(Moniteur belge n°68, du 8 mars 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les bourgmestres et assesseurs, ainsi que plusieurs propriétaires des communes de Minderhout, Meir, Meerte et Wortel, demandent que la chaussée d’Anvers vers Turnhout soit continuée jusqu’à Lierre. »
« Le sieur Foncelet, maure de postes à Arlon, demande que la chambre introduise dans la nouvelle loi sur les barrières une disposition qui exempte du droit les chariots et animaux servant au transport des fourrages nécessaires à l’entretien des chevaux de poste. »
« Le sieur Louis-Joseph Drumel, cultivateur Véhir (Namur), né en France et habitant la Belgique depuis 1818, demande la naturalisation.
« Des habitants de Wavre demandent l’élection directe des magistrats municipaux. »
« Plusieurs soldats français, décorés de l’ordre militaire de Léopold, demandent le paiement de la pension attachée à cette croix. »
« Les membres du tribunal de première instance de Namur demandent que ce tribunal soit porté à la première classe. »
M. B. Dubus. - Messieurs, parmi les pétitions dont on vient de vous présenter l’analyse, il en est une de plusieurs habitants de la province d’Anvers et qui est relative à la construction d’une route ; je demande qu’elle soit renvoyée à la commission des pétitions, qui est déjà saisie d’un grand nombre de requêtes ayant le même objet, et que cette commission soit invitée à nous faire son rapport avant la discussion du budget de l’intérieur.
- Cette proposition est adoptée.
La pétition qui est relative à l’organisation communale restera déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur cette matière.
Celle du sieur Drumel, qui a pour objet une demande en naturalisation, est renvoyée à M. le ministre de la justice conformément aux précédents de la chambre.
Celle du sieur Foncelet, demandant une exemption du droit de barrières, est renvoyée à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur cette matière.
Les autres sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. le lieutenant-colonel d’artillerie Vanmons fait hommage la chambre d’un ouvrage intitulé : Mémorial à l’usage de l’armée belge.
M. Lejeune écrit pour demander un congé ; il est retenu chez lui à cause d’une maladie dont madame son épouse est atteinte.
- Accordé.
M. Rogier. - L’an dernier, le 3 avril, on a remis aux membres de la chambre un bulletin de tous les projets de loi qui nous étaient soumis ; je crois qu’il serait bon qu’on nous distribuât un pareil bulletin pour les objets dont nous sommes actuellement saisis, et je demanderai au bureau qu’il veuille bien indiquer la date de la présentation de chaque projet, ainsi que le degré d’avancement où son examen est parvenu, soit dans les sections, soit dans la chambre.
M. Dumortier. - J’approuve beaucoup l’observation de M. Rogier, et je ferai remarquer à la chambre que dans d’autres pays, tous les ans, à l’ouverture de la session, on commence par indiquer les travaux arriérés : je voudrais qu’on en fît autant chez nous, ce serait une très bonne chose. J’appuie donc la demande de l’honorable préopinant ; par le moyen qu’il propose nous saurions de suite ce qui reste à faire. Je voudrais qu’il fût convenu qu’un bulletin, comme celui dont il s’agit, nous sera remis tous les ans.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - L’ordre du jour appelle la suite du second vote sur la loi d’organisation communale.
La discussion continue sur l’art 2 du projet, ainsi conçu :
« Les conseillers sont élus directement par l’assemblée des électeurs de la commune.
« Le Roi nomme le bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil. »
M. Doignon. - (Sont intégrés dans le discours les errata insérés au Moniteur belge n°68, du 8 mars 1836 :) Deux fois, j’ai déjà défendu dans cette discussion le système de l’élection directe par les électeurs ou le conseil communal. Je n’entrerai donc pas de nouveau dans les développements que j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre.
Je la prierai de me permettre de lui soumettre quelques nouvelles considérations.
Premièrement, je prendrai la liberté de demander à plusieurs de nos adversaires qui jusqu’ici ont voté deux ou trois fois avec nous sur cette question, qu’ils veuillent bien nous communiquer les motifs de leur changement d’opinion.
Est-ce parce que les échevins participent maintenant à l’exécution des lois et mesures d’administration générale dans la commune ? Mais, alors qu’ils ont voté leur élection directe, déjà on avait donné aux échevins la même attribution. La chambre a constamment repoussé le système du gouvernement tendant à donner cette exécution au bourgmestre seul et exclusivement. Alors comme à présent, leurs fonctions, sous ce rapport, étaient considérées comme mixtes, et aujourd’hui, comme alors, on a stipulé dans la loi contre les personnes et les actes des échevins les mêmes mesures préventives et répressives, afin d’assurer dans la commune l’exécution des lois et arrêtés en ce qui concerne leur application aux intérêts communaux. Alors encore, comme maintenant, l’on avait laissé au bourgmestre des attributions qui lui reviennent naturellement comme chef, telles que celles relatives aux émeutes, à l’état-civil ; et ce n’est en effet que pour la forme qu’on a aujourd’hui supprimé la rubrique du bourgmestre.
Ainsi, puisqu’au fond les choses sont les mêmes, pourquoi ce changement d’opinion ?
J’ai déjà démontré d’ailleurs que, par la nature même des choses et quel que soit le système qu’on adopte, la position du bourgmestre, vis-à-vis du gouvernement, différera toujours de celle des échevins ; que les raisons qu’on peut alléguer pour appeler l’intervention du Roi dans la nomination de celui-ci ne militent point à l’égard des échevins.
Ce n’est pas sérieusement que l’on vous a dit qu’on ne veut faire du bourgmestre qu’un simple président du collège échevinal : sans doute, si ce collège n’était qu’un corps délibérant, un président pourrait lui suffire ; mais il faudrait n’avoir aucune expérience administrative pour ignorer que les fonctions de ses membres consistent bien plus à agir qu’à délibérer. L’administration journalière et exécutive dont ils sont chargés n’est autre chose qu’une action, un mouvement qui est de tous les jours et de tous les instants. Or, comme il y a impossibilité physique pour ce corps d’agir par lui-même dans une foule de circonstances, et qu’il faut d’ailleurs qu’il y ait unité dans l’action elle-même ou plutôt dans les faits d’exécution, il faudra toujours, par la force même des choses, qu’il y ait non un simple président pour délibérer, mais un véritable chef, un chef unique.
J’ai déjà précédemment énuméré une série d’attributions qui écheront aussi nécessairement au bourgmestre seul.
Comme l’action gouvernementale dans la commune a aussi essentiellement besoin de cette unité, le gouvernement cherchera à y créer une volonté unique pour représenter ses intérêts, et il la trouvera naturellement dans le bourgmestre. Aussi, afin que cette volonté unique n’éprouve ni contrariété ni entrave de la part des collègues du bourgmestre, vous le verrez attentif à ne choisir dans le conseil pour échevins que des hommes sûrs, qui pourront facilement se plier aux opinions et aux exigences de celui-ci, de sorte que cette action gouvernementale sera dans la réalité presque entièrement concentrée dans les mains du bourgmestre.
Le choix de ce dernier étant fait par le gouvernement de manière à lui donner en général la prééminence, il sera toujours l’âme et la tête de l’administration communale et le principal agent du ministère dans la commune. Le gouvernement est d’autant plus certain aujourd’hui qu’il ne pourra en être autrement, surtout dans les communes rurales, qu’il sait parfaitement qu’en ce moment même, les assesseurs dans nos campagnes laissent généralement les rênes de l’administration aux bourgmestres, tant pour l’exécution des lois que pour les autres affaires administratives.
La prétendue homogénéité d’attributions que le ministère vous présente en ce moment afin qu’on lui accorde un droit égal dans la nomination du bourgmestre et des échevins, n’est au vrai qu’un leurre. Le ministère n’ignore pas que toujours le bourgmestre, à l’exclusion des échevins, sera, dans le fait, son homme politique et de confiance, son confident, le principal organe et le premier instrument de ses volontés et de ses instructions, Aucun de nous ne doit se faire illusion sur ce point.
Or, puisque dans la réalité, il est impossible de méconnaître que les attributions du bourgmestre et des échevins ne soient nécessairement différentes, vous devez, selon votre système, admettre de même une différence dans le mode de nomination : et comme, à l’égard du bourgmestre, cette différence tient principalement à ses rapports inévitables entre lui et le gouvernement, reconnaissez donc que s’il peut exister des raisons pour adopter l’intervention de celui-ci dans sa nomination, ces motifs n’existent pas relativement aux échevins, et que vous pouvez dès lors en laisser le choix aux électeurs ou au conseil conformément au vœu de la constitution.
D’ailleurs, s’il y avait identité d’attributions, on ne pourrait s’en prévaloir afin d’établir une similitude dans le mode de nomination que pour autant que la constitution ne s’y opposerait pas. Or, l’on a prouvé que, même quelque part que vous donniez aux échevins à l’application des lois ou arrêtés aux personnes et aux choses de la commune, ils ne demeurent pas moins de véritables administrateurs des intérêts communaux, de véritables commissaires de l’administration journalière de la commune ; et à ce titre, ils tombent nécessairement sous l’application du principe général de l’élection directe ; j’ai déjà antérieurement répondu sur ce point aux objections qu’on a pu faire.
Or, dès que la constitution offre un obstacle insurmontable à l’intervention du Roi dans leur nomination, vous devriez, en supposant que les attributions des bourgmestre et échevins soient parfaitement les mêmes, chercher à suppléer par d’autres moyens à cette intervention. Mais ces moyens, messieurs, nous les trouvons dans l’ensemble des mesures coercitives et répressives que le projet lui-même donne au gouvernement contre les échevins. Nous avons montré qu’elles sont plus que suffisantes pour que les lois et arrêtés soient exécutés dans la commune au gré de l’administration supérieure.
Mais fût-il vrai qu’elles soient insuffisantes, que l’on ait recours dans ce cas à d’autres moyens, qu’au moins par respect pour la constitution on maintienne leur élection directe. Ne peut-on pas dans ce cas modifier encore les attributions des échevins ? Ne pourrait-on pas déclarer que le plus souvent, lorsqu’ils participeraient à l’exécution des lois, leurs actes seraient nécessairement subordonnés à l’approbation d’une autorité supérieure, ou lorsqu’il s’agit de pareille exécution, restreindre ou modifier leur intervention, on bien encore attribuer certaines matières au bourgmestre à leur exclusion ?
N’est-il pas toujours libre à la législature, si l’expérience le réclamait, de retirer des mains des échevins élus directement tout ou partie de l’exécution des lois qui touchent à l’intérêt général ? Mais déjà ne jouissent-ils pas de cette même attribution comme précédemment depuis plus de cinq ans, et généralement sans aucun inconvénient ? Faut-il donc se hâter de ravir aux électeurs un droit constitutionnel dont ils sont aussi en possession depuis plus de cinq années ?
M. Lebeau vous a parlé d’abus et particulièrement des emprises sur les chemins vicinaux. Mais tous ceux qui ont une expérience un peu longue des affaires communales, n’ignorent pas qu’en tout temps, et également sous le régime des maires, il y a toujours eu, comme il y aura toujours çà et là, des abus. Mais ces sortes d’abus sont même ordinairement étrangers à l’exécution des lois. Quant aux emprises, il faut d’abord en accuser les commissaires voyers ou le peu d’attention des commissaires de district ; et au surplus, quand il y a des actions possessoires ou en revendication à intenter de ce chef, ce point ne dépend aucunement du collège échevinal, mais bien du conseil communal. Au surplus, il est encore obvié autant que possible à tout inconvénient à cet égard, en autorisant dans la loi un ou plusieurs habitants à agir à défaut du conseil lorsque des cas semblables se présentent.
On voit donc à évidence qu’il n’y a aucune nécessité de s’écarter ici de l’élection directe et de faire violence à la constitution pour admettre l’intervention du Roi dans la nomination des échevins. En agissant comme le fait le gouvernement, ce qui reste de certain aux yeux de tout le monde, c’est que son but est de multiplier ses agents dans nos communes et de fausser le pouvoir communal ; c’est qu’il n’a pas sincèrement en vue le bien-être des communes.
La constitution a voulu que la loi qui règle nos institutions communales consacre l’application du principe de l’élection directe. Ce principe devrait donc dominer toute la loi, et c’est dans son application que les législateurs du congrès ont vu la première garantie d’une bonne administration dans la commune.
Mais ce texte de notre pacte social devient une lettre morte dès que vous abandonnez à la nomination du gouvernement tous les membres du collège échevinal ; car, ainsi qu’on l’a vu, presque toutes les matières administratives de la commune ayant été réglementées par des lois, décrets et arrêtés, il en résultera que toute l’administration communale, à peu de chose près, appartiendra à ce collège entièrement nommé par le Roi au mépris du principe de l’élection directe des magistrats de la commune. Ce collège étant composé, dans toutes les communes du royaume, de trois ou cinq membres, y compris le bourgmestre, il en résultera encore qu’au moyen de leur influence, il est moralement impossible qu’ils n’acquièrent pas une majorité même dans le conseil, dans le plus grand nombre des localités. Il demeure donc évident pour ceux qui réfléchissent un peu aux conséquences du système du gouvernement, que le principe de l’élection directe ne sera plus qu’un véritable mensonge dans la commune.
Les seuls membres du conseil communal continueraient à être nommés directement par le peuple ; mais on peut dire que de fait ils ne sont pas les véritables administrateurs de la commune, puisqu’ils n’exécutent pas eux-mêmes leurs délibérations. Toute l’administration exécutive n’appartient qu’au collège échevinal.
Mais il y a plus, c’est que le conseil n’a lui-même aucun moyen de sanction contre les bourgmestre et échevins pour l’exécution de ses décisions et de ses actes. Ceux-ci pourraient donc impunément éluder ou neutraliser les délibérations de ce corps. En donnant au Roi la nomination de tous les membres du collège, vous leur donnez donc une indépendance telle vis-à-vis du conseil, qu’ils deviennent, pour ainsi dire, seuls maîtres de tout le pouvoir communal.
L’on a imaginé toutes les précautions possibles afin de s’assurer de leur soumission à l’égard de l’autorité supérieure et de les mettre presque à la merci de toutes les volontés du gouvernement ; mais, pour l’exécution pleine et entière des délibérations et instructions du conseil, on s’est peu inquiété ; les bourgmestre et échevins les exécuteront ou observeront, comme ils le voudront ou plutôt comme il plaira au gouvernement, qui les aura nommés. Vous les constituez donc en réalité juges et arbitres de toute l’administration communale, et cependant ce n’est que d’une manière indirecte qu’ils reçoivent le mandat des électeurs. Il n’est donc que trop vrai, je le répète, que le pouvoir communal, représenté, comme le veut la constitution, par l’élection directe, ne serait plus qu’un mensonge ; c’est au contraire l’élection indirecte qui devient évidemment le principe dominant.
Mais ce n’est pas tout : en conférant exclusivement au Roi la nomination de tous les membres du collège échevinal dans le conseil, vous faites même disparaître cette homogénéité que vous reconnaissez si essentielle pour la marche des affaires ; vous brisez cette harmonie que nous devons chercher à établir avant tout entre le conseil échevinal et le conseil communal, que la constitution place cependant à la tête du pouvoir constitutionnel de la commune.
En effet, de la manière dont on a envisagé les bourgmestre et échevins, on en a fait plutôt des agents du pouvoir exécutif, et on ne peut douter qu’ils ne se dirigeront que d’après les instructions et invitations de ce pouvoir. Mais d’un autre côté le pouvoir constitutionnel de la commune, représenté par le conseil, aura aussi ses volontés et ses instructions à lui propres. L’exécution de ses délibérations tombera donc au vrai dans les mains et sous l’influence immédiate d’une autre autorité que la sienne, et qui en est distincte et indépendante. On s’expose donc évidemment à voir présider dans l’exécution un tout autre esprit et d’autres intentions que celles qui auront dirigé le conseil lui-même.
De là naîtront inévitablement des conflits et des difficultés sérieuses entre le conseil et le collège échevinal. Celui-ci, dans la pensée qu’il est premièrement l’agent du pouvoir exécutif et qu’il ne peut se dispenser d’observer les lois qu’il lui dictera, agira dans un sens et dans des vues contraires à celui-là. Deux pouvoirs constitutionnels : le pouvoir communal d’une part, et de l’autre le pouvoir exécutif, se trouveront constamment en présence dans la commune, et comme tous deux sont égaux d’après la constitution, en ce sens surtout que l’un ne peut envahir l’autre, souvent des luttes s’engageront entre ces deux pouvoirs : le conseil, en vertu de l’article 108 de la constitution, qui lui attribue tout ce qui est d’intérêt communal, revendiquera sa part dans la direction et dans le mode d’exécution des affaires administratives, comme aussi dans l’application des mesures qu’on appelle d’administration générale aux personnes et aux choses de la commune.
Tandis que la constitution n’a proclamé le principe de l’élection des administrateurs communaux que par un esprit de défiance contre le pouvoir exécutif, vous voulez suivre un système tout opposé : vous mettez tous les membres de l’administration journalière et exécutive à la discrétion de ce pouvoir, vous organisez de manière à ce qu’ils soient sous son joug et dominés par lui.
Plus on examine les conséquences de ce système, plus on acquiert la conviction qu’il ne peut amener dans la commune cette concorde et cette paix sans lesquelles il ne peut y avoir pour elle ni bonheur ni prospérité.
Il faut donc en revenir à notre système qui n’est que l’exécution franche et loyale de notre constitution. On ne réfléchit point assez qu’il faut partir de ces vérités constitutionnelles que tout le pouvoir communal réside dans le conseil, que la constitution ne reconnaît point d’autre corps administratif dans la commune, et que son chef seul peut être excepté du principe de l’élection directe.
Si vous trouvez quelque inconvénient à ce que les électeurs continuent à choisir les échevins, un autre moyen également sûr pour établir dans la commune l’ordre et l’harmonie serait de laisser à ce corps la faculté de choisir dans son sein les membres ou plutôt les commissaires qui doivent être chargés d’administrer journalièrement et de procéder à l’exécution. Comme c’est au conseil que la constitution confère la haute administration et la direction des affaires communales, vous n’obtiendrez naturellement la concorde entre ce corps et ses commissaires ou échevins que pour autant que ces derniers lui soient agréables et qu’ils possèdent toute sa confiance. Puisqu’en administrant ils doivent représenter le conseil lui-même, il est indispensable qu’ils soient animés des mêmes intentions pour le bien-être de la commune et qu’ils soient unis de vues et d’opinions.
Or, vous atteignez incontestablement ce but lorsque ces échevins sont choisis par le conseil lui-même, comme lorsque les électeurs les désignent eux-mêmes dans ce corps.
Mais comme celui-ci est déjà composé de toutes personnes reconnues capables d’administrer, et qui par cela même paraissent plus aptes à juger les qualités essentielles pour bien gérer la commune, je pense avec l’honorable M. Fallon qu’il y aurait même plus d’avantage à laisser au conseil le choix des échevins. Le conseil communal nommerait sa députation permanente comme le conseil provincial nomme la sienne. Ce n’est point une nomination, mais une délégation que les échevins reçoivent dans ce cas du conseil. Ainsi, le principe de l’élection directe demeure sauf dans ce système ; ce qui a déjà d’ailleurs été suffisamment démontré. On ne peut certes contester à un corps administratif le droit de délégation quand il ne peut exercer par lui-même.
Mais, dans notre système, nous maintenons en même temps tous les moyens admis dans le projet pour contenir ces commissaires ou échevins dans leurs devoirs vis-à-vis du pouvoir exécutif et afin d’assurer dans chaque commune l’exécution ou plutôt l’application des lois et mesures d’administration générale aux intérêts communaux : tels sont, outre l’intervention du Roi dans la nomination du chef ou du bourgmestre, le droit de briser les actes de l’administration locale contraires aux lois et à l’ordre public, ou par lesquels elle sortirait de ses attributions ; le droit d’exécution forcée des lois et arrêtes aux frais personnels des administrateurs communaux, les droits de suspension et de révocation, les conditions d’approbation auxquelles sont soumis tous leurs actes en général.
Je ne veux point fatiguer la chambre en lui démontrant de nouveau combien tons ces moyens de coercition et de répression contre les échevins sont plus que suffisants pour ne rien laisser à désirer à l’autorité supérieure, quant à l’exécution des lois et mesures d’administration générale. Je ne lui démontrerai pas davantage, encore une fois, que d’ailleurs l’application d’une loi ou d’un arrêté aux intérêts particuliers de chaque localité est elle-même aussi, aux termes de la constitution, une question d’intérêt communal, dont, par conséquent, on ne peut soustraire la connaissance au pouvoir communal ; qu’ici l’intérêt général et l’intérêt communal se lient intimement et nécessairement et sont essentiellement inséparables.
Je me bornerai à lui rappeler que la réunion de toutes les mesures de précaution contre les personnes et les actes de ces magistrats les place tellement sous la dépendance et l’influence du pouvoir central que, bien que celui-ci n’intervienne pas dans leur choix, il a à un tel point la main haute sur eux qu’il ne peut concevoir aucune inquiétude raisonnable relativement à l’exécution des lois et arrêtés. Tant de précautions contre ces magistrats vont même beaucoup trop loin, et elles auront inévitablement pour effet, dans la pratique, de leur faire oublier leur origine populaire et de les rendre presque des agents du gouvernement, de sorte qu’on peut dire qu’à cet égard l’autorité supérieure a, vis-à-vis d’eux, les mêmes droits et les mêmes avantages que si elle les avait désignés. Leurs fonctions, sous ce rapport, sont mixtes, ainsi que l’a dit M. Nothomb ; mais comme la constitution s’oppose à l’intervention du pouvoir central dans leur désignation, nous lui donnons en compensation, et afin qu’il soit complément en sûreté, l’action la plus forte et la plus puissante sur leurs personnes et sur leurs actes. En un mot, s’il ne concourt pas à la désignation des échevins, il concourt activement et puissamment à l’exercice de leur mandat, de manière à les diriger et dominer toujours, selon ses intérêts et ses vues. Or, c’est là tout ce que doit désirer l’administration supérieure.
Reconnaissons donc que le système de l’élection des échevins, soit par le conseil ou les électeurs, tel que nous l’organisons, est le seul système de conciliation pour tous les intérêts, et qu’il n’existe aucune raison plausible pour le repousser. Donner en outre au gouvernement le droit de nommer les échevins dans le conseil, ce n’est pas seulement violer la constitution, c’est détruite absolument tout équilibre entre deux pouvoirs constitutionnels, le pouvoir exécutif et le pouvoir communal. C’est jeter entre eux, dans la commune, des germes éternels de division et de discorde.
Ni le temps, ni tous les efforts du gouvernement, ne sauront déraciner le reproche d’inconstitutionnalité qui s’élèvera toujours contre le système du ministère. Le bon jugement du Belge aura bientôt fait justice de toutes ces subtilités relatives au mot chef de l’art. 108 de la constitution. Il est notoire qu’un très grand nombre de membres du congrès attestent tous que ce mot ne s’applique et ne pouvait s’appliquer qu’au bourgmestre. Que la chambre ordonne une enquête sur ce point de fait, et nous en accepterons les résultats.
Le ministre s’est prévalu de la relation plus qu’inexacte d’un journal, en avançant que son rédacteur était membre du congrès. C’est encore là une erreur. Ce rédacteur ne faisait point partie du congrès, quoiqu’il y eût dans cette assemblée un membre qui portait le même nom.
Les comptes-rendus de cette époque étaient notoirement trop inexacts pour qu’aucun journal de ce temps puisse faire ici autorité.
M. le ministre soutient qu’étant lui-même membre du congrès, il y a parlé en ce sens qu’il ne voulait rien préjuger pour les échevins comme pour le bourgmestre, et qu’enfin on a présente un amendement qui rentrait dans sa proposition, amendement qui serait l’art. 108, n°1.
Mais cet article prouve lui-même que l’amendement ne serait rentré dans la proposition que pour une partie et non pour le tout, puisque d’après ses termes, qui sont clairs et précis, ce n’est que pour le chef de chaque administration ou les chefs des administrations qu’on ne préjuge rien en admettant à son égard une exception facultative. Personne en effet ne pouvait se méprendre au congrès sur l’expression chefs. Tout le monde savait alors comme aujourd’hui que les bourgmestres étaient seuls considérés comme tels, puisque l’amendement ne laissait la question entière que pour le chef ou plutôt pour le bourgmestre, il n’admettait évidemment l’idée de M. de Theux que pour une partie, c’est-à-dire pour ce qui concernait seulement le bourgmestre et non les échevins, et dès lors il s’ensuit que la question a été plus que préjugée, mais bien décidée à l’égard de ces derniers, et que conséquemment ils tombent sous l’application du principe général de l’élection directe.
Du reste ce n’est point l’intention de l’auteur de l’amendement qu’on peut aujourd’hui rechercher après coup ; mais il faut s’arrêter au texte définitivement adopté et lui donner le sens qu’on y attachait d’après le langage vulgaire de cette époque. Or, alors comme en ce moment, on aurait trouvé tout à fait extraordinaire et même ridicule de donner aux échevins la dénomination de chefs de l’administration.
Il est bon de rappeler ici, d’ailleurs, que l’honorable M. Devaux, l’ami politique de l’auteur de l’amendement, a lui-même voté dans le comité de constitution pour l’élection directe sans aucune exception : et l’on a l’opinion que M. Lebeau a suivi son exemple dans ce comité.
Mais, nous disent les partisans du système du gouvernement, vous avez une garantie suffisante dans l’obligation du Roi de prendre dans le conseil les bourgmestre et échevins ; les électeurs, après les six années de la durée de leurs fonctions, pourront ainsi s’en débarrasser et les éliminer du conseil, s’ils oubliaient qu’ils sont avant tout les représentants de la commune.
Mais c’est encore là une de ces garanties qui s’évanouissent en présence des faits.
Pour apprécier cette considération à sa juste valeur, il faut se former une idée exacte de ce que sont les élections dans la pratique. Or, l’expérience ne permet pas de douter que lorsque malheureusement il existe dans une commune, depuis certain nombre un mauvais bourgmestre ou échevin, il devient en général moralement impossible de l’écarter du conseil. Ce mauvais magistrat est ordinairement un homme d’intrigues, à qui même quelquefois tous les moyens sont bons, et qui ne manque jamais de mettre à profit tout le temps de ses fonctions pour se faire une clientèle et de nombreuses créatures dans la commune.
Le parti qu’il parvient ainsi à se créer dans la localité lui assure toujours assez de suffrages pour obtenir l’entrée, sinon dans la majorité du conseil, au moins dans la minorité. C’est principalement lorsqu’il est en même temps propriétaire et qu’il rencontre parmi les électeurs bon nombre de ses locataires que les malheureux habitants d’une commune doivent renoncer à tout espoir d’empêcher sa nomination au conseil ou au moins certainement dans la minorité de ce corps.
Mais, outre son influence comme propriétaire, il a celle qu’il s’est acquise, durant les six années de son règne, sur les fournisseurs, les entrepreneurs et généralement tous ceux à qui il a pu distribuer ses faveurs pendant aussi longtemps, afin de captiver leurs suffrages au jour des élections. Ses liens de famille, ses relations habituelles avec certaines notabilités, lui assurent encore beaucoup d’autres voix. Ces mauvais bourgmestre ou échevins sont ordinairement, vis-à-vis du ministère, des hommes serviles ou complaisants, et à ce titre ils ont droit à sa protection. Ajoutez donc à tout cela l’appui que l’un et l’autre sont certains d’obtenir dans tous les agents du gouvernement qui résident dans la commune, vous devez avouer que, quels que puissent être les efforts des bons électeurs, on doit s’attendre à les voir succomber dans de pareilles luttes.
Je vous en supplie donc, messieurs, ne vous faites pas illusion : l’obligation de choisir les échevins dans le sein du conseil n’est réellement point une garantie à laquelle vous puissiez prudemment vous abandonner. Avec ce système, les mauvais magistrats pourront évidemment se perpétuer dans nos communes. On sera généralement impuissant pour les expulser du conseil, surtout après six années de fonctions. Ils s’y glisseront toujours quoi qu’on fasse, et ils pourront ainsi être imposés par le ministère à nos habitants.
Or, autant il est certain que dans le système du gouvernement il est moralement impossible aux électeurs de faire justice d’un mauvais bourgmestre ou échevin, autant la commune est sûre, au moyen de l’élection faite par eux ou le conseil, de pouvoir enfin se délivrer d’un semblable magistrat. En effet, dans notre système, dès qu’il a contre lui la majorité du conseil, il suffit à ce corps de le vouloir pour qu’il cesse à l’instant de faire partie du collège échevinal ; il en serait de même si sa nomination était laissée aux électeurs, puisqu’ainsi que nous l’avons vu, ce n’est que dans la minorité du conseil qu’il parviendrait à s’introduire.
Or, messieurs, permettez-moi d’interroger votre bonne foi ; le but du congrès, en proclamant l’élection directe, n’a-t-il pas été de procurer au peuple les moyens d’écarter plus facilement ces mauvais magistrats ? Eh bien ! je viens de vous démontrer que ce but est manqué avec le système du gouvernement, puisque les électeurs ne pourront empêcher qu’ils se maintiennent. Dans notre système, au contraire, l’échevin qui ne convient point à la commune sera facilement éloigné de son administration, soit par le conseil ou par les électeurs. N’est-ce pas assez déjà que le bourgmestre lui-même, le chef de l’administration, ne puisse être écarté par eux lorsqu’il répugne à la majorité ? Il n’y a donc pas à hésiter, vous devez vous rallier à notre système.
Vous n’avez donc pas, nous dira-t-on, une pleine et entière confiance dans le système électoral.
Lorsqu’il s’agit d’examiner un système dans son exécution et son ensemble, il serait imprudent de ne tenir aucun compte des faits que nous présente l’expérience la plus commune. Aucune institution n’est parfaite, et l’élection directe adoptée par la constitution est, à cet égard, sur la même ligne que les autres. C’est ainsi que vous avez décidé que les électeurs ne pourraient nommer le même individu membre de deux conseils, et que j’ai moi-même combattu la faculté qu’on leur laisse de choisir un membre du conseil parmi des citoyens non domiciliés ni résidant dans la commune : c’est ainsi encore que vous exigez des conditions d’éligibilité.
On ne peut douter au surplus que le ministère, même avec de bonnes intentions, fera nécessairement beaucoup de mauvais choix. On raisonne comme s’il devait être aussi sage que la divinité elle-même. Mais tout ce qui l’entoure ne peut manquer de l’égarer presque toujours. Un seul homme décidera en cette matière et d’après des renseignements qu’il lui sera, même moralement, impossible de bien apprécier. Les gouverneurs, la plupart étrangers aux provinces qu’ils administrent, y connaîtront peu de chose personnellement. Vous connaissez également les commissaires de district à qui on s’adressera. Et, je vous le demande, y a-t-il à balancer entre les choix de ceux-ci et ceux qui seraient le résultat du vœu publiquement manifesté par les habitants ? Il est à craindre surtout qu’une certaine classe de citoyens ait accès près du ministère, presque à l’exclusion des autres, et que par le fait on lui confère un privilège que la constitution lui refuse.
Reposez-vous, dit-on encore, sur la sollicitude des chambres pour les communes. Elles feront droit aux griefs qui lui seront dénoncés contre les échevins nommés par le Roi. Mais ceux même qui tiennent ce langage seraient les premiers à soutenir que c’est placer l’administration dans la chambre que de s’occuper de ces objets ; et d’ailleurs les administrés oseront-ils bien porter ici leurs plaintes ? Leurs gouverneurs et leurs commissaires de district qui siègent à côte de nous, et qui deviennent alors juges dans leur propre cause, seront-ils toujours disposés à les écouter ? Mais le droit de pétition n’est-il pas déjà devenu lui-même presqu’illusoire ?
Le gouvernement ne voit-il donc pas qu’en s’emparant de ces nominations évidemment inconstitutionnelles, il assume une responsabilité dont les conséquences sont incalculables ? L’histoire ne nous apprend-elle pas qu’en Belgique on ne viole pas impunément la constitution du pays ?
Ne craignez-vous pas, MM. les ministres, de mettre à exécution une loi qui depuis plusieurs années divise cette chambre en deux camps ? pensez-vous qu’après avoir amené ici cette division par toute espèce de moyens, vous ne l’aurez pas également amenée dans le pays ?
Quel que soit même le nombre de voix que vous parveniez à rallier en ce moment à votre système, les votes précédemment émis dans la chambre sur la question des échevins ont irrévocablement fixé l’opinion du pays sur ce point car, n’en doutez pas, aujourd’hui il pèsera les voix et ne les comptera plus.
Réfléchissez-y bien, déjà vous avez été vaincus trois fois sur cette question et par nos votes, c’est le pays lui-même qui vous a condamnés trois fois. Si vous l’emportez, vous mettrez donc à exécution une loi d’organisation et de durée contre le gré et l’opinion de plus d’un million d’habitants. Vous leur enlèverez donc à tous, sans nécessité et sans que l’expérience l’ait justifié, la jouissance de droits constitutionnels qu’ils exercent depuis plus de cinq ans. Pensez-vous qu’après avoir donné vous-mêmes l’exemple de la désobéissance à la constitution, ces populations resteront indifférentes ?
En Angleterre, le pouvoir exécutif ne promulguerait point une loi organique qui aurait été l’objet d’une si grande division dans la chambre des communes, quand surtout son but est de restreindre les franchises du peuple, La prudence ordinaire commande alors ce parti. Aucune considération ne vous oblige ici à violer la constitution ; en supposant même que les échevins puissent être compris sous la dénomination de chef, encore l’exception au principe de l’élection directe ne serait-elle que facultative. Dans le doute embrassez donc le système qui, dans l’opinion de tous, ne peut violer notre pacte fondamental.
J’ai dit que déjà par trois votes la chambre des représentants de la nation avait repousse l’intervention du Roi dans la nomination des échevins ; car je compte au profit du peuple le dernier vote du mois de mai dernier, auquel le gouvernement n’a pu échapper qu’en faisant clore brusquement la session au milieu de nos délibérations. Il a feint alors de faire un appel au pays en attendant le renouvellement de la moitié de cette chambre. Mais notre dernier vote a prouvé que, sauf nos ministres transfuges et quelques rares conversions que je ne puis expliquer, la majorité pour le principe de l’élection directe est demeurée la même. Il est cependant notoire qu’à l’occasion des élections pour le renouvellement comme jusqu’aujourd’hui, le pouvoir exécutif a tout employé pour se faire des partisans de son système.
Mais a-t-il donc oublié que le gouvernement de la ruse est celui-là même que le Belge souffre avec moins de patience, et qu’un pareil gouverneraient doit bientôt courir à sa perte ?
C’est principalement chaque fois qu’il s’agit d’une violation de la constitution, qu’on voit le pouvoir exécutif déployer toutes ses manœuvres et faire les plus grands efforts.
Dans le vote de l’ancienne chambre en faveur de l’ordre civil également réprouvé par la constitution, l’on a vu encore le gouvernement, vaincu d’abord par l’opposition, l’emporter définitivement à la majorité d’une voix ou deux par suite de l’absence de deux fonctionnaires qui n’avaient pas craint de voter contre la proposition ministérielle lors du premier vote.
Au mois de mai dernier, par une coïncidence assez remarquable, l’un de nos collègues, le colonel M. de Puydt, reçut des ordres pour faire une absence telle qu’il n’aurait pu assister au deuxième vote, si la chambre n’avait, tout exprès, remis la séance à un autre jour.
Verrons-nous cette fois encore de ces ordres et de ces absences occasionnés par des motifs imprévus ou par le hasard ? Je dois repousser de semblables suppositions.
Je terminerai en faisant enfin remarquer à nos adversaires qu’aucun d’eux n’a fait jusqu’ici une réponse sérieuse à l’observation péremptoire qui leur a été développée à plusieurs reprises, qu’en conférant au pouvoir exécutif le droit de nommer les échevins ainsi que le bourgmestre, ils placent dans ses mains un moyen infaillible de corruption électorale et portent ainsi un coup fatal à notre régime représentatif et à toutes les libertés qu’il nous garantit. Cette attribution donnerait au gouvernement dix mille agents environ dans nos communes : car on ne peut se dissimuler, malgré ses protestations, qu’à l’occasion il usera de son influence sur les bourgmestres et échevins par lui nommés. Ajoutez-y les 7 mille fonctionnaires du département des finances, les 4 à 5 mille des départements de l’intérieur et de la justice et le nombre très considérable de fonctionnaires qu’offre l’armée, vous aurez bientôt un nombre de 30 mille agents prêts à servir le pouvoir central dans nos élections, et cependant le nombre total des électeurs de tout le royaume ne s’élève qu’à 40 mille. Il faut fermer les yeux à la lumière pour ne pas s’apercevoir de sa tendance à envahir depuis cinq ans. Or, que le mot d’ordre contre nos libertés constitutionnelle, soit donné à ces 30 mille agents, jugez, messieurs, si elles ne doivent pas bientôt succomber.
Maintenant, messieurs, pesez attentivement toute la responsabilité du vote que vous allez émettre, vis-à-vis de la patrie, souvenez-vous que vous avez juré de défendre nos libertés constitutionnelles et de les conserver intactes, et prononcez, la main sur la conscience.
Je ne suivrai point l’honorable M. Dequesne dans les digressions qu’il a faites à l’occasion de l’art. 2 que nous discutons. Seulement je ne puis m’empêcher de lui faire remarquer qu’il a absolument méconnu un principe fondamental de notre constitution nouvelle, lorsqu’au total il prétend que l’Etat doit avoir une morale et par conséquent une morale officielle.
M. Nothomb, dans une précédente séance, a posé le vrai principe constitutionnel en cette matière, c’est qu’aujourd’hui l’Etat n’a pas le droit d’intervenir dans la direction morale et religieuse du pays.
A telle opinion religieuse qu’on appartienne, il n’y a point de morale sans un principe religieux qui en est la sanction. Il existe donc entre eux un rapport intime et nécessaire, et cela est vrai, surtout dans un pays ou le peuple est éminemment religieux.
Ainsi, admettre que l’Etat a le droit de nous créer et façonner une morale, c’est, abstraction faite même du dogme, lui donner le droit de s’immiscer dans des matières religieuses, c’est le constituer juge de l’application du principe religieux en matière de morale.
M. Dequesne ne se doute pas probablement que c’était là justement la prétention du roi Guillaume et que c’est principalement cette même prétention qui l’a renversé du trône. Je dois croire, à son langage, que M. Dequesne, qui a beaucoup lu l’histoire, n’a pas assisté aux principaux événements qui ont amené la révolution ou qu’il n’a point lu son histoire.
Mais ce qui doit dès à présent nous donner beaucoup à penser et ce qui m’a frappé ainsi que plusieurs de nos collègues, c’est d’entendre M. de Muelenaere, ministre des affaires étrangères, répondant à M. Nothomb, soutenir la même doctrine inconstitutionnelle, et vous avez entendu à la dernière séance M. Dequesne répéter à l’appui de son système les mêmes arguments de M. de Muelenaere.
La preuve, vous a-t-on dit, que l’Etat a la direction de la morale, c’est que d’après la constitution, il doit y avoir une instruction publique aux frais de l’Etat.
Mais c’est encore là une erreur capitale. Il résulte bien de l’art. 17 qu’il pourra y avoir une instruction publique aux frais de l’Etat et à régler par la loi, mais non qu’elle devra nécessairement avoir lieu.
Je prie le gouvernement de ne jamais l’oublier, nous n’avons voté la loi sur l’instruction supérieure que dans le sens des explications développées dans le rapport de la section centrale. Or, dans ce rapport, l’on a protesté formellement que l’Etat n’ayant ni morale ni doctrine, n’avait pas le droit d’enseigner, et il y a été entendu expressément que si on créait deux universités à charge de l’Etat, ce n’était que par nécessité en attendant (ce qui arrivera un jour, je l’espère), que la liberté de renseignement ait pu créer elle-même des établissements capables de satisfaire aux besoins du pays, et parce que la Belgique ne pouvait dans ce moment rester sans avoir un haut enseignement.
Du reste, messieurs, les matières de l’instruction qu’on pourrait toujours, s’il y a lieu, laisser enseigner par l’Etat, peuvent être entièrement étrangères à la morale.
M. de Muelenaere s’est encore prévalu des subsides que les chambres consentent chaque année pour l’instruction primaire. Mais il oublie donc encore une fois qu’il a été plusieurs fois entendu que ces subsides ne donnent aucunement à l’Etat le droit de s’immiscer dans l’enseignement.
D’ailleurs, si les chambres entendaient autrement les votes qu’elles ont donnés relativement à la loi sur l’instruction supérieure et aux subsides, je n’hésiterais pas à dire qu’elles auraient violé la constitution.
Sous l’empire de notre constitution, le domaine de la morale et de la religion sont entièrement séparés de l’Etat : il ne s’ensuit pas qu’il soit athée, mais bien qu’il doit rester neutre en cette matière, et honorer et protéger les cultes et notamment celui qui est professé par la presque totalité des Belges.
Ainsi, il n’est pas vrai, comme le suppose M. Dequesne, qu’aujourd’hui encore sous l’ordre actuel des choses, le clergé pourrait être un corps politique, que les fonctions de ses membres devraient être reconnues par la loi, car la constitution a même défendu formellement au gouvernement d’intervenir en aucun cas dans la nomination et l’installation des ministres des cultes.
Ce qui précède, messieurs, n’est point étranger à la question de nomination des échevins qui nous occupe. On voit manifestement que le gouvernement tend aussi à s’attribuer la direction morale dans le pays. On conspire donc non seulement contre nos franchises communales, mais encore contre nos libertés les plus chères.
Or, en présence d’un pareil état de choses, peut-on de bonne foi se dissimuler les dangers qu’il y aurait à donner en outre au pouvoir royal la nomination des échevins, bientôt ces magistrats ne deviendraient-ils pas aussi ses instruments pour la direction de sa morale dans nos communes. Pour ma part, je n’accepterais jamais la responsabilité des conséquences du système du gouvernement, et je croirais trahir mon mandat, si je ne le repoussais de tous mes moyens.
M. le président. - La parole est à M. Dechamps.
Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !
M. Devaux. - Je demande la parole pour un fait personnel.
Dans le discours qu’il vient de prononcer, l’honorable M. Doignon fait entendre que dans la commission de constitution j’aurais moi-même voté pour l’élection directe des bourgmestres et des échevins.
L’honorable membre est dans la plus complète erreur : ce qui n’est pas étonnant, puisqu’il n’était pas plus membre de la commission que du congrès. J’ai voté dans la commission comme dans le congrès, pour l’élection directe des membres des administrations communales, à l’exception des chefs de ces administrations, et par chefs j’entendais les bourgmestres et les échevins, d’accord en cela avec le meilleur ouvrage sur la science administrative, le code administratif de M. d’Omalius d’Halloy, qui dit, en parlant des chefs des administrations municipales : « c’est-à-dire le collège des bourgmestre et échevins. »
Telle était mon opinion dans la commission de constitution comme dans le congrès, opinion qui, comme vous le voyez, est partagée par l’auteur du meilleur ouvrage administratif.
- La clôture mise aux voix est adoptée.
La première disposition de l’article 2 ainsi conçue : « Les conseillers sont élus directement par l’assemblée des électeurs de la commune, » est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Nous avons maintenant la deuxième disposition de cet article ainsi conçue :
« Le Roi nomme le bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil. »
Plusieurs membres. - La division !
M. le président. - Ainsi, je vais mettre aux voix la partie de la disposition, qui concerne le bourgmestre.
- Cette première partie est adoptée.
M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix la disposition pour ce qui concerne les échevins.
Plusieurs voix. - L’appel nominal !
- On procède à l’appel nominal sur la seconde partie de la disposition. En voici le résultat :
93 membres ont répondu à l’appel.
54 ont voté l’adoption.
39 ont voté le rejet.
En conséquence la seconde partie de la disposition est adoptée.
Ont voté pour : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert, Bosquet, Coghen, Cols, Coppieters, Cornet de Grez, David, de Behr, Dechamps, de Jaegher, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dubois, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia, Keppenne, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Mast de Vries, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Scheyven, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, C, Vuylsteke.
Ont voté contre : MM. Berger, Brabant, Dams, de Foere, de Meer de Moorsel, de Puydt, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), Bernard Dubus, Dumortier, Fallon, Frison, Gendebien, Hye-Hoys, Jullien, Kervyn, Liedts, Manilius, Pirmez, Quirini, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rouppe, Seron, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Vanden Wiele, Vergauwen, Van Hoobrouck. L. Vuylsteke, Watlet, Zoude.
M. Dumortier. - Je demande que mon vote négatif soit inséré dans le procès-verbal.
De toutes parts. - Tous ! tous !
M. le président. - Tous les votes seront insérés au procès-verbal.
- L’ensemble de l’art. 2 est mis aux voix et adopté.
- Les articles 3 à 8 sont successivement confirmés tels qu’ils ont été adoptés au premier vote.
M. le président. - A l’article 9, on n’a fait que quelques changements de rédaction.
M. Gendebien. - L’assemblée doit se rappeler que quand on a abaissé le cens électoral pour les campagnes, j’avais demandé qu’on l’abaissât aussi pour les villes, et que j’ai retiré ma proposition en me réservant de présenter au second vote un amendement à l’article 9 de la section centrale, afin qu’on comptât aux habitants des villes le tiers de la contribution foncière des propriétés qu’ils occupent ; comme on l’accorde pour les campagnes. Je ne sais si mon amendement rencontrera des difficultés. Il suffit de retrancher quelques mots du dernier paragraphe de l’art. 9, qui est ainsi conçu : « Le tiers de la contribution foncière d’une commune rurale exploitée par un fermier compte au locataire sans diminution des droits du propriétaire. »
Je demande qu’on étende cette disposition au locataires des maisons des villes, et pour le faire, il suffit après les mots « contribution foncière, » de retrancher ceux-ci : « d’un domaine rural exploité par un fermier, » et d’y substituer : « compte au fermier et au locataire sans diminution des droits du propriétaire. »
De cette manière le tiers de la contribution foncière de la propriété prise en location comptera à l’habitant des villes, comme à l’habitant des campagnes.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, le motif qui a fait introduire cette disposition exceptionnelle en faveur des cultivateurs tient au système d’impôt établi dans le pays. Le même motif ne s’applique pas aux habitants des villes en général. En effet, vous savez que le fermier ne paie pas de patente, mais des droits d’enregistrement sur ses baux. Cela ne lui compte pas, parce que les droits d’enregistrement ne sont pas considères comme une contribution directe. Cependant c’est bien une contribution.
Il arrive qu’un cultivateur qui exploite telle propriété assez considérable a dû mettre un capital notable dans son exploitation, et pourtant il ne peut pas être électeur parce que, d’après notre système d’impôt, quoiqu’il contribue, pour sa part, aux charges publiques, il ne figure pas parmi les contribuables.
Dans les villes, les locataires sont ordinairement des patentables. Or, la patente est une contribution directe. Tel négociant qui loue une maison pour y faire un commerce paie une patente et se trouve ainsi représenté parmi les contribuables. Il y donc une distinction très grande à faire entre les habitants des villes et les habitants des campagnes. D’après ces faits, je ne vois pas de motif pour qu’on étende aux habitants des villes la disposition qui a été introduite pour les exploitants de terre.
M. Gendebien. - Il serait difficile de donner un motif plausible contre mon amendement : aussi avez-vous vu combien le ministre a été stérile dans ses objections.
Il y a, vous dit-il, une grande différence entre les habitants des villes et les habitants des campagnes. Et la raison en est que, dans les campagnes, les locataires paient des droits d’enregistrement pour leurs baux.
Mais est-ce que les locataires des maisons dans les villes ne paient pas l’enregistrement de leurs baux ? est-ce que le droit d’enregistrement est plus compté à l’habitant des villes qu’à l’habitant des campagnes ? C’est là une pauvre raison, ou plutôt ce n’en est pas une.
La seconde raison qu’oppose le ministre à mon amendement qui tend à rétablir l’égalité entre les citoyens, c’est que le négociant des villes paie une patente au moyen de laquelle il est admis comme électeur.
Mais est-ce que les habitants des campagnes qui font le commerce ne paient pas de patentes ? Avez-vous fait une exception pour les habitants des campagnes qui paient patente et une contribution foncière pour une propriété louée ? Il faut, pour combattre mon amendement, donner d’autres raisons, car on doit reconnaître que celles données jusqu’ici sont pitoyables.
Les habitants des villes et des campagnes doivent être placés sur la même ligne, sans aucune différence, et pour être juste, il ne faudrait admettre qu’un seul cens. Tel a toujours été mon avis, et je l’ai exprimé dès le mois d’octobre 1830. Je ne vois pas pourquoi on compterait à l’habitant des campagnes le tiers de la contribution foncière de la propriété qu’il a en location, et qu’on ne voudrait pas en agir de même à l’égard de l’habitant des villes.
Qu’on me donne un motif plausible et je retire mon amendement ; mais, jusque-là, on me permettra de le maintenir.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que les raisons que j’ai données sont prises dans la nature même des choses, et l’honorable préopinant n’y a pas répondu. J’ai dit que le fermier contribuait aux charges publiques à raison de ses baux, mais qu’il ne figurait pas comme contribuable et qu’il ne pouvait pas réclamer à ce titre la qualité d’électeurs, tandis que dans les villes sa patente est la contribution la plus commune ; le commerçant qui loue une maison paie une patente.
Il n’y a pas là d’injustice envers les villes, parce que dans les villes il n’y a pas de cultivateurs. Il ne s’agit pas d’adjoindre une espèce d’habitants dans les villes comme électeurs, et d’en écarter d’autres. Dans les villes, il n’y a que des patentables et des propriétaires. Il n’y a pas de cultivateurs. Ainsi il ne résulte aucune injustice de la disposition admise pour les campagnes.
- L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
L’article 9 est maintenu tel qu’il a été adopté au premier vote.
- Il en est de même des articles suivants jusqu’à l’article 46.
« Art. 47. Nul n’est éligible s’il n’est âgé de 25 ans accomplis, et s’il ne réunit, en outre, les qualités requises pour être électeur dans la commune.
« Les fils et gendres d’électeurs ou de veuves sont éligibles, en justifiant que leur père, mère, leur beau-père ou belle-mère paie le cens électoral exigé pour la commune où se fait l’élection, pourvu qu’ils remplissent les autres conditions d’éligibilité.
« Dans les communes ayant moins de mille habitants, un quart au plus des membres du conseil peut être domiciliés dans une autre commune, pourvu qu’ils paient, dans celle où ils sont élus, le cens électoral qui y est exigé, et qu’ils satisfassent aux autres conditions d’éligibilité.
« Nul ne peut être membre de deux conseils communaux. »
M. Verdussen. - Je demande la parole pour proposer un amendement au 3ème paragraphe. Il consiste à substituer le tiers au quart.
Voici les considérations sur lesquelles je m’appuie.
Si on demandait à la chambre, si elle veut qu’une disposition soit un mensonge ou une vérité, assurément tout le monde dirait qu’il veut qu’elle soit une vérité.
Voyons si l’amendement adopté au troisième paragraphe sera dans l’application une vérité ou un mensonge.
Il ne s’agit guère ici que des communes dont le conseil sera composé de sept membres. On propose de laisser aux électeurs la faculté de choisir hors de la commune un quart des membres du conseil communal. C’est un sur quatre ou sept sur 28, en réunissant quatre conseils. Je prends ce chiffre pour point de départ. Nous verrons si, sur quatre communes réunies, sur 28 conseillers sept pourront être pris hors de la commune. On a dit dans la première discussion que si on mettait un tiers, on pourrait forcer le chiffre et que le tiers de sept serait trois.
Je fils la proposition inverse et je trouve que sur 7 il n’y aura qu’un conseiller étranger à la commune. Alors il est indifférent qu’on ait mis un quart, un cinquième ou un septième : voilà une disposition qui est un peu large.
Dans la proposition primitive on avait fixé la limite au tiers. Si j’applique cette proportion au chiffre 28 pour l’ensemble des conseillers de quatre communes, je trouve pour le tiers neuf, ce qui donne une différence de deux avec l’effectif du quart ; mais dans la réalité, la différence est de quatre à neuf.
S’il y a vérité dans la proposition, l’effet ne répond pas à l’attente.
Si la proposition a été faite, l’auteur n’en a pas senti la portée ; il aurait dû proposer 1/7, il aurait eu le même résultat.
Je propose en conséquence de substituer le tiers au quart, parce que la différence entre ces deux propositions n’est pas comme 7 est à 9, mais comme 4 est à 9.
Vous devez laisser aux électeurs la faculté de prendre un certain nombre de conseillers hors du sein de la commune quand ils croient trouver en eux plus de lumières. Et pour que cette faculté existe réellement, il faut admettre la proposition primitive qui fixait la proportion au tiers.
- L’amendement de M. Verdussen est mis aux voix et adopté.
L’article 47 ainsi modifié est également adopté.
- Les articles 48 à 53 sont maintenus tels qu’ils ont été primitivement votés.
M. d'Hoffschmidt. - Je demande la parole pour présenter un amendement à l’art. 55.
Messieurs, les ministres dans le cours de la discussion sur le mode de nomination, n’ont cessé de répéter que l’influence du gouvernement sur les échevins serait paralysée par l’élection que devraient subir les échevins à l’expiration de leurs fonctions.
Si les ministres sont de bonne foi, ils adopteront mon amendement, qui a pour but de réduire la durée des fonctions qui est fixée à six ans et que je trouve trop longue, parce qu’elle diminue nécessairement l’influence qu’ont les électeurs sur les échevins.
D’un autre côté, les électeurs peuvent se tromper ; il est important qu’ils puissent remédier aux inconvénients d’une mauvaise élection, Les élections devraient avoir lieu tous les quatre ans.
L’expérience a démontré que quand une commune est mal administrée, un terme de cinq ans, avant de pouvoir y remédier, est déjà trop long. Si des élections avaient eu lieu dans les communes, depuis celles qui ont été faites lors de la révolution, il y a bien des magistrats qui n’auraient pas été réélus.
Dira-t-on que lorsque les élections se renouvellent trop fréquemment, les électeurs ne s’y rendent plus ? Cette observation ne serait pas applicable ici parce que les élections communales se font dans la commune elle-même et n’exigent aucun déplacement. Il n’en est pas de même pour les élections des membres des chambres législatives et des conseils provinciaux ; il y aurait inconvénient réel à les multiplier parce qu’on est obligé de se déplacer pour y prendre part.
J’ajouterai que nous devons chercher à avoir de l’harmonie entre toutes les parties de notre système électoral : nous élisons les membres des conseils provinciaux pour quatre années ; nous élisons les membres des chambres pour le même terme, pourquoi ne pas adopter également quatre années pour les fonctionnaires communaux ?
Si les électeurs n’étaient pas satisfaits du bourgmestre et des échevins choisis par le gouvernement, ils pourraient en changer au bout de quatre ans ; c’est attendre trop longtemps que d’attendre le changement d’un magistrat désagréable au bout de six ans.
Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’en dire davantage pour expliquer mon amendement : il doit se comprendre au premier aperçu.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne puis disconvenir que l’honorable préopinant n’ait donné quelques bonnes raisons pour limiter le terme du mandat des magistrats communaux à quatre ans ; toutefois, je crois qu’à tout considérer, le terme de 6 ans doit être préféré.
On ne peut se dissimuler que les élections communales ne mettent en présence les partis dans la commune. Or réveiller l’action de ces partis tous les deux ans pourrait présenter de fort graves inconvénients. Sous ce rapport le terme de six ans présente bien plus d’avantages que d’inconvénients.
C’est la première fois que la proposition de réduire la mission des fonctionnaires municipaux à quatre ans a été faite ; l’article auquel la modification s’applique n’ayant pas été amendé, je ne pense pas que le règlement permette d’y rien changer au second vote. Cette considération et celle que je vous ai présentée sont un double motif pour écarter l’amendement.
M. Dumortier, rapporteur. - Quant à moi je subordonnerai mon vote sur la proposition faite par l’honorable M. d’Hoffschmidt à ce qui sera décidé relativement à l’article 56 ou à la suspension et à la révocation des magistrats municipaux. Je désire savoir si le gouvernement veut se rallier oui ou non à cet article 56. Je demanderai donc à l’assemblée qu’elle mette d’abord en discussion l’art. 56. Si vous donniez au gouvernement le droit de révocation illimitée des fonctionnaires communaux le peuple aurait un intérêt majeur à leur retirer lui-même le mandat assez souvent, tandis que je ne verrais pas de motifs d’adopter la proposition faite par l’honorable M. d’Hoffschmidt si l’article 56 est adopte tel qu’il est.
M. d'Hoffschmidt. - Je me rallie à la proposition faite par l’honorable M. Dumortier. Je ferai remarquer que j’appliquerai mon amendement à l’article 54 comme à l’article 55.
M. le président. - Mais l’article 54 a été adopté sans modification.
M. Jullien. - Si l’amendement ne s’appliquait pas à l’article 54 relatif à des conseils communaux, inutilement ferait-on des modifications à l’article 55 relatif à la nomination des bourgmestres et échevins ; si les conseils communaux sont nommés pour six années par l’amendement, on obtiendrait seulement que le pouvoir exécutif eût le droit de révoquer le bourgmestre et les échevins au bout de quatre ans, et l’amendement serait sans portée s’il n’était pas applicable à l’article 54.
M. le président. - Aux termes de l’art 45 du règlement, je ne crois pas qu’il y ait lieu de revenir sur l’art. 54 qui a été adopté sans amendements.
M. d'Hoffschmidt. - D’après l’art. 45 du règlement on peut revenir au second vote sur les dispositions qui ont été changées : or, le projet contenait des dispositions d’après lesquelles le gouvernement pouvait nommer le bourgmestre seulement ; c’est par suite de l’adoption d’un amendement qu’on lui a donné la nomination des échevins ; eh bien, mon amendement tend à modifier encore les dispositions de la loi sur ce point ; et par conséquent j’ai le droit de le présenter.
Les auteurs du règlement ont voulu qu’une disposition amendée dans un premier vote pût être modifiée au second vote ; et ils l’ont voulu parce que sans cela on s’exposerait à avoir dans une loi des articles incohérents entre eux.
M. Verdussen. - Evidemment l’honorable membre se trompe. Le sens de l’article 45 du règlement est clair, et l’on ne peut pas revenir sur l’art. 54 qui n’a pas été amendé. Je demande la question préalable sur sa proposition.
M. d'Hoffschmidt. - Mais il y a une telle corrélation entre les art. 54 et 55 qu’il est impossible de pouvoir modifier l’un sans modifier l’autre en même temps. Au reste, il y a une proposition faite par M. Dumortier, et je demande qu’elle soit mise aux voix.
- La chambre consultée décide qu’elle votera préalablement sur l’art. 56.
Cet art. 56 mis aux voix est adopte sans débat.
M. d'Hoffschmidt. - Puisque le gouvernement s’est rallié à l’art. 56, je retire mon amendement. Je ne l’avais proposé que parce que je croyais que le gouvernement voulait, comme au premier vote, obtenir la révocation des bourgmestres et échevins purement et simplement.
- Tous les articles du projet de loi concernant l’organisation du personnel des administrations communales sont ensuite adoptés définitivement sans discussion.
M. le président. - Il y a lieu maintenant de passer au second vote sur les articles du projet de loi concernant les attributions ; mais les amendements ne seront imprimés et distribués que ce soir.
Nous avons à l’ordre du jour le projet de loi sur la fraude des céréales.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Nous ne pouvons nous occuper des projets relatifs au département des finances ; M. le ministre des finances est souffrant et est hors d’état de sortir. Je demanderai que la chambre veuille bien renvoyer la séance à demain.
- Cet avis est adopté.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) monte à la tribune et présente un projet de loi portant un renouvellement au tarif des chemins de fer. - Jusqu’ici, dit M. le ministre, on n’a pas transporté de marchandises sur les chemins de fer, et on ne serait pas en état de fixer le tarif sur ce point.
Le projet est renvoyé devant une commission nommée par le bureau.
- La séance est levée à trois heures et demie.