(Moniteur belge n°20, du 20 janvier 1836)
M. Dechamps procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dechamps présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Des propriétaires de bois du Luxembourg réclament contre la pétition des maîtres de forges dont l’objet porte atteinte au droit de propriété. »
« Les habitants notables de la ville de Sittard et des cantons environnants demandent la construction de la route de Beck par Sittard, Susteren, Ruremonde et Venloo, décrétée par arrêté royal du 14 avril 1829, et, pour le cas où cette route ne pourrait pour le moment recevoir son entière exécution, ils demandent la construction de la route de Heerlen par Sittard et aboutissant à la Meuse, pour procurer un débouché aux houllières de Kerkrade. »
« Des tanneurs de Wiltz et Laroche (Luxembourg) demandent la réunion de la Belgique aux douanes allemandes, comme seule mesure propre à empêcher la ruine de leur industrie. »
M. Watlet. - Les négociants de Wiltz ont adressé une pétition à la chambre pour demander notre accession au système douanier allemand. La chambre a déjà reçu plusieurs pièces de cette nature, et elle en a ordonné l’impression dans le Moniteur avec renvoi à la commission des pétitions accompagné d’une demande d’un prompt rapport. Je demande à la chambre qu’elle veuille bien suivre la même marche pour la pétition actuelle.
M. Jadot. - Je demande que la pétition des habitants de Laroche, qui est dans le même sens que celle dont vient de parler l’honorable M. Watlet, subisse le même sort.
M. Verdussen. - Je dois m’élever contre la facilité trop grande avec laquelle la chambre accueille les demandes d’insertion de pétitions au Moniteur. Quand ces pétitions ne contiennent que des désirs, il est inutile de dépenser de l’argent pour l’impression de pièces qui ne doivent pas faire avancer d’un pas les questions qu’elles traitent. Cette observation a d’autant plus de fond que nous devons suspendre notre jugement jusqu’à ce que la commission des pétitions nous ait soumis son rapport.
Il vaudrait mieux que ce fût alors seulement que la chambre ordonnât la réunion en une même brochure de toutes les pétitions dont la lecture pourrait présenter quelque intérêt. J’ai remarqué que d’honorables membres qui s’occupent d’objets spéciaux avaient demande l’insertion au Moniteur des pièces qui ont rapport à ces objets. Cela fait que l’on imprime dans le journal officiel presque toutes les pièces que l’on présente à la chambre.
M. de Puydt. - Je crois au contraire que c’est parce que la question traitée par les pétitions dont il s’agit est très importante qu’il convient de lui donner la plus grande publicité possible. Il faut appeler la discussion publique sur l’utilité de notre accession aux douanes prussiennes avant que nous ayons à nous prononcer sur cette question dans la chambre.
M. Watlet. - Il y a d’autant plus de nécessité à imprimer au Moniteur la pétition des négociants de Wiltz, qu’elle contient des considérations très importantes à consulter sur le système douanier allemand. Je conçois que si pour toutes les pétitions qui nous sont remises sur cette question, et pour toutes celles qui nous viendront encore, on avait adopté le mode que propose M. Verdussen, cela aurait été beaucoup plus avantageux. Mais puisque l’on a commencé à insérer au Moniteur les pièces de cette nature, il me semble qu’il est trop tard pour adopter un autre mode.
M. Simons. - Parmi les pétitions dont l’analyse vient de vous être faite, il en est une qui a été adressée à la chambre par les habitants de Sittard et des environs. Elle contient des considérations sur la nécessité de construire une route, dont le ministère précédent avait même décrété les travaux. Je demande qu’elle soit renvoyée directement à la commission des travaux publics. Une semblable mesure a déjà été adoptée par la chambre pour les pétitions de cette nature. Un autre motif milite en faveur de ma proposition. C’est que la commission des travaux publics est déjà saisie d’une demande pour le même objet.
M. Jadot. - Je demande que l’on renvoie à la commission qui est saisie de la demande des maîtres de forges du Luxembourg, la pétition des propriétaires de bois qui s’opposent à ce qu’il soit imposé un droit plus fort sur la sortie des bois, comme le voudraient les premiers. La commission pourra mieux apprécier la question par la lecture de ces deux pièces écrites dans un sens contraire.
- Le renvoi des pétitions des négociants de Wilt et des habitants de Laroche à la commission des pétitions, avec impression au Moniteur, est ordonné.
Le renvoi de la pétition des habitants de Sittard à la commission des travaux publics est ordonné.
Le renvoi de la pétition des propriétaires de bois du Luxembourg à la commission chargée de l’examen de celle des maîtres de forges de cette province est ordonné.
M. Lejeune, rapporteur. - « La régence et un grand nombre d’habitants d’Arlon demandent qu’il soit construit une caserne d’infanterie dans cette ville. »
Les pétitionnaires représentent que la députation provinciale du Luxembourg et la régence d’Arlon ont réclamé antérieurement la construction d’une caserne à Arlon ; que déjà au mois de mai 1834 M. le ministre de la guerre a répondu qu’il était favorable à cette demande, et qu’il avait donné des ordres à la direction des fortifications de faire un rapport sur le choix d’un emplacement convenable.
Rien n’a annoncé depuis, disent les pétitionnaires, que des intentions aussi favorables seront bientôt réalisées, et c’est ce qui les porte à renouveler leur demande.
Les considérations par lesquelles ils appuient leur réclamation sont :
1° La nécessité de placer en permanence dans le Luxembourg une force militaire imposante ;
2° L’avantage qui, sous le rapport de la consommation, doit résulter pour ce pays agricole de la présence des troupes ;
3° La position militaire de la ville d’Arlon ;
4° De délivrer les habitants des logements militaires, qu’ils regardent comme accablants, comme portant quelquefois atteinte à la morale publique et énervant la discipline militaire ;
5° L’économie qui en résulterait pour le gouvernement.
Les pétitionnaires finissent par réclamer la protection de la chambre, auprès du gouvernement, pour obtenir :
1° L’envoi d’un régiment d’infanterie dans le Luxembourg pour y tenir garnison ;
2° La construction, à Arlon, d’une caserne suffisant au moins pour deux bataillons de guerre.
Le ministre de la guerre étant déjà saisi de cette affaire, votre commission a cru devoir proposer de lui renvoyer cette pétition. C’est à M. le ministre surtout à en apprécier les motifs.
- La pétition de la régence d’Arlon est renvoyée à M. le ministre de la guerre.
M. le président. - La discussion continue sur l’article premier du chapitre II
« Etat-major général : fr. 650,464 45 c. (proposition du gouvernement) ; fr. 644,464 45 c. (proposition de la section centrale) ; fr. 638,644 45 c. (proposition de M. Desmaisières).
L’amendement de M. Desmaisières est ainsi conçu :
« Etat-major-général. Solde de 8 généraux de division, 22 généraux de brigade, 7 colonels, 4 lieutenants-colonels, 8 majors, 12 capitaines de première classe, 6 capitaines de deuxième classe et 6 lieutenants, et supplément de solde de 28 capitaines, 9 lieutenant et 4 sous-lieutenants aides-de-camp : fr. 638,644 45 c. »
(Moniteur belge n°20, du 20 janvier 1836) M. F. de Mérode. - Messieurs, je viens m’opposer à l’amendement de M. Desmaisières, parce que c’est là un véritable article de loi que l’on ne peut improviser dans le vote du budget. C’est ainsi qu’au budget des voies et moyens vous avez ajourné le projet de M. le ministre des finances sur les distilleries, projet qui eût été bien autrement profitable au trésor public que les économies que l’on pourrait espérer aujourd’hui de l’amendement soumis à votre examen.
Une chose m’afflige singulièrement dans le mode de procéder qui s’annonce encore à l’égard des budgets, c’est que nous rentrons constamment dans une analyse qui rend notre tâche interminable. A force de vouloir empêcher les moindres abus de détails, nous laissons en souffrance les intérêts les plus graves ; car il est certes impossible, lorsqu’on est appelé à voter des lois constitutives d’un pays, de limer sans cesse ce qui est organisé, non point parfaitement, mais passablement. Nous n’avons ni loi provinciale, ni loi communale, parce que tout l’hiver se passe chaque année à éplucher quelques milliers de francs, dans nos dépenses de plus de 80 millions. Pour un particulier quelques mille francs sont une somme appréciable. Pour un Etat comme la Belgique c’est peu de chose, comparativement surtout à la valeur infiniment précieuse du temps que nous employons à des objets sans importance relative avec ce qui manque réellement au pays.
Nous avons des questions sérieuses à traiter sur les moyens de communications nécessaires à l’intérieur ; nous en avons qui concernent les douanes et qui sont décisives pour une foule d’industries. Ce matin encore un fabricant est venu réclamer mon appui pour un objet très digne d’appeler l’attention des chambres. Je lui ai exprimé tout mon regret de ne pouvoir lui rien promettre de satisfaisant, vu que nous paraissions de nouveau embourbés dans l’éternelle exploration de tous les détails des divers services.
Je conviens, messieurs, qu’il ne faut pas être prodigue des deniers du contribuable. Mais que diriez-vous d’un négociant de premier ordre qui, pour obtenir des économies de ménage des quelques centaines de francs, perdrait un temps applicable à de spéculations majeures et devant lui rapporter des centaines de mille francs ? Nous avons, depuis 1830, un gouvernement excellent pour empêcher le mal, mais très faible et très lent aussi pour produire le bien ; je ne dis pas qu’il n’en produise aucun ; toutefois, depuis six ans, il est très loin d’avoir fait ce qu’il pouvait faire, si les vues, bien intentionnées sans doute, de ceux qui entravent sa marche par trop de soucis à l’égard des petites choses, étaient moins rétrécies.
En ce qui concerne l’armée par exemple, un léger supplément de traitement, quelques frais de table accordés à un petit nombre d’officiers supérieurs, excitent la sollicitude inquiète de plusieurs de nos collègues. Je suis loin d’attaquer personne, je dirai donc que l’état militaire en Belgique demande encouragement.
Notre pays est riche ; dans nos grandes villes, il existe des fortunes considérables transmises héréditairement ou acquises par le commerce et 20 et 25,000 livres de rentes ne passent pas en Belgique pour un revenu de premier ordre ; et nos militaires des grades les plus élevés, en considérant les exigences de leur position, sont réellement pauvres à côté de toutes les familles aisées qui les environnent.
Si, en outre, ce qui constitue leur avoir est chaque année le but d’investigations minutieuses, l’objet spécial des réductions à faire au budget, je le demande, y aura-t-il état moins recherché en Belgique que l’état militaire par les hommes de génie supérieur, par les hommes capables de bien défendre le pays au moment du danger ? Et cependant alors, un tel homme vaut à lui seul la moitié d’une armée. Je n’en dirai pas davantage sur ce point, et j’insisterai particulièrement encore sur l’extrême besoin d’économiser notre temps, afin de voter les lois dont l’urgence est incontestable.
M. Jadot. - Je ne dirai pas comme l’honorable préopinant que le ministère de la guerre est un bourbier. Cela fût-il, il serait de notre devoir de nous y enfoncer. Nous sommes ici pour discuter les budgets ; s’il y a des bourbiers, nous ne devons pas craindre d’en approcher. Les dépenses de l’armée sont calculées sur le pied de guerre. Nous devons en subir toutes les conséquences. Mais il me semble, à moins que M. le ministre de la guerre ne déclare ne pas accepter dans ce cas la responsabilité des événements, que l’on pourrait très bien, sans affaiblir l’armée, retrancher le supplément de solde de 28 capitaines, 9 lieutenants et 4 sous-lieutenants aides-de-camp. Les aides-de-camp ordinaires n’ont rien à faire actuellement. A plus forte raison doit-il en être de même des aides-de-camp supplémentaires. Faites attention, messieurs, que chacun de ces officiers coûte annuellement 1,500 à 1,600 fr. par an de plus à l’Etat.
C’est une somme extraordinaire payée en pure perte, puisqu’elle ne représente aucun service. Je ne vois pas la nécessité qu’il y a de leur payer un domestique et un cheval pour ne rien faire. Si on les renvoyait à leurs régiments, on pourrait les en faire revenir aussitôt que les circonstances extraordinaires l’exigeraient. J’ai donc l’honneur de présenter l’amendement suivant à l’article premier du chapitre II :
« Je demande que l’on retranche de l’article de l’état-major le supplément de solde de 26 capitaines 9 lieutenants, 4 sous-lieutenants aides-de-camp ou officiers d’ordonnance. »
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - La somme totale qui forme le supplément de solde porté à l’article premier du chapitre Il, est de 36,000 fr. ; cette somme est répartie entre 41 officiers, ce qui ne fait donc pas 1,500 pour chacun, comme l’honorable préopinant l’a avancé, mais moins de 1,000 fr. pour chacun.
En effet on accorde à chaque capitaine un supplément de solde de 850 francs ; pour chaque lieutenant ou sous-lieutenant, ce supplément est de 1,060 francs. Voici la raison pour laquelle on accorde ce supplément aux officiers aides-de-camp. Les généraux ont le droit de choisir des aides-de-camp dans toutes les armes qui composent l’armée. Plusieurs d’entre eux préfèrent les choisir dans l’arme de l’infanterie. Les officiers ainsi désignés ne sont pas équipés ni montés. Il est nécessaire de porter leur solde au taux de celle des officiers de l’état-major de la cavalerie. C’est ce qui fait que de tout temps et dans tous les gouvernements, on a accordé un supplément de solde aux aides-de-camp choisis dans l’infanterie. Je crois cette allocation suffisamment motivée. Je ne pense pas que la chambre doive admettre l’amendement de l’honorable M. Jadot.
M. de Puydt, rapporteur. - Vous voyez combien il est difficile de toucher à des dispositions organiques qui font partie de l’ensemble de la législation militaire.
Voilà comment on fait des propositions qui ne peuvent être fondées ou motivées en aucune manière. Les explications de, M. le ministre de la guerre sur la nécessité d’accorder un supplément de solde aux officiers d’infanterie, que leur nomination d’aides-de-camp oblige à se monter et à s’équiper, suffisent pour faire repousser par la chambre la proposition d’un honorable préopinant.
Pour en venir à l’amendement de l’honorable M. Desmaisières, que je me vois également obligé de combattre, je ferai remarquer que cet amendement est plutôt une disposition organique. Dans ce cas il est incomplet. En effet, il faudrait qu’il fît partie d’une loi générale qui organisât tous les services. Prendre aujourd’hui une mesure isolée, c’est nous exposer à être plus tard en contradiction avec l’ensemble des dispositions de la loi complète d’organisation.
D’un autre côté cette mesure me semble inutile et même inconvenante ; inutile, parce qu’elle accorde la même solde que le gouvernement demande pour les officiers généraux et autres dans le budget ; et dans l’intervalle il survient des circonstances qui obligent le gouvernement à nommer des généraux à la place de ceux qui existent actuellement ; en mettant ceux-ci à la retraite, on en a augmenté le nombre ; vous allez gêner l’action du gouvernement. Cette mesure est inconvenante parce qu’elle porte atteinte à une prérogative reconnue par la constitution.
D’ailleurs, je ne vois pas sur quoi l’on se fonde pour prendre aujourd’hui des mesures qui semblent annoncer un débordement de nominations de généraux. L’on a fait la comparaison du nombre des officiers des Etats voisins qui ont une armée numériquement égale à la nôtre, et il a été prouvé que le chiffre en était beaucoup plus élevé que chez nous.
C’est, du reste, une erreur de croire qu’il existe dans l’armée belge ce que l’on appelle gradomanie. Nous considérons toujours l’armée de la Belgique organisée spontanément après une révolution qui n’a laissé aucune trace de l’ancienne armée des Pays-Bas, comme comparable à l’armée française, qui est le résultat de 40 ans de guerre. Si vous voulez trouver dans l’armée française un point de comparaison, il faut remonter à l’armée de 92 à 1800. Alors comme en Belgique, par suite de l’émigration des officiers composant l’armée, on a vu des capitaines devenir généraux. L’on a vu des généraux sortis des études de notaires ou des bureaux d’un avocat. Ce sont les circonstances qui ont forcé à organiser ainsi l’armée.
Ou il fallait commander des brigades par des capitanes, ce qui n’était pas admissible ; ou il fallait donner à ces capitaines le grade que leur assignait le poste qui leur était confié. Il a fallu donner un avancement rapide aux officiers restés sous les drapeaux, en créer d’autres. Il n’y a rien d’extraordinaire dans tout ceci.
Quant aux avancements rapides, il est facile de prouver, par des calculs, que ces avancements ne sont pas aussi excessifs qu’on l’a prétendu. L’honorable auteur de l’amendement a avancé qu’il devait exister dans l’armée bien peu d’officiers qui eussent plus de deux ou trois ans de grade. D’autres membres ont paru croire que les promotions dépassaient la mesure convenable.
J’ai fait un relevé de l’état de tous les officiers de l’armée. D’après ce relevé, j’ai acquis la conviction que ces promotions ont été, depuis 1831, renfermées dans des bornes très modérées ; que ce reproche de gradomanie n’est nullement fondé. Le nombre total des officiers de l’armée est de 2,548 depuis le mois de septembre 1831. Il y a eu 1,920 promotions. Ainsi il n’y a pas eu une promotion par officier en 4 ans. Je ne pense pas que l’on puisse rien opposer à ce chiffre.
Voyez d’ailleurs qu’elle est l’ancienneté dans les différentes armes.
Il y a dans l’infanterie :
- Sous-lieutenants, 670 dont 275 ont de 4 à 5 ans de grade et 300 de 3 à 4 ans de grade. Le reste a plus de 2 ans de grade.
- Le nombre des lieutenants est environ de 480, dont 210 ont plus de 4 ans de grade et 220 ont plus de 3 ans. Le reste qui se réduit à un dixième a plus de 2 ans, sauf un très petit nombre qui n’a qu’un an.
- Le nombre des capitaines est de…, dont 169 ont près de 5 ans de grade, et plusieurs ont 12 ans de grade ; 261 ont de 3 à 4 ans de grade ; 32 seulement, ou moins d’un dixième, ont 1 1/2 à 3 ans de grade.
- Le nombre des majors est de 80, dont 50 ont de 4 1/2 à 5 ans de grade, 27 de 3 à 5 ans, 3 à 2 ans.
- Le nombre des lieutenants-colonels est de 11, dont 4 ont 5 ans et plus ; 6 de 4 à 5 ans ; 1 à 3 ans.
- Le nombre des colonels est de 17, dont 6 ont de 4 à 5 ans, 4 de 3 à 4 ans, 4 ont 2 ans de grade, 2 n’ont qu’un an.
Dans la cavalerie :
- Le nombre des sous-lieutenants est de 175 à peu près, moins d’un dixième a au-dessous de 2 ans de grade. Un tiers à de 2 à 3 ans de grade ; un tiers de 3 à 4 ans, et le reste a plus de 5 ans de grade.
- Le nombre des lieutenants est de 84. Dans les officiers de ce grade, la proportion est encore plus favorable. La moindre ancienneté est de 2 ans ; elle porte sur un dixième environ. Tous les autres ont de 3 à 5 ans.
- Le nombre des capitaines est de 105.
Il n’y en a pas 10 qui aient 2 ans au moins.
Il y en a 15 qui ont plus de 5 ans et 80 qui ont de 3 à 4 ans.
- Sur 27 majors 7 ont 5 ans, 10 ont 4 ans, 9 ont de 3 à 4 ans, 1 à 2 ans et demi de grade.
- Sur 8 lieutenants-colonels 3 ont 5 ans de grade, 3 de 4 à 5 ans, 2 ont de 2 à 4 ans.
- Des 7 colonels 6 ont 4 ans et plus de grade ; 1 à 3 ans et demi.
Artillerie :
- 37 capitaines dont 22 ayant de 4 à 5 ans de grade ; 13 ayant de 3 à 4 ans ; 2 ayant 2 ans.
- 12 majors, dont 4 ont de 4 à 5 ans, 6 de 3 à 4 ans et 2 de plus de 2 ans de grade.
- 10 lieutenants-colonels dont 8 ont plus de 4 ans de grade et 2 plus de 3 ans.
Génie :
- 3 colonels de 5 ans de grade.
- 6 lieutenants-colonels dont 1 a plus de 5 ans de grade, 3 ont plus de 4 ans, 2 ont plus de 2 à 3 ans.
- 6 majors dont 4 de 4 à 5 ans de grade, 2 de 3 ans.
Il reste prouvé pour moi que la prétendue gradomanie n’existe que dans certaines imaginations ; que l’on veut généraliser certains faits particuliers qui peuvent être applicables pour les personnes, mais qui ne peuvent s’étendre à toute l’armée.
Pour vous démontrer combien le nombre des généraux de division est peu exagéré, il suffit d’examiner le chiffre qui serait nécessaire en temps de guerre. Il y aurait 5 divisions dont 3 actives, une de cavalerie et une de réserve, ce qui suppose 5 généraux de division employés. Ajoutez à cela un chef d’état-major général, des officiers-généraux inspecteurs pour chaque arme spéciale, des officiers généraux à l’intérieur, un ou deux généraux de division attachés au chef de l’armée pour le cas où il jugerait nécessaire de leur donner le commandement de forts détachements, et vous arriverez à un nombre de 12 généraux de division en cas de guerre, tandis que le cadre de l’armée n’en comprend que 8. Il me semble donc qu’il n’y a pas trop lieu de croire au débordement des nominations de généraux, et qu’il n’y a nulle raison d’empêcher ce débordement que rien n’annonce.
Je m’opposerai donc à l’insertion de l’amendement de l’honorable M. Desmaisières dans le budget.
Ceci me ramène tout naturellement à ce qui a été dit sur les officiers étrangers employés dans l’armée. Si j’avais eu l’honneur de faire partie de la chambre à l’époque où l’on a jugé nécessaire de faire un appel aux officiers étrangers, je m’y serait opposé formellement, parce que j’avais cette conviction que j’ai encore, que la Belgique pouvait organiser son armée avec des éléments nouveaux ; je crois que si l’on avait fait un choix plus judicieux des hommes, l’on aurait pu se passer de l’appel des étrangers, Mais du moment que des officiers de l’armée du Nord étaient venus chez nous plutôt par obéissance que par ambition, il est du devoir des militaires belges de les traiter en hôtes, en camarades. Lors de mon dernier voyage en France, j’ai été profondément affligé d’apprendre les querelles qui s’étaient élevées entre les officiers belges et les officiers étrangers. Il me semblait que la Belgique se trouvait ne plus mériter son antique renom d’hospitalité. Les officiers étrangers appelés dans notre pays font partie de l’armée. Nous devons les traiter avec tous les égards dont ils sont dignes. Du reste, les observations que je fais s’adressent moins à la chambre qu’elles ne servent de réponse aux déclamations de certains journaux contre les officiers étrangers.
Il faut diviser ces officiers en deux catégories. Dans la première sont ceux qui au début de notre révolution sont venus combattre pour l’indépendance du pays. Ceux-là ont été naturalisés en versant leur sang pour notre cause. Ils doivent être considérés comme Belges. Ils doivent concourir comme tels aux faveurs de l’avancement.
L’autre catégorie comprend les officiers détachés de l’armée du Nord ; le nombre en est réduit à 72. Comparé au chiffre de 2,548 dont se compose le total des officiers de l’armée, ils sont dans la proportion de 1 à 35. Pour 1,911 promotions d’officiers belges, il y a eu 13 promotions d’officiers français, c’est-à-dire que l’avancement des Français est à celui des Belges comme 18 est à 75. Voilà à quoi se réduisent les faits que l’on a exagérés sur la position des officiers français dans notre armée.
M. Jadot. - Je ne conteste pas la justice qu’il y a à accorder un supplément de solde aux officiers d’infanterie qui sont nommés aides-de-camp. Je dis qu’il n’y a pas nécessité de les appeler à ce service. Ces officiers n’ont absolument rien à faire. Ce sont pour la plupart des fils de famille, attachés à leurs papas avec un supplément de solde, à qui l’Etat fournit un cheval et un domestique pour ne faire absolument rien.
Le ministre de la guerre prétend que j’ai exagéré la dépense. Eh bien, je crois au contraire que je suis en dessous de la véritable évaluation. On dit qu’ils sont portés pour 1,050 ; mais chacun de ces messieurs reçoit des rations de fourrages, et les capitaines en reçoivent même deux. Ils ont des domestiques à raison de 24 ou 25 francs par mois, ce qui fait plus de 1,600, et peut-être 1,800 fr.
Je maintiens l’amendement que j’ai proposé.
M. F. de Mérode. - Messieurs, j’ai fait valoir quelques considérations afin que nous n’entrions pas dans la discussion d’une loi nouvelle, vu l’urgence de celles dont nous avons à nous occuper ; car l’amendement est une véritable loi. Vous avez ajourné la proposition qui avait été faite relativement aux distilleries, parce que vous n’avez pas voulu interrompre la discussion du budget de voies et moyens ; vous ne devez pas, de même, interrompre la discussion du budget de la guerre par l’examen d’une proposition qui est une loi. Personne n’a répondu aux considérations que j’ai fait valoir. Faisons marcher rapidement les budgets, quand même quelques petites économies possibles nous échapperaient.
M. Desmaisières. - Je commencerai par rendre justice à M. le ministre de la guerre ; je vois avec grand plaisir qu’il ne montre pas d’opposition formelle à l’adoption de mon amendement. Et effectivement, messieurs, l’adoption de cet amendement intéresse encore plus le ministre que la chambre elle-même. Il lui donnera la force de repousser les exigences immodérées d’avantage dont il est assiégé.
L’honorable M. de Mérode compare mon amendement aux dispositions que le ministre des finances avait voulu introduire dans la loi du budget des voies et moyens relativement aux distilleries et à d’autres objets ; mais, messieurs, je crois que la comparaison manque tout à fait de justesse ; il ne s’agit pas ici de grever les contribuables. Il s’agit au contraire de les dégrever ou d’empêcher qu’on ne les grève. Ensuite il est certain que nous ne pouvons pas, et l’honorable M. de Mérode en convient lui-même, porter la loi concernant l’avancement ; il est donc nécessaire de prendre des dispositions provisoires qui empêchent le ministre de la guerre de faire un trop grand usage de la faculté qu’il a actuellement de donner de l’avancement.
L’honorable M. de Puydt, rapporteur de la section centrale, a soutenu que mon amendement était inutile, gênant, inconvenant. D’abord, je croyais avoir prouvé hier par les développements dont j’ai fait précéder la présentation de ma proposition, qu’elle n’était pas inutile ; et je l’ai prouvé suffisamment, rien qu’en faisant quelques citations tirées du compte-rendu de plusieurs de nos séances, où l’on a discuté le budget de la guerre pour l’exercice de 1835. Que l’amendement soit gênant, j’en conviens. Certainement, il est gênant ; il ne permet pas d’augmenter outre mesure l’état-major général.
Il porte atteinte, prétend-on, à la prérogative royale ; le Roi peut conférer des grades, sans doute ; mais nous avons aussi une prérogative ; nous avons le vote du traitement des grades. L’effet de mon amendement n’empêche pas le Roi de conférer des grades ; seulement il limitera le nombre des grades à conférer aux dépenses que le pays peut faire.
L’honorable rapporteur a dit que si l’on voulait comparer les nominations faites en Belgique aux nominations faites en France, il fallait remonter, pour établir cette comparaison, aux nominations faites en 92 et 93. Tout le monde sait, en effet, qu’en 92 et 93 on a improvisé des généraux en France ; mais c’est sur les champs de bataille, c’est après que les officiers eurent donné des preuves de leur capacité qu’ils furent improvisés. (Non ! non !)
L’honorable rapporteur a présenté un relevé numérique de l’avancement accordé dans les divers grades de l’armée ; je ne suis pas à même de vérifier ce tableau ; mais je crois cependant pouvoir dire que je connais plusieurs officiers du grade de capitaine qui ont ce même grade depuis trois ans ou quatre ans, et qui ne servaient pas avant la révolution. On prétend que l’avancement n’a pas lieu par faveur ; cependant je ne vois pas qu’il ait lieu par ancienneté. Comment se ferait-il, en effet, qu’il se trouvât des lieutenants et des sous-lieutenants ayant servi 4 ou 5 ans de grade, tandis qu’il y a des capitaines qui ne servaient pas avant la révolution, et qui néanmoins auraient trois années de grade ? Qu’on ne nous dise donc pas qu’il n’y a pas eu faveur. Elle est évidente.
Quant aux observations faites par l’honorable rapporteur sur la forme de mon amendement, si je voyais que la chambre voulût que l’on en fît une disposition organique, je ne m’y opposerais pas ; mais alors cette disposition rentrerait dans la proposition de M. Brabant.
On pourrait rédiger ainsi la disposition :
« Provisoirement, l’état-major général de l’armée est fixé à tant de généraux de division et à tant de généraux de brigade. »
Mais l’objection que l’on fait n’est relative qu’à la France. Car la rédaction emporterait toujours la fixation du nombre des officiers.
M. Dubus. - Messieurs, un honorable ministre d’Etat s’est plaint de ce qu’on ne répondait pas aux considérations qu’il avait fait valoir pour écarter d’emblée l’amendement de M. Desmaisières ; mais il me semble que ce que l’on pouvait faire de plus favorables à l’honorable ministre d’Etat, et au cabinet tout entier, c’était réellement de ne pas s’occuper de considérations semblables. Quant à moi, je regrette qu’on l’ait fait valoir ; je n’aime pas à voir le cabinet venir nous dire que nous devons passer légèrement sur les budgets, que nous avons mieux que cela à faire. Je crois que quand il s’agit des dépenses, nous ne saurions y regarder de trop près.
On parle de prérogatives ; mais, comme on vient de le remarquer, c’est la prérogative de la chambre que l’on attaque. C’est la prérogative de chacun de ses membres que l’on défie. En supposant même que les considérations du ministre d’Etat n’emportassent qu’un conseil, ce conseil était tout à fait inutile, puisqu’il ne dépend pas de la chambre d’enchaîner la volonté d’aucun de ses membres. Le règlement est précis, la constitution n’est pas moins claire, tout député a le droit de proposer des amendements, a le droit de demander la division des articles. Eh bien, si on demande la division d’un article, si on propose un amendement, il faudra bien que la chambre vote sur ce qui sera proposé. Or, la chambre ne voudra voter qu’après avoir sérieusement examiné la question agitée.
J’avais pensé que l’amendement de M. Desmaisières ne rencontrerait pas d’opposition, puisque le ministre de la guerre n’avait pas annoncé que la proposition le gênerait dans l’administration de son département. Déjà, lors de la discussion du budget de 1835, le ministre de la guerre s’était engagé formellement à ne pas faire de promotions, ce qui indiquait que l’état-major était suffisant.
Si M. le ministre ne trouve pas ce nombre suffisant, c’est à lui de faire connaître les promotions qu’il croit nécessaires. Il nous appartient de juger de la nécessité de ces promotions, puisque nous sommes appelés à examiner les dépenses pour y faire face.
La prérogative de conférer des grades dans l’armée appartient au pouvoir exécutif en vertu de la constitution ; mais il n’en résulte pas qu’il puisse en créer autant que bon lui semblerait, à moins qu’on ne prétende que vous devez voter en aveugles l’argent nécessaire pour payer les traitements de ces grades. C’est aussi en vertu de la constitution que l’examen et le vote des dépenses vous appartiennent, et par ce vote vous restreignez la prérogative du pouvoir exécutif de conférer des grades ou d’autres fonctions.
Il y a plus, j’estime que le pouvoir législatif peut dire : Il n’y aura qu’un nombre déterminé de tels et tels grades ; l’armée sera organisée de telle manière : il y aura tant de généraux de division, tant de généraux de brigade, tant de colonels, tant de régiments de telle arme, etc. Le pouvoir législatif pourrait organiser l’armée de cette manière, et le pouvoir exécutif serait obligé d’exécuter cette loi comme toutes les autres.
En effet, que résulte-t-il de la constitution ? Que c’est le pouvoir législatif qui vote chaque année le contingent de l’armée. Ainsi, le nombre d’hommes dont se composera l’armée, c’est vous qui avez le droit de l’arrêter, de l’augmenter ou de le réduire selon que vous le jugerez convenable. Supposerez-vous que quand d’une part vous pouvez réduire le nombre d’hommes, dont se composera l’armée, d’un autre côté le pouvoir exécutif pourrait, quelque réduite que soit l’armée, augmenter le nombre des grades et surtout des hauts grades ? Ce serait là une véritable absurdité.
D’après la constitution le pouvoir législatif doit régler les droits et les obligations des militaires. Dans la loi que nous ferons pour régler cette matière, il pourra se trouver une disposition qui déterminer le nombre des grades supérieurs, et décide qu’on ne nommera à un de ces grades que quand il y aura une place vacante. Dans toute loi d’organisation, on détermine le nombre des fonctionnaires de chaque catégorie, et on stipule qu’il ne sera fait de nominations que quand il y aura des places vacantes. Pourquoi ne pourrait-il pas en être de même dans l’armée, à moins qu’on ne prétende que le Roi peut conférer des grades supérieurs, suivant son bon plaisir, de telle manière que nous devrons toujours voter les fonds nécessaires, pour payer non seulement les traitements des promotions justifiées par le besoin, mais encore ceux des promotions qu’on ne pourra attribuer qu’à la faveur et au caprice.
L’amendement proposé par M. Desmaisières me paraît très raisonnable. Il a pour but de déterminer le nombre des officiers de chaque grade de l’état-major général, et d’insérer dans la loi que c’est pour payer cette nomenclature d’officiers que les fonds de l’article sont accordés. Que résultera-t-il de l’adoption de cet amendement ? C’est qu’on ne pourra plus appliquer des fonds à une autre fin que celle pour laquelle vous les aurez votés. Dans tout cela, je ne vois rien que de très constitutionnel, que de très conforme à votre prérogative. Tout ce qu’on pourrait objecter, ce serait que le nombre d’officiers déterminé dans cette disposition pourrait être insuffisant. Alors qu’on dise de combien on devrait l’augmenter, et quelle serait la dépense qui résulterait de cette augmentation.
M. le rapporteur a critiqué cet amendement, en disant que ce serait insérer dans le budget une disposition organique et que cette disposition serait incomplète, parce qu’il faudrait une loi générale qui comprît à la fois, l’organisation de tous les services de l’armée. Cette objection n’en est pas une. Elle tendrait seulement à dire qu’après l’amendement de M. Desmaisières, nous avons encore quelque chose à faire dans l’intérêt de la bonne application des fonds que nous votons aux autres articles du budget. Quand nous serons aux autres articles, nous verrons ce qu’il convient de faire. Cette objection laisse subsister les motifs donnés pour prouver que l’amendement est très bon pour l’article pour lequel il est fait.
La disposition n’est donc incomplète qu’en ce sens qu’elle ne s’applique qu’à l’état-major général. Mais aussi l’article auquel on la propose comme amendement, ne concerne que l’état-major général.
Messieurs, il y a d’autant plus lieu d’adopter l’amendement de M. Desmaisières que l’augmentation du nombre des officiers-généraux donne lieu à diverses réclamations dans le pays. Nous devons prendre garde à l’impression que cela peut faire sur le peuple.
Selon l’honorable ministre d’Etat auquel je réponds, ce n’est pas trop, ce n’est rien même que de donner 25 mille fr. à un officier-général. Il y a bien peu de jours cet honorable membre disait qu’il aimait bien à entendre parler en faveur du peuple et que le soldat était aussi le peuple. Je m’attendais que quand on en serait venu à la solde des troupes, il vous aurait dit qu’il trouvait les traitements des lieutenants et sous-lieutenants insuffisants, et qu’il conviendrait de les augmenter. Mais pas du tout, les grades subalternes, il ne s’en inquiète pas ; ce sont ceux qui ont 25 mille fr. d’appointements qui sont l’objet de sa sollicitude, il faudrait leur accorder davantage. Si c’est comme cela que l’honorable membre s’occupe des intérêts du soldat qu’il regarde comme le peuple, on ne lui reprochera pas de mettre trop de démocratie dans sa sollicitude.
L’honorable rapporteur de la section centrale, de son côté, trouve une proportion très juste entre le nombre des hauts grades et les autres ; selon lui, toutes les plaintes qui ont été faites sur le trop grand nombre d’officiers-généraux ne sont pas fondées. Il a trouvé très bien qu’on en ait augmenté le nombre. Je vous prie ici de considérer une chose, c’est que la nomination d’un officier-général de plus, qui se fait ordinairement par promotion, entraîne une foule d’autres promotions. Si on nomme général de division un général de brigade, il faut nommer un colonel général de brigade, et ainsi de suite.
On augmente ainsi la dépense dans une proportion considérable, je ne sais si M. le rapporteur a perdu cette considération de vue ; mais nous, nous ne devons pas la perdre de vue ; nous devons tous réfléchir à cette dépense qui ne se résume pas simplement dans l’augmentation du traitement du haut fonctionnaire, mais qui comprend aussi l’augmentation du traitement de tous ceux qui obtiennent de l’avancement par suite de cette première nomination.
Quant à l’amendement de l’honorable M. Jadot, je n’ai pas bien pu apprécier la réponse que le ministre de la guerre y a faite. Si je ne me trompe, il s’est borné à répondre à M. Jadot que quand un officier d’infanterie était nommé aide-de-camp d’un officier-général, il recevait un supplément de traitement parce qu’il est obligé de prendre un cheval. Ce n’est pas là rencontrer l’objection qui a été faite. L’honorable membre se plaignait de ce que le nombre de ces aides-de-camp était trop considérable.
Il reconnaît que si on était en guerre, il ne serait pas supérieur aux besoins ; mais il trouvait que pour l’état dans lequel nous nous trouvons, il était trop considérable. Rien n’a été répondu à cette objection. Je voudrais qu’on le fît ; car jusque-là, la proposition me paraît justifiée.
M. F. de Mérode. - Je demande la parole pour un fait personnel ; M. Dubus a dénaturé mes paroles ; c’est ce qu’il fait quand il n’a pas de bonne raison à leur opposer.
J’ai fait un appel au patriotisme éclairé de tous les membres de la chambre ; si mon appel est inutile, je n’en aurai pas moins rempli mon devoir à l’égard des intérêts majeurs que l’on sacrifie à des examens d’objets de beaucoup moindre importance. Si l’expérience de plusieurs années n’était pas décisive en faveur de mes observations, on pourrait les contester avec succès. Mais tout le talent de M. Dubus ne peut pas détruire un fait patent et renouvelé périodiquement, à savoir que nous passons notre temps à éplucher de la monnaie en perdant des louis.
Lorsque M. Dubus attaque une observation juste, mais qui lui déplaît, il procède par insinuation au lieu de réfuter les raisons qu’il ne peut renverser. Ainsi il me reproche de défendre des intérêts aristocratiques après avoir paru m’occuper particulièrement d’intérêts populaires, des intérêts du soldat.
Messieurs, je m’occupe de tous les intérêts légitimes conformément au bien du service ; les conditions d’existence et d’émulation sont les mêmes dans tous les armées, qu’elles appartiennent à des pays constitutionnels ou à d’autres. Si je n’ai rien dit des officiers tels que lieutenants et sous-lieutenants, c’est qu’ils sont payés chez nous mieux que par les puissances voisines, la Prusse et la France.
Ne croyez pas qu’en Prusse on traite légèrement la partie des dépenses : puisque l’on y donne des appointements élevés aux officiers-généraux, c’est que le service bien entendu l’exige.
Messieurs, je veux éviter à l’avenir des coups d’épaule comme celui du mois d’août 1831 ; je pense qu’il ne faut pas laisser nos soldats coucher sur des tréteaux et reprocher sans cesse à nos officiers-généraux leurs fourrages, leurs domestiques et les diverses allocations qui les placent aux rangs qu'ils doivent occuper dans la société.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, si je n’ai pas pris immédiatement la parole pour faire connaître mon opinion sur l’amendement de M. Desmaisières, c’est que je voulais entendre la discussion pour éclairer mon opinion et voir si les raisons données seraient de nature à modifier celle que je m’étais formée en le lisant lorsqu’il m’a été remis à mon entrée à la séance.
J’entre donc dans l’examen de la question. L’article premier de la première section du chapitre II renferme deux catégories distinctes de dépenses. La première s’applique aux traitements des officiers-généraux et des officiers subalternes dont le nombre est produit au tableau, et ensuite à des suppléments de solde, les traitement des officiers-généraux et des officiers subalternes d’état-major s’élevant à 602 mille fr. et les suppléments de solde à 48 mille fr. Sur ces 48 mille fr., 12 sont demandés pour le supplément de traitement du gouverneur de la résidence, et 36 pour supplément de solde aux officiers d’infanterie, aides-de-camp ou officiers d’ordonnance.
Ces 602 mille francs d’une part et 48 de l’autre font les 650 mille francs que j’ai demandés.
Vous verrez que cette nomenclature de différents officiers comprend aussi trois catégories, relativement à la base d’après laquelle je demande le traitement des officiers. La première catégorie, celle des officiers-généraux, forme le cadre de l’état-major général, il y a ensuite le corps d’état-major proprement dit, dont le premier grade est celui de colonel, et le dernier celui de lieutenant. L’organisation de ce corps a été fixée par arrêté, et le nombre des officiers de chaque grade a été déterminé, ainsi que j’en avais pris l’engagement à la dernière session. J’ai également proposé au Roi de fixer par un arrêté le cadre du corps du génie et le cadre de l’état-major de l’artillerie.
Voilà donc trois des cadres de l’état-major arrêtés sur le pied où nous nous trouvons aujourd’hui. Je n’ai pas cru devoir fixer définitivement le cadre de l’état-major général par la raison que si les événements politiques nous obligeaient à rassembler notre armée, il faudrait un plus grand nombre d’officiers-généraux que celui qui existe maintenant. Mais je déclare que tant que nous resterons sur le pied actuel, le nombre de huit généraux de division et 22 généraux de brigade sera suffisant pour remplir les services confiés à ces grades.
Maintenant, je viens à l’amendement de l’honorable M. Desmaisières. Cet honorable membre a fait le relevé des diverses catégories, et il a reproduit dans son amendement le même nombre que celui qui est porté au tableau. Mais il voudrait qu’on déterminât dans l’intitulé de l’article le nombre d’officiers de chaque grade dont se composera le détail de ce même article.
Je commence par déclarer que je considérais les fixations du tableau comme des prescriptions que je ne pouvais pas franchir, par conséquent l’amendement de M. Desmaisières n’ajouterait rien aux devoirs qui me sont imposés.
Mais j’ai une observation à faire. Parmi les officiers qui sont commandants militaires de nos neuf provinces, cinq sont généraux de brigade et quatre sont colonels, et il se pourrait que quelques circonstances m’obligeât à remplacer ces colonels par des généraux et à donner d’autres destinations à ces colonels. Il faudrait alors les employer dans leur arme. Je me trouverais avoir des vacances obligées de ce grade, dans la prescription de l’intitulé de l’article, et il peut y avoir encore d’autres cas analogues. Mais je me borne à citer cet exemple, parce que dans le cours d’une année, il peut survenir des événements qu’il était impossible de prévoir.
Si je repousse l’amendement proposé, c’est que je considère les prescriptions du tableau comme me liant autant que si elles étaient rappelées en masse dans l’intitulé de l’article.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. de Mérode a déjà répondu à M. Dubus et rempli le but que je m’étais proposé en demandant la parole. Cependant puisqu’on me l’a donnée, je vais ajouter quelques considérations à ce qu’il vous a dit.
A entendre M. Dubus, on dirait que M. de Mérode vient au nom du cabinet vous proposer la question préalable sur le budget de la guerre, et demander qu’on vote purement et simplement sans examiner les articles de ce budget. Il n’en est pas ainsi. Pas un mot n’a été dit par M. de Mérode dont on pût tirer cette induction. Il vous a dit que nous avions une foule de lois urgentes à voter, et que la proposition de M. Desmaisières était une loi d’organisation qu’on voulait introduire dans le budget. Le fait est que dans la proposition de M. Desmaisières il ne s’agit pas du chiffre de l’article. Il ne propose pas de réduction ; il en demande bien une, mais elle ne porte pas sur le traitement des officiers, ainsi quand vous l’adopteriez, il n’y aurait rien de fait dans l’intérêt du peuple qu’on invoque ; car vous n’auriez pas diminué le budget d’un centime.
Quand vous aurez organisé l’état-major comme le propose M. Desmaisières, vous devrez en faire autant à chacun des autres articles ; vous devrez organiser aussi l’infanterie, dire qu’il y aura tant de colonels, tant de lieutenants-colonels, tant de majors, tant de capitaines, tant de lieutenants, tant de sous-lieutenants, vous voudrez faire pour toutes les autres branches de l’armée ce que vous aurez fait pour l’état-major. Nous consacrerons aussi plusieurs jours à l’organisation de l’armée, et peut-être qu’après cela quand le ministre voudra vous présenter l’ensemble de son projet, vous reconnaissiez que vous devez prendre d’autres bases que celles que vous aurez adoptées.
Il ne faut pas incidemment, à l’occasion du budget, adopter des dispositions partielles d’une loi qui doit être complète et qui a besoin d’être examinée dans son ensemble.
M. le ministre de la guerre vient de s’opposer à l’amendement et de vous donner de très bonnes raisons pour l’ajourner jusqu’à la discussion de la loi générale d’organisation dont je viens de parler. Il vous a fait observer qu’il pourrait se trouver dans la nécessité de nommer des généraux gouverneurs des provinces, et qu’il se trouverait gêné dans ses combinaisons. Il reconnaît d’ailleurs qu'il ne pourrait employer un denier de plus que la somme portée à l’article.
Un honorable membre a proposé de supprimer purement et simplement tous les aides-de-camp des généraux. Il ne vous fait pas la proposition dans ces termes-là, mais elle revient à cela. Car il propose de supprimer les indemnités extraordinaires données aux officiers d’infanterie détachés des régiments et attachés comme aides-de-camp à des généraux.
Je vous demande si en supprimant ces traitements, vous ne supprimerez pas les aides-de-camp ; car ils ne pourront pas suffire aux dépenses qu’ils sont obligés de faire, si vous supprimez les indemnités pour leurs chevaux et les autres dépenses, qu’ils doivent faire dans les grandes villes où ils résident.
Je dis que la question se réduit à savoir s’il faut oui ou non supprimer les aides-de-camp des généraux. La question posée dans ces termes, il me semble qu’il est facile de la résoudre. Vous ne pouvez pas sans danger opérer une semblable suppression.
Dans cette discussion du budget on examine les dépenses comme si nous nous trouvions dans des temps ordinaires, en temps de paix. Notre armée n’est pas sur le pied de paix.
Quand nous pourrons la mettre sur ce pied, j’espère qu’il y aura une réduction notable de dépenses, et qui ne sera pas moindre de 10 millions. Mais nous ne sommes pas dans cette position. Notre armée n’est pas non plus sur le pied de guerre, mais tous les cadres y sont, et dans quelques mois vous pourriez avoir besoin de cette armée. Il ne fait pas pour quelques milliers de francs la désorganiser. C’est ce qui arriverait si vous priviez les généraux de leurs aides-de-camp.
Vous ne pouvez pas non plus diminuer l’indemnité qu’on accorde à ces aides-de-camp. Le ministre et le rapporteur vous ont démontré qu’elle n’était pas trop forte, en comparaison des frais auxquels ils sont assujettis.
L’amendement de M. Desmaisières touche un autre point. La section centrale avait proposé de réduire de 6,000 fr. l’indemnité accordée au commandant d’armes de la capitale, et M. Desmaisières propose de la supprimer.
Mais ceci me paraît faire une seconde question. Je crois que l’on pourrait diviser l’article et délibérer d’abord sur la première partie de l’amendement de M. Desmaisières.
Il résulte de mes observations qu’aucun de nous ne conteste à la chambre le droit d’adopter cet amendement ; vous pouvez très bien l’admettre, car il n’est qu’une fraction d’une loi plus complète sur laquelle vous devez délibérer conformément à la constitution. D’après le pacte fondamental, la chambre a le droit de déterminer le nombre des officiers dans chaque grade.
Je demanderai donc la division sur les deux points que j’ai indiqués.
M. de Jaegher. - Il y a quelque chose de bien particulier dans cette discussion : lorsque l’on émet des considérations générales, on se récrie et on vous dit : Vous touchez aux bases organisatrices de l’armée ; vous êtes un désorganisateur ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Qui a dit cela ?
M. de Jaegher. - Si, au contraire, on entre dans les détails, si on cite des faits particuliers, on hausse les épaules ; ce sont là des bagatelles, vous objecte-t-on, en comparaison des 80 millions du budget de l’Etat.
Messieurs, en fait de comptabilité, je ne connais pas de petites économies ; il suffit, d’après moi, qu’une économie soit en rapport avec le bien du service pour qu’elle soit admise.
M. de Mérode a dit, pour défendre l’allocation demandée au budget, que l’état militaire en Belgique demandait des encouragements ; mais après les cinq années qui viennent de s’écouler, quand nous avons eu une armée entière à organiser, quand quelques officiers ont passé par trois ou quatre grades pendant la même période peut-on nous dire que l’armée a besoin d’encouragements ? Je redouterais pour l’avenir si déjà nous étions obligés d’employer des moyens extraordinaires pour encourager l’armée, quand l’organisation est toute récente, quand les grades ont été obtenus en peu de temps, car que sera-ce donc quand nous serons dans un véritable état de paix, c’est-à-dire quand l’avancement sera très difficile ?
On nous a cité l’armée hollandaise ; elle a un nombre plus considérable de généraux de division et de brigade que la nôtre ; mais on vous a démontré hier à quoi tenait la situation particulière où se trouve la Hollande. Il lui est resté tous les officiers de l’armée du royaume entier des Pays-Bas ; et de plus, comme on vous l’a très bien fait observer, en présence de l’armée belge, où deux ou trois grades furent accordés aux anciens camarades des officiers hollandais, il était impossible au gouvernement ennemi de ne pas faire de promotion dans son armée.
L’honorable M. de Puydt vous a entretenu des officiers étrangers ; il a témoigné le regret de ce qu’il se soit élevé des discussions fâcheuses entre ces officiers et les officiers indigènes ; je partage le même regret ; je suis reconnaissant autant que qui que ce soit envers les officiers étrangers ; toutefois il me semble que quand ils sont traités de la même manière que les nôtres, il n’ont pas à se plaindre.
Un des orateurs qui ont pris la parole dans la discussion générale a cité divers faits qui dénotaient néanmoins que la faveur n’a pas été toujours étrangère aux actes qui les concernent ; ces citations pourraient être de beaucoup multipliées, mais elles suffisent pour faire pressentir à M. le ministre que l’attention publique est fixée tout particulièrement sur cette partie de ces actes ; qu’elle suit dans leurs voyages ceux dont les absences ne s’expliquent pas d’une manière avantageuse et qu’elle ne les perd pas de vue, quelque part où on les place à leur retour. A propos d’une autre catégorie d’étrangers, j’ai, de mon côté, cité des faits qui tendaient à vous rendre palpables les dangers d’employer dans la comptabilité des corps des hommes qui ne présentent aucune garantie personnelle.
Il m’est pénible de devoir revenir sur ce point à propos d’une classe d’officiers dont j’honore, pour la plupart, le caractère respectable ; mais il n’y a pas d’autre place où je puisse le faire convenablement dans l’intérêt de l’Etat et celui de mes compatriotes dans l’armée. J’invite donc formellement M. le ministre à aviser aux moyens de remplir dorénavant les vacations aux places de quartiers-maîtres, officiers payeurs et officiers d’habillements dans les régiments, par des officiers indigènes, et de donner, à mesure qu’il en aura l’occasion, d’autres fonctions à ceux des étrangers qui y sont actuellement employés.
S’il en est parmi ces derniers qui ne sont pas aptes à être utilisés d’une autre manière, ce n’est pas un motif pour les maintenir dans leur position dangereuse, et c’est à lui à prendre, dans ce cas, les mesures nécessaires pour les en faire sortir.
Messieurs, on a parlé de l’amendement de M. Jadot ; je ne l’appuierai pas. Je ne crois pas que ce soit dans les grades subalternes qu’il y ait faveur ; c’est toujours sur les grades subalternes que l’on fait des réductions quand on a besoin d’une somme quelconque. C’et sur les grades supérieurs qu’il faut faire des économies.
L’amendement de M. Desmaisières a été traité comme article organique ; je ne lui accorde pas cette portée ; je l’envisage comme une note tendant à guider la cour des comptes dans la manière d’admettre la liquidation les dépenses qui lui seront demandées sur cet article. Si M. le ministre de la guerre ne trouve pas suffisant le crédit réduit de 12,000 francs, il pourra renvoyer deux autres capitaines de l’état-major général dans d’autres corps, et alors la somme réduite lui suffira. Voilà la manière dont il envisage l’amendement de M. Desmaisières. Comme il n’a qu’une force annuelle et qu’il n’est point un article organique, je l’appuierai de mon vote.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, je me compromettrais gravement si, après une discussion aussi détaillée du budget de mon département, je prenais sur moi de donner à une somme une autre destination que celle qui a été déterminée.
Je déclare que si un fonds n’est pas alloué par la chambre sur un article quelconque de dépenses, la somme ne sera point payée. Vous en avez déjà eu des exemples dans mon administration, et les craintes que l’on a manifestées à ce sujet sont illusoires. Au surplus, la cour des comptes n’admettrait pas le paiement des dépenses qui ne seraient point autorisées par la loi du budget.
Je dois vous avouer que dans le grand nombre de notes que j’avais recueillies pour y répondre, j’en ai oublié quelques-unes ; je remercie donc M. de Jaegher de m’avoir rappelé ce qui est relatif à l’officier Millet, parce que je veux rendre un bon témoignage sur cet officier.
Cet officier était capitaine de volontaires en 1830, et s’était rendu en Belgique après la révolution de juillet à Paris, porteur d’une attestation très honorable. Il fut mis en non-activité en 1831 lors de la formation du 12ème régiment et de l’incorporation des officiers de volontaires dans ce corps. Je le plaçai comme officier-payeur au 5ème bataillon du 10ème régiment d’infanterie en 1832, et il s’acquitta de ses devoirs sans qu’aucune réclamation se soit élevée à sa charge. Envoyé, lors de la suppression du 5ème bataillon, aux bataillons de guerre de son régiment, il y fut chargé de l’administration de l’habillement, et, lors d’un recensement, il se trouva des effets manquants pour une somme de 670 francs ; rien n’a pu prouver que ce fût une malversation de la part de cet officier, a qui cependant on en a fait payer le montant.
Cet officier ayant été déplacé par suite d’une vacance d’emploi dans un autre corps, et parce qu’il se trouvait au-dessus du complet au 10ème régiment, le chef du corps où il fut envoyé, trompé sur le compte de cet officier par des rapports malveillants, demanda son éloignement : je lui fis connaître l’état réel des choses, et c’est ce que l’honorable préopinant a appelé l’avoir imposé à ce commandant.
Cet officier a été employé pendant un an au département de la guerre et fut chargé de dresser les comptes détaillés de l’exercice 1832.
Il fit preuve de grande capacité et tint la conduite la plus régulière.
C’est d’après ces antécédents que j’ai tenu à éclairer le commandant du corps, et il a suffi de l’explication que je lui ai donnée, pour faire tomber les injustes préventions que l’on avait pu concevoir contre l’officier en question.
(Ici le ministre donne lecture de sa correspondance et des certificats honorables qui se trouvent au dossier de cet officier.)
Vous voyez que j’entre dans les plus petits détails pour faire connaître cet officier. Le renvoyer, c’eût été le perdre entièrement, et il ne le méritait pas, car il est l’un des plus laborieux et des plus capables que je connaisse : je ne pouvais donc consentir à une mesure qui eût eu pour conséquence la perte de cet officier.
M. de Jaegher. - Je dois faite observer que je n’avais nommé personne ; que je ne connais pas le lieutenant Millet, qu’ainsi je n’ai pas eu l’intention de l’attaquer individuellement. J’ai cité des faits que je considère comme résultant d’abus ; et je ne pense pas que la lecture, donnée par le ministre, ait détruit les réflexions qui naissent de ces faits. Je n’ai point parlé de fraude. Il manquait, il est vrai, 670 francs dans la comptabilité de l’officier-payeur désigne par le ministre ; j’ai fait sentir les dangers pour un commandant de se trouver exposé aux inconvénients qu’on a signalés. M. le ministre dit dans sa lettre qu’un commandant trouverait dans les règlements tous les moyens de se mettre à couvert ; c’est ce que moi-même j’avais fait observer ; mais n’est-il pas pénible pour un officier de se trouver condamné à faire une surveillance continuelle, ou a être exposé au danger qu’a subi le colonel van Brussel ?
Au reste, le ministre sait que plusieurs étrangers sont officiers payeurs dans divers corps ; j’en connais deux dans un seul régiment ; et avant la mort du colonel de ce régiment, des discussions graves s’étaient élevées à ce sujet. Dans d’autres corps on a vu aussi s’élever des discussions semblables.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, l’honorable préopinant se plaint de ce que le ministre de la guerre ait nommé l’officier payeur auquel il a fait allusion ; les faits, a-t-il dit, que j’ai cités avaient pour but d’attirer l’attention du chef de l’administration sur des abus possibles et sur les moyens d’y remédier. Mais je pense que le ministre n’a pu mieux faire que de vous soumettre les détails dans lesquels il est entré. Il vous a fait voir que cet officier-payeur n’était pas véritablement un étranger ; que c’était un commandant de volontaires aux premiers jours de notre révolution.
Maintenant M. le ministre de la guerre vient de donner des détails très significatifs sur la mesure qu’il a prise pour obliger le colonel à recevoir cet officier dans son régiment. Remarquez que cet officier avait des droits à la bienveillance du gouvernement, c’était un officier de volontaires, et il était perdu vis-à-vis de tous les autres régiments sans la mesure prise par le ministre. Les colonels des autres régiments n’auraient pas voulu le recevoir ; car, auraient-ils dit, si son colonel n’a pas voulu le garder, il y a eu pour cela des motifs graves. Vous voyez que ces motifs graves n’existaient pas.
Il y avait eu dans les comptes de cet officier un déficit de 670 francs. Le colonel, dans cet état de choses, pouvait supposer qu’il y avait eu incurie ou mauvaise gestion de sa part. Mais d’après les explications de M. le ministre de la guerre, ainsi que l’a jugé le conseil d’administration, il n’y avait nullement de la faute de l’officier dans ce déficit. M. le ministre de la guerre, qui doit protection à tous ses subordonnés, devait ordonner au colonel de maintenir cet officier, à moins qu’il ne voulût le perdre.
Je ne pense pas qu’on puisse faire un reproche à M. le ministre de la guerre d’avoir nommé cet officier ; car c’est la meilleure preuve qu’il pût donner qu'il n’y avait pas de grief fondé à alléguer contre lui.
M. Jadot. - Il m’importe beaucoup de repousser l’accusation que m’a adressée M. le ministre des finances de vouloir détruire l’armée ; car si quelqu’un est ami de son pays, c’est moi ; sous ce rapport je le dispute à qui que ce soit.
La preuve que je ne veux pas renvoyer tous les inspecteurs et aides-de-camp, c’est que je maintiens le cadre de l’état-major tel qu’il a été déterminé pour le pied de paix au budget de 1832
Ce cadre contient des officiers de tout grade ; est-ce que parmi ces officiers, il n’y a pas des aides-de-camp ?
M. Brabant. - Non, assurément. Ce sont des officiers d’état-major.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Certainement.
M. Jadot. - Nonobstant cela, je maintiens mon amendement. La chambre le rejettera si elle je juge convenable.
Je termine en protestant de nouveau contre les paroles de M. le ministre des finances à l’égard de ceux qui votent contre les crédits demandés par le gouvernement. Ceux qui ont le courage d’exprimer leur opinion, voilà les véritables amis de leur pays ; ceux qui font leur cour au ministère et qui ne disent rien, voilà les ennemis du gouvernement.
M. Dumortier. - Il y a, messieurs, dans l’article en discussion deux propositions toutes différentes : celle du chiffre et celle du texte de l’amendement de l’honorable M. Desmaisières. Je ne dirai rien quant au chiffre. Je m’en réfère à cet égard au rapport de la section centrale qui motive suffisamment le chiffre qu’elle propose. Mais je dois dire deux mots de l’amendement de M. Desmaisières, lequel me paraît extrêmement rationnel et très nécessaire dans les circonstances actuelles ; il est motivé par des faits récents.
Malgré la promesse formelle que fit l’an dernier, à pareille époque, M. le ministre de la guerre, vous le voyez nommer un général de division sans aucune nécessité. Car, à quoi bon faire commander une arme spéciale par un général de division ! Sans doute maintenant on va combler la mesure en nommant 2 généraux de brigade ; car si un général de brigade suffisait au commandement d’une brigade il faudrait qu’un général de division eût 2 généraux de brigade sous ses ordres. Les colonels deviendraient généraux, les lieutenants-colonels deviendraient colonels, chacun ainsi aurait de l’avancement.
Si nous devons laisser au gouvernement les coudées franches pour la distribution des grades subalternes, il n’en est pas de même pour les grades des officiers supérieurs et généraux. Nous devons empêcher les abus qu’il peut y avoir de ce chef.
Comment ! Dans un pays voisin, qui est organisé militairement, en France, un général de division qui a rendu de grands services est obligé, pour passer maréchal, à attendre pendant 10 années qu’il y ait une vacature dans le cadre des maréchaux ; et ici, sans s’inquiéter si le cadre est complet, on nomme des généraux de division. Bientôt sans doute on va nommer des maréchaux de Belgique. (On rit.)
Eh ! messieurs, un ancien ministre en a parlé sérieusement, disant que la carrière militaire était trop bornée.
Pour moi je m’attends à ce que pour compléter la hiérarchie, après avoir nommé des maréchaux de je ne sais quoi, on ne vienne un beau jour nommer un connétable. (On rit.)
Voilà cependant les absurdités auxquelles nous devons nous attendre d’après la manière dont nous voyons prodiguer des grades et quand nous voyons généraux des officiers qui n’étaient que majors sous le gouvernement hollandais. Il y en a plusieurs même qui n’étaient que capitaines.
L’honorable général qu’on vient de nommer général de division était simple capitaine au moment de la révolution. Ainsi alors qu’en France on ne peut, à moins de 3 ans de grade, passer à un grade supérieur, alors que pour obtenir 5 grades, il faudrait au moins 15 années, en Belgique, en 5 ans, on obtient ces 5 grades, en 5 ans on devient d’officier subalterne général de division.
Ce sont des abus auxquels nous devons mettre un terme.
Je pense même que l’amendement de M. Desmaisières présentera ce grand avantage qu’il mettra M. le ministre de la guerre à son aise. En effet, si nous voyons les officiers subalternes et même les majors traités assez mal au ministère de la guerre, il n’en est pas de même des colonels et des généraux. Ces officiers mettent quelquefois le gouvernement dans l’embarras, en réclamant de l’avancement et en menaçant de se retirer si cet avancement ne leur est pas accordé. L’amendement de M. Desmaisières fera cesser toutes ces exigences.
J’ai dit que la nomination d’un général de division dans une arme spéciale donnerait lieu, si nous n’y mettons ordre, à un avancement considérable dans cette arme. Là ne se borneront pas les conséquences de cette nomination. En effet, si vous mettez un général de division à la tête du génie, a fortiori ne devra-t-on pas mettre un officier général de ce grade à la tête de l’artillerie, corps qui est sur la même ligne et qui est plus nombreux ? Je sais que déjà dans l’artillerie on désire cette promotion parce qu’elle doit donner de l’avancement dans tous les grades, depuis les colonels et lieutenants-colonels, jusqu’au dernier sous-lieutenant. C’est ainsi qu’on se pousse les uns les autres !
Tous ces abus, nous n’aurions pas à les redouter, si nous avions une loi qui réglât l’organisation de l’armée. Mais on nous dit : Il y a des lois plus urgentes, nous ne devons pas nous occuper de celle-là. Cependant la constitution déclare formellement cette loi urgente ; elle porte (article 139) : « Le congrès national déclare qu’il est nécessaire de pourvoir par des lois séparées, et dans le plus court délai possible, aux objets suivants : … 10° l’organisation de l’armée. » Mais cette loi lierait le gouvernement ; soyez assurés qu’il ne la présentera pas.
Vainement M. le ministre de la guerre viendra-t-il parler des arrêtés qui organisent le génie et l’artillerie ! Aux termes de la constitution, ce n’est pas par de simples arrêtés, mais par une loi que l’armée doit être organisée.
Puisque j’ai la parole, je dirai encore un mot des officiers-généraux. Il est hors de doute que tout général jouissant d’un traitement d’activité doit avoir des fonctions dans l’armée, doit avoir des soldats sous ses ordres. Cependant nous voyons figurer dans le cadre d’activité un général qui n’a aucun soldat sous ses ordres, un général mis en disponibilité à la suite de la révolution, nommé ensuite commandant de la garde civique de Bruxelles, puis appelé à jouir du traitement d’activité, sans doute pour commander cette garde. Mais les commandants de garde civique n’ont droit à aucun traitement.
Pour moi je m’opposerai toujours de tous mes moyens à ce qu’on accorde des traitements d’activité à des généraux qui n’ont pas un soldat sous leurs ordres.
J’attendrai la réponse de M. le ministre de la guerre sur les divers points que j’ai traités.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je répondrai d’abord au dernier point traité par l’honorable orateur qui vient de parler. Puisqu’il a désigné le général commandant la garde civique de Bruxelles, je dois déclarer que ce n’est pas en qualité de commandant de cette garde civique que cet officier général est passé du traitement de disponibilité à celui d’activité, mais à dater du moment où il a pris la présidence de la commission chargée de la révision des pensions et autres affaires de service que j’ai renvoyées à l’examen de la commission qu’il préside.
Cette commission m’a déjà présenté son avis motivé sur plus de mille affaires à elle renvoyées en 1834 et 1833 ; c’est cette commission qui fait visiter en sa présence tous les militaires ophtalmiques et tous ceux qui réclament des pensions pour cause d’infirmités ou blessures, et qui doit prononcer sur leurs droits à des pensions à la charge de l’Etat.
Je viens maintenant à la question générale. Je vous prie d’abord de remarquer que dans les budgets de 1834, 1835 et 1836 qui fixent le personnel de l’état-major, je m’en suis toujours tenu aux chiffres fixés pour le nombre des grades. Il y a eu d’après ces fixations 8 généraux de division, 19, 20 et 22 généraux de brigade. Quand je suis arrivé an ministère de la guerre, en mars 1832, j’ai trouvé 8 généraux de division et 10 généraux de brigades. Depuis lors je n’ai proposé la nomination que de trois généraux de brigade. En quatre années, je ne pense pas que ce soit excessif, lorsque je vois qu’en France il vient d’y avoir une promotion de 10 lieutenants-généraux et de 20 maréchaux-de-camp. Si l’on réunissait les autres promotions d’officiers généraux faites depuis 1833, on trouverait qu’elles ont été au moins de 20 lieutenants-généraux et de 40 maréchaux-de-camp, c’est-à-dire du quart du complet fixé par le cadre.
On m’a souvent rappelé la prétendue promesse que j’aurais faite de ne nommer aucun officier-général en 1835. La section centrale m’a demandé à cet égard des explications, et s’est livrée à des investigations qui lui ont donné l’assurance que j’avais seulement promis que le nombre des officiers-généraux ne serait pas augmenté ; et conformément à cet engagement, je vous prie de remarquer que je n’ai pas augmenté ce nombre.
Un général de division a été mis à la retraite par suite du mauvais état de sa santé. Il y avait donc une vacature dans le nombre fixé des généraux de division ; j’ai proposé pour la remplir l’officier général qui m’a paru avoir le plus de droits à cette récompense.
Je dois ajouter que si l’on doit comparer le nombre actuel des généraux avec celui qui nous serait nécessaire en cas d’hostilités, il faut songer que nous avons une armée de 100,000 hommes, et que j’agis toujours dans l’hypothèse de la possibilité que les événements nous obligeraient à mettre notre armée en mesure d’entrer en campagne.
Pour une armée de 100,000 hommes, voici comme j’établis mes prévisions :
Cette force doit nécessairement être divisée en 8 ou 10 parties, c’est-à-dire en autant de divisions. Rendre les divisions numériquement plus fortes serait agir contre tout principe d’organisation, ce serait s’exposer à des conséquences dangereuses ; tout le monde conviendra que de la bonne organisation d’une armée dépendent les services qu’on doit en attendre, et s’écarter des règles établies, consacrées par l’expérience, par la force des choses, ce serait agir avec une imprudence coupable. Aussi, messieurs, si notre armée était appelée à entrer en campagne, je me hâterais d’envoyer aux postes que je leur ai d’avance assignés des officiers-généraux qui aujourd’hui remplissent d’autres fonctions.
On s’est plaint aussi que les généraux ont eu déjà un trop grand avancement, et que des grades inférieurs peuvent remplir ces emplois ; à cette première observation je répondrai que je ne regarde pas si tel officier a passé par tous les grades, a séjourné un certain nombre d’années dans chaque grade avant d’avoir atteint celui d’officier-général ; je m’attache à reconnaître s’il est capable de remplir ses fonctions et s’il a mérité une récompense du gouvernement ; je le dis avec plaisir et conviction : notre armée compte des généraux distingués à qui il n’a manqué que l’occasion de déployer leur mérite.
Je regrette pour eux que l’armée n’ait pu prendre une part plus active dans les événements qui ont fixé les destinées de la Belgique. Pas de doute, messieurs, que plusieurs de ces officiers se seraient fait remarquer, que la Belgique aurait ses illustrations militaires comme nous les offrent les puissances qui ont eu plusieurs années de guerre active à soutenir. Loin donc de les accuser d’une ambition démesurée, de prétentions exagérées, je dois rendre un témoignage sincère à leur mérite, à leurs services, et à la noble abnégation dont ils ont donné des preuves en toute circonstance.
M. Jadot. - J’ai été interrompu tout à l’heure par un honorable collègue, qui a prétendu que les officiers portés au budget de 1832 étaient tous officiers d’état-major et que parmi eux, il n’y avait pas d’officiers aides-de-camp. M. le ministre de la guerre, qui fait flèche de tout bois, a confirmé cette observation. Néanmoins le budget de 1832 me prouve que j’avais raison. J’y trouve : 9 capitaines de première classe aides-de-camp ; 10 lieutenants aides-de-camp ; 10 sous-lieutenants aides-de-camp. Ainsi en votant la première partie de l’article « Etat-major général, » jusqu’au supplément de solde dont je demande le retranchement, il y a toujours des aides-de-camp. Le chiffre que je propose ne détruit rien ; les officiers subsidiairement employés comme aides-de-camp, retourneront à leur régiment, et y rentreront avec leur grade.
M. Desmaisières. - J’ai été fort surpris, je l’avoue, de voir un ministre d’Etat et après lui M. le ministre des finances, parler des grands inconvénients du libellé de mon amendement, lorsque j’avais entendu M. le ministre de la guerre déclarer formellement qu’il ne s’opposait à mon amendement que parce qu’il se croyait lié par le tableau annexé au budget. Mais si le ministre est lié par ce tableau, il ne le sera pas davantage par mon amendement ; car mon amendement n’est que la reproduction du tableau.
Quant à la réduction, j’ai l’honneur de faire remarquer à la chambre qu’elle ne porte que sur les frais de représentation du gouverneur de Bruxelles. Je n’ai pas entendu combattre cette proposition. J’ai entendu qu’on s’opposait à son adoption ; mais on n’a donné aucune raison pour en déterminer le rejet.
J’ai fait connaître hier que si je demandais la suppression des frais de représentation, c’était parce que je ne croyais pas qu’il y eût aucune raison d’en accorder à un officier-général qui remplit des fonctions purement sédentaires. Car je suis bien aise d’avoir aussi l’occasion de vous rappeler que je ne me suis jamais opposé d’une manière absolue aux frais de représentation ; mais j’ai toujours soutenu (et j’ai toujours voté dans ce sens) qu’il ne fallait pas accorder des frais de représentation aux officiers généraux qui n’auraient pas à en faire. J’ai reconnu qu’il y avait des positions où cela était nécessaire ; en campagne, par exemple.
Maintenant, comme M. le ministre de la guerre nous a fait connaître qu’il a alloué les frais de représentation aux inspecteurs généraux sur les dépenses imprévues ; comme ce crédit ne sera pas immédiatement discuté, je prierai M. le ministre de vouloir bien, s’il n’y trouve pas d’inconvénient, faire imprimer la liste des sommes qu’il a dépensées de ce chef sur l’article des dépenses imprévues, afin de mieux éclairer notre opinion sur le chiffre qu’il demande aujourd’hui.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Dans la séance d’hier, j’ai dit par erreur que la somme de 1,500 fr. accordée aux inspecteurs généraux pour frais de représentation avait été prélevée sur le crédit des dépenses imprévues. Je me suis assuré que ces dépenses avaient été payées sur les fonds de chaque arme spéciale. Ainsi les inspecteurs généraux de la cavalerie ont été payés sur les fonds de la cavalerie, attendu que c’était une dépense qui incombait à l’arme. Je rectifie donc en cela la déclaration que j’ai faite dans la séance d’hier.
Je ne demande pas mieux que de présenter l’état détaillé des dépenses faites pour frais de représentation des inspecteurs généraux. Cependant je crois qu’il serait inutile de l’imprimer. Il me semble qu’il suffirait que je le remisse à la section centrale pour vous en faire un rapport.
- L’amendement de M. Jadot est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
La proposition d’intitulé de l’article faite par M. Desmaisières est mise aux voix et adoptée.
Le chiffre de 644,464 fr. 50 c., proposé par la section centrale, est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Etat-major des places : fr. 241,349 15 c. »
- Adopté.
« Art. 3. Intendance militaire : fr. 144,246 40 c. »
- Adopté.
« Art. 4. Etat-major particulier de l’artillerie : fr. 228,471 25 c. »
- Adopté.
« Art. 5. Etat-major particulier du génie : fr. 263,224 25. C. »
- Adopté.
« Art. 1er. Solde de l’infanterie : fr. 10,795,126 78 c. »
M. le président. - La section centrale propose fr. 10,610,662 76 c.
M. le ministre s’est rallié à la proposition de la section centrale.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - En effet je me suis rallié à la proposition de la section centrale pour la solde de l’infanterie de la cavalerie, de l’artillerie et des troupes du génie, ainsi que la réduction sur la masse de pain et de casernement, par la raison qu’ayant l’intention de porter sur la frontière hollandaise et dans la province du Luxembourg, 3,000 hommes en cantonnement, j’ai dû demander 384,000 francs pour le surplus des 36 centimes de dépense par homme lorsque les soldats sont en cantonnement.
En effet, il faut donner à l’habitant qui loge le soldat 74 centimes. On affecte au paiement de ces 74 centimes, la retenue faite au soldat pour la masse de pain qui est de 21 centimes, une autre de 15 centimes pour le casernement, en enfin une dernière de 4 centimes, ce qui fait 38 centimes en tout. Restent 36 centimes à payer pour lesquels le crédit de 384,000 francs est demandé. Le reste de la somme à payer à l’habitant est représenté par les retenues faites sur les masses.
M. de Jaegher. - Au nombre des chevaux attribués à l’infanterie figurent, dans la sixième colonne du tableau qui nous occupe 244 chevaux de trait ; m’étant informé de leur répartition, j’ai appris que chaque bataillon en a quatre qui servent à l’attelage d’un fourgon, qu’il en est de même pour chaque état-major du régiment et officier-général commandant de brigade de division.
Si ces fourgons ne servent à rien pour ainsi dire en garnison, je comprends qu’au camp ou en campagne, ils seront de grande utilité ; au camp pour le transport des vivres ; en campagne spécialement pour celui des documents d’administration des camps ; tant que l’armée est sur pied de guerre, je ne proposerai aucune modification à cet égard. Mais le ministère alloue 600 francs pour entretien annuel par fourgon à 4 colliers, et 360 francs par fourgon à 2 colliers ; cette allocation me paraît considérable et devoir prêter à réduction, l’entretien annuel d’un fourgon qui ne fait guère de service ne pouvant, ce semble, jamais absorber une pareille somme. En outre, il est des généraux qui emploient à d’autres usages les chevaux destinés à ce service ; il en est dans le nombre des autres qui touchent ou au moins on touché en 1834, en argent, les fourrages que devaient manger ces chevaux qu’ils n’ont pas.
J’appelle sur ces points l’attention de M. le ministre de la guerre, parce que de la réunion de pareils faits particuliers, on tire nécessairement des conséquences générales peut favorables.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je dois donner quelques explications sur les observations qui viennent d’être faites par l’honorable préopinant. Il est vrai que depuis 1831 nous avons organisé un service de transport pour l’infanterie. Un fourgon a été accordé à chaque bataillon. J’ai laissé subsister cette organisation parce que je pars toujours de ce principe qu’il faut que l’armée soit prête à entrer en campagne en cas d’événements.
Du reste, j’ai tâché d’utiliser les chevaux attachés à ces fourgons autant que possible. Ils servent au transport des effets vieux des bataillons au dépôt pour recevoir en retour des effets neufs. Il est vrai que le fourgon à 4 chevaux accordés à un général de division et de 2 chevaux accordés à un général de brigade ne sont pas employés. Mais j’ai la certitude que ces chevaux existent et que les rations de fourrages ne sont pas délivrées inutilement comme on le prétend. L’on ne peut refuser un caisson à chaque officier-général.
M. de Jaegher. - J’ai oublié de demander une explication à M. le ministre.
Dans la discussion générale, j’ai dit qu’il y avait dans l’infanterie grande difficulté de tenir au complet le cadre des sous-officiers et celui des caporaux et que si le moment d’entrer en campagne arrivait, il y aurait impossibilité de compléter les cadres tant dans l’armée active que dans l’armée de réserve. J’en ai conclu que le système d’instruction établi dans les corps, que les écoles de bataillon et de régiment ne répondaient pas aux besoins, qu’il fallait que d’autres mesures fussent prises par le gouvernement. Cette observation que je fais est toute dans l’intérêt général de l’armée ; parce que si les cadres des sous-officiers, des caporaux étaient bien composés, bien tenus au complet, on pourrait renvoyer un plus grand nombre d’hommes en congé sans diminuer la force de l’armée. Je prie M. le ministre qui a contesté ces faits, de nous dire quel est le nombre d’hommes par régiment qui savent lire, écrire et compter. Il doit connaître l’état moral de l’armée et par conséquent être à même de nous donner ces renseignements qui sont très utiles.
Je demanderai en outre à M. le ministre de l'intérieur pourquoi il n’ordonne plus les revues qu’aux termes des règlement sur la milice, les commissaires de milice étaient tenus de faire de deux mois en deux mois. C’était un moyen de savoir au bout de l’année quel était le nombre des permissionnaires.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je prends la parole pour donner une explication sur les observations de l’honorable préopinant. D’après le relevé que j’au pu faire, le premier de ce mois, je me rappelle que le nombre total des sous-officiers de l’infanterie de ligne, car je ne me suis occupé ni de la cavalerie ni de l’artillerie où les sous-officiers ne manquent pas, parce que les sujets susceptibles d’avancement y sont plus nombreux que dans l’infanterie, je me rappelle, dis-je, que pour nos 12 régiments d’infanterie de ligne et nos trois régiments de chasseurs à pied, le nombre des sous-officiers, c’est-à-dire des sergents-majors, sergents et fourriers, est de 2,600 et que nous en avons 2,666, c’est-à-dire 66 de plus, qui sont au dépôt en attendant des vacatures, par le départ formel des sous-officiers qui demandent leur congé. Ainsi, pour les sous-officiers, nous nous trouvons en mesure ; pour les caporaux, il nous en faut 4 mille et nous n’en avons que 3,600 ; il nous en manque donc 400. J’ai invité les chefs de corps à donner toute l’impulsion nécessaire aux écoles régimentaires afin que pendant les mois d’hiver les jeunes gens qui servaient les cours se rendissent aptes à être nommés caporaux.
Les écoles régimentaires sont fréquentées, terme moyen par 90 à 80 soldats par régiment. Ainsi voilà une pépinière de mille jeunes gens qui se destinent à la carrière, puisqu’ils se rendent aux écoles et travaillent 8 à 10 heures par jour pour acquérir les connaissances qui leur manquent pour obtenir le grade de caporal. J’en conclus qu’au printemps prochain nous serons à même de compléter nos cadres de caporaux, tant dans l’armée de ligne que dans l’armée de réserve où ils sont, j’en conviens, loin encore d’avoir atteint le complet.
J’attends que la classe des miliciens de 1828 qui va être incorporée dans la réserve augmente le nombre des caporaux et sous-officiers de ces corps et j’espère que nous arriverons à avoir bientôt les deux tiers au moins du complet des cadres de nos neuf régiments de réserve.
M. le président. - Je vais mettre l’article aux voix.
M. de Jaegher. - J’ai fait une autre observation concernant les revues.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pourrai donner des explications sur ce point lors de la discussion du budget de l’intérieur. Quant à présent, je dirai que ces mesures ont été prises à la demande du département de la guerre et ont tenu aux circonstances actuelles.
- Le chiffre proposé par la section centrale pour la solde de l’infanterie est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Solde de la cavalerie. »
Le ministre avait demande fr. 3,644,039 67 c.
La section centrale propose d’allouer fr. 3,597,923 67 c. Réduction fr. 46,116.
M. le ministre se rallie à cette réduction.
- Le chiffre ainsi réduit est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Artillerie : fr. 2,836,510 23 c. »
La section centrale alloue ce crédit.
- Il est adopté.
« Art. 4. Génie. »
Le ministre avait demandé fr. 320,801 86 c.
La section centrale n’alloue que 315,699 56 c.
M. le ministre se rallie à ce chiffre.
- Il est adopté.
« Art. 5. Gendarmerie : fr. 1,455,238 23 c. »
La section centrale alloue ce crédit.
- Il est adopté.
« Art. 6. Ambulances : fr. 264,858 16 c. »
La section centrale alloue ce crédit.
- Il est adopté.
« Art. 1er. Masse de pain. »
Le ministre avait demandé fr. 2,024,368 32 c.
La section centrale propose de n’allouer que fr. 1,88l,428 32 c.
M. le ministre se rallie à ce chiffre.
- Il est adopté.
« Art. 2. Masse de fourrages. »
M. le ministre aurait demandé fr. 5,372,800 36 c.
La section centrale n’alloue que fr. 5,335,521 96 c.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je me rallie à la diminution proposée par la section centrale, par la raison qu’elle tombe sur le fourrage demandé pour 80 chevaux d’ambulance dont j’ai approuvé la réduction ; ayant admis le principe je dois aussi admettre les conséquence et par conséquent me rallier à la réduction proposée à cet égard.
M. Gendebien. - On a beaucoup parlé de rations de fourrage reçues par des officiers qui n’avaient pas de chevaux ; je trouve dans l’article du budget qui nous occupe qu’on légalise cet abus, à moins qu’on ne veuille m’expliquer la différence dans les indications portées dans les trois colonnes de la page 116 du budget, où je vois des rations de fourrage données en nature et des indemnités représentatives de fourrage. L’état-major général par exemple reçoit 17,934 journées de fourrage qui ne sont pas prises en nature mais en argent. Je demanderai une explication sur cet article et sur les articles qui suivent.
Je demanderai ensuite s’il ne conviendrait pas, alors qu’un sous-lieutenant, un lieutenant, un capitaine de cavalerie où de toute autre arme, n’ont qu’un cheval, on les prive des rations pour les autres chevaux, tandis qu’on la donne à d’autres officiers. Ne pourrait-on pas faire ce qui s’est fait en France dans la garde impériale et dans d’autres régiments, où, quand un officier n’avait pas le nombre de chevaux voulu, on ne lui donnait pas la ration pour les chevaux qu’il n’avait pas, on ne lui en donnait pas la valeur représentative, mais on la mettait dans la masse, afin qu’il pût acheter un cheval à la première remonte ou quand l’occasion s’en présentait, lorsque son pécule était suffisant.
Il ne faut pas se dissimuler que les sous-lieutenants, les lieutenants et mêmes les capitaines n’ont rien de plus qu’il ne faut pour vivre alors qu’on les accable de dépenses pour des uniformes qui sont fort brillants, je l’avoue, mais qui sont inutiles pour faire la guerre.
Puisque l’on traite si favorablement les officiers supérieurs, il faudrait songer un peu aux officiers subalternes et je crois que la mesure que je propose aurait pour eux un bon effet sans néanmoins grever le trésor.
En effet, si on adoptait la mesure que je propose, beaucoup d’officiers, au lieu de conserver des chevaux qui souvent leur deviennent inutiles après les exercices d’octobre, les vendraient, tandis qu’ils les conservent soit par affection, soit par caprice, par la raison qu’ils ont des rations et qu’ils n’ont pas d’intérêt à se défaire de leurs chevaux. Le trésor ne perdrait donc rien ou bien peu de chose en allouant en argent des rations qui sont consommées en pure perte pour l’officier comme pour le gouvernement, et l’officier gagnerait un bon cheval.
Je prie M. le ministre de la guerre d’examiner ma proposition.
Je suis persuadé qu’il y verra des avantages réels sans inconvénients pour l’administration et sans surcharge pour l’Etat.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Les diverses sommes appliquées aux rations se rapportent sur chacun des articles de l’état-major. L’état-major général a droit à 4,392 rations de fourrages qui lui sont payées en argent et non en naturel ; mais ce sont seulement les officiers qui sont sur le pied de paix que l’on rembourse ainsi. Par exemple, il y a quatre généraux de division qui sont en service actif ; un cinquième est chef d’une commission ; un sixième est inspecteur de dépôt d’infanterie ; ces deux derniers sont sur le pied de paix ; ils n’ont pas droit au nombre de chevaux qu’ils devraient avoir sur le pied de guerre, et ils reçoivent en argent les rations. L’armée active a seule droit d’avoir des fourrages en nature.
Toutefois la proposition de M. Gendebien pourrait être agréée ; elle remédierait à plusieurs inconvénients. Mais il y a peu de lieutenants et de capitaines dans le cas de recevoir en argent les rations de fourrages qui leur sont dévolues. Je ferai pourtant l’examen attentif de cette proposition ; et après l’avoir examinée, je verrai si elle peut être appliquée dans la cavalerie surtout : la solde des lieutenants et des sous-lieutenants, quoique forte, est à peine suffisante pour les dépenses qu’on exige d’eux ; et ceux qui ne reçoivent rien de leurs familles sont quelquefois dans un grand embarras par suite des dépenses obligées qu’ils ont faire.
Quand aux sous-officiers, j’ai pris une mesure à leur égard, c’est de leur donner un cheval de remonte, quand ils ont six années de service.
Tous les officiers, faisant partie de l’armée, ont droit aux fourrages en nature : on pourrait s’arranger avec le fournisseur, de façon à lui faire donner en argent les rations pour les chevaux qui manquent aux officiers ; ceci éviterait des abus ; on a souvent dit, en effet, que des officiers recevaient plusieurs rations alors qu’ils n’avaient de chevaux, malgré les injonctions formelles et réitérées que j’ai faites pour mettre fin à ces abus.
M. Gendebien. - Si j’ai bien compris le ministre de la guerre, il en résulterait que l’on payerait l’indemnité des rations aux officiers-généraux sans troupes ; mais à raison de quel nombre de journées ces rations sont-elles allouées ? Est-ce qu’un officier quelconque sans troupes reçoit en indemnité le même nombre des rations que celui qui a des troupes.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Non, il y a différence.
M. Gendebien. - Si les officiers sans troupes ne reçoivent jamais des rations en nature et en même temps des rations en argent, je n’ai plus rien à dire sur ce point. Il ne reste plus qu’à inviter M. le ministre de la guerre à faire droit à ma seconde observation.
M. Doignon. - Je prierai M. le ministre de la guerre de donner à la chambre des explications relativement aux prix des fourrages. Il paraît qu’il existe une différence notable entre le prix du dernier marché et les prix des marchés antérieurs, différence qui serait de quelques cents mille francs pour 1836.
L’état des prix des fourrages adjugés pour 1836 n’était pas joint au rapport et le document que m’a communiqué M. le rapporteur est insuffisant ; j’aurais voulu que M. le ministre fît connaître à la chambre les prix des adjudications précédentes, pour en faire la comparaison avec le prix de la dernière entreprise.
La dernière adjudication des fourrages a été faite en mai 1835 pour 18 mois, tandis qu’auparavant les fournitures avaient constamment été adjugées pour 6 mois seulement. Je demande pourquoi cette innovation ? Etait-ce pour donner à l’entrepreneur la faculté de faire beaucoup d’approvisionnements et d’obtenir, par ce moyen, des prix plus modérés ? Mais ce but n’aurait pas été atteint, puisqu’on a, au contraire, adjugé à un prix plus élevé que précédemment. Etait-ce parce que la récolte était mauvaise ? Alors c’était le cas, il me semble, de ne faire l’adjudication que pour le terme le plus court, c’est-à-dire, pour six mois, ainsi qu’on l’avait fait jusque-là.
A défaut de renseignements officiels, je vois dans une feuille (le Journal Militaire), le prix des adjudications faites en 1834, et voici, en comparant ces prix à ceux de la dernière adjudication, le tableau que j’en ai fait :
Les différences du dernier marché de dix-huit mois, comparé avec la moyenne des prix de 1834, donnent les résultats suivants :
(Note du webmaster : ce tableau comparatif n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
Ainsi, au total, la différence moyenne en plus, qu’en 1834, est pour chaque ration forte de 6 c. 90/100, et pour chaque ration légère de 4 c. 11/100.
Cette différence appliquée au nombre de 11,500 chevaux qui a été pris pour base du crédit demandé, donne, par jour, plus de 600 fr, et par conséquent, une augmentation de 250 mille francs environ, pour l’année, au profit des entrepreneurs.
Il me semble que l’adjudication ayant eu lieu pour 18 moi on devait s’attendre plutôt à une modération.
Puisqu’au contraire les adjudicataires voulaient une augmentation, pourquoi n’a-t-on pas limité le marché au terme des 6 mois comme on l’avait fait précédemment ?
Je voudrais à cet égard une explication de M. le ministre de la guerre.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je profiterai de l’interpellation qui m’est adressée pour vous faire connaître les principes qui me dirigent dans les diverses adjudications que je suis forcé de passer.
Il était d’usage en Belgique, comme dans les Pays-Bas, de passer le marché des fourrages dans le mois de novembre pour l’année suivante ; mais au mois de novembre 1832 l’armée française allait venir dans le pays ; comme il devait en résulter une augmentation dans le prix des fourrages, puisqu’elle avait une cavalerie non active de 8 à 10 chevaux, j’ai pris sur moi de ne faire le marché que pour les 6 premiers mois de 1833, et ces 6 mois expirés, je fis un autre marché pour les 6 autres de l’année.
A la fin de 1833, une partie des denrées étant assez élevées, je ne fis encore qu’un marché de 6 mois. Mais en 1835 voyant les fourrages à un bon prix, je revins à l’usage établi, et je fis un marché pour 18 mois, pour rester dans l’usage voulu d’adjuger la fourniture des fourrages au mois de novembre de chaque année, pour l’année suivante.
Je ne prétends nullement contester l’exactitude de la comparaison établie par l’honorable préopinant entre les années 1834 et 1835. Mais je crois que s’il eût remonté plus loin par exemple aux années 1832 et 1833, il eût trouvé des prix plus élevés ; c’est que le prix de ces denrées dépend de la récolte et de la richesse de la saison. Je ne crois pas qu’il soit possible de déduire de la comparaison des prix des résultats qui puissent donner les motifs de ce prix, qu’en les basant sur le cours de ces denrées d’après l’état des récoltes.
Au reste, l’adjudication est publique. Tous les soumissionnaires font connaître leur prix ; et l’adjudication est accordée à celui qui propose le prix le moins élevé, quand je crois ce prix acceptable. Ici je l’ai jugé tel et j’ai donné l’adjudication à ceux qui font maintenant le service.
- L’article 2 « Masse de fourrages » est adopté avec le chiffre fr. 5,372,800 36 c.
M. le président. - La chambre passe à la discussion de l’article 3 : « Masse habillement et d’entretien : fr. 3,52,001 14 c. » Ce chiffre est admis par la section centrale.
M. de Jaegher. - Dans cette discussion, j’ai adressé franchement diverses observations critiques à M. le ministre de la guerre, je puis donc franchement aussi lui adresser des félicitations sur les améliorations qu’il a introduites dans l’habillement du soldat.
J’ai visité quelques magasins de dépôt, et j’ai trouvé que les fournitures s’étaient beaucoup améliorées et étaient maintenant très bonnes. Les objets fournis par les prisons sont en général de beaucoup supérieurs en qualité à ceux fournis par les particuliers. (Il est des corps où les fournisseurs trouvent beaucoup plus facilement que dans d’autres à faire accepter leurs livraisons, je n’accuse personne, mais il est de fait que des abus se commettent encore dans l’acceptation par certains corps, de toiles inférieures aux modèles et qu’une surveillance sévère doit être exercée à cet égard par les inspecteurs généraux.)
Un tort du ministre est d’avoir envoyé aux corps pour quelques objets de toile, entre autres des modèles confectionnés dans les prisons. Les étoffes qui s’y fabriquent sont en général d’une qualité supérieure à celles des mêmes numéros, fabriqués pour le commun par des particuliers, et ne se trouvent pas sur les marchés. Il y a donc impossibilité que les entrepreneurs s’y conforment ; de là, dit-on, la nécessité pour l’administration des corps d’accepter celle qui ne font qu’en approcher ; de là aussi l’impossibilité de leur en faire un reproche.
(La déviation aussi forcément tolérée, il n’y a plus de bornes, puisqu’il n’y a plus de point de comparaison rigoureux.)
J’appelle sur ce point l’attention de M. le ministre, parce qu’en invoquant sa sévérité sur ceux qui se rendront coupables de spéculations illicites, je veux qu’elle soit basée sur la justice.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je reçois avec plaisir les félicitations de l’honorable représentant et si effectivement les effets sont meilleurs, je dois ajouter que je les obtiens à bien moindre prix. Il y a donc double bénéfice.
Quand je suis arrivé au ministère, je me suis fait présenter les prix des effets fournis par les prisons. Je vis que l’on pouvait faire une grande réduction sur le prix des matières et de la main-d’œuvre. J’ai obtenu ainsi une forte économie. Vous avez pu remarquer dans le rapport de M. le ministre de la justice que cette réduction du prix de la main-d’œuvre a donné lieu à une espèce de plainte dans les prisons. Je l’ai réduite d’un tiers, et pour certains objets de la moitié depuis 1831. Or, cette économie est énorme, car si vous remarquez qu’il s’agit de 3 millions et demi, des dépenses annuelles pour ces effets, l’économie obtenue, ne fût-elle que de 25 p, c. forme une assez bonne somme que j’ai économisée à l’Etat.
Si maintenant les corps ne reçoivent que de bons effets, je puis dire que ce n’est pas sans avoir des grandes difficultés à vaincre, et sans qu’on n’ait été obligé de jeter un grand nombre d’effets qui avaient été fournis aux corps de l’armée.
Les prisons ne pouvant pas suffire à la fabrication de tous les effets nécessaires aux corps, j’ai autorisé ceux-ci à passer des marchés particuliers, pont le complément des effets qui leur étaient nécessaires, J’ai à cet effet adopté pour modèles les objets fournis par les prisons, afin que les entrepreneurs s’y conforment autant que possible.
Quant à la masse d’habillement, il eut été à désirer qu’on suivit les précédents qui furent établis dans les budgets de 1832 et 1833, ainsi que l’a rappelé l’honorable M. Brabant, qui en a été le rapporteur.
Cette marche avait été adoptée que l’on savait ce que les corps redevaient à l’Etat, et quelle somme ils auraient à lui verser provenant des retenues. Ainsi en 1832 la section centrale proposa de réduire d’un cinquième les fonds de masse d’habillement. En 1833 il fut voté une réduction de 6 dixièmes : en 1835 la section centrale vous a proposé d’accorder la totalité des fonds, mais en faisant verser au trésor le montant des retenues.
Je donne à la chambre cette nouvelle explication sur les versements faits par les corps, parce que l’occasion s’en est ici présentée et que je tiens à lui faire connaître que tout a été régulier dans la marche que j’ai suivie.
- L’article 3 est adopté.
La séance est levée à 4 heures et demie.