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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 20 février 1836

(Moniteur belge n°52, du 21 février 1836 et Moniteur belge n°53, du 22 février 1836)

(Moniteur belge n°52, du 21 février 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dechamps fait l’appel nominal à une heure.

M. Schaetzen lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dechamps présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le conseil de fabrique de l’église d’Oost-Eecloo demande que les vicaires soient salariés par l’Etat. »


« Les tanneurs, drapiers et commerçants de la ville de Vianden (Luxembourg) demandent l’association de la Belgique au système douanier allemand. »


« L’administration communale de Wyngem demande la construction d’une route pavée de cette commune au village de St-George par Maldeghem. »


« Le conseil de régence de la ville de Nieuport demande la construction d’une route de Nieuport à Furnes. »


M. Watlet. - Parmi les pétitions que l’on vient de signaler il s’en trouve une des habitants de Vianden, demandant notre accession au système commercial allemand. Je demande que ce mémoire soit renvoyé à la commission des pétitions et inséré au Moniteur. Je ferai remarquer que les précédentes pétitions sur le même objet ont été renvoyées à la commission de janvier ou de décembre. Je crois qu’il faut renvoyer celle-ci à la même commission.

- La proposition est adoptée.

M. Dubois. - Je viens d’entendre que parmi les pétitions, il en est une de Nieuport, dont la régence réclame une route. Comme la commission des travaux publics a présenté son rapport, je demanderai que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec invitation de faire son rapport avant la discussion de celui de M. de Puydt.

- Cette proposition est également adoptée.

M. Fallon. - Je crois avoir entendu que par des pétitions on demande que le traitement des vicaires soit à charge des communes ; cette pétition devra, ce me semble, rester sur le bureau pendant la discussion de la loi communale.

M. le président. - Je ferai remarquer qu’une pétition semblable a été renvoyée hier à la commission des pétitions avec invitation de faire promptement son rapport.

M. Fallon. - La pétition peut toujours rester sur le bureau.

M. Andries. - Il est une autre pétition qui vient de la commune de Wyngem, laquelle réclame une route de cette commune au village de Maldeghem. Cette pétition, ayant quelque chose de commun avec celle d’Eecloo, qui vous a déjà été présentée, je demande que comme celle-ci, la première soit insérée au Moniteur.

M. le président. - On peut inviter la commission des pétitions à faire son rapport avant la discussion du rapport fait par M. de Puydt.

- Cette dernière proposition est encore adoptée.

Projet de loi à la poursuite des crimes et des délits commis par des Belges à l’étranger

Dépôt

Projet de loi relatif à la bourse commune des huissiers

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, le Roi m’a chargé de présenter à la chambre deux projets de loi, l’un qui est relatif à la poursuite des crimes et des délits commis par des Belges à l’étranger ; c’est une disposition pour remplacer l’article 7 du code d’instruction criminelle.

L’autre est relatif à la bourse commune des huissiers. Il fait droit aux nombreuses réclamations adressées à la chambre sur cet objet.

Je suppose que la chambre me dispensera de lire l’exposé des motifs de ces projets, exposé qui sera imprimé.

M. le président. - Il est donné acte au ministre de la justice des projets qu’il vient de soumettre à la chambre.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je crois que la chambre pourra apprécier la convenance de renvoyer ces projets à une commission ou aux sections, quand ils seront imprimés et distribués.

Plusieurs membres. - A une commission ! à une commission !

Projet de loi portat modification du jury

Motion d'ordre

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je saisirai cette occasion pour prier la chambre de mettre à l’ordre du jour, dans les sections, le projet de loi portant modification au jury ; la nécessité d’apporter des modifications à cette institution est constatée par l’expérience.

M. le président. - Les sections nouvelles seront convoquées lundi.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Mon intention a été d’attirer l’attention de la chambre sur cet objet important.

Projet de loi relatif aux attributions des administrations communales

Discussion des articles

Titre II. Des attributions communales

Chapitre premier. Des attributions du conseil communal
Article 3

M. le président. - « Nous en sommes à l’art. 3.

« Art. 3. Sont soumises à l’approbation de la députation du conseil provincial les délibérations des conseils communaux sur les objets suivants :

« 1° Les actions à intenter ou à soutenir ;

« 2° La répartition et le mode de jouissance du pâturage, affouage et fruits communaux, et les conditions à imposer aux parties prenantes, lorsqu’il y a eu réclamation contre les délibérations de l’autorité communale ;

« 3° Les ventes, échanges et transactions qui ont pour objet des créances, obligations et actions appartenant à la commune, à l’exception des transactions qui concernent les taxes municipales ; le placement et le remploi de ses deniers ;

« 4° Les règlements relatifs au parcours et à la vaine pâture ;

« 5° Les règlements ou tarifs relatifs à la perception du prix de location des places dans les halles, foires, marchés et abattoirs, et de stationnement sur la voie publique, ainsi que des droits de péage, mesurage et jaugeage ;

« 6° La reconnaissance et l’ouverture des chemins vicinaux et sentiers, conformément aux lois et aux règlements provinciaux, et sans dérogation aux lois concernant les expropriations pour cause d’utilité publique ;

« 7° Les projets de construction, de grosses réparations et de démolition des édifices communaux, les réparations à faire aux monuments de l’antiquité ;

« 8° Les budgets des dépenses communales et les moyens d’y pourvoir ;

« 9° Le compte annuel des recettes et dépenses communales ;

« 10° Les règlements organiques des administrations des monts-de-piété.

« En cas de refus d’approbation les communes intéressées pourront recourir au Roi. »

M. Rogier. - Je veux demander quelle est la portée du paragraphe 7, où il est dit : « Les réparations à faire aux monuments de l’antiquité. » Ainsi ces réparations seront soumises seulement à la députation provinciale. A quoi servirait, d’après cette disposition, la commission des monuments de l’antiquité créée à Bruxelles ? En outre, la députation provinciale, pouvant autoriser la réparation, pourrait-elle aussi autoriser la démolition ? Il me semble qu’il serait dangereux de lui accorder un tel pouvoir ; le pays se trouve intéressé à ce que les monuments des arts ou les monuments historiques soient conservés ; et je crois que l’intervention du pouvoir central serait ici naturelle et nécessaire. Je propose de transporter à l’article 2 cette disposition du § 7 et de la rédiger ainsi : « la démolition des monuments de l’antiquité et les réparations à y faire. »

M. Jullien. - Je ne comprends pas comme l’honorable préopinant la rédaction de la dernière disposition du paragraphe 7. Il y est dit que les réparations à faire aux monuments de l’antiquité seront autorisées par la députation provinciale ; mais on ne pourrait pas faire usage de cet article pour ordonner la destruction de ces monuments, c’est-à-dire de ceux reconnus et classés comme monuments de l’antiquité. Je voudrais savoir à cet égard la pensée de M. le ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il est évident que ces mots : « Les réparations à faire aux monuments de l’antiquité, » ne sont nullement restrictifs en ce qui concerne l’autorité supérieure. Mais si les réparations sont soumises à la députation provinciale, à plus forte raison, il faut croire que les démolitions lui seront soumises ; aussi je verrais avec plaisir que l’amendement proposé fût adopté.

On a parlé de la commission centrale des monuments de l’antiquité ; mais l’intervention de cette commission n’était qu’officieuse, et pour appeler l’attention des conseils communaux ou des conseils provinciaux sur la nécessité de conserver ces monuments dans un bon état d’entretien et sans en changer le caractère.

Le gouvernement n’intervient que pour les édifices consacrés aux cultes ; mais, pour les hôtels de ville et pour les autres monuments, le gouvernement n’intervient pas. L’amendement de l’honorable député de Turnhout assurera la conservation des monuments que nous avons encore.

- L’amendement de M. Rogier est appuyé.

M. Dubus. - L’amendement proposé ne me semble pas sans inconvénients. D’abord je ne trouve pas de définition indiquant ce que l’on doit entendre par monuments de l’antiquité ; il faudrait cependant dire à quelle période il serait nécessaire de remonter pour déclarer que le monument appartient à l’antiquité. D’autre part, je conçois bien que l’on s’oppose à ce que les monuments soient détruits ou démolis sans autorisation supérieure ; mais que l’on étende la disposition à toutes les réparations, c’est une centralisation que je ne comprends pas.

On entend sans doute par monuments de l’antiquité nos vieilles églises qui, chaque année, ont besoin de réparations.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il y a des dispositions pour cet objet, cela existe !

M. Dubus. - Il faudrait donc que le gouvernement fût consulté sur les réparations à faire à une église, à un hôtel de ville, dès que l’édifice a été construit à une époque ancienne ?

Il résulterait de là, par exemple, que la régence de Louvain ne pourrait pas faire la moindre réparation à son hôtel de ville sans un arrêté du Roi : il me paraît que c’est aller trop loin, Que l’on s’oppose aux démolitions, je le veux bien ; mais que l’on étende l’amendement aux réparations, c’est à quoi je ne puis donner mon assentiment.

Cependant ce ne seront pas les régences qui décideront les démolitions ; ce seront les députations provinciales ; c’est là une garantie qui me paraît suffisante ; et je ne vois pas clairement la nécessité de faire contrôler la décision de l’autorité provinciale par le ministre de l’intérieur.

M. Legrelle. - Si le gouvernement est obligé d’intervenir toutes les fois qu’il s’agira de réparations à des monuments de l’antiquité, comme il y en a une foule dans nos communes, il y aura encombrement d’affaires au ministère. Il est impossible que le gouvernement s’occupe des petites réparations que l’on jugera utile à un vieil édifice communal.

Au reste, comment distinguer les monuments de l’antiquité ? Les monuments du 15ème siècle ne seront-ils pas compris dans cette qualification ? Je crois qu’il suffit que la démolition soit soumise au gouvernement. Je ne suis pas démolisseur, pas plus que les honorables préopinants ; mais tout en rendant hommage à ce désir de conserver des édifices importants sous le rapport de l’art ou sous le rapport historique, je ne veux pas étendre l’amendement au point de faire intervenir le gouvernement pour les moindres réparations à faire.

Je sais qu’il est des autorités communales très peu soucieuses de conserver leurs monuments antiques, mais les états provinciaux sont là pour empêcher leur destruction.

M. le président. - Ainsi il n’y aurait que les démolitions qui seraient soumises au gouvernement ?

M. Rogier. - Je ne m’attendais pas à ce que mon amendement rencontrât de l’opposition dans cette enceinte, et je m’y attendais d’autant moins que nous étions tous d’accord pour parvenir à la conservation de nos monuments ; or, qui est le gardien naturel de tous ces monuments ? C’est le gouvernement, parce qu’il est le représentant de tous les intérêts nationaux.

On a demandé à quelle époque commençait l’antiquité d’un monument : je ne me crois pas obligé de répondre à cette question, les archéologues la décideront ; d’ailleurs tout le monde reconnaît facilement quand un monument mérite d’être conservé.

M. Legrelle. - Il faudrait restreindre l’amendement aux démolitions, et ne pas demander que le gouvernement intervienne pour les réparations, car il y a telle réparation extrêmement minime et qui n’a aucune importance sous le rapport de l’art.

J’avoue, toutefois, que par une seule couche de chaux ou d’ocre, on peut altérer le caractère d’un monument. A cet égard, on m’a cité l’exemple d’un monument qui allait être ainsi barbouillé sans l’intervention d’un vicaire qui empêcha qu’on ne fît subir cette indignité au vieil édifice.

Je pourrais citer d’autres monuments pour la conservation desquels l’intervention de la députation des états n’aurait pas été suffisante. Ainsi la porte de Hal, que l’on peut considérer comme un monument d’antiquité, et auquel tiennent mes adversaires, aurait été démolie sans l’intervention du gouvernement. Je crois que la députation des états avait donné son adhésion à la démolition de ce monument.

Je pourrais citer d’autres monuments qui ne sont pas réparés comme ils devraient l’être, Mais je ne veux faire allusion à aucune localité.

Je persiste donc dans mon amendement ; je crois qu’il peut avoir beaucoup d’utilité, sans offrir beaucoup d’inconvénients, et il est bien certain que les petites réparations ne seront pas plus soumises an gouvernement qu’elles n’étaient soumises à la députation des états.

M. Jullien. - Je désire, comme l’honorable préopinant, que le gouvernement conserve la surveillance des monuments de l’antiquité, et que la démolition d’un véritable monument de l’antiquité ne puisse avoir lieu sans l’approbation du gouvernement. Mais l’embarras de la question est de reconnaître ce qui est monument de l’antiquité et ce qui ne l’est pas ; car si vous n’avez une statistique des monuments du pays, je ne vois pas où vous conduira l’amendement de M. Rogier.

En effet, le paragraphe premier de l’article en discussion tranche la question ; il porte que les conseils communaux pourront, sous l’approbation de la députation provinciale, ordonner la démolition des édifices communaux. Or, un monument de l’antiquité sera incontestablement, pour celui qui voudra le détruire, un édifice communal. S’il n’y a pas une distinction, en vertu d’une statistique, entre un édifice communal et un monument de l’antiquité on ne manquera pas de démolir des monuments de l’antiquité en les faisant passer pour des édifices communaux ; car il y a des antiquailles qui ne valent rien et ne sont bonnes qu’à êtres détruites, tandis qu’il y a des monuments qu’il est de l’intérêt et de la gloire du pays de conserver.

On devrait se fixer d’une manière plus positive sur la portée de l’amendement de M. Rogier. Si son amendement a pour objet de conserver les monuments de l’antiquité, tels qu’on pourra les apprécier et les définir, je partage son avis. Mais jusque-là, je pense que cet amendement ne remplit pas les vues de son auteur.

M. Dumortier, rapporteur. - Je suis aussi un de ceux qui désirent que l’on prenne des mesures pour empêcher la dévastation du peu de monuments de l’antiquité qui restent à la Belgique. Je dis : « du peu de monuments ; » car si ce n’est dans les Flandres, partout dans le pays, et particulièrement dans les provinces wallonnes, la plupart des monuments ont été détruits. Dans la province que j’habite, depuis 30 ou 40 ans, presque tous les monuments ont été détruits ; cela est souverainement déplorable. Tour à tour, on a dénaturé ou détruit les divers monuments de la ville la plus ancienne de Belgique ; chacun a détruit, les uns pour supprimer les monuments d’antiquité, les autres en croyant améliorer.

Il y a 60 ans, la fabrique de la cathédrale de Tournay, en badigeonnant totalement cet édifice, a commencé à le dénaturer ; c’est cependant sans contredit le plus beau monument en style lombard, et le plus ancien monument qu’il y ait dans le pays ; la fabrique a ensuite changé le style du monument, en faisant murer la rangée de colonnes supérieures qui en était un des plus beaux ornements. Je demande que le gouvernement, qui a des fonds pour la conservation des monuments de l’antiquité, fasse démasquer cette seconde rangée de colonnes ; ce sera une très bonne dépense dans l’intérêt des arts.

Maintenant est venue l’administration communale qui a détruit l’hôtel de ville, la tour où était le dépôt des archives et un puits attribué à Michel-Ange, qui était un chef-d’œuvre de sculpture et d’architecture. On a détruit d’autres monuments, un notamment qui était de l’époque romaine, une arche qui embrassait l’Escaut.

Ce monument a été détruit en haine de l’antiquité. Le vandalisme a été poussé jusqu’à ce point qu’on a consenti la destruction de pierres tumulaires romaines trouvées sur la place même de Tournay. Je le dis, messieurs, il semble qu’on ait pris à cœur de détruire les monuments de l’antiquité.

J’appuie donc de toutes mes forces l’amendement de M. Rogier. Les monuments de l’antiquité ne sont pas la propriété des communes ; ils sont la propriété de la nation ; elle doit faire tous ses efforts pour les conserver.

Peut-être n’est-il pas facile de définir ce qui constitue un monument, ce qui fait que tel édifice n’est pas un monument. Mais c’est là une question de sentiment. Chacun sent si un édifice, par sa structure, par les souvenirs qui s’y rattachent, est réellement un monument.

Allez en Italie, en Angleterre, vous verrez avec quel respect on conserve les monuments les plus insignifiants de l’époque romaine. Chez nous, au contraire, sans la réaction survenue depuis quelques temps, ils seraient tous détruits.

Il est certain qu’il y a peu d’administrations locales assez éclairées pour empêcher que l’on ne change le style et le caractère des monuments de l’antiquité. J’appuie donc ce motif de l’amendement de M. Rogier. Mais je dis que l’amendement ne doit pas empêcher les réparations ordinaires d’entretien qui ne peuvent changer le style et le caractère des monuments.

Vous avez déjà admis dans la loi une garantie contre la tendance que l’on pourrait avoir dans les conseils communaux à permettre la démolition des monuments de l’antiquité en rendant la publicité des séances obligatoire lorsque la discussion portera sur cet objet.

L’amendement de M. Rogier offre une garantie de plus, je voterai pour son adoption. Toutefois, je le répète, l’autorisation du gouvernement ne me paraît pas nécessaire, quand il s’agit de réparations de toiture, de réparations d’entretien qui ne touchent pas au style ou au caractère du monument.

M. Dubus. - D’après l’auteur de l’amendement, il semblerait que les administrations communales provinciales ne sont composées que de vandales, et que l’amour véritable des arts ne se trouve que dans le gouvernement central.

Quant à moi, je ne puis partager cette opinion. Les administrations locales ont souvent fait réparer des monuments de l’antiquité avec un soin que n’y aurait pas mis le gouvernement central ; ceux qui ont vu les réparations que la régence de Louvain a fait faire à son hôtel de ville croiront-ils que les administrations locales n’ont pas soin de leurs monuments ? S’il avait fallu obtenir pour ces réparations une autorisation spéciale, si le travail eût été soumis au gouvernement, croyez-vous, qu’il eût été mieux fait ?

Plusieurs membres. - Cela est impossible.

M. Dubus. - C’est ce qu’il me semble.

Remarquez-le bien, les administrations locales font ces dépenses sans y être tenues. Si la régence de Louvain avait laissé son superbe hôtel de ville dans l’état de dégradation où il était, y avait-il une autorité qui pût la contraindre aux dépenses énormes qu’elle a faites pour rétablir ce monument dans son état primitif’ ? Quel besoin y a-t-il d’entourer d’entraves les régences des villes, alors qu’elles veulent faire ces réparations ? S’il en est ainsi, elles laisseront les monuments dans l’état de dégradation où nous en voyons quelques-uns.

Il y a un semblable monument à Bruxelles. Nous ne voyons pas que la régence de cette ville, dont les finances sont, il est vrai, en mauvais état, soit disposée à faire les dépenses qu’a faites la régence de Louvain.

Si vous voulez que le gouvernement intervienne, il faudra qu’il paie. Ce deviendra un objet de dépenses pour le budget général. Les régences, au lieu de demander l’assentiment du gouvernement central, s’abstiendront et lui laisseront les dépenses à faire.

Je crois que l’auteur de l’amendement n’a pas assez réfléchi à ces considérations. Je pense qu’il suffit de l’intervention des députations provinciales, lesquelles, quoi qu’on en ait dit, sont suffisamment éclairées pour ne pas dénaturer le caractère des monuments.

Je ne pense pas que tout l’amour des arts soit concentré dans le gouvernement centrai. Très heureusement pour la Belgique, cet amour existe dans tout le pays.

M. le président. - M. Dumortier propose à l’amendement de M. Rogier un sous-amendement tendant à le rédiger ainsi :

« La démolition des monuments de l’antiquité, et les réparations à y faire, lorsqu’elles sont de nature à changer le style et le caractère des monuments. »

M. Rogier se rallie à ce sous-amendement.

Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. F. de Mérode. - Je voulais répondre deux mots seulement à l’honorable M. Dubus. Il a raison, lorsqu’il dit qu’il y a des administrations communales qui veillent avec le plus grand soin à la conservation de leurs monuments ; il y a notamment dans ce cas la régence de la ville de Louvain. Mais il suffit, sans une longue suite d’années, d’une seule administration provinciale pour détruire ou gâter des monuments par des réparations faites mal à propos. Je pense donc que l’amendement de MM. Rogier et Dumortier doit être admis par la chambre.

M. Quirini. - Je ne m’oppose pas à l’adoption de l’amendement de M. Rogier ; mais j’ai une observation à faire. On a parlé de la ville de Louvain. Il existe à Louvain deux monuments : l’un, l’hôtel de ville, appartient à la ville ; elle a voulu le faire restaurer, et elle a d’abord établi une école d’ouvriers pour faire faire ce travail. Mais à côté de ce monument, il en est un que le gouvernement devait entretenir, c’est le bâtiment des halles, celui qui sert à l’université. Il y a faire faire une réparation, et voici laquelle : à un bâtiment très gothique, il a fait mettre des croisées très modernes. (On rit.)

Je pense que le gouvernement doit s’interdire de pareilles réparations.

Plusieurs membres. - De quelle époque date cette réparation ?

M. Quirini. - De l’année 1828 !

M. Legrelle. - Je pense que l’amendement de M. Rogier, tel qu’il est maintenant modifié par M. Dumortier, peut être adopté par la chambre.

- L’amendement de M. Rogier, consistant à reporter au précédent article les mots « la démolition des monuments de l’antiquité et les réparations à y faire lorsqu’elles sont de nature à changer le style et le caractère des monuments, » est mis aux voix et adopté.

L’article 3, moins les mots transportés au précédent article, par suite de l’amendement de MM. Rogier et Dumortier, est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4 (projet du gouvernement). Le conseil fait les règlements municipaux d’administration intérieure et ordonnances de police.

« Ces règlements et ordonnances ne peuvent être contraires aux lois ni aux règlements d’administration générale ou provinciale.

« Le conseil en transmet, dans les quarante-huit heures, des expéditions à la députation permanente.

« Les conseils communaux peuvent statuer des peines contre les infractions à leurs ordonnances, à moins qu’une loi n’en ait fixé. Ces peines ne pourront excéder une amende de 50 fr. ou un emprisonnement de trois jours, soit séparément, soit ou cumulativement.

« Expéditions des ordonnances de police seront immédiatement transmises au greffe du tribunal de première instance, et à celui de la justice de paix, où elles seront inscrites sur un registre à ce destiné.

« Mention de ces ordonnances sera insérée au mémorial administratif de la province. »

« Art. 4 (projet de la section centrale). Le conseil fait les règlements municipaux d’administration intérieure et ordonnances de police.

« Ces règlements et ordonnances ne peuvent être contraires aux lois ni aux règlements d’administration générale ou provinciale.

« Le conseil en transmet, dans les quarante-huit heures, des expéditions à la députation permanente.

« Les conseils communaux peuvent statuer des peines contre les infractions à leurs ordonnances, à moins qu’une loi n’en ait fixé. Ces peines ne pourront excéder celles de simple police.

« Expéditions des ordonnances de police seront immédiatement transmises au greffe du tribunal de première instance, et à celui de la justice de paix, où elles seront inscrites sur un registre à ce destiné.

« Mention de ces ordonnances sera insérée au mémorial administratif de la province. »

M. le président. - M. le ministre de l’intérieur se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne vois pas de difficultés à m’y rallier, s’il est bien entendu que les règlements existants continueront d’être en vigueur et que l’article ne dispose que pour l’avenir.

M. Dumortier, rapporteur. - Cela est tout simple. Toutefois il est certain que le conseil qui fait les règlements peut les supprimer. On peut le dire, mais cela me paraît inutile, car c’est de droit.

Mais je pense avec M. le ministre de l’intérieur que les règlements existants continueront d’être en vigueur jusqu’à ce que le conseil en ait décidé autrement. Cette question n’a pas soulevé de difficultés dans le sein de la section centrale.

M. Dubus. - Je crois que pour laisser subsister les règlements en vigueur, il faudrait le dire.

L’effet immédiat de la disposition en discussion serait de réduire de plein droit les peines comminées par les règlements en vigueur aux peines de simple police. Il n’y a d’exception que les infractions pour lesquelles la loi a comminé une peine.

L’on a eu en vue les contraventions par la fraude en matière d’octroi. Car il y a une loi de 1819 qui a déterminé les peines à ce sujet. Ce n’est que pour cette espèce de contraventions que la section centrale a pensé que les peines pouvaient excéder celles de simple police. Comme il y avait une loi à cet égard, la disposition de la section centrale atteignait ce but en exceptant de la rédaction générale les peines portées par des lois.

Dans tous les autres cas, il nous a semble que c’étaient des peines de simple police que l’on devait comminer pour contraventions aux règlements municipaux. Sans cela, qu’arrive-t- il ? C’est que même dans les cas où l’on ne prononce que des peines de simple police, il faut s’adresser au tribunal correctionnel.

Dans l’état actuel de la législation, les tribunaux correctionnels sont accablés de délits qui ne sont que des contraventions de simple police, parce que l’échelle de pénalités admise par la loi du 6 mars 1818 n’a pas été mise en harmonie avec la compétence des tribunaux respectifs.

Si l’on trouvait que les contraventions de simple police ne sont pas suffisamment punies par les peines de police, telles qu’elles sont comminées par les lois, quand on révisera le code pénal, on pourra étendre la compétence des juges de paix.

Mais, en attendant il me semble nécessaire d’adopter la disposition de la section centrale, afin que notre loi communale soit en harmonie avec les règles de compétence en matière de simple police.

La section centrale a senti la nécessité de délivrer les tribunaux correctionnels de la quantité d’affaires qui les encombrent en matière de contraventions aux règlements municipaux. En effet, il suffit que ces règlements prononcent une amende excédant 16 francs, pour que la contravention cesse d’être de la compétence des tribunaux de simple police.

En adoptant la disposition de la section centrale, les tribunaux correctionnels seront débarrassés des contraventions aux règlements des villes qui les encombrent et qui doivent être abandonnées aux tribunaux de simple police.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il me semble qu’il y aurait un grave inconvénient à appliquer cette disposition aux règlements déjà faits. Si d’une part l’article en discussion réduit les pénalités pécuniaires, d’un autre côté il augmente les peines d’emprisonnement.

Les administrations communales trouveront une garantie pour leurs règlements dans la faculté de statuer une peine d’emprisonnement plus considérable. Si vous vous bornez à réduire ces dispositions pénales pécuniaires, il n’en résultera pas que ces règlements renfermeront des dispositions d’emprisonnement telle qu’elles sont établies par le projet actuel.

Ce ne pourrait être qu’autant que les régences remplaceraient les dispositions pénales pécuniaires par des dispositions d’emprisonnement.

Vous ne pouvez supprimer une partie des pénalités avant que les régences n’aient rétabli l’équilibre. Si nous voulons du reste adopter ce système, il faut établir un délai assez notable pour que les régences puissent changer leurs règlements et les mettre en harmonie avec la loi nouvelle.

M. Dumortier, rapporteur. - Je prends la parole parce que je n’avais pas saisi la portée de la question que m’adressait M. le ministre de l'intérieur. J’avais compris qu’il me demandait si les règlements actuellement existants resteront en vigueur. Je n’avais pas entendu qu’il s’agissait des amendes.

Dans le sein de la section centrale, nous avons eu principalement en vue de débarrasser les tribunaux de première instance de toutes ces petites causes de simple police dont ils sont surchargés. Nous avons voulu que cela rentrât dans le domaine des justices de paix. Nous avons pensé que la disposition que nous avons proposée atteignit ce but. Maintenant ce sera aux régences à réviser leurs règlements.

Il ne serait pas mauvais que l’on ordonnât dans la loi la révision de ces règlements. Si quelqu’un veut présenter une disposition dans ce sens, je l’accueillerai volontiers. Je n’ai pas l’honneur d’être avocat, et je ne toucherai pas à une pareille question.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Un question d’une aussi grande importance ne peut pas être tranchée immédiatement. Elle mérite tout au moins l’honneur d’une discussion. Comme l’on a proposé de changer la compétence des tribunaux, il est très possible que la compétence des juges de paix soit étendue plus tard. Dans l’intervalle vous aurez fait modifier tous les règlements municipaux. C’est véritablement une mesure précipitée. Je voudrais donc que l’on dît dans une disposition additionnelle qu’il n’est nullement dérogé aux règlements existants.

M. Jullien. - Je ne m’aperçois pas en vérité comment il y aurait, ainsi que le dit M. le ministre de l’intérieur, une lacune dans la disposition de la section centrale.

Que demande la section centrale ? Elle demande que maintenant les règlements de police des régences ne puissent excéder les peines de simple police. Qu’en résultera-t-il ? C’est que les peines comminées par les règlements municipaux seront réduites aux peines de simple police. Le maximum de l’amendement sera de 15 francs. Le maximum de l’emprisonnement sera de 3 jours. Au lieu de cela, les administrations communales se sont donné le plaisir de faire des règlements qui comminaient des amendes considérables. Il fallait, lorsque l’on était pris en contravention, aller devant les tribunaux correctionnels.

La disposition de la section centrale a pour objet d’abord de soustraire les contraventions aux règlements municipaux à la juridiction correctionnelle, ensuite de réduire dans leur proportion équitable les peines pour contraventions et simples délits.

Est-ce que la police des villes doit se montrer plus exigeante que la police de l’Etat ? Lorsqu’en simple police on ne condamne pour contravention aux lois générales, qu’à 15 fr. d’amende et à 3 ou 5 jours d’emprisonnement, je ne vois pas pourquoi l’on laisserait subsister des règlements municipaux qui comminent des peines plus grandes qui gênent l’administration de la justice, en apportant devant les tribunaux correctionnels une foule de causes qui n’ont pas de nom et qui très souvent sont vexatoires et ruineuses pour de petits citoyens.

Il n’y a aucune lacune dans l’article. Les règlements municipaux subsisteront quant à leurs dispositions principales. Seulement les peines seront réduites. Elles seront plus douces.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Seront-elles plus douces en effet ?

M. Jullien. - Il me semble qu’il y a une grande différence entre payer 15 francs ou 50 francs d’amende.

Je voterai donc pour les dispositions de la section centrale, sauf si M. le ministre jugeait les peines encore trop sévères, à adopter l’amendement qu’il présenterait dans ce sens. Je me prononcerai toujours pour la réduction des peines en fait de police et surtout de simple police.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il est de principe que lorsqu’une loi pénale prononce une peine nouvelle, c’est la peine prononcés par la loi nouvelle qui doit être appliquée à un fait qui s’est passé sous l’empire même de la loi antérieure, lorsque cette peine est plus douce que celle prononcée par la loi précédente.

Ainsi je suis d’accord avec les honorables préopinants qui pensent que, par la disposition de l’article 4, vous faites cesser toutes les peines prononcées par les règlements portés en vertu de la loi du 6 mars 1818, et que vous devez appliquer les peines de police comminées par l’article 4, si toutefois ces peines de police sont plus douces que celles prononcées par les règlements municipaux.

Mais il est à remarquer que si, d’un côté, par la loi du 6 mars 1818, les régences ont été autorisées à porter des amendes plus fortes que celles du code pénal, d’un autre côté les emprisonnements ne pouvaient excéder 3 jours. D’après le code pénal, les amendes ne pouvaient excéder 15 francs, mais la peine d’emprisonnement peut être portée jusqu’à 5 jours.

Si donc, par la disposition de la section centrale, vous diminuez l’amende, vous augmentez d’un autre côté le terme de l’emprisonnement. Reste à savoir quelle est la peine la plus douce : si c’est celle qui prononce 50 francs d’amende et 3 jours d’emprisonnement, ou bien celle qui prononce une amende de 15 francs et un emprisonnement de 5 jours.

Evidemment, messieurs, les tribunaux se trouveront, par l’adoption de cet article 4, dans une position singulière, Pour moi, je vous avoue que je serais fort embarrassé de décider si ce sont les règlements anciens qu’il faut appliquer ou bien si c’est la loi nouvelle.

Je crois donc qu’il faudrait faire une disposition formelle à cet égard pour faire cesser ce doute, et qu’une disposition devrait se trouver dans la loi que nous discutons en ce moment.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La loi du 6 mars 1818 a autorisé trois degrés de peines à établir pour les communes ; deux degrés pour certaines villes, et le dernier degré pour les communes rurales et les petites villes.

L’art. 4 porte : (Ici M. le ministre donne lecture de l’art. 4 de la loi de 1818.)

Je le demande, entre-t-il dans la pensée de la chambre de substituer de plano 5 jours d’emprisonnement et 15 fr. d’amende à 12 florins et un jour d’emprisonnement, sans cumulation, ou veut-on que toutes les communes rurales substituent 5 jours d’emprisonnement et 15 francs d’amende au lieu de 12 florins et un jour d’emprisonnement ? Voilà la question qu’il faut résoudre.

Si vous supprimez tous les règlements existants, force sera aux régences de faire de nouveaux règlements, et elles appliqueront le maximum des peines de simple police séparément ou cumulativement. Elles donneront la plus grande latitude aux peines pour assurer l’exécution de leurs règlements. C’est un système qui a une assez grande portée. Il mérite, je le répète, une plus ample discussion.

Il me semble donc inutile de rien statuer en ce qui concerne le passé. Il vaudrait mieux maintenir provisoirement les peines comminées par les règlements anciens. De cette manière, on éviterait les inconvénients que j’ai signalés et plus on aurait occasion de traiter cette matière à fond et de la régler convenablement et définitivement.

M. Dubus. - Il me semblait que, d’après la rédaction de la section centrale, les inconvénients que l’on signale n’existaient réellement pas. L’application de la disposition proposée me paraît simple et facile. Remarquez que la section centrale propose de dire quel sera le maximum de la peine, et non pas que les règlements existants atteindront de plein droit ce maximum. Il en résultera que là où les règlements existants excéderont les peines de simple police, de plein droit ces peines seront réduites au maximum des peines de simple police. Ainsi lorsqu’un règlement ancien aura comminé une peine de 10 fl. d’amende, elle se trouvera réduite à 15 fr. (Erratum inséré au Moniteur belge n°52, du 21 février 1836 :) Mais si le même règlement a comminé 3 jours d’emprisonnement, il ne s’ensuit pas que ces trois jours devront être portés à 5.

Il n’y a rien dans la disposition qui emporte cela. Car elle établit un maximum que les règlements ne pourront dépasser, mais leur laisse toute leur application, en tant qu’ils se renferment dans le maximum, et à plus forte raison quand ils ne l’atteignent pas. Si l’on a stipulé pour une contravention spéciale une peine d’emprisonnement, elle demeurera la même pourvu qu’elle n’excède pas le maximum de la peine de simple police.

Cela présente-t-il aucune difficulté pour l’avenir ? On paraît craindre que la réduction de l’amende ne rende inefficace dans certains cas les pénalités portées par les règlements municipaux, et ne nécessite l’élévation de la peine d’emprisonnement. Je crois que si ce cas existe, il doit être excessivement rare.

Je crois qu’une contravention de police est très fortement punie lorsqu’elle est punie d’une amende de 15 fr, et de 3 jours d’emprisonnement.

Eh bien, de la comparaison de la loi de 1818, sous l’empire de laquelle les règlements ont été faits, avec l’article en discussion, il résulte que l’amende serait de 15 fr. et l’emprisonnement de 3 jours. Or il est très rare qu’un jugement de simple police présente une peine aussi forte. Dans les tribunaux correctionnels on ne prononce guère de peine de police qui soit supérieure à celle-là.

Comme je l’avais déjà dit, il y a un seul cas où il est désirable de pouvoir frapper la contravention d’une peine plus forte. C’est le cas de fraude en matière d’octroi, il faut que l’amende soit en rapport avec les chances de gain du fraudeur. Il y a une loi spéciale pour ces sortes de contraventions. Cette loi spéciale commine une amende plus élevée. Cette loi demeurera en vigueur. Ce seront les tribunaux correctionnels qui resteront saisis de ces contraventions et qui appliqueront les peines portées par la loi de 1819. Hors de ce cas, il est impossible de désirer plus que ce qui résultera de l’amendement de la section centrale.

En adoptant cette disposition, vous aurez l’avantage de débarrasser immédiatement les tribunaux de délits qui ne sont que des contraventions de la compétence seule des juges de paix. En admettant au contraire l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, vous n’atteignez pas ce but.

Il faudrait que dans un temps plus éloigné les règlements fussent révisés par les administrations municipales, afin que des améliorations fussent apportées dans le système des pénalités.

Il est une autre considération à faire valoir, c’est que le résultat immédiat de la disposition de la section centrale sera de diminuer les frais de justice qui sont plus considérables devant les tribunaux correctionnels que devant les tribunaux de simple police. La nécessité de déplacement des témoins sera également diminuée ; car ici il y a une centralisation judiciaire.

Tandis que par le système de la section centrale les contraventions, au lieu d’être jugées dans les chefs-lieux de district, seront jugées dans les cantons.

Tout milite donc en faveur de l’amendement de la section centrale.

M. Fallon. - Je crois que nous ne sommes pas d’accord sur l’application que les tribunaux pourront faire de la disposition en discussion. A entendre quelques honorables membres, il semblerait que l’adoption de la disposition dût amener la réduction des peines comminées par les règlements municipaux existants. C’est ce que je ne pense pas du tout.

Les communes lorsqu’elles ont fait ces règlements, étaient investies d’un, portion du pouvoir législatif. Les règlements devront être exécutés et respectés aussi longtemps qu’ils n’auront pas été abrogés. Sans doute à l’avenir les régences devront se conformer à l’article 4, s’il est adopté. Mais cela n’implique rien pour le passé.

Nous avons chez nous des règlements de nos anciens magistrats qui prononcent des peines qui excèdent celles prescrites par le code civil en matière de simple police ; tous les jours ces règlements sont appliqués par les tribunaux, et l’on prononce les peines sans égard à ce que le code civil prescrit.

A moins qu’on ne le dise formellement, les anciens règlements resteront en vigueur, car ici vous réglez l’avenir et nullement le passé.

M. Bosquet. - Je conviens avec l’honorable préopinant que c’est une question de savoir si la disposition en discussion doit abroger les règlements antérieurs. Mais je pense que si cette question était soulevée devant les tribunaux, on appliquerait le principe que dans le doute la peine la moins forte doit être portée.

Il serait convenable de lever dès ce moment ce doute en adoptant la proposition du ministre de l’intérieur.

J’applaudis aux intentions des honorables MM. Dubus et Dumortier, qui tendent à débarrasser les tribunaux correctionnels d’une foule de contraventions qui devraient être portées devant les tribunaux de simple police. Mais je pense que les tribunaux ne pourraient être débarrassés de ce fardeau que le jour où la compétence des juges de simple police aura été révisée, augmentée et mise en rapport avec la loi du 6 mars 1818.

Jusqu’alors il est très utile que les règlements actuels des régences des grandes villes portés d’après cette loi conservent leur force, Il n’est pas exact de dire que les contraventions de simple police soient suffisamment punies par une amende de 15 fr.

L’honorable M. Dubus a fait ce raisonnement : Si tel règlement commine une amende et un emprisonnement, l’amende se trouvera réduite à 15 fr. et l’emprisonnement à 3 jours. Mais il est beaucoup de ces règlements qui ne comminent aucun emprisonnement et qui infligent une amende très forte, de 50 fr. par exemple, Il est mainte infraction aux règlements municipaux qui mérite d’être punie d’une amende plus élevée que la somme de 15 fr.

J’adopterai donc la proposition de M. le ministre de l’intérieur, qui tend à statuer que les règlements émanés des régences des villes seront conservés jusqu’à la révision de la compétence des tribunaux de simple police.

(Moniteur belge n°53, du 22 février 1836) M. le président. - Voici l’amendement présenté par M. le ministre de l'intérieur :

« Les amendes plus fortes que celles autorisées par la présente loi, qui sont portées par les règlements et ordonnances actuellement en vigueur, seront réduites de plein droit à l’expiration des deux années qui suivront sa promulgation. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai choisi le terme de deux années afin que les conseils communaux aient le temps nécessaire pour réviser les règlements municipaux. Il s’agira de substituer un emprisonnement plus fort à une amende plus faible. Je n’ai parlé que des amendes dans mon amendement, parce que l’emprisonnement, d’après le code pénal, peut être plus long que celui comminé par les règlements municipaux qui n’excédait jamais trois jours.

M. Liedts. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur s’il a bien vu l’article 5 de la loi de 1818. Cet article suppose un cas où l’emprisonnement pouvait excéder 5 jours. J’y lis en effet :

« Lorsque le maximum déterminé de l’amende et de l’emprisonnement paraîtrait dans quelques circonstances, à une régence communale, insuffisant pour donner aux mesures qu’elle adoptera la force nécessaire, elle présentera aux états de la province un projet d’ordonnance qui contiendra les peines qu’elle croies devoir être statuées.

« Les états de la province nous soumettront ce projet avec leurs considérations et avis, afin de connaître notre intention à cet égard, après quoi nous statuerons telles peines qu’il appartiendra dans les limites de l’art. 1. »

Ainsi il est possible qu’il y ait des règlements municipaux qui punissent une contravention d’un emprisonnement de plus de 5 jours.

Il serait donc essentiel de prévoir aussi ce cas. Je ne sais s’il se trouve des règlements où cet article ait reçu son application ; mais, dans le doute, je pense que M. le ministre devrait rédiger son amendement de manière à maintenir aussi ce qui peut avoir été en vertu de l’article que je viens de citer.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne pense pas qu’il ait été fait usage de la faculté donnée au gouvernement par l’article 15 de la loi que vient de citer l’honorable préopinant, et quand cela aurait eu lieu, ce ne pourrait être que dans des cas extrêmement rares. Ce qu’on a eu en vue, c’est d’éviter les recours fréquents aux tribunaux de police correctionnelle. Il serait imprudent d’abolir de plein droit les règlements existants avant que le conseil communal ait eu le temps de les revoir et d’en préparer de nouveaux. Quant au cas dont on a parlé, je ne crois pas qu’il en existe. Je n’en ai aucune connaissance, et quand il en existerait, il ne pourrait pas en résulter d’inconvénients, tant le cas serait rare.

M. Dubus. - Le cas dont vient de parler l’honorable M. Liedts a fait l’objet de la délibération de la section centrale. Mais il lui a semblé que dans ce cas le règlement conserverait ses effets ; qu’il ne tombait pas sous la disposition dont nous nous occupons, parce qu’il s’agit d’une peine portée par un arrêté royal porté dans les termes de l’article 1er de la loi de 1818.

A l’article 5 il est dit : « les régences des grandes villes où les règlements existants ne suffiraient pas pour assurer telle ou telle mesure, prépareront un projet, seulement un projet ; après quoi nous statuerons telle peine qu’il appartiendra dans les limites de l’art. 1er de la loi de 1818. » Ce n’est donc pas un règlement de la régence qui établit des peines dans les limites des attributions du conseil de régence, mais un arrêté royal.

Quant à la disposition présentée par le ministre, je ne ferai plus qu’une seule observation. Je dirai que si on se donnait la peine d’examiner en détail les règlements et les peines qu’ils établissent pour les diverses contraventions, on reconnaîtrait qu’une peine qui peut aller jusqu’à 15 fr. d’amende et 5 jours d’emprisonnement est bien suffisante. Comme je l’ai déjà dit, je fais exception aux cas de fraude en matière d’octroi, qui sont prévus par une loi spéciale, à laquelle nous ne dérogeons pas quant à présent.

M. le ministre veut fixer un terme après lequel ces règlements viendraient à cesser leur effet, quant aux peines qui excéderaient celtes de simple police. Si cet amendement devait être admis, il y aurait lieu de prévoir le cas où, avant l’expiration du terme fixé, les régences des villes désireraient modifier leurs règlements. Je regretterais que cet amendement fût admis, parce qu’il renvoie à une époque plus éloignée de deux ans le moment où les tribunaux correctionnels seront soulagés dans leur travail sans préjudice pour la chose publique, parce qu’il est évident que ces prétendus délits ne sont que des contraventions qui ne devraient pas appartenir à la juridiction des tribunaux correctionnels.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le maximum de la loi est deux ans, mais si les régences peuvent s’occuper auparavant de la révision de leurs règlements et les mettre en harmonie avec la loi actuelle, et je suis persuadé que plusieurs le feront, rien ne les en empêchera. Il est impossible de fixer un terme plus rapproché quand on pense que dans certaines villes il y a des règlements considérables qu’il faudra examiner avec soin pour établir un système convenable de pénalités. (Aux voix ! aux voix !)

- L’amendement de M. le ministre de l’intérieur est mis aux voix et adopté.

L’art. 4 de la section centrale est également adopté.

Article 5

« Art. 5. Les budgets et les comptes des administrations des hospices, des bureaux de bienfaisance et des monts-de-piété de la commune, sont soumis à l’approbation du conseil communal.

« En cas de réclamation, il est statué sur ces objets par la députation provinciale. »

M. le président. - M. Dubois propose à cet article le paragraphe additionnel suivant :

« Néanmoins, pour les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement, les budgets et les comptes des bureaux de bienfaisance devront, dans tous les cas, être soumis à l’approbation des états provinciaux. »

M. Dubois. - Messieurs, dans une précédente séance, j’ai déjà eu l’honneur de faire pressentir à l’assemblée les graves dangers qu’offre la disposition actuelle, surtout si elle est appliquée aux communes rurales.

Par elle, la section centrale propose de ne plus soumettre au contrôle des états députés les budgets, et les comptes des bureaux de bienfaisance des communes. Elle croit que le contrôle du conseil communal du lieu est suffisant pour maintenir dans des limites légales et raisonnables ces administrations secondaires, pour réglementer et faire concorder entre elles leurs recettes et leurs dépenses, pour surveiller leur comptabilité et pour les faire marcher dans la voie d’une juste et sage économie.

Je n’entends pas parler, messieurs, de nos villes de premier ordre. Je conçois que là on trouve un assez grand nombre de citoyens éclairés et charitables, offrant toutes les garanties que l’on peut désirer d’un sage administrateur, pour qu’il devienne inutile de soumettre à un contrôle supérieur leurs actes qui auraient été examinés et approuvés par leurs magistrats ; mais je doute qu’il soit bien prudent d’affranchir de ce contrôle nos petites villes, et ce qui serait bien pis encore, nos communautés rurales.

Dans nos petites villes, on trouve déjà difficilement des personnes qui consentent à remplir la charge gratuite et pénible d’administrateur d’un hospice ou bureau de bienfaisance ; et il faut bien le dire, car les institutions humaines sont faites ainsi, il arrive que des vues intéressées et personnelles dirigent la détermination de celui qui consent à s’en occuper. Souvent encore les hommes les plus capables de ces administrations sont membres du conseil communal, les seuls qui puissent donner aux délibérations de la commune des indications et des renseignements utiles, et par votre article 70 vous les excluez avec raison des séances où leurs opérations et leurs comptes doivent être régularisés. Ainsi, vous enlevez à la commune les lumières des hommes qui, dans les circonstances, pourraient lui être de la plus grande utilité.

Au surplus, messieurs, les états députés ne se contentent pas d’examiner les détails d’un compte ou d’un budget. Ils peuvent, à cette occasion, suivre la marche de ces administrations, leur donner, s’il est nécessaire, une impulsion plus convenable, leur présenter des remarques et des observations qu’ils sont plus à même de faire que tout autre, par l’habitude constante qu’ils ont de surveiller et de diriger les établissements analogues qui existent dans les autres communes soumises à leur contrôle.

Je soumets, messieurs, ce peu d’observations à votre appréciation et à votre sagacité. Si je ne craignais d’être trop long, j’aurais pu les étendre ; mais je crois qu’elles suffiront pour vous faire comprendre l’importance du sujet en question, pour que vous jugiez s’il faut soustraire à tout examen et à tout contrôle supérieur les nombreuses institutions de charité et de bienfaisance qui sont établies dans nos communes.

Les mêmes observations sont applicables, et à plus forte raison, aux établissements d’hospices et aux institutions de bienfaisance des communes rurales. Ici, je ne crains pas de répéter ce que j’ai déjà dit dans cette chambre à propos de l’amendement que vous proposa l’honorable M. Andries et qui a été malheureusement écarté : on ne peut laisser aux magistrats des campagnes le contrôle exclusif des comptes et des budgets de leurs institutions de bienfaisance, sans risquer de ramener le désordre dans les finances d’un grand nombre de nos communes, de donner accès à des abus que la faiblesse des administrateurs communaux ne saurait réprimer, de faciliter de nouveau des marchés et des transactions coupables, d’encourager ou du moins de s’exposer à voir se renouveler des spoliations honteuses et criminelles qui entraîneraient la ruine de ces établissements, et qui par là surchargeraient nos communes par les contributions extraordinaires qu’elles seraient forcées de s’imposer, ou bien qui priveraient le pauvre du secours qu’il attend et de l’espoir qu’il nourrit d’être soutenu dans ses vieux jours par les faibles libéralités d’une institution que la charité a établie en sa faveur.

Ne nous le dissimulons pas, messieurs, la plupart de nos petites communes sont déjà surchargées d’impositions locales. Presque tous les rôles d’abonnements ont atteint leur maximum, et chaque jour des besoins nouveaux se font sentir. Eh bien, l’impôt qui pèse le plus sur elles, c’est la taxe des pauvres. Un jour viendra peut-être où chez nous comme ailleurs le gouvernement et la législature se verront forcés de tourner leurs méditations les plus sérieuses vers cet objet ; car, dans l’état actuel de notre législation, tout ce qui concerne le droit des pauvres à l’assistance publique est encore vague, indéterminé et incomplet.

Ici, messieurs, les réflexions se présentent en foule mais je dois les abandonner pour reprendre mon sujet.

Il faut en avoir eu l’expérience, il faut être en position ou se trouver fréquemment en contact avec les administrations des petites communes, pour connaître et pour apprécier les difficultés nombreuses qui se présentent pour organiser et tenir en bon état l’administration de la bienfaisance publique. Il faut avoir entendu les plaintes et les récriminations des pauvres, il faut avoir assisté à ces conseils où se déterminent la nature et les quotités des objets qu’on distribue, pour s’assurer avec quelle scrupuleuse exactitude, avec quelle prudente économie, avec combien de discernement doivent se régler leurs comptes et leurs budgets.

Sans une surveillance sévère et active, il est impossible de ne pas rencontrer le désordre. Une fois on dépasse un article du budget, une autre fois on a recours à des transferts d’articles, puis on mandate sur des articles qui n’ont pas été approuvés par le conseil ou par les députations. Dans les pièces à l’appui des comptes, on découvre des mandats irréguliers ; on trouve des sommes entières soustraites sans qu’elles soient convenablement justifiées ; quelquefois on rencontre des capitaux de rentes remboursées, qui par l’insouciance des administrateurs restent improductives dans les caisses du receveur ; il n’est pas rare même devoir disparaître ces sommes sans que l’on sache si leur disparition doit être attribuée à la cupidité coupable d’un administrateur ou aux nécessités de l’administration.

Mais, dira-t-on, l’administration communale est là. Elle ne restera pas inactive, elle saura bien surveiller efficacement les personnes qui disposent des sommes et des biens appartenant aux pauvres. On ajoutera, peut-être, comme on l’a dit si souvent, que ces administrateurs sortis de l’élection populaire seront gens sages, éclairés et probes.

Eh, messieurs ! ce n’est pas moi qui mettrait en doute la probité des administrateurs de nos campagnes. Je les ai trop fréquentés, je me suis trouvé trop souvent en rapport avec eux pour leur refuser la justice qu’ils méritent. Mais ce que je conteste, c’est que ces administrateurs soient toujours assez éclairés, assez indépendants, assez au courant des lois et des affaires pour qu’on les laisse sans guide ; qu’ils soient assez prémunis contre cet esprit de coterie qui pénètre si facilement dans nos petites communes, qu’ils soient asses forts contre des personnes cupides et mal intentionnées qui se mêlent parfois dans l’administration, pour leur ôter toute espèce de surveillance et de contrôle supérieur.

Ces considérations, messieurs, vous les avez jugées vraies et bonnes pour une foule d’autres actes de l’administration communale. Vous les avez appliquées aux premières villes du royaume en soumettant leurs actes à l’examen des états provinciaux et du Roi, et vous abandonneriez cette règle quand il s’agit d’actes les plus intéressants de nos petites communes ? Car il y a des localités où l’administration charitable est peut-être ce qui occupe le plus les administrateurs, où elle est plus importante que le reste des règlements et ordonnances qu’ils ont à faire observer.

Et puis, ne vous a-t-on pas dit, messieurs, que dans la plus grande partie de nos petites communes le contrôle de l’administration locale serait inefficace, serait complètement nul et illusoire ? N’est-il pas évident, pour quiconque a fréquenté nos campagnes, que lorsqu’on a réussi à former un corps communal composé de sept personnes, que lorsqu’on y a adjoint deux autres, un secrétaire et un receveur, il devient très difficile de rencontrer parmi une population de 1,000 à 1,500 habitants, dont 30 ou 40 sont électeurs, quatre ou cinq autres individus convocables pour former une administration séparée et indépendante de la première ?

Oui, les choses sont telles, que malgré un article exprès du règlement du plat pays, on a vu constamment gérer les biens des pauvres par des administrations dont la grande majorité était prise dans le sein même du corps communal, parmi les bourgmestre et échevins et parmi les conseillers de la commune. Ces personnes se réunissaient comme administration de bienfaisance, avaient leur trésorier et leur secrétaire séparé, délibéraient et statuaient sur les intérêts des pauvres, faisaient leur compte et leur budget, et puis renvoyaient toutes leurs décisions, pour être approuvées en première instance, au corps communal, dont eux-mêmes faisaient généralement partie.

Je ne sache pas que les états députés de la province aient jamais refusé leur approbation à des actes ainsi contrôlés. Et ils n’auraient pu faire autrement, parce qu’il est de leur connaissance que dans des affaires aussi délicates on ne peut pas être trop rigoureux, on ne peut pas s’attacher imprudemment aux formes, et qu’il faut bien tolérer ce que la nécessité et les besoins commandent.

Enfin, messieurs, le système présenté, appliqué aux communes rurales, a déjà été jugé, et je puis affirmer que tous les inconvénients que je vous ai signalés se sont présentés dans ces communes, et ont produit sur leurs finances les plus tristes effets.

Sous le régime de l’empire français, les comptes et les budgets des bureaux de bienfaisance n’étaient pas soumis au contrôle du préfet. Il en est bientôt résulté que les comptes et les opérations de ces administrations furent négligés à tel point que dans la plupart de nos communes rurales il fut impossible d’en retrouver la trace, à l’époque où parurent les ordonnances particulières et du plat pays qui obligèrent ces administrations de mettre en oeuvre et à régulariser leurs dépenses, pour les soumettre à l’examen des états provinciaux. Qu’on aille dans la plupart de ces communes, et on verra combien il est difficile de retrouver un compte et un budget des pauvres qui date du régime français.

C’est de là également qu’est résulté en partie le surcroît des taxes que les communes ont été obligées de s’imposer, et ce n’est qu’avec la plus grande peine que l’administration supérieure a pu mettre un terme au mouvement sans cesse croissant de leurs dépenses et à régulariser une comptabilité qu’il est si difficile d’établir.

Messieurs, les considérations que je viens d’énoncer ne s’appliquent nullement aux grandes villes du royaume. J’ai eu la précaution de vous l’annoncer en commençant de parler. Elles peuvent être vraies néanmoins pour certaines petites villes, et je pourrais, si cela était convenable et nécessaire, appuyer par des faits ce que j’ai l’honneur de vous avancer.

Quoi qu’il en soit, je n’insisterai pas pour que la chambre ajoute pour celles-ci, au contrôle établi par l’article premier, le contrôle supérieur des états députés.

Par l’article qui est en discussion, les budgets et les comptes des administrations de bienfaisance des villes devront être à l’avenir arrêtés par le conseil communal. C’est là à mon avis une amélioration, et j’ai l’espoir que le temps nous apprendra que la garantie est suffisante.

Mais, d’un autre côté, il me reste la conviction qu’il faut poser à cette règle une exception pour les communes rurales. Le contrôle des magistrats communaux est inefficace pour elles. Il est bien permis à ceux-ci d’arrêter en première instance les budgets et les comptes, mais il est également important que les états députés de la province soient appelés à un examen ultérieur et définitif.

C’est uniquement, messieurs, en faveur de ces établissements que je demande cette surveillance. Je la demande encore dans l’intérêt bien entendu de la classe indigente, dont le sort est si intimement lié à celui des institutions charitables qui la soulagent et la nourrissent.

M. Dumortier, rapporteur. - Je viens combattre la proposition de M. Dubois. Déjà vous avez rejeté cette proposition dans une séance précédente, et je pense que peu de mots suffiront pour vous la faire rejeter encore.

Si la députation provinciale doit être chargée de l’examen des budgets et des comptes de toutes les administrations communales, de tous les établissements communaux, il est incontestable que ces budgets, ces comptes, ne seront pas examinés. Nous avons présenté l’article 5 qui a déjà été adopté une fois par la chambre et auquel le gouvernement s’est rallié, précisément pour faciliter l’examen de ces budgets et de ces comptes. Je vais citer un exemple qui mettra la question dans tout son jour.

Le Hainaut comprend 500 communes ; chacune de ces communes a son budget et ses comptes ; voilà donc mille comptes et budgets ; dans chacune de ces communes il y a une administration de bienfaisance qui a son compte et son budget, voilà encore mille comptes et budgets ; dans chacune de ces communes encore, il y a au moins une fabrique d’église, qui a aussi son budget et son compte ; encore mille comptes et budgets qui devront être examinés par les états députés. Après ces trois mille budgets et comptes viennent les comptes et budgets des administrations des hospices, de la garde civique, des monts-de-piété, les comptes et budgets de toutes les institutions qui appartiennent aux communes, de manière que dans chaque province il n’y aura guère moins de 4 à 5 mille budgets et comptes à examiner chaque année. Remarquez maintenant combien de fois par an s’assemble la députation des états. Environ cent fois. De sorte qu’à chacune de ses séances la députation des états aurait à approuver environ soixante budgets ou comptes. Est-ce possible ? Est-il possible qu’on examine des budgets et des comptes, lorsqu’à chaque séance on devrait en approuver 60, et cela indépendamment de tout le travail ordinaire ?

Jusqu’à présent, cela s’est fait comme cela ; aussi, qu’est-il arrivé ? Il a été démontré jusqu’à l’évidence que la députation n’examinait pas les comptes et les budgets qui lui étaient envoyés. Savez-vous comment se font ces examens ? On confronte le compte avec le budget, et on regarde si les dépenses ont excédé les sommes allouées. Quant aux pièces à l’appui, on ne les examine pas ; il serait impossible d’entrer dans l’examen des détails comme si on ne devait en examiner qu’un dans une séance. L’examen des comptes tel qu’il se fait actuellement, est un véritable abus ; c’est une simple formalité et rien de plus. Encore n’est-ce souvent qu’un simple employé d’administration qui est chargé de cet examen, examen que très souvent il ne fait pas.

La chambre a compris que c’était un véritable abus et qu’il fallait le faire cesser. Elle a compris que ces comptes ne seraient jamais mieux examinés que par les administrations des localités, que quand ce seraient les régences des villes qui examineraient les budgets et les comptes des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance. Quant aux budgets et comptes des fabriques, ils sont envoyés à l’évêque et opérés ensuite par l’administration provinciale. Il ne s’agit pas de les faire rentrer sous l’administration communale. Mais quant aux budgets et comptes des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance, ils seront mieux examinés par l’administration locale que par l’administration provinciale.

L’honorable membre vous a parlé, comme cela lui arrive souvent, de sa longue expérience des affaires administratives ; il vous a dit que quand on avait été dans l’administration et qu’on avait vu beaucoup d’affaires, on avait pu remarquer qu’il n’était pas rare de voir des soustractions de deniers communaux.

Si, dans sa carrière administrative, l’honorable membre a réellement remarqué des soustractions de deniers communaux, son devoir était de les déférer au procureur du Roi, de traduire devant la justice toute personne coupable de soustraction de ce genre. Mais quelques minutes après, l’honorable député de Furnes a donné une rétractation de cette accusation, lorsqu’il a assuré qu’il était impossible de révoquer en doute la probité de membres des administrations de bienfaisance,

Si donc il est impossible de révoquer en doute la probité des membres des administrations de bienfaisance, il est inutile de venir nous dire qu’ils se permettent des soustractions ; et s’ils se permettent des soustractions, je ne comprends pas que vous veniez nous parler de leur probité. Ces deux propositions se détruisent l’une l’autre.

S’il y a des malversations, elles seront mieux réprimées par l’administration locale que par le gouvernement, qui n’est pas en position d’examiner les choses d’aussi près. Ensuite, comme ce sont les administrations locales, les régences qui doivent fournir les subsides, lorsqu’elles examinent les comptes, elles ont intérêt à ce qu’ils soient bien rendus, et quand elles examinent les budgets, et les veillent davantage à ce qu’il n’y ait pas de folle dépenses. Cette garantie n’existerait pas si c’étaient les gouverneurs ou les commissaires de district qui examinassent les budgets et les comptes de ces administrations,

L’examen fait par le conseil de régence donne-t-il lieu à des réclamations ? Nous avons pour ce cas introduit une disposition qui établit une garantie suffisante :

« En cas de réclamation, porte le deuxième paragraphe, il est statué sur ces objets par la députation du conseil provincial. »

Si, après l’examen fait par le conseil de régence, il ne s’élève aucune réclamation, quel besoin d’envoyer à la députation du conseil provincial des pièces qu’il n’examine pas ? S’il y a contestation, vous avez dans la loi tout ce qu’il faut pour la résoudre.

La disposition de centralisation que propose M. Dubois est donc inutile.

Dans une province comme le Hainaut, je le répète, la députation du conseil provincial devrait examiner quatre à cinq mille comptes et budgets d’établissements divers ; c’est déjà assez d’en avoir vingt à examiner pour qu’ils le soient bien. Si vous voulez renvoyer à la députation, non seulement les comptes des régences et des fabriques, mais encore ceux des établissements de charité et de tous les établissements communaux, au lieu d’un bon examen, vous n’en aurez plus du tout ; au lieu d’empêcher les abus, vous les faciliterez, parce qu’à défaut d’examen, les abus finiront par s’infiltrer partout.

M. Dubois. - Je trouve dans le premier rapport de M. Dumortier toutes les raisons qu’il vient d’opposer à mon amendement. Mais je lui ferai remarquer que l’amendement que je présente aujourd’hui est considérablement restreint, car il ne comprend plus les budgets secondaires, et ne s’applique plus aux villes, mais seulement aux communes rurales,

Ainsi, la restriction que j’ai apportée à mon amendement doit réduire singulièrement les craintes exprimées par l’honorable préopinant.

Il a prétendu que les états députés n’auraient pas le temps d’examiner des comptes aussi nombreux que ceux qui devraient leur être soumis si mon amendement était adopté.

L’honorable membre voudra bien remarquer que les choses se sont passées ainsi jusqu’à présent. Il n’est pas de commune qui ne soit obligée d’envoyer les budgets des bureaux de bienfaisance à la députation des états.

Il objecte ensuite que l’examen fait par la députation ne sera que superficiel. Je conçois que les états députés ne feront pas chaque aunée un examen scrupuleux de ces comptes et de ces budgets, mais il suffit qu’ils soient appelés à contrôler les comptes, à voir si les communes n’ont pas augmenté leurs dépenses, pour que les communes se maintiennent dans les crédits alloués, et n’augmentent pas leurs dépenses de manière à devoir recourir à des moyens extraordinaires pour y faire face.

M. Dumortier, soit qu’il ait voulu travestir mes paroles, soit qu’il m’ait mal compris, a dit que j’avais invoqué ma longue expérience des affaires. Je ne l’ai pas fait et je n’aurais pas pu le faire, car je ne suis dans l’administration que depuis la révolution : mais j’ai dit ce que j’ai vu, que j’ai assisté à des conseils dans les bureaux de bienfaisance, et j’ai été témoin d’une foule de réclamations. J’ai dit que j’avais vu les difficultés immenses que rencontraient les administrateurs, pour ne pas sortir des articles spéciaux dans lesquels ils sont obligés de se maintenir, et que sans le contrôle auquel ils sont soumis, ils auraient passé outre.

Le préopinant a dit encore : Si vous avez vu des spoliations, il fallait les dénoncer au procureur du Roi. Je lui répondrai que j’avais fait remarquer que des spoliations avaient eu lieu avant que les budgets et les comptes des bureaux de bienfaisance fussent soumis au contrôle des états députés, mais que ce contrôle y avait mis fin.

Je n’aurais nullement parlé de spoliations qui auraient eu lieu pendant mon administration. Mais je sais qu’il y en a eu dans ma province, dans des villes que je pourrais citer, et c’est pour les rendre moins faciles que j’ai proposé mon amendement.

Enfin, l’honorable préopinant a dit que jusqu’à présent les régences des villes ont contrôlé les budgets et les comptes des bureaux de bienfaisance et de charité. Or, l’art 75 du règlement des villes porte que ce n’est que dans le cas où les villes donnent des subsides à ces établissements qu’elles contrôlent leurs budgets et leurs comptes. Et comme plusieurs villes ne donnent pas de subsides à ces établissements, elles n’ont pas eu à contrôler leurs comptes. J’ai déclaré au reste que je regardais comme une amélioration l’obligation où seraient les villes de contrôler les budgets et les comptes des bureaux de bienfaisance et des hospices.

Je crois avoir suffisamment répondu aux objections de l’honorable préopinant.

M. Desmet. - Je crois que l’amendement de l’honorable M. Dubois est fort utile. L’expérience m’a prouvé qu’il était nécessaire, surtout pour le plat pays, que les budgets et les comptes des bureaux de bienfaisance fussent soumis à l’approbation de la députation provinciale.

L’honorable M. Dumortier prétend qu’il y a impossibilité pour la députation provinciale de faire cet examen. Cependant il a lieu. Et voici comment les choses se passent : Le budget et le compte sont approuvés provisoirement par le conseil communal.

Ils sont remis au commissaire de district qui les envoie, en joignant son avis motivé, à la députation provinciale qui prononce. Il est si vrai que l’examen a lieu, que souvent j’ai vu des comptes renvoyés deux et trois fois à une commune.

Pour le plat pays surtout, le contrôle de la députation provinciale est indispensable. J’aurais voulu que l’amendement ne fît pas d’exception pour les chefs-lieux d’arrondissement, et qu’il comprît les hospices aussi bien que les bureaux de bienfaisance.

Plusieurs membres. - Proposez un sous-amendement.

M. de Jaegher. - J’avais demandé la parole pour appuyer l’amendement de M. Dubois. Mais déjà MM. Dubus et Desmet ont répondu aux objections présentées par un honorable membre. Et l’honorable M. Desmet a fait ressortir l’erreur dans laquelle il est tombé, lorsqu’il a dit que les comptes soumis à l’approbation de la députation n’étaient pas examinés. Le fait est qu’ils sont examinés de très près, mais c’est dans les bureaux des commissaires de district qui les envoient à la députation des états avec un mémoire explicatif.

C’est après avoir été examinés par la députation, qu’ils sont ensuite renvoyés aux communes.

Il y a des abus, mais ces abus ne se rencontrent que là où n’existe pas le contrôle qu’on propose d’établir pour les petites communes. Il y a certaines villes, la ville de Grammont notamment, qui a été victime du manque de contrôle. L’administration avait négligé de faire rendre compte à son receveur. L’année dernière, on a fait passer outre à l’apurement des comptes, et on a trouvé un déficit de 12 mille fr. qui n’a pas pu être comblé.

Voilà un résultat fâcheux qu’on n’aurait pas éprouvé si on avait été obligé de transmettre chaque année les comptes à l’autorité provinciale.

Je ne demande pas qu’on donne de l’extension à l’amendement ; mais, tel qu’il est, je pense qu’il doit être admis par tous ceux qui ont quelque habitude de l’administration.

M. Andries. - L’honorable M. Dumortier prétend que les comptes des bureaux de bienfaisance seront mieux examinés par l’administration locale que par la députation provinciale.

Pour moi je pense que ce sera le contraire. Si vous émancipez les bureaux de bienfaisance du plat pays, vous verrez les abus se multiplier. Et si leurs comptes ne sont soumis qu’à l’administration locale sans contrôle de la part d’une autorité supérieure vous verrez les affaires se régler par compérages, tout deviendra tripotage, on s’entendra pour dilapider les deniers de la commune et des établissements de bienfaisance. Il est donc de toute nécessité de faire intervenir le contrôle d’une autorité supérieure.

Ce contrôle se peut faire comme il se fait actuellement par l’autorité provinciale.

Il est bon de ne pas répudier les exemples que nous ont donnés nos ancêtres.

Jamais les établissements de bienfaisance n’ont été plus exempts d’abus que sous le gouvernement autrichien. Sous Albert et Isabelle, les comptes se rendaient en présence des délégués ou des auditeurs de l’autorité civile et de l’autorité ecclésiastique ou de l’évêque. Ces comptes ne se rendaient pas annuellement mais de trois en trois ans, et en présence d’hommes respectables, tant dans la juridiction civile que dans la juridiction ecclésiastique.

Pendant longtemps on a eu très peu d’abus à signaler. Je voudrais que l’on suivît cette manière de procéder.

Dans les communes du plat pays, il y a des hospices où l’on soigne les aliénés, les malades... Eh bien, il peut exister une espèce de compérage, je ne dirai pas de connivence, entre les administrateurs de ces hospices et les administrateurs des communes ; et de là naîtraient de graves abus. Je n’affirme pas que cela existe, mais cela peut exister et les comptes seraient arrangés de façon que le contrôle du commissaire de district et la surveillance du gouverneur fussent insuffisants pour connaître ou prévenir les iniquités.

Je voudrais que l’on donnât aux gouverneurs le droit d’envoyer un commissaire pour assister, au nom de l’autorité provinciale, à la reddition des comptes dans le sein du conseil communal. Ce commissaire dresserait un procès-verbal qui serait soumis à l’autorité qui l’aurait envoyé.

Il n’y aurait là rien d’étranger à notre législation. Dans le décret du 30 décembre 1800, l’article 86 dit que l’évêque peut nommer un commissaire pour assister en son nom au compte de la fabrique. Si l’on soupçonnait quelque collusion entre l’administrateur de l’hospice et le conseil de la commune, le commissaire s’en apercevrait, ce qui fermerait la porte aux abus.

Mon amendement serait conçu en ces termes :

« En tout cas, la députation du conseil provincial peut envoyer un commissaire pour assister, en son nom, à la reddition des comptes annuels des établissements mentionnés dans le précédent. »

Cet amendement ferait le dernier paragraphe de l’article.

M. Dubus. - Messieurs, j’avouerai franchement que je ne sais pas trop bien où nous en sommes. L’honorable M. Dubois présente un amendement qui concerne les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement ; et cet honorable membre dit que son amendement est modéré, parce qu’il ne comprend pas les petites villes. Je ne sais si cette assertion est exacte. Car dans la loi provinciale on a placé dans les attributions de ces commissaires les communes de 5,000 habitants et au-dessous ; de sorte qu’il y aurait réellement un grand nombre de villes comprises dans l’amendement.

D’un autre côté, j’ai entendu que l’on voulait que la disposition s’étendît à toutes les villes de la Belgique.

Enfin, tout en appuyant l’amendement, on demande en outre que la députation provinciale puisse envoyer un commissaire pour assister à la reddition des comptes dans le sein du conseil communal.

Ces divers amendements sont présentés pour mettre un terme aux abus existants, ou pour prévenir des abus.

Je n’ai pas entendu signaler des abus existants ; l’auteur du premier amendement a même rendu hommage à la probité des administrateurs des deniers des pauvres dans nos campagnes. Quoi qu’il en soit, je ne voudrais pas qu’il y eût un contrôle insuffisant ; mais il me semble que les dispositions proposées par la section centrale établissent le contrôle nécessaire.

Je ferai remarquer d’ailleurs que, par la législation existante, ce sont les conseils communaux qui arrêtent les comptes des établissements de établissements de bienfaisance (art. 75 du règlement des villes), et dans les villes ces comptes ne sont pas soumis à l’approbation de la députation des états. Cependant, il y a un grand nombre de villes au-dessous de 5,000 habitants : a-t-on remarqué qu il y eût dilapidation des deniers du pauvre dans ces communes ? Pas du tout ; donc la surveillance des conseils communaux est suffisante.

Le règlement des campagnes est muet, il est vrai, sur le cas dont nous non occupons.

Avant de recourir à d’autres mesures, il faudrait savoir si la disposition présentée par la section centrale, combinée avec une disposition précédemment adoptée, ne fera pas atteindre le but désiré.

Par la disposition précédemment adoptée, les membres du conseil communal qui seraient en même temps membres des administrations de bienfaisance, ne peuvent pas délibérer dans le conseil de la commune ; ils, ne peuvent même pas assister à la délibération : dès lors, ce sont les membres tout à fait étrangers à l’administration des établissements de bienfaisance qui examinent le compte et qui prononcent sur la gestion. Ce sont là les hommes véritablement compétents pour ces objets, et surtout ce sont les hommes les plus intéressés à ce qu’il n’y ait aucun abus.

Et sur cela je n’ai besoin que de me prévaloir d’une observation faite par l’honorable auteur du premier amendement : il vous a dit que dans certaines localités on était surchargé d’impôts communaux, et que l’impôt qui pesait le plus était celui de la taxe pour les pauvres ; eh bien, les membres des conseils seront des contribuables ; ils seront au nombre des plus imposés ; donc ils seront ceux qui auront le plus grand intérêt à réduire la taxe des pauvres, à réduire cet impôt qui surcharge le plus les communes.

Par conséquent ce sont eux qui sont les plus intéressés à prévenir les dilapidations qui détourneraient une partie des revenus des bureaux de bienfaisance de leur destination, et rendraient ainsi nécessaire une plus forte allocation au budget de la commune pour venir au secours des bureaux de bienfaisance.

L’art. 5 contient d’ailleurs la disposition suivante : « En cas de réclamation, il est statué sur ces objets par la députation du conseil provincial. » Ainsi il ne faut pas seulement supposer que la majorité du conseil conniverait en quelque sorte avec les auteurs des dilapidations commises dans l’administration des hospices et des bureaux de bienfaisance, mais il faudrait supposer que tous les membres du conseil y conniveraient également ; car si un seul réclame, dès lors l’affaire est dévolue à la députation qui prononce sur le compte ; et la députation a le droit, avant de prononcer, de prendre ou de faire prendre sur les lieux toutes les informations qu’elle jugera convenables. Il y a même un article qui l’autorise, quand elle le juge convenable, à envoyer des commissaires, ne fût-ce que pour prendre des informations.

Je ferai remarquer que, quand la chambre a examiné en premier lieu cette question, M. le ministre de l'intérieur s’est rallié à la proposition de la section centrale et a ajouté qu’il ne s’y ralliait que pour autant qu’en cas de réclamation il appartiendrait à la députation de prononcer. Cette disposition a été ajoutée à l’art. 5, et au moyen de cette disposition, je ne vois pas à quels inconvénients il peut donner lieu.

Les commissaires de district sont obligés de faire des tournées ; ils ont le droit de rechercher s’il y a des abus et de les signaler ; et dès l’instant que des abus seront signalés, l’administration supérieure sera appelée à y porter remède.

Un préopinant a cité ce qui se passait autrefois dans le pays du Franc de Bruges. Je puis lui citer ce qui se passait dans d’autres parties du pays ; ainsi dans la ville que j’habite, les comptes n’étaient pas examinés par l’autorité supérieure, et néanmoins l’on n’avait à se plaindre d’aucune dilapidation. (Erratum inséré au Moniteur belge n°54, du 23 février 1836 :) Ce n’est qu’au milieu de la désorganisation qui a été la suite de l’invasion française qu’il y a eu perte de biens et de deniers des pauvres dans notre ville.

Je pense que le système de la section centrale assure un contrôle suffisant. Je m’oppose donc aux divers amendements.

M. Rogier. - Je pense avec l’honorable M. Desmet qu’il n’y aurait pas de mal à ce que toutes les communes fussent comprises dans l’article. Cependant je n’en ferai pas une proposition. Il faut remarquer que les dépenses des hospices et des bureaux de bienfaisance sont par leur nature arbitraires et abandonnées à la probité et à la délicatesse des administrateurs. Elles ne sont pas soumises à la publicité, car les comptes des hospices et des bureaux de bienfaisance ne sont pas imprimés et par suite ne sont pas soumis à l’examen des contribuables.

Dans les commune rurales il est évident que le contrôle de l’administration communale sera presque toujours illusoire.

Dans un conseil composé de 7 membres, on a déjà remarqué que beaucoup de ces membres appartiennent à l’administration des hospices et des bureaux de bienfaisance. S’ils s’éloignent quand on examinera leurs comptes, combien restera-t-il de membres du conseil pour faire ce travail ? Dans tous les cas, l’examen de ces comptes sera une affaire de camaraderie et ne se fera que très légèrement. Je pense donc que restreindre le contrôle à celui de l’administration communale serait propager les abus dans la plupart de nos communes.

On a fait l’objection que soumettre les comptes à la députation provinciale, ce serait la surcharger de travail. Je répondrai à cela que le travail se divisera, et qu’il arrivera préparé, sinon par l’examen du conseil, au moins par celui des commissaires de district. En second lieu, la députation va être composée de 6 membres ; rien n’empêche que les budgets ne soient répartis entre ces 6 membres, et chaque membre, en s’occupant activement pendant 2 ou 3 jours, pourra facilement examiner 30 comptes ou budgets, attendu que tous les comptes ne donneront pas lieu à un examen approfondi. On ne se livrera à un tel examen que quand on croira qu’il y a abus.

D’ailleurs, alors même que la députation ne se livrerait pas à un examen approfondi des comptes et des budgets, la seule perspective de ce contrôle, la seule crainte d’être pris en défaut, engageront les administrateurs des bureaux de bienfaisance à mettre plus de circonspection dans les dépenses, plus de régularité dans les comptes.

Au reste, il me suffirait, quant à moi, que le contrôle de l’administration provinciale empêchât 3 ou 4 abus par année pour me déterminer à l’adopter.

- L’art. 5 est mis aux voix et adopté.

L’amendement de M. Andries est mis aux voix et adopté.

M. Andries propose la disposition additionnelle suivante :

« En tout cas la députation du conseil provincial peut envoyer un commissaire pour assister en son nom aux comptes annuels des établissements mentionnés au paragraphe précédent. »

- La disposition additionnelle n’est pas adoptée.

Article 6

« Art 6. Le conseil nomme les répartiteurs ou répartit lui-même, conformément aux lois, le contingent des contributions directes assigné à la commune. »

- Adopte.

Article 7

« Art. 7. Le conseil arrête les conditions de location ou de fermage des biens et de tout autre usage des produits et revenus des propriétés et droits de la commune, ainsi que les conditions des adjudications et fournitures.

« Néanmoins, pour les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement, les actes seront soumis à l’approbation de la députation provinciale. »

M. le président. - La section centrale propose la rédaction suivante :

« « Art. 7. Le conseil arrête les conditions de location ou de fermage des biens et de tout autre usage des produits et revenus des propriétés et droits de la commune, ainsi que les conditions des adjudications et fournitures.

« Néanmoins, les actes d’adjudication seront soumis à l’approbation de la députation du conseil provincial. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je déclare ne pas me rallier à la rédaction de la section centrale. Remarquez, en effet, que M. Dumortier, en voulant décentraliser, a centralisé en ce qui concerne les villes.

Jusqu’à présent aucun des actes dont il est fait mention à l’article 7 n’a été remis à la députation en ce qui concerne les villes. Les seuls actes des communes rurales étaient soumis à cette approbation. Je n’ai rien trouvé dans le rapport de la section centrale qui justifiât ce changement.

M. Dumortier, rapporteur. - L’observation de M. le ministre de l'intérieur est très juste, et ce n’est que par erreur qu’il y a un changement dans la rédaction de la section centrale. Car ce n’est pas sous ce rapport qu’elle a modifié l’art. 7.

Elle a voulu que les actes d’adjudication seulement fussent soumis à la députation provinciale, tandis que le gouvernement veut qu’il y ait deux envois avant l’adjudication et après. C’est un double emploi qu’il était inutile de conserver.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant est dans l’erreur. L’article ne suppose pas deux approbations, mais une seule ; c’est celle du bail tout entier.

M. Dubus. - Nous sommes d’accord avec M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité d’une seule approbation.

Seulement, M. le ministre ne voit pas que l’interprétation de son article présente du doute. Dans le premier paragraphe, il n’est pas question des actes d’adjudication mêmes, mais des conditions des adjudications. Le deuxième paragraphe se sert du mot « actes » sans explications. Cette expression peut comprendre et l’acte par lequel on arrête les conditions, etc., et l’acte d’adjudication.

Il y a donc doute, et il y avait d’autant plus de raison de lever ce doute que, dans l’état actuel des choses, je crois que l’on exige quelquefois deux approbations. Nous avons cru l’approbation de l’acte d’adjudication suffisante.

En effet, la députation prononce sur tout. Elle examine à la fois si les conditions du cahier des charges sont onéreuses à la commune, ensuite si l’adjudication a été faite régulièrement.

Je ne crois pas que M. le ministre doive s’opposer à la rédaction de la section centrale qui est plus explicite.

M. Jullien. - Je crois, comme l’honorable M. Dubus, que le terme d’actes est beaucoup trop vague. Il faut savoir quels actes l’on enverra à la députation provinciale : si ce sont les cahiers des charges ou les actes d’adjudication. Il me semble qu’en restreignant la surveillance de la députation des états à l’approbation des actes d’adjudication, la section centrale s’est montrée contraire aux intentions qu’elle a manifestées auparavant.

Il reste donc à décider si l’approbation de tous les actes ou des seuls actes d’adjudication sera soumise à la députation provinciale.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’article 7 a été conçu absolument dans le sens de la disposition de l’article 37 du règlement du plat pays et de l’article 72 du règlement des villes

Le premier paragraphe de l’art. 7 est copié littéralement de l’article 72 du règlement des villes. Dans les villes ce sont les conditions du cahier des charges qui sont approuvées ; dans les campagnes, ce sont les actes d’adjudication.

L’art. 37 du règlement du plat pays ne suppose qu’une seule approbation.

(Ici M. le ministre donne lecture de l’art. 37 du règlement des campagnes.)

Il est vrai que dans certaines provinces l’article a été entendu diversement ; on a exigé l’envoi préalable des conditions et ensuite l’envoi du procès-verbal d’adjudication. Mais, dans d’autres provinces, l’article a été exécuté suivant la disposition littérale.

Il est constant qu’aux termes de l’article 7 il n’est besoin que d’une seule approbation. Le premier paragraphe mentionne que la commune arrête les conditions de location ou de fermage et de tout autre usage des produits et revenus des propriétés et droits de la commune, ainsi que les conditions des adjudications et fournitures.

Et le deuxième paragraphe ajoute que, pour les communes rurales, la députation provinciale approuvera les actes mentionnés au paragraphe premier.

Si vous adoptiez la rédaction de la section centrale, la plupart des actes des communes rurales ne seraient soumis à aucune espèce de contrôle.

Vous ne pouvez pas faire de rédaction plus précise que celle du gouvernement.

Si on veut deux degrés d’approbation, il faut dire que la députation approuvera préalablement les conditions des adjudications et des baux. De cette manière, on aurait deux approbations, l’une préalable, l’autre définitive. Mais la rédaction du gouvernement n’exige qu’une approbation.

Je le répète, si vous adoptiez la rédaction de la section centrale, vous soustrairiez à tout contrôle une infinité d’actes d’une grande importance, qui se passent dans les communes rurales.

M. Rogier. - Il est évident que le deuxième paragraphe a besoin d’élucidation. Il y est dit que les actes seront soumis à l’approbation de la députation provinciale ; est-ce avant ou après l’adjudication ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - C’est après !

M. Rogier. - Eh bien, dans ce cas-là, les communes rurales seront encore très souvent exposées à des contrats onéreux. Il ne suffira pas, pour que la députation refuse son approbation, que l’adjudication ait été faite à tel ou tel individu, mais elle devra voir si les conditions de l’acte même ne sont pas trop favorables à l’adjudicataire, si elles n’ont pas été stipulées en vue d’accorder la location ou le fermage à tel ou tel individu de la commune.

Si la députation peut refuser son approbation, soit à raison de l’adjudication ou du cahier des charges, vous exposez la commune à faire des frais inutiles. Si au contraire les conditions sont soumises à l’approbation avant l’adjudication, la désapprobation ne pourra pas s’appuyer ensuite sur les clauses du cahier des charges ; il y aura moins de chances de désapprobation, et vous épargnez à la commune des frais inutiles.

Il faudra qu’on soumît d’abord à la députation le cahier des charges, et qu’ensuite elle approuvât l’adjudication.

Il faut éviter, pour me servir d’expressions vulgaires, mais très justes, les compérages et les tripotages. Le double contrôle vous en donne le moyen. Il y a un autre avantage, c’est qu’une fois le cahier des charges arrêté par la députation provinciale, les adjudicataires se présenteront avec plus d’assurance, car ils n’auront pas à craindre de voir les conditions désapprouvées par la députation.

Cela devrait exister pour les villes comme pour les campagnes.

D’après ces observations, il y aurait une modification à introduire au deuxième paragraphe de l’article.

M. Dubus. - La modification qu’on propose est extrêmement grave, et mérite d’être examinée. D’après la lecture que vient de donner M. le ministre de l'intérieur du règlement du plat pays, rien de semblable n’était prescrit.

Vu l’heure avancée, je demanderai l’impression des amendements et le renvoi de la discussion à lundi.

- La séance est levée à 5 heures.