre des deux projets qui nous ont été présentés par M. le ministre de la guerre, sous la date du 21 janvier et du 9 mai, sont comprises des sommes destinées à être avancées à différentes villes pour construction de casernes et d’écuries ; c’est ainsi, messieurs, que nous trouvons à la page 4 de l’exposé de motifs du projet présenté, dans la séance du 21 janvier, qu’une somme de 412 mille francs doit être employée en avances à faire à plusieurs villes dont la nomenclature ne nous est pas donnée, et que, dans l’exposé des motifs du projet qui nous a été soumis le 9 mai, nous voyons à la page 5 que la régence de Tournay recevrait une avance de 107 mille francs, la ville de Mons 60 mille francs, Namur 67 mille francs, et, enfin, la ville de Louvain, qui a déjà établi un casernement pour 900 chevaux, 46 mille fr. ; ces quatre sommes réunies forment un total de 280 mille fr., ce qui, ajouté aux 412 mille fr. dont il est parlé dans le premier projet, et qui doivent servir, à faire des avances à des villes qui ne sont pas désignées, fait une somme de 692,000 francs, Il est dit, messieurs, dans l’exposé des motifs accompagnant le second projet présenté le 9 mai, que ces sommes doivent être successivement remboursées à l’Etat, par le non-paiement de l’indemnité du casernement des chevaux, jusqu’au parfait remboursement. C’est contre cette disposition que je m’élève ; je pense que ce n’est pas une marche régulière de comptabilité de faire rentrer des sommes au trésor par le non-paiement de ce qui est dû ; nous devons considérer les sommes qui figurent au budget comme de véritables dépenses.
Les deux projets qui nous sont présentés, et qui n’ont formeront qu’un, tendent donc à faire admettre deux nouveaux chapitres au budget de la guerre, car si les sommes y portées doivent être envisagées comme de véritables dépenses, le recouvrement de ces sommes doit nécessairement être regardé comme un revenu, comme une véritable ressource de l’Etat. Je pense donc, messieurs, que ce n’est pas par le non-remboursement des prix de casernement qu’il faudrait faire rentrer dans les caisses de l’Etat les avances dont il s’agit, ou du moins qu’il faudrait les laisser figurer aux budget des dépenses, et porter aux budgets des voies et moyens, pour les exercices de 1837 et suivants, les sommes que l’on présumera devoir rentrer de ce chef.
Je suis porté à vous faire cette proposition, et j’engage M. le ministre de la guerre à marcher de cette façon pour rendre la comptabilité plus exacte et plus simple.
Il importe beaucoup, ce me semble, à la législature de faire figurer dans chaque budget toutes les dépenses qui incombent à un certain exercice et à un certain chapitre de chaque exercice, ce qui n’arrivera pas si on réduit les dépenses en raison des produits présumés des non-paiements.
Les observations que je viens de faire sont tout à fait générales et ne doivent pas influer sur la rédaction du projet de loi. Mais j’ai cru devoir faire telle observation, parce que déjà, dans une occasion précédente, une marche, contraire aux principes que je viens de développer, a été suivie pour la vente des objets de rebut du ministère de la guerre. Alors on a réclamé avec justice, à mon avis, pour que toutes les dépenses et toutes les recettes figurassent dans les comptes.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je trouve très judicieuse, et tout à fait dans l’ordre régulier de la comptabilité les observations de l’honorable préopinant.
Il résulte des dépenses faites ou proposées à faire que nous aurons avancé à 14 régences une somme de 472 000 fr. et une somme de 280 000 fr. à avancer en 1836 (total, 752 000 fr.), sous la condition expresse qu’elles rembourseront le montant des avances, et que l’annuité à percevoir sera réglée d’après le nombre des chevaux qu’elles auront dans leurs quartier.
Jusqu’à présent le gouvernement n’avait pas fixé quel serait le mode de remboursement.
Mais je trouve qu’il sera convenable d’assigner, par arrêté spécial le montant que les régences auront à verser annuellement au trésor, et par une conséquence juste, il faut que ces fonds de recettes extraordinaires figurent au budget des voies et moyens.
En conséquence de ces observations, je crois qu’il est nécessaire que je me concerte avec M. le ministre des finances pour prescrire un mode de comptabilité qui assure la rentrée, et pour que les sommes figurent au budget des voies et moyens.
- La discussion générale est close.
M. le président. - la chambre passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Les sommes indiquées ci-après, et qui sont restées disponibles au budget des dépenses de la guerre pour l’exercice de 1835, savoir
« Chapitre II.
« Section II.
« Art. 2. Solde de l’infanterie : fr. 190,000
« Art. 3. Solde de cavalerie : fr. 130,000
« Art. 7. Solde de partisans : fr. 10,000.
« Section III.
« Art. 1er. Masse de pain : fr. 150,000
« Art. 6. Casernement des hommes : fr. 130,000
« Art. 7. Casernement des chevaux : fr. 60,000.
« Total : fr. 670,000
« Sont transférées au budget susmentionné, ainsi qu’il suit :
« Au chapitre II, section 2, art. 9, frais de route : fr. 10,000
« Au chapitre II, section 3, art. 16, cantonnements : fr. 660,000
« Total : fr. 670,000. »
- Cet article est adopté.
« Art 2. Une somme de sept cent mille fr. des fonds disponibles au budget de la guerre, pour l’exercice susmentionné, est annulée et sera déduite des chapitres et articles ci-après désignés, savoir :
« Chapitre II :
« Section Ier :
« Article 1er : fr. 7,000
« Article 2 : fr. 15,000
« Article 3 : fr. 4,000
« Article 4 : fr. 30,000
« Section II :
« Article 1er : fr. 60,000
« Article 2 : fr. 30,000
« Article 3 : fr. 120,000
« Article 4 : fr. 6,000
« Article 6 : fr. 8,000
« Article 7 : fr. 20,000
« Article 8 : fr. 70,000
« Section III :
« Article 1er : fr. 70,000
« Article 2 : fr. 230,000
« Article 13 : fr. 40,000
« Article 15 : fr. 25,000
« Total : fr. 700,000. »
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Ce sont ces 700,000 fr. dont je propose l’annulation sur les restants disponibles sur les divers articles qui sont indiqués ici et sur le budget de 1835. J’avais demande une somme de 50,000 fr de plus à la commission de transferts. Mon rapport vous a fait connaître quelles sont les dépenses auxquelles cette somme devait s’appliquer. Ce sont les frais d’acquisition d’une partie des terrains sur lesquels est assis le camp de Beverloo.
La commission a cru devoir ajourner cette dépense. Mais, après les nouvelles observations que je lui ai faites, elle a pensé, tout en ajournant le transfert de ces 50,000 francs, qu’il convenait que le gouvernement s’occupât de cet objet ; cet objet est, comme je viens de le dire, l’acquisition des terrains du camp de Beverloo.
Je pense qu’il est dans l’intérêt de l’Etat d’acheter ces terrains. Je propose d’ajouter à cet effet une somme de 50,000 fr. au crédit demandé, ce qui le porterait à 750,000 fr., et ces 50,000 fr. seraient ajoutés en déduction de l’art. 2 de la section 2 du deuxième chapitre du budget.
M. de Puydt, rapporteur. - La commission a été d’avis de supprimer l’allocation de 50 mille francs pour l’acquisition des terrains où est le camp de Beverloo, et cela par plusieurs motifs. D’abord elle n’a pas pensé que cette dépense fût urgente, puisque chaque année on met en doute si ce camp sera permanent, puisque chaque année on espère que les circonstances permettront de le supprimer. En second lieu, dans l’état actuel, la plus grande partie des communes cède les terrains pour l’établissement du camp, dans le Voisinage duquel elles trouvent des avantages suffisants. Rien ne prouve que le gouvernement ait à craindre une grande augmentation dans la valeur de ces terrains, pour le cas où il aurait plus tard à en faire l’acquisition.
D’un autre côté la surface des terrains à acquérir, le prix de ces terrains sont choses indéterminées. Dans cette position la commission a craint qu’allouer 50,000 fr, ce ne fût donner les mains à la conclusion d’un marché onéreux. Voilà les motifs qui ont porté la commission à proposer l’ajournement du crédit demandé.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que l’allocation de 50,000 fr. est extrêmement utile. Sans l’avance de cette somme le ministre de la guerre ne peut aller en avant pour l’acquisition des terrains du camp de Beverloo. Il est possible que des communes ne veuillent pas vendre et qu’il y ait nécessité de recourir à l’expropriation forcée. Or, il vaut mieux faire l’acquisition dans l’état actuel que d’attendre que la valeur de ces terrains subisse une augmentation considérable ; ce qui en rendrait l’acquisition très onéreuse. Je crois que le moment est très favorable, et qu’il ne faut pas perdre l’occasion.
Dans tous les cas, si l’on renonçait à établir le camp à Beverloo, les terrains que l’on aurait acquis vaudraient au-delà de 40,000 fr. ; cela est évident.
M. Pollénus. - J’appuie les observations de M. le ministre de l’intérieur.
L’acquisition de terrains pour l’établissement du camp de Beverloo sera considérée, comme un véritable bienfait par les habitants de ces contrées, parce qu’elle donne à ce camp un caractère de permanence. Je pense avec M. le ministre de l’intérieur qu’il importe de faire ces acquisitions sans retard ; car des terrains que l’on pourrait obtenir maintenant à bas pris augmenteront beaucoup de valeur, de jour en jour.
J’appellerai l’attention de la chambre sur un projet présenté par le gouvernement et qui a pour objet de faire faire des irrigations dans ces contrées. Si le gouvernement consacre 50,000 fr. à acquérir des terrains, il est hors de doute pour ceux qui connaissent la valeur des propriétés que l’emploi de cette somme sera avantageux au gouvernement. Je suis persuadé que ce capital ne tardera pas à être doublé.
J’insiste donc pour l’adoption de la proposition de M. le ministre de la guerre, appuyée par son collègue de l’intérieur.
M. de Jaegher. - La section centrale, en proposant l’ajournement du crédit de 50,000 fr., n’a entendu aucunement contester l’utilité de l’acquisition des terrains pour l’établissement du camp de Beverloo. Elle a seulement regretté que le gouvernement n’ait pas acquis ces terrains, sauf rectification des chambres. Ce n’est donc pas pour contester l’utilité de la chose, mais seulement dans l’intérêt du trésor que la section centrale propose l’ajournement. Et en cela je crois que la section centrale a raison.
M. Pollénus. - Il me semble qu’il est facile de répondre à l’observation de l’honorable préopinant. Le gouvernement aurait dû selon lui présenter un contrat, sauf à en demander la ratification. M. le ministre a déjà dit que d’après les renseignements venus au gouvernement, il est probable qu’il faudrait avoir recours aux expropriations forcées. Il était donc impossible de faire un contrat avant de connaître les intentions de la chambre.
Si mes informations sont exactes, la plupart des communes vendraient leurs propriétés à un prix raisonnable. Il n’y a de difficulté que pour quelques parcelles. J’espère que le gouvernement procédera avec prudence dans ces acquisitions, et qu’il ne donnera pas pour l’achat de ces bruyères un prix trop élevé. Il pourra prendre pour guide le prix moyen de la valeur de ces terrains dans le pays.
M. de Jaegher. - Je propose l’ajournement du chiffre de 50,000 fr. S’il n’y a pas d’opposition de la part des communes, le gouvernement pourrait contracter à des prix raisonnables. Il faut toujours éviter les expropriations. Elles sont onéreuses, j’en ai fait l’expérience. Les tribunaux accordent toujours au-delà de la valeur de la propriété expropriée. Ils comprennent dans le prix d’achat l’indemnité du dommage causé au propriétaire.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Si mes souvenirs ne me trompent pas, la plupart des communes offrent de céder leurs terrains à des prix modérés ; mais il en est qui mettent en avant des préventions trop élevées. Le gouvernement se verra probablement obligé de recourir à des expropriations forcées. C’est pour ces motifs qu’un contrat n’a pu être dressé.
M. de Jaegher. - Alors, je ne conçois pas pourquoi M. le ministre de la guerre ne nous a pas donné des renseignements à la section centrale. Ils auraient évité la discussion qui vient de s’élever.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - La section centrale m’a en effet déclaré qu’elle ne réduisait le chiffre de 50,000 francs de l’article que pour offrir au gouvernement les moyens d’acquérir à meilleur marché. Mais je lui ai fait connaître mon intention de demander à l’assemblée le maintien de cette allocation. (Aux voix ! aux voix !)
- Le chiffre de 120,000 francs proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
En conséquence, la réduction proposée par la section centrale n’est pas admise.
« Art. 3. Il est ouvert un crédit supplémentaire de la somme de sept cent cinquante mille francs, pour les dépenses des camps et cantonnements, à l’art. 13, sect. 3 du chap. Il du budget de la guerre pour l’exercice 1836. »
- Adopté.
« Art. 4. La somme de cinq cent cinquante-cinq mille cent trois francs quarante-huit centimes des fonds alloués au budget de la guerre, chap. Il, sect. 2 et 3, pour l’exercice 1836, sur les chapitres et articles désignés ci-après, est transférée au chap. Il, section 3, art. 13 du même budget, savoir :
« Art. 1er : fr. 265,572 72 c.
« Art. 2 : fr. 40,590 48 c.
« Art. 3 : fr. 21,672 00 c.
« Art. 4 : fr. 8,347 50 c.
« Art. 1 : fr. 208,113 10 c.
« Art. 6 : fr. 10,807 68 c.
« Total : fr. 555,103 fr. 48. »
- Adopté.
La chambre décide qu’il y a lieu de procéder immédiatement au second vote de la loi
Les articles en sont successivement mis aux voix et adoptés,
Le vote par appel nominal a lieu sur l’ensemble de la loi.
59 membres sont présents.
55 adoptent.
4 s’abstiennent de voter.
En conséquence le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à énoncer les motifs de leur abstention.
M. de Jaegher. - Je n’ai pas voté contre la loi parce qu’elle me paraissait indispensable, mais d’un autre côté je ne pouvais pas voter l’allocation d’une somme qui doit servir à l’acquisition d’une propriété dont on ne nous a indiqué, ni l’étendue, ni la valeur, ni le prix. Par ces motifs je me suis abstenu.
M. Eloy de Burdinne. - Je me suis abstenu par le même motif que le préopinant.
M. Gendebien. - Je me suis abstenu par les motifs énoncés par M. de Jaegher.
M. Raikem. - Je n’ai pas voulu voter contre le projet par le motif exprimé par M. de Jaegher ; et je n’ai pas cru devoir voter pour le projet, à défaut de renseignements sur l’application de la somme de 50,000 francs, et parce que je crains, d’après les explications données aujourd’hui et qui n’ont pas satisfait les membres de la section centrale, que, si on recourt à la loi d’expropriation, il n’en résulte des dépenses plus considérables que celles qu’on prévoit. Dans cette position il m’était impossible de voter.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe immédiatement à la discussion de l’article unique qui est ainsi conçu :
« Une somme de quarante mille francs sera transférée au chap. VIII du budget du ministère de la justice pour 1835, à l’effet d’acquitter les dépenses mentionnées aux art. 1 et 6 dudit chapitre.
« Cette somme sera distraite, savoir :
« 1° 19,000 francs du chap. Il, art. 3 ; 2° 9000 francs du même chapitre, art. 6 ; 3° 4,000 francs du même chapitre, art. 6 ; 4° 6,000 francs du chap. IlI, art. 3 ; et 5° 2,000 fr. du chap. VIII, art. 1er.
On procède à l’appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 57 membres qui ont répondu à l’appel.
Il sera transmis au sénat.
M. le président. - Demain séance publique à midi. Ordre du jour : discussion des articles additionnels proposés par M. Gendebien au projet sur la perte des grades, vote définitif des lois sur l’avancement dans l’armée et la position dés officiers ; discussion de la loi sur le transit.
M. Gendebien. - Et la loi sur la perte des grades, on doit la réunir à celle relative à la position des officiers.
M. le président. - La chambre réglera cela demain.
La séance est levée à 4 heures et demie.