(Moniteur belge n°117, du 26 avril 1836, Moniteur belge n°118, du 27 avril 1836 et Moniteur belge n°119, du 28 avril 1836)
(Moniteur belge n°117, du 26 avril 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure et demie.
M. Schaetzen lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« La chambre de commerce et des fabriques de la ville de Bruges adresse de nouvelles observations sur le projet de loi relatif aux primes pour construction de navires. »
« Des propriétaires fonciers des communes de Boignée, Balatre, St-Martin, Lygny, Tongrinne, Bothey et Sombreffe adressent des observations contre le projet de loi relatif aux mines. »
« Le sieur Boisseau demande qu’il soit introduit dans la loi sur les mines une disposition qui dispense tous les demandeurs en concession qui ont rempli les formalités voulues par les lois existantes, et ce avant les événements de 1830, de remplir celles que tracerait la loi future. »
« Des propriétaires des ardoisières de la Géripont et Herblemont adressent des observations contre le projet tendant à diminuer les droits sur les ardoises françaises. »
« Le sieur A. A, De Jong, né à Harlem, domicilié à Anvers, et commandant le navire belge, la Diane, demande la naturalisation. »
« La régence de Roulers demande un subside pour l’achèvement du pavé d’Ypres à Passehendaele. »
« La régence de Zonnebeke, district d’Ypres, fait la même demande. »
« Un grand nombre d’habitants et de propriétaires de Ruremonde et de l’arrondissement demandent la construction d’une route depuis la frontière de Prusse à Karckem jusqu’à Wert, en passant par Ruremonde et Horne. »
- Conformément aux antécédents de la chambre, les pétitions qui sont relatives au projet de loi sur les mines resteront déposées sur le bureau pendant la discussion de ce projet.
Celles qui concernent la construction des routes sont renvoyées à M. le ministre de l’intérieur.
Celle du sieur De Jong, qui demande la naturalisation, est renvoyée au ministre de la justice.
Les autres sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre des explications qu’elle lui avait demandées, au sujet de deux pétitions de propriétaires de minerai de fer, qui demandent la levée de la prohibition à la sortie sur ce produit, et sa libre exportation.
- Pris pour notification.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’art. 8 du projet et les amendements qui s’y rapportent, par suite de la décision que la chambre a prise de commencer par là.
L’art. 8, tel qu’il est proposé par le gouvernement, porte :
« Il ne pourra être accordé de concession pour les mines ou minerai de fer que dans les cas suivants :
« 1° Si l’exploitation à ciel ouvert cesse d’être possible.
« L’exploitation à ciel ouvert de la mine ou minerai de fer s’applique au cas où, sans l’aide d’aucune arène, l’extraction se pratique à bras d’hommes, par puits et galeries ;
« 2° Si l’exploitation à ciel ouvert, quoique possible encore, doit durer peu d’années et rendre ensuite impossible l’exploitation régulière par travaux d’art. »
La commission propose la rédaction suivante :
« Il ne pourra être accordé de concession pour les mines ou minerai de fer que dans les cas suivants :
« 1° Si l’exploitation à ciel ouvert cesse d’être possible.
« 2° Si l’exploitation à ciel ouvert, quoique possible encore, doit durer peu d’années et rende ensuite impossible l’exploitation régulière par travaux d’art.
« Est considérée comme exploitation à ciel ouvert celle dont les travaux s’exécutent par tranchée ou par puits et galeries.
« Il en est de même de l’exploitation pratiquée à l’aide d’une arène, lorsque les travaux ne s’étendent pas au-dessous de cette arène et que celle-ci est établie de concert avec les propriétaires des fonds sous lesquels elle passe. »
M. Pirmez propose de rédiger l’article comme suit :
« Il ne pourra être accordé de concession pour les mines ou minerais de fer. »
« La loi sera révisée sous ce rapport dans dix ans. »
M. Desmanet de Biesme propose d’ajouter à l’article 8 un paragraphe additionnel ainsi conçu :
« Ces dispositions sont applicables aux propriétaires des terrains compris dans les concessions accordées antérieurement à la présente loi. »
Et d’insérer dans la loi l’article nouveau suivant qui formerait l’art. 9 :
« Dans les cas où les propriétaires voudraient continuer les fouilles ou extractions de mines ou minerai de fer qui s’exploitent à ciel ouvert déjà commencées par les concessionnaires, ils seront tenus de rembourser à ces derniers les dépenses qu’ils justifieront légalement avoir faites pour parvenir auxdites extractions. »
M. Seron. - Messieurs, c’est à l’avarice et à la cupidité des tyrans qu’est due la distinction bizarre d’une propriété du fonds et d’une propriété du tréfonds. Ils ont laissé à leurs sujets la jouissance de la première et se sont réservé la disposition de la seconde. D’abord, ils ne voulurent s’approprier que l’argent et l’or ; plus tard ils étendirent leur main rapace sur le cuivre, l’étain, le plomb, le charbon de terre. En France, avant la révolution, il était reçu que tout ce qu’on pouvait tirer des mines faisait partie des domaines du Roi et appartenait à sa majesté, tant dans ses terres que dans celles des particuliers.
L’assemblée constituante adopta d’autres principes ; elle mit les mines au nombre des propriétés nationales et les déclara concessibles. Elle eût mieux fait, à mon avis, de les regarder comme une dépendance du fonds, comme appartenant au propriétaire de la surface, et de laisser aller l’industrie. Ces richesses souterraines n’eussent pas été perdues ; l’expérience aurait prouvé que, pour les faire sortir de la terre, il suffisait des besoins de la société et que l’intervention du pouvoir était inutile. Mais du moins la loi du 28 juillet 1791 mit au principe sur lequel elle repose des limitations telles que, dans l’exécution, il ne put devenir une source d’abus.
Cependant le ministre de l’intérieur, dans l’exposé des motifs du projet de loi soumis en ce moment à vos délibérations, prétend que cette loi a été reçue en Belgique avec beaucoup de défaveur ; qu’au contraire on a regardé comme un bienfait la loi du 21 avril 1810 dont les dispositions, dit-il, en accordant la propriété du dessous aux concessionnaires ; a réparé l’injustice de la loi précédente et encouragé l’entreprise de travaux gigantesques qui assurent la bonté de l’exploitation et excitent l’admiration générale. Il ajoute que la suspension de cette loi a nui à un très grand nombre d’exploitations anciennes.
Le ministre ne dit pas si ces réflexions concernent uniquement les mines de houille, ou s’il entend aussi les appliquer aux mines de fer. Dans le premier cas, je ne sais à quel point elles pourraient être vraies. Mais, dans le second cas, elles sont tout à fait dénuées de fondement, ainsi que le prouveront les détails dans lesquels je vais entrer.
Suivant les règlements et les usages anciens, le droit d’extraire le minerai de fer a constamment appartenu à tout habitant, à la charge soit d’indemniser le propriétaire du terrain si les fouilles étaient infructueuses, soit de l’admettre dans le partage des produits quand elles réussissaient. La charte des ferons, donnée par Guillaume, comte de Namur, en 1345, nous apprend que, longtemps avant cette époque, l’indemnité attribuée au propriétaire, sous le nom de terrage, s’élevait au dixième de la valeur des mines extraites. Le temps et l’habitude avaient imprimé une telle sanction, une telle force à ces usages, ils étaient si profitables au propriétaire du terrain et au mineur, que, de mémoire d’homme, ils n’ont fait naître entre eux aucune difficulté sérieuse.
Au reste, les concessions de mines de fer étaient inconnues, et je ne vois pas qu’il en soit fait la moindre mention ni dans cette charte des ferons, ni dans l’édit du roi d’Espagne du 24 octobre 1635, par lequel elle est renouvelée, ni dans le recueil de Louvrex, ni enfin dans aucun édit, règlement ou placard antérieur à l’introduction des lois françaises dans la Belgique.
La publication (en brumaire an 4) de la loi du 28 juillet 1791 n’apporta aucune modification à cet ordre de choses ; nulle concession ne fut demandée, et le mode ancien d’exploitation continua d’être pratiqué. Au fait, cette loi n’y mettait pas obstacle, puisqu’elle laissait au propriétaire de la surface la jouissance des mines susceptibles d’être exploitées ou à tranchée ouverte ou avec fosse et lumière jusqu’à la profondeur de 100 pieds.
C’est de 1810 que datent les premières demandes en concession ; elles furent l’ouvrage d’un sieur Debehr, négociant à Givet, et parurent quelque temps après la publication de la loi d’avril. Mais les maîtres de forges s’y opposèrent d’un commun accord et parvinrent à les faire rejeter. Alors ils les regardaient comme inutiles, parce que le mode d’extraction en usage suffisait pour l’alimentation de leurs usines ; ils les croyaient nuisibles au commerce, à la classe laborieuse et aux consommateurs par le monopole qu’elles tendaient à établir ; ils les prétendaient même contraires à l’esprit de la loi sainement entendue, en ce que, disaient-ils, le pays ne renfermait que des mines d’alluvion.
On peut voir comme ils étaient et développent leur opinion sur ces différents points dans les volumineux mémoires qu’ils imprimèrent à cette époque, et que feu M. Wasseige, de Namur, leur fondé de pouvoirs, fut chargé de présenter en leur nom à l’empereur. La chambre a entendu, dans sa séance du 29 juin 1832, M. Poschet, l’un de ses membres et maître de forges lui-même, confirmer tous ces faits. Les maîtres de forges, entre autres choses, disait-il, se sont constamment prononcés contre les concessions ; toujours ils se sont attachés à en faire ressortir les inconvénients, « jamais ils n’en ont reconnu la nécessité ni pour eux ni dans l’intérêt public. »
Il appartenait au roi Guillaume de mettre en pratique, à sa manière, des dispositions dont le gouvernement de Bonaparte avait jugé l’application à nos mines de fer impossible ou désastreuse ; il lui était réservé de renouveler les honteux abus reprochés par le rapporteur de la loi d’avril aux ministres français de l’ancien régime ; c’est-à-dire d’accorder des concessions à titre de ratification et de faveur. Ainsi, madame de Beaufort, entièrement étrangère au commerce, à la forgerie, ne possédant ni forge ni fourneau, obtint néanmoins de la munificence royale la concession des mines de fer existant dans les terrains communaux de Florennes ; ainsi des concessions non moins importantes furent octroyées à une foule d’autres privilégiés au nombre desquels, à la fin, on vit figurer des maîtres de forges et notamment feu M. Puissant, de Charleroy, et feu M. François Decartier, de Gerpinne, qui obtinrent les mines de cette dernière commune, sur une étendue de 2,356 bonniers. Mais, si nous en croyons M. Poschet, ses confrères ne se mirent sur les rangs pour avoir part aux faveurs royales que de peur d’en être exclus par des spéculateurs, des monopoleurs étrangers à la forgerie, dont l’avidité menaçait de tout envahir.
Remarquez, messieurs, que toutes les demandes de concessions étaient colorées de beaux et spécieux prétextes. A en croire ceux qui les présentaient, leur but unique était le développement de l’industrie et du commerce. Ils craignaient, pour parler comme eux, qu’on ne laissât « gaspiller » les mines par des extracteurs ignorants ; l’exploitation à bras d’homme était devenue impossible ; les ouvrages allaient être submergés sans remède ; le temps était venu d’abandonner la vieille routine, d’extraire en grand, si l’on voulait empêcher les usines de manquer de matières premières et ne pas les exposer à un chômage prochain. Pour extraire en grand, des travaux considérables, dispendieux, au-dessus des moyens du simple extracteur, devenaient indispensables, urgents ; il fallait des saignées, des assèchements, des tranchées, des galeries d’écoulement, des canaux, des machines à vapeur. Le pétitionnaire se soumettait à exécuter incontinent tous les ouvrages, à peine de déchéance.
Qu’est-il arrivé ? Les concessions ont été prodiguées, mais aucune des conditions stipulées par le cahier des charges n’a été remplie.
Par exemple, madame de Beaufort était tenue d’établir une machine à vapeur de la force de dix chevaux et une galerie d’écoulement afin d’assécher les gîtes métallifères ; sa concession date du 20 mars 1827. Eh bien, à l’heure qu’il est, nulle apparence encore de galerie ni de machine. A la vérité, dans une lettre n°408 du 6 août 1833, M. Durieux, ingénieur des mines du troisième district à Namur, menace madame la duchesse de faire révoquer son acte de concession si elle ne s’exécute. Mais cette lettre était purement comminatoire et pour la forme, elle n’a pas eu de suite.
De leur côté, M. François Decartier de Gerpinne et M. Puissant de Charleroy, ou leurs héritiers après eux, devaient mettre en activité dans les six mois les travaux d’exploitation conformément au plan dressé ; ils devaient exploiter au moyen de puits verticaux et de tailles en gradins, établir une machine à vapeur d’épuisement, porter les travaux à leur plus grande profondeur possible, en aider le développement, assécher la superficie par des galeries d’écoulement. Rien de tout cela n’a été fait ; on n’a mis la main à aucun ouvrage d’art, pas plus à Gerpinnes qu’à Florennes.
Partout ailleurs les gens à concessions se sont conduits de la même manière ; partout ils ont mis impunément de côté les obligations qu’elles leur imposaient ; partout ils ont faussé leurs promesses et se sont joués des dispositions de la loi de 1810 ; partout enfin l’extraction du minerai a continué de s’opérer à bras d’homme comme par le passé ; et, chose remarquable : malgré l’insuffisance prétendue de cet ancien mode d’exploitation, malgré les craintes hypocrites manifestées à cet égard par les nouveaux solliciteurs de concessions, malgré leurs prédictions dérisoires, les usines à fer, bien que le nombre en augmentât de jour en jour, et que la consommation des matières premières devint beaucoup plus considérable ; ces usines, dis-je, continuèrent d’être abondamment approvisionnées.
A qui donc les concessions ont-elles profité ? Au commerce de la forgerie considéré en général ? Non ; car à Florennes, par exemple, les maîtres de forges ont payé plus cher le minerai vendu par les concessionnaires qui ne l’eussent payé vendu directement par l’extracteur : non ; car à Gerpinne le concessionnaire fait extraire seulement à concurrence de sa consommation, et défend à ses ouvriers de vendre du minerai à d’autres maîtres de forges : non ; car dans les autres concessions les mêmes abus se reproduisent. Les concessions ont-elles profité à l’extracteur, dont, par grâce, les concessionnaires veulent bien encore occuper les bras ? Non ; car, désormais payé à la journée ou en raison des matières extraites, il ne reçoit plus qu’un chétif salaire là où naguère, en compensation de ses sueurs et des dangers auxquels l’expose la nature de sa profession, ses bénéfices s’élevaient de 5 à 10 fr. par jour et le mettaient en état de nourrir sa nombreuse famille.
Les concessions ne sont pas non plus profitables à cet autre extracteur maintenant privé de travail et réduit à l’extrême misère, parce que le concessionnaire n’emploie plus que sept ou huit ouvriers dans telle localité où précédemment deux ou trois cents mineurs trouvaient de l’occupation. Elles ne sont pas profitables au propriétaire de la surface car, à moins d’être assez riche pour soutenir un procès long et ruineux contre le concessionnaire chicaneur, il n’obtiendra de lui qu’une indemnité insignifiante, ou il n’en obtiendra même aucune ; et cependant son terrain concédé a perdu la moitié de sa valeur vénale et quelquefois beaucoup plus. Enfin elles ne sont pas profitables au consommateur puisqu’elles sont loin de faire diminuer le prix du fer fabriqué.
En réalité elles sont uniquement avantageuses au concessionnaire. S’il n’est pas maître de forges, il tire du monopole de l’extraction des sommes considérables. S’il est maître de forges, le minerai qu’il fait extraire se consomme exclusivement dans ses usines, il n’en livre pas à ses confrères ; ou bien, s’il ne juge pas à propos d’exploiter pour son propre compte, il laisse faire l’ouvrier. Mais alors le malheureux doit se laisser pressurer à merci. Ainsi, quand le minerai est de bonne qualité, le concessionnaire exige qu’on le lui livre à vit prix ; il le refuse si la qualité ne lui convient pas.
Dans tous les cas, les mineurs lui paient en numéraire ou en nature, à son choix (car il impose les conditions), une redevance proportionnée à la quantité du minerai qu’ils ont arrachée de la terre.
Le voilà donc érigé en seigneur féodal, percevant à titre gratuit, sans souci, sans travail, sans mise de fond, et presque toujours sans indemniser le propriétaire de la surface, un cens considérable, une partie des produits auxquels la raison et la justice disent qu’il n’a aucun droit. Il s’enrichit visiblement aux dépens d’autrui.
Aussi, messieurs, les dispositions de la loi de juillet 1791, en ce qu’elles ont de relatif aux mines de fer, n’ont pas été reçues en Belgique avec défaveur, puisqu’elles y sont demeurées sans exécution et en quelque sorte, ignorées ; ainsi, les dispositions analogues de la loi d’avril 1810 n’ont pu, à aucune époque, être regardées ici, par le public du moins, comme un bienfait, à moins de supposer que les accapareurs, les monopoleurs favorisés par le gouvernement, sont le public ; elles n’ont pas non plus encouragé l’entreprise des travaux gigantesques faits pour exciter l’admiration, puisque nul ouvrage d’art, même le plus simple, n’a été exécuté ; au lieu de réparer des injustices, elles ont au contraire fait naître d’intolérables abus. Enfin leur suspension n’a nui à aucune concession, vu que dans ce pays il n’y avait pas d’ancienne concession de mines de fer.
Les faits que j’ai cités font d’ailleurs sentir l’inutilité des concessions. Mais il en est un autre bien connu et, sur ce point, plus décisif peut-être : il est certain que les personnes auxquelles elles ont été accordées y renonceraient à l’instant même, si on les forçait d’exécuter les ouvrages d’art exigés d’elles par les conditions des cahiers des charges ; preuve que leurs demandes en concession ont été dictées par la cupidité et n’ont pas eu pour objet l’intérêt du commerce. Il y a plus, si toutes les concessions indistinctement étaient abolies, vous verriez tout à l’heure les maîtres de forges en masse, sans en excepter un seul même parmi ceux des environs de Charleroy, mettre à l’écart les sentiments de jalousie qu’elles ont fait naître et avouer comme autrefois qu’elles ne peuvent être que nuisibles au commerce et à la société ; car alors, la libre concurrence remplaçant les privilèges et le monopole, chacun pourrait à un prix raisonnable, approvisionner ses établissements. Alors aussi cesserait de se manifester la crainte imaginaire ou affectée de voir un jour le minerai manquer faute de concessions ; car, quelque soit l’accroissement de la forgerie, nos mines sont assez abondantes, assez riches, assez nombreuses pour l’alimenter sans recourir à des moyens d’exploitation autres que ceux employés jusqu’à présent. Les maîtres de forges n’en doutent pas, et les communes dont le territoire renferme des mines de fer viennent le certifier dans leurs pétitions adressées à la chambre. On paraît craindre, dit celle de Florennes, que le mode d’extraction actuel ne puisse fournir aux besoins de la forgerie. Qu’on se rassure. En parcourant les minières de Florennes et celles des communes avoisinantes, on verra combien le minerai est abondant. Le nombre des fourneaux augmente, il est vrai ; mais le nombre des extracteurs augmente également, et les exploitations s’étendent et donnent des produits bien plus considérables que ceux d’autrefois.
Le gouvernement devrait donc provoquer la déchéance des concessionnaires ; ils l’ont tous encourue puisque nul d’entre eux n’a rempli ses obligations. Mais, au lieu d’adopter cette mesure nécessaire et urgente, propre à contenter tout le monde, les seuls monopoleurs exceptés, il vient à propos de la création d’un conseil de mines, vous proposer la continuation des concessions de mines de fer. Avant de rédiger son projet de loi, il a eu soin, dit-il, de s’entourer des lumières d’hommes expérimentés et capables, Veut-il parler des ingénieurs des mines ? Ils sont naturellement grands partisans des concessions sans lesquelles ils n’auraient rien à faire, et fort portés, on ne le voit que trop, à maintenir celles qui existent ; elles n’ont été accordées que de leur avis. Il a aussi consulté les états provinciaux ; mais comment sont composées aujourd’hui ces administrations ? celle de Namur, dans le ressort de laquelle se trouvent les mines les plus importantes, est réduite à deux membres, MM. Mohimont et Bruno ; encore l’éternel M. Bruno remplit-il les fonctions de gouverneur, lorsque le titulaire assiste aux séances de la chambre.
Le gouvernement aurait mieux fait de consulter les maîtres de forges, mais collectivement. Il aurait dû surtout consulter les administrations locales et même ordonner des enquêtes sur les lieux. Il en aurait recueilli des renseignements précieux que les ingénieurs se sont abstenus jusqu’à présent de lui donner. Par exemple, ils lui laissent croire que le mode d’extraction actuel peut rendre plus tard impossible l’exploitation régulière par travaux d’art ; mais c’est une erreur. Tous les jours les mineurs établissent des puits dans les ouvrages abandonnés même depuis peu de temps, et il ne s’y fait pas plus déboulements que si l’on creusait dans une terre vierge, parce que là où gît le minerai de fer le sol est toujours argileux, en sorte que les terres remuées ne tardent pas à se lier de nouveau et à se raffermir. Les bois pourris trouvés par les extracteurs prouvent que les ouvrages ont été repris à cinq ou six époques différentes.
Le ministère aurait entendu les communes lui dire : « Le minerai de fer se trouve dans nos contrées à une petite profondeur ; il n’est pas besoin de grands travaux soit pour mettre les ouvrages à sec, soit pour en assurer la solidité. Le propriétaire du sol est donc toujours dans la possibilité de livrer au commerce le minerai gisant dans sa terre, sans appeler le capitaliste à son secours. Les propriétés étant fort divisées, il s’établit entre tous les extracteurs une concurrence heureuse dont les industriels profitent sans craindre le monopole que créeraient les concessionnaires. Les concessions auraient ce grave inconvénient que les propriétaires de hauts fourneaux, dont les établissements seraient près de la concession par eux obtenue, fixeraient arbitrairement le prix du minerai qu’ils vendraient à leurs concurrents, et se réserveraient ainsi le monopole du produit dont l’emploi est aujourd’hui de nécessité première. Ce serait donc faire naître deux abus extrêmement dangereux : le démembrement inutile du droit de propriété, et la ruine à bon plaisir du petit industriel livré ainsi à la merci de son concurrent. Ce ne sont pas là de vaines conjectures ; ce sont des vérités prouvées par les faits depuis 1830. » (Pétition de la commune d’Oret.)
Les concessions sont donc préjudiciables au commerce, à la classe laborieuse et au public. Tontes les communes de l’entre Sambre et Meuse les repoussent. Je vais déposer sur le bureau les pétitions que vous adressent celles de Ham-sur-Heure, Marbais, Thy-le-Baudouin, la Neffe, Ligny, Soignée, Tongrine, Balade, Florennes, Saint-Aubin, Ores, Morialmé, Jamiolle, Yves, Biesme-Sous-Thuin, Thuillies, Gerpinne, Villers-Potterie, Mettet, Thy-le-Château, Acoz, Tarcienne, Hauzinelle, Hauzinne et Biesme-Colonaise.
On dira peut-être : La fabrication du fer reçoit chaque jour un nouvel accroissement, par suite de l’augmentation énorme de la consommation, et si l’on renonce à l’exploitation en grand, bientôt le minerai pourra manquer. Je crois ces craintes puériles ; mais, les supposant fondées, il est impossible de savoir, dans l’état actuel des choses, si le minerai de fer est dans l’entre Sambre et Meuse en filons ou veines. Jusqu’à présent on ne l’a trouvé dans les entrailles de la terre qu’en amas ou couches, et toujours à une petite profondeur. Chaque fois qu’on a voulu donner plus de profondeur au bure, on a été arrêté par le roc nommé vulgairement marne, où les amas finissent par une substance terreuse ressemblant au minerai de fer, mais si légère qu’elle surnage sur l’eau. Aujourd’hui que des maîtres de forges se sont réunis en grand nombre pour traiter avec madame Debryas à l’effet d’établir à frais communs dans ses bois une grande exploitation an moyen de machines à vapeur, il est raisonnable d’attendre les résultats de leurs essais pour savoir si l’on peut espérer de trouver le minerai en veines ou en filons. Jusque-là les concessions sont inutiles ; le temps nous apprendra si elles deviendront nécessaires. En d’autres termes, l’expérience nous manque entièrement, il faut avant tout l’acquérir.
Mais, tandis que je parle, voici dix maîtres de forges qui s’élèvent eux-mêmes contre les concessions, affirmant que leur opinion, si elle n’est celle de tous leurs confrères, se trouve du moins partagée par le plus grand nombre, sans excepter même les concessionnaires maintenant effrayés des suites désastreuses qu’elles peuvent avoir pour le commerce. Il ne reste donc plus que quelques grands établissements, demandeurs en concessions, qui tiennent encore à l’exécution de la loi d’avril.
Ce ne sera pas pour eux, messieurs, que vous ferez une loi. Vous craindrez que l’adoption des dispositions de l’article 8 du projet ne mette les grands établissements en situation d’anéantir les petits.
Par ces considérations j’ai l’honneur de proposé l’amendement suivant :
« Jusqu’à ultérieure disposition, il ne sera accordé aucune concession de mines de fer. »
Avant de finir, messieurs, je vous demanderai la permission de lire la pétition des maîtres de forges de Charleroy ; elle est ainsi conçue : (suit le texte de cette pétition, non reprise dans la présente version numérisée).
(Moniteur belge n°118, du 27 avril 1836) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, il ne s’agit pas ici de décider que le gouvernement pourra, en accordant la concession de mines, dépouiller le propriétaire du sol des richesses minérales que ce sol renferme, lorsque le propriétaire pourra les exploiter, soit par lui-même, soit au moyen d’une association ; mais il s’agit de décider si les richesses minérales que le propriétaire du terrain qui les renferme ne peut atteindre, ni par ses propres ressources, ni en s’associant avec ses voisins, devront rester enfouies dans la terre, ou si elles pourront être livrées au commerce dans l’intérêt général ; il ne s’agit en un mot que de décider si le gouvernement pourra concéder les mines lorsque la concession sera indispensable, lorsque, pour les exploiter, il sera nécessaire d’établir à grands frais des machines à vapeur, des galeries d’écoulement, que le propriétaire ne sera pas en état de construire. Voilà, messieurs, la question que vous avez à résoudre, et, ainsi posée, la solution n’en peut être douteuse ; ce n’est pas le principe qui est en discussion, c’est plutôt l’application du principe.
On a dit que le gouvernement précédent a abusé de la loi du 21 avril 1810, et que des abus de même nature pourraient encore avoir lieu à l’avenir : cette assertion, quant aux abus futurs, ne repose sur aucun fondement ; elle est entièrement basée, et, dans mon opinion, elle n’est pas soutenable. En effet, il suffit de comparer le texte de la loi du 21 avril 1810 avec celui du projet en discussion, pour être convaincu que les abus qui ont pu se commettre sous l’empire de la loi de 1810 ne pourraient plus avoir lieu sous l’empire de la loi nouvelle.
Il faut d’abord faire attention que le projet institue un conseil des mines pour prononcer sur des questions qui, sous le gouvernement précédent, étaient décidées par le conseil d’Etat, dont les membres étaient, pour la plupart, entièrement étrangers à la connaissance de ce qui concerne les mines. En outre, le texte de la loi de 1810 a puissamment contribué au décisions qui ont été prises sous l’ancien gouvernement ; car il faut bien reconnaître que, d’après ce texte, le gouvernement pouvait se croire pleinement dans son droit lorsqu’il accordait des concessions de mines de fer, et que ce n’est que parce que l’usage avait donné à la loi de 1810 une interprétation contraire au sens littéral du texte de cette loi, mais plus conforme au but que le législateur s’était proposé, qu’on a pu dire que le gouvernement précédent avait violé la loi de 1810. On a reproché au gouvernement hollandais d’avoir accordé la concession de mines de fer qui dans l’opinion de quelques membres n’étaient pas concessibles, tandis que le gouvernement soutenait qu’elles pouvaient être concédées, parce que l’exploitation s’en faisait au moyen de puits, de galeries d’écoulement ; et il avait raison, car voici ce que disent à cet égard les art. 68 et 69 de la loi de 1810 :
« 68. Les propriétaires ou maîtres de forges ou d'usines exploitant les minerais de fer d'alluvion, ne pourront, dans cette exploitation, pousser des travaux réguliers par des galeries souterraines, sans avoir obtenu une concession, avec les formalités et sous les conditions exigées par les articles de la section première du titre III et les dispositions du titre IV. »
Ainsi, du moment que le propriétaire du sol devait avoir recours à des galeries pour l’exploitation de la mine, dès ce moment cette exploitation lui était interdite aux termes de l’art. 68 de la loi de 1810.
L’art. 69 ajoute :
« Il ne pourra être accordé aucune concession pour minerai d'alluvion ou pour des mines en filons ou couches, que dans les cas suivants :
« 1. Si l'exploitation à ciel ouvert cesse d'être possible, et si l'établissement de puits, galeries et travaux d'art est nécessaire ;
« 2. Si l'exploitation, quoique possible encore, doit durer peu d'années, et rendre ensuite impossible l'exploitation avec puits et galeries. »
Du moment donc que l’établissement de puits, de galeries, était reconnu nécessaire, la concession devenait possible ; or, personne n’ignore que, généralement, dans notre pays, l’exploitation des usines de fer se fait au moyen de puits et de galeries, car ce n’est guère que dans une partie de la province du Luxembourg qu’elle se fait, à proprement parler, à ciel ouvert ; partout ailleurs elle se fait par puits et galeries d’extraction. On conçoit donc comment le gouvernement a pu en se fondant sur la loi de 1810, accorder des concessions là même où l’on n’avait pas recours, pour l’exploitation, à des machine, etc.
Messieurs, le texte du projet qui vous est soumis dit exactement le contraire de ce que disaient les articles 68 et 69 de la loi de 1810 ; car ce projet porte :
« L’exploitation à ciel ouvert de la mine ou minerai de fer s’applique au cas où, sans l’aide d’aucune arène, l’extraction se pratique à bras d’homme par puits et galeries. »
Vous voyez que c’est précisément l’opposé de ce que portait l’art. 69 de la loi de 1810, et il est évident qu’en présence d’un texte aussi précis, aucun abus ne pourra être commis. Ceci est d’autant plus vrai que, malgré les dispositions de la toi de 1810, l’administration n’a pas cessé de tolérer l’ouverture de puits pour l’exploitation des mines, de tolérer l’établissement de galeries dites d’exploitation ; comment supposer, d’après cela, que si une loi consacrait cette conduite, le conseil des mines et le gouvernement entreraient dans une voie tout opposée ? C’est là une supposition toute gratuite, que rien n’autorise.
Le projet actuel va également beaucoup plus loin en ce qui concerne la tolérance accordée aux propriétaires ; mais si ces propriétaires n’exécutent pas les travaux nécessaires à l’extraction convenable des produits de sa mine, s’il est dans l’impuissance de le faire ou s’il ne le veut pas, la mine pourra être concédée à d’autres ; et il faut bien dans ce cas de deux choses l’une ; ou accorder la concession, ou laisser le minerai sous terre, car on ne peut supposer que quelqu’un, un maître de forges, par exemple, soit disposé à user de la disposition de l’art. 66 de la loi de 1810, qui permet d’extraire le minerai de fer de la propriété d’autrui, quand il est indispensable d’établir pour cela des galeries d’écoulement, des machines, de faire des frais immenses, s’il n’est pas sûr de pouvoir récupérer dans la suite les dépenses de premier établissement, s’il n’a pas la concession de la mine. Toute la question est donc de savoir si l’on veut que le minerai reste dans la terre ou qu’il soit livré à l’industrie pour augmenter les richesses du pays.
On a dit que les moyens extraordinaires sont tout à fait inutiles pour l’extraction du minerai de fer ; mais, messieurs, comme je l’ai dit encore hier, on a déjà exploité aujourd’hui, en plusieurs endroits, les mines jusqu’au niveau de l’eau, et dès lors il est nécessaire d’établir, soit des machines mues par les chevaux, soit des machines à vapeur. Dans le moment actuel la société de Vedrin a commencé une galerie souterraine dont la dépense ne s’élèvera pas à moins de 500,000 francs ; beaucoup d’autres sociétés font exécuter des travaux du même genre ; j’ai pris à cet égard quelques renseignements que je vais communiquer à l’assemblée.
« Dans la province de Namur une grande galerie d’écoulement a été percée pour arriver à un gîte de minerai noyé dans la commune d’Olloy, et l’on s’occupe à y établir une machine avec chevaux pour pénétrer au-dessous du niveau de cette galerie.
« Une machine à vapeur de 12 chevaux dans la commune de Couvin.
« Deux de la force de trente chevaux chacune sont destinées au même usage dans la commune de Famioulle. Une dans le bois des minières sur Saint-Aubin, qui est redevenu la propriété de l’Etat et que plusieurs sociétés demandent à remettre en activité pour avoir accès aux mines qu’elle est destinée à démerger.
« Une de 10 chevaux en activité sur la commune de Morialmé et qu’on se propose de remplacer par une autre plus forte.
« Une autre de 25 chevaux commandée pour un autre gîte de la même commune.
« Une autre de 25 chevaux commandée pour la concession de Biemmerés.
« Plusieurs autres machines à vapeur sont ou en confection ou projetées pour être placées sur des recherches et exploitations de mirerais de fer au-dessous du niveau où les eaux ont forcé les ouvriers à suspendre leurs travaux, tant dans la province de Namur que dans les deux provinces de Liège et du Hainaut, où ce genre d’exploitation commence seulement à prendre du développement. »
Il est évident, messieurs, que de petits propriétaires ne peuvent pas faire des frais aussi considérables, et que personne ne s’en chargera s’il n’est assuré, en ayant la concession de la mine, de récupérer ses frais ; il est donc indispensable de laisser au gouvernement la faculté de concéder les mines que les propriétaires ne peuvent pas exploiter convenablement.
La galerie souterraine dont j’ai eu l’honneur de vous entretenir tout à l’heure coûtera, après son achèvement, plus de 500,000 francs.
Vous voyez donc, messieurs, qu’il est inexact de dire qu’il est inutile de recourir à des moyens extraordinaires pour exploiter les mines de fer, et par conséquent que toutes ces concessions sont inutiles. Nous pensons au contraire qu’il est très utile que les propriétaires de mines établissent des machines à vapeur, s’entendent pour construire des galeries d’écoulement, et que là où les propriétaires ne peuvent pas faire eux-mêmes les dépenses, le gouvernement doit être autorise à accorder de temps en temps, suivant l’état des mines, quelques concessions qui donnent encore quelques avantages aux propriétaires du sol, quand ils ne peuvent plus en obtenir par leurs propres ressources, et servent en même temps au développement de l’industrie.
Ainsi nous pensons que la faculté d’accorder des concessions doit être maintenue, et qu’il ne s’agit que de rédiger les dispositions de la loi, de telle manière qu’aucun propriétaire ne puisse jamais être dépossédé d’une mine lorsqu’il pourra exploiter lui-même.
M. de Brouckere. - M. le ministre se rallie-t-il à l’article 8 proposé par la commission ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai dit que je ne me ralliais pas au projet entier de la commission ; mais j’adopterai, sauf rédaction, le principe qu’elle a posé à l’article 8. Quant aux galeries d’écoulement je n’ai aucune objection à faire à ce que le propriétaire les établisse ; mais là où il ne veut ou ne peut pas le faire, il faut que le gouvernement puisse accorder des concessions.
(Moniteur belge n°117, du 26 avril 1836) M. de Puydt. - Messieurs, venant appuyer l’amendement proposé par l’honorable M. Pirmez, je vais en peu de mots exposer les motifs de mon vote, en renfermant la question dans un très petit nombre de points, fondés sur l’expérience.
Dans le sens absolu, je pense que la concession est le meilleur mode d’exploitation des mines de toutes espèces, mais cette opinion admet des exceptions.
La mine est une propriété dont l’usage, par des considérations d’art et d’intérêt commun, doit être soumis à des règles spéciales.
Le propriétaire de la superficie peut faire de son terrain ce qu’il veut, il y applique le genre de culture qui lui convient : le caprice, les essais infructueux, l’abandon même d’un terrain, ne causent aucun préjudice sensible à la généralité.
Mais il n’en est pas de même des productions qu’on tire du sein de la terre ; les métaux surtout, moins abondants, plus difficiles à trouver, à extraire, sont pour la plupart indispensables à la population entière, trouvent leur emploi dans les arts mécaniques, deviennent les moteurs ou les instruments de toutes les industries.
L’intérêt général veut donc que l’exploitation en soit régulière assurée et économique.
C’est ce principe d’intérêt général qui dans l’origine à fait considérer les mines comme propriété nationale ou donné naissance au droit régalien.
Pour exploiter économiquement, pour atteindre le but désigné, il faut nécessairement des conditions particulières, obligatoires ; il faut des capitaux que l’association seule peut fournir : de là, la nécessité de la concession.
Mais ces considérations ont plus ou moins de gravité, selon certaines circonstances, et c’est ici le cas de les faire connaître.
Quand il s’agit d’un produit minéral qui nécessite des travaux profonds, étendus, et auxquels on ne parvient que par des niveaux successifs, exigeant de puissantes machines à épuiser, à élever des fardeaux, non seulement il importe d’établir ces travaux avec régularité à l’aide de grandes dépenses, mais il faut encore les conduire constamment d’après des principes fixes, tant pour ne pas compromettre la vie des ouvriers que pour ne pas grever l’avenir au bénéfice du présent. Tels sont entre autres les travaux d’exploitation de la houille appelée à juste titre la force industrielle ; alors il y a lieu de recourir à l’application absolue du principe de concession.
Le minerai de fer au contraire présente dans beaucoup de cas des facilités telles pour l’exploitation, que, dans le présent comme pour l’avenir, ces règles de prévoyance sont au moins superflues, et c’est surtout au minerai de fer de la Belgique que l’exception est applicable.
Si l’on en était au premier temps de la découverte des mines, je concevrait la convenance de dispositions législatives a priori ; mais à l’époque actuelle, et après l’introduction successive des perfectionnements de la forgerie, perfectionnements qui nous placent sans aucun doute à la tête du mouvement industriel sur le continent (j’excepte nécessairement l’Angleterre) nous n’avons rien de mieux à faire que de consulter l’expérience pour convertir en loi l’usage établi.
Je pourrais invoquer des exemples du dehors, démontrer ce qui se fait dans d’autres pays ; mais nous n’avons que faire d’exemples étrangers ; nous sommes, comme je l’ai dit, trop haut placés en industrie pour avoir besoin de chercher ailleurs que chez nous les bases de notre législation.
D’après l’espèce et la nature du gisement des minerais de fer en Belgique, il est certain qu’il n’est pas nécessaire d’ouvrir des travaux difficiles ou coûteux pour leur extraction, puisque partout on peut exploiter à ciel ouvert, et que le minerai est pour ainsi dire à la surface du sol.
Les procédés à observer sont simples et d’une dépense peu considérable, car la plupart des exploitations se font pour le compte des ouvriers qui les dirigent. Ce ne sera donc pas dans l’intérêt de l’art qu’on viendra établir la nécessité de concéder ces minerais et d’assujettir ces travaux à des formalités gênantes. L’art n’a ici rien à faire, rien à prévoir, rien à empêcher pour le moment, et quant cela deviendra nécessaire plus tard, les propriétaires y pourvoiront s’ils sont libres.
Sera-ce dans l’intérêt des maîtres de forges ? Mais les réclamations qui nous sont arrivées jusqu’à présent, prouvent que les anciens au moins ne désirent aucune innovation, et j’en conçois parfaitement les raisons.
En Belgique, il y aujourd’hui deux espèces de forgeries :
Celle au charbon de bois, établie depuis longtemps ;
Celle au charbon de terre ou au coak, nouvellement organisée à l’instar des Anglais.
Les hauts-fourneaux, suivant l’ancienne méthode, sont placés, avec les différentes usines à traiter le fer, à portée des cantons boisés du pays ; mais, cependant, sur les courants d’eau dont on a utilisé les chutes, et par conséquent dans les vallées.
Les mines, au contraire, se trouvent presque toujours sur les plateaux, et à plus ou moins de distance des mines : les qualités de ces mines sont très variables, de sorte que pour obtenir le fer convenable à des usages déterminés, il faut presque toujours faire des mélanges, Il suit de là que les maîtres de forges pourraient difficilement devenir concessionnaires, à moins de se trouver par hasard au centre et sur les terrains mêmes des différentes mines dont ils ont besoin.
Pour les hauts fourneaux au coak, cette observation est plus sensible encore. Ces établissements se sont élevés sur le terrain houiller, et par conséquent, à une plus grande distance du minerai que les premiers.
Il est moins facile dès lors de soumettre l’exploitation de la matière première et son traitement dans les usines à cet ensemble de mouvement, à cette direction unique, qu’on pourrait avoir en vue de chercher par raison d’économie en se faisant concéder des terrains à minerais.
Jamais la forgerie n’a langui en Belgique faute de minerai, et jamais aussi le prix d’extraction ou le prix de vente de minerai n’a influé désavantageusement sur la valeur du fer. Je ne pense pas qu’il soit prouvé par personne que les procédés employés aient été signalés comme une cause d’infériorité de nos fers.
Mais cette infériorité existe, c’est-à-dire, que sous le rapport du prix, la forgerie belge ne peut pas soutenir la concurrence à l’étranger avec la forgerie anglaise, par exemple ; mais cela tient à une cause qui a été signalée, l’imperfection des transports.
Pour obtenir mille kilogrammes de fer forgé par les procédés nouveaux, il faut mettre en mouvement entre les minières, les carrières de Custine, les forêts qui fournissent le charbon de bois, les houilles et les différentes usines, plus de 18,000 kil. de matières, et leur faire parcourir une distance moyenne de quatre à cinq lieues dans les parties du pays les plus accidentées, où les chemins sont les plus difficiles et les transports les plus coûteux. Il n’est donc pas étonnant que la matière produite avec des conditions aussi onéreuses ne soit surchargée de frais qu’il importe d’alléger ; car il a été prouvé par des calculs détaillés que ces frais surchargent le prix de nos fers de plus de 70 fr. par tonneau de 1,000 kil.
La question de notre forgerie est réellement une question de transport, et j’espère bien qu’avant peu l’établissement des chemins de fer projetés dans différents cantons industriels contribuera à donner à nos fers un avantage réel sur les fers étrangers, avantage à résulter de travaux intérieurs, d’un emploi intelligent de nos capitaux, ce qui vaut bien celui qu’on attend presque toujours vainement des droits prétendus protecteurs.
Je ne vois, en conséquence de ce que je viens de dire, aucune utilité à appliquer la concession aux mines de fer, et c’est ici un des cas où je pense que ce principe absolu doit être modifié.
D’un autre et indépendamment du défaut d’utilité, je trouve du danger à interdire aujourd’hui le libre usage d’une propriété qui n’a été exploitée qu’au bénéfice de tous, et dont personne n’a abusé.
Avant la révolution, la forgerie était loin d’avoir atteint le développement auquel elle est arrivée depuis. Il n’existait dans le pays que quatre hauts-fourneaux à l’anglaise en activité dans l’entre Sambre et Meuse et l’arrondissement de Charleroy. Les autres fourneaux établis dans les mêmes cantons, sur les bords de la Meuse, de l’Ourthe et de leurs affluents, ceux du midi de la province de Luxembourg, tant vers les affluents de la Moselle que vers ceux de la Semois, étaient au nombre de 70 à 80.
La fonte produite pouvait s’élever à plus de 50,000 tonneaux, et par conséquent l’extraction de la mine de 150 à 200,000 tonneaux.
Mais tel est l’élan imprimé à cette industrie actuellement, que dans le seul pays d’entre Sambre et Meuse il y a en activité, en construction et en projets, plus de 25 hauts-fourneaux à l’anglaise, et que la totalité des établissements existants dans tout le terrain métallifère pourra produire, avant 2 à 3 ans, près de 200 mille tonneaux de fonte, ce qui va porter l’extraction de la mine à plus de 600,000 tonneaux. Voilà donc une industrie qui créera annuellement en Belgique une valeur de plus de 25 millions de francs.
On conçoit facilement que ce grand développement de travail a dû fixer l’attention des propriétaires de terrains à minerai de fer : eux aussi ont pu espérer une part aux bénéfices que l’industrie belge est en droit de recueillir. Dans beaucoup de localités les terrains ont acquis, par le seul fait de la présence du fer, une valeur plus que triple de leur valeur première, et cette influence qui n’agit pas seulement sur les propriétaires, mais encore sur les ouvriers employés aux divers travaux nécessités par l’extraction, s’étend maintenant à plus de 200 lieues carrées de territoire dans les différentes provinces où la forgerie existe.
Est-il possible après cela d’admettre la pensée de tromper l’attente de tant de propriétaires, de tant d’intéressés de toutes classes, sans exciter des clameurs générales ? Substituer le mode de concession au mode actuel ne serait-ce pas plutôt favoriser le monopole de quelques industriels que l’industrie en général ?
Laissez les propriétaires exploiter librement comme par le passé ; ils ont jusqu’à présent pourvu aux besoins de la forgerie, et toujours l’extraction a grandi avec ces besoins. L’intérêt qu’ils y trouvent vous garantit le maintien des exploitations et même leur perfectionnement par des travaux plus coûteux quand cela sera nécessaire. L’association si vivace dans le pays trouvera là un nouvel aliment d’autant plus profitable que vous assurerez plus de liberté au travail ; l’association, n’en doutons pas, mettra l’exploitation de la mine au niveau de la forgerie, quelque développement qu’elle puisse prendre.
L’amendement de l’honorable M. Pirmez renferme d’ailleurs une disposition qui me paraît sage et prévoyante, la révision après dix ans. En adoptant l’amendement, nous cédons à l’expérience acquise, ce qui est sage. En nous réservant de revoir la loi, nous admettons la possibilité d’une expérience nouvelle, toujours probable dans un siècle de perfectionnement, ce qui est d’une prévoyance louable.
(Moniteur belge n°118, du 27 avril 1836) M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - D’après l’honorable préopinant, l’extension qu’a prise l’exploitation des mines de fer serait due à la suspension de la loi du 21 avril 1810. C’est une erreur, car les propriétaires sont restés depuis 1830 dans la même position qu’auparavant, il n’est survenu depuis 1830 aucune disposition en faveur des propriétaires que celles établies dans la loi de 1810.
De sorte que c’est comme si le préopinant disait : Sous l’empire de la loi de 1810, les propriétaires ont pu exploiter à leur aise leurs mines de fer ; les agents du gouvernement ne les ont nullement gênés dans leur exploitation. Car ils sont restés dans les mêmes termes depuis 1830 qu’avant cette époque. La seule différence, c’est qu’il n’a pas été accordé de nouvelles concessions.
Je dis que si le gouvernement avait la faculté d’accorder la concession de quelques mines abandonnées, on ne paralyserait pas les exploitations en vigueur ; on donnerait, au contraire, un nouveau développement à cette industrie, de nouveaux moyens de concurrence, en mettant dans le commerce les mines dont l’exploitation est impossible aujourd’hui, faute de concession.
Le projet de loi n’a pas pour but de ralentir l’élan des propriétaires, mais d’exciter de plus en plus, au moyen de la concurrence, l’élan qui se fait sentir aujourd’hui.
Il est d’autres causes que l’honorable préopinant a passées sous silence, auxquelles il faut attribuer le développement de l’industrie des fers. Parmi ces causes il en est qui sont communes à tous les pays. En Angleterre, par exemple, cette industrie a pris une extension immense. En France il résulte des rapports officiels communiqués à la chambre des députés que cette industrie a fait aussi de grands progrès sous l’empire de la loi du 21 avril 1810. Indépendamment de ces causes qui sont communes à tous les Etats, il en est qui sont particulières à la Belgique. C’est la protection spéciale accordée à cette industrie par le décret du congrès qui, diminuant la concurrence étrangère, facilita l’établissement de hauts-fourneaux et par suite l’exploitation des mines.
Ainsi il est tout à fait inexact de dire qu’on veuille paralyser le moins du monde, le zèle, les efforts des propriétaires. Au contraire nous voulons leur donner plus de facilité par le projet actuel, mais en même temps nous voulons que les mines dont l’exploitation ne peut pas avoir lieu par le propriétaire, puissent être exploitées par d’autres.
C’est là mettre un nouvel élément de prospérité au jour. Voilà la seule chose que nous demandons. La question réduite à ce point, sa solution ne peut être douteuse dans une chambre amie du progrès de l’industrie. Si on conservait quelque doute sur le sens du texte, qu’on le formule d’une manière plus précise ; sous ce rapport toute rédaction qui tendra à exprimer d’une manière plus claire les principes que je viens de développer, sera accueillie par moi avec plaisir.
(Moniteur belge n°118, du 27 avril 1836) M. Frison. - Messieurs, je n’entrerai pas dans de longs développements pour m’opposer à la concession du minerai de fer : je désire avant tout de ne point répéter ce qui pourrait vous avoir été dit par d’honorables collègues.
Il ne doit point y avoir de concession de minerai de fer, parce que l’exploitation actuelle suffit pour la prospérité de la forgerie ; il est digne de remarque que tout le minerai exploité jusqu’ici dans les arrondissements de Philippeville, de Thuin et de Charleroy, se trouve par amas ou noyau et non par filon régulier ; c’est en un mot du minerai d’alluvion. Il faut se faire une idée de l’extraction de la mine ; rien n’est plus simple : les puits sont généralement de 20 à 100 pieds de profondeur, plus bas le minerai ne se trouve plus. Or, dans certains puits, et c’est le plus grand nombre, le minerai se trouve à sec ; dans les autres s’exploitent ce que l’on nomme les mines à l’eau, et là se trouvent de puits à 8 ou 10 pieds de distance, l’un pour extraire le minerai, l’autre pour saigner les travaux, ce qu’un seul homme parvient facilement à opérer au moyen d’une manivelle, et en travaillant 6 à 7 heures par jour. Avec des moyens si bornés en apparence, on est parvenu, à l’heure qu’il est, à faire une provision de minerai pour alimenter pendant deux ans tous les hauts fourneaux de la Belgique ; cette exploitation peut durer de cette manière au moins encore pendant deux siècles, sans jamais nuire aux travaux d’art qui pourraient devenir nécessaires par la suite. L’honorable M. Seron vous a fait connaître la nature du terrain minier, et cela doit à cet égard vous rassurer. Je me suis rendu, messieurs, sur les lieux, c’est là que j’ai recueilli mes renseignements ; j’ai vu les ouvrages de mes propres yeux.
Quant aux grands travaux à exécuter dans l’arrondissement de Philippeville que vous a cités M. le ministre de l’intérieur, aucun de ces établissements ne marche régulièrement.
L’avenir de la forgerie n’est pas menacé par les exploitations actuelles ; l’intérêt du propriétaire est une garantie de l’intérêt public ; l’exploitation du minerai de fer ne peut d’ailleurs être comparée à l’exploitation des mines de charbon, et les concessions accordées jusqu’à ce jour n’ont pas fait changer le mode d’exploitation, Je pourrais citer tel concessionnaire qui, depuis quatre ans, n’a point fait extraire pour 200 fr. de minerai ; ces spéculateurs attendent que le prix leur soit encore plus favorable qu’aujourd’hui afin de faire d’énormes bénéfices, et cependant, au moment où je vous parle le prix du fer a haussé chez nous dans la même proportion qu’en Angleterre, et permet de retirer un prix avantageux du minerai qu’on livre a la consommation des fourneaux.
Je conçois que le système de concession ait des partisans dans cette enceinte et au-dehors ; vous voyez tous les jours les hautes sociétés financières se ruer sur nos établissements industriels de l’entre Sambre et Meuse et de l’arrondissement de Charleroy ; est-ce un bien, est-ce un mal ? C’est ce que je ne prétends point décider ; toujours est-il qu’avant ces opérations l’industrie de la forgerie, des houillères, des verreries avait atteint le plus haut degré de prospérité et de développement ; c’est à l’activité, aux connaissances et aux capitaux de nos industriels isolés que nous devons un pareil résultat. Il est permis de croire que l’amour seul du bien public n’a point guidé les grandes sociétés dont je parle à verser ses capitaux chez nous.
L’appât de retirer de gros intérêts de son argent doit être compté pour quelque chose ; et le moyen d’augmenter les bénéfices est d’obtenir des concessions, au détriment des autres établissements érigés par des particuliers : ce serait établit un véritable monopole dans les forgeries ; le petit nombre sera possesseur du minerai de fer, le revendra aux autres maîtres de forges, et à un prix fort élevé, quand il y aura surabondance pour lui-même. C’est enlever pour la suite l’espoir de voir créer d’autres hauts fourneaux. Vous voyez bien, messieurs, qu’accorder des concessions de ce genre, c’est anéantir toute espèce de concurrence.
Il n’est donc point étonnant que des spéculateurs cherchent à obtenir des concessions ; nous devrions presque remercier ceux qui ne demandent que 10 à 11,000 hectares, de ne pas exiger tout d’un coup la surface entière de notre riche Belgique.
Une considération grave, messieurs, doit vous frapper ; notre constitution consacre le principe le plus étendu de la propriété. Au moyen de 25 centimes par hectare et d’un p. c. du produit net de la mine, croirez-vous avoir suffisamment indemnisé le propriétaire ? Songez qu’un hectare où se trouve du minerai, se vend actuellement 7 à 8,000 francs ; accordez des concessions, et bientôt le prix du terrain retombe à la valeur de ceux qui ne contiennent pas de minerai, c’est-à-dire à 1,000 ou 1,500 francs.
Je passerai rapidement en revue ce qui se pratique dans différents pays relativement au minerai de fer.
En Suède, où le propriétaire conserve toujours la moitié de la propriété des mines, le gouvernement, d’après l’art. 3 l’ordonnance du 20 octobre 1740, n’y accorde que des concessions de 200 toises carrées.
En Angleterre, le gouvernement ne peut disposer des mines qui restent aux propriétaires (erratum inséré au Moniteur belge n°119, du 28 avril 1836 :) fonciers ou à ceux qui ont acquis le droit d’exploiter un fonds, soit d’un propriétaire foncier, ou d’autres qui avaient conservé ce droit.
En Prusse on ne peut déposséder un propriétaire qui est libre d’exploiter en payant 10 p. c. au gouvernement.
Dans le pays de Liége, le propriétaire foncier avait anciennement la propriété de toutes les mines indistinctement.
Il en était de même dans la province de Limbourg.
Dans le pays et comté de Namur, le propriétaire n’avait droit qu’au dixième de la valeur des mines.
Dans le grand-duché de Nassau, la propriété des mines est maintenue au propriétaire foncier.
En France, où les mines d’alluvion exploitables à ciel ouvert sont les plus abondantes, surtout dans le midi, le propriétaire foncier conserve encore la propriété des mines, d’après la loi de 1810. Mais en Belgique, où les mines d’alluvion, parsemées à la superficie, ne sont pas traitées, et où l’exploitation à ciel ouvert se pratique peu, le propriétaire serait à la merci d’un concessionnaire qui pourrait, malgré lui, dévaster sa propriété.
Dans les pays étrangers et notamment en Angleterre, l’industrie a prospéré sans que le gouvernement ait le droit de concéder des mines. Autrefois une partie de nos provinces n’avait même pas voulu attaquer le droit de propriété, pour l’exploitation des mines. Sera-t-on moins juste aujourd’hui ? Remarquez bien, messieurs, que je m’occupe ici exclusivement des concessions de minerai de fer, car pour les mines de charbon qui font moins de tort à la surface, je dirai qu’il est de l’intérêt général de maintenir ces concessions et d’en accorder d’autres.
D’après toutes ces considérations qu’il m’aurait été facile d’étendre beaucoup, si je n’avais pas craint de fatiguer votre attention, je repousserai toute disposition tendante à accorder des concessions de minerai de fer, et j’adhérerai volontiers soit à l’amendement de l’honorable M. Pirmez, soit à celui de mon honorable ami M. Seron.
M. David. - Avant de déposer sur le bureau un amendement sur les redevances et indemnités dont j’ai eu l’honneur de vous entretenir à l’ouverture de cette discussion, je déclare ne le considérer que comme un faible remède dans le cas où la législature adopterait le principe de la concession des mines de fer. J’avoue hautement que je partage, sur la question de la non-concessibilité des mines, l’opinion des honorables MM. Pirmez et Dechamps, et autres orateurs. Les considérations judicieuses qu’ils ont fait valoir sur cette grave matière ont achevé ma conviction. Ce serait, messieurs, nous montrer à la fois imprévoyants et rétrogrades que de voter le système des concessions. Notre industrie métallurgique ne prendra tout son essor que lorsqu’une législation vraiment libérale l’aura affranchie des concessions. Le système de la non-concessibilité des mines de fer présente encore ce beau côté, qu’il respecte le droit sacré de la propriété. Je suis si pénétré de l’excellence d’une loi qui s’opposera aux concessions que je consentirai volontiers à la rendre temporaire, parce que je ne crains pas que plus tard elle soit maintenue.
Si, d’après ce qui se passe sous nos yeux depuis 5 ans, nous reconnaissons que nous avons fait en forgerie des pas de géant, je suis convaincu que 5 autres années d’essais dans une route aussi prospère ne feront que confirmer une expérience déjà acquise.
Il ne faut que jeter les yeux sur les concessions accordées, pour comprendre combien le système est vicieux. Les concessionnaires spéculent sur la mine des voisins et ménagent leur concession.
Je ne conçois pas comment on puisse soutenir sérieusement que le mineur ordinaire compromet les exploitations. Les concessionnaires n’ont jamais travaillé autrement qu’eux. Autrefois on pouvait craindre l’inondation des travaux, parce que les moyens d’épuisement étaient ignorés ; aujourd’hui que nous les connaissons, peu importe que nous exploitions sous l’égide d’une concession ou non. Tous ces dangers ne peuvent plus nous atteindre.
Je voterai, en toute sécurité de conscience, contre le système des concessions, persuadé qu’il est nuisible à l’Etat, qu’il enchaîne l’industrie, ruine les communes, et sera le désespoir d’un nombre immense de propriétaires qu’il déshérite en faveur de l’homme riche ou puissant.
Je ne soumettrai mon amendement que lorsque la chambre aura statué sur l’amendement de M. Pirmez.
D’ailleurs, dès que deux systèmes d’une importance telle que ceux entre lesquels nous avons à opter sont en présence, nous ne serions pas excusables de choisir celui des deux qui exclurait l’autre. C’est ce que vous feriez, messieurs, si vous adoptiez le système des concessions ; car fissiez-vous même alors une loi temporaire, à son expiration vous devriez respecter les positions accordées et le mal serait irréparable ; adoptons le principe de la non-concessibilité des mines et la nation entière applaudira à notre prudence, car alors, nous n’aurons pas compromis l’avenir.
(Moniteur belge n°118, du 27 avril 1836) M. Seron. - Je dois une réponse à M. le ministre de l’intérieur sur quelques-unes de ses assertions. Il a dit : Si le maître de forges n’est pas concessionnaire, comment fera-t-il une dépense de 100 mille fr., qui est souvent nécessaire à l’exploitation du minerai ? Ensuite le ministre a dit qu’il y avait des machines établies à Halloi, à Couvin, à Nismes, à Jamiolle, à Saint-Aubin, au bois des Minières et à Morialmé.
De toutes ces communes, si j’en excepte celle de Halloi, sur laquelle je n’ai pas de renseignements, et celle de Nismes, où MMM. Poschet et Licot ont obtenu peut-être une concession, j’ai la certitude que dans aucune il n’en a été accordé.
Dans les communes de Couvin et de Jamiolle il a été établi une machine à vapeur, mais les exploitants n’ont jamais obtenu de concession. A Morialmé une machine a été établie par M. de Cartier, mais il n’avait pas non plus de concession sur le terrain où elle se trouve.
Dans la même commune de Morialmé, vous a dit le ministre, on doit établir une nouvelle machine : c’est vrai, j’ai annoncé que les maîtres de forges avaient traité avec Madame de Brias, pour exploiter en grand, mais c’est sans concession.
Donc, les maîtres de forges peuvent sans concession établir des travaux dispendieux pour exploiter les mines de fer.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande la parole pour la rectification d’un fait. L’honorable membre suppose que c’était uniquement sur des terrains concédés que j’avais annoncé que des machines à vapeur avaient été établies. Ce n’est pas cela. J’ai dit qu’il était inexact de dire qu’on ne se servait pas de moyens extraordinaires pour l’extraction du minerai, et en preuve j’ai cité des faits. Si les propriétaires de circonscriptions territoriales assez étendues pour recourir à ces moyens d’exploitation l’ont fait, cela n’empêche pas qu’on puisse admettre la concurrence des moyens de même nature par voie de concession sur les propriétés ou les propriétaires ne peuvent employer ces moyens. Dans ce cas, je dis qu’il est utile d’accorder des concessions.
Car on ne peut établir sur la propriété d’autrui des moyens d’extraction extraordinaires qu’avec une concession. En effet, qui irait établir sur le terrain d’autrui une machine à vapeur sans concession de mine ?
Qu’on ne perde pas de vue les dispositions précises de l’art. 6 qui porte que la concession ne peut pas être accordée à un étranger si le propriétaire veut exploiter la mine lui-même ou l’exploiter en compagnie de ses voisins, ou s’il veut la céder séparément du sol. Ainsi le propriétaire a les facilités les plus grandes.
M. Seron. - Je demande la parole pour un fait personnel. Je crois que le ministre ne m’a pas compris. J’ai voulu dire qu’il s’était mis en contradiction avec lui-même.
Il avait prétendu que les maîtres de forges n’exécutaient pas de travaux dispendieux sans concession ; et j’ai prouvé que sans concession on exécute de grands travaux d’art.
M. Gendebien. - Depuis quatre ans et demi que je siège dans cette enceinte, je n’ai jamais été aussi embarrassé pour émettre un vote qu’aujourd’hui. La raison en est simple : c’est que les questions les plus difficiles à résoudre sont les questions de fait ; celles qui embarrassent le plus les magistrats qui ont les moyens d’enquête, la vue des lieux pour se faire une opinion, sont les questions de fait. Le magistrat consciencieux est toujours embarrassé quand il doit se prononcer sur une question de fait. Dans les questions de droit, il a une boussole, tandis que sur un point de fait il y a toujours incertitude, même après vérification. Cependant le magistrat ne prononce que sur un fait isolé entre particuliers.
Jugez dans quel embarras nous devons être, maintenant qu’il s’agit de prendre sur une question de fait une mesure générale qui doit régler le sort de tous les habitants d’un pays. Il me semble que si un magistrat, pour se prononcer sur un point de fait, a besoin de s’entourer de moyens de preuves, de recourir à une enquête, il serait prudent aussi, dans cette circonstance, de provoquer des enquêtes qui vous donnassent des éclaircissements sur les faits sur lesquels on est en contradiction.
Pour moi, je n’ai jamais vu d’exploitation de mines de fer ; cependant j’ai quelques notions en matière de mine, mais de mine de houilles. Je pourrais peut-être par analogie asseoir mon jugement. Mais d’après ce qu’on a dit, d’après ce que j’ai déjà reconnu moi-même, il paraît difficile, si pas impossible, de juger par analogie. Je désirerais donc qu’avant de nous prononcer, on procédât à une enquête, au sujet des mines de fer bien entendu ; car, pour ce qui concerne les mines de houille, nous pouvons passer outre sans renseignement ultérieur.
L’amendement de M. Pirmez ne peut remplacer cette enquête ; car, pourquoi ajourner pendant 10 ans la faculté de concéder, s’il est reconnu que les concessions peuvent être utiles en certains cas ?
Je disais, messieurs, qu’il s’agissait d’une question de fait ; entre mille autres en voici un sur lequel je provoque des explications : est-il bien constant qu’en Belgique il n’existe aucune mine nécessitant des travaux d’art extraordinaires pour son exploitation ? Si on me répond qu’il n’existe pas de pareilles mines, je serai complètement de l’avis de M. Pirmez, et je dirai : Ajournons à dix ans la question relative aux concessions, ou plutôt n’en accordons jamais ; mais dès qu’il est possible, et je crois la chose réelle, que des mines d’une nature particulière ne peuvent être exploitées qu’au moyen de travaux d’art, je ne vois pas pourquoi on priverait la consommation du produit d’une mine qui n’est pas découverte aujourd’hui, et qui peut l’être demain. Mais il n’y a pas doute, je pense, sur la solution de la question que j’ai posée ; en fait, il existe des mines qui ne peuvent être exploitées sans travaux, sans dépenses extraordinaires ; cela est si vrai que des maîtres d’usines font des travaux d’art qui sont évalués à 500,000 fr. par le ministre de l’intérieur, et plusieurs orateurs ont reconnu la nécessité de travaux importants. Vous voulez qu’une concession ne puisse être faite pendant dix ans ; cette proposition est trop absolue ; je l’admets si vous faites des exceptions pour concilier tous les intérêts. Je partage les scrupules honorables de M. Pirmez ; mais, entre poser une exclusion absolue de concession pour toutes les mines et refuser le droit de concéder avec des exceptions, il y a une grande différence. Je ne voudrais d’exclusion ni dans la règle, ni dans l’exception. Il faut définir nettement ce que l’on veut soit pour la règle, soit pour l’exception. La matière est trop grave pour rien laisser dans le vague.
Messieurs, il me semble que la question est là : Y a-t-il en Belgique des mines qui ne puissent être exploitées que par des travaux d’art extraordinaires ? Personne, je pense, n’oserait répondre d’une manière absolue à cette question. Dès lors pourquoi établir dans la loi une disposition absolue ?
J’ai été le premier à reconnaître et à proclamer que l’expérience du passé doit nous mettre en garde contre toutes les décisions qui appartiennent à l’autorité administrative. Je ne fais pas ici une question de personnes ; mais l’expérience nous a démontré qu’avec une loi qui paraît claire, qu’avec la loi de 1810, on pouvait abuser du droit de donner des concessions. Il faut donc trouver les moyens de garantir les propriétaires contre les abus administratifs ; or cette garantie je la trouve dans l’ordre judiciaire auquel j’ai proposé de soumettre toutes les questions de concessions en général.
On a parlé jusqu’ici de mines qui s’exploitent à la superficie, et il y a en effet dans le pays des mines qui font partie de la propriété et qui sont même répandues sur la superficie du sol, alors la concession de ces mines est pour ainsi dire une véritable expropriation. J’ai demandé que toutes les questions soient soumises à l’autorité judiciaire, qui est appelée par la constitution à décider sur les questions de propriété.
Les corps judiciaires sont les seuls où l’on puisse trouver des véritables garanties, en raison de leur institution d’inamovibilité, en raison de leur habitude de juger et des formes conservatrices qu’ils observent, et surtout en raison de la publicité dont la loi entoure tous leurs actes.
Messieurs, je le répète, nous connaissons les abus de la juridiction administrative, abus qui se sont manifestés dans des corps nombreux, savants ; vous ne voulez pas sans doute avoir l’intention de les perpétuer. Au reste, pouvez-vous espérer de composer un corps de jurisconsultes, comme on le propose, jurisconsultes qui se déplaceraient, qui n’exerceraient que des fonctions amovibles, et qui ne recevraient que 6,000 francs ! Non, messieurs, ne vous faites pas illusion ; vous ne réaliserez pas une pareille conception ; vous n’en trouverez pas qui voulussent accepter de telles conditions, vous n’en trouverez pas.
Puis trois hommes vont décider sur des objets de la plus haute importance, sur des objets valant plusieurs millions. Il y a tel hectare de terre dont la valeur minérale peut aller jusqu’à 40 mille francs, vous a dit M. Pirmez et d’autres orateurs ; et ces trois hommes jugeraient sans appel et à huis-clos ! tandis que si les corps judiciaires sont saisis des questions de propriété d’un hectare de terre valant en superficie mille et un francs, il y aura appel, cassation et publicité dans toutes les instances et trois degrés de juridiction !
Je ne suis pas encore décidé à donner au gouvernement le droit de faire des concessions de mines de fer ; mais je déclare que jamais je ne donnerai au gouvernement le droit de concéder que dans certains cas déterminés, et je ne lui donnerai ce droit qu’avec l’intervention du pouvoir judiciaire, et pour l’avis préalable et pour tout ce qui touche à la propriété.
Il y a d’ailleurs d’autres raisons pour attribuer à l’ordre judiciaire la juridiction du conseil d’Etat : c’est que, avec le nombreux arriéré qui existe (366 concessions sont en instance), il serait impossible à un conseil de trois ou quatre membres de terminer ces affaires d’ici à vingt ans ; et, d’un autre côté, quand elles seront terminées, le conseil ne sera plus qu’une sinécure tandis que si on en saisissait les tribunaux, ils pourraient à la fois et donner leur avis et prononcer sur les questions de propriété qui, aux termes de l’article 28 de la loi sur les mines leur sont exclusivement déférées. Et l’on aurait dix ou douze corps délibérant au lieu d’un conseil de mines pour examiner les demandes en concession ; on aurait, passez-moi l’expression, dix laboratoires au lieu d’un ; on abrégerait la besogne des neuf dixièmes et on ferait attendre les demandeurs en concession neuf dixièmes de temps de moins.
Je me résume. Je demande si l’on peut me dire qu’il n’existe pas en Belgique de mines dont l’exploitation exige des travaux d’arts tels qu’une concession doive en garantir la jouissance. Pour moi, j’ai la conviction qu’il y en a, et je pourrais en citer : par exemple, le bois des Minières, et le ministre de l’intérieur en a cité une infinité d’autres où des propriétaires et des maîtres de forges, avec le consentement des propriétaires, ont fait des travaux considérables. Il y a plus, l’industrie métallurgique présente de tels avantages, qu’on spécule partout sur la découverte des minerais.
J’ai lu dans les feuilles publiques qu’un particulier avait trouvé des mines de fer près de Bruxelles ; on prétend qu’on en a découvert dans la Campine ; eh bien, accordera-t-on ou n’accordera-t-on pas des concessions pour ces mines, qui ne sont pas à la surface ? Si vous remettiez à dix ans le droit de concéder, des richesses resteraient enfouies ; que l’on veuille bien me donner ces explications sur ce point. Le système absolu de M. Pirmez va donc trop loin, il faut nécessairement le modifier, et sans être plus que lui partisan des concessions de mines de fer, je sens néanmoins la nécessité de faire des exceptions à sa prohibition trop absolue.
M. de Brouckere. - Messieurs, je reconnais avec l’honorable orateur que l’on vient d’entendre, qu’il s’est présenté dans cette assemblée peu de questions aussi délicates, et dont la solution exigeât plus la connaissance des faits, que celle qui nous est soumise aujourd’hui. Je reconnais de plus que s’il m’avait fallu émettre une opinion, ou même un vote à l’ouverture de la séance, je me serais trouvé fort embarrassé ; mais il me semble que la discussion qui vient d’avoir lieu a jeté sur la question tellement de jour que l’on peut maintenant émettre un avis consciencieusement et en connaissance de cause. Aussi je regarde l’enquête dont a parlé l’honorable orateur comme étant inutile ; et je dirai de plus que si l’assemblée ordonnait une semblable enquête, ce serait remettre le vote de la loi à un temps indéfini ; or, on reconnaîtra avec moi qu’il est peu de lois que l’on réclame avec plus d’instance, et qui soit réellement plus urgente que ne l’est la loi sur les mines.
Cette loi est attendue depuis quatre ans ; c’est la troisième fois que nous la discutons : les deux premières fois, les discussions n’ont eu aucun résultat, et il est à désirer qu’il n’en soit pas de même aujourd’hui.
Dans cette séance et dans les précédentes, la cause des propriétaires a été plaidée avec le plus grand talent, et je ne pense pas qu’il soit dans l’intention des membres de la chambre de porter atteinte à leurs droits. Aussi, je demanderai si, en adoptant l’article 8, formulé par la commission, nous portons la moindre atteinte aux droits des propriétaires, si nous les lésons d’une manière quelconque.
D’après ce qui a été dit, il me semble que nous pouvons admettre cet article sauf quelques modifications, sans craindre d’attenter à la propriété.
En effet, admettre cet article, c’est en quelque sorte dire aux propriétaires : Continuez à faire comme vous avez fait jusqu’ici ; mais comme il peut se présenter des cas où il est impossible qu’un propriétaire exploite une mine, soit parce que l’exploitation exige des travaux trop importants, soit parce que les propriétaires auxquels la mine appartient ne s’entendent pas, alors autorisez le gouvernement à accorder des concessions.
Je vous demande quel tort cela peut faire aux propriétaires ? Aucun.
D’un autre côté, bien décidément le pays y gagnera, puisque le gouvernement pourra en même temps faire exploiter des mines qui, si nous lui refusions tout pouvoir d’accorder des concessions, ne pourraient être exploitées, trésors qui resteraient enfouis sous terre, et dont l’adoption de la loi permettra d’enrichir le pays.
Mais, messieurs, l’intérêt des propriétaires est d’autant plus garanti par la loi telle qu’elle est présentée, que lors même que l’on reconnaît la nécessité d’avoir recours à une concession, le propriétaire a la préférence sur tout autre solliciteur. Déjà M. le ministre de l’intérieur l’a fait observer tout à l’heure, et l’article 6 du projet est formel à cet égard :
« Le propriétaire de la surface dont l’étendue est reconnue suffisante à l’exploitation régulière et profitable de la mine, obtiendra la préférence pour les concessions nouvelles, s’il justifie des facultés nécessaires pour entreprendre et conduire les travaux de la manière prescrite par la loi. »
La loi va plus loin, elle suppose le cas où plusieurs propriétaires seraient obligés de se coaliser pour l’exploitation.
« Il en sera de même si cette surface appartient à plusieurs propriétaires réunis en société et qui offriront les mêmes garanties. »
Je vous avoue, messieurs, qu’en présence de semblables dispositions, je ne puis concevoir que l’intérêt et les droits des propriétaires puissent être lésés en aucun cas.
M. Frison. - Lisez les paragraphes suivants.
M. de Brouckere. - On m’objecte que les deux dispositions dont je viens de donner lecture sont suivies d’une disposition qui permet des exceptions à cette règle générale. Quand nous en serons au troisième paragraphe de l’art. 6, si l’on reconnaît que son maintien peut avoir des suites fâcheuses, nous pourrons le moduler de telle manière qu’il n’inspire plus la moindre crainte.
Je dois cependant faire observer qu’il se trouve dans le projet de la commission un paragraphe qui me semble extrêmement vague, et dont l’application pourra donner lieu à de graves difficultés. C’est le n°2 de l’art. 8.
« Si l’exploitation à ciel ouvert, quoique possible encore, doit durer peu d’années, et rendre ensuite impossible l’exploitation régulière par travaux d’art. »
Je sais que cette disposition se trouve également dans la loi de 1810, ainsi que dans le projet du gouvernement. D’abord, messieurs, qu’entend-on par peu d’années ? C’est une question que l’honorable M. Pirmez a déjà faite, et à laquelle on n’a pas répondu.
Un ingénieur se rendra sur les lieux pour examiner une exploitation de minerai de fer à ciel ouvert. Il jugera que l’exploitation peut durer trois années encore. Il le déclarera dans son rapport sans spécifier le nombre d’années, et décidera qu’il y a lieu à faire une concession de cette exploitation.
Un autre ingénieur, dans une autre circonstance, trouvera qu’une exploitation à ciel ouvert peut durer encore 10 années ; il déclarera que l’ouverture en concession ne doit avoir lieu que pour autant que l’exploitation doive durer moins de dix années. Il s’établira alors une sorte d’anomalie qui constituera une véritable injustice, par suite de laquelle les intérêts des uns seront lésés et les intérêts des autres protégés outre mesure.
Comment jugera-t-on que l’exploitation à ciel ouvert doit rendre impossible l’exploitation régulière par travaux d’art ? Cela dépendra des ingénieurs. Tel ingénieur, en se rendant sur les lieux, pourra être d’avis qu’en continuant un certain nombre d’années l’exploitation à ciel ouvert, l’exploitation régulière sera rendue impossible, tandis que tel autre ingénieur sera d’un avis différent.
Cette disposition, messieurs, me semble donc donner ouverture à l’arbitraire. Or, on aura beau dire que cet arbitraire existait sous la loi de 1810, ce sera un très mauvais argument. Si nous discutons une loi nouvelle, c’est pour qu’elle soit meilleure que celle à laquelle nous la substituons.
Je demanderai à l’assemblée si elle ne croirait pas convenable que nous donnions une nouvelle satisfaction aux propriétaires et à leurs défenseurs.
J’ai en conséquence l’honneur de proposer la suppression du n°2 de l’article en discussion.
M. Pirmez. - On dirait, à entendre mes honorables antagonistes, que par mon amendement je veux enlever à la nation le droit d’exploiter les mines pendant 10 ans. Tout ce que je demande, c’est que la loi soit révisée avant 10 ans. Je n’ôte pas pour cela à la nation le droit de la réviser demain. Ce que je veux, c’est que l’on ne concède pas aujourd’hui de mines de fer. Rien n’empêche demain que l’on demande qu’il en soit concédé. Le gouvernement peut faire toutes les enquêtes nécessaires à cet égard.
Quant à ce qu’a dit l’honorable M. de Brouckere, il a très bien plaidé la cause que j’ai plaidée moi-même en m’attachant à démontrer que les garanties données par l’art. 8 sont extrêmement illusoires.
Du reste, donnez toutes les garanties imaginables. Du moment que les concessions pourront être accordées, elles le seront. A moins que vous n’accordiez au propriétaire la faculté qu’il a, dans tous les autres cas de propriétaires, de soutenir ses droits devant l’autorité judiciaire, toute garantie sera illusoire. Il y a trop d’intérêt à avoir une concession pour qu’elle ne soit pas accordée en dépit de toutes les garanties, du moment que l’on ne pourra pas discuter oralement la question de fait.
Vous trouverez toujours des ingénieurs qui diront que la question des faits existe. Le conseil des mines ne sera pas sur les lieux pour les vérifier.
On dit qu’il y a des exploitations de minerai de fer qu’il faut nécessairement concéder. Qu’on les nomme, qu’on les désigne. Nous en ferons l’objet de lois spéciales qui autoriseront le gouvernement à accorder ces concessions. Nous faisons des lois pour des objets d’une moindre importance. Ces concessions sont d’un plus haut intérêt que des concessions de routes et de canaux, pour lesquelles nous faisons cependant des lois spéciales.
Remarquez que nous sommes aujourd’hui à une époque de crise pour l’exploitation des mines de fer. Il y a dix ans le minerai de fer n’avait aucune valeur, parce qu’il n’y avait pas de combustible suffisant. L’usage que l’on en faisait était limité à la quantité de bois que l’on pouvait employer pour en extraire le fer. Plus tard l’on fit une découverte précieuse. On trouva le moyen d’extraire le fer du minerai au moyen de la houille. Ce combustible étant dix fois plus considérable que celui qu’on obtenait par le bois, le minerai, dix fois plus recherché qu’auparavant, s’est trouvé acquérir une grande valeur. Si, comme on le cherche en ce moment, on trouve le moyen de se servir de toute espèce de houille pour la fonte du minerai, il faudra pour la consommation de nos hauts fourneaux dix fois plus de minerai qu’il n’en faut aujourd’hui. Vous comprenez donc de quelle importance est la propriété d’un terrain où il y a du minerai de fer. Vous ne devez pas donner légèrement au gouvernement la faculté d’accorder des concessions pour une matière aussi précieuse, c’est-à-dire, en réalité, d’exproprier le propriétaire. Vous ne devez pas laisser des questions de cette nature à l’arbitraire du gouvernement. En consentant à réviser la loi dans le terme de 10 ans, vous conciliez l’intérêt public et l’intérêt particulier.
S’il y a des cas spéciaux d’intérêt public, indiquez-les, je le répète ; mais n’allez pas, pour deux ou trois cas particuliers, établir une règle générale dont les conséquences seront de la plus haute gravité.
M. Dechamps. - Si j’en juge par les paroles de l’honorable M. de Brouckere et de M. le ministre de l'intérieur, le système de l’honorable M. Pirmez n’a pas été parfaitement compris. A entendre l’honorable préopinant, ce système tendrait à laisser enfouies sous la terre des richesses minérales, parce que l’on serait dans l’impossibilité d’établir des travaux d’art jugés indispensables. C’est une erreur. Nous déclarons les mines de fer non concessibles. Mais les articles 60 et suivants de la loi de 1810 n’en subsistent pas moins. Par ces articles, il est établi que lorsque le propriétaire de la surface n’exploite pas en quantité suffisante, le gouvernement peut autoriser les maîtres de forges à exploiter à sa place.
Vous voyez, messieurs, que notre système offre autant de garanties à l’intérêt général que le système des concessions. Si l’on y regarde de près, les résultats en dernière analyse ne diffèrent guère.
L’honorable M. Gendebien, dans la séance précédente, a établi parfaitement le système de la commission.
D’après ce système, le propriétaire peut exploiter librement jusqu’au niveau de l’arène. Lorsque des travaux au-dessous de cette arène sont indispensables, l’article 6 lui donne la préférence. Ainsi, a dit l’honorable M. Gendebien, le propriétaire est toujours libre d’exploiter ou de ne pas exploiter. Vous voyez que dans les deux systèmes le résultat est le même à peu près. Lorsque le propriétaire refusera d’exploiter, le gouvernement pourra toujours autoriser les maîtres de forges à exploiter à sa place.
Si une arène à construire devient nécessaire, si le propriétaire de la surface refuse de la construire ou de s’associer aux maîtres de forges pour cet objet, ou s’il est dans l’impossibilité d’exploiter désormais lui-même, le gouvernement autorisera les maîtres de forges à exploiter à sa place ; la mine ne manquera jamais d’exploitants.
Mais si le résultat est le même, va-t-on me dire, pourquoi vous opposez-vous au projet de la commission ? La raison c’est que la limite dont parle le système de la commission est l’arène, qui exposera le propriétaire de la surface à de nombreux inconvénients et rendra même la disposition tout à fait impraticable.
Je ne rappellerai pas l’inconvénient signalé par l’honorable M. Pirmez, qui amènera de nombreux procès et de fâcheuses contestations. Mais voici un autre inconvénient tellement grave qu’il rend impraticable le projet de la commission. D’abord une arène étant une galerie d’écoulement, cela suppose au voisinage de la mine de fer une vallée, un versant où l’arène puisse décharger ses eaux. Beaucoup de minières de fer n’ayant pas dans leur voisinage une vallée ou un versant, il s’ensuivra que la loi ne sera pas applicable à toutes les minières de fer. C’est un défaut capital. Une loi qui ne s’applique à tout est une loi partiale.
Un second inconvénient, c’est que cette disposition peut être éludée avec la plus grande facilité et même sera toujours éludée. C’est que les propriétaires ne construiront plus d’arènes ; ils extrairont les eaux à bras d’hommes, ou au moyen de chevaux, ou, si elles sont considérables, avec des machines à vapeur. Le système des arènes ne durera pas longtemps encore, je le pense. L’on finira, comme l’on commence déjà à le faire, par y substituer les machines à vapeur. Dans peu d’années on ne construira plus d’arènes. Comme la loi ne prévoit pas ce cas, cette disposition sera toujours éludée.
Il me paraît donc, messieurs, que le système de l’honorable M. Pirmez, en garantissant les droits des propriétaires, a, sur le projet de la commission, l’avantage de concilier en même temps l’intérêt public et l’intérêt privé, et n’offre pas les inconvénients que cette limite de l’arène entraîne après elle.
(Moniteur belge n°119, du 28 avril 1836) M. de Brouckere. - L’honorable M. Pirmez a formulé pour ainsi dire une nouvelle proposition. Otez, dit-il, au gouvernement toute espèce de droit d’accorder des concessions, mais réservez par votre loi même au pouvoir législatif le droit d’accorder ces concessions. A l’appui de sa proposition, l’honorable M. Pirmez ajoute : Vous vous occupez bien souvent de lois moins importantes que celles relatives aux concessions particulières.
Je crois, messieurs, que la proposition de M. Pirmez…
M. Pirmez. - Je n’ai pas fait de proposition.
M. de Brouckere. - Que sa quasi-proposition est inadmissible, parce que la législature ne doit pas s’occuper d’intérêts particuliers, où il s’agit, pour ainsi dire, du tien et du mien.
Quant à ce qu’a dit M. Pirmez que la chambre s’occupe de lois moins importantes, comme quand elle discute sur l’établissement des routes et canaux, je répondrai que le pouvoir législatif ne s’occupe de lois de cette nature que quand il s’agit de puiser dans les caisses de l’Etat. Voilà pourquoi le pouvoir législatif discute la nécessité d’établir de nouvelles communications ; quand elles sont ouvertes aux frais des particuliers, il ne s’en occupe pas, il laisse au gouvernement le soin d’accorder des concessions de routes et canaux comme il accorde des concessions de mines.
M. Lebeau. - Je n’ai que peu de mots à dire sur une matière qui m’est trop étrangère pour que je la traite sans défiance de moi-même.
D’abord je dirai à l’honorable préopinant qu’il n’est pas exact d’avancer que le pouvoir législatif n’intervient dans les concessions de travaux publics que lorsque ces travaux sont établis aux frais de l’Etat, partiellement ou indirectement. Il n’en est pas ainsi.
Par la loi sur les concessions de péages, le pouvoir législatif s’est formellement réservé le droit d’accorder des concessions demandées par les particuliers pour construire des routes ou des canaux quand la concession est demandée à perpétuité. Il n’est pas nécessaire que le trésor contribue à la dépense pour que la législature s’occupe d’un pareil objet. Ainsi l’honorable M. Pirmez n’invoquait pas sans fondement les exemples pris dans notre propre législation.
Vous avez encore consacré ce principe à l’occasion du projet d’un chemin de fer quand vous avez renouvelé la loi qui donne au gouvernement le droit d’accorder des péages. Vous avez décidé qu’un projet de chemin qui avait été tracé et devait être exécuté aux frais d’une société particulière, ne pouvait être concédé que par une loi.
L’honorable M. Gendebien n’a pas insisté sur une idée qui a été mise en avant, et qui pas dénuée de fondement, c’est la demande d’une enquête. S’il avait insisté sur ce point, j’aurais demandé dans tous les cas qu’elle ne s’appliquât qu’à l’objet en discussion, et que l’on en séparât tout ce qui a rapport aux concessions de mines de houille. Mais je crois qu’il n’y a pas lieu de donner suite à cette proposition. Je comprendrais la théorie de M. le ministre de l’intérieur et des membres qui partagent son système, si l’industrie métallurgique était à son début en Belgique, si l’attention du pays n’avait pas été éveillée au plus haut point, depuis la révolution de 1830, sur la fabrication du fer.
Je concevrais les inquiétudes de M. le ministre de l’intérieur sur le mauvais vouloir de tel ou tel propriétaire qui, sachant que sa propriété recèle des richesses minérales, s’obstinerait à les conserver improductives ; je concevrais, dis-je, les alarmes de M. le ministre de l’intérieur, si les meilleurs juges de la question, si les principaux intéressés à la grande production du minerai de fer s’associaient à ces inquiétudes.
Mais de tous les maîtres de forges qui se sont adressés à la chambre, et qui ont le plus puissant intérêt à voir se multiplier sur tous les points du territoire la production du minerai de fer, vous n’en voyez pas un seul qui appuie le système de concessibilité de ce minerai.
S’il y a, messieurs, des industries qui s’associent aux alarmes de M. le ministre de l'intérieur, les personnes intéressées se tiennent encore en expectative et ne se sont pas révélées jusqu’ici.
Certes, on conviendra que les meilleurs juges de la question agitée dans cette enceinte sont les maîtres de forges. Or, vous les entendez tons s’écrier : Il faut soutenir le système suivi jusqu’ici par le gouvernement ; nous en avons une expérience de cinq ans, et les meilleurs effets en sont résultés. Le minerai a été produit en abondance, et son prix ne s’est pas sensiblement élevé il n’a haussé qu’en raison de l’immense production du fer qui se voit non seulement en Belgique, mais encore en Angleterre et dans toutes les autres parties de l’Europe depuis surtout que l’on s’occupe de chemins de fer.
J’ai dit que je concevrais les inquiétudes du gouvernement si elles étaient partagées pat les principaux intéresses ; je les concevrais, si le gouvernement ne venait de nous révéler des faits qui, selon moi, sont concluants contre la nécessité des concessions.
Que vous a dit tout à l’heure M. le ministre ? Il vous a cité une quantité d’exploitations de minerai de fer où l’on a placé des machines à vapeur, où l’on a exécuté de grands travaux d’art ; et sur l’observation faite à M. le ministre que ces travaux, qui exigent des dépenses considérables, ne prouvaient rien, s’ils n’étaient exécutés uniquement par des concessionnaires, le ministre a été obligé de convenir que parmi les industriels qui se livraient à ces travaux, qui ne reculaient pas devant ces dépenses, il se trouvait un grand nombre de non-concessionnaires.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Ce sont des propriétaires.
M. Lebeau. - Je le conçois ; mais on est propriétaire du minerai de deux manières ; on en est propriétaire quand on possède le sol ; mais on l’est aussi quand on l’achète ; et l’on peut fort bien acheter le minerai isolément du sol.
C’est là aujourd’hui une grande source d’aisance pour plusieurs propriétaires et particulièrement pour une classe de propriétaires dont peut-être on n’a pas défendu assez chaudement les intérêts dans cette enceinte : je veux parler d’un grand nombre de communes.
Il y a dans plusieurs provinces, et notamment dans celle de Namur, beaucoup de communes qui, dénuées de ressources, n’ont pu guère jusqu’à ces derniers temps pourvoir à leurs frais d’administration qu’à l’aide de subsides, soit du gouvernement, soit de la province ; eh bien, ces communes se sont formé tout à coup un certain revenu en vendant le minerai gisant dans leurs propriétés.
On me citait tout à l’heure une petite ville qui peu riche, a fait une location de terrain à minerai, dont le produit lui rapporte annuellement près de 1,500 fr. ; c’est là une somme assez importante pour une petite localité dénuée de ressources.
Qu’arrivera-t-il, messieurs, si le système de concession est admis ? Je conviens qu’on en fera, sous la tutelle d’un homme aussi probe et aussi prudent que le ministre de l’intérieur, le meilleur usage possible, du moins dans son intention.
On accordera sans doute des concessions ; car sinon, à quoi bon la loi que nous discutons maintenant ? et pourquoi mettrions-nous à la disposition du gouvernement une prérogative qui resterait nulle dans ses mains, et ne servirait qu’à alarmer un grand nombre de propriétaires ? Car, grâce au système actuel de tolérance, plusieurs ont fait des extractions, sources pour eux d’aisance et de prospérité.
Un grand nombre de voix. - C’est cela !
M. Lebeau. - Oui, messieurs, voilà les intérêts que vous allez alarmer, voilà les mécontentements que vous allez provoquer.
Pour en revenir aux communes dont je parlais tout à l’heure, je demande ce que peut devenir pour ces localités le droit de préférence dont vient de nous entretenir l’honorable M. de Brouckere.
Comment voulez-vous que les communes dénuées de ressources puisent, lorsque l’aspirant-concessionnaire prétendra et sera parvenu à donner aux ingénieurs et au gouvernement la conviction que des travaux d’art sont nécessaires, comment voulez-vous, dis-je, que ces communes puissent faire les avances que l’on demandera, créer des moyens d’extraction ? Evidemment, messieurs, le demandeur en concession l’emportera.
Si, au contraire, celui qui veut devenir concessionnaire sait que le gouvernement n’a pas la faculté de l’investir de ce droit, eh bien, quel moyen lui reste-t-il pour arriver à l’exploitation du minerai ? C’est de traiter de gré à gré avec les propriétaires grands et petits, et croyez-le bien, d’après ce qui se passe aujourd’hui, le propriétaire a pour ainsi dire, le choix. Car on se dispute le minerai, on le cherche partout, on vient le chercher jusque dans les caves des petits particuliers. La concurrence est tellement grande pour l’exploitation du fer que, partout où l’on peut supposer un dépôt de matière minérale, l’industriel sait très bien aller le chercher.
Je dis, messieurs, qu’en fait la plupart des exploitations du minerai de fer n’exigent pas de grands travaux d’art ; et l’on peut même dire que l’immense majorité des exploitants exécutent leurs travaux à ciel ouvert, sans frais et sans danger ; sous ce dernier rapport on sait qu’il y a une grande différence entre l’intérieur des mines de houille et l’intérieur des mines de fer en exploitation.
Je pose encore en fait que cette industrie a pris aujourd’hui un tel essor que la concurrence est tellement grande, que les moyens d’exploitation sont tellement perfectionnés, que si des travaux d’art sont nécessaires, il est inutile que le gouvernement les prescrive ; vous avez vu, d’après ce qu’a dit M. le ministre, que des industriels non concessionnaires ont fait de grands travaux, ont placé des machines à vapeur ; eh bien, n’arrêtons pas cet essor qui a pris naissance sous l’empire d’un fait heureux, sous l’empire d’une tolérance que je crois pouvoir être convertie en loi sans inconvénient pour le pays.
Le système contraire, par cela seul qu’il verrait le jour, alarmerait déjà beaucoup d’intérêts et susciterait beaucoup de mécontentement dans le pays ; je crois même que le mal moral serait infiniment plus grand que le mal matériel ; or les préoccupations de la législature doivent se porter également sur tous ces points.
D’après ces considérations Je voterai pour l’amendement de M. Pirmez.
(Moniteur belge n°118, du 27 avril 1836) M. Gendebien. - Il semble, à entendre certains orateurs, et particulièrement celui qui a parlé le dernier, que nous ayons voulu spolier en quelque sorte les propriétaires de la surface, que nous ayons voulu tout bouleverser.
Mais, messieurs, le travail de la commission a été dirigé dans un but tout opposé ; il ne tend qu’à une seule chose, à donner au pays une loi plus libérale que celle du 21 avril 1810 ; j’ai eu l’honneur de déclarer dans la première séance que si l’on nous proposait des disposition plus libérales que le travail de la commission, je m’empresserais d’y adhérer.
Messieurs, il est temps de revenir au fond de la question, car malheureusement on se perd depuis trois jours dans le vague des théories, alors qu’il s’agit de discuter quelque chose de positif.
Que disait l’article 69 de la loi, dont l’exercice a été suspendu par une décision de la chambre ? Il contenait ce qui suit :
« Il ne pourra être accordé aucune concession pour minerai d’alluvion ou pour des mines en filons ou couches que dans les cas suivants :
« 1° Si l’exploitation à ciel ouvert cesse d’être possible, et si l’établissement de puits, galeries et travaux d’art est nécessaire ;
« 2° Si l’exploitation, quoique possible encore, doit durer peu d’années, et rendre ensuite impossible l’exploitation avec puits et galeries. »
Eh bien, messieurs, nous n’accordons pas maintenant au gouvernement la faculté de concéder dans ces cas, et nous accordons au contraire aux propriétaires le droit d’exploiter par puits et par galeries ; de plus nous leur accordons la faculté d’exploiter sans concession à toute profondeur, dès l’instant qu’il y a une arène qui garantit le fond de la mine contre les bains d’eau qui s’y établiraient, si elle n’était pas asséchée au moyen d’une galerie d’écoulement.
Ainsi, messieurs, notre but unique a été de restreindre la faculté que la loi de 1810 donnait au gouvernement de concéder les mines de fer ; et pour s’en convaincre, il suffit de lire l’art 8 du projet de la commission.
Voulez-vous, messieurs faire un pas de plus ? voulez-vous ôter entièrement au gouvernement le droit d’accorder des concessions ? eh bien, supprimez alors l’article 8 du projet de la commission ; je le veux bien, mais supprimez aussi presque tous les articles de la loi de 1810, relatifs aux mines de fer, par exemple, et spécialement l’art. 68.
En effet, l’art, 68 défend précisément de faire ce que l’art. 8 du projet autorise : « Les propriétaires, dit cet article, ou maîtres de forges ou d’usines, exploitant les minerais de fer d’alluvion, ne pourront, dans cette exploitation, pousser des travaux réguliers par des galeries souterraines, sous avoir obtenu une concession, avec les formalités et sous les conditions exigées par les articles de la section première du titre 3, et les dispositions du titre 4. »
D’après le texte de cet article bien positif, vous auriez beau ôter au gouvernement le droit de faire des concessions, le propriétaire n’en serait pas bien avancé, car il ne pourrait pas tirer parti de sa propriété, il ne pourrait pas faire ce que le projet de la commission lui donne le droit de faire.
Ainsi le projet de la commission améliore la condition du propriétaire. L’article 8 autorise précisément de faire ce que la loi de 1810 défend, ce que le gouvernement a droit de défendre aux termes de cette loi de 1810. Vraiment, je ne comprends pas les observations sur lesquelles on a si longuement insisté depuis quelques jours et particulièrement aujourd’hui.
Si vous voulez maintenant donner au propriétaire la faculté d’extraire d’une manière indéfinie, comme bon lui semblera, la mine qui est dans son fonds, ce n’est pas l’article 8 du projet de la commission qu’il faut repousser, il faut abroger l’article 68 et plusieurs autres de la loi de 1810 que je ne cite pas, mais particulièrement celui-là.
On vous a dit que l’art. 8 de la commission devait être repoussé, parce que l’arène dont il est parle au dernier paragraphe présentait deux graves inconvénients. Le premier, c’est que pour établir une arène, il faut trouver un point de niveau plus bas pour diriger les eaux horizontalement, et que là où il n’y a pas de vallon, les propriétaires ne pourraient pas établir d’arène.
Je ne vois pas bien si un pays de mines manque jamais de vallons. Je ne sais pas si dans toute la Belgique, excepté les Flandres et les environs d’Anvers, il manque de vallons, et par conséquent si on ne pourrait établir des galeries d’assèchement ; j’en doute, mais je désire être éclairé sur ce point.
Eu second lieu, on dit que l’article pourra être éludé parce que les propriétaires, an lieu de faire des arènes, épuiseront les eaux soit à bras d’homme, soit au moyen de chevaux, soit au moyen de machines à vapeur.
Mais je ferai observer que la loi n’entend pas s’opposer à cela ; aucun article du projet de la commission ne s’y oppose, mais les dispositions de la loi de 1810 abrogées par votre projet le défendent ; sans votre disposition, vous ne pouvez pas le faire. Mais avec la disposition que nous proposons, nous pourrons le faire. Si le propriétaire trouve une garantie suffisante dans ses droits de propriété il peut se dispenser de demander une concession pour exploiter la mine dans son propre terrain avec ou sans machines ; la loi ne lui impose pas l’obligation de demander une concession. Seulement elle restreint dans les mains du gouvernement la faculté de donner des concessions. Voilà le système de la loi, voila tout son esprit.
Maintenant j’ai dit que, quant à moi, je n’étais pas suffisamment éclairé sur cette grave question. J’aurais désiré qu’une enquête appelât tous les intéressés à se prononcer. On m’a répondu que ce serait ajourner indéfiniment le vote de la loi. De mon côté, je ferai observer que l’honorable membre qui m’a fait cette objection demande que la révision de la loi ait lieu dans dix ans, c’est-à-dire qu’il ne soit statué sur les mines que dans dix ans.
M. Pirmez. - La révision sera nécessaire dans dix ans, mais on pourra la réviser avant si on le juge convenable.
M. Gendebien. - Telle était votre intention, il fallait dire qu’il ne pourrait être accorde de concession de mines de fer jusqu’à disposition ultérieure.
Si votre amendement reste rédige tel qu’il est, la question sera de savoir si on peut s’occuper de la révision avant les dix années écoulées. Nous pouvons avoir pour successeurs des législatures qui, pour ne pas renouveler la discussion qui nous occupe, diront que la révision ne peut avoir lieu avant l’expiration du délai fixé.
Suspendons la disposition relative aux mines de fer, renvoyons-la à la nouvelle session. Jusque-là on aura laissé les propriétaires dans la situation où ils sont aujourd’hui, et on aura ôté au gouvernement la faculté de concéder. On fera cesser toutes les inquiétudes, et on aura eu le temps de s’éclairer par des enquêtes ou des informations individuelles.
Ou vous a dit, et c’est l’honorable préopinant, que tous les maîtres de forges s’opposaient aux concessions. Je ne le conteste pas, mais j’en serai plus sûr quand une enquête aura provoqué tous les propriétaires et maîtres de forges à s’expliquer.
Si la commission a exprimé le désir que le propriétaire pût toujours disposer de sa propriété, exploiter son fonds, nous avons aussi été unanimes sur ce point qu’il fallait prendre des précautions pour éviter qu’on ne compromette les richesses souterraines et l’avenir du pays. Nous avons été unanimes aussi pour admettre l’article 8, à l’exception d’une voix, ce membre ne voulait pas restreindre la faculté de concéder dans les mains du gouvernement.
Il voulait que le gouvernement eût la pleine liberté de concéder ; de sorte que l’esprit de la presque unanimité de la commission était de restreindre le plus possible la faculté de concéder les mines de fer. Je suis prêt à adopter l’amendement de M. Pirmez et même à ôter au gouvernement à perpétuité la faculté de concéder, pourvu qu’on mette des exceptions pour les mines qui ne peuvent s’exploiter qu’au moyen de machines et travaux extraordinaires. Si les mines se trouvent sur une partie de terrain assez étendue pour comporter une dépense de cette nature, et que le propriétaire voulût s’en charger seul ou en société, le gouvernement n’a pas à s’en occuper. Mais dès qu’un auteur de découvertes utiles pour la généralité, sans préjudice pour le propriétaire, justifiera de la nécessité de travaux d’art, nous voulons qu’il puisse demander la concession.
Formulez un projet de loi dans ce sens, j’y donnerai les mains. Mais la seule chose que je ne veux pas et ce que nous ne voulons pas, c’est que la loi soit un prétexte pour refuser toute concession. Car on découragerait les hommes de génie, les hommes industrieux qui consacrent leur vie à la recherche des mines. Depuis que le minerai a acquis de la valeur, le pays est parcouru dans tous les sens pour en découvrir. Si vous déclarez qu’il ne sera plus concédé de mines de fer, vous arrêterez ces recherches et vous priverez les pays de richesses peut-être cent fois plus grandes que celles qu’on connaît aujourd’hui.
Quand on a commencé à exploiter la houille à la superficie, personne ne se doutait des richesses immenses qui se trouvaient plus bas. Pourquoi en serait-il autrement pour les mines de fer ? Il n’y a pas plus de 40 ans qu’on a reconnu dans les charbonnages du Hainaut que les veines avaient un plat ou couche horizontale ; c’est dans ces veines presque horizontales que se trouve toute la richesse de ces mines. Pourquoi n’en serait-il pas de même des mines de fer ? Cette industrie est encore dans son enfance ; nous ferons d’ici à 25 ans plus de progrès qu’on n’en a fait pendant des siècles. Il y avait eu jusqu’ici une espèce de monopole. C’était le résultat de l’observation de M. Pirmez ; c’est que l’exploitation était bornée en raison de la quantité de bois dont on pouvait disposer pour la fonte du minerai.
Aujourd’hui qu’on a trouvé moyen de fondre le minerai à la houille, il n’y a plus de terme à poser au progrès de cette industrie. J’espère que ce sera dans le fond qu’on trouvera la véritable richesse minérale et qu’elle ne sera pas à comparer avec ce qu’on obtient maintenant. Cependant, vous voulez compromettre cet avenir qui ne nous appartient pas. Vous voulez arrêter tout progrès, vous voulez étouffer jusqu’au génie inventeur.
Formulez un amendement de manière à établir une concurrence parmi les exploitants de hauts-fourneaux, les propriétaires et les inventeurs, je m’empresserai de l’appuyer.
Je suis convaincu que l’amendement de la commission ne présente aucun des inconvénients signalés. Si l’on justifiait les accusations dont il a été l’objet, je serais le premier à le repousser. Et je déclare que je m’abstiendrai de voter sur cet article si je ne suis pas ultérieurement éclairé par une enquête ou par des renseignements positifs.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, en présence de la divergence des opinions émises, considérant qu’il y a urgence de statuer sur les concessions de mines de houille et que la suspension de l’exécution de la loi du 21 avril 1810 compromettrait les intérêts les plus graves, attendu que ceux qui ont obtenu des concessions et demandent des extensions sont obligés ou de suspendre leurs travaux ou de les gâter ou de violer les cahiers des charges faute de pouvoir obtenir les concessions. L’essentiel serait de pourvoir aux mines de houille en laissant tout entière la question des mines de fer. Pour arriver à ce but, ce serait d’ajouter à l’article premier : « Les attributions conférées au conseil d’Etat par la loi du 21 avril 1810 sur les mines seront exercées, en ce qui concerne les mines de houille, par un conseil composé, etc. »
De cette manière la loi du 21 avril 1810 demeure entière, aucun principe n’est préjugé. Je désire même qu’aucun principe contraire ne soit adopté, parce que je pense aussi que l’exploitation à la superficie n’est que provisoire et que l’exploitation par galeries d’écoulement et machines d’épuisement deviendra le moyen régulier, comme cela est arrivé pour l’exploitation des milles de houille.
L’urgence pour les mines de fer n’est pas telle qu’on ne puisse remettre à la prochaine session la partie du projet qui y est relative.
Je suis convaincu qu’on n’adoptera pas plus tard de principes contraires à ceux posés dans le projet. Il donne toute garantie au propriétaire, puisque la concession ne sera jamais accordée que quand le propriétaire ne pourra pas ou ne voudra pas employer les moyens nécessaires pour exploiter la mine sans la compromettre.
Et quelque examen que subisse cette loi, elle n’aura pas d’autre solution que celle-là. C’était aussi l’opinion des savants jurisconsultes qui ont élaboré le projet : mais en présence de l’incertitude des esprits, en présence des nombreux amendements qui sont présentes, je crains qu’après plusieurs semaines on n’aboutisse à rien, comme il est déjà arrivé en 1831 et 1832. Je crois donc qu’il faut disjoindre la question relative aux mines de fer de la question concernant les houilles. En conséquence, je ferai la proposition suivante :
« Les attributions conférées au conseil d’Etat, par la loi du 21 avril 1810, seront exercées par un conseil des mines. »
Et d’ici là, on aura pris de nouveaux renseignements, et on pourra arriver à une unanimité d’opinion qui permettra une solution.
Le titre IV sera provisoirement retranché du projet.
M. Desmanet de Biesme. - Je ne m’oppose pas à la question d’ajournement ; au contraire, je l’appuie. C’est ce que l’on peut faire de plus sage, et ceci rentre dans la proposition faite par M. Seron, qui ne veut pas qu’on fasse de nouvelles concessions. Déjà plusieurs maîtres de forges ont fait valoir diverses considérations ; l’ajournement nous permettra de recueillir davantage de faits.
J’avais proposé un amendement relatif aux terrains déjà concédés ; on sait dans quelle position malheureuse se trouvent plusieurs propriétaires ; naturellement l’amendement vient à tomber pour le moment.
Je ne veux pas rentrer dans la discussion ; elle a déjà été assez longue ; d’ailleurs, beaucoup de mes collègues ont très bien dit quels abus avaient résulté de la loi en vigueur sous l’administration du roi Guillaume.
Vous savez que mon amendement contenait deux parties.
1° Premier paragraphe additionnel à l’art. 8.
« Ces dispositions sont applicables aux propriétaires des terrains compris dans les concessions accordées antérieurement à la présente loi. »
2° Art. nouveau, qui serait l’art. 9.
« Dans les cas où les propriétaires voudraient continuer les fouilles ou extractions de mines ou minerai de fer qui s’exploitent à ciel ouvert, déjà commencée par les concessionnaires, ils seront tenus de rembourser à ces derniers les dépenses qu’ils justifieront légalement avoir faites pour parvenir auxdites extractions. »
Dans mon opinion, le roi Guillaume n’a pas eu le droit d’accorder des concessions comme il l’a fait, parce que les terrains n’étaient pas dans une position à permettre ces concessions. Je voudrais que l’on pût revenir sur ces irrégularités. En ce moment, ce serait impossible : mais je voudrais que le gouvernement nommât une commission d’enquête chargée de se rendre, le cahier des charges à la main, sur tous les terrains concédés, et de voir si les conditions de la concession ont été remplies ; s’il était prouvé qu’elles ne l’ont pas été, le gouvernement ne devrait pas hésiter à provoquer la déchéance de concessionnaires, et à faire rentrer les particuliers dans le droit commun.
Je crois que c’est un devoir pour le gouvernement d’agir ainsi. Cela est d’autant plus important qu’une province tout entière, par un abus très grand, se trouve concédée. (La province de Luxembourg.) On sait comment les choses se sont passées, et qu’un homme du pouvoir s’était mis à la tête de l’association qui a obtenu la concession.
Cependant la concession avait été faite sous la condition de creuser un canal dans le Luxembourg, ce qui n’a pas été exécuté. Je crois qu’il est temps que le gouvernement avise aux moyens de faire cesser un monopole aussi odieux. (Très bien ! très bien !)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’enquête que demande l’honorable membre ne serait pas difficile à faire ; il suffirait pour l’exécuter de prendre les rapports des ingénieurs, et sur ce point je sais à quoi m’en tenir. Mais la difficulté viendrait de ce que dans la loi de 1810 il n’y a pas de disposition en vertu de laquelle ou puisse provoquer les déchéances, ni de disposition sur l’abandon volontaire. En France, dès 1813, le conseil d’Etat, voyant cette lacune, avait, proposé un projet pour la remplir ; il ne fut pas présenté aux chambres.
J’ai pris des informations près du conseil des mines, et quand la chambre aura réglé les concessions, je présenterai un projet et sur l’abandon volontaire et sur la déchéance ; mais actuellement le gouvernement ne peut prendre de mesure à cet égard. (La clôture ! la clôture !)
M. Fallon. - La question que vient de soulever M. Desmanet de Biesme mérite de fixer l’attention de la chambre ; c’est une question très grave ; mais je crois que le gouvernement n’est pas sans action pour exiger des concessionnaires qu’ils remplissent les conditions du cahier des charges. Sous l’empire de la loi de 1810 in y avait déchéance lorsque les travaux n’étaient pas ouverts dans les six mois après la concession ; et il y avait encore déchéance quand on restait un an sans mettre les travaux en activité. Dans la loi de 1810 il n’a pas été parlé de déchéance ; il semblerait qu’on pourrait accuser le législateur d’imprévoyance ; toutefois je ne l’en accuserai pas.
La loi de 1810 assimile les propriétés concédées à toutes les propriétés régies par le droit civil ; il allait de soi que celui à qui la propriété était transmise sous certaines conditions pût être révoqué de son titre de propriétaire ou de sa concession s’il n’avait pas rempli les conditions qu’il avait acceptées.
Que l’on dise que la concession formait un titre gratuit ou onéreux la conséquence est la même : il s’agit toujours d’un acte synallagmatique. Ainsi c’est un contrat qui rentre dans le droit commun. Il faut donc comprendre que dans toutes les concessions il y a une condition résolutoire et je ne vois pas de difficulté à ce que l’on attaque les concessionnaires devant les tribunaux s’ils n’ont pas rempli les conditions des cahiers des charges.
Telles sont les idées qui naissent de la proposition de M. Desmanet de Biesme.
- La séance est levée à cinq heures.