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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 9 mai 1836

(Moniteur belge n°131, du 10 mai 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

La séance est ouverte à une heure et demie.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal.

M. Schaetzen lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Des entrepreneurs et commissionnaires du roulage demandent que la chambre adopte pendant cette session le projet relatif au transit. »


« Le sieur Doubet, soldat au 11ème régiment, incorporé pour la classe de 1828, demande à être renvoyé en congé illimité. »


« Le sieur F.-J. Lefebvre, né en France, cultivateur domicilié à Hérinnes (Hainaut) demande la naturalisation. »


« Le sieur A. Peeters, cultivateur à Waussum (Ruremonde), né en Hollande et domicilié en Belgique depuis 1817, demande la naturalisation. »


« Le conseil charbonnier, représentant les sociétés houilleresses du bassin de Charleroy, demande que les attributions conférées par la loi du 21 avril 1810 au conseil d’Etat soient déférées aux tribunaux ordinaires. »


« Même demande des membres de 13 sociétés houilleresses du Hainaut. »


- Les deux premières pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions chargée d’en faire le rapport. Les deux suivantes sont renvoyées au département de la justice, et les deux dernières resteront déposées sur le bureau pendant la discussion de la loi sur les mines.

M. Gendebien. - Les deux dernières pétitions qui viennent d’être analysées sont relatives à la loi que nous discutons en ce moment.

Je demande qu’il en soit donné lecture ; il est de la plus haute importance que la chambre en prenne connaissance ; elles sont très courtes, et la lecture en sera bientôt faite.

Je demande en outre qu’elles soient imprimées dans le Moniteur, à moins que la chambre ne juge à propos de les faire imprimer d’une autre manière.

- La chambre consultée décide que les deux pétitions seront lues, et qu’elles seront imprimées dans le Moniteur.

M. de Renesse procède à cette lecture.

(Le Moniteur du jour contient ensuite le texte de ces deux pétitions. Ce texte n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

Rapport sur une pétition

M. Zoude, rapporteur de la commission des pétitions, dépose sur le bureau un rapport relatif à une pétition concernant le tarif des droits sur les bois étrangers.

- La chambre décide que le rapport sera imprimé et distribué.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre

Dépôt

M. le ministre de la guerre (M. Evain) monte à la tribune et présente un projet de loi relatif à l’allocation d’un crédit supplémentaire au budget de 1836.

- Le projet de loi, ainsi que l’exposé des motifs, sera imprimé.

Sur la proposition de M. le ministre de la guerre, la chambre décide qui le projet sera renvoyé à la section centrale qui a été chargée de l’examen du budget de la guerre pour 1836, et qui examinera le nouveau projet, comme commission.


M. Raikem cède le fauteuil à M. Duvivier.

Projet de loi portant création d'un conseil des mines

Discussion des articles

Titre II. Des indemnités et de l’obtention des concessions

Article 4

M. le président. - Nous en sommes restés au paragraphe 3 de l’article 4, qui est ainsi conçu :

« La redevance proportionnelle est fixée à 1 p. c. du produit net de la mine, tel que ce produit est arbitré annuellement par le comité sur les renseignements qui sont fournis par les exploitants et les ingénieurs des mines, soit par forme d’imposition ou d’abonnement. Cette indemnité est également répartie entre les propriétaires de la surface, en raison de la contenance et superficie des terrains appartenant à chacun d’eux, telle que cette contenance est indiquée dans le plan de concession. »

La commission a proposé un amendement tendant à porter la redevance proportionnelle à 3 p. c. du produit net de la mine.

M. Fallon, rapporteur. - Nous avançons péniblement dans la discussion du projet de loi soumis à nos délibérations, parce qu’on oublie toujours qu’il ne s’agit pas de réviser la loi de 1810 mais d’améliorer son exécution dans quelques points sur lesquels des abus ont été signales en 1831 et 1832.

Remplacer le conseil d’Etat par un conseil spécial, faire profiter le propriétaire du sol d’une préférence que lui refusait la loi de 1810, rendre plus équitable l’indemnité que cette loi lui réservait, ne permettre la concession de la mine de fer qu’alors qu’il n’était plus possible de l’exploiter utilement que par ce moyen ; telles étaient les seules modifications qui étaient généralement réclamées.

Nous avons organisé le conseil qui doit remplacer le conseil d’Etat, nous avons ajourné, jusqu’à plus ample informé, toute disposition à prendre à l’égard de la mine de fer, nous avons donné au propriétaire du sol un avantage qu’il n’avait pas, nous lui avons assuré la préférence ; il ne reste plus qu’à se mettre d’accord sur l’indemnité qui lui sera accordée dans le cas où il ne profitera pas du bénéfice de cette préférence.

C’est là l’objet de l’article 4 du projet, et au début de son examen la discussion s’est encore toujours égarée.

C’est pour la ramener à ses véritables éléments que je prends la parole

L’article 6 de la loi voulait que l’indemnité réservée au propriétaire du sol fût réglé sur le produit de la mine, et l’article 42 voulait qu’elle fût réglée à une somme déterminée.

Vous savez, messieurs, combien il fut abusé de l’obscurité qui résultait du rapprochement de ces deux dispositions.

L’indemnité fut le plus souvent dérisoire, c’était 10 ou 15 centimes par hectare de superficie sans aucun égard au produit de la mine.

Pour faire cesser cet abus, on propose le concours de deux modes, on propose une indemnité fixe et en même temps une indemnité proportionnelle au produit de la mine.

La redevance fixe a pour objet l’espèce de servitude, les inconvénients non spécialement prévus par la loi dont se trouve affectée la superficie du périmètre de la concession, et, au lieu de 10 ou 15 centimes par hectare, elle sera maintenant de 25 centimes au moins.

Sur ce point, il ne paraît pas qu’il y ait contestation.

La redevance proportionnelle n’était pas aussi facile à régler, et cependant il fallait bien la déterminer pour éviter que l’on élude plus longtemps la disposition de l’art. 6 de la loi qui veut que l’indemnité soit réglée sur le produit de la mine.

Le gouvernement a proposé de la porter à 1 p. c. du produit net, et de la répartir entre les propriétaires de la surface à raison de l’étendue de chaque parcelle du périmètre.

Votre commission a adopté cette combinaison, et déjà je vous ai rendu compte des motifs qui ont déterminé cette adoption.

Dans la séance précédente ce mode de règlement de la redevance proportionnelle a été censuré par l’honorable M. Raikem, de plusieurs chefs.

Pour disposer les esprits à faire une large part au propriétaire de la surface dans le produit de la mine, il est revenu sur un point de discussion déjà longuement débattu dans les séances précédentes ; il a posé comme règle certaine de direction que nous devions considérer le propriétaire de la surface comme propriétaire de la mine, et que c’était sur cette base que nous devions régler l’indemnité.

Il est très bien que les propriétaires de la surface trouvent ici des défenseurs, mais il faut aussi que les droits de l’Etat ne restent pas sans défense.

J’ai combattu ce système, et je persiste à croire que, pour tous ceux qui préféreront s’en tenir à la réalité des choses, que de juger des doctrines, c’est l’Etat et non le propriétaire du sol qui aujourd’hui, et en vertu de la loi de 1810, est réellement propriétaire de la mine.

Je ne reviendrai pas sur ce point de la discussion, mais je ne puis cependant me dispenser de relever un dernier argument qu’il m’a opposé.

La question a été résolue, dit-il, dans les discussions qui ont eu lieu par rapport à la mine de fer.

Je ferai observer d’abord que l’assertion n’est pas exacte ; aucune question n’a été résolue quant à la mine de fer ; la discussion de la question a seulement été ajournée.

Je ferai remarquer en second lieu que la question pour la mine de fer n’est pas la même que pour les autres mines, et qu’en conséquence on ne peut pas argumenter d’un cas à l’autre.

La loi de 1810 a placé la mine de fer dans un cas tout exceptionnel, elle l’a classé dans la catégorie des minerais et non dans la catégorie des mines en général ; ce n’est que dans des circonstances tout exceptionnelles que la loi met le minerai de fer à la disposition de l’Etat, et en autorise la concession.

En attendant que ces circonstances se rencontrent, la loi laisse le propriétaire libre d’user et de disposer de cette mine.

Ainsi donc, si l’on veut argumenter de la résolution que la chambre a prise, quant à la mine de fer, c’est tout à l’avantage de mon système que je trouve la conséquence.

Et en effet si le propriétaire du sol ne doit rester propriétaire et maître de la mine de fer que par la raison qu’en Belgique les conditions exigées pour la mettre à la disposition du gouvernement ne sont pas encore arrivées, cette raison fait défaut pour toute autre mine dont la concession n’est astreinte à aucune condition.

Sauf en ce qui regarde la mine de fer, le droit d’user et de disposer de la mine n’est plus dans les mains du propriétaire du sol depuis la loi de 1810, mais bien dans le domaine de l’Etat.

Quoi qu’il en soit de cette discussion, il restera toujours cette vérité que personne ne peut contester, c’est que pour apprécier ce qu’il convient d’attribuer à titre d’indemnité au propriétaire du sol, il faut considérer que cette indemnité a pour objet, non pas la privation d’une chose, dont il pourrait user, dont il pourrait retirer quelques fruits, mais la privation d’une chose tout à fait improductive dans ses mains et dont il ne peut jouir ni disposer ; il faut considérer en outre que déjà nous lui avons accordé un immense avantage, le droit à la préférence dans l’obtention de la concession.

Il ne faut donc pas exagérer ses prétentions au préjudice d’un concessionnaire qui souvent a besoin pour se livrer à une entreprise plus ou moins hasardeuse, aujourd’hui surtout que toutes les mines, dont l’exploitation pouvait paraître avantageuse, se trouvent concédées.

Un pour cent du produit, ce n’est pas assez, dit-on ; mais c’est beaucoup, me semble-t-il, si nous considérons que pour toutes les concessions qui ont été accordées depuis 26 ans, l’indemnité était réduite à 10 ou 25 centimes par hectare, tandis qu’aujourd’hui elle sera de 25 centimes au moins, plus le bénéfice dans la répartition d’un pour cent du produit.

Il faut faire attention, d’ailleurs, que l’on ne doit pas rendre trop onéreuses les nouvelles concessions, là où l’on veut qu’elles puissent soutenir la concurrence avec les anciennes sur lesquelles vous ne pouvez faire porter de semblables charges.

Du reste, si l’on trouve que la quotité d’un pour cent n’est pas suffisante, on peut l’élever au taux que propose la dernière commission ; mais quant à moi, pour modifier le projet du gouvernement, je préférerais ne pas voir fixer de maximum et de se borner à dire que la redevance proportionnelle sera au moins d’un pour cent, en laissant ainsi au conseil des mines la faculté de pouvoir en élever le chiffre suivant que la mine paraîtra plus ou moins riche ou d’une exploitation plus ou moins facile.

Cette indemnité proportionnelle, on voudrait l’attribuer exclusivement au propriétaire de la surface sous laquelle l’exploitation a lieu.

Je dois reconnaître que, dans certains cas, cela serait plus juste ; mais je pense que l’on doit reconnaître aussi que dans le plus grand nombre de cas cela serait injuste et souvent impraticable, sans ouvrir la porte à des difficultés judiciaires inextricables.

Dans le périmètre de la concession, il faut bien commencer par ouvrir l’exploitation dans le lieu qui paraît le plus convenable pour poursuivre l’extraction le plus utilement dans tout le cercle de la concession.

On ouvrira l’exploitation dans ma parcelle, et là il y a de la mine. Mais comme c’est précisément dans ma parcelle que tous les premiers frais auront été faits pour mettre en état les travaux, la mine qu’on en aura tirée, en pratiquant ces travaux, se trouvera entièrement absorbée dans la première mise de fonds, et je n’en aurai pas une obole, tandis que ce sont les propriétaires des autres parcelles qui vont en profiter à mon préjudice.

Sur la parcelle la plus inférieure on ouvrira la galerie d’écoulement, et naturellement on extraira la mine que l’on trouvera en poursuivant cette galerie. Cette mine se trouvera également absorbée par les frais toujours considérables de la galerie ; je n’en aurai rien, tandis que cette galerie va profiter à toutes les autres parcelles du périmètre.

D’un autre côté, comment voulez-vous faire la part de deux parcelles qui se touchent, lorsque la mine en traverse diagonalement la limite ? Cela n’est pas impossible sans doute ; mais cela est très difficile, et cela peut multiplier les difficultés à l’infini.

Il n’est qu’un moyen équitable d’éviter toutes ces difficultés, c’est de considérer la mine comme la loi veut qu’on la considère, comme propriété nouvelle détachée du sol et circonscrite dans le périmètre de la concession, et de faire par suite la répartition de la redevance proportionnelle sur toute la surface du périmètre.

La parcelle sous laquelle on n’exploite pas partagera avec le propriétaire de la parcelle sous laquelle on exploite ; mais il aura réciprocité ; lorsque la mine sera épuisée sous cette parcelle, le propriétaire de cette parcelle viendra à son tour partager avec les propriétaires des autres parcelles sous lesquelles l’exploitation sera continuée.

L’honorable M. Raikem a dit qu’il ne voyait pas la nécessité de recourir à ce système d’indivision et d’association entre les propriétaires de la surface, attendu que la loi elle-même a bien trouvé le moyen de faire en sorte que chaque propriétaire de surface recueille divisément la quotité réservée sur le produit de la mine qui s’exploite dans son fonds.

L’article 55 dit, à la vérité, qu’à cet égard on suivra les usages établis et les droits résultant des prescriptions légalement acquises en raison de conventions réciproques.

Mais d’abord cet article ne s’applique qu’aux demandes en maintenue, qu’aux exploitants qui n’avaient pas exécuté la loi de 1791, et non aux nouvelles concessions.

La loi a soin de s’en expliquer clairement.

On exécutera, dit-elle, en ce qui concerne ces demandes, les conventions faites avec les propriétaires de la surface ; et elle ajoute que ce sera sans que ceux-ci puissent réclamer l’indemnité prévue par les articles 6 et 42, indemnité dont nous nous occupons actuellement.

La loi de 1810 respectait ainsi tout naturellement les droits acquis antérieurement, et puisque l’on maintenait les exploitations antérieures à la loi de 1791, sauf régularisation, il fallait bien, quelles que fussent les difficultés qui pouvaient résulter des usages locaux existants à l’époque où ces exploitations avaient été entreprises, s’en rapporter à ce que ces usages pouvaient avoir réglé.

Il n’en était pas de même pour les concessions nouvelles ; en détachant la mine de la propriété du sol, la loi de 1810 affranchissait la mine de tous les usages disparates qui, suivant les diverses localités, attribuaient au propriétaire de la surface une quotité plus ou moins forte dans le produit de l’extraction ; et c’est ainsi qu’elle voulut qu’à l’avenir, pour les concessions nouvelles, ce fût l’acte de concession qui réglât l’indemnité sans égard aux usages locaux, ce qui n’empêche pas toutefois que, depuis la publication de cette loi, on ait pris soin de respecter et de confirmer par l’acte de concession les conventions passées antérieurement à cet acte entre les propriétaires de la surface et le demandeur en concession.

On trouve étrange cette répartition de l’indemnité proportionnelle au produit de la mine entre tous les propriétaires de la surface du périmètre de la concession ; mais ce n’est pas là du tout une innovation que l’on propose. Car c’est précisément là le mode de partage établi par la loi.

Qu’a-t-on fait jusqu’aujourd’hui en vertu des articles 6 et 42 de la loi ?

On a réglé l’indemnité du propriétaire de la surface à une redevance fixe graduée en raison de l’étendue de chaque parcelle du périmètre de la concession, sans égard à celles de ces parcelles sous lesquelles il y avait plus ou moins de mine ou sous lesquelles il n’y en avait pas, et cette redevance fixe était bien accordée en raison de la mine et non pour autre cause.

On s’est plaint, non pas du mode de répartition, mais de ce que le chiffre de la redevance était dérisoire.

Or, que propose le projet ? Il propose d’augmenter le chiffre de cette redevance fixe, et même d’y joindre le chiffre d’une redevance proportionnelle au produit de la mine.

En faisant concourir tons les propriétaires de la surface du périmètre à la répartition de ce double chiffre en proportion de l’étendue de chaque parcelle, le projet en discussion n’innove pas à la loi, il se conforme scrupuleusement au régime qu’elle a établi.

Si l’on pense qu’il soit possible de s’écarter de ce régime sans faire naître des difficultés et des procès sans fin, non seulement entre le concessionnaire et les propriétaires de la surface, mais encore entre ces propriétaires entre eux, je ne demande pas mieux que l’on suggère le moyen ; et quant à moi, je me rallierai bien volontiers à toute autre combinaison qui paraîtrait plus équitable, dès lors que l’on démontrerait qu’elle serait praticable sans graves inconvénients.

M. le président. - Voici l’amendement de M. Fallon :

« Celui qui se trouve substitué aux droits du propriétaire de la surface, quant à la mine, jouira de l’indemnité réservée à celui-ci par le présent article. »

M. Gendebien. - Tout me semble justifier l’opinion que j’ai émise dans une précédente séance, relativement à l’élévation de la rétribution. Pourquoi accorder 3 p. c. du produit net au propriétaire de la surface, alors que ce propriétaire n’intervient pour rien dans les pertes, qui sont assez fréquentes dans l’exploitation des mines ? Car, messieurs, je vous prie de remarquer qu’en général les mines ne sont pas, comme on le pense, un moyen infaillible de fortune ; elles ne produisent pas 2 1/2 p. c. des capitaux dépensés depuis l’origine de l’exploitation.

Comme je l’ai déjà dit précédemment, je ne comprends pas la raison de l’indemnité ; l’indemnité suppose un dommage, un préjudice souffert ; or, messieurs, toutes les fois que le propriétaire voudra exploiter par lui-même la mine, la loi lui donne la préférence.

Si sa propriété n’est pas assez étendue pour qu’il puisse exploiter la mine par lui seul, il peut s’associer avec d’autres propriétaires ; et s’ils demandent la concession en commun, ils l’obtiendront. Quel préjudice peuvent-ils dès lors souffrir ? Je répéterai ce que j’ai déjà dit précédemment, le propriétaire, loin de souffrir de l’exploitation d’une mine qu’il ne peut exploiter lui-même, gagne toute la différence en plus de la valeur lui-même, gagne toute la différence en plus de la valeur qu’acquiert la propriété par l’exploitation, comme je l’ai prouvé précédemment.

Il n’en est pas de l’exploitation des mines de charbon comme de celle des mines de fer, il faut des travaux immenses pour exploiter une mine de houille. Le propriétaire de deux, trois ou 10 hectares ne pourrait suffire par lui seul à l’exécution de ces travaux et comme la loi lui accorde toujours la préférence, je ne comprends pas à quel titre ou pourrait lui accorder une indemnité.

Je le répète, je ne conçois l’indemnité que là où il y a préjudice souffert.

Je trouve donc, messieurs, la rétribution de 3 p. c. trop élevée ; vous ne pouvez pas cumuler la rétribution fixe avec la rétribution proportionnelle, car, ainsi que l’a fait observer M. Fallon, d’après l’article 6 cette redevance est une indemnité sur le produit des mines ; l’acte de concession, dit l’article 6, règle les droits des propriétaires du sol sur le produit des mines concédées.

Eh bien, messieurs, M. Fallon a critiqué la manière d’appliquer cet article, qui se réduisait en définitive à la rétribution fixe de 10 ou 15 centimes par hectare de superficie, parce que l’indemnité doit porter sur le produit, qui est variable.

Je trouve que M. Fallon a raison, et, en se tenant au texte de l’article 6, c’est sur le produit de la mine que l’indemnité doit être prélevée. Dès lors il est injuste ; et c’est violer cet art 6 que de cumuler l’indemnité fixe et l’indemnité proportionnelle.

Pour réparer une injustice, à ce qu’on dit, injustice qui ne me paraît pas bien prouvée, vous voulez cumuler les deux indemnités, c’est-à-dire que vous allez tomber dans l’excès contraire ; mais cela n’est pas possible. Choisissez, si vous voulez, l’indemnité accordée jusqu’ici en vertu de la loi de 1810, c’est-à-dire, accordez, non plus dix ou quinze centimes, mais un franc par hectare ou une indemnité proportionnée au produit net.

Arrêtons-nous aux dernières propositions de la commission, tendant à accorder une rétribution sur le produit de la mine. Cette rétribution sera-t-elle de 1, 3 ou 4 p. c. ? la chambre en décidera. Mais dès l’instant que vous prenez la résolution d’accorder une indemnité proportionnelle, il faut repousser le système de la rétribution fixe.

M. Dechamps. - Messieurs, l’honorable M. Fallon, au début de son discours, vous a dit que la discussion n’a été si lente et si pénible que par la raison qu’on avait toujours dévié de ce point de départ admis par la chambre : ne point changer les bases de la loi de 1810, et se borner à modifier quelques parties accessoires.

Je suis complètement de l’avis de M. Fallon ; mais je ferai remarquer à cet honorable membre que lui-même, en adoptant le principe d’une redevance proportionnelle, loin de modifier la loi de 1810, en change complètement la base.

En effet, le principe de la loi de 1810, le principe fondamental, c’est, comme on l’a fait remarquer, la distinction de la propriété de la surface d’avec la propriété de la mine.

Or, si vous établissez que le propriétaire de la surface a le droit de partager annuellement le produit de la mine avec le concessionnaire que l’acte de concession crée seul propriétaire, vous fondez par là une espèce de propriété mixte ; vous confondez réellement la propriété de la surface avec la propriété de la mine, distinction que la loi de 1810 a voulu complètement établir.

Il est vrai que l’art. 6 de la loi de 1810 reconnaît au propriétaire de la surface un droit sur le produit de la mine ; mais l’article 42 qui explique cet article 6, porte que le droit attribue au propriétaire de la surface sera réglé par une somme déterminée par l’acte même de concession. Ainsi, messieurs, vous satisfaites pleinement à cet article 42 en établissant une redevance fixe.

Je suis loin de m’opposer à ce que cette redevance soit augmentée ; je crois même qu’il est indispensable de l’augmenter, comme, au reste, la chambre l’a déjà fait, en élevant cette indemnité de 10 centimes à un franc.

Mais il me paraît que c’est violer l’esprit de la loi de 1810 que d’établir une indemnité proportionnelle sur le produit de la mine, puisque l’article 42 veut que le droit du propriétaire soit réglé par une somme déterminée dans l’acte de concession ; or, une redevance proportionnelle est une redevance déterminée par cette redevance proportionnelle, vous créez véritablement une association commerciale entre le propriétaire de la surface et le propriétaire de la mine. Le propriétaire de la surface apporte dans cette association sa mine, et le concessionnaire son industrie et ses capitaux : ainsi, vous voyez que c’est bien confondre les deux propriétés que la loi de 1810 a voulu expressément séparer.

Messieurs, au début de la discussion, on a senti qu’il fallait modifier la loi de 1810 en faveur des propriétaires, parce que cette loi ne tenait pas assez compte de la propriété.

Mais, messieurs, au train dont nous y allons, nous tomberons dans l’excès contraire. Nous avons accordé la préférence au propriétaire quand il réunit les conditions nécessaires pour une bonne exploitation ; nous avons trouvé cela très bien combiné. Nous avons accordé une majoration à l’indemnité fixe établie par la loi de 1810. Si nous augmentons encore le droit proportionnel, comme on le propose, je crois que nous irons au-delà de la loi de 1791.

Remarquez que cette loi, à laquelle on a reproché de n’avoir pas assez tenu compte de l’intérêt général, n’établissait aucune redevance au profit de l’Etat. La loi de 1810 lui attribue une redevance proportionnelle de 5 p. c. du produit net de la mine.

Si vous y ajoutez 4 p. c. au profit du propriétaire, vous porterez la redevance à 9 p. c. du produit net. Et si vous considérez les travaux à opérer à la surface du sol, avant de rendre l’exploitation productive, vous verrez, comme je le disais tout à l’heure, que nous tombons dans l’excès contraire à celui reproché à la loi de 1810, et nous portons préjudice à l’intérêt général en entravant l’industrie.

Messieurs, j’ai une dernière considération à faire valoir, c’est que, la loi n’ayant pas d’effet rétroactif, il se trouvera que la majeure partie des concessions, en Belgique, ne seront soumises qu’à une redevance très minime, tandis que les nouvelles seront assujetties à des droits et à des impôts très lourds. C’est là, ce me semble, un grave inconvénient, que de soumettre les mêmes concessions de mines à deux législations très diverses.

Je proposerai de voter l’article par division, et j’engagerai la chambre à refuser son vote au principe qui établit une redevance proportionnelle. Si la chambre admettait le principe de la redevance proportionnelle au propriétaire et fixait cette redevance à 2 ou 3 p. c., je proposerais de réduire la redevance proportionnelle au profit du gouvernement, à 2 p. c. au lieu de 5, afin d’établir une compensation en faveur de l’industrie qui la réclame.

M. Jullien. - Si on veut sérieusement en finir avec la loi des mines, il faut faire deux choses : d’abord écarter de la discussion tout ce qui peut concerner la question de compétence à laquelle se rapportent les pétitions dont on vient de donner lecture, et renvoyer toute nouvelle discussion de cette question au second vote, puisque la chambre a voté l’article 2. En second lieu il faut mettre également de côté la question de propriété de la mine. Cette question a engagé la chambre dans une discussion de deux ou trois jours qui ne peut être que de théories et de doctrines.

Je dis de doctrines, parce qu’il est impossible de jeter un coup d’œil sur la législation qui règle la matière sans se convaincre du principe proclame par Mirabeau à l’assemblée nationale, principe qui a toujours dominé la législation française, qui domine la loi du mois d’avril 1810 et les modifications qu’on propose d’y apporter aujourd’hui. Ce principe est celui-ci : Dès l’instant que le propriétaire de la surface ne pouvait ou ne voulait pas exploiter la mine située dans sa propriété, cette mine était à la libre disposition de l’Etat. C’est encore quand le propriétaire ne peut pas ou ne veut pas exploiter une mine qu’elle est mise à la libre disposition de l’Etat. S’ensuit-il que l’Etat a une propriété pleine et entière de la mine comme d’une autre propriété ? Non, puisque vous voyez que sa propriété est conditionnelle. Il n’a la libre disposition, il ne dispose de la mine que parce que le propriétaire ne veut pas ou ne peut pas l’exploiter. Il y a donc toujours une distinction à faire entre les droits de propriété de l’Etat sur les propriétés ordinaires, et ses droits par rapport aux mines. C’est ici une propriété sui generis, une propriété de son espèce.

Restera la difficulté de la découvrir, de l’exploiter, de la mettre en rapport, et la surveillance que le gouvernement est obligé d’exercer sur l’exploitation dans l’intérêt de la sécurité des habitants de la surface exploitée et des nombreuses populations d’ouvriers qui s’enterrent tout vivants dans les mines pour les exploiter, et qui pourraient être victimes de l’ignorance et de la cupidité des exploitants si le gouvernement n’exerçait pas cette surveillance.

Quand vous considéreriez les mines comme des propriétés ordinaires, avec le droit attaché à la propriété, le droit absolu d’user et d’abuser, il faudrait dire encore que d’après les règlements sur la police des mines, l’Etat a droit d’intervenir dans l’exploitation. Voilà ce qui différenciera toujours la propriété d’une mine d’une autre propriété.

Maintenant on demandera : Si le propriétaire du sol n’est pas propriétaire de la mine, pourquoi lui accorde-t-on une indemnité ? Je répondrai que l’indemnité s’accorde au propriétaire du sol. A quel titre, dira-t-on ? Parce que, bien que l’Etat ait la libre disposition de la mine, l’Etat n’a pas la libre disposition de tout ce qui compose le dessous et qui ne serait pas la mine. Ainsi l’indemnité est en quelque sorte in recognitione domini, en reconnaissance du propriétaire. Le propriétaire de la surface cesse d’avoir la libre disposition de la mine, mais non de ce qui excède la mine ; on n’a pas le droit de lui enlever plus que ce qu’on exploite de la mine. Et pour cela on lui doit une indemnité. Mais cette indemnité, que doit-elle être ? De 1, de 2, de 3 ou de 4 p. c. ? Voilà toute la question que la chambre a maintenant à examiner.

Quant à moi, d’après tout ce qui a été dit dans cette enceinte par toutes les personnes qui connaissent l’exploitation des mines, je pense que si on laissait l’indemnité un pour cent du produit net, on ferait très sagement. Je ne vois pas la raison pour laquelle on l’augmenterait de deux ou trois pour cent.

Les observations faites par l’honorable M. Gendebien m’ont frappé. Quand une mine est concédée, le résultat le plus sûr de la concession est de faire doubler et tripler la valeur de la superficie. Toutes les fois qu’il y a concession, il en résulte un avantage signalé pour le propriétaire de la surface ; sous ce rapport, il n’est donc pas besoin d’accorder une grande indemnité au propriétaire, puisqu’il est déjà indemnisé par le fait seul de la concession. D’un autre côté, pour favoriser les concessionnaires, comme l’Etat peut percevoir jusqu’à concurrence de 5 p. c. du produit de la mine, l’honorable M. Dechamps propose de diminuer ce droit du trésor et de le baisser jusqu’à concurrence de 2 p. c. Je ne suis pas de cet avis. Dès l’instant que l’Etat peut disposer de la mine, parce que le propriétaire du sol n’en dispose pas, il doit être indemnisé des frais de surveillance de l’exploitation.

Si vous ouvriez le code théodosien, vous y verriez que chez les Romains, où on connaissait l’exploitation des mines, l’Etat percevait un droit de 10 p. c. sur le produit. D’après la loi française, le droit de l’Etat ne peut pas excéder 5 p. c. ; mais l’Etat, par ses agents, par ses ingénieurs, exerce une surveillance sur les exploitations de mines pour faire exécuter les règlements ; il faut qu’il retire une indemnité qui le dédommage des dépenses que cette surveillance lui occasionne. Cela figure d’ailleurs au budget parmi les revenus de l’Etat. Pour moi, je ne consentirai pas à une réduction de la redevance au préjudice du trésor. Et quant au propriétaire du sol, je crois qu’en lui accordant 1 p. c. du produit net, cette indemnité est suffisante pour ce qu’il peut souffrir par suite de l’exploitation.

L’honorable M. Fallon disait qu’on pourrait ne pas déterminer la quotité de la redevance proportionnelle à accorder aux propriétaires, et dire seulement qu’elle ne pourra pas être moindre de 1 p. c. et en laisser l’évaluation au conseil des mines. Je ne sais pas si ce parti serait très prudent. Un concessionnaire doit autant que possible connaître quelles sont ses charges. S’il appartenait au conseil des mines de fixer l’indemnité proportionnelle à un, deux ou trois p. c., d’en élever le chiffre à volonté, les concessionnaires seraient placés dans une position fort équivoque.

Il ne faut pas que celui qui peut consacrer ses capitaux à la recherche des mines du pays, à faire prospérer la fortune publique, soit exposé à de pareilles incertitudes. Il faut donc déterminer quelle sera la redevance proportionnelle ; dire qu’elle sera de 1, 2 ou 3 p. c. : mais il est prudent d’en fixer le quantum. C’est dans ce sens que je voterai.

M. Dumortier. - Je ne suis pas disposé à ne donner que des sommes minimes aux propriétaires des terrains concédés. On ne peut pas sacrifier les droits des propriétaires aux droits des exploitants.

En principe, il ne peut y avoir de doute que le propriétaire de la surface est en même temps propriétaire de la mine. Mais ce principe n’est pas susceptible d’une exécution constante ; c’est pour cela que la loi a accordé au gouvernement le droit de concession. C’est une nécessité pour un pays que de pouvoir exploiter les minéraux qu’il renferme dans son sein. Souvent les propriétaires du sol n’exploitent pas ou ne peuvent pas faire exploiter ces minéraux, force est alors au gouvernement de donner des concessions.

Mais il n’en est pas moins vrai qu’en principe la mine appartient au propriétaire de la surface ; cela est un fait incontestable, car la mine se trouvant à la superficie et jusqu’à des profondeurs incommensurables, il faut bien reconnaître qu’elle est dans son terrain ; et si vous usez de la loi de nécessité, si vous lui enlevez, dans l’intérêt général, ce qui lui appartient, il faut l’indemniser.

L’indemnité qu’on lui donne maintenant est vraiment ridicule, car dans quelques provinces on lui accorde dix centimes par hectare : cela est absurde ; mieux vaudrait déclarer qu’on ne lui accordera rien. Aussi les choses en sont venues à ce point qu’on ne paie plus d’indemnité et que les propriétaires n’en réclament pas : quel propriétaire, en effet, irait demander, s’il n’a que 20 hectares, 20 fois 10 centimes chaque année ?

L’indemnité stipulée dans la loi est donc illusoire. On pose le principe que le propriétaire a droit à une indemnité, et on l’établit de telle manière qu’il n’a rien. Il serait préférable de déclarer franchement que le propriétaire n’aura aucune indemnité.

Quant à moi je ne puis admettre qu’une indemnité de un p. c. soit suffisante. Comment ! une société viendra exploiter sur mon terrain une source de richesse, et je n’aurai droit qu’à un p. c.

Remarquez qu’il y a des exploitations qui peuvent se faire à ciel ouvert. Sous l’ancien gouvernement on a vu des propriétaires qui, ayant découvert des mines sur leurs terrains, et qui, ayant demandé l’autorisation de les exploiter, ont été évincés ; et la concession a été faite à des étrangers qui ont bouleversé leurs terrains.

Aux environs de Bastogne, par exemple, un propriétaire ayant découvert une mine de plomb dans ses terrains, en demanda la concession ; mais le ministre de l’intérieur d’alors a trouvé bon d’exploiter pour son compte, ou si vous voulez, pour celui d’une société qu’il avait formée, la riche mine de plomb, et d’accorder au propriétaire un cent seizième des produits.

Dans les pays de mines, la valeur souterraine est incomparablement plus considérable que celle de la surface ; il est donc nécessaire que nous apportions beaucoup de précaution avant de dépouiller un propriétaire. Je ne consentirai jamais à ce que le propriétaire n’ait que un pour cent. Je me réunirai à l’amendement de M. Fallon qui fixe le minimum de l’indemnité à un p. c.

Un honorable préopinant a proposé de réduire le droit que le gouvernement perçoit sur les mines, afin d’accorder une augmentation sur la redevance proportionnelle due au propriétaire : avant d’adopter ce système, voyons ce que rapporte la redevance sur les mines. Si j’ai bon souvenir, la redevance proportionnelle de toutes les mines de la Belgique rapporte au trésor 125,000 fr. à raison de 5 p.c.

M. Fallon et M. Gendebien. - Elle n’est que de 2 1/2 p. c.

M. Dumortier. - Ainsi, toutes les mines de la Belgique ne rapportent à l’Etat que 92,000 fr. ou 80,000 fr. Et vous voyez que l’on frustre le gouvernement de ce qu’on lui doit, car il est manifeste que le revenu des mines est bien plus considérable que 40 fois 80,000 fr ; il faudrait que toutes les mines de la Belgique ne rapportassent que 3,200,000 fr. pour qu’il en fût ainsi. Or, il est certain qu’elles rapportent bien plus que cela.

Si vous réduisiez encore la redevance proportionnelle perçue par le gouvernement, le trésor ne percevrait plus rien ; cependant le gouvernement dépense plus de 80,000 fr. pour surveiller des mines.

Si on recherche combien il y a de terrains employés par les mines, on trouvera qu’il y en a plus de 80,000 hectares concédés dans les trois provinces de Liége, de Namur et du Hainaut.

Je voudrais que le propriétaire ait droit à une redevance de 5 p. c.

Vous le dépouillez de son terrain, dans l’intérêt général il est vrai ; donc il faut l’indemniser. Remarquez que vous le dépouillez lui et sa famille à toujours. Je me réunirai à l’amendement de M-. Fallon.

(Moniteur belge n°132, du 11 mai 1836) M. Raikem. - Après la discussion assez longue qui a eu lieu, je ne me proposerai maintenant que de répondre à quelques objections qui ont été faites sur l’objet en discussion.

Le point concernant la redevance proportionnelle à établir pour les propriétaires de la surface donne lieu à l’examen de deux questions.

1° La position des propriétaires de la surface vis-à-vis des concessionnaires.

2° La position des propriétaires de la surface entre eux.

Je me propose de discuter successivement ce qui a été dit sur ces deux questions.

Mais puisque l’on est revenu sur la question de propriété, qu’il me soit permis d’ajouter quelques mots à l’appui de mon opinion. Malgré tout ce que l’on a dit, je n’ai pas vu que l’on eût établi que l’Etat était propriétaire des mines. Si l’Etat était propriétaire des mines, ce serait un propriétaire d’une espèce toute particulière, car je ne sais s’il pourrait se donner à lui-même la concession ; du moins je ne vois pas de disposition dans la loi qui lui donne cette autorisation ; ainsi ce propriétaire d’une nouvelle espèce ne pourrait en aucune manière disposer de ce qui lui appartient.

Pour appuyer mon opinion, j’ai invoqué la disposition de l’article 552 du code civil, et d’autres dispositions législatives ; et j’ai pu le faire, je crois, avec autant de fondement que ceux qui ont invoqué le code théodosien, lequel n’a aucun trait à la question, et qui d’ailleurs est loin d’établir que l’Etat serait propriétaire des mines.

J’avais tiré argument de la décision intervenue à l’égard des mines de fer ; j’ai soutenu que ces usines appartenaient au propriétaire de la surface ; la chambre a respecté ce principe, et elle a ajourné ce qui concerne les mines de fer ; décision qui ne peut avoir d’autre motif que le respect au droit de propriété ; car si les mines sont la propriété de l’Etat, pourquoi cet ajournement ? D’autres ont dit que l’on devait déclarer le minerai de fer appartenant au propriétaire de la surface, parce que celui-ci peut l’exploiter, et qu’il ne pouvait en être de même des houilles comprises dans une autre catégorie de mines et qui se trouvent à de très grandes profondeurs ; mais si je consulte la loi, je vois qu’il est des mines de fer en filons, qualifiées mines par l’art. 2 de la loi du 21 avril 1810 ; que l’art. 3 ne déclare minerais que ceux d’alluvion. Ce qui est qualifié mine, est susceptible de concession aux termes de la loi de 1810. Si donc on a ajourné, c’est qu’on a reconnu le droit du propriétaire. Mais, en principe, le droit de propriété s’applique aux autres mines comme aux mines de fer.

Toutefois, nous concevons qu’il y a lieu à concession pour les houilles, parce que le propriétaire ne peut pas toujours les exploiter par lui-même. Mais, de son droit de propriété il résulte qu’il a droit à une indemnité ; et c’est le montant de cette indemnité qu’il s’agit de déterminer.

Vous avez adopté le minimum de 25 centimes par hectare de superficie. Maintenant nous en sommes à déterminer la redevance proportionnelle au produit. La commission propose de la porter à trois p. c. de ce produit net.

On a dit, à l’égard de cette redevance, qu’on ne devait pas l’élever trop haut, parce que plusieurs concessions de mines avaient été faîtes, dans lesquelles de semblables redevances n’avaient pas été stipulées, dans lesquelles on n’avait alloué aux propriétaires qu’une redevance véritablement dérisoire lesquels, comme on l’a observé, ne réclament nullement la redevance qui leur est assignée par la concession. Mais veuillez ne pas perdre de vue que les anciennes concessions, d’après l’article 51 de la loi du 21 avril 1810, sont maintenues à la charge de payer les redevances anciennement stipulées. Ainsi, les anciens concessionnaires ne sont pas dans la position des nouveaux concessionnaires. Et maintenant nous avons à déterminer la redevance pour les concessions qui seront accordées à l’avenir.

J’adhérerais assez volontiers à la proposition qu’a faite en dernier lieu l’honorable rapporteur de la commission de fixer le minimum à un p. c. J’ai déjà fait l’observation que cette redevance proportionnelle à assigner aux propriétaires peut varier d’après la nature et l’abondance de la mine, et d’après les frais qu’elle occasionne ; que, dès lors, on pourrait fixer un minimum.

Cependant un honorable préopinant a fait une observation contre la fixation d’un minimum. Il a dit qu’on ne peut laisser l’incertitude planer sur l’exploitant de la mine ; que cela pourrait jusqu’à un certain point retenir le concessionnaire et l’empêcher de faire les frais de l’exploitation. Mais avant qu’on fasse les travaux, il faut avoir obtenu la concession, et ce serait dans la concession que le conseil des mines fixerait la redevance à un p. c. au moins, ou la fixerait à davantage, s’il résultait de l’instruction et des renseignements fournis au conseil des mines qu’il y a lieu à une redevance plus élevée.

Sous ce point de vue, je ne crains nullement l’arbitraire du conseil ; car il y aurait plus d’arbitraire à fixer un taux absolu qu’à abandonner la fixation du taux au soin du conseil des mines. Il s’élèvera une instruction contradictoire entre le propriétaire et le demandeur en concession. Chacun fera valoir ses moyens, et peut-être parviendra-t-on à se mettre d’accord sur la quotité de la redevance à payer aux propriétaires.

Ainsi je ne crois nullement fondée l’objection élevée contre la proposition de l’honorable rapporteur.

Maintenant je dirai quelques mots relativement à la division que l’on a demandée à l’art. 4 de la loi en discussion et sur la suppression de mots : « L’indemnité sera également répartie entre les propriétaires de la surface, etc. »

Le principale objection qu’on a faite à cette proposition ce serait la difficulté qu’il y aurait de déterminer sous quel terrain l’exploitation a lieu. Je crois avoir déjà répondu à cette difficulté dans une précédente séance, lorsque j’ai invoqué les articles 51 et 53 de la loi de 1810, qui maintiennent les anciennes redevances en faveur des propriétaires : cependant ces redevances se paient au propriétaire sous le fonds duquel on exploite. On vérifie quel est le fonds pour la payer. La difficulté n’est donc pas insurmontable pour déterminer sous quel terrain l’exploitation a lieu.

Mais on a dit : Vous ouvrez l’exploitation dans une parcelle de terre ; on ne paiera la redevance au propriétaire de cette parcelle que déduction faite des premiers frais de l’exploitation. Alors les autres propriétaires, sous le terrain desquels se fera l’exploitation, profiteront de ces premiers frais payés sur le produit de la première partie de la mine exploitée. J’avais demandé des renseignements sur ce point, pour savoir quelles étaient les intentions du gouvernement et de la commission. Mais il ne m’a pas été répondu, quoi qu’on ait tiré des faits que j’avais signalés un argument pour me répondre.

J’avais demandé si l’on déduirait, pour déterminer le produit net, tous les frais d’exploitation ou seulement les frais journaliers qu’occasionne l’exploitation d’une mine.

Si l’on déduit seulement les frais journaliers d’exploitation, l’argument viendrait totalement à cesser, tandis que si l’on déduit également les frais des premiers travaux de la mine, l’argument de l’honorable préopinant pourrait paraître plus spécieux. Mais on peut se demander dans ce cas comment le calcul s’établirait pour fixer le produit net ; et si l’on admettait que tous les travaux préparatoires doivent être déduits, alors il n’y aurait de produit net qu’au bout d’un assez long terme ; car il pourrait arriver qu’il eût été fait de très grands travaux. On aurait donc dû définir d’une manière plus exacte ce que l’on doit entendre par produit net, et si l’on doit déduire du produit net les frais des travaux préparatoires. Mais, même en ce cas, on pourrait faire une répartition proportionnelle.

Il est encore une circonstance qui serait de nature à ne pas faire admettre la proposition formulée dans le projet de loi : seulement il y aurait alors un calcul à faire pour déterminer le produit net revenant à chacun ; car je vois dans la loi du 21 avril 1810 (art. 6) que « l’acte de concession règle les droits du propriétaire de la surface sur le produit des mines concédées. » D’après cet article, c’est sur le produit de la mine située sous le fonds du propriétaire de la surface qu’on doit régler les droits du propriétaire et non sur le produit de la mine située sous d’autres propriétés ; or, il peut arriver qu’une mine soit abondante sous une propriété, et qu’elle produise fort peu sous une autre propriété. Cependant, les propriétaires, sous le fonds desquels la mine produira peu ou beaucoup, verraient leurs droits réglés de la même manière. Cela n’est pas juste d’après l’art. 6.

Je sais que l’art. 42 avait disposé que les droits du propriétaire de la surface seraient réglés en une somme fixée par l’acte de concession. Il serait peut-être assez difficile de concilier les articles 6 et 42. Mais ici, puisqu’on adopte le système d’un droit assigné au propriétaire, fixé à un tantième du produit net, il me semble que c’est sur le produit de la mine située sous la propriété de chacun que ce droit doit être fixé.

Je ferai encore une observation, c’est que, par la surveillance qui devra s’établir on pourra s’assurer d’autant mieux sous quel terrain a lieu l’exploitation. Si on assigne au propriétaire de la surface un tantième du produit de la mine située sous son terrain, ce sera encore un moyen de surveiller les exploitations de mines.

D’un autre côté, le périmètre de chaque concession est fixé par l’acte de concession. Mais ne pourra-t-il pas arriver que si une mine est abondante, on ira en dehors du périmètre de la concession, on exploitera sous un terrain qui n’est pas dans le périmètre de la mine et qui ne sera même dans aucune concession ? Cela peut arriver.

Dans ce cas quelle sera la quotité que pourra réclamer le propriétaire de la surface sous le terrain duquel on exploitera hors du périmètre de l’exploitation ?

En définitive il serait injuste d’accorder indistinctement aux propriétaires de la surface les mêmes droits sur les produits. On doit les leur accorder qu’autant que l’on a exploité sous leur terrain, et à concurrence de ce qu’on y a exploité. Décider le contraire, ce serait proclamer une injustice. Et les difficultés qu’on a objectées, qui ne touchent pas d’ailleurs au fond du droit, ne sont pas telles qu’on ne puisse déterminer les droits des divers propriétaires.

Je pense donc qu’il ne faut pas s’écarter de ce que la justice exige, et qu’il y a nécessité d’attribuer aux propriétaires de la surface une redevance différente, d’après les produits de la mine exploitée sous leur propriété.

M. Jullien. - Nous donnerons son discours. (Note du webmaster : ce discours n’a pas été retrouvé dans les Moniteur suivants)

M. Raikem. - Nous donnerons son discours. (Note du webmaster : ce discours n’a pas été retrouvé dans les Moniteur suivants)

(Moniteur belge n°131, du 10 mai 1836) M. Fallon. - Ma proposition n’exclut pas celle de M. Gendebien à laquelle je me rallie, mais je voudrais qu’elle fût rédigée de la manière suivante :

« La redevance proportionnelle est fixée à un minimum de 1 p. c. sans pouvoir excéder 3 p. c., etc. »

M. Gendebien. - J’adhère à ce changement.

- Cet amendement ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Fallon qui est ainsi conçu :

« Cette indemnité est également répartie entre les propriétaires de la surface en raison de la contenance de la superficie des terrains appartenant à chacun d’eux, telle qu’elle est indiquée dans le plan de concession. »

- Cette disposition est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Nous passons au dernier paragraphe, qui est ainsi conçu :

« Aucun recours n’est admis contre l’évaluation du produit net, telle qu’elle a été déterminée par le comité d’évaluation. »

Sur la proposition de M. Jullien, la commission propose de remplacer ce paragraphe par la disposition suivante :

« Les parties intéressées qui se croiront lésées par les décisions du comité d’évaluation, pourront recourir au gouvernement, qui statuera définitivement sur l’avis du conseil des mines. »

M. Fallon, rapporteur. - Je suis le membre qui dans la commission s’est abstenu de voter sur la proposition de l’honorable M. Jullien. J’en ai agi ainsi, parce que j’ai craint que dans la pratique cette disposition ne donnât lieu à des inconvénients insurmontables. Depuis lors, j’ai médité cette disposition, et je me suis convaincu que mes craintes étaient fondées.

La loi veut qu’on procède pour l’évaluation du produit net des mines comme en matière de contribution, et le rôle ainsi formé est rendu exécutoire par le gouvernement.

L’honorable M. Jullien demande qu’on puisse se pourvoir contre le chiffre fixé par le comité d’évaluation. Si vous adoptiez ce système, vous dérangeriez tout le système admis en matière de contributions. Quand on a des réclamations à faire contre le chiffre auquel on est imposé, c’est à la députation provinciale qu’on demande soit des dégrèvements, soit les rectifications qu’on croit nécessaires sur le rôle qui a été fait ; c’est donc la députation qui juge les réclamations de cette nature ; une fois que la députation des états a jugé en matière de contributions, aucun recours n’est ouvert. Si vous voulez établir une autre procédure, il faut changer celle que le décret de 1811 a instituée ; car vous ne pouvez pas admettre le concours de deux législations, l’une pour la fixation de la redevance à payer à l’Etat, et l’autre pour la fixation de la redevance proportionnelle à payer au propriétaire de la surface. Ceci, comme vous sentez, présente un grave inconvénient, car le produit net doit être le même pour la perception du droit de l’Etat et pour la redevance à payer au propriétaire de la surface. Il faut donc révoquer la procédure établie par le décret de 1811.

Comme je viens de le dire, la députation des états juge souverainement en matière de contributions. Il n’y a pas de recours.

Voila les observations que j’avais à présenter sur l’amendement de M. Jullien. Il est évident que dans l’exécution il présentera beaucoup d’inconvénients.

Il est un cas dont l’amendement ne parle pas, c’est celui où il y a abonnement. D’après la loi, le revenu net peut se fixer et se fixe presque toujours par voie d’abonnement. C’est le comité d’évaluation qui fixe cet abonnement. Eh bien, lorsque le comité d’évaluation aura fixé le revenu net d’une mine par voie d’abonnement, que ferez-vous ? Vous ne voudrez pas vous en rapporter à cette fixation pour la redevance au profit du propriétaire ? Vous allez créer des procédures à l’infini. Pour rester dans le système de la loi qui n’a pas présenté d’inconvénients, vous devez renoncer à votre amendement et rétablir la proposition de la commission ; sans cela vous allez faire intervenir deux législations sur le même objet.

M. Jullien. - Messieurs, un principe a été développé dans une pétition qui a été imprimée et distribuée à la chambre au commencement des débats sur cette loi, et dans laquelle nous avons trouvé que les pétitionnaires, qui sont les principaux exploitants du pays, formaient de justes plaintes contre les évaluations du produit net faites par le comité d’évaluation : ils trouvaient très singulier qu’on n’établît aucun recours contre ces évaluations ; ils disaient que les propriétaires et les parties intéressées souffraient quelquefois de grands préjudices des estimations du comité.

Vous venez adopter le principe que le propriétaire recevra un indemnité de 1 à 3 p. c. ; ainsi l’évaluation du produit net, d’où doit résulter l’indemnité, intéresse le propriétaire aussi bien que le concessionnaire, puisque l’indemnité sera diminuée en raison de l’infériorité de l’évaluation ; alors pourquoi ne pas pouvoir en appeler au gouvernement quand on pense qu’il y a lésion ? Cet appel est une garantie de plus.

On a parlé des inconvénients qui seraient la suite d’un tel appel à cause de la procédure ; mais si cette procédure présente de graves inconvénients, la chambre en fera justice, et cette difficulté ne saurait empêcher d’appliquer un remède au mal. Il faut que l’on en appelle au gouvernement, qui déciderait sur l’avis du conseil des mines. Au reste, les justiciables ne sont pas faits pour la procédure, c’est la procédure qui est faite pour les justiciables. Une fois le principe de l’appel des évaluations du comité admis dans la loi, il faudra bien trouver le moyen de le mettre à exécution. Je n’aperçois pas là-dedans de difficulté sérieuse.

Je maintiens mon amendement, et la chambre en décidera.

M. le président. - Voici un amendement que vient de déposer M. Gendebien :

« Les parties intéressées qui se croiraient lésées par les décisions du comité d’évaluation, tant par l’exécution de l’article ... de la loi de 1810 que du présent article, pourront recourir au gouvernement, qui statuera définitivement sur l’avis du conseil des mines. »

M. Gendebien. - Il me paraît que nous sommes déjà d’accord avec l’honorable M. Fallon, d’après ce qu’il vient de dire à la lecture de mon amendement. La chambre me dispensera donc d’entrer dans de longs détails.

Le comité d’évaluation était appelé à établir la cote de chaque exploitant dans la contribution exigée pour les dépenses du génie et de l’administration des mines.

Il y a pour cet objet une procédure que l’on peut laisser subsister pour les deux contributions. Ce même comité va être appelé à établir la cote de contribution de un à trois p. c., en faveur des propriétaires de la surface, comme il fait jusqu’ici pour la contribution administrative de 2 1/2 p. c. Car c’est sur le produit net que se font les prélèvements. Eh bien, puisque la mission du comité est la même dans les deux cas, pourquoi ne pas appliquer les mêmes règles à l’un et à l’autre ? Je ne vois pas plus de difficulté à recourir en appel pour le second que pour le premier.

Le gouvernement statuera sur l’avis du conseil des mines selon le système de la commission, ou sur l’avis des tribunaux selon mon système ; et il me semble que mon amendement remplit le but qu’on se propose.

On ne peut se dissimuler qu’il n’y ait des injustices commises dans les estimations du comité d’évaluation ; c’est, en effet, une chose qui n’est pas facile à déterminer que le produit net d’une mine ; c’est, pour ainsi dire, par la commune renommée que se font les évaluations ; on s’en rapporte aussi à la délicatesse des exploitants, aux avis des ingénieurs... Mais on comprend combien il peut résulter d’erreurs en procédant ainsi ; alors pourquoi ne pas recourir à une autorité supérieure pour faire redresser des erreurs toujours faciles dans des opérations de cette nature ? Il y a des sociétés charbonnières qui paient annuellement 2,700 fr. à 3,000 fr. ; la chose est importante comme vous voyez.

M. Fallon, rapporteur. - L’amendement de M. Gendebien est certainement mieux que celui qui a été proposé par M. Jullien, parce qu’il lève une partie des inconvénients que j’ai signalés, puisqu’il n’y aurait qu’une règle de procédure. Toutefois il reste encore des difficultés extrêmement graves que cet amendement ne lève pas. Par exemple, le comité d’évaluation, après avoir admis un abonnement pour un propriétaire, imposera-t-il cet abonnement aux autres propriétaires de la surface s’il ne leur convenait pas, ou s’ils prétendaient qu’il n’est pas proportionnel au revenu net ?

Voici encore un autre inconvénient.

Vous dites que le gouvernement ne statuera que sur l’avis du conseil des mines : mais le conseil a beaucoup de besogne, et vous allez l’augmenter. Dans le périmètre d’une concession il peut y avoir cent parties intéressées ; il faudra donc que le conseil des mines fasse cent rapports, car il en devra un sur chaque réclamation. Je ne vois pas comment une affaire pourra être jamais terminée.

M. Gendebien. - Messieurs, je n’aperçois pas trop les inconvénients que signale M. Fallon ; je sais que tous ces inconvénients, si tant est qu’il y en ait, disparaîtraient devant l’arbitraire : l’arbitraire ne souffre pas de réclamations ; c’est là son essence ; mais si vous voulez de la justice, il faut écarter l’arbitraire et admettre la discussion de tous ces genres de réclamations.

On a parlé d’abonnements ; qu’est-ce que les abonnements ? ce sont des propositions faites par les exploitants, visées par le comité d’évaluation, et agréées ou rejetées par les autorités désignées par la loi. Mais qu’on opère par abonnement ou par évaluation proportionnelle, c’est la même chose ; car c’est toujours sur la déclaration de l’exploitant, déclaration appréciée par le comité d’évaluation, que s’établit l’abonnement ou la redevance.

Mais je suppose que l’amendement fasse disparaître les abonnements. Ce ne serait pas un mal aussi grand que celui de repousser toutes les réclamations, car ce serait un déni de justice, ce qu’il y a de plus odieux.

On a dit d’un autre côté qu’il y avait beaucoup de propriétaires dans le périmètre d’une concession, et qu’ainsi les réclamations devraient être nombreuses, ce qui surchargerait le conseil des mines. Mais, quel que soit le nombre des réclamations, elles ne donneront toutes à résoudre qu une seule question, à savoir quel est le produit net : le nombre des intéressés ne fait ici rien à l’affaire.

Je conviens que quand il y a cent intéressés, les chances de réclamations sont plus nombreuses ; cependant il faut considérer aussi que quand il y a cent propriétaires dans un périmètre, l’intérêt de chacun est moins grand, et par conséquent ils sont, sous ce rapport, moins intéressés, et ils seront moins disposes à réclamer.

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas repousser tout recours ; il faut toujours donner ouverture à justice à l’homme qui se plaint.

Dans les premiers moments il y a beaucoup de plaintes ; il est clair que par la suite les intéressés comprendront que les évaluations ont été portées à peu près à leur taux, et les plaintes diminueront ; si on agit autrement, ceux qui n’auraient aucun motif de se plaindre, se croiront en droit de se plaindre, précisément parce qu’on ne veut pas les entendre.

M. Pirmez. - Il faut remarquer, messieurs, qu’il ne s’agit pas ici d’une somme payée à l’Etat par un particulier, mais d’une somme que reçoit un particulier et que donne un autre particulier. Il y a une très grande différence entre ces deux positions. Car, on ne peut charger l’un sans que l’autre en profite. Sous ce point de vue, je pense qu’il y a lieu d’adopter l’amendement de M. Jullien.

M. Jullien. - A entendre l’honorable M. Fallon, le sous-amendement de M. Gendebien ne vaudrait guère mieux que mon amendement ; et il faudrait rejeter ces deux propositions. Cependant, je n’ai pas été touché des raisons qu’il a données pour repousser mon amendement et le sous-amendement de M. Gendebien.

Il y aura, dit-on, peut-être cent propriétaires qui viendront réclamer. Je reconnais que tous les propriétaires seront lésés, ou que personne ne le sera. Comme la détermination de l’évaluation sera uniforme, il est certain que si on lèse un propriétaire, on les lèse tous. Mais les propriétaires qui se croiront lésés par le comité d’évaluation pourront adresser leur recours au gouvernement, qui le soumettra à l’avis du conseil des mines.

C’est toujours la crainte de déranger la procédure actuelle qui préoccupe l’honorable M. Fallon. Mais cela ne me donne pas le moindre embarras. Je dérangerais 50 procédures plutôt que de déranger un droit.

Pour les concessions et les réclamations à ce titre, comme on l’a fort bien fait observer, il y a une marche certaine. Si le comité d’évaluation a fixé arbitrairement les évaluations, il y a le recours à l’autorité supérieure. Une fois que ce principe sera dans la loi, le gouvernement trouvera bien moyen d’en organiser l’exécution.

Au reste, pour ne pas faire perdre un temps précieux, je me rallie au sous-amendement de M. Gendebien, c’est-à-dire à l’article tel qu’il l’a rédigé. Vous m’avez pris une partie du mien ; je vous prend à mon tour une partie du vôtre (on rit), et nous ferons de tout cela un seul et même amendement.

M. Fallon, rapporteur. - L’honorable M. Gendebien a eu l’air de m’accuser de vouloir établir l’arbitraire. Je le prie de croire que je ne veux pas plus l’arbitraire que lui. D’ailleurs, ma proposition n’a rien d’arbitraire. Le comité d’évaluation fait son rôle. Si on n’est pas content de son rôle, on se pourvoit devant la députation provinciale qui juge. Ensuite le conseil, tel qu’il est organisé par la nouvelle loi, sera composé d’hommes qui méritent toute votre confiance. Vous n’avez pas à craindre qu’il use d’arbitraire dans ces matières.

J’ai dit que les amendements proposés dérogeaient à la procédure établie par le décret de 1811. Vous dérangez notamment la procédure établie pour les abonnements par l’article 34 de ce décret. Je veux bien qu’on change la procédure, mais alors qu’on en établisse une nouvelle. Sans cela il est certain que, dans l’exécution, il y aura de grands inconvénients.

Vous autorisez le recours ; mais à coup sûr le recours ne doit profiter qu’à ceux qui le forment. Il y aura alors deux évaluations. Si vous voulez, au contraire, qu’il n’y ait qu’une évaluation, dites que le changement apporté à l’évaluation par suite de la réclamation de certains propriétaires profitera aux propriétaires qui n’auront pas réclamé.

M. Gendebien. - Je ferai remarquer d’abord à la chambre que l’article 54 est relatif aux abonnements seuls, et que la procédure que l’on se fait si grand scrupule de déranger ne réglait que les cas d’abonnement ; cette procédure d’ailleurs ne peut plus être suivie aujourd’hui, puisque, lorsqu’il s’agissait de recourir au ministre, il ne pouvait disposer que sur l’avis du directeur général. Or, il n’y a plus de directeur général. Que le conseil des mines soit appelé à remplacer le directeur général, je le veux bien ; mais encore faut-il le dire dans l’article qu’on veut introduire dans la loi, si on ne veut encourir le reproche qu’on nous adresse de ne présenter qu’une disposition incomplète.

Au surplus, si on trouve la disposition juste pour les cas d’abonnement, pour les cas qui dépassent 3,000 fr. ou même seulement 1,000 fr., d’après l’observation que je viens de faire, je ne vois pas pourquoi elle ne le serait pas également pour les sommes inférieures. Vous connaissez l’adage proverbial : Pour un oeuf comme pour un boeuf ; ce qui est reconnu juste pour les affaires de mille francs et au-dessus, doit être également juste pour des sommes moindres, car la justice est une, elle a les mêmes règles pour les petites comme pour les affaires de la plus grande importance.

Il faudrait aussi, d’après ce qu’a dit l’honorable M. Fallon, au sujet de la nécessité de compléter mon amendement, changer la rédaction du dernier paragraphe de l’art. 4 en discussion ; car l’article ne parle pas du conseil provincial ; voici son texte :

« Aucun recours n’est admis contre l’évaluation du produit de la mine, telle qu’elle est déterminée par le comité d’évaluation. »

Il ne s’agit donc pas de députation provinciale. Si vous invoquez la députation provinciale pour repousser mon amendement, il vous faudra aussi changer votre rédaction qui est incomplète. Mais on dit : L’amendement est incomplet. Je le veux bien, mais si vous voulez avoir la faculté de revenir sur cette disposition au deuxième vote, adoptez mon amendement ; car si vous adoptez l’article du projet sans amendement, au deuxième vote vous ne pourrez pas le modifier, bien que vous reconnaissiez vous-mêmes la nécessité de le compléter.

L’honorable M. Fallon ne peut pas supposer que je l’aie cru personnellement disposé à l’arbitraire. J’ai dit que la disposition qu’il propose, que ses observations conduisaient à l’arbitraire. Je crois que cela est palpable pour tout le monde, et qu’il finira lui-même par le reconnaître.

Je crois que vous pouvez adopter l’amendement proposé par M. Jullien tel que je l’ai complété. Si, d’ici au deuxième vote, on croit qu’il y a lieu de revenir sur cette disposition ou sur l’article en discussion, on pourra le faire.

Mais vous ne pouvez adopter définitivement le dernier paragraphe de l’art. 4, quand le rapporteur lui-même est forcé de reconnaître qu’il est incomplet.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Dans la pensée de la commission et du gouvernement, le moyen établi pour constater le produit net donnait toute espèce de garantie. Néanmoins l’honorable rapporteur de la commission convient que la rédaction du projet ne rend pas clairement cette pensée, que le texte n’admet pas le recours devant la députation provinciale ; d’un autre côté l’honorable M. Gendebien paraît disposé à se contenter de ce recours.

Je pense qu’il serait plus prudent d’imprimer les amendements, et de remettre à demain pour prononcer sur l’amendement de M. Gendebien et sur le nouvel amendement qui pourra être présenté sur l’art. 4 par l’honorable M. Fallon.

M. Gendebien. - Je ne m’y oppose pas. Qu’on fasse imprimer les amendements.

- La chambre ordonne l’impression des amendements.

M. Fallon annonce qu’il aura un nouvel amendement à proposer au dernier paragraphe de l’article 4.

- L’impression de cet amendement est également ordonnée.

La séance est levée à 4 heures 3/4.