(Moniteur belge n°107, du 16 avril 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à une heure.
M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen fait l’analyse d’une pétition adressée à la chambre.
« Le sieur Setroux, à Sougne, adresse des observations à l’appui du projet de séparer la commune de Sougne de celle de Sprimont pour la réunir à Aywaille. »
- Cette pétition est renvoyée à la commission spéciale chargée de l’examen de la loi proposée relativement à la séparation des communes.
M. Vanden Wiele écrit pour demander un congé à cause du mauvais état de sa santé.
- Le congé est accordé.
M. Gustave Bosquet adresse la lettre suivante à M. le président :
« M. le président,
« Le Roi ayant daigné, sur ma demande, m’appeler aux fonctions de conseiller près de la cour d’appel de Bruxelles, fonctions auxquelles j’ai la ferme intention de me vouer exclusivement, je m’empresse de vous en informer, en vous priant de vouloir bien le porter à la connaissance de la chambre, au sein de laquelle je dois cesser, aux termes de l’art. 36 de la constitution, d’avoir l’honneur de siéger.
« Je vous prie, etc. »
M. Lejeune, organe de la commission des pétitions, demande qu’une pétition des habitants d’Assenede, qui se rapporte au canal de Zelzaete soit renvoyée au ministre de l’intérieur.
M. Lejeune demande ensuite, en son nom, que la même pétition reste déposée sur le bureau de la chambre pendant la discussion du projet du canal de Zelzaete.
- Cette proposition de M. Lejeune est adoptée.
M. le président. - Avant de passer outre à la discussion, je dois déclarer à la chambre que M. Lejeune a déposé sur le bureau un amendement ainsi conçu :
« La part pour laquelle les intéressés devront contribuer dans l’entretien du canal sera ultérieurement fixée par la loi. »
M. de Foere. - Messieurs, les adversaires du projet ont porté la discussion sur le terrain de l’équité. Ils ont bien fait. C’est sur ce terrain que toutes ces discussions doivent être établies. C’est au surplus le plus sûr moyen de l’entendre et de contenter l’esprit étroit de provincialisme qui envahit si souvent et si malheureusement cette chambre. La chambre devrait donner au pays l’exemple de son attachement aux principes de l’économie sociale. Les parties ne se combattent jamais sans nuire considérablement au tout. L’esprit d’association a pour premier besoin l’union ; sans cette union, l’association même nationale est impossible. Au contraire, lorsque les diverses parties de l’Etat semble s’entendent, il y a moyen d’en venir à des résultats immenses auxquels chaque partie prend sa part de prospérité et de bonheur.
Après ce préambule, ne vous attendez pas, messieurs, que j’aie l’intention de demander aux autres provinces aucune concession gratuite en faveur des provinces de la Flandre. Je me renfermerai dans le cercle d’une équité rigoureuse.
Est-il vrai, ou non, qu’à l’exception de l’écluse du Hazegras, tous les autres débouchés soient, par le fait de la révolution, au pouvoir des Hollandais ? Or, que vous demandent les Flandres ? Elles vous demandent d’autres débouchés. Les Flandres ne s’attachent pas d’une manière exclusive au canal de Zelzaete à la mer. Elles vous demandent principalement d’être rétablies dans leurs anciens droits que la révolution a détruits. Le gouvernement a compris cette équité : d’après l’avis unanime de ses ingénieurs, il vous propose le canal en remplacement des anciens écoulements.
Quels sont les motifs qui ont conduit le gouvernement dans cette proposition ? Ce sont des motifs d’intérêt général. Le ministre de l’intérieur les a exposés à la chambre. En premier lieu, le canal doit servir à faire cesser les interruptions continuelles qu’éprouve la navigation sur le canal de Bruges à Ostende. La navigation n’est jamais un intérêt isolé. Cet intérêt se rattache toujours au commerce et à l’industrie. La Flandre n’a aucun intérêt à faire cesser ces interruptions. Au contraire, les bateaux devant toujours arriver et passer par son canal qui les conduit à la mer et à Dunkerque, elle est intéressée aux longues stations que les bateaux sont obligés de faire dans ses eaux. Plus ils stationnent, plus aussi leurs équipages consomment et achètent. Il est évident que la Flandre n’a aucun intérêt local à faire enlever à la navigation intérieure les obstacles qu’elle rencontre.
Admettons maintenant que, dans l’intérêt de la navigation intérieure, la Flandre construise, d’après les exigences de nos adversaires, le canal de Zelzaete à ses frais, soit en entier, soit en partie ; pensez-vous que, dans ce cas, et alors que la Flandre n’a, localement parlant, aucun intérêt à faire cesser ces obstacles qu’éprouve la navigation, pensez vous, dis-je, que, dans ce cas, le gouvernement puisse refuser, en bon droit, à la Flandre l’autorisation de lever un droit de tonnage sur les navires qui naviguent sur son canal ? Qui oserait se lever dans cette chambre pour soutenir une thèse contraire ? Remarquez, au surplus, que le canal qui conduit à Ostende et à Dunkerque a coûté 25 millions à la Flandre, et qu’elle ne perçoit cependant aucun droit de péage sur les navires. Elle l’a livré généreusement au commerce et à l’industrie. Le génie, d’après ces considérations, en est venu à la même conclusion. Les chambres, dit M. Vifquain dans son rapport, ne peuvent équitablement refuser cette allocation.
En second lieu, le gouvernement propose le canal dans un autre intérêt général. Il veut assainir cette partie du pays dans un intérêt sanitaire de l’armée et des employés de la douane. Cette contrée étant périodiquement inondée, les soldats et les douaniers sont aussi périodiquement décimés. Le mal est aujourd’hui parvenu à tel point que le ministre de la guerre est obligé d’offrir une prime aux officiers et aux soldats qui s’offriraient volontairement pour le service de cette partie du pays. Le ministre des finances peut vous dire de son côté les obstacles qu’il éprouve de ce chef dans le service de la douane. Et lorsque, dans cet intérêt sanitaire, le gouvernement vous propose le canal, de préférence à toute autre voie d’écoulement, vous voulez que la Flandre en accepte les frais en tout ou en partie ! Cette prétention est-elle fondée sur les règles d’une équité rigoureuse ?
Ensuite, le trésor public cherche à se garantir, au moyen du canal, contre les pertes majeures que lui font éprouver les 80,000 bonniers exposés, depuis quatre ans, à des inondations périodiques et sur lesquels il ne perçoit aucune contribution ; et vous voulez que la Flandre lui assure ce recouvrement à ses propres dépens ! Croyez-vous qu’il soit difficile de trouver une société qui se chargerait de construire le canal à ses frais, à condition que vous lui abandonniez les contributions que l’Etat perçoit sur ces terres qui sont périodiquement inondées ?
En quatrième lieu, le gouvernement veut soustraire cette partie intéressante et productive du pays au mauvais vouloir de la Hollande qui, dans tous les cas de guerre, n’a jamais hésité d’inonder le pays dans l’intérêt de sa propre défense. C’est encore dans cet intérêt général que le gouvernement vous propose le canal, et vous voulez que la Flandre seule en supporte, en grande partie, les dépenses !
Dans quelques jours vous demanderez aux Flandres de contribuer dans les nouvelles routes que l’on se propose de construire dans toutes les provinces du pays.
Eh bien, vous avez remarqué la grande disproportion qui existe dans les lieues à construire dans les autres provinces, comparativement aux provinces de la Flandre. Le projet propose 16 lieues de construction dans la Flandre orientale, 19 pour la Flandre orientale, 24 pour le Hainaut, 23 pour Namur, 25 pour Liége, 22 pour le Brabant, 31 pour Anvers, et 84 pour le Luxembourg ; et, lors de la discussion, vous exigerez que les Flandres entrent dans ces disproportions dans l’intérêt général.
Messieurs, malgré ces considérations, puisées dans l’intérêt général, je suis cependant déterminé à rester dans les règles que je crois être dictées par une juste équité. Par ce motif, je ne m’opposerai pas à ce que les wateringues qui existent aujourd’hui dans les Flandres supportent, pour l’entretien du canal, des dépenses dans la même proportion dans laquelle elles les supportent maintenant pour l’écoulement des eaux, en défalquant cependant les dépenses que les Flandres seront obligées de subir, afin de conduire les eaux vers le nouveau canal.
Voilà, messieurs, la seule part de dépenses qu’en bon droit vous puissiez exiger des Flandres pour l’entretien du canal.
J’ai dit.
M. Jullien. - Comme M. Pirmez doit parler contre le projet je lui céderai la parole, et je parlerai après lui.
M. Pirmez. - L’honorable préopinant vient de parler d’esprit de province et d’esprit de paroisse. Il me semble que dans cette discussion on a singulièrement interverti les rôles. L’esprit de paroisse et de province, on le reproche à ceux qui refusent d’accorder des faveurs aux localités. Ce sont ceux qui demandent des faveurs pour leurs localités, et non ceux qui veulent empêcher qu’on les accorde, qui se montrent possédés de l’esprit de localité. Or, voyez quels sont ceux qui viennent à chaque instant soutenir ces conflits entre les intérêts locaux, quels sont ceux qui ont demandé ces lois prohibitives qui ne sont rien d’autre que des faveurs locales. Ce ne sont que les Flandres et toujours les Flandres qu’on voit faire des demandes de cette nature.
On ne nie pas que le gouvernement doive intervenir dans la construction du canal de Zelzaete ; tout le monde, et M. Gendebien lui-même, député du Hainaut, l’a reconnu. Mais les propriétés que doit traverser le canal sont plus intéressées que la nation elle-même à sa construction. Je prendrai les propres aveux des députés des Flandres qui sont consignés dans le Moniteur. Ils ont dit que c’était en 1829 que leur pays avait le plus souffert de sa situation ; que maintenant les Hollandais ne les gênaient nullement dans l’écoulement de leurs eaux, mais que c’était avant la guerre, avant la séparation de ta Hollande, qu’ils avaient le plus souffert.
M. Andries. - Je n’ai pas dit cela.
M. Pirmez. - Toujours est-il que vous avez dit que les Hollandais vous donnaient la plus grande facilité d’écouler les eaux des Flandres. Si vous éprouvez maintenant quelques embarras pour cet écoulement, cela ne vient pas de l’état de guerre, mais de la situation naturelle du pays, des ensablements, des atterrissements qui sont sur les côtes.
Ainsi, si l’on fait un canal qui améliorera la position des propriétés flamandes, ces propriétés doivent contribuer dans les dépenses à faire.
Si la situation actuelle des propriétés des Flandres était uniquement la conséquence de l’état de guerre, ce serait la nation qui devrait y porter remède. Mais vous-mêmes, députés des Flandres, vous avouez que ce n’est pas l’état de guerre qui met votre pays dans cette situation, et qu’au surplus le canal améliorera sensiblement ces propriétés.
L’amendement que vient de proposer M. Lejeune ne signifie absolument rien ; c’est dire : Passons outre ; autorisons la construction du canal, et après nous verrons par qui devront être supportés les frais d’entretien et de réparations. J’espère que la chambre ne donnera pas dans ce piège.
Quant aux inconvénients qu’éprouvent les habitants des côtes, je ne pense pas que le canal puisse les faire cesser. Tout le monde connaît l’aversion qu’ont les troupes pour ces garnisons, et notamment ce proverbe : Dieu nous préserve de la famine et de la garnison de Gravelines. Je ne crois pas que le canal de Zelzaete garantira les habitants des côtes des fièvres auxquelles ils sont exposés.
On a parlé dans cette discussion du projet de routes comme s’il était déjà adopté. Je déclare pour mon compte que je le combattrai quand il sera mis en discussion. Si ce projet était adopté, je concevrais qu’on veut en argumenter comme on l’a fait ; mais à présent on ne peut en tirer aucun argument.
Je déclare, en terminant, que si on ne fait pas intervenir les propriétaires intéressés pour une grande partie dans les frais de construction, je voterai contre la loi.
M. Jullien. - Je commence par déclarer à l’honorable préopinant que les Flandres ne demandent pas de faveurs, et que quant à moi je n’en réclame pas. Si je croyais, en prenant la parole, devoir obtenir, au détriment de l’intérêt général, une faveur pour les Flandres, je me tairais ; cas telle n’est pas mon intention. Je réclame, ou plutôt le gouvernement, car c’est lui qui a présenté le projet, réclame un acte de justice distributive. Je suis autorisé à croire que la justice est une vertu des nations comme une vertu des particuliers. Mettons donc de côté ces récriminations qui se reproduisent chaque fois qu’il y a un travail à faire dans l’une ou l’autre province, quelque prospérité que ce travail doive procurer à la localité et quelque influence qu’il doive exercer en même temps dans l’intérêt général.
Il y a là quelque chose de peu honorable pour la représentation nationale, qui blesse la dignité de la chambre. Nous devons avoir confiance les uns dans les autres, si nous voulons que nos commettants aient confiance en nous.
J’avais cru la discussion épuisée, mais toute l’argumentation des orateurs qui ont parlé contre le projet dans la séance d’hier a roulé dans une erreur matérielle, dans une erreur de faits ; et les orateurs auxquels je fais allusion sont les honorables MM. Dumortier et Eloy de Burdinne. Ces deux orateurs ont constamment supposé qu’il s’agissait, par ce canal, de faire des dessèchements de terre ; qu’il s’agissait de faire des conquêtes sur la mer, et de livrer à la culture des propriétés qui étaient tout à fait stériles.
M. Dumortier. - Je n’ai pas dit cela.
M. Jullien. - Vous avez parlé de desséchements, de conquêtes sur la mer ; vous avez raisonné dans ce sens. Il est assez singulier, quand le Moniteur est là, quand je l’ai entendu, que vous prétendiez que je me sois trompé.
M. Dumortier. - Nous avons simplement parlé de terres, telles qu’elles se trouvent aujourd’hui, et non de terres à conquérir ; nous avons dit que quiconque acquérait des polders le faisait à son corps défendant.
J’ai voulu donner ce mot d’explication pour empêcher qu’on n’argumente plus longtemps en me prêtant des choses que je n’ai pas dites.
M. Jullien. - Je répète ce que j’ai dit, on a traité la question comme s’il s’agissait de dessèchements qui devaient profiter immédiatement aux propriétaires ou leur procurer des profils nouveaux, tandis que les terres inondées dont il s’agit sont en culture depuis un siècle et même davantage. Elles sont comprises dans les matrices des contributions, et paient les contributions malgré les inondations dont on se plaint.
Elles appartiennent à des wateringues, c’est-à-dire à une association de propriétaires qui se cotisent pour procurer à leurs terres l’écoulement des eaux pluviales et améliorer la culture. Voilà les terres dont il est question. Dès qu’on reste sur ce terrain, il n’est plus possible d’admettre les conséquences qu’ont tirées les orateurs dont je viens de parler. Si vous voulez assainir vos terres, ont-ils dit, si vous voulez leur donner une triple ou une quadruple valeur, il faut que vous, propriétaires, vous contribuiez à la dépense. C’est le principe qui s’applique aux dessèchements de terrains. Quand un propriétaire veut faire la conquête de polders, le gouvernement se contente de l’encourager, et cela en lui accordant une exemption de contributions pendant un grand nombre d’années.
Le gouvernement intervient ainsi pour encourager ces conquêtes sur la mer, parce quelles sont un bien pour le pays en ce qu’elles l’enrichissent de terres fertiles.
Voilà les principes qu’on a fait valoir, mais qui ne peuvent s’appliquer à la question. Car les terres pour lesquelles on demande un canal d’écoulement, n’auront pas pour un sou de valeur de plus qu’auparavant. En effet, elles avaient avant 1830 un moyen d’écoulement que leur avait procuré l’association des wateringues. C’est ce moyen d’écoulement qu’elles ont perdu par la faute du gouvernement, qu’elles réclament du gouvernement.
Il ne s’agit donc pas de donner à des terres une valeur triple ou quadruple de celle qu’elles avaient, mais de les maintenir dans l’état où elles étaient avant la révolution, ni plus, ni moins. On ne veut pas profiter des événements, et s’il résulte une amélioration du canal dont on réclame la construction, on ne demande pas mieux que de la payer. Voilà l’état de la question ; il est impossible de le changer, à moins de parler contre la connaissance des lieux et contre la connaissance des faits. L’honorable M. Dumortier a dit encore que quant à la navigation que ce nouveau canal allait favoriser, il en avait parlé à des bateliers de Tournay qui avaient répondu qu’ils ne savaient pas ce qu’on voulait dire, qu’ils n’avaient jamais éprouvé d’interruption.
C’est encore une chose qui me paraît assez étrange que ces espèces de démentis qu’on se donne mutuellement dans cette chambre ; quand des membres viennent rendre compte de faits qui se sont passés sous leurs yeux, de leur répondre que cela n’existe pas, parce qu’on a parlé à un batelier qui dit n’avoir pas éprouvé d’interruption de navigation. A peine l’honorable membre avait-il articulé ces paroles, que M. Hye-Hoys a lu une lettre ayant deux jours de date, dans laquelle on rend compte des malédictions dont les wateringues étaient l’objet de la part des bateliers et notamment des bateliers de Tournay, à cause de l’interruption forcée de la navigation et des avaries qu’éprouvaient leurs navires quand on ouvrait les écluses. Ces interruptions de navigation seront attestées par tous ceux qui habitent les Flandres. J’atteste l’ancien gouverneur des Flandres, M. de Muelenaere, qui est à même de vous dire qu’un des plus grands embarras du waterstaat est de concilier l’intérêt de l’agriculture avec l’intérêt du commerce.
Chaque fois que l’ingénieur fait baisser les eaux, la navigation est interrompue et le commerce crie ; chaque fois qu’il rend les eaux au canal, et que les écoulements n’ont plus autant de force, les propriétaires réclament : voilà l’état des choses. Il ne faut pas avoir de grandes connaissances hydrauliques pour comprendre que du moment où on a enlevé aux Flandres les moyens d’écoulement, elles ne peuvent s’empêcher de faire usage du canal de Bruges à Ostende, en en faisant baisser les eaux : car enfin les Flandres peuvent dire : Notre canal est à nous ; avant tout nous devons nous occuper de l’écoulement des eaux qui inondent nos campagnes, et la navigation deviendra ce qu’elle pourra.
Eh bien, au moyen du canal que l’on ferait, on aurait la libre navigation de Bruges à Ostende ; c’est le commerce en général qui en profiterait ; est-ce que ce n’est pas là une chose d’intérêt général ? L’intérêt général n’est pas dans le canal d’écoulement, mais il se trouve en ceci, que le canal d’écoulement construit, on jouira d’un grand canal pour la navigation intérieure, puisqu’on ne sera plus obligé d’en baisser les eaux ; voilà où est l’intérêt général.
En effet, sans cette navigation-là, je ne sais pas ce que les honorables députés du Hainaut feraient de leurs charbons ; car c’est un fait notoire que 1,200 bateaux de charbon descendent par ce canal pour aller à Dunkerque.
On a dit que nous avions récriminé contre le Hainaut à cause du canal de Charleroy ; mais personne d’entre nous n’a fait entendre de récriminations semblables ; cependant ce canal a été créé bien plus pour le Hainaut que pour les Flandres. Jamais, a dit M. Dumortier, le Hainaut n’a profité du banquet du budget ; mais est-ce que l’on oublie que l’on a abaissé deux ou trois fois, au détriment du trésor, les tarifs sur le canal de Charleroy ? Toutefois a-t-on entendu les Flandres se plaindre du tort que l’on faisait au trésor, tort que devaient supporter les contribuables ?
Quoi qu’il en soit, il me semble que quand on donne des moyens de prospérité à des provinces comme les Flandres, cette prospérité doit intéresser tout le pays. On ne peut nier cette vérité, à moins d’avoir les idées les plus étroites en économie politique.
On a demandé des crédits pour réparations à faire aux rives de la Meuse ; a-t-on entendu les députés des Flandres s’inquiéter d’autre chose que de savoir si les travaux étaient nécessaires ? Mais ils ne se sont pas inquiétés se feraient dans telle ou telle localité.
Maintenant, Je viens à l’amendement présenté en second lieu par le ministre de l’intérieur.
C’est une chose à regretter de voir que le ministre de l’intérieur, toutes les fois qu’il a une loi importante à présenter, vienne toujours, au milieu du débat, jeter un amendement qui bouleverse de fond en comble la loi et change la face de la discussion. M. le ministre de l’intérieur a commencé par présenter un article unique de loi, lequel disait tout uniment qu’il serait fait aux frais de l’Etat une section de canal depuis la ville de Dam jusqu’à la mer ; et maintenant qu’on a discuté pendant deux jours, le ministre se ravise, et présente un amendement qui, comme l’a très bien dit M. Verdussen, bouleverse la loi. Pour vous en convaincre, je donnerai lecture de cet amendement :
« Art. 2 nouveau. Les frais d’exploitation, de surveillance, d’entretien et des réparations de toute nature seront couverts au moyen de rétributions à payer par les diverses directions des polders intéressés, sauf le recours de ces dernières contre les propriétaires des terrains nouvellement asséchés.
« Un règlement d’administration général, arrêté par le gouvernement après avoir entendu les parties intéressées, déterminera l’exécution du présent article.
« Il sera tenu un compte spécial des recettes et dépenses, qui sera communiqué annuellement aux administrations des polders. »
Voilà un article sur lequel il est presque impossible de s’entendre ; car il n’y a rien de plus difficile à faire que la ventilation des frais d’entretien et d’exploitation dans lesquels devront entrer les propriétaires intéressés. Le gouvernement, vous le voyez, voudrait que les propriétaires intéressés fissent tous les frais de l’administration du canal, et que lui conservât l’exploitation. Ainsi les propriétaires commenceraient par payer tous les frais d’une administration qui serait dans les mains du gouvernement ; or, on sait que dans ce cas le gouvernement a la main extrêmement large ; et il n’y a aucune association qui consentirait à s’exposer à payer tous les frais de gros et menu entretien qu’il plairait aux agents du ministère, dans leur sagesse, de faire au canal.
La disposition ne peut être admise ; elle blesse toutes les notions du droit et du juste ; si le gouvernement reconnaît qu’il est dans l’obligation de restituer aux Flandres ce qu’il leur a enlevé, et de conserver à la navigation le canal de Bruges à Ostende, il doit remplir cette obligation sans exiger des propriétaires d’autres sacrifices que ceux qu’ils faisaient auparavant.
Comme l’a très bien fait observer M. de Foere, si les Flandres ne doivent pas perdre par le canal d’écoulement, d’un autre côté elles ne doivent pas gagner. Que les Flandres paient pour le canal ce qu’elles payaient pour les anciens ouvrages, rien de plus juste ; et je suis sûr que les députés des Flandres appuieront cette proposition : mais l’amendement du ministre n’est ni justifiable ni acceptable. Aussi longtemps que le canal ne sera pas fait, il sera impossible de fixer quels seront les intéressés ; c’est quand les eaux seront conduites, par les administrations des wateringues, au canal, que l’on connaîtra la part de chacune.
Une chose qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que les anciens ouvrages hydrauliques existent ; qu’ils ont été construits et qu’ils sont entretenus aux frais des administrations des wateringues, quoiqu’ils ne rendent plus les mêmes services.
L’amendement de M. Lejeune me paraît seul admissible. Il faut déclarer que les intéressés participeront aux frais d’entretien d’après un règlement qui sera fait ultérieurement. C’est à cet amendement-là, sauf amélioration, que je pourrai me rallier. Mais je déclare que je rejetterai celui du ministre de l’intérieur.
M. F. de Mérode. - La plus grande objection que l’on ait faite contre le canal d’écoulement est fondée sur le défaut de fonds ; c’est là du moins ce que j’ai remarqué de plus saillant dans les discours des orateurs qui s’opposent le plus formellement à ce canal. M. Dumortier vous a rappelé hier la position du trésor public ; il a indiqué les objets qui réclamaient des fonds, et les dépenses qui ne sont pas couvertes par les voies et moyens.
J’ai plusieurs fois signalé l’inconvénient de voter des budgets de voies et moyens trop faibles. Sans doute qu’il est très sage d’éviter les surcharges d’impôts ; mais si, pour éviter des surcharges, on néglige des travaux utiles qui doivent conserver la richesse dans le pays ou l’augmenter ; il est certain que nous resterons constamment stationnaires, et que nous n’obtiendrons aucune amélioration ultérieure.
Lorsqu’on avait voté l’année dernière les 10 p. c., on s’est hâté de les supprimer, parce que, disait-on, on avait demandé ces fonds pour la guerre ; or, la guerre n’ayant pas eu lieu, on s’est hâté, je le répète, de supprimer les voies et moyens destinés à un objet pressant auquel personne ne pouvait refuser son concours.
Si on avait laissé ces 10 p. c. s’établir jusqu’à la fin de l’année (trois mois de plus), je ne pense pas que les contribuables en eussent été plus malheureux ; je pense même qu’ils ne s’en seraient pas aperçus. Nous aurions alors des fonds nécessaires pour l’exécution du canal proposé.
Et remarquez qu’il ne s’agira seulement pas de ce dernier travail, mais il s’agira ultérieurement de travaux de routes qui sont nécessaires dans d’autres provinces, telles que la Campine et le Luxembourg ; et ces travaux ne pourront être faits que par voie d’emprunt, ou par un excédant des voies et moyens qui malheureusement n’existe pas.
Ne croyez pas, messieurs, que les provinces riches éprouvent des dommages réels, lorsqu’elles aident les provinces du royaume moins favorisées. L’avenir les indemnisera sans aucun doute de leurs sacrifices présents.
Mais ce dont je veux m’occuper particulièrement en ce moment, c’est des voies et moyens. Si, lors de la discussion du budget de 1836, je n’ai pas réussi dans les propositions que j’ai faites, j’espère que l’année prochaine la prévoyance sera plus grande qu’elle ne l’a été cette année.
En attendant, je pense qu’il est urgent d’accorder au pays dont il est question, c’est-à-dire à toute la lisière qui s’étend le long de la Flandre zélandaise, des moyens d’écoulement d’eaux qui inondent trop souvent des terres fertiles.
Toutefois, je ne puis partager l’opinion de MM. Jullien et de Foere, qui voudraient que l’Etat se chargeât non seulement de la création du canal, mais encore de son entretien et de celui de l’écluse qui servira à cet effet.
Il est certain que dans ce moment-ci les écluses de la Flandre zélandaise ne procurent pas un débouche suffisant ; il est certain que les eaux nuisent beaucoup à toutes tes terres.
Or, d’après les renseignements qui nous ont été communiqués, l’écluse qui serait établie sur la grande mer donnerait des moyens d’écoulement d’un mètre et demi de plus que ce qui existe.
Il est incontestable qu’un pareil avantage doit être payé par les propriétaires des terres qui en profiteront. Je ne sais pas trop de quelle manière on peut régler la quote-part de chacun d’eux dans l’entretien des travaux que l’on se propose de faire. C’est un point à régler ultérieurement.
Mais dès à présent il n’est pas douteux à mes yeux que les propriétaires doivent se charger, même exclusivement, de l’entretien dont il est question.
Je m’aperçois que M. le ministre de l’intérieur n’est pas présent ; je ne sais s’il répondra plus directement aux objections qui ont été dirigées contre son amendement ; je pense qu’en principe l’article additionnel doit être adopté.
M. Gendebien. - Messieurs, ce n’est pas sans répugnance que je reprends une seconde fois la parole dans cette discussion, qui dégénère en récriminations aigres, en mesquines jalousies de localités.
Messieurs, je n’avais pourtant rien dit qui pût autoriser à soulever des questions de localités ; au contraire j’ai écarté toute pensée de localité ; il me semble que j’ai fait preuve de modération, et d’idées un peu plus libérales, plus générales que celles qui ont été émises depuis deux jours avec un acharnement vraiment déplorable.
Depuis deux jours il me semble que vous avez à décider un grand procès entre le Hainaut et les Flandres ; depuis deux jours on ne cesse de récriminer contre le Hainaut ; on a prétendu que l’égoïsme de cette province s’opposait à un travail d’utilité générale ; on me permettra sans doute de répondre à ces récriminations, et je vous prie de remarquer que je ne fais que défendre le Hainaut, et que je ne suis nullement l’agresseur.
A entendre les députes des Flandres, le Hainaut est plus intéressé que les Flandres elles-mêmes à la construction du canal en projet.
On a été jusqu’à dire, messieurs, que ce canal était nécessaire pour l’évacuation des eaux de le province du Hainaut, comme si tout le monde ne savait pas que nos eaux traversent Anvers et le territoire hollandais : c’est donc la ville d’Anvers et la Hollande qui pourraient élever plus raisonnablement des prétentions semblables à celles que je combats en ce moment ; depuis des siècles, ils n’ont pas poussé jusque-là le ridicule.
Je ne conçois donc pas comment les propriétaires des Flandres peuvent se plaindre, alors même qu’ils reçoivent nos eaux, puisque ce serait toujours, non pas comme un acte de bienveillance de leur part, mais en raison de leur position géographique, qu’il ne dépend ni d’eux ni de nous de changer.
D’un autre côté, la navigation du beau canal d’Ostende à Bruges et de Bruges à Gand semble ne servir qu’au transport des produits de la province de Hainaut, et l’on nous fait pour ainsi dire un grief d’user de ce canal.
Nous déclarons aux habitants des Flandres que s’ils voulaient nous envoyer autant de bateaux et même un nombre double de celui que nous leur en envoyons, non seulement nous ne leur en ferions pas un crime, mais même nous les en remercierions, et nous nous croirions tenus d’en devoir de la reconnaissance envers eux.
Cessez donc, MM. les députés des Flandres, de nous considérer comme vos obligés, alors que par notre industrie nous vous faisons gagner quelque argent, par le transit de nos produits par votre province, et j’invoque à ce sujet l’opinion de tous ceux qui sont partisans de la loi du transit ; ils me comprendront mieux que ceux qui font un crime à la province du Hainaut du transit de ses produits par les Flandres.
Autre sujet de récrimination : le Hainaut est doté de canaux : le gouvernement a racheté récemment le canal de Charleroy et celui de la Sambre ; il avait racheté précédemment celui de Pommeroeul à Antoing.
Pour ne pas abuser de votre patience, je vais parler, messieurs, du canal de Pommeroeul à Antoing : vous y verrez un exemple à suivre pour la solution de la présente question,
A quel propos le canal de Pommeroeul à Antoing a-t-il été fait ? Il fut fait par suite de notre séparation de la France, qui ne nous permit plus de passer par Condé, si ce n’est à des conditions ruineuses. Cependant c’était le département de Jemmappe qui avait fait le canal de Mons à Condé ; il avait payé en centimes additionnels une somme assez forte pour faire trois canaux comme celui-là. Comment s’y est-on pris pour donner à la province du Hainaut un canal à la place de celui de Condé, dont elle se trouvait privée par suite de la séparation de la France, comme les Flandres sont privées de leur moyens d’assèchement par leur séparation de la Hollande ?
Est-ce la généralité du pays qui a payé ce canal ? Non ; ce canal a été mis en adjudication ; c’est un particulier qui l’a entrepris, et il a obtenu une perception tellement élevée que le gouvernement de Guillaume jugea utile de le racheter pour le compte de l’Etat ; et après avoir, par cette opération, doublé le prix du coût réel du canal, s’il avait été fait par le gouvernement, l’Etat fit encore une bonne spéculation, puisque le gouvernement provisoire a diminué en 1830 les frais de navigation de 50 p. c. ; et aujourd’hui le gouvernement retire encore 10 ou 12 p. c. du prix d’achat du canal. Est-ce une semblable opération que vous proposez pour les Flandres ? Et pourquoi ferait-on pour les Flandres autrement qu’il a été fait pour le Hainaut ?
Vous êtes privés de l’écoulement des eaux par la Zélande, comme nous étions privés de l’écoulement de nos marchandises par Condé. Si vous procédez ici comme à l’égard du Hainaut, il faut faire payer la dépense par les particuliers qui en profiteront comme on l’a fait payer aux habitants du Hainaut.
Y a-t-il un terme de comparaison entre le canal du Hainaut et celui proposé par les Flandres ? Que produira le canal de Dam à la mer et de Zelzaete à la mer ? rien ! tandis que le canal de Pommerœul produit à l’Etat 10 à 12 p. c. Non seulement le canal en discussion ne produira rien, mais vous ne voulez pas même vous charger des frais d’entretien de ce canal. Je vous demande de quel côté sont les exigences, les faveurs, de quel côté sont les charges ; et pourtant, messieurs, ce ne sont pas les députés du Hainaut, ce n’est pas moi surtout qui adresse des reproches aux députés des Flandres ; ce sont eux qui ne cessent de récriminer, ce sont eux qui nous reprochent précisément le rachat du canal que je viens de prendre pour terme de comparaison.
Vous vous vantez de votre disposition à adopter l’emprunt de 6 millions pour construction de route, dans lequel les Flandres, dites-vous, ne prendront qu’une petite part. Cette observation est encore bien malencontreuse, bien maladroite. D’abord les Flandres prendront une part aussi considérable que le Hainaut dans les produits de l’emprunt. Puis, qu’il me soit permis à ce sujet de vous rappeler que ce sont les bénéfices sur les routes du Hainaut qui paieront l’exécution de routes nouvelles dans les Flandres et ailleurs. C’est l’excédant des produits sur les dépenses spécialement dans le Hainaut, qui contribue pour les deux tiers dans les bénéfices ; et ce sont ces bénéfices que vous allez employer à payer les intérêts et l’amortissement de l’emprunt.
Ainsi vous vous faites un mérite de consacrer dans une loi la spoliation du Hainaut ; vous vous en faites un mérite et vous vous en prévalez contre le Hainaut
Soyez plus justes, soyez moins déraisonnables. Quand j’ai parlé la première fois, ai-je récriminé contre les Flandres ? Ai-je cherché à abuser de la parole ? Et j’ai le droit de dire qu’on en a abusé contre le Hainaut et dans l’intérêt des Flandres ? Ai-je parlé dans un intérêt particulier ? Ai-je mis en opposition les intérêts du Hainaut et des Flandres ? N’ai-je pas, au contraire, adopté, avec trop d’empressement peut-être, la première idée des députés des Flandres, qui rattachaient le canal à l’intérêt général pour soutenir que l’Etat devait y contribuer, en raison de cet intérêt général. Mais cet intérêt a été détruit par les paroles de l’honorable rapporteur, qui cependant marche d’accord avec les députés des Flandres.
Les députés des Flandres avaient dit que les travaux à exécuter présenteraient d’immenses avantages pour la défense du pays, qu’ils rendraient impossible la défense de la Zélande, qu’ils pouvaient nous faciliter la conquête de la Zélande. Je déclarai aussitôt que si cela était prouvé, il y avait intérêt général dans la construction du canal, puisqu’il y aurait économie dans nos moyens de défense et facilité pour attaquer la Hollande. L’honorable rapporteur, qui paraît avoir l’assentiment des députés des Flandres, a détruit lui-même ce moyen, le seul qui rattachât la question à l’intérêt général.
Que résulte-t-il de là ? Il en résulte que je suis autorisé à contester l’utilité générale du canal projeté, que j’avais d’abord admise.
Avant de passer au second point, qui me paraissait légitimer l’intervention de l’Etat dans une dépense d’intérêt local, j’adresserai une interpellation à M. le ministre des affaires étrangères.
Est-il vrai que les propriétaires des polders soient maintenant privés des moyens d’écoulement de leurs eaux, qui étaient en leur possession avant notre séparation de la Hollande ? Le traité garantissait formellement ces moyens d’écoulement. Je demanderai au ministère si ce traité n’est pas exécuté, et s’il ne l’est pas, pourquoi il en est ainsi ? Lorsque nous avons dit, en 1831, que l’on faisait, à cet égard, des vaines et fallacieuses promesses, et que ce traité ne serait pas exécuté, le ministère a dit qu’il était fait sous la garantie des cinq puissances, qui prendraient fait et cause pour nous, si la Hollande se refusait à son exécution.
On a dit de plus, pour nous faire adopter la dette, qu’une partie de cette dette serait affectée à dédommager la Hollande de la servitude qui lui était imposée à jamais de recevoir nos eaux. Je demande donc si ce traité n’est pas exécuté, si le gouvernement renonce à son exécution, ou s’il est dans l’intention de requérir l’intervention des puissances pour obtenir l’exécution du traité, conformément à l’obligation qu’elles ont contractée envers nous, au moins de l’engagement qu’on a pris en leur nom.
Si ces anciens débouchés existent réellement, alors le gouvernement ne doit plus intervenir. Mais sans attendre la réponse du ministre, qu’il n’est pas difficile de prévoir, et en supposant comme je le supposais avant-hier, que les propriétaires des Flandres fussent privés de ce moyen d’écoulement naturel de leurs eaux, dans ce cas, le gouvernement doit, comme je l’ai déjà dit, intervenir dans les dépenses du canal. Mais, comme l’ont reconnu tous les députés des Flandres, ces anciens moyens ne suffisent plus, parce que les rigoles de mer ou les bras de l’Escaut, dans lesquels débouchent toutes les rigoles d’assèchement, s’ensablent tous les jours d’une manière effrayante, et d’un autre côté parce que la dimension des écluses est insuffisante. En un mot alors même que la séparation de la Hollande n’eût pas nécessité de nouveaux moyens on eût toujours dû y recourir prochainement.
Dès lors vous devez intervenir dans la dépense ; d’une part parce que vous reconnaissez que les moyens actuels sont insuffisants, surtout lorsqu’il y a une année pluvieuse. Vous devez intervenir, par une ventilation, dans les dépenses à faire, parce qu’il y a utilité actuelle et prévision, dans un avenir prochain, de la nécessité de pourvoir à l’écoulement par une autre voie que celle que vous possédiez avant 1830.
D’un autre côté, il est démontré que par suite du nouveau moyen d’écoulement des eaux il y a des terrains qui, à raison de leur humidité naturelle, ne produisent que de faibles récoltes, tandis qu’ils deviendront très productifs par la construction du canal. De ce chef encore vous devez contribuer ; l’équité l’exige. D’ailleurs la loi de 1807, relative au dessèchement des marais, doit être appliquée aux propriétaires qui profiteront du nouvel écoulement des eaux des Flandres.
Un député de Bruges, mon honorable ami M. Jullien, a paru croire que l’honorable M. Dumortier avait insisté principalement sur le dessèchement.
Le canal, tel qu’on va le faire, desséchera nécessairement des terrains maintenant submergés ou humides. Sous ce rapport, la loi relative au desséchement des marais est très applicable. Ainsi, l’honorable M. Dumortier ne s’est pas plus trompé que les autres membres de cette assemblée. Quoique n’appartenant pas aux provinces des Flandres, nous connaissons un peu aussi quelles sont les règles en cette matière.
Les polders sont des terrains conquis sur la mer, au moyen de digues qui empêchent les marées de recouvrir le sol. Il en résulte que tous les terrains en dessous du niveau des hautes marées, redeviendraient mers si l’on n’avait pas de digues. De là nécessité d’entretenir les digues ; mais au profit de qui ? des propriétaires de ces terrains bas ; et par conséquent à charge de qui ? de ceux qui en profitent, et non à la charge des terrains élevés qui n’ont pas à craindre les envahissements de la mer, et dont les eaux s’écoulent par leur pente naturelle dans la mer.
Mais pour les terrains qui se trouvent en-dessous des hautes marées, il faut des écluses, il faut des travaux d’art. C’est la position où se trouvent certaines parties des Flandres. Des propriétaires ont conquis sur la mer des terrains qui redeviendraient mers sans les digues et les travaux hydrauliques pour empêcher l’envahissement de la mer et procurer à marée basse l’écoulement de leurs eaux. Voilà la théorie bien simple des polders.
Il s’est trouvé des capitalistes qui ont conquis des terrains sur la mer. Ils ont bien fait, dans l’intérêt public, et je les en félicite ; mais ils ont mieux fait encore dans leur intérêt particulier, car ils ont obtenu, et souvent à très peu de frais, des terrains très productifs et plus productifs que tous nos terrains du Hainaut, mais ils les ont conquis avec toutes les chances attachées à leur situation, et sans lesquelles il n’y aurait point de compensation avec les avantages qu’ils en retirent.
Puisque j’ai prononcé le mot du Hainaut, je demande si nous avions, par exemple, des marais à dessécher, et nous en avons de considérables, si nous demandions à l’Etat 3 ou 4 millions, dans l’intérêt général, dans l’intérêt du trésor, dans l’intérêt de la salubrité, de l’agriculture, des consommateurs, que répondriez-vous ? Vous répondriez : « Ces assèchements sont dans l’intérêt des propriétaires de ces marais ; si vous n’avez pas de capitalistes pour assécher vos marais, eh bien, tant pis pour vous ! »
Maintenant qu’il s’agit de terrains dans la même situation, il faudrait faire la même réponse, mais il faut en revenir à l’équité et aux règles de justice.
Je répète ce que j’ai dit il y a deux jours, et sur quoi j’ai appelé des explications franches. S’il est vrai que les propriétaires des polders soient privés de l’écoulement de leurs eaux, tel qu’il existait avant notre séparation, et cela par le fait du gouvernement qui n’a pas exigé l’exécution des traités, le gouvernement est tenu de les indemniser ; car, à bonne équité, il ne faut pas que quelques particuliers souffrent des calamités de la guerre.
Mais s’il est reconnu que le nouveau travail présenté procurera des avantages aux propriétaires, ils doivent contribuer à la dépense, parce que s’il est juste de les placer dans la même condition, ils n’ont pas le droit d’être placés dans une position meilleure aux dépens de la généralité.
Vous avez reconnu vous-mêmes que vous seriez obligés de faire plus tard le travail que le gouvernement va exécuter. Pourquoi dès lors ne pas établir par une ventilation votre part contributive dans ce travail.
S’il n’y avait pas de reproche à adresser au gouvernement pour défaut d’exécution de traités, ou si nous n’avions pas été séparés de l’Escaut par la perte de la Zélande, et que vous eussiez un pareil travail à faire, assurément vous ne pourriez faire valoir aucun motif pour exiger que la généralité se chargeât de payer la dépense.
Je porte le défi le plus formel d’avancer une seule raison plausible pour faire faire dans ce cas le canal par le gouvernement. Aujourd’hui, par suite des circonstances, il y a une nécessité de faire un peu plus tôt que vous ne l’auriez fait vous-mêmes. Pourquoi alors ne contribueriez-vous pas dans la dépense, puisque vous avez dit que les moyens actuels d’écoulement avec la Hollande étaient insuffisants même avant notre révolution.
Je craindrais d’abuser de vos moments ; je vais passer à l’examen des amendements de MM. de Theux et Lejeune.
Je ne puis admettre l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, parce qu’il est trop vague ; et je ne saurais conseiller aux wateringues de l’adopter, car il bouleverse toute la législation sur cette matière importante et difficile. Il prête d’ailleurs beaucoup trop à l’arbitraire, et, sous ce rapport, il va trop loin.
Quant à la question de savoir si, le travail une fois fait, c’est aux propriétaires à pourvoir aux frais d’entretien, il me semble qu’à cet égard il ne peut y avoir aucun doute. Les wateringues sont chargés actuellement de toutes ces obligations, et, sous ce rapport, l’amendement de M. le ministre de l’intérieur ne va pas assez loin. Il me semble que les wateringues doivent non seulement entretenir les travaux qui remplaceront les travaux existants, mais que comme ils auraient été plus tard dans la nécessité de faire eux-mêmes toute la dépense, il est de toute justice qu’ils y contribuent au moins pour une partie, d’autant plus qu’il y aura bénéfice de plus-value pour presque toutes les terres.
Je trouve l’amendement de M. Lejeune plus explicite ; si on l’exécutait de bonne foi, je crois qu’il pourrait, sauf une modification, suffire. Mais je ne puis l’admettre, parce que je ne puis admettre dès à présent que les propriétaires des poldres seront sublevés de toute contribution quelconque pour la construction ; je ne puis admettre que les propriétaires ne prennent part qu’à une partie de l’entretien. Cette dépense doit être tout entière à leur charge.
J’aimerais mieux un amendement rédigé de la manière suivante :
« La part pour laquelle les intéressés devront contribuer à la construction et à l’entretien du canal sera ultérieurement fixée par la loi. »
Je serais disposé à admettre une proposition conçue dans ce sens, à moins que la suite de la discussion ne prouve que je me suis trompe sur les intentions de la chambre, comme en prenant la parole, je me suis trompé sur les intentions de ceux qui ont parlé après moi.
- La discussion générale est close.
La chambre passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Il sera exécuté aux frais du trésor public un canal de Dam à la mer.
« Les dépenses de cette exécution seront couverts au moyen des fonds à provenir d’un emprunt qui sera ultérieurement réglé par la loi. »
M. Andries. - Le nouvel article présenté par M. le ministre de l’intérieur a interverti tout le projet antérieur. Les rapports de la section centrale, des ingénieurs et de la commission des travaux publics se sont occupés du canal de Zelzaete à la mer. Aujourd’hui le cercle est singulièrement rétréci.
Si l’on posait le principe que le canal d’écoulement sera exécuté de Zelzaete jusqu’à la mer, nous pourrions nous entendre sur les conséquences qui doivent en résulter.
J’ai toujours mis de la franchise dans toutes mes paroles. Je crois que la chambre l’aura appréciée jusqu’à présent. Je crois que c’est ainsi que les députes d’une nation essentiellement franche et loyale doivent comprendre leur mandat. C’est ainsi que je désire que les intérêts généraux du pays soient traités.
Nous ne sommes pas devant un tribunal, et nous devons nous garder de mettre en avant des chicanes dont rougirait le plus mince avocat.
Tout ce que j’ai dit prouve la nécessité d’exécuter le canal et porte davantage sur la section de Zelzaete à Dam que sur celle de Dam à la mer. Sans doute la section de Dam à la mer est la première quant à l’exécution. Quant à la décision du principe, c’est la section de Zelzaete qui doit obtenir le premier rang.
J’ai fait valoir des considérations politiques. Je désire qu’on ne les perde pas de vue. Le gouvernement hollandais est dans une position très avantageuse que nous devons lui enlever.
Le système dans lequel est entré le gouvernement autrichien, dans le traité des barrières, ce système existe encore. L’art 17 de ce traité contient une clause pénible pour un Belge. L’Autriche consentait à céder ultérieurement à la Hollande telle partie du territoire de la Flandre autrichienne dont ce pays aurait besoin pour faire les inondations nécessaires et pour les bien couvrir. Heureusement que la suite des négociations ne permit pas à la Hollande d’obtenir l’exécution de cette stipulation.
Il est certain que le canal de Zelzaete à Dam enlèvera à la Hollande les moyens de se couvrir par les inondations qui lui tiennent lieu d’armée. Je désirerais donc que l’on ne perdît pas de vue l’importance du canal sous le rapport militaire.
M. de Puydt a bien dit que dans le système stratégique actuel les armées ne s’arrêtent pas devant des canaux. Je conçois que le canal de Zelzaete ne serait pas fait pour arrêter une armée.
Mais c’est pour empêcher les Hollandais de faire des excursions sur notre territoire, ce qu’ils font toujours pour faire diversion pendant que leur armée d’opération agit sur le Limbourg ou la province d’Anvers. Quelques jours avant les tristes événements de 1831, nous avons vu les garnisons de l’Ecluse et des autres places de cette frontière faire des sorties fréquentes pour nous obliger à conserver un corps assez fort sur tous ces points et affaiblir l’armée que nous devions leur opposer. Si nous avions un canal, ces excursions ne nous inquiéteraient plus autant ; en rompant les ponts, un ou deux bataillons suffiraient pour garder la frontière.
On pourrait ainsi neutraliser sur ce point les opérations de nos ennemis ; les fortifications sont détruites, et il n’est pas à croire que pour conserver ce petit lambeau de terre, les Hollandais fassent le sacrifice d’entourer de nouveau de remparts leurs villes frontières.
Dans la discussion générale, on a parlé de l’appréciation des terres par les ingénieurs. Il est vrai que les terres à exproprier ont été évaluées à trois mille francs le bonnier. Mais personne n’ignore que ces évaluations ne sont jamais inférieures à la valeur réelle.
Mais vous vous rappelez qu’il a été distribué un mémoire au mois de juin 1834, accompagnant une pétition signée par tous les propriétaires de cette partie de la Flandre, dans lequel il était dit qu’il était plus que probable que la construction du canal n’atteindrait pas la somme de 4 millions, parce que nulle part on n’aurait plus de facilité pour trouver des ouvriers aptes à l’exécution des travaux, que les bois fourniraient des fascines en abondance, et que la plupart des terrains à acheter étaient des terrains marécageux dont l’expropriation ne coûterait pas plus de mille francs le bonnier.
On a invoqué très souvent, dans la discussion, l’opinion du directeur général des grandes wateringues de la Flandre orientale ; mais je ne sais si on a été bien au courant des opinions de ce directeur. Je sais que M. Dubosch, à la réunion qui eut lieu à Watervliet au mois de décembre 1833, où a été discuté le projet primitif du canal, a signé un avis favorable a la construction du canal, et cet avis était rédigé par lui.
Entre autres choses, il y était dit : « Ce canal aura en outre l’inappréciable avantage de neutraliser les inondations ennemies et de nous donner une ligne de défense qui manque absolument sur cette frontière. »
Dans un autre passage on disait : « En outre, il a l’avantage de compléter le système de l’administration française par la mise en mouvement des eaux stagnantes, et de faire ainsi cesser une cause d’insalubrité. »
Il est possible que depuis lors M. Dubosch ait changé d’opinion ; mais ce changement, après s’être prononcé d’une manière aussi formelle, doit être attribué à des causes étrangères à la réalité du projet.
Dans la pétition des habitants de Bouchaut insérée au Moniteur, il est dit : « La chambre ne doit pas ignorer les motifs pour lesquels M. Dubosch fait ses efforts pour empêcher la construction du canal. Il est directeur des grandes wateringues, ce qui lui donne une influence considérable, et il voit que cette direction si importante va lui échapper par la construction du canal. C’est peut-être là la cause de son changement d’opinion. »
M. Dumortier, en abondant si vite dans la nouvelle opinion de M. Dubosch, devait soupçonner qu’il allait embrasser une mauvaise cause.
Dans la discussion générale on est convenu que les polders avaient le droit de réclamer ce que la révolution leur avait fait perdre, mais on a dit que la position des propriétaires de ces polders ne devait pas être améliorée.
Nous sommes assez justes, assez loyaux, assez équitables pour en convenir. Nous demandons que ce principe soit consacré dans la loi. C’est pour cela que je propose qu’on décrète définitivement que le canal sera exécuté de Zelzaete à la mer.
Je proposerai l’amendement suivant :
« Art. 1er. Il sera exécuté aux frais de l’Etat un canal d’écoulement de Zelzaete à la mer du Nord.
« Art 2. L’exécution commencera par la section de Dam à la mer.
« Les dépenses de cette première section, évaluées à un million huit cent mille francs seront couvertes par des bons du trésor. »
« Art 3. Après l’achèvement de tous les travaux, le législateur fixera la somme à verser annuellement au trésor par les propriétaires des terres qui déchargeront leurs eaux dans ledit canal.
« Cette somme sera répartie par centimes additionnels sur le revenu imposable de chaque propriété, et perçue par les receveurs ordinaires des contributions directes. »
J’ai fait ce changement parce que je crois que l’emprunt proposé par le ministre ne pourra être discuté qu’à une époque éloignée et qu’il est urgent de commencer les premiers travaux le plus tôt possible. L’augmentation de la dette flottante qui en résultera ne sera pas considérable.
C’est seulement pour la première section qu’on emploiera ce moyen ; pour la seconde, il faudra un nouveau crédit et une nouvelle discussion pour fixer le moyen qu’on adoptera.
M. le président. - M. Gendebien propose un sous-amendement à l’amendement proposé par M. Lejeune.
M. Lejeune a proposé un amendement ainsi conçu :
« La part pour laquelle les intéressés devront contribuer à l’entretien du canal sera ultérieurement fixée par la loi. »
M. Gendebien sous-amende ainsi cette proposition :
« La part pour laquelle les intéresses devront contribuer à la construction et à l’entretien du canal sera ultérieurement réglée par la loi. »
M. Verdussen. - Nous discutons un projet qui a été improvisé pendant la discussion même ; comme ce projet n’a pas passé par l’examen des sections, les objections dont il a été l’objet n’ont rien d’étonnant.
M. Andries vient de proposer de nouveaux articles qui sont différents de ceux présentés par le ministre et qui peut-être valent mieux. Cependant il m’est impossible de comprendre toute la portée de la loi formulée par M. Andries ; toutefois, je préfère son article premier à celui que le ministre nous avait soumis.
Nous trouvons dans l’article premier du ministre qu’il sera construit un canal de Dam à la mer aux frais du trésor public. Mais ce canal ne sera qu’une fraction d’un canal plus étendu ; car lorsque je consulte le rapport qui nous a été fait par M. de Puydt, je trouve que la partie ouest de la Flandre n’avait qu’un seul débouché pour ses eaux, c’était le Zwyn ; tandis que la partie orientale de cette contrée se déchargeait sur deux points différents, dont les débouchés sont au pouvoir des Hollandais, et ce à quoi il faut suppléer.
Lorsque le ministre n’a proposé qu’une fraction du canal, il a ajouté que la dépense d’exécution serait couverte par le moyen de fonds à provenir d’un emprunt ; si donc plus tard on voulait exécuter la seconde partie de Dam à Zelzaete, il faudrait un second emprunt ; mais je crois qu’il vaut mieux suivre l’idée de M. Andries, c’est-à-dire de faire un canal de Zelzaete à la mer, et de la mer par la partie de Dam à la mer ; car alors l’emprunt s’appliquerait sur la totalité du canal.
Je ne partage pas l’opinion de M. Andries de pouvoir faire couvrir ces dépenses au moyen de bons du trésor ; déjà la masse des bons du trésor est imposante, et peut-être trop forte pour ne pas compromettre les finances du pays si, par une crainte fondée ou non, son crédit était altéré sur les places cambistes de l’Europe.
Cependant je vous avoue que je n’oserai me prononcer sur l’article premier de cette loi, si je n’ai pas mon apaisement sur l’article 2. Et c’est par motion d’ordre que je proposerai de commencer la délibération par l’art. 2 ; car si j’adoptais l’article premier, je me trouverais peut-être dans le cas de voter sur le même article de deux manières différentes : je pourrais en effet l’adopter d’abord ; mais si on ne joignait pas une seconde section au canal, je serais obligé, selon moi, de le rejeter ensuite : mon vote sur l’article premier dépend nécessairement de l’article 2. S’il était établi dans l’art. 2 tel qu’il a été présenté par le ministre, que les parties intéressées des Flandres et des wateringues ne doivent pas contribuer à la construction, je voterai contre l’article premier et contre toute la loi.
Depuis que M. Gendebien a répondu à MM. de Foere et Jullien, je crois qu’il a été prouvé à satiété que les débouchés existants actuellement au pouvoir des Hollandais, quoique ouverts, sont insuffisants pour l’écoulement des eaux des Flandres, et que, par conséquent, tout ce que l’on nous a dit relativement à l’interruption de la navigation sur le canal de Bruges à Ostende ne vient pas du fait des Hollandais, puisque les Hollandais ne ferment pas les écluses.
Les députés des Flandres ont confondu deux choses, la fermeture des écluses et leur possession par les Hollandais. C’est la seule possession par les Hollandais qui nuit aujourd’hui aux Flandres et aux wateringues, car depuis deux ans toutes ces écluses sont ouvertes et sont desservies comme s’il s’agissait de l’intérêt même des Hollandais ; cependant il a fallu se servir encore du canal de Bruges à Ostende pour l’évacuation des eaux. C’est là une preuve que les débouchés, fussent-ils encore à la Belgique, sont insuffisants, et que c’est la surabondance des eaux, dont la masse s’est accrue par suite de cultures plus achevées, qui doit trouver une autre issue que celle que l’on donnait anciennement aux eaux. Il faut donc que les parties intéressées interviennent, non seulement pour l’entretien, mais encore pour la construction du canal.
J’aurais pu présenter un projet de loi conforme à mon opinion ; j’avais eu l’idée de faire supporter par le gouvernement l’intérêt de l’emprunt que l’on doit créer pour couvrir les dépenses du canal, tandis que le capital aurait été remboursé par les parties intéressées dans l’intervalle de 20 ou 30 années, afin de ne pas les gêner ; mais je n’en ferai pas de proposition formelle, car ce serait une nouvelle loi à faire, laquelle devrait être mûrement examinée dans les sections et par la section centrale.
Je dis donc qu’il faut décréter le canal tout entier de Zelzaete à la mer, qu’il faut n’en exécuter que la partie de Dam à la mer ; mais en même temps j’ajoute que je voudrais voir discuter l’article 2 avant l’art. 1er, et j’en fais la motion formelle.
M. le président. - Voici un nouvel amendement présenté par M. Dumortier :
« Un tiers de la dépense nécessitée pour la construction du canal sera fournie par le trésor ; un tiers par les provinces que le canal traverse ; un tiers par les propriétaires des terres qui écouleront leurs eaux par le canal.
« Un arrêté royal déterminera le mode de répartition en prenant pour base le régime actuellement existant dans les Flandres et dans les wateringues. »
M. Dumortier. - J’aurai peu de chose à dire pour développer l’amendement que j’ai déposé sur le bureau. Cet amendement repose sur les principes admis par chacun de nous et par la constitution. Les travaux d’art qui intéressent soit les provinces, soit les communes, soit les particuliers, sont faits avec leur intervention dans les dépenses.
Lorsque l’on construit une route, on exige toujours que la commune intervienne pour une part quelconque dans la dépense : c’est ainsi que la ville de Malines vient de contribuer pour une somme de cent mille francs pour un pavé qui se fait près de son territoire ; qu’un village vient d’intervenir pour 35 mille francs pour un pavé ; que la commune de Lierre vient d’intervenir pour 45 mille francs pour la continuation de pavés sur son territoire. La petite ville de Renaix, pour obtenir une chaussée sur Tournay, a offert de vendre jusqu’à la dernière de ces propriétés pour coopérer à sa construction.
Il a été reconnu généralement enfin que les parties intéressées devaient participer aux dépenses de la chose dont elles profitent ; eh bien, c’est ce principe, que vous avez appliqué même à des constructions productives, qu’il faut appliquer à plus forte raison aux constructions improductives telles qu’un canal d’écoulement.
Il ne suffit pas que les particuliers aient à leur charge les dépenses d’entretien ; il faut aussi qu’ils interviennent dans la dépense de ce canal qui doit améliorer leurs terres ou en augmenter la valeur. Rappelez-vous ce qu’ont dit les députés des Flandres : les eaux du Zwyn et du Braekman sont élevées d’un mètre au-dessus de leurs terres.
Par un écoulement d’un mètre en dessous de l’écoulement actuel, vous allez considérablement améliorer tous les terrains qui écoulent leurs eaux par le Zwyn et le Braekman.
L’honorable M. Andries a dit que, dans l’état actuel, beaucoup de terrains n’étaient propres qu’à la culture des marsages et nullement aux cultures d’automne, à raison de ce que ces terrains étaient humides pendant une partie de l’hiver. Maintenant, au contraire, il résultera de leur assèchement une plus-value dont l’Etat ne doit pas faire cadeau aux propriétaires ; ceux-ci doivent intervenir dans la dépense. Or le quantum que je propose n’est pas considérable, quand on fait attention aux immenses avantages que la construction du canal doit procurer aux Flandres. Ce canal doit dessécher et améliorer prodigieusement 100,000 hectares de terres. Si chaque hectare paie une contribution, une fois pour toutes, de 12 fr. par hectare, vous aurez une somme de 1,200,000 fr., ce qui fait un tiers de la dépense. Et qu’est-ce que 12 fr. par hectare pour procurer un moyen d’écoulement des eaux, que vous n’avez pas, et qui, de l’aveu des propriétaires intéressés, doit augmenter d’un quart la valeur de ces terrains ?
Dans l’amendement, que j’ai proposé, j’ai trouve un autre avantage, c’est que le trésor n’intervient a priori que pour un tiers de la dépense. Dès lors vous n’avez pas besoin d’adopter le système de l’honorable M. Andries, consistant à autoriser la création de 1,800,000 francs de bons du trésor.
Quanta au troisième tiers, je n’ai cru pouvoir mieux faire que de rester dans les termes de l’art. 113 de la constitution, dont le deuxième paragraphe porte : « Il n’est rien innové au régime actuellement existant des polders et des wateringues, lequel reste soumis à la législation ordinaire. »
Mais veuillez remarquer que, dans l’état actuel, il est impossible d’admettre l’amendement de M. Andries, car vous ne pouvez sans danger autoriser une émission de 1,800,000 fr. de bons du trésor. M. le ministre des finances, dès l’ouverture de la discussion, a dit avec beaucoup de raison que l’émission actuelle de bons du trésor ne pouvait pas être considérablement dépassée ; car déjà l’on a été obligé d’augmenter d’un 1/2 p. c. l’intérêt des bons du trésor ; une nouvelle émission nécessiterait une nouvelle augmentation d’intérêt ; et l’augmentation ne porterait pas seulement sur les 1,800,000 fr. que vous émettez, mais encore sur les 25 millions déjà émis.
Je crois donc que par les considérations que j’ai développées, vous devez admettre le système que j’ai proposé.
M. C. Rodenbach (pour une motion d’ordre.) - J’ai demandé la parole pour proposer le renvoi à la commission des amendements proposés.
Plusieurs nouveaux systèmes ont été présentés : l’un par l’honorable M. Andries, l’autre tout différent par l’honorable M. Verdussen. M. le ministre de l’intérieur a également proposé des amendements. Je crois que pour la régularité de la discussion, il serait à désirer que ces amendements fissent l’objet d’un rapport de la commission.
M. Desmet. - Je crois que l’honorable M. C. Rodenbach se trompe dans de très bonnes intentions. Il croit qu’après un rapport de la commission, il n’y aura plus d’amendements. Il y a lieu de croire au contraire qu’il y en aura encore. Je pense donc qu’il vaut mieux continuer la discussion.
Un membre. - On parle de la commission ; mais il n’y a pas de commission.
M. C. Rodenbach. - Mais rien n’est plus facile que d’en nommer une. Et c’est indispensable. Sans cela, placés entre 5 ou 6 propositions différentes, vous êtes dans un dédale dont vous ne sortirez pas. Il y a impossibilité d’arriver ainsi à un résultat réel et utile pour le pays.
M. Gendebien. - L’honorable M. C. Rodenbach se plaint de l’irrégularité de la discussion. Mais à qui la faute ? On a présente dans l’intérêt des Flandres une proposition vague et indéterminée sous tous les rapports. Dès le commencement nous avons dit qu’il fallait un projet de loi. A la fin de la première séance, le ministre a présenté un article ; à la troisième il a présenté un amendement ; ce n’est qu’à la quatrième que l’on s’aperçoit qu’il faut un projet de loi, et que sans cela la discussion ne peut arriver à un bon terme.
Que l’on fasse donc ce que nous avons demande dès la première séance, maintenant que l’on reconnaît la nécessité de revenir sur ce que l’on a fait.
Quant à l’irrégularité dont on se plaint, j’en repousse le reproche, car assurément elle n’est pas de notre fait, nous l’avons signalée dès l’ouverture de la discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je dois également repousser le reproche que l’honorable préopinant semble m’adresser.
Vous savez que c’est au budget présenté par mon prédécesseur, que la somme dont il s’agit a été pétitionnée.
La section centrale a examiné le budget. Dans son rapport elle a jugé à propos d’en extraire l’article relatif à la construction du canal de Zelzaete et de le renvoyer à une commission spéciale. C’est sur le rapport de cette commission que la discussion s’est ouverte. Je me suis borné ensuite à proposer une rédaction que l’état de la discussion nécessitait.
Je repousse donc le reproche que l’honorable préopinant veut bien m’adresser.
- La chambre est consultée par appel nominal sur la proposition de M. C. Rodenbach.
63 membres prennent part au vote.
1 membre s’abstient.
33 adoptent.
30 rejettent.
En conséquence, les amendements seront renvoyés à une commission.
M. F. de Mérode. - Je me suis abstenu parce que je désire que l’on exécute les travaux le plus promptement possible, et qu’en même temps je ne sais pas quels sont les voies et moyens ouverts pour cette construction.
M. Dumortier. - Je propose de former une commission de 5 membres qui n’auront pas pris part à la discussion.
M. Van Hoobrouck. - Je propose de former une commission spéciale formée de 9 membres.
M. de Jaegher. - La proposition de M. Dumortier n’est pas admissible. Les orateurs qui ont pris part à la discussion, sont ceux qui sont le plus au fait de la question. Pourquoi les exclure ?
M. Jullien. - J’ajouterai à ce que dit M. de Jaegher, qu’il ne faut pas prendre la parole pour prendre part à une discussion ; il suffit de voter.
M. de Renesse. - Je proposerai de faire nommer la commission de 9 membres par la chambre à la majorité relative.
M. Dumortier. - Que le bureau nomme un membre par province.
M. Van Hoobrouck. - J’ai entendu que la commission se prononcerait sur les amendements, mais non pas qu’elle ferait un nouveau travail. Si elle fait un nouveau travail, je retire ma proposition.
M. Legrelle. - Dans ce cas, je la fais mienne.
M. A. Rodenbach. - Si la proposition de nommer un membre par province était admise, il n’y aurait que les deux députés des Flandres qui voteraient pour le projet quand on en viendrait aux voix. (Réclamations.) C’est une supposition que je fais. Il faut éviter que ce cas ne se présente.
M. Dubus. - L’observation de M. Rodenbach prouve seulement qu’il serait dangereux de nommer une commission à la majorité relative. Vous obtiendriez ainsi une commission qui pourrait représenter une véritable minorité.
Je ne puis admettre ni l’un ni l’autre des deux modes de nomination que l’on propose.
Un grand nombre de membres. - Que le bureau nomme les membres de la commission.
- Sur la demande de plusieurs membres, la chambre procède par division au vote de la proposition.
La partie de la proposition tendante à faire nommer une commission de neuf membres par le bureau est mise aux voix et adoptée.
M. Devaux. - Je m’oppose à ce qu’on mette aux voix la seconde partie de la proposition ; il n’y a ici que des députés de la nation, et non pas des députés de provinces. Je ne veux pas qu’on insère un terme semblable dans des dispositions législatives.
Je demande la question préalable.
M. Dumortier. - Messieurs, il n’y a rien d’inusité ni d’inconstitutionnel dans la manière dont on propose de composer la commission. Il existe à cet égard des précédents ; je rappellerai notamment que lors de la discussion du projet de loi relatif à la péréquation cadastrale, il a été nommé une commission composée de deux membres par province. (Aux voix ! aux voix !)
- La question préalable proposée par M. Devaux est mise aux voix et adoptée.
En conséquence, la chambre décide qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur la seconde partie de la proposition.
La séance est levée à 4 heures.