(Moniteur belge n°340, du 6 décembre 1835 et Moniteur belge n°341 du 7 décembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n°340 du 6 décembre 1835) M. Verdussen fait l’appel nominal à une heure.
M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen fait connaître les pièces adressées à la chambre.
« Des distillateurs de Genappe et de Bruxelles adressent des observations contre les modifications à la loi des distilleries, proposées dans le projet de loi relatif aux voies et moyens pour 1836. »
« Les médecins, notaires, marchands de grains et cultivateurs d’une partie du contrôle de Waremme (Liége), demandent que les chevaux à l’usage de leur industrie ou de leur profession ne soient pas considérés comme chevaux de luxe. »
M. Milcamps. - Parmi les pétitions dont il vient d’être donné l’analyse, il en est une qui contient des observations contre le projet de loi du budget des voies et moyens, en ce qu’il apporterait des modifications à la loi sur les distilleries. Je demande que la chambre ordonne qu’il soit donné lecture de cette pétition et qu’elle soit insérée au Moniteur, vu que demain les sections s’occupent du budget des voies et moyens. Cette demande est sans préjudice du renvoi de la pétition à la commission des pétitions, ou à la section centrale du budget des voies et moyens, comme la chambre le jugera convenable.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande que la pétition qui contient une réclamation au sujet des chevaux employés par les médecins, les marchands de grains, etc., et qui a également rapport au budget des voies et moyens, soit inséré au Moniteur et renvoyée à la section centrale du budget des voies et moyens. J’ai entendu que M. le ministre avait l’intention de proposer des modifications à la loi ; mais la pétition pourra donner quelques éclaircissements ; sous ce rapport l’insertion au Moniteur et le renvoi à la section centrale peuvent être utiles.
- Les propositions de MM. Milcamps et Eloy de Burdinne sont accueillies ; en conséquence la chambre ordonne qu’il soit donné lecture de la pétition des distillateurs de Genappe et de Bruxelles, et que cette pétition et celle de plusieurs habitants d’une partie du contrôle de Waremme (Liége) soient insérées au Moniteur.
Cette dernière pétition est renvoyée à la section centrale du budget des voies et moyens ; les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. Verdussen, secrétaire, donne lecture de la pétition des distillateurs de Genappe et de Bruxelles, qui est ainsi conçue : (Le Moniteur donne ensuite le texte de cette pétition, lequel n’est pas repris dans la présente version numérisée. Il en est de même de la pétition des habitants de Waremme relative à la taxe sur les chevaux, également reprise dans le même Moniteur.)
M. le président. - La discussion continue sur la nouvelle rédaction de l’article 7 proposée par M. le ministre des finances ; elle est ainsi conclue :
« Art. 7. Toute pièce de bétail trouvés par les employés dans les étables, pâturages, ou dans quelque lieu que ce soit du territoire compris dans le rayon prémentionné, et dont l’existence légale n’y serait pas dûment justifiée, seront saisis et confisqués, sans préjudice des autres pénalités prononcées par la loi générale contre la fraude dont cette contravention à la présente loi pourrait être accompagnée.
« La justification de l’existence légale dans le rayon des douanes prémentionné, quant aux bestiaux trouvés dans les pâturages, ou en circulation hors du territoire de la commune où ils sont déclarés, devra se faire conformément aux dispositions des articles 3 et 6, ou par exhibition d’acquits à caution.
« Celle des bestiaux trouvés dans les étables ou en circulation dans la commune même où ils sont déclarés, s’établira par la confrontation des indications portées à l’inventaire ci-dessus mentionné et par l’identité du bétail. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La chambre a paru désirer, vers la fin de la séance d’hier, connaître quelles dispositions pénales sont portées par la loi générale de 1822. Ces dispositions pénales se trouvent à l’article 205 de la loi. Je vais avoir l’honneur d’en donner lecture à la chambre :
« Art. 205. Tout capitaine ou second d’un bâtiment de mer, tout patron ou batelier d’un navire quelconque, comme aussi tout voiturier, conducteur, porteur ou autre individu qui, à l’entrée ou à la sortie du royaume, tenterait d’éviter de faire au premier bureau où cela devrait avoir lieu la déclaration, ou du chargement ou de la charge dont il serait conducteur ou porteur, et tenterait ainsi d’importer, d’exporter, ou de faire passer en transit, frauduleusement, les objets qui composeraient lesdits chargement ou charge, sera puni d’un emprisonnement d’un mois au moins et d’un an au plus. »
Voilà maintenant la disposition qui a paru exorbitante aux honorables membres qui ont exprimé le désir de revoir l’article dont je parle :
« En cas de récidive, la fraude ou le fait cité au premier paragraphe de cet article sera considéré comme crime, et le coupable sera puni de la peine de l’exposition sur l’échafaud avec un emprisonnement de 1 à 5 ans.
« Et seront, dans l’un et l’autre cas, les cargaisons, etc. »
Vient ensuite la saisie des objets fraudés.
Vous voyez que, comme l’ont dit d’honorables membres, les peines comminées par la loi générale sont très fortes, puisque pour la récidive de l’importation ou de l’exportation en fraude, elles vont jusqu’à l’exposition sur l’échafaud et un emprisonnement d’un à cinq ans.
Mais, d’après les renseignements que j’ai recueillis, il n’est pas à la connaissance de l’administration des douanes que l’on ait appliqué une seule fois la peine comminée pour le cas de la récidive par l’article 205 ; ce cas doit être en effet très rare, car il ne suffit pas qu’il y ait accusation de récidive, il faut qu’il y ait récidive de jugements, qu’il y ait une première et une seconde condamnation.
Il est d’autres délits : ceux de refus d’exercice et de révolte contre les employés, qui ne sont pas punis en vertu de la loi générale, mais en vertu du code pénal. (Dénégations de la part de quelques membres.)
Puisqu’on pense que ces délits ne sont pas punis par le code pénal, je vais indiquer les articles de la loi générale qui se réfèrent au code.
L’article 323 qui prévoit le cas d’injure est ainsi conçu :
« Art. 323. Quiconque se permettrait d’attaquer les employés, de se porter à des violences ou voies de fait envers eux, de leur résister, de les outrager, ou de les menacer, par paroles ou gestes, lorsqu’ils sont dans l’exercice de leurs fonctions, ou se permettrait à cause de cet exercice de porter atteinte ou dommage à leurs propriétés, sera poursuivi et puni sévèrement conformément aux lois pénales. »
Vous voyez que pour ce délit et tous ceux de l’espèce la loi de 1822 renvoie aux lois pénales.
Quant aux empêchements d’exercice, c’est l’article 324 de la loi générale qui prévoit ce cas ; il porte :
« Art. 324. Le refus concernant la visite, la vérification ou l’exhibition des documents, ainsi que tous autres empêchements apportés à l’exécution des fonctions que les employés exercent en vertu de la loi, seront indépendamment des peines prononcées contre les voies de fait et les injures, punis d’une amende qui ne pourra être moindre de 50 florins ni excéder 300 florins. »
Vous voyez donc que, quant aux peines corporelles, il n’y a qu’un seul cas où elles sont déterminées dans la loi générale, celui de la récidive de frauduleuses importations ou exportations.
Ainsi que je l’ai dit hier, le juge a la faculté dans différents cas d’atténuer la peine et de la réduire en vertu d’un arrêté qui reçoit fréquemment son application.
Quoi qu’il en soit, je ne sais si c’est l’occasion d’établir, pour le cas de fraude dont nous occupons, des pénalités différentes de celles pour les fraudes analogues prévues dans la loi générale.
Cependant, si la chambre reculait devant l’admission de la peine afflictive comminée pour le cas de la récidive de fraude, je ne verrais pas d’inconvénient à introduire dans l’article une modification destinée à satisfaire les membres qui croient trop rigide la disposition de la loi générale.
Voici comment je rédigerais le premier paragraphe de l’article :
« Toute pièce de bétail trouvée par les employés dans les étables, pâturages, ou dans quelque lieu que ce soit du territoire compris dans le rayon prémentionné, et dont l’existence légale n’y serait pas dûment justifiée, sera saisie et confisquée, sans préjudice des pénalités autres que les peines afflictives prononcées par la loi générale contre la fraude, dont cette contravention à la présente loi pourrait être accompagnée. »
De cette manière la peine la plus forte comminée par l’article 205 de la loi générale ne serait plus applicable.
Hier, à la sortie de la séance, j’ai entendu un honorable représentant émettre un doute sur la possibilité de porter dans la loi que les animaux saisis seraient confisqués, parce que, disait ce représentant, l’article 12 de la constitution dispose que la confiscation des biens est abolie. Je vais au-devant de l’objection qui pourrait être faite sur ce point dans cette séance, et je dis que la défense de la confiscation des biens ne peut s’appliquer au cas dont il s’agit. Il y a déjà eu dans d’autres occasions des explications à cet égard dans la chambre, et l’on est resté d’accord que la confiscation des biens n’était pas du tout la confiscation d’objets saisis en fraude ; ici, en effet, ce ne sont pas des biens, ce sont les instruments, les objets de la fraude ; il en est d’un boeuf saisi à l’entrée, en fraude, comme de la confiscation de poids et mesures qui ne sont pas exacts, qui ne sont pas conformes à la loi décimale.
Je pense donc que le mot « confisqué » doit être maintenu, avec d’autant plus de raison que d’après la loi générale la confiscation remplace l’amende, c’est-à-dire que l’amende c’est la confiscation. Si donc on supprimait la confiscation, il faudrait la remplacer par une amende.
Voilà les observations que j’avais à présenter sur l’opposition que l’article 7 a rencontrée dans la séance d’hier.
M. Pollénus. - Lorsque j’ai pris hier la parole pour appuyer l’observation de l’honorable M. Demonceau, quant à la pénalité prononcée par la loi générale de 1822, en matière de fraude, je l’ai fait parce qu’il m’a semblé nécessaire de profiter de toutes les occasions pour s’efforcer de faire disparaître de cette loi les pénalités trop sévères qu’elle contient.
Ce que vient de dire M. le ministre des finances me confirme dans l’opinion que j’ai exprimée hier. Il n’existe pas d’exemple, dit-il, que la disposition de l’article 205 relative à la peine du carcan ait été appliquée. C’est précisément parce qu’il n’existe pas d’exemple que la loi ait été appliquée qu’il est urgent de la modifier. Car si la loi n’a pas été appliquée, c’est parce que le juge, en présence d’un fait peu grave, et d’une disposition de loi qui lui prescrit l’application d’une peine exorbitante, et hors de proportion avec le fait, prononce toujours la non-culpabilité du prévenu.
C’est donc par un vif désir de voir réprimer la fraude et non dans l’intérêt des fraudeurs que je demande que l’on fasse disparaître de la loi de 1822 la disposition que j’ai eu l’honneur d’indiquer.
Les observations de M. le ministre des finances viennent à l’appui de cette proposition. Le juge, dit M. le ministre des finances, a le pouvoir de réduire la peine. Je le crois à cet égard dans l’erreur. Il est différents cas où des arrêtés et des lois ont autorisé le juge à modifier l’application de la peine. Mais je ne pense pas que ces arrêtés ou ces lois aient permis de modifier la peine du carcan.
M. le ministre a pressenti que la chambre n’était pas disposée à maintenir pour la récidive la pénalité exigée par la loi de 1822. Mais je crois qu’il ne convient pas que la chambre se borne à la simple modification que propose M. le ministre des finances, parce que cette modification ne s’applique qu’au cas de la récidive. Je pense qu’il faut que la loi soit aussi raisonnable que possible. Puisque M. le ministre des finances reconnaît qu’il y a urgence et nécessité de ne pas appliquer la peine du carcan, m’emparant des considérations qu’il a présentées, je fais la proposition suivante :
« L’article 205 de la loi générale du 26 août 1822, en tant qu’il prononce, la peine du carcan, est abrogé. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Evidemment la proposition de l’honorable M. Pollénus n’est pas dans la question. Il voudrait modifier une loi dont nous ne nous occupons pas, revenir sur une législation pénale qui a un ensemble auquel il serait dangereux de toucher isolément, car cet article 205 est combiné avec peut-être 200 autres articles. M. Pollénus propose de modifier d’un trait de plume tout ce qui concerne les pénalités de la loi générale. La chambre ne pourrait se lancer dans un tel système, sans les plus grands dangers.
Je conçois qu’en se référant à la loi générale pour un cas spécial, on puisse ne pas appliquer à ce cas la rigueur de la loi générale. Toutefois, dans mon opinion, cette application n’est pas à redouter, et sur ce point l’honorable préopinant ne m’a pas compris ; je n’ai parlé, à cet égard, ni de nécessité, ni d’urgence. Je n’ai pas dit qu’il fût nécessaire de modifier la loi puisque j’ai déclaré que la récidive n’avait jamais été prononcée pour le cas d’importation frauduleuse. J’ai dit que si la chambre avait trop de répugnance à maintenir l’applicabilité de la peine afflictive comminée par l’article 205, je ne voyais pas d’inconvénient à nous écarter, pour le cas spécial dont nous nous occupons, des dispositions rigoureuses de la loi de 1822.
La chambre voudra donc bien remarquer qu’il y a une grande différence entre la proposition de M. Pollénus et la mienne, et je persiste à croire qu’on ne peut sans le plus grand danger abroger, par une disposition spéciale et improvisée, un article qui se combine avec les nombreuses dispositions d’une loi telle que la loi générale, qui comprend plus de 300 articles. Ce serait s’exposer à bouleverser toute l’économie d’une loi de la plus haute importance.
On dit que cette disposition de la loi est trop sévère. Soyez assurés néanmoins que cette disposition comminatoire est utile et qu’elle fait plus d’effet sur les fraudeurs que la peine de l’emprisonnement de trois mois à un an. Les fraudeurs ne sont pas toujours corrigés par l’emprisonnement simple, et il arrive souvent qu’après l’avoir subi, ils se mettent à recommencer leur métier ; tandis que la menace d’une peine comme celle indiquée dans l’article 205 les effraie, et ils reculent devant la possibilité de son application ; cela est si vrai, que l’on ne se rappelle pas que cette peine ait été infligée depuis que la loi de 1822 est en vigueur, et cependant l’on ne saurait admettre que les juges auraient toujours reculé devant son application, si le cas de le faire fréquemment se fût présenté.
M. Demonceau. - Lorsque j’ai eu l’honneur de soumettre hier à la chambre quelques observations, c’était plutôt pour saisir une occasion de manifester mon opinion sur la loi générale, que pour demander l’abrogation d’une de ses dispositions.
Je pense avec M. le ministre des finances qu’il ne faut pas abroger une de ses dispositions ; mais je pense aussi qu’il ne faut pas se référer à la loi générale, qu’il faut laisser les choses telles qu’elles sont sans en faire mention dans la loi, parce que la loi générale faisant partie du système douanier pourra être appliquée dans les cas que M. le ministre n’indique pas. Je crois qu’il faut laisser les choses dans le doute ; on se reportera à la loi générale si on veut.
M. Pollénus. - Si M. le ministre des finances consent à ne pas faire mention dans la loi de la loi générale de 1822, je ne demande pas mieux que de retirer mon amendement.
Mais M. le ministre prétend qu’on ne peut pas adopter mon amendement, parce qu’il détruit le système de pénalité de la loi de 1822. Il n’en est rien ; car la disposition dont je demande l’abrogation, ruine toute espèce de système pénal. Comment, un fait qui, d’après la législation de 1822, n’est passible que d’une peine correctionnelle, un simple délit, devient crime lorsqu’il y a récidive ! Voyez dans le code pénal de 1810 s’il contient une pareille disposition. Vous n’en trouverez aucune. Ainsi, la supprimer dans la loi de 1822, ce n’est pas détruire l’économie de cette loi, c’est en rétablir l’économie.
Toutefois si, comme le demande l’honorable M. Demonceau, M. le ministre consent à ne pas se référer à la loi générale de 1822, je retire mon amendement, parce que le seul motif qui m’a porté à le proposer c’est que je ne veux pas donner mon vote approbatif à une disposition consacrant le maintien de cette loi. M. le ministre peut consentir à cette suppression, puisque la loi de 1822 subsiste jusqu’à ce que son abrogation soit prononcée, ou jusqu’à ce qu’il soit adopté des dispositions de loi qui entraînent son abrogation.
M. Jullien. - Hier, à la fin de la séance, M. le ministre des finances a dit qu’il n’y avait aucun inconvénient à se référer à la loi générale de 1822, qui après tout est tolérable, puisqu’on la souffre.
Pour mon compte, je proteste contre cette assertion ; car déjà il a été question dans cette enceinte de la loi générale de 1822. Il ne s’est pas passé une discussion générale du budget des finances sans que l’on ait soutenu que cette loi est une désolation pour le pays, qui sous l’ancien gouvernement elle a contribué à la ruine d’une multitude de malheureux, traînés en justice pour des procès-verbaux que la mauvaise foi et la cupidité avaient seules dictés. Ainsi ce serait un véritable bienfait pour le pays que de s’occuper de changer cette loi, et de substituer à ses dispositions essentiellement fiscales une loi raisonnable.
On vient toujours se récrier contre la fraude ; on appelle la sévérité de la loi et de la législature contre les fraudeurs.
Mais, messieurs, faites attention que la fraude n’est ni un crime ni un délit. C’est une contravention. Le fraudeur doit être pris par l’argent, par l’amende. Mais la fraude, à moins qu’elle ne soit accompagnée de circonstances criminelles, n’a jamais été considérée autrement que comme une contravention. Je me suis même laissé dire qu’il y a des casuistes qui pensent que ce n’est pas un péché, parce que cela se rachetait par l’argent. (Hilarité.) Je répète ce que l’on m’a dit. (Nouvelle hilarité.) Ainsi, il est nécessaire de changer les pénalités de la loi de 1822.
Mais est-ce à l’occasion de la loi actuelle que vous devez modifier l’article 205 de cette loi ? Je suis, à cet égard, de l’avis de M. le ministre des finances que ce n’est pas à l’occasion d’une loi transitoire qu’il faut déclarer l’abrogation de tel article d’une loi générale. Vous devez désirer examiner cette loi avant d’y toucher, parce que vous pourriez, faute d’examen, en attaquer le principe.
Je pense comme l’honorable M. Pollénus que si l’on s’en réfère dans le projet actuel à la loi générale des fraudeurs, il est utile d’en excepter la peine du carcan. C’est une modification qui pourrait être introduite dans la loi. Je ne sais pas si j’ai bien compris M. le ministre des finances, mais il paraissait disposé à se rallier à cette opinion.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai émis l’opinion qu’il ne fallait pas s’effrayer des pénalités de la loi générale. Si la chambre craint l’application de ces peines, je ne verrais pas d’inconvénient à adopter un amendement rédigé de la manière suivante :
« … Sans préjudice des pénalités autres que les peines afflictives prononcées par la loi générale contre la fraude. »
M. Pollénus. - Je déclare me rallier à l’amendement de M. le ministre.
M. Bosquet. - Le code pénal divise les peines criminelles en peines afflictives et infamantes et en peines infamantes. Le carcan est compris dans les peines infamantes qui ne sont pas à la fois afflictives. Si j’ai bien compris la discussion, tout le monde paraît d’accord sur ce point que la peine du carcan ne doit pas être appliquée aux fraudeurs dans le cas de récidive ; c’est donc une peine infamante que l’on veut faire disparaître de la loi. Il y aurait donc lieu de remplacer le mot « afflictives » par celui d’ « infamantes » dans l’amendement de M. le ministre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ferai d’abord observer que dans cet article il ne s’agit que de la fraude. Si elle est accompagnée d’un délit, s’il y a eu rébellion, empêchement d’exercice, etc., les fraudeurs seront punis conformément au code pénal. Comme je me suis borné à indiquer l’amendement plutôt que de le proposer, je n’en ai pas approfondi la rédaction. Je m’aperçois que c’est à tort que j’avais indiqué le mot « afflictif. » Il n’y a qu’une peine infamante d’après l’article 205 de la loi citée. Cet article est ainsi conçu :
« En cas de récidive, la fraude ou le fait cité dans le premier paragraphe de cet article sera considéré comme crime, et le coupable sera puni de la peine de l’exposition sur l’échafaud et d’un emprisonnement de un an à cinq ans. »
Je pense donc qu’au lieu de dire : « autres que les peines afflictives, » il vaut mieux dire « infamantes, » comme l’a proposé l’honorable M. Bosquet.
- L’amendement présenté par M. le ministre, et ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
L’ensemble de l’article 7 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - M. Andries a présenté le paragraphe additionnel suivant à l’article 7 :
« Dans la quinzaine, après que la saisie aura été déclarée valable, ou que la transaction aura été conclue, la totalité du produit de la saisie sera versée entre les mains de celui ou de ceux qui auront fait la saisie. »
M. Andries. - Déjà plusieurs fois des réclamations se sont élevées dans cette enceinte et au sénat sur la distribution régulière du produit des saisies. Rien de plus juste que ces réclamations. Il est singulier que des personnes qui n’ont rien fait viennent prendre part aux produits du travail d’autrui. Jusqu’à présent on n’a proposé pour empêcher la fraude que des moyens de rigueur, les moyens d’encouragement me paraissent devoir être plus efficaces,
Le douanier qui veille du matin au soir, qui endure des fatigues de toute espèce, est très peu récompensé. Il reçoit la part que la loi lui assigne, après un long espace de temps. Je voudrais qu’il pût toucher sa quote-part dans le produit de la saisie presque immédiatement après l’avoir faite. Une faible somme de 5 à 10 fr. fait plus d’effet sur l’employé, s’il la reçoit dans la quinzaine qui suit la saisie, que s’il en touche le montant quelques mois après.
Je n’aime pas les innovations brusques et encore moins les innovations générales. Mais le moyen d’encouragement que je propose sera si efficace pour la répression de la fraude que je n’ai pas cru devoir m’arrêter devant la crainte d’innover.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’amendement de M. Andries tend à attribuer aux employés de la douane la totalité du produit des saisies, et cela dans la quinzaine qui suivra chaque saisie ou transaction.
L’honorable M. Andries, pour appuyer son amendement, parle de la singulière répartition qui se fait aujourd’hui des saisies. Je vais donner lecture à la chambre de la disposition qui répartit le produit des saisies. Elle verra que les employés saisissants ont, dans ce produit, une part aussi large qu’il a été possible de la leur faire.
Voici comment se répartit le produit des saisies :
« 25 pour cent à la caisse de retraite. »
C’est un fonds commun versé par tous les employés pour améliorer leur position quand ils se retirent du service, ou pour laisser à leurs veuves ou à leurs orphelins une pension que ceux-ci n’auraient pas eue, si les employés ne s’étaient imposé des privations pendant leur temps d’activité de service.
«10 pour cent à un fonds général de réserve destiné à récompenser les employés qui se sont distingués par leur zèle. »
Il est nécessaire qu’un fonds de réserve soit affecté à cet usage. Il est des employés très zélés qui, par cela même qu’ils font scrupuleusement leur devoir, n’opèrent pas de saisies, parce que les fraudeurs n’osent pas se montrer sur la frontière qu’ils surveillent. Il est nécessaire de les récompenser de leur zèle afin qu’ils ne se trouvent pas dans une condition plus défavorable que leurs collègues, à cause de leur vigilance.
« 5 p. c. à l’inspecteur en chef. »
C’est un employé actif du service qui le dirige. Il est utile d’encourager son zèle, Du reste il ne lui est accordé que 5 p. c.
« 8 p. c. aux contrôleurs. »
Les contrôleurs font le service le plus actif. Ils sont pour ainsi dire la cheville ouvrière de l’administration des douanes puisque ce sont eux qui combinent le service de manière que les brigades soient surveillées l’une par l’autre sans qu’elles s’en doutent.
« 2 p. c. au receveur des fonds de consignation. »
C’est le prix du travail qu’exige cette comptabilité.
Enfin « 50 p. c. aux employés saisissants. »
Vous voyez que leur part est suffisante.
Il ne serait pas prudent, à l’occasion d’une loi spéciale, de stimuler sans raison le zèle des employés.
Et ici je ferai remarquer qu’il y a une certaine contradiction dans les opinions de l’honorable auteur de l’amendement. D’un côté, il craint les vexations auxquelles les employés pourraient se livrer envers les cultivateurs ; il craint qu’ils n’aient un intérêt trop grand à la vérification fréquente des inventaires, et en même temps il veut stimuler, en quelque sorte, la cupidité des employés. J’avoue que je ne puis concilier ces deux manières d’envisager les choses.
Je crois qu’il serait dangereux de modifier, à l’occasion d’une loi spéciale, ce qui existe en vertu des règlements que le pouvoir exécutif a faits dans l’exercice de ses attributions. C’est à lui seul à apporter ces changements, s’il le juge convenable, car il est le mieux à même d’en apprécier la nécessité.
L’honorable membre veut, en même temps, prévenir les retards qui arrivent dans la distribution du prix des saisies. Il n’y a de retards, messieurs, que ceux qui sont absolument indispensables. Si les employés attendent le paiement de leur quote-part dans les saisies, c’est que le jugement qui doit avant tout déclarer la saisie valable, dépend des tribunaux et n’est rendu qu’après un certain temps. Quand il y a transaction entre les employés et la personne sur qui la saisie est opérée, il faut bien un délai suffisant pour pouvoir élaborer la transaction. Vous voyez donc que des retards sont indispensables, et il ne dépend pas de nous de les abréger. Car ils ne viennent jamais de l’administration, qui s’empresse de faire la répartition aussitôt que le jugement a été rendu ou que la transaction a été conclue.
Je pense, pour ces motifs, qu’il n’y a pas lieu d’adopter l’amendement présenté par l’honorable M. Andries.
M. Andries. - Tout en repoussant de toutes mes forces les vexations que l’on pourrait exercer contre les particuliers, je veux en même temps donner au pouvoir tous les moyens d’empêcher la fraude efficacement. Ce sont deux motifs qui ne se contredisent pas mutuellement. C’est dans ce but que je voudrais que l’on encourageât les simples douaniers.
Je sais par expérience que les saisies sont faites avec une grande indifférence. L’employé saisissant sait qu’il ne touchera le produit de sa prise que longtemps après. Il faut stimuler le zèle des employés par la perspective de recevoir promptement le produit de sa saisie.
Le sort des douaniers dans la partie des Flandres que j’habite mérite la sollicitude du gouvernement. Le climat les expose à des maladies qui les mettent dans l’impossibilité de continuer leur service de quelque temps. Ils ont presque tous une famille à nourrir. Il serait humain de faire toucher promptement la récompense d’une surveillance à laquelle ils doivent les maladies dont ils sont accablés. Très souvent ce paiement rapproché leur serait d’un grand secours.
On voit avec peine que des employés supérieurs, largement rétribués, touchent le prix du travail des employés subalternes. Je crois donc qu’il y aurait lieu de faire une innovation dans la loi qui nous occupe. Je suis persuadé que la répression de la fraude n’en serait que plus complète.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne ferai plus qu’une très courte observation, mais qui sera très utile pour déterminer le vote ; c’est qu’avant 1832, les employés saisissants ne touchaient que 25 pour cent sur le produit des saisies ; depuis le 9 mai 1832, c’est-à-dire sous le gouvernement belge, leur quote-part a été portée à 50 p. c.
M. le président. - M. Simons a proposé la disposition suivante :
« Les habitants du rayon stratégique de la forteresse de Maestricht pourront faire circuler leur bétail dans le territoire du rayon des douanes mentionné à l’article 2, et l’envoyer en pacage, en pâturage ou aux marchés dudit rayon à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, ainsi que de l’intérieur, dans ce dernier rayon, sans paiement de droit ; le tout en se conformant aux dispositions de la présente loi, ou à toutes autres formalités que le département des finances jugera nécessaire de prescrire pour en assurer l’exécution. »
M. Simons. - Pour faire apprécier par la chambre toute l’importance de la disposition que j’ai l’honneur de présenter à sa sanction, il importe de faire connaître la localité à laquelle cette disposition doit s’appliquer, ainsi que quelques faits qui s’y rattachent.
En dehors du rayon des douanes autour de Maestricht, c’est-à-dire entre ce rayon et la forteresse, il existe une étendue de terrain d’une profondeur, à ce que je pense, d’une demi-lieue, qui quant au système douanier est à proprement parler terrain neutre : c’est le rayon stratégique. Ce rayon est très peuplé. Sur toute sa surface on rencontre en tous sens des habitations disséminées ; dans quelques endroits, des agglomérations de maisons assez importantes, et dans d’autres des hameaux et fractions de communes.
Et ce qui mérite ici surtout toute votre attention particulière, c’est que la plupart des habitants de ce rayon stratégique sont cultivateurs ou fermiers et par suite détenteurs de bétail.
Or, les dispositions que vous venez d’arrêter n’ont rapport qu’aux propriétaires, détenteurs ou possesseurs de bétail, qui demeurent et ont leur domicile dans l’étendue du rayon des douanes.
Ni la commission d’industrie, ni le gouvernement, ne se sont occupés qu’à tracer les règles à suivre en ce qui concerne les habitants du territoire réservé.
Par conséquent, faute d’introduire dans la loi une disposition spéciale, qui règle les rapports des habitants du rayon stratégique, il s’ensuivra nécessairement que ces malheureux habitants devront être assimilés aux étrangers, et que comme tels il ne leur sera pas permis d’envoyer leurs bestiaux au marché, ni en pacage, ni en pâturage. En un mot, à défaut de débouchés pour se défaire de leur bétail, vous les condamneriez à abandonner leur culture ; vous les réduiriez à la misère, vous en feriez de véritables parias. Car, veuillez ne pas le perdre de vue, en leur interdisant toute communication avec le pays, vous leur ôtez toute ressource, et vous les placez dans un état d’ilotisme complet, entre la forteresse de Maestricht d’une part et la ligne de la douane belge de l’autre part.
Telle n’est pas, telle ne peut certainement pas être votre intention.
Je l’ai déjà dit dans une séance précédente et je me plais à le répéter, les habitants du rayon stratégique paient, sans distinction aucune, tous les impôts. Leurs fils sont assujettis aux lois de la milice, et ont constamment concouru au tirage avec les miliciens du district. Ces habitants sont soumis à la même juridiction judiciaire et administrative, et ils exercent dans toute leur plénitude les droits civils et politiques que la constitution garantit à tous, Ils sont donc Belges et habitants du territoire belge. Car, notez-le bien, notre gouvernement exerce tous les actes de souveraineté jusqu’aux portes de la ville : la perception du droit de barrière se fait dans le rayon stratégique au nom du gouvernement ; les brasseries, distilleries et autres usines y sont exercées et contrôlées par nos employés des accises, etc., etc., etc.
Dans le principe, l’action de la douane belge s’étendait jusqu’aux ouvrages extérieurs de défense de la forteresse. Ce n’est que postérieurement, pour prévenir toute collision entre les douanes belges et les militaires de la forteresse, qu’il a été convenu, si pas formellement, du moins tacitement entre les deux gouvernements, que la douane belge n’aurait aucune action dans le rayon stratégique.
Je n’entrerai pas dans l’examen des considérations qui ont pu dicter cette convention, parce que ces considérations, quelles qu’elles puissent être, ne peuvent exercer aucune influence défavorable sur leur qualité de Belges, qualité qui, certainement, ne peut leur être enlevée pour de simples motifs de convenance.
Deux points de droit se trouvent donc bien et dûment établis en ce qui concerne les habitants du rayon stratégique, c’est 1° qu’ils sont bien réellement Belges, et 2° qu’ils demeurent sur un territoire qui, quoique envisagé comme neutre, pour ce qui concerne le régime des douanes, ne forme pas moins incontestablement partie intégrante du royaume de Belgique.
Ceci pesé, je vous le demande, messieurs, pouvez-vous, constitutionnellement parlant, placer les habitants du rayon stratégique en quelque sorte hors de la loi ? Non, assurément non. La constitution proclame tous les Belges égaux devant la loi, elle assure à tous les mêmes avantages, dans quelque coin de la Belgique qu’ils puissent être relégués, et ce ne sera certainement pas cette chambre qui donnera la première l’exemple d’une violation aussi flagrante de notre charte fondamentale.
Tout ce qui est en votre pouvoir c’est d’assujettir ces habitants, en raison de la position fâcheuse dans laquelle ils se trouvent bien malgré eux, c’est, dis-je, de les assujettir à un régime de surveillance tout particulier pour que force reste à la loi, et que la douane puisse, à tout événement, prendre telles mesures qu’elle jugera nécessaire, pour prévenir qu’il ne s’introduise par ce rayon aucun bétail en fraude du droit établi sur l’entrée.
C’est là le double but que je veux atteindre par la disposition nouvelle que j’ai l’honneur de vous proposer, et qui est de la teneur suivante :
« Les habitants du rayon stratégique de la forteresse de Maestricht pourront faire circuler leur bétail dans le territoire du rayon des douanes mentionné à l’article 2, et l’envoyer en pacage, en pâturage ou aux marchés dudit rayon à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, ainsi que de l’intérieur, dans ce dernier rayon, sans paiement de droit ; le tout en se conformant aux dispositions de la présente loi, ou à toutes autres formalités que le département des finances jugera nécessaire de prescrire pour en assurer l’exécution. »
Je me suis servi de la conjonction alternative « ou à toutes autres formalités qui pourront être exigées pour assurer l’exécution de la loi », parce que quelques dispositions de cette loi ne pourront recevoir leur exécution dans le rayon stratégique, attendu que, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, les employés n’ont officiellement aucun accès dans ce rayon.
Ils ne pourront donc pas procéder à domicile à la confection de l’inventaire, ni y faire le recensement du bétail ; il faudra ou que l’on charge le bourgmestre ou toute autre personne de cette besogne, ou bien que l’on oblige les propriétaires à conduire à ces fins leur bétail au bureau du receveur.
Voila les motifs pour lesquels j’ai abandonné au département des finances de prescrire telle autre formalité qu’il croira devoir imposer aux habitants du rayon stratégique pour assurer l’exécution de la loi. Par ce moyen les intérêts particuliers de ces habitants se trouveront parfaitement conciliés avec ceux de l’industrie agricole en général.
D’après ces considérations je me flatte que l’article nouveau que j’ai l’honneur de vous proposer, sera accueilli favorablement.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense que l’amendement de M. Simons est complètement inutile ; je vais tâcher de le démontrer.
D’abord, l’honorable M. Simons s’est étendu dans de longues considérations, pour prouver que les habitants du rayon autour de Maestricht étaient Belges. Je crois qu’il n’y a, à cet égard, de contestation de la part de personne.
Dans une précédente séance, j’ai, moi-même, déclaré que c’était précisément parce que le gouvernement avait toujours considéré comme Belges les habitants du rayon de Maestricht, que la fraude était si difficile à réprimer.
Si le gouvernement n’avait pas eu pour les habitants de ce rayon toute la sollicitude qu’ils méritent, nous les aurions considérés comme étrangers sous le rapport des douanes et nous aurions exécuté, à leur égard, les lois douanières comme vis-à-vis des étrangers.
Je le répète, il n’y a donc pas de doute sur la qualité et les droits des habitants du rayon autour de Maestricht.
Du moment que les habitants de ce territoire réservé sont considérés comme Belges, il est inutile de le mettre en doute et de porter dans ce but une disposition spéciale pour ces habitants.
Voici, dans l’exécution de la loi que nous discutons, ce qui arrivera, soit qu’on adopte ou non la proposition de M. Simons. Les employés se présenteront sans armes chez les particuliers, car ils ont le droit d’entrer sans armes dans le rayon ; ils demanderont à faire l’énumération des bestiaux ; si des propriétaires se refusaient à ce qu’on dressât cet inventaire, car il est possible que quelques-uns, considérant la position topographique de leur exploitation, se refusent à l’exercice des employés, dans ce cas on les considérera comme étrangers ; on ne les empêchera cependant pas encore pour cela de faire paître leurs troupeaux en deçà, au-delà ou dans le rayon ; ils seraient tenus à faire ce que font les Hollandais et les Prussiens sur les frontières de la Hollande et de la Prusse, ils se présenteraient au bureau de douane, y prendraient un acquit de pacage qui est une espèce d’acquit à caution.
Avec cela, ils feraient paître leurs troupeaux, et au retour ils se présenteraient au bureau, feraient décharger leur acquit de pacage et rentreraient tranquillement chez eux. Si tous veulent se soumettre à la loi que nous faisons, à la formalité de l’inventaire, ce que je crois, ils feront circuler leurs bestiaux avec autant de liberté que les autres Belges du territoire réservé des douanes.
Je pense donc que l’amendement de M. Simons est plutôt dangereux qu’utile, car il laisse dans une apparence de doute que les habitants du rayon autour de Maestricht soient dans une position exceptionnelle, ce qui n’est pas aux yeux du gouvernement.
M. Pollénus. - Si je crois l’amendement de M. Simons inutile, je me garderai bien de l’appuyer. Je désirerais, pour reconnaître l’inutilité de cet amendement, que M. le ministre me dît sur quelle loi sont fondés les droits que l’honorable M. Simons veut faire résulter de la disposition qu’il propose. Si on me prouve qu’il existe à ce sujet une disposition quelconque, je cesse à l’instant d’appuyer cet amendement. La loi dont nous nous occupons ne s’applique qu’au rayon douanier autour de Maestricht, et le rayon douanier ne commence qu’à partir du périmètre du rayon stratégique. Tout ce qui est dans le rayon stratégique est en-dehors du rayon douanier et, par conséquent, ne tombe pas sous l’application de la loi. Si le ministre des finances peut me démontrer que les habitants du rayon stratégique doivent être en sécurité, je ne demande pas mieux que d’abandonner l’amendement. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement de M. Simons est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
M. le président. - Nous passons à l’article 8.
M. Pollénus. - Je demande la parole.
En parcourant les diverses dispositions du projet, j’ai cru découvrir qu’il y avait une lacune, et à moins qu’on ne me démontre que je suis dans l’erreur, je proposerai une disposition additionnelle pour combler cette lacune.
Dans une précédente séance, vous avez adopté à l’article 2 un amendement qui étend les frontières auxquelles s’applique la loi jusqu’à Stegen, et comprend ainsi toute la rivière de la province du Luxembourg. Dans le projet du gouvernement où le rayon douanier ne s’étendait que jusques et y compris le Limbourg, on avait cru nécessaire d’y comprendre le rayon autour de Maestricht. C’était très logique. Mais si maintenant vous étendez la loi à la province du Luxembourg, n’avez-vous pas le même motif pour comprendre le rayon autour de la ville de Luxembourg ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il n’y a pas de rayon autour de Luxembourg.
M. Pollénus. - Je ne puis pas me contenter de cette explication. Il me semble que Luxembourg est dans la même position que Maestricht, et que par conséquent il y a lieu d’adopter pour la première de ces villes la mesure qu’on a admise pour la seconde.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - A moins d’établir autour de Luxembourg un rayon de douane qui, comme chacun sait, n’existe pas, nous ne pourrions pas adopter la mesure proposée par M. Pollénus.
Vous savez que cette forteresse est régie par d’anciennes conventions, je crois par les conventions de Mayence. Le transit ne se fait que par la garnison, et je dois dire que de la ville de Luxembourg il ne se fait aucune espèce de fraude soit par la garnison, soit par les autorités prussiennes et hollandaises. C’est une justice qu’il faut leur rendre ; il n’y a même jamais eu la moindre apparence de fraude, et je ne pense pas que les autorités prussiennes ni même les quelques fonctionnaires hollandais qui s’y trouvent, voudraient se permettre de faire la fraude, tandis qu’il n’en est pas de même dans une autre forteresse où la fraude se fait avec la plus grande intensité. (Aux voix ! aux voix !)
- Plusieurs membres. - Mais il n’y a rien à mettre aux voix.
(Moniteur belge n°341, du 7 décembre 1835) M. le président. - Je donne lecture de l’article 8 :
« Le transit des chevaux et des bestiaux est prohibé tant à l’entrée qu’à la sortie par les frontières du rayon mentionne à l’article 2.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il ne faut plus s’occuper du transit des chevaux. Il est convenu qu’il n’en serait plus question dans les derniers articles de la loi, le droit étant resté très faible, comme il l’est actuellement.
Un autre amendement est devenu nécessaire à cet article, par suite de l’adoption de l’article 2 proposé par la commission ; en effet, en maintenant l’article en discussion tel qu’il est, le transit des bestiaux venant de la Prusse se trouverait prohibé. Et telle ne peut être notre intention ; je crois que personne ne veut prohiber le transit des bestiaux venant par la frontière prussienne, au moins pas sur la limite des provinces de Liége et de Luxembourg.
Il faudrait donc rédiger l’article de la manière suivante :
« A l’exception des provinces de Liége et de Luxembourg, le transit des bestiaux est prohibé tant à l’entrée qu’à la sortie par les frontières du rayon mentionné à l’article 2. »
Je ne devrais peut-être pas examiner maintenant la question du transit en principe. Cependant je vais en dire deux mots et, à propos de cette question, parler de la loi présentée par le ministre de l’intérieur concernant le transit, loi à la rédaction de laquelle j’ai aussi concouru.
Si je reviens sur ce sujet, c’est pour rappeler que nous ne sommes pas du tout en contradiction avec les principes émis dans ce projet de loi, comme l’a prétendu un honorable membre : et, pour le prouver, il me suffira de donner lecture d’un seul article. Vous verrez que, dans cette loi, le bétail est prohibé au transit.
(M. le ministre des finances donne lecture d’un article du projet de loi dont il s’agit.)
C’est donc à tort qu’on nous reprochait d’avoir, par la loi actuelle, détruit plusieurs articles de celle que je viens d’invoquer, puisque les bestiaux se trouvaient prohibés par cette dernière qu’on reconnaît être une loi libérale et à la présentation de laquelle nous nous faisons honneur d’avoir pris part.
M. Verdussen. - Les amendements présentés à l’article 8 par M. le ministre des finances diminuent beaucoup ma tâche. En effet, après avoir adopté l’article 2, il y aurait eu contradiction manifeste à admettre la rédaction primitive de l’article 8 proposé par le gouvernement.
Je me permettrai de faire encore quelques observations contre cet article. Je demanderai au ministre de vouloir bien le retirer. Il vaudrait mieux, selon moi, renvoyer la question de la prohibition du transit des bestiaux à la discussion de la loi générale sur le transit, dont le ministre vient de nous entretenir, et dont le projet a été présenté dans la séance du 4 août. Quoi qu’en ai dit le ministre, la disposition de cette loi est encore en contradiction avec ce qui a été introduit dans la loi actuelle. En effet, dans une disposition du projet de loi sur le transit présenté le 4 août, il est dit en termes généraux que les bestiaux, sans exception, sont prohibés au transit.
Cependant ici, ce serait une mesure exceptionnelle. On n’étend plus cette prohibition à toutes les frontières, on veut la limiter aux frontières de Hollande. Avant d’invoquer un projet de loi, on devrait attendre que ce projet fût converti en loi.
Nous ne savons pas encore quels sont les amendements qui y seront introduits ; nous ne savons pas si la législature adoptera la disposition générale proposée dans ce projet de loi par le gouvernement. Il serait toujours dangereux de préjuger une question d’une aussi haute importance dans une loi accidentelle et spéciale, car il y aurait un préjugé en faveur de la prohibition si vous alliez dès à présent l’appliquer à un objet spécial.
Si, au sujet de cette disposition particulière, j’avais à combattre le principe général de la prohibition en fait du transit, je dirais qu’il faut être extrêmement sobre de prohibition quand il s’agit de transit. L’exemple des pays qui connaissent le mieux leurs intérêts en fait foi. Prenons pour exemple la Hollande dont le tarif nous régit encore en partie, nous verrons qu’à l’exception d’un petit nombre d’articles, le transit n’y est prohibé pour aucune marchandise, et surtout pour ces marchandises qu’on ne peut pas infiltrer dans le pays par le transit. Je crois que la crainte de l’infiltration ne peut pas s’appliquer ici.
En général la prohibition en fait de transit tourne au détriment du pays qui l’applique ; car le transit, quand on a pris des mesures contre l’infiltration, ne fait que du bien au pays qui l’admet. Combien de journées ne faut-il pas pour conduire des bœufs de Hollande en France ? Au moins dix jours, et il faut presque autant de conducteurs que de bœufs, car un troupeau de boeufs ne se mène pas facilement. Pendant ces dix jours ces conducteurs et leurs troupeaux dépensent de l’argent dans le pays.
D’ailleurs, je vous ferai remarquer que nous devons des égards aux pays avec lesquels nous sommes en relations d’amitié, et comme je l’ai déjà dit, qu’indépendamment de la perte du droit pour le fisc, la prohibition du transit tourne au détriment de la nation qui vient l’appliquer.
Je vous le demande, la France se passera-t-elle des bœufs qu’elle voudrait tirer de la Prusse pour le labour ? Non, elle ne s’en passera pas.
Mais je m’aperçois que je combats ici l’article, tel qu’il aurait été d’abord rédigé, et que je ne combats pas l’article amendé.
Eh bien, je dirai : La France se passera-t-elle des bœufs de la Hollande, si elle a intérêt à les recevoir ? Non, elle cherchera une autre voie pour se les procurer. Et vous aurez privé le pays du droit de transit, qui est de 1 fl. 50 c., et des dépenses que feraient les conducteurs pour eux et leurs troupeau.
Je pense que dans la position où nous nous trouvons, il n’y pas de danger de voir infiltrer dans le pays les bœufs de la Hollande ; on peut prendre pour cela des mesures nécessaires, par exemple les faire marquer au fer rouge à l’entrée, et vérifier la marque à la sortie.
De cette manière, nous ne détruirions pas un revenu qui n’est pas à dédaigner, et nous ne nous exposerions pas à faire une chose désagréable à la France dont nous devons ménager l’amitié.
M. Rogier. - Messieurs, dans la discussion générale, j’avais fait remarquer que le projet de loi du ministre des finances se trouvait en contradiction avec un autre projet de loi présenté par son collègue le ministre de l’intérieur. Le ministre des finances revendiqua l’honneur d’avoir associé son nom à ce projet. J’avais trouvé que les deux projets étaient en contradiction ; j’ai dû trouver par conséquent que le ministre des finances était en contradiction avec lui-même. J’ai fait ressortir cette contradiction, et voici ce que je disais à ce sujet : D’après le projet de loi sur le transit présente le 20 juin, les chevaux et poulains étaient frappés d’un droit de 4 fr. au transit, tandis que dans le projet actuel on les prohibe au transit.
Je savais que l’un et l’autre projet prohibaient les bestiaux. Je faisais ressortir la contradiction pour les chevaux et poulains. Cette contradiction, on vient de la faire disparaître, mais elle existait.
Maintenant les chevaux et les poulains pourront transiter comme par le passé. Restera la prohibition contre le bétail. D’après le projet de la commission, il faudrait étendre la prohibition aux frontières d’Allemagne. D’après le projet du ministre, on ne l’appliquerait qu’aux frontières de la Hollande. Je ferai observer qu’en ne voulant frapper que le bétail hollandais, on frappera directement le bétail allemand, attendu que le bétail allemand passe en partie par la Hollande pour venir en Belgique, et quand il se présentera par cette frontière, on le repoussera comme bétail hollandais.
Au reste, une bigarrure de plus ou de moins dans la loi ne dénaturera pas beaucoup son caractère, car le caractère de cette loi est d’introduire dans notre régime des douanes des dispositions disparates, des dispositions plus ou moins sévères tantôt contre une frontière, tantôt contre deux. Si nous devions réviser tout notre tarif de douanes d’après un tel système, je ne sais comment on pourrait sortir de toutes ces mesures partielles.
Je crois, M. le ministre, que si vous cherchez mes paroles dans le Moniteur elles y sont bien telles que je les ai rappelées tout à l’heure.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois que je puis bien faire cette recherche.
M. Rogier. - Oui certainement ; ce que je vous dis n’a pour but que de vous épargner la peine d’une recherche fort inutile.
Je reviens à la question.
Je dois faire observer que la prohibition nous fait sortir du statu quo dans lequel l’honorable M. Dubus voulait qu’on se retranchât, car la loi de 1822 ne prohibait pas le transit du bétail.
J’ajouterai que si elle adopte la disposition dont il s’agit, la chambre se mettra en contradiction manifeste avec ses antécédents, et pour n’en citer qu’un, avec ce qu’elle a fait dans la loi sur les céréales.
Que voulait-on par la loi des céréales ?
On voulait assurer au marche belge la consommation des céréales belges à l’exclusion des céréales étrangères ; mais on n’a pas été jusque-là que de vouloir exclure les céréales étrangères des marchés étrangers. Actuellement vous voulez assurer le marché intérieur au bétail belge et vous voulez encore exclure des marchés étrangers le concours du bétail étranger avec le vôtre. Dans la loi sur les céréales on a été plus libéral ; on n’a pas voulu prohiber le transit par notre pays des céréales étrangères ; on a même diminué le droit du transit pour ne pas détruire entièrement le commerce sur les céréales ; cependant on l’a beaucoup restreint en Belgique, car les céréales qui venaient autrefois directement en entrepôt chez nous, vont maintenant s’entreposer en Hollande, en attendant l’instant favorable pour s’introduire en Belgique. Tel est le mauvais effet des lois de prohibition. Contrairement à cet antécédent on veut maintenant interdire le transit au bétail étranger. Si la chambre adopte cette disposition elle sera en contradiction flagrante avec ses décisions anciennes.
Je désirerais que les hommes qui en veulent aux théoriciens se montrassent plus conséquents avec les faits posés par eux-mêmes : tout le monde consentait à adopter les principes libéraux relativement au transit des céréales ; et maintenant on veut frapper de prohibition le transit d’un produit analogue.
C’est la première fois que vous adoptez de tels principes : je ne pense pas que dans la loi sur les cotons on ait demandé la prohibition du transit des tissus étrangers. (Aux voix ! aux voix ! aux voix !)
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’avais demandé la parole pour répondre à une espèce d’interpellation que M. Rogier m’avait adressée, mais comme il déclare n’avoir eu d’autre intention que de m’éviter des recherches inutiles, je ne puis prendre cette interpellation en mauvaise part ; je la laisserai donc de côté, et puisque j’ai la parole, je répondrai au reproche d’inconséquence qui nous a été adressé.
Il n’y a, messieurs, aucune contradiction entre nos antécédents et ce que nous demandons actuellement : il ne s’agit pas de prohiber le transit d’une manière générale ; il s’agit seulement d’interdire sur une partie spéciale de nos frontières le transit d’une espèce de marchandises, il n’y a pas de règle sans exception, et la règle relative au transit n’est pas plus inflexible que les autres.
L’exception, est selon nous, très bien justifiée dans l’intérêt général ; et se justifie d’ailleurs d’autant plus facilement qu’elle est dirigée contre un pays qui est à notre égard dans une position exceptionnelle.
M. A. Rodenbach. - La discussion a suffisamment prouvé que les Hollandais peuvent engraisser leur bétail à soixante ou soixante-dix francs meilleur marché qu’on ne peut le faire en Belgique : le transit de leur bétail ou le passage de leur bétail sur notre territoire pour aller en France, leur coûte à peine 10 à 12 francs ; ils ont donc encore 50 francs, au moins, de bénéfice sur nos agriculteurs ; ainsi, ils peuvent baisser d’autant le prix de leur bétail sur les marchés étrangers, et nous ne pouvons pas soutenir la concurrence. Toute la loi est dans l’article 8 ; si on le supprimait, je voterais le rejet de la loi entière... (Aux voix ! aux voix !) J’ai droit de parler ! (Aux voix ! aux voix !) Vous ne m’interromprez pas ! Je continuerai !
On prétend que les Hollandais pourront faire passer leur bétail par la Prusse pour entrer en France ; mais ce détour leur occasionna des frais, ce qui augmentera le prix de leur bétail, et ce sera un avantage pour le cultivateur belge.
Il est constant que depuis longtemps le nord de la Flandre, Dixmude et le Furnambacht n’ont pu envoyer une seule pièce de bétail sur le marché de Lille ; les Hollandais nous ont totalement enlevé ce marché et par conséquent celui de Paris.
Toute la loi, je le répète, est dans l’article 8. Il faut admettre cet article ou rejeter la loi. (Aux voix ! aux voix !)
M. Rogier. - Vous ne pouvez pas confisquer le transit sans discussion aucune ! c’est un point assez important pour que vous permettiez de le discuter. Vous êtes en ce moment le seul pays constitutionnel en Europe où l’on fasse des lois de prohibition ; daignez donc écouter ceux qui voudraient vous rappeler aux vrais principes commerciaux. (Bruit.)
M. A. Rodenbach. - On a voulu aussi m’empêcher de parler.
M. Rogier. - L’honorable M. Rodenbach dit que le bétail hollandais traverse en grande quantité notre territoire pour se rendre sur les marchés français où il écarte toute concurrence. Si je m’en rapporte à ce qui a été dit par le ministre des finances, le chiffre du bétail transitant vers la France n’est pas aussi considérable qu’on le fait.
- Une voix. - Et la fraude !
M. Rogier. - Je ne crois pas que ce transit se fasse en fraude ; le droit de transit n’est pas assez élevé pour que l’on cherche à se dispenser de le payer. Que le chiffre peut donc être évalué ici d’une manière exacte. Je regrette de ne pouvoir le faire connaître, puisque nous manquons de documents à cet égard. C’est un reproche que, dans cette discussion, nous avons sans cesse l’occasion d’adresser à l’administration.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je n’ai pas donné le chiffre dans les tableaux, mais je l’ai cité dans la discussion. Il est au Moniteur ; ce chiffre est de 1,233.
M. Devaux. - Vous n’avez pas donné le chiffre du transit hollandais ; vous n’avez cité que le chiffre du transit général.
M. Berger. - Je considère les amendements proposés par le ministre comme absolument indifférents. Les dispositions de ces amendements tendent à autoriser le transit par la frontière prussienne ; mais il a été reconnu par les débats qui ont eu lieu dans les séances précédentes que la Prusse ne nous envoie que du bétail maigre : or, ce bétail ne convient pas à la France ; ainsi la faculté qui serait accordée à la Prusse de transiter ses bestiaux serait sans objet. Je crois qu’il vaudrait mieux procéder d’une manière générale dans la rédaction de la loi, puisque, je le répète, la concession que l’on ferait à l’Allemagne n’aurait rien de réel.
M. Smits. - Je viens appuyer la proposition faite par M. Verdussen. En matière de transit, c’est le cas de dire que tout chemin mène à Rome, et les hommes qui ont étudié les transactions commerciales sont convaincus de cette vérité : nous en avons eu l’expérience sous le gouvernement hollandais, lequel, ayant mis de légers droits sur le transit, a fait prendre aux marchandises une autre direction.
En 1823, le roi Guillaume a voulu prendre des mesures de coercition contre la France ; alors il a frappé d’un droit les ardoises : il en est résulté que les ardoises se sont rendues à Lille, par un autre chemin, et sans traverser la Belgique. Si vous mettez un droit sur le bétail hollandais, je crois qu’il en sera de même ; il ira toujours en France, mais il prendra une autre route.
Il suffit de jeter les yeux sur la carte, pour voir que par Clèves, il ira en France sans faire un chemin beaucoup plus long. Je demande que l’on ajourne la question du transit, jusqu’à la discussion de la loi générale des douanes.
M. Gendebien. - Cet ajournement est ce qu’on a de mieux à faire.
M. Verdussen. - Vous nous avez dit que le projet de loi a pour but d’exclure de notre marché intérieur la concurrence hollandaise ; mais ce ne peut être au détriment de notre marché intérieur que le bétail étranger traverse la Belgique, car vous avez les moyens d’empêcher qu’il ne nous reste aucune pièce du bétail qui transite par notre pays ; les pétitionnaires de Ruremonde vous ont indiqué ces moyens.
Vous ne voulez pas que les Belges mangent de la viande hollandaise, et vous espérez que par la loi que vous allez bientôt achever, votre but est atteint. Cependant, moi, je ne le pense pas et vous n’aurez suivant moi qu’activé la fraude. Mais pourquoi aujourd’hui voulez-vous priver aussi la France du bétail dont elle est pour ainsi dire friande ? (On rit.) Prenez-y garde ! Les pays contre lesquels on prend des mesures semblables sont des pays qu’on se rend ennemis ; si nous admettons la mesure proposée, il n’est pas probable que nous obtenions de la France ce que nous lui demandons maintenant, des diminutions dans ses tarifs.
Je répète encore que le transit, interdit sur notre territoire, se fera sur un autre, et que le seul effet qui résultera de semblables mesures sera de nous faire perdre la perception des droits de transit.
J’appuie de nouveau la demande de l’ajournement de cette question jusqu’à la discussion de la loi générale du transit.
M. Desmet. - Je suis d’accord avec l’honorable M. Smits que tout chemin conduirait à Rome ; mais quand l’honorable membre, député d’Anvers, voudra faire le voyage de Rome, je pense qu’il choisira le chemin le plus court, le plus facile et le moins dispendieux : eh bien, messieurs, voilà ce que font les bœufs hollandais pour entrer en France.
Vous savez, messieurs, que la plus grande partie de bêtes grasses que les Hollandais font entrer en France, ils les font entrer par le département du Nord et quand ils ne pourront plus transiter par la Belgique, il leur sera impossible de faire la grande tournée dont parle l’honorable M. Smits, car alors à cause de grands frais qu’elle causerait nous ne devrions plus avoir d’inquiétudes de la concurrence hollandaise.
Les honorables préopinants, députés d’Anvers, auraient pu indiquer aussi la voie par mer, ils auraient pu nous dire que les Hollandais embarqueraient le bétail pour le débarquer à Dunkerque ou dans un autre port de France ; mais nous répondrions aussi à ceci que les grands frais empêcheraient les Hollandais, qui calculent assez bien, de prendre cette voie.
Messieurs, toute la loi que nous discutons et qui nous occupe depuis dix jours est, je puis le dire, dans la prohibition du transit. Si vous n’adoptez pas la prohibition du transit, votre loi n’aura aucun effet et on fera très bien de la retirer, car, messieurs, je ne sais si vous connaissez tout le tort que le bétail hollandais fait depuis un à deux ans à notre commerce de bétail avec la France : au lieu que nous fassions entrer une grande quantité de bêtes grasses en France, comme nous l’avions toujours fait, les Hollandais le font pour nous nous voyons toutes les semaines passer dans notre pays de nombreux troupeaux de boeufs gras qui s’introduisent en France au grand détriment de notre industrie agricole et de nos distilleries. Je ne pense pas que la chambre belge voudra appuyer une proposition qui tendrait à servir uniquement notre ennemi d’outre-Moerdyk et qu’elle n’hésitera point à rejeter la proposition faite par les honorables MM. Verdussen et Smits.
M. Dubus. - La question que l’on présente comme si vaste et si difficile, me paraît simple et facile ; et pour qu’elle paraisse ainsi à tout le monde, il ne faut pas la considérer dans un sens général, mais dans un sens exceptionnel.
Et d’abord, il ne s’agit que du transit des bestiaux et point du transit des ardoises ; ensuite il n’y a pas d’autre principe à invoquer que l’intérêt du pays. Or, avons-nous intérêt à empêcher le transit du bétail hollandais ? évidemment oui ! On nous dit que la mesure sera inefficace, parce qu’on a fait faire un circuit aux ardoises, dont le transit avait été interdit, et que, de même, on fera faire un circuit au bétail hollandais : eh bien ! je dis que si l’on fait faire un circuit au bétail gras de Hollande, il n’arrivera en France que du bétail maigre, dont on ne veut pas.
Je crois qu’en empêchant le transit du bétail hollandais, vous prenez une mesure efficace, et que vous vous assurez par là les marchés de la frontière de France, marchés qui sont alimentés par le bétail hollandais, contre lequel nous ne pouvons lutter maintenant.
On prétend que la loi n’a qu’un but, celui de nous assurer le marché intérieur : je soutiens que non, et que nous devons chercher en même temps à nous assurer la préférence sur les marchés extérieurs.
En agissant ainsi nous faisons ce que font tous les peuples.
Les lois de douane ne sont pas généreuses ; elles sont calculées sur les intérêts des peuples qui les font ; il n’est pas question de générosité quand l’intérêt est mis en jeu, car l’intérêt n’est jamais généreux.
On nous a dit que les principaux marchés sont dans le département du Nord ; or, il est clair que le bétail hollandais ne tournera pas tout autour de la Belgique pour arriver à Lille, car il arriverait en état de maigreur.
Je voterai donc pour l’article, parce qu’il est restreint au bétail hollandais ; j’aurais voté contre si l’on avait étendu la mesure au bétail des autres pays et contre le transit des chevaux.
La France est obligée d’aller chercher en Allemagne les chevaux pour la remonte de sa cavalerie ; si nous augmentions le droit de transit sur les chevaux, nous l’obligerions à transiter par un autre pays que le nôtre, et nous y perdrions. Nous sommes nous-mêmes obligés d’aller chercher des chevaux au-dehors pour notre cavalerie, ainsi notre intérêt n’est pas compromis par ce transit. Il n’en est pas de même à l’égard du transit du bétail hollandais.
La question est si simple que je suis étonné qu’elle ait donné lieu à une aussi longue discussion.
M. Rogier. - Je suis parfaitement d’accord avec M. Dubus qu’il est de notre intérêt, ou plutôt, qu’il est de l’intérêt de nos cultivateurs que la Belgique ne mange que du bétail belge ; je crois encore qu’il serait de l’intérêt de nos cultivateurs d’empêcher que la France ne mangeât d’autre bétail que celui qu’ils y enverraient ; si l’on pouvait trouver un système pour parvenir à ce but, on devrait une couronne à son inventeur.
Mais il y a une objection à faire contre ce beau système, c’est que tout autre peuple peut dire aussi : j’empêcherai les produits étrangers à mon sol et à mon industrie de parvenir chez moi, et j’en interdirai même le passage sur mon territoire. Ce serait en définitif un calcul mal entendu ; mais, enfin, ce serait une mesure que l’on pourrait dire être prise dans l’intérêt du pays et si l’on agissait à notre égard comme nous vis-à-vis d’eux, qu’en résulterait-il pour nous ? Ce n’est pas tout : si vous assurez au bétail le marché intérieur et le marché extérieur, tous les autres produits agricoles et même tous les produits industriels, demanderont qu’on leur assure des avantages semblables ; ils vous diront : empêchez tous les produits similaires étrangers de venir chez nous et de passer chez nous.
Je vous demande ce que deviendrait la Belgique, si la France, l’Allemagne et l’Angleterre adoptaient dans leur intérêt un pareil système. La Belgique tomberait dans la situation déplorable dont on a fait le tableau dans une séance précédente au sujet d’une de nos anciennes provinces, la Flandre zélandaise. Qu’a dit l’honorable M. Andries ? La Flandre zélandaise est dans un état déplorable. Elle produit énormément et ne peut écouler ses produits. Voulez-vous la réduire à la dernière extrémité ? empêchez l’entrée de ses produits. Elle sera si malheureuse qu’elle sera forcée de se jeter dans nos bras. Eh bien, messieurs, la Flandre zélandaise à qui l’on ferme toute issue vers notre pays, serait l’image de la Belgique, si nos voisins entraient dans la même voie que nous.
Lorsque vous aurez assuré à votre bétail le marché intérieur et le marché extérieur à l’exclusion des autres produits, toutes nos industries pourront réclamer la même faveur pour leurs industries, vous ne pouvez la leur refuser. Alors nous serons réduits à notre propre consommation, puisque nous serons exposés nécessairement à des mesures de représailles.
En supposant que les pays voisins aient intérêt à ne pas nous imiter, ils pourraient suivre notre système, rien que pour nous forcer à demander grâce. J’ai appliqué à la Belgique un exemple que l’honorable M. Andries semble avoir trouvé tout exprès pour nous montrer la voie pernicieuse dans laquelle nous nous engageons.
S’il s’agissait d’une mesure purement gouvernementale, sur laquelle le ministère pourrait revenir, je concevrais qu’on y allât plus légèrement. Mais songez que la mesure que vous allez prendre est une mesure législative, sera convertie en loi et qu’il est toujours pénible de revenir sur les lois.
Je souhaite que les pays voisins ne forcent pas la législature belge à revenir sur les mesures qu’elle prend en ce moment. Je n’aime pas à voir la représentation nationale réduite à la nécessité de défaire forcément ce qu’elle avait fait un an auparavant. Je le souhaite, mais vous dire que je l’espère, ce serait peut-être aller trop loin.
M. d'Hoffschmidt. - Je partagerais entièrement l’opinion de l’honorable préopinant s’il s’agissait de prohiber le transit à l’égard de tous les pays qui nous environnent ; ce serait là une mesure que rien ne pourrait justifier et qui serait de nature à nous ôter les seules relations commerciales que nous ayons à l’étranger ; mais il n’en est pas ainsi ; il résulte de la modification présentée par M. le ministre des finances, que la prohibition du transit dont il s’agit ne s’appliquera qu’à la Hollande.
Or, messieurs, qu’est-ce que le transit ? c’est prêter son territoire à ses voisins pour qu’ils puissent y faire passer leurs marchandises pour un autre pays, et je vous le demande, messieurs, quelles raisons avons-nous de prêter notre territoire aux Hollandais pour se mettre en concurrence avec nous ? Le transit ne doit se tolérer qu’en faveur des pays avec lesquels on a des relations réciproques de commerce et au lieu de ces relations nous sommes en guerre avec la Hollande, ce qui motive suffisamment les mesures que nous prenons à son égard.
L’on demande l’ajournement de l’article qui nous occupe jusqu’à la discussion de la loi générale du transit, demande qui ne me paraît pas devoir être accueillie si l’on réfléchit que cette loi générale ne sera sans doute applicable qu’aux pays avec lesquels nous avons des relations et que puisqu’il s’agit d’une loi spéciale envers la Hollande, c’est ici la place d’y insérer l’exception quant au transit.
- La proposition d’ajournement de l’article 8 jusqu’a la discussion de la loi sur le transit est mise aux voix et rejetée.
La proposition de M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - M. le ministre des finances présente la disposition additionnelle suivante :
« Le poids du bétail sera constaté au moyen de ponts à bascule et autres procédés que le gouvernement déterminera. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois cette disposition utile pour éviter les contestations qui pourraient s’élever sur le mode de constater le poids. Comme je l’ai annoncé dans une séance précédente, le gouvernement pourrait trouver bon d’adopter le mode de mesurage suivi en Angleterre. Les intéressés qui croiraient avoir à se plaindre de l’estimation des employés, pourraient se plaindre en justice de l’irrégularité du mode de mesurage. C’est ce que j’ai voulu éviter par cette disposition additionnelle.
- L’article additionnel est mis aux voix et adopté.
« Art. 9. Il n’est point dérogé aux dispositions de la loi générale des douanes du 26 août 1832, n°38, qui ne sont point contraires à la présente. »
- L’article 9 est mis aux voix et adopté.
La chambre fixe à lundi le second vote de la loi sur le bétail.
M. de Renesse, secrétaire, donne lecture de l’envoi fait par M. le ministre de la justice, du tableau statistique des affaires jugées par la cour d’appel de Bruxelles, pendant l’année judiciaire 1834-1835.
- La chambre ordonne l’impression de ce tableau.
M. Demonceau. - La commission chargée d’examiner le projet de loi, relatif à l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles, a presque terminé son travail. Il serait utile de lui renvoyer cette communication.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’aurais désiré la faire plus tôt. Mais ses documents dont j’avais besoin ne m’étaient pas encore parvenus. Ils ne sont arrivés qu’hier. Je me suis empressé d’en donner connaissance à la chambre.
M. Rogier. - Dans la discussion, j’ai cru entendre M. le ministre des finances dire qu’il n’était pas éloigné de demander que la loi fût limitée. Je demanderai s’il a renoncé à cette demande.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai dit dans la discussion que j’étais tellement convaincu que la loi n’aurait pas les funestes effets que l’on en avait prédits, que pour mon compte je ne verrais aucune difficulté à ce qu’on en limitât la durée. Mais jamais je n’ai eu la pensée de me charger de proposer une disposition dans ce sens, puisque j’ai toujours pensé que la loi serait utile au pays.
- La chambre ordonne l’impression des amendements adoptés dans le projet de loi relatif à l’entrée du bétail.
M. Liedts (pour une motion d’ordre). - Maintenant que la discussion du projet de loi relatif à l’entrée du bétail est enfin achevée, permettez-moi, messieurs, d’attirer un seul instant votre attention sur l’indispensable nécessité de fixer, avant le vote des voies et moyens, la discussion de la loi de péréquation cadastrale.
Je n’étais pas présent à la séance où vous vous êtes occupés d’une motion semblable à celle que j’ai l’honneur de faire maintenant comme rapporteur de la loi.
J’ai lu avec attention tout ce qu’on a dit contre la discussion immédiate de la loi, et je n’ai vu qu’un seul motif allégué pour reculer cette discussion ; ce motif c’est l’époque avancée de l’année ; or, je vous prie de remarquer que, de toute façon, vous ne pourrez pas empêcher de discuter la question de péréquation avant le vote définitif du budget des voies et moyens.
En effet, si l’on ajourne la discussion de la loi de péréquation, les voies et moyens vont être mis à l’ordre du jour dans quelques jours. Nous sommes ici 48 membres des provinces lésées par la répartition actuelle de l’impôt foncier ; soyez bien certains qu’un de ces membres, et entre autres moi le premier, je vous présenterai un article additionnel tendant à introduire la péréquation cadastrale à dater du 1er janvier. Alors il vous sera impossible d’éviter la discussion ; car les députés des provinces lésées croiraient manquer au plus saint de leurs devoirs s’ils n’appuyaient pas une telle disposition.
Qu’arrivera-t-il ? que les députés des autres provinces diront que nous avons voulu étouffer la discussion, que nous avons choisi une époque avancée dans l’année, pour surprendre le vote de la chambre. Il n’en est rien, messieurs, nous agissons franchement. Nous demandons une discussion claire et approfondie de la grave question de péréquation. Si l’on croit que nous sommes dans l’erreur, qu’on nous le prouve, mais, au moins, qu’on ne refuse pas d’examiner la question ; qu’on ne réponde pas par un déni de justice aux plaintes des Flandres et de la province d’Anvers !
Je crois donc qu’il convient de fixer à une époque toute prochaine la discussion de la loi de péréquation.
J’ai entendu dire à un honorable membre qu’il fallait avant la discussion de la loi, la renvoyer à l’examen des conseils provinciaux. Mais, messieurs, c’est là toute la loi ; car ses antagonistes les plus obstinés se bornent à demander ce renvoi. C’est la seule question que la loi puisse présenter.
Je me résume. Pour que l’on ne pense pas que nous avons voulu éviter la discussion, et si vous voulez une discussion approfondie, je crois qu’il faut la fixer à une époque très rapprochée, et dans tous les cas, avant le vote du budget des voies et moyens.
Voici la proposition que j’ai l’honneur de déposer sur le bureau :
« J’ai l’honneur de proposer de fixer à mardi prochain la discussion du projet de loi relatif à la péréquation cadastrale. »
J’ai proposé mardi prochain, parce que je pense que lundi le budget des voies et moyens sera examiné dans les sections et qu’en raison de cela il n’y aura pas de séance publique.
M. d'Hoffschmidt. - C’est la première fois que j’entends dans cette enceinte des arguments pareils à ceux que vient de présenter M. Liedts. Il vient dire vous serez obligés de discuter, parce que nous sommes quarante-huit qui le voulons.
M. Liedts. - Permettez ! je n’ai pas dit cela !
M. d'Hoffschmidt. - Vous avez dit : nous sommes 48. Il y en aura un de nous qui fera la proposition de discuter, et nous l’emporterons par le nombre. Si vous ne vous êtes pas servis de ces termes, vos paroles reviennent à cela.
Singulière manière d’argumenter, vraiment, pour amener la chambre à discuter la loi de péréquation avant le budget des voies et moyens !
Si l’honorable M. Liedts avait démontré que la première de ces lois est plus urgente que la deuxième, que l’équité exige que nous prononcions sur les réclamations de plusieurs provinces qui se croient lésées, la proposition aurait pu être accueillie par la chambre, car l’équité est ce que nous voulons tous.
Mais dire pour toute raison : « Nous sommes 48 qui voulons la discussion. » Vouloir par le nombre nous forcer à discuter, c’est rappeler le temps où les Hollandais, par leur nombre dans les chambres législatives, forçaient les Belges à adopter des lois désastreuses pour le pays.
Ce ne sont pas là des arguments, c’est l’abus du nombre et de la force.
Au reste la chambre a déjà fixé son ordre du jour. Vous avez décidé que la loi des voies et moyens devait être discutée avant le 1er janvier, et ce n’est pas là une discussion que vous terminerez en quelques jours, si nous en jugeons d’après la manière dont vos discussions traînent en longueur, et notamment d’après la durée des débats auxquels a donné lieu la loi que vous venez de terminer.
Vous avez ensuite la loi communale qui est assurément vivement réclamée, aussi bien que la loi provinciale. Je ne rappellerai pas tous les travaux urgents dont vous avez à vous occuper. Je me borne à appeler de tous mes voeux le complément de nos lois d’organisation.
Je n’en dirai pas davantage. Je serais fâché d’avoir méconnu les intentions de l’honorable M. Liedts. Mais lorsque j’ai vu qu’il voulait nous forcer la main par le nombre, je n’ai pas cru pouvoir laisser passer ses paroles.
M. Liedts. - Je demande la parole pour un fait personnel.
C’est lancer contre nous une grave accusation que prétendre que nous appelons, dans cette occasion, la violence et la force à notre secours. Pour moi, c’est uniquement par la force des arguments, mais jamais par la force matérielle que je cherche à faire triompher mon opinion.
Qu’ai-je dit ? Que nous étions 48 membres appartenant aux provinces lésées, que l’un d’eux et à défaut d’autres moi-même proposerai dans le budget des voies et moyens une disposition tendant à introduire la péréquation cadastrale à dater du 1er janvier. Est-ce là forcer la main à la chambre ? Nous appelons la discussion sur un article basé sur l’équité. Nous faisons remarquer que vous ne pouvez de toute façon éviter la discussion ; et pour qu’elle soit plus approfondie aux voix engageons à la fixer à une époque très rapprochée.
M. Fallon. - Chaque jour des motions de même nature nous font perdre beaucoup de temps. Après une longue discussion sur une motion semblable à celle que l’on fait maintenant, la chambre a décidé qu’elle maintenait son ordre du jour. Aujourd’hui on voudrait nous faire revenir sur cette décision. Je m’oppose à ce que la motion soit mise aux voix ; je demande la question préalable.
M. Eloy de Burdinne. - J’aurais quelques mots à dire sur la proposition de l’honorable M. Liedts.
D’abord, je ne recule pas devant la discussion de la loi de péréquation cadastrale, je ne me prononce pas sur l’injustice dont les Flandres et la province d’Anvers croient avoir à se plaindre. Je suis le premier à déclarer que quand on démontrera qu’il y a injustice, je réclamerai moi-même que justice soit rendue.
Mais je ne crois pas que les opérations cadastrales soient une matière à trancher lestement et promptement. Vous rencontrerez à cet égard les mille et une objections.
Vous aurez à vous entendre d’abord sur les points de droit, ensuite sur les points de fait qu’il vous sera impossible de vérifier.
Je crois qu’une discussion sur la loi de péréquation ne serait pas terminée le 1er janvier. (Dénégations). Je suis, messieurs, fondé à le croire d’après le temps que vous avez consacré à la discussion de la loi sur le bétail. Si donc, il est reconnu que les Flandres souffrent, je demande que, pour porter remède à un mal que je déplorerais le premier, on trouve, s’il est possible, un autre moyen que le vote de la loi de péréquation.
M. Gendebien. - Je suis obligé de renouveler les observations que j’ai faites avant-hier sur l’intempestivité de cette motion d’ordre.
Tous ceux qui ont la moindre idée de l’importance de la question qui va s’agiter, qui savent les intérêts opposés qui vont se trouver en présence dans cette discussion, ne doutent pas qu’elle ne dure au moins trois semaines.
Mais remarquez qu’il n’y a pas nécessité que la loi de péréquation soit discutée avant le 1er janvier. Car il s’agit de la contribution foncière ; et vous savez que les rôles ne sont mis en recouvrement qu’à la fin du premier trimestre, ainsi à partir du 1er janvier, vous aurez encore trois mois pour discuter la loi.
Je pense donc que ce qui conviendrait le mieux, ce serait de fixer dès à présent la discussion de la loi de péréquation, pour la rentrée de la vacance que j’ai appris que la chambre se propose de se donner à la fin de l’année, de la fixer par exemple au 5 ou 6 janvier. Cette discussion est assez importante pour engager tous les membres à se rendre à leur poste. Nous pourrions donc espérer être dans un nombre un peu plus satisfaisant que celui auquel nous sommes réunis maintenant.
Fixez dès à présent la discussion de la loi sur la péréquation cadastrale à la première séance de janvier. Supposez qu’elle dure 15 jours. Elle sera toujours votée avant la fin de janvier.
M. Liedts. - L’honorable M. Gendebien propose la question préalable, fondée sur ce que la chambre a fixé son ordre du jour. Mais la chambre est libre de changer l’ordre du jour, quand elle le juge convenable. Cela est si vrai que, mercredi, après que l’on eût passé à l’ordre du jour sur la proposition de l’honorable M. Desmet, cinq minutes s’étaient à peine écoulées, que la chambre donna la priorité à la loi des crédits du ministère de la justice sur la loi communale. J’en appelle au Moniteur à cet égard. La chambre peut donc encore changer son ordre du jour.
L’honorable M. Gendebien est dans l’erreur lorsqu’il croit que la discussion de la loi pourrait durer trois semaines. Si la loi actuelle a duré aussi longtemps, c’est que l’on a discuté une question de principe presque à chacun des articles, tandis que dans la loi de la péréquation cadastrale, la question de principe une fois décidée, la discussion des articles marchera promptement.
L’honorable M. Gendebien dit que l’on pourrait satisfaire à toutes les exigences en fixant la discussion de la loi après les vacances de janvier. Si M. le ministre des finances peut prendre dès aujourd’hui l’engagement que les recouvrements faits en sus de la nouvelle assiette de l’impôt seront compris au profit des contribuables surtaxés, je ne verrai aucun inconvénient à adopter la proposition de l’honorable M. Gendebien.
Mais si je suis bien informé, la répartition se fait dans les premiers jours de janvier, or c’est pour toute l’année que cette répartition est faite. Ainsi les Flandres seraient encore grevées pendant l’année 1836 comme elles l’ont été jusqu’à présent. A moins qu’on ne vienne encore nous jeter à la tête que les Flandres, ayant attendu 40 ans, elles pourront bien encore attendre une année, vous ne pouvez vous empêcher d’examiner les plaintes qu’elles vous adressent de la surtaxe qui pèse sur elles.
M. Desmaisières. - M. Gendebien a dit que la loi sur la péréquation cadastrale donnerait lieu à de longues discussions. La loi sur le bétail, j’en appelle à la plupart des membres de cette chambre, paraissait ne devoir donner lien à aucune discussion, et cependant voilà douze jours que nous nous en occupons.
D’un autre côté, je pourrais citer beaucoup de lois qu’on croyait devoir provoquer de longues discussions et qui ont été votées en très peu de temps. La loi dont il s’agit en ce moment est une loi réparatrice d’une très grande et très criante injustice qui pèse sur les Flandres, et rien n’est plus urgent que de réparer une injustice.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande la parole. (Aux voix ! aux voix !)
Messieurs, je serai très laconique. Je crois que j’ai trouvé un moyen de satisfaire tout le monde. Vous savez que le projet de péréquation a été présenté en partie aux états généraux. A cette époque, le gouvernement avait déclaré que l’emprunt foncier serait perçu pendant le premier semestre, d’après les rôles de l’année précédente, et que les rôles de l’année seraient seulement confectionnés au 1er juillet en exécution de la loi de péréquation et comprendraient l’année entière. De cette manière si quelques localités se trouvaient avoir payé en plus dans le premier semestre, on leur en tenait compte dans le second.
Vous reconnaîtrez, que depuis le moment où le projet de loi de péréquation cadastrale vous a été distribué, nous avons été tellement occupés que je doute que beaucoup aient eu le temps de l’examiner. La question est extrêmement importante, personne ne le niera. Par ce motif je demande qu’on ait au moins quelque temps pour méditer le projet et préparer les arguments qu’on pourra présenter pour ou contre le projet.
M. Dumortier. - Quoi qu’en ait dit un honorable membre, je ne pense pas que les députés nommés par les Flandres veuillent faire ici un camp de force. Je les crois trop dignes d’estime pour leur supposer l’intention de vouloir faire des camps de force dans le sein de la représentation nationale.
Je pense qu’ici nous ne devons pas perdre de vue les objets indispensables que nous avons à régler dans le cours de cette année. Puisqu’on a reproduit une proposition sur laquelle la chambre avait pris une résolution, vous me permettrez de rappeler quelques-uns des arguments qui l’avaient déterminée.
Je vous dirai donc qu’il est de toute nécessité que nous votions avant la fin de l’année le budget de la guerre qui donnera lieu à de très longues discussions, non seulement sur le budget, mais sur d’autres objets : sur les lits militaires, sur l’établissement d’instruction formée par le ministre de la guerre à Louvain et sur d’autres choses encore. En second lieu, vous devez aussi voter de toute nécessité avant la fin de l’année le budget des voies et moyens.
C’est encore un fait incontestable que ce budget donnera lieu à de longues discussions, parce qu’il nous ramène à l’examen de la conduite du ministère ; car avant de voter les impôts, il faut voir si le ministère mérite qu’on lui donne ce vote. Nous avons encore à voter le contingent de l’armée, la loi qui autorisera la députation des états à former les budgets provinciaux. Il y a encore le budget de la justice qui n’est pas moins indispensable. Vous avez le jury d’examen qu’il faut nommer dans le mois de décembre ; il faudra consacrer deux ou trois séances à cette nomination.
Vous devrez voter une loi concernant les os et ensuite vous occuper de la discussion la plus grave s’il est possible, de la discussion des questions concernant la banque.
Il est indispensable que ces questions soient résolues avant de formuler la loi des voies et moyens. Il suffit de se rappeler ce que nous avons à faire dans le cours de ce mois, pour se convaincre qu’il y a impossibilité d’admettre la proposition du député d’Audenarde.
Qu’on ne dise pas que mon intention soit de renvoyer aux calendes grecques la péréquation cadastrale ; si je voyais jour à ce que cette loi et celles que je viens de citer pussent être votées pour la fin de l’année, je n’hésiterais pas à appuyer la proposition de M. Liedts. Mais il faudrait méconnaître les précédents de la chambre pour penser que la discussion d’une loi de cette importance ne durera pas au moins quinze jours. On a fixé à huit jours le maximum de la discussion de cette loi, je le répète, il faut méconnaître la manière dont marchent les discussions où il s’agit d’intérêts de clocher pour prétendre que la question du cadastre, qui est une des plus graves que nous ayons eu à examiner, puisse être résolue en huit jours.
Demain vous n’aurez pas séance, on examinera le budget des voies et moyens. La séance de lundi sera consacrée au vote définitif de la loi sur le bétail. Ensuite je suppose que vous abordiez la loi sur le cadastre qui vous conduira au moins jusqu’au 15 ; et du 15 au 24, il vous reste huit jours. Pensez-vous qu’en huit jours vous pourrez examiner le budget de la guerre, le budget des votes et moyens et les questions concernant la banque ?
Cela est absolument impossible. Donc vous ne pouvez fixer la discussion de la péréquation cadastrale qu’à l’époque où la chambre reprendra ses travaux, après les vacances de la nouvelle année.
Quant à moi, j’insiste pour que les questions concernant la banque soient résolues. Il s’agit là d’une somme de 20 à 25 millions. Sept ou huit jours de discussion suffiront pour cela. Il est indispensable que cette discussion soit mise à l’ordre du jour avant le budget des voies et moyens, puisqu’un des chiffres de ce budget dépendra du résultat de cette discussion.
Je demande donc qu’on fixe à lundi le vote définitif de la loi sur le bétail et que cet objet terminé, on ouvre la discussion sur la proposition de M. Fallon concernant la banque. Nous arriverons ensuite au budget des voies et moyens.
Je voterai pour la proposition de M. Gendebien de mettre la péréquation à l’ordre du jour immédiatement après la rentrée. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - M. Fallon a proposé la question préalable sur la proposition de M. Liedts.
M. Fallon. - J’avais proposé la question préalable pour éviter que la chambre perde son temps à discuter l’ordre du jour qu’elle avait arrêté. Maintenant que cette discussion a eu lieu, je retire ma motion d’ordre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je voudrais savoir de quels projets il s’agit, et si l’on abandonne le projet de discuter la loi communale.
M. Jullien. - A la dernière séance, je me suis opposé à ce qu’on changeât l’ordre du jour, au milieu de la discussion sur les bestiaux, parce que la motion me paraissait intempestive. Maintenant que la discussion sur les bestiaux est terminée et qu’il appartient à la chambre de fixer l’ordre du jour comme bon lui semblera et que déjà on a mis un projet en discussion avant la loi communale, je pense qu’il convient d’examiner les motifs d’urgence développés par M. Liedts pour donner la priorité à la loi de péréquation cadastrale.
Je n’ajouterai rien aux motifs d’urgence que l’honorable député d’Audenaerde a exposés, mais je ferai observer que si la discussion de cette loi n’a lieu qu’au mois de janvier, le bénéfice de la péréquation sera perdu pour les provinces qui souffrent depuis 40 ans l’énorme lésion dont elles sont victimes.
Si le ministre peut nous assurer qu’il y a possibilité de s’arranger de manière que la péréquation cadastrale reçoive ses effets cette année, je ne verrai plus de motif pour m’opposer à ce que la discussion soit différée jusqu’à l’époque fixée par M. Gendebien.
Mais si la chose est impossible, il est impossible aussi que ceux qui sont lésés ne fassent pas tous leurs efforts pour mettre fin à cet état de choses.
Je rappellerai au gouvernement qu’il y a ici pour lui une question d’honneur. Quand de nombreuses réclamations sont arrivées et de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale à l’occasion de la péréquation de commune à commune, quand des villes venaient dire qu’elles étaient surchargées de 80 à 100 p. c. de ce qu’elles payaient, ces villes alléguaient que si on avait mis à exécution le système de péréquation générale, elles auraient pu être diminuées d’un côté d’une partie de ce dont elles avaient été augmentées de l’autre ; qu’a dit le gouvernement à l’occasion d’une pétition adressée par la ville de Bruges à la chambre ? Le gouvernement a promis d’une manière solennelle qu’à la prochaine réunion des chambres on s’occuperait en premier lieu de la péréquation cadastrale ; eh bien, les chambres sont réunies, et cependant nous ne nous sommes pas encore occupés de cette loi.
Je pense que la discussion sur la péréquation cadastrale ne durera pas plus de 8 jours. Il ne s’agit pas de faire un « tour de force » comme l’a dit M. Dumortier : nous ne sommes pas accoutumés à faire des tours de force, pas plus dans les Flandres, qu’ailleurs : il ne s’agit que d’équité et de justice ; et ces mots-là sont entendus par toute la chambre.
Que le ministre des finances donne l’assurance qu’il n’y aura aucun préjudice pour les provinces lésées dans le retard de la discussion, alors nous consentirons à ce retard ; sans quoi nous appuyons la demande faite par l’honorable M. Liedts.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Jullien, en terminant son discours, a dit que c’est une question d’honneur pour le gouvernement, de faire tous ses efforts pour que la péréquation cadastrale soit votée, parce qu’il a promis, dans une autre occasion, de mettre la chambre en position de discuter immédiatement cette loi après la reprise de ses séances.
Messieurs, le gouvernement ne mérite aucun reproche, il a déposé le projet de loi dont il s’agit sur le bureau au commencement de votre session, en vous le présentant comme un acte de justice et en vous en demandant l’adoption.
On a demandé si les provinces surchargées n’éprouveraient aucun préjudice, si l’on retardait les délibérations sur la péréquation et si l’on ne pourrait pas reculer l’achèvement des rôles et en différer la perception.
Messieurs, il serait dangereux de remettre plus loin que le 15 janvier la confection des rôles ; car il importe que vers le milieu du premier mois de l’année la mise en recouvrement ait lieu : sans cela, la perception de l’impôt foncier ne se ferait guère d’une manière sensible qu’à partir du troisième mois de l’année, et nous nous trouverions exposés à voir les caisses vides en commençant l’exercice ; car l’impôt foncier est le seul dont la rentrée soit absolument certaine ; les impôts indirects peuvent aisément manquer pendant un certain temps pour des causes que l’on ne saurait prévoir. Ne nous dissimulons donc pas que si la péréquation cadastrale n’est pas votée avant le 15 janvier, son application devra être remise à une époque plus ou moins reculée.
Je ne dis pas pour cela qu’il faudrait nécessairement remettre cette application au 1er janvier suivant, parce qu’à force de travail et avec des frais, on pourrait, avec de nouveaux rôles, établir la perception d’après la péréquation à partir du second semestre de l’année dans laquelle nous allons entrer.
Messieurs, je dois actuellement aborder la proposition faite par M. Dumortier. Il demande que l’on mette à l’ordre du jour la question relative à la banque ; il voudrait que l’on devançât la discussion de l’un des articles contenus dans le budget des voies et moyens. Je pense que vous n’adopterez pas cette motion et que vous laisserez suivre à la discussion son cours ordinaire, il n’y a aucune nécessité d’intervertir l’ordre de vos délibérations en ce qui touche la banque... (La clôture ! la clôture !)
M. Gendebien. - Il m’importe de prendre la parole parce que, si l’on voulait juger de l’opinion que j’ai émise, d’après les paroles que vient de proférer l’honorable député des Flandres, on pourrait me taxer d’injustice.
Je désire avant tout la justice ; je n’ai jamais dévié de ce principe ; aussi je ne mets pas en question si l’on rendra justice, mais je demande comment on la rendra. Il s’agit en effet de savoir comment on parviendra à établir des mesures d’après lesquelles l’équilibre sera établi : or, je fais remarquer que nous aurons au plus quinze séances d’ici à la fin de l’année, et que pendant ce peu de temps vous ne pourrez pas faire tout ce que vous vous proposez de faire. Je n’ai pas demandé qu’on repoussât un acte de justice par un ajournement indéfini, j’ai demandé qu’on rendît cette justice...
Comme on vous l’a dit, il y a moyen de tout concilier. On peut commencer à percevoir selon l’ancien mode… (Bruit.) Mais si vous voulez parler plus haut que moi il était inutile de m’accorder la parole ! MM. Pirson et Desmet, laissez-moi achever, vous pourrez répondre.
Je disais qu’on pourrait renvoyer la discussion de la péréquation cadastrale au 4 janvier, parce qu’on pourrait percevoir selon l’ancien mode pendant les six premiers mois de l’année.
En effet, quel que soit le dégrèvement à opérer il ne sera pas de 50 p. c. sur ce que l’on a payé jusqu’ici. Ainsi personne n’aura trop payé et tout pourra s’arranger. Avec un peu de bonne volonté la chose peut se passer régulièrement.
Je n’ai pas d’intérêt à retarder cet acte de justice. Puisque vous êtes 48 pour parler, même malgré nous, sur la péréquation cadastrale, pendant la discussion du budget des voies et moyens, vous serez également 48 pour demander que l’égalité proportionnelle soit établie au second semestre ; non seulement vous serez 48, mais vous serez 90. Actuellement il y aurait abus de force si vous vouliez que la loi fût discutée avant le 4 janvier, vous invoquerez en vain la nécessité de réparer une injustice ; ce ne sera qu’un prétexte pour faire violence, puisque nous nous joignons à vous pour prendre la décision formelle qu’on s’occupera du projet au commencement de l’année. Le ministre ne s’y oppose pas ; qu’avez-vous à craindre ? faites ce vous voudrez, mais la persistance serait déraisonnable.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois faire une observation sur l’opinion que vient d’émettre M. Gendebien.
Il présente la perception pendant le premier semestre comme étant très praticable au moyen des anciens rôles et sans que pour cela la péréquation générale ne puisse se faire pour l’année entière, parce qu’on pourrait, dit-il, opérer les dégrèvements et les surtaxes pour l’année entière pendant le second semestre.
Messieurs, il faut considérer ce qui va avoir lieu d’après la péréquation cadastrale ; la surcharge qui en résultera pour une moitié des contribuables sera intolérable si on l’applique pour l’année entière sur six mois seulement, et c’est à ce point qu’il serait même dangereux de passer brusquement et en une seule fois de la répartition actuelle de l’impôt à la nouvelle.
Aussi, veuillez remarquer que dans le projet de loi on a tellement compris qu’une transition brusque gênerait les contribuables surchargés qu’on a proposé de n’opérer le redressement que successivement et en trois années ; quoique le gouvernement soit persuadé de l’équité de la mesure et de la nécessité de réparer une injustice qui dure depuis 40 années. La section centrale elle-même n’a pas cru devoir vous proposer la péréquation en moins de deux ans afin d’amortir la secousse qui est, n’en doutez pas, inévitable de toute façon : quelle serait donc cette secousse si l’on voulait établir tout d’un coup et sur un espace de six mois, cette péréquation ?
M. Gendebien. - Dans tout ce que vient de vous faire entendre M. le ministre des finances, il n’y a rien qui réponde à ce que j’ai dit. D’après ce que j’ai demandé, il en résulterait seulement que les provinces qui seront dégrevées ne le seront que quelques mois plus tard, et que les provinces qui seront augmentées ne le seront que dans quelques mois : cependant qu’elles paient leurs contributions d’une manière ou d’une autre, au bout de l’année cela reviendra au même.
Mais, du reste, d’une manière comme de l’autre, il en sera toujours la même chose. Il n’y a donc aucun obstacle à ma proposition.
Si vous précipitez la discussion, sans doute ceux qui se trouveront dégrevés par suite des mesures que vous aurez ordonnées ne se plaindront pas. Mais ceux dont la cote se trouvera augmentée croiront avoir d’autant plus le droit de se plaindre que la discussion n’aura pas eu toute la maturité désirable, et qu’on aura attendu au dernier moment pour la commencer. Or, c’est ce que les chambres et le gouvernement doivent empêcher ; car on pourra leur reprocher d’après avoir consacré 15 jours à la discussion d’une loi d’un aussi faible intérêt que celle relative à l’entrée du bétail, et de n’avoir reconnu qu’après ces 15 jours écoulés l’urgence de la loi de péréquation.
Pesez ces réflexions, après cela faites ce que bon vous semblera.
M. Desmet. - Je viens amender la proposition de M. Liedts. Au lieu de fixer à mardi la discussion de la loi de péréquation, je demande qu’on la mette à lundi après le second vote de la loi sur le bétail et le vote du transfert demandé par le ministre de la justice.
M. Gendebien. - Je propose de fixer la discussion de la loi de péréquation à la première séance de janvier.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Si l’on fixe la discussion à la première séance de janvier, je demande quand on discutera les budgets des dépenses. Il est évident que c’est là la discussion la plus urgente, à la rentrée de la petite vacance que la chambre doit prendre ; car nous ne pouvons rester sans moyens financiers.
M. Gendebien. - De toute façon, vous voulez que la discussion de la loi de péréquation ait lieu auparavant.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - M. le ministre de l’intérieur fait remarquer que l’on ne peut admettre une proposition aussi absolue que celle de M. Gendebien, parce qu’il y aura les budgets de dépenses qui sont encore plus urgents que la loi de péréquation. Je crois donc que la proposition de M. Gendebien pourrait concilier toutes les opinions, si elle était modifiée en ce sens que dans la première séance de janvier on fixerait l’époque de la discussion de la loi de péréquation.
Je répondrai à l’honorable M. Gendebien que M. le ministre de l’intérieur, en faisant l’observation que les budgets devaient être mis à l’ordre du jour après le 1er janvier, n’était pas en contradiction avec les faits, puisque les rapports sur les budgets ne sont pas prêts. Si c’était possible que la loi de péréquation cadastrale fût votée mercredi, ce n’en serait que mieux pour de notre temps. La chambre jugera si cela est possible.
M. Desmet déclare retirer son amendement.
M. Dumortier. - J’ai demandé la parole pour faire une proposition qui ralliera toutes les opinions, c’est de fixer la discussion de la loi de péréquation cadastrale après celle du budget de la guerre et celle du budget des voies et moyens. (Réclamations.) Si nous avons fini le budget des voies et moyens avant les vacances, alors nous pourrons nous occuper de la loi de péréquation cadastrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il n’y a pas seulement à l’ordre du jour le budget de la guerre et celui des voies et moyens. Il y a la loi communale. Que l’on mette le maintien de l’ordre du jour aux voix. Ceux qui veulent la discussion de la péréquation cadastrale n’auront qu’à voter contre.
M. Dumortier. - Il y a deux budgets dont la discussion est indispensable. Il faut qu’ils soient votés avant la fin de l’année. C’est celui de la guerre et celui des voies et moyens ; que la chambre s’occupe d’abord de ces budgets, ensuite elle fixera son ordre du jour.
M. A. Rodenbach. - Je demande la priorité pour la proposition du député d’Audenaerde.
- Cette question de priorité est mise aux voix et résolue affirmativement.
La proposition de M. Liedts est ensuite mise aux voix.
- Plusieurs membres demandent l’appel nominal.
On procède à cette opération.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 68.
Ont répondu oui, 40.
Ont répondu non, 28.
En conséquence, la proposition est adoptée et la péréquation cadastrale est mise à l’ordre du jour de mardi.
Ont répondu oui : MM. Andries, Bekaert, de Jaegher, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Nef, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Doignon, Dubois, Dubus (Bernard), Ernst, Hye-Hoys, Jullien, Kervyn, Lejeune, Liedts, Manilius Morel-Danheel, Polfvliet, Quirini, A. Rodenbach, Rogier, Simons, Smits, Thienpont, Ullens, Vandenbossche, Vanden Wiele, Vanderbelen, Vergauwen, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke et Zoude.
Ont répondu non : MM. Beerenbroeck, Berger, Bosquet, Brabant, de Longrée, Demonceau, Dequesne, de Renesse, Desmanet de Biesme, d’Hoffschmidt, Dubus aîné, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Gendebien, Heptia, Lardinois, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Pirson, Pollénus, Raymaeckers, Scheyven, Trentesaux, Troye, Verdussen et Raikem.
MM. les députés quittent leurs places.
M. Dubus. - Je crois qu’il faudrait aussi consacrer la journée de lundi prochain à l’examen dans les sections des budgets, et notamment du budget de la guerre.
M. le président. - Nous ne sommes plus en nombre pour prendre une décision. Il est entendu que demain on se rendra dans les sections et qu’il n’y aura pas séance.
- La séance est levée à 5 heures passées.