(Moniteur belge n°317, du 13 novembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à une heure.
M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la précédente séance, dont la rédaction est adoptée.
M. Verdussen fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Des habitants d’Echternack (Luxembourg), propriétaires de bois ou de minerai, réclament contre la pétition adressée au Roi par les maîtres de forges, tendant à porter le droit à la sortie sur le charbon de bois à 25 p. c. de sa valeur. »
« Des habitants de Braine-Lalleud demandent l’élection directe de tous les membres des administrations communales. »
« La dame veuve De Prins, dont le mari était pensionné de septembre, demande de continuer à jouir de cette pension. »
« La régence de Grammont demande que cette ville devienne le siège d’un tribunal correctionnel et chef-lieu de l’arrondissement des cantons d’Audenaerde, Quarimont, Nederwalen, Nederbrakel, Sottegem, Herzele, Nederboelaere et Ninove. »
« Le sieur Wulslong, Anglais, signale un prétendu abus qui existe dans l’application de la loi des douanes, en obligeant les voyageurs à payer les droits pour des livres à leur usage. »
« Le sieur Donner, négociant à Bruxelles, et plusieurs fabricants en chapellerie du royaume, demandent la libre sortie des poils de lièvre et de lapin. »
« Le sieur Hahn, professeur à Anvers, né en Prusse, demande la naturalisation. »
« Le sieur Christophe Schmitz, né en Prusse, organiste, domicilié à Thorn (Luxembourg), demande la naturalisation. »
- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. le ministre de la justice (M. Ernst) a la parole pour des communications du gouvernement.
Après en avoir exposé les motifs, il donne lecture du projet de loi suivant :
(Note du webmaster : le texte de ce projet de loi, inséré au Moniteur du jour, n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
M. le président. - La chambre donne acte à M. le ministre du projet de loi dont il vient de donner lecture. Ce projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés et distribués à chacun des membres.
Veut-on que ce projet soit renvoyé aux sections ou bien à une commission ?
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je demanderai à la chambre de renvoyer à une commission le projet que je viens d’avoir l’honneur de lui présenter. (Appuyé ! appuyé !)
- La chambre consultée ordonne le renvoi à une commission nommée par le bureau.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je vais avoir de présenter à la chambre un projet de loi sur la compétence en matière civile. Comme l’exposé des motifs et le projet de loi sont assez longs, si la chambre m’autorise à en faire le dépôt sur le bureau, je n’en donnerai pas lecture.
- Plusieurs membres. - L’impression ! l’impression !
M. le président. - La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qui vient d’être dépose sur le bureau. Ce projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés et distribués.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’aurai encore l’honneur de demander à la chambre le renvoi de ce projet à une commission. La matière est tout à fait spéciale, il est nécessaire d’en confier l’examen à des hommes ayant des connaissances spéciales. J’espère que ces motifs détermineront la chambre à adopter ma proposition.
- Le projet de loi relatif à la compétence en matière civile, comme le précédent, est renvoyé une commission nommée par le bureau.
M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion de deux projets de loi, l’un relatif à la taxe des lettres et au service des postes rurales, et concernant les domaines los-renten. Auquel de ces deux projets la chambre veut-elle donner la priorité ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il faut donner la priorité au projet de loi concernant le service des postes.
- Un grand nombre de membres. - Oui, oui, appuyé !
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Non, M. le président, il y a plusieurs dispositions auxquelles je ne me rallie pas ; je demanderai en conséquence que le projet du gouvernement serve de base à la discussion.
M. le président. - La discussion générale est ouverte sur le projet du gouvernement. Les propositions de la section centrale seront considérées comme amendements.
Personne ne demandant la parole sur l’ensemble de la loi nous passons à la discussion des articles.
M. le président. - Les considérants ont été supprimés par la section centrale.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallie à cette suppression.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande qu’on fixe au 1er janvier 1836 l’époque à laquelle seront exécutées les dispositions de la présente loi.
M. le président. - « Art. 1er. A compter du 1er janvier la taxe des lettres sera réglée d’après la distance en ligne droite existante entre les directions des postes dont dépendent le lieu où la lettre a été confiée à l’administration et celui où elle doit parvenir.
« Cette taxe sera perçue conformément au tarif ci-après pour une lettre simple :
« Jusqu’à 30 kilomètres 2 décimes.
« de 30 à 60, 3 décimes.
« de 60 à 100, 4 décimes
« de 100 à 150, 5 décimes
« et ainsi de suite en ajoutant un décime par 50 kilomètres. »
La section centrale propose d’ajouter le mot inclusivement après ceux-ci : « jusqu’à 30 kilomètres, etc. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallie à cette proposition.
- L’article premier, amendé par la section centrale, est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. La lettre simple de et pour la même commune sera taxée à un décime. »
- Le projet du gouvernement et celui de la section centrale sont conformes.
L’article 2 est adopté sans discussion.
« Art. 3. La lettre simple de et pour des communes desservies par la même direction de poste, sera taxée du port de deux décimes. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je proposerai à cet article un léger amendement qui consiste à substituer aux mots « desservies par la même direction de poste, » ceux-ci : « dépendant de la même direction de poste. »
Voici les motifs du changement que je propose :
Dans certains cas, les bureaux de distribution dépendant du chef-lieu d’arrondissement postal sont desservis par le chef-lieu d’un autre arrondissement. Pour rendre la chose plus intelligible, je citerai un exemple : Gembloux dépend de l’arrondissement postal de Namur, et cependant, au lieu d’envoyer à Namur les lettres de Bruxelles pour Gembloux, le courrier les dépose en passant dans cet endroit. De cette manière la commune reçoit ses dépêches beaucoup plus tôt. Si le mot « desservies » était maintenu dans l’article, la taxe serait de deux décimes, au lieu de trois comme pour Namur.
Il ne serait cependant pas juste qu’une amélioration qui fait parvenir les lettres plus tôt à leur destination tourne contre les intérêts de l’administration, et il serait déraisonnable que la taxe fût moindre que si la lettre faisait le détour par le chef-lieu d’arrondissement postal, avant d’arriver à sa destination.
- L’amendement proposé par M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté, ainsi que l’article amendé.
« Art. 4. La taxe des lettres transmises par l’intermédiaire des offices de poste étrangers se composera du port dû pour le parcours en Belgique, et de celui à payer à ces offices.
« La taxe des lettres de et pour les pays d’outre-mer sera formée de celle due pour le parcours intérieur, et d’une taxe supplémentaire et progressive de 5 décimes par lettre simple. »
La section centrale propose d’ajouter : « mais qui ne peut dans aucun cas excéder deux francs. »
Deux autres amendements sont proposés, l’un par M. le ministre des finances, l’autre par M. Verdussen.
L’amendement proposé par M. le ministre des finances est ainsi conçu :
« Art. 4. La taxe des lettres transmises par l’intermédiaire des offices de poste étrangers se composera du port dû pour le parcours en Belgique, et de celui à payer à ces offices.
« La taxe des lettres de et pour les pays d’outre-mer, avec lesquels il n’existe pas de convention postale, sera formée de celle due pour le parcours intérieur, et d’une taxe supplémentaire et progressive de cinq décimes par lettre simple, mais qui toutefois ne pourra excéder deux francs lorsque les paquets qui en seront frappés ne contiendront que des effets publics ou des contrats d’assurance, règlements de comptes et procurations. »
L’amendement proposé par M. Verdussen est ainsi conçu :
« J’ai l’honneur de proposer à l’article 4 les amendements suivants :
« 1° D’ajouter à la fin de l’article les mots : Quel que soit le parcours extérieur ou le poids de la lettre ;
« 2° D’adopter, pour le parcours intérieur des lettres d’outre-mer, une progression exceptionnelle, quant au poids, en n’ajoutant la moitié du port de la lettre simple que de 25 en 25 grammes depuis le poids de cent grammes exclusivement. »
La parole est à M. Verdussen pour développer son amendement.
M. Verdussen. - Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter trois observations sur le deuxième paragraphe de l’article 4.
La première porte sur la rédaction qui, à mon avis, laisse quelque chose à désirer. Dans le projet du gouvernement aussi bien que dans celui de la section centrale, il est bien dit que la taxe pour les lettres de et pour les pays d’outre-mer sera formée de celle due pour le parcours intérieur et d’une taxe supplémentaire et progressive ; mais il n’y est pas dit comment se fera cette progression, si ce sera en raison de la distance ou en raison du poids.
Je pense que la progression ne peut s’appliquer qu’au poids. Je pense aussi que telle a été l’intention des auteurs du projet du gouvernement et de celui de la section centrale. Cela résulte même des explications données par la section centrale ; mais comme ces explications ne font pas partie de la loi, il est nécessaire de modifier l’article de manière qu’il exprime entièrement la pensée des auteurs du projet.
La deuxième observation que j’ai l’honneur de présenter, porte sur la disposition en elle-même. Il est dit que la taxe des lettres de et pour les pays d’outre-mer sera formée de celle due pour le parcours extérieur et d’une taxe supplémentaire et progressive de 5 centimes par lettre simple.
D’après cela, on peut supposer que le parcours intérieur de ces paquets qui viennent d’outre-mer, est réglé par l’article 5 qui détermine le poids de la lettre simple et la progression de la taxe en raison du poids.
J’ai fait un travail à cet égard, en prenant pour base les observations de la section centrale. J’ai remarqué que les paquets venant d’outre-mer étaient toujours très pesants, parce que presque toujours ils renferment des contrats d’assurances, des règlements de compte, des procurations ou des comptes d’avarie. Il serait exorbitant de faire payer pour ces paquets la taxe établie pour le parcours intérieur des lettres.
Je suppose qu’il faille envoyer d’Ostende à 200 kilomètres, environ 50 lieues, un paquet de 900 grammes, ce qui fait à peu près deux livres ancien poids de Brabant ; en prenant pour base l’article 5 du projet, nous verrons que pour les 20 premiers grammes, on paiera 12 décimes, et que pour les 880 autres grammes on paiera 3 décimes par 10 grammes, ce qui fait 264 décimes qui, ajoutés aux 12 décimes des 20 premiers grammes, font 27 fr. 60 c. pour le parcours intérieur.
Il faut encore ajouter à cela, toujours d’après le projet de la section centrale, le maximum du parcours sur mer, qui est de 2 fr. De manière que ce paquet paierait 29 fr. 60 c.
Dans le pays, il sera facile de se soustraire à une taxe aussi exorbitante en employant une autre voie que la poste pour expédier des paquets semblables.
Mais les personnes qui font des expéditions ne peuvent pas avoir recours aux diligences comme les indigents qui pourraient même faire le voyage pour porter leurs pièces. Les capitaines de vaisseaux qui par obligeance se chargent du transport de ces paquets sont obligés de les remettre en masse à la poste, et ceux auxquels ils sont adressés sont forcés de payer le droit énorme dont je viens de vous donner un exemple.
J’ai pensé qu’il fallait établir une différence pour le parcours intérieur des paquets venant d’outre-mer. Selon moi, la taxe pourrait être établie de la manière suivante :
J’adopterai la proposition de la section centrale, pour le premier degré de l’échelle, c’est-à-dire que les lettres de 15 à 20 grammes inclusivement paieront deux fois le port de la lettre simple, celles de 20 à 30 grammes inclusivement deux fois et demie, et ainsi de suite progressivement, en ajoutant la moitie du port de la lettre simple de 10 en dix grammes seulement jusqu’à cent grammes inclusivement, et au-delà de 10 grammes l’augmentation de la moitié du port de la lettre simple n’aurait lieu que de 25 grammes en 25 grammes.
Je conçois combien il est difficile de traiter de pareilles matières devant une assemblée nombreuse, obligé qu’on est d’entrer dans des calculs très étendus. Je crois cependant m’être expliqué de manière à être compris.
Je dirai en résumé que ce qui d’après le projet de la section centrale paierait 20 francs, d’après mon projet ne paierait que quinze fr. vingt centimes.
C’est encore une taxe très forte ; mais je pense qu’elle n’est plus de nature à effrayer et à détourner les intéressés de confier leurs paquets aux bureaux de poste.
On dira peut-être que j’établis pour les paquets venant d’outre-mer un privilège ; mais je ferai observer, comme je l’ai dit plus haut, que les personnes de l’intérieur qui ont de gros paquets à envoyer ne se servent jamais de la poste, ayant à leur disposition des moyens aussi prompts et moins chers.
Je citerai un autre exemple qui ne s’appliquera qu’au port où arrivera le paquet. Je suppose qu’un paquet de 900 grammes arrive à la poste d’Ostende pour être remis a une maison d’Ostende, eh bien, ce paquet paierait pour être porté du bureau de posté au domicile, 6 fr. 60 c. d’après le projet de la section centrale ; et d’après le mien il ne paierait que 4 fr. 20 c.
Je crois que ces deux exemples suffisent pour faire sentir combien il est utile et nécessaire, dans l’intérêt du commerce, comme dans l’intérêt du fisc, d’admettre l’amendement que j’ai l’honneur de proposer.
La troisième observation que j’ai annoncée, porte sur le classement de l’article. Il me semble que sa place naturelle est entre les articles 7 et 8, car on ne doit pas placer, au milieu de dispositions relatives aux lettres de l’intérieur, un article qui concerne les lettres venant de l’étranger.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense que l’amendement que j’ai déposé sur le bureau se concilie avec l’opinion même de M. Verdussen, et avec les véritables intérêts du trésor.
Je ferai remarquer que la section centrale n’a été amenée à modifier l’article du projet que parce que souvent les paquets pesants envoyés par la poste renfermaient des effets publics, des règlements de compte, des contrats d’assurance, des règlements d’avarie ou des procurations. L’objection qui a fait proposer une modification au projet se trouve donc prévue dans ma rédaction ; car je dis que pour les paquets arrivant d’outre-mer, qui contiendront les objets que je viens d’énumérer, en aucun cas la taxe supplémentaire ne pourra excéder 2 fr.
Si vous n’adoptez pas ma rédaction et que vous préfériez celle de la section centrale ou de M. Verdussen, vous ouvrirez la porte aux plus graves abus.
En effet, un négociant de Londres ayant un correspondant à Ostende qui lui enverrait un paquet contenant 25 lettres simples et pesant 90 grammes, ne paierait pour ces 25 lettres, d’après la section centrale, que 2 francs au lieu de 25 qu’elles devraient payer d’après le projet du gouvernement. Il y a plus, en se servant de papier de soie, ce qui ne manquerait pas d’arriver, on pourrait mettre 55 lettres dans un paquet du poids de 90 grammes, et ne payer ainsi, selon la section centrale, que 2 francs au lieu de 55 si les lettres étaient expédiées séparément.
La disposition proposée ne serait pas sitôt admise que l’on verrait s’établir des comptoirs à Ostende et à Londres pour ce commerce qui ne laisserait pas d’être, comme je viens de le démontrer, très productif.
Par mon amendement, on évite cet abus et en même temps celui de frapper d’un droit exorbitant les gros paquets venant d’outre-mer, qui ne contiennent pas de lettre, car je désigne nominativement les objets que l’on craignait de frapper d’un droit trop fort, pour stipuler qu’en aucun cas la taxe ne pourra s’élever au-delà de deux francs.
Mais, dira-t-on, de quelle manière saurez-vous que ces paquets contiennent les objets spécifiés dans votre amendement ?
Mais, messieurs, il se fera dans cette occasion ce qui s’est toujours fait : le négociant enverra son commis à la poste, le paquet y sera ouvert en sa présence, et l’on verra s’il renferme seulement des lettres ou bien des papiers de commerce ou de navigation, et l’on appliquera la taxe en conséquence.
Il ne faut pas perdre de vue que le gouvernement a établi à grands frais des relations avec les pays étrangers, et qu’il importe de lui assurer au moins le dédommagement des avances qu’il fait. Et, d’ailleurs je demanderai pourquoi on introduirait une différence favorable aux lettres d’outre-mer parcourant l’intérieur du royaume, par la raison qu’elle vienne d’outre-mer : n’est-il pas juste de les laisser sur la même ligne que celles que tous les Belges se transmettent entre eux dans le pays ?
Je ne vois pas de raison pour les distinguer les unes des autres : elles occasionnent les mêmes frais à la poste, elles doivent subir les mêmes conditions.
On a cité un exemple qui n’aura probablement jamais d’application. On a parlé en effet d’un paquet venant d’outre-mer par Ostende, et faisant quarante lieues dans l’intérieur du pays ; or, un tel paquet renfermant des papiers de mer ne pourrait être adressé qu’à un armateur ; il ne pourrait donc être envoyé à Namur et encore moins à Luxembourg, ville que l’on a citée et où certes il n’y a jamais eu d’armateurs.
Nous avons fait droit aux objections de la section centrale par le moyen de l’amendement que nous proposons ; et de plus nous prévenons ainsi les graves abus que nous venons de signaler.
M. Liedts, rapporteur. - Pour faire comprendre l’amendement présenté par M. Verdussen, il faudrait expliquer le sens du paragraphe de l’article auquel il se rapporte.
Supposons, pour fixer les idées, qu’une lettre vienne d’Amérique, et soit adressée à un négociant de Bruxelles. D’après les lois existantes, le capitaine du navire doit remettre le paquet à la poste aux lettres, et voici comment le tarif est perçu :
On calcule la distance du port où il est mis à la poste jusqu’au lieu de la destination, et on taxe les lettres comme si elles venaient de l’intérieur. Ces lettres paient donc le port des lettres ordinaires, mais comme elles ont fait un trajet en mer (article 4, paragraphe 2), on veut que pour le parcours en mer elles ne soient taxées que cinq décimes pour les lettres simples, c’est-à-dire, si elles ne pèsent que dix grammes ; si leur poids est supérieur, le taux du port augmente dans le rapport de l’augmentation de ce poids, sans cependant (ajoute l’article 4) que la taxe puisse excéder deux francs pour le parcours en mer.
Maintenant, voyons ce que propose M. Verdussen.
Par la première partie de son amendement, il demande que, quel que soit le parcours fait en mer et quel que soit le poids, le taux ne puisse excéder deux francs. Comme cette partie de l’amendement de l’honorable membre n’a pour but que de rendre plus clairement la pensée de la section centrale, je ne vois pas d’inconvénient à l’adopter.
Mais il veut aussi que les lettres venant d’outre-mer paient une somme moindre que les autres lettres, quand elles parcourent l’intérieur. Je vois là une injustice.
Pourquoi un particulier d’Anvers, par exemple, adressant une lettre à un particulier de Bruxelles, paierait-il plus que pour une lettre venant d’Amérique, si sa lettre pèse 20 grammes ? Qu’une lettre soit expédiée par un particulier belge, qu’elle soit expédiée d’outre-mer, pour le parcours à l’intérieur elle doit payer les mêmes droits. Il est donc impossible que j’appuie cette seconde partie de l’amendement de l’honorable membre.
M. Verdussen, en faisant un calcul, trouve qu’un paquet pesant un peu plus de deux livres paiera une somme assez considérable d’Ostende à Luxembourg ; je ferai observer à cet égard que ce paquet paierait 27 fr. de parcours à l’intérieur d’après ce qui existe, et je ne vois pas pourquoi il paierait moins que les paquets de provenance belge.
Au reste, les lettres ou paquets pesant au-delà de deux livres ne sont pas mis à la poste, et les messageries peuvent être employées légalement pour leur transport.
M. Verdussen trouve exorbitante la taxe pour le transport par mer ; or, je trouve que ce taux est le même que celui qui est prélevé maintenant. En France le droit est plus considérable encore pour le parcours par mer, et l’on n’y fait entendre aucune plainte. En France, je crois, le parcours en mer est calculé comme le parcours à l’intérieur ; une lettre de Philadelphie expédiée pour la France paie, comme vous voyez, des droits considérables.
Dans notre projet il en est autrement. Nous voulons que le parcours en mer ne s’élève jamais au-dessus de deux francs.
M. le ministre des finances propose aussi un amendement ; je ne sais s’il atteint le but que se propose la section centrale. Elle a voulu concilier les intérêts du trésor avec ceux des contribuables, en ne permettant pas d’élever le droit au-delà d’une certaine somme dans le cas où les paquets ne renfermeraient que des papiers relatifs à des affaires de commerce ; et elle n’a donné que quelques exemples des pièces qu’elle comprend dans cette catégorie : elle n’a pas voulu faire d’énumération, parce qu’elle a craint d’en faire une incomplète. Nous ne sommes pas sûrs de connaître toutes les pièces relatives aux affaires commerciales, et nous aurions été fâchés de faire des omissions.
L’amendement du ministre, dans son énonciation, comprend-il tout ce qu’il doit comprendre ? Nous en doutons.
Par ces considérations, il serait peut-être désirable que l’on renvoyât l’amendement de M. le ministre des finances à la section centrale. On ne doit pas craindre son opinion. Elle ne veut pas favoriser la fraude qui, au reste, n’est pas aussi active qu’on le dit.
On a cité un moyen de la faire. Ce serait d’enfermer 20 lettres, adressées à différents particuliers, sous un même couvert ; mais je ferai remarquer que si ces lettres sont adressées à plusieurs personnes, on ne voudra pas s’exposer à un retard préjudiciable, pour un mince bénéfice ; ces retards seraient inévitables, en les mettant sous un même couvert.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai tâché, dans mon amendement, d’exclure tout ce qui ne pouvait pas être considéré comme lettre ; si on trouve une expression plus générale que celle que j’ai employée, je ne m’opposerai pas à son adoption, car l’intention qui a dicté mon amendement est de ne pas soumettre les paquets contenant des objets de comptabilité ou autres de semblable nature aux mêmes droits que les lettres.
L’honorable rapporteur de la section centrale nous assure que les abus ne sont pas autant à craindre qu’on le dit, et qu’il y aura un mince bénéfice à distribuer cinquante lettres, mises sous une même enveloppe, quoiqu’adressées à différents destinataires ; je lui ferai observer que la distribution de ces lettres n’occasionnerait presque jamais de frais, car elle pourrait se faire à la bourse, par exemple, et par d’autres moyens aussi faciles que celui-là, pour les faire parvenir chacune à son adresse.
La section centrale ne veut pas ouvrir la porte à la fraude. Eh bien ! le moyen d’empêcher cette fraude, c’est de rédiger l’article en discussion d’une manière analogue à celle que je propose.
Je ne tiens pas aux expressions dans lesquelles je l’ai formulée ; et je ne m’opposerai pas à une rédaction conçue dans des termes aussi généraux que l’on voudra.
L’honorable rapporteur vous a démontré, comme je l’ai déjà indiqué sommairement, qu’il n’était pas juste de faire une distinction entre les lettres provenant de l’étranger et les lettres provenant de l’intérieur, quand elles parcourent le pays ; en effet, pourquoi une lettre arrivant à Ostende d’outre-mer, et partant ensuite par la poste, paierait-elle moins qu’une lettre expédiée d’Ostende même par un particulier de cette ville, et allant à la même destination ?
Je bornerai là mes observations, en appuyant le renvoi de l’article à la section centrale.
M. Coghen - Je veux appuyer par quelques réflexions le renvoi proposé à la section centrale.
Il est impossible de statuer sur les amendements qu’on nous a présentés. On ne peut pas les apprécier à une simple lecture.
Cependant l’article, tel qu’il est libellé, pourrait être fort préjudiciable au pays. Il faut nécessairement que l’on trouve une expression assez générale pour comprendre dans l’exception les documents commerciaux autres que les lettres ; il faut affranchir les gros paquets contenant des règlements de compte, ou contenant des pièces relatives à des avaries, à des procédures, qui nous arrivent de tout pays.
M. Verdussen. - Je ne m’oppose pas au renvoi à la section centrale.
M. Legrelle. - Messieurs, je crois qu’il serait dangereux de faire une énumération ; car, quelque soin qu’on apporte à la faire, il pourra toujours échapper quelque objet important ; il vaudrait mieux dire que les paquets ne renfermant pas de lettres de commerce ou… autres. Prenez garde que l’on peut mettre dans les paquets d’autres pièces que des pièces relatives au commerce ; on peut, par exemple, y mettre des papiers concernant des transactions civiles.
- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Voici l’article 5 proposé par le gouvernement :
« Art. 5 Seront considérées comme lettres simples celles au-dessous du poids de 10 grammes.
« Les lettres de 10 à 15 grammes paieront deux ports, celles de 15 à 20 grammes paieront deux ports et demi, et ainsi de suite en ajoutant un demi-port de 5 en 5 grammes.
Voici maintenant l’article 5 proposé par la section centrale :
« Art. 5. Seront considérées comme lettres simples, celles au- dessous du poids de 10 grammes.
« Les lettres de 10 à 15 grammes inclusivement paieront la moitié en sus du port de la lettre simple ; celles de 20 à 30 inclusivement, deux fois et demie le port, et ainsi de suite en ajoutant la moitié du port de la lettre simple, de 10 en 10 grammes. »
M. Coghen - L’augmentation qui résulte des taxes que l’on demande est bien plus considérable en réalité qu’elle ne le paraît au premier abord. Loin de moi cependant l’idée de diminuer les ressources du trésor. Je sais qu’un moment viendra où il faudra les mettre de niveau avec les besoins de l’Etat ; mais la majoration est si grande sur la taxe des lettres que ce serait accabler le commerce, l’industrie, l’agriculture, qui depuis 5 ans ont tant souffert, et qui ont besoin d’allégement plutôt que de surtaxe.
L’augmentation ne paraît pas d’abord très sensible ; mais, en comparant les droits existants à ceux que le projet tend à établir, on en comprend toute l’importance. Une lettre de 16 grammes payait le simple port. D’après le projet ministériel elle paiera deux ports.
Une lettre qui pèse 21 grammes…
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai omis de dire que je me réunissais ici à la proposition de la section centrale, pour un port et demi au lieu de deux ports ; il n’y a qu’à l’égard de la progression de vingt à trente grammes que je ne me rallie pas aux propositions qui sont faites.
M. Coghen - Je continue mes rapprochements : une lettre qui pèse seize grammes paie aujourd’hui simple port ; d’après le projet elle paiera double port. Une lettre de vingt-quatre grammes paie aujourd’hui un port et demi ; elle en paiera deux et plus. Celle de trente-deux grammes paie deux ports ; elle en paiera trois. Cette surtaxe est considérable.
Cela n’apparaît pas au premier aspect, parce que personne ne s’amuse à peser les lettres ; toutefois, ceux qui ont des relations un peu étendues s’en apercevront en examinant leurs comptes, ils verront combien ils paient de plus pour ce seul impôt.
Ce que l’on propose est favorable à la fraude ; car, les prix étant augmentés, on aura d’autant plus d’intérêt à ne les pas payer. Si maintenant beaucoup de transports de lettres se font d’une manière illicite, par les diligences ou autrement, on trouvera une plus grande économie encore à continuer les mêmes manœuvres.
La poste rurale, si utile aux communications de l’intérieur, deviendrait cependant, par une taxe trop élevée, une charge assez lourde, surtout pour les habitants des campagnes : tout le monde n’a pas à sa portée du papier très fin pour écrire, et les habitants des campagnes ont assez l’habitude de n’employer que du papier grossier, lequel pèsera plus de dix grammes par lettre ; ainsi ils seront toujours soumis au port et demi. Je veux bien qu’on profite des occasions d’être utile au trésor, mais je ne veux pas qu’on en abuse. Je bornerai là mes observations.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Relativement aux dernières observations présentées par l’honorable préopinant, je ferai remarquer que des expériences ont été faites sur différents papiers, et qu’il en est résulté que la lettre réellement simple reste toujours en dessous de 10 grammes, quelque soit le papier employé. J’en appelle sur ce point à. M. le rapporteur de la section centrale lui-même : il vous dira que généralement les lettres simples ne pèsent même pas au-delà de 5 à 6 grammes ; ainsi les objections de M. Coghen sont inadmissibles.
Le droit tel que nous le proposons est analogue au droit français. Je me trompe, la taxe des lettres en France est plus élevée. Que l’on consulte la loi de mars 1827, et l’on verra qu’à 10 et à 15 grammes les lettres sont rangées dans des catégories plus hautes que celles du projet. Cependant on n’entend pas dire qu’en France on se plaigne de la taxe des lettres.
Ne perdons pas de vue, messieurs, que l’administration des postes a déjà essuyé une perte de 150,000 francs, par la réduction du florin en deux francs, et que l’impôt qui se perçoit sans gêner personne ne doit pas être réduit inconsidérément.
Dans toutes les lois de finances on a toujours une tendance à diminuer les droits établis, et cependant, messieurs, il vaudrait souvent mieux les augmenter afin que nos recettes fussent supérieures à nos dépenses ; ce serait certes le cas d’en agir ainsi pour la taxe des lettres, impôt qui se perçoit d’une manière insensible, sans faire murmurer personne.
Indépendamment de la perte que je viens de signaler, il en est encore une autre que la poste éprouvera par suite de l’adoption de l’article premier qui détermine la taxe comme devant être perçue en raison de la distance prise en ligne droite.
Il résulte d’un état comparatif des taxes telles qu’elles existent avec celles qui seront exigibles d’après la base de la distance, selon l’article premier déjà adopté, que sur les 1,821 taxes ou relations de nos différents bureaux en Belgique, 152 taxes seront seulement augmentées, tandis que 269 seront diminuées (1,420 taxes resteront comme actuellement).
N’aggravons donc pas le mal par des diminutions intempestives. La section centrale propose d’élargir la progression de 10 en 10 grammes, une fois arrivé au poids de 20 grammes : je ne puis admettre un semblable système qui aurait pour résultat de diminuer nos recettes et qui ne serait d’ailleurs pas d’accord avec la progression admise jusqu’à 20 grammes ni avec ce qui existe actuellement, puisque la progression est de 8 en 8 grammes.
Pour appuyer sa proposition, la section centrale a parlé de la fraude qui se fait par les messageries ; et elle a prétendu que si la taxe était un peu élevée, la fraude prendrait de l’accroissement.
Je dirai sur ce point que la fraude par les messageries ne se fait qu’entre les villes où il y a un grand nombre de diligences ; c’est entre Anvers et Bruxelles surtout qu’elle a lieu. Mais pourquoi en est-il ainsi ? Est-ce à cause de l’élévation des droits et pour les éluder ? Non ; c’est qu’entre Anvers et Bruxelles il y a vingt voitures partant à des heures différentes, tandis qu’il n’y a par la poste que deux départs, et ce qui fait préférer la voie des diligences, c’est la fréquence des occasions qu’elles procurent.
Je le répète, la fraude ne se commet généralement qu’entre les villes assez rapprochées et qui ont beaucoup de diligences. Quand les distances sont grandes, on n’ose pas confier des paquets aux messageries, et lorsque surtout ils sont importants, on préfère la garantie du chargement que procure la poste.
Pour éviter toute espèce de fraude par les diligences, il faudrait abaisser tellement les droits qu’ils seraient loin de suffire aux frais mêmes de l’administration ; car, ainsi, que je l’ai dit, pour recourir à cette voie, la fréquence et la facilité des occasions sont prises en considération bien plutôt que l’élévation du prix du transport.
On a cité dans le rapport de la section centrale l’exemple de ce qui s’est passé en France ; on a dit que plus les droits avaient augmenté, plus les produits avaient diminué. On a dit qu’en 1792, époque où la taxe des lettres était fort modérée, le produit de cette taxe s’élevait à 12 millions de francs ; soit, j’admets ce produit de 12 millions pour 1792. Mais lorsqu’on a compare ce produit à celui de l’année 1821, on a commis une erreur ; car il résulte de tableaux statistiques officiels que j’ai sous les yeux, qu’en 1821, époque citée par la section centrale, le produit de la taxe des lettres s’est élevé à 23 millions de francs. Vous voyez que dès lors il y avait 9 millions d’augmentation.
En 1827, la taxe des lettres a encore subi une augmentation ; mais ne croyez pas que le produit de cette taxe ait diminué en proportion ; au contraire ; car alors il s’est élevé à 27 millions et depuis il a été continuellement en augmentant ; car en 1834 il a dépasse 36 millions, c’est-à-dire qu’il a été trois fois plus élevé qu’en 1792.
Ainsi dans l’espèce il n’est pas exact de dire que l’élévation de l’impôt est en raison inverse de ses produits. Ce n’est pas ici le cas d’admettre cet adage.
Maintenant j’établirai un calcul sur la perte que le trésor éprouverait si l’on admettait la proposition de la section centrale. Je suppose une lettre pesant 90 grammes. Cette lettre, pour le trajet d’Ostende à Bruxelles, paierait, d’après le projet du gouvernement, 48 décimes ; tandis que cette même lettre ne paierait que 28 décimes, d’après le projet de la section centrale.
En supposant qu’un négociant ait à expédier 10 lettres de Bruxelles à Ostende ; s’il les expédie séparément, il paiera 5 décimes par lettre, ou pour les 10 lettres, 5 fr. S’il les expédie réunies sous une même enveloppe et qu’il les envoie ainsi à un de ses correspondants, ces dix lettres réunies, en supposant qu’elles pèsent ensemble 90 grammes, paieront, d’après le projet du gouvernement, 4 fr. 80 c., c’est-à-dire presque autant que si elles étaient expédiées séparément, puisque, dans ce cas, elles paieraient 5 fr., comme je viens de le dire.
D’après le projet de la section centrale, au contraire, ces dix lettres réunies ne paieraient que 2 fr. 80 c. Vous voyez, messieurs, quelle perte il en résulterait pour le trésor.
Je pense que, d’après les observations que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre, il convient de maintenir le projet du gouvernement, si on ne veut pas faire perdre au trésor les sommes qu’il perçoit, sans grande gêne pour les destinataires des lettres.
M. Coghen - M. le ministre des finances vient de parler de la taxe des lettres en France. Mais, messieurs, le port des lettres est beaucoup plus cher en France qu’en Belgique. Cela se conçoit facilement. En Belgique la population est agglomérée ; les grands foyers industriels se touchent. En France, au contraire, la population est disséminée, et par suite les frais d’administration sont plus considérables et le coût du transport des lettres plus élevé.
J’estime qu’en Belgique le tiers de la correspondance est transporté par voitures, messagers ou diligences. Si vous augmentez la taxe des lettres dans une proportion telle qu’on le propose, la fraude qui se fait déjà se fera davantage encore et à plus juste titre.
J’ai fait faire des expériences sur toutes sortes de papiers ; la matière m’a paru assez importante pour cela ; j’ai trouve qu’il y avait du papier de poste qui pesait jusqu'à dix grammes et demi. Ainsi, lorsqu’une lettre de seize grammes a jusqu’à présent payé un port simple, une simple feuille de papier de poste paierait un port et demi.
D’après ces observations j’aurai l’honneur de proposer par amendement de rédiger ainsi l’article 5 :
« Seront considérées comme lettres simples celles au-dessous du poids de 15 grammes. Les lettres de 15 et 20 grammes inclusivement paieront la moitié en sus du port de la lettre simple, celles de 20 à 30 grammes deux fois le port, et ainsi de suite, en ajoutant moitié du port de la lettre simple, de 10 en 10 grammes. »
M. Liedts, rapporteur. - Il est trois choses qu’il ne faut pas perdre de vue dans la discussion de la loi qui nous occupe : d’abord c’est que le port des lettres est moins un impôt qu’une rétribution payée à la poste pour le transport des lettres ; aussi jamais cette rétribution n’a-t-elle donné lieu à la moindre plainte ; en second lieu, c’est que de la conversion du cents en deux centimes, il résulte ou résultera pour le trésor une perte de plus de 150,000 francs par année ; en troisième lieu, c’est qu’il résultera une autre perte pour le trésor du changement introduit dans l’article premier, quant au calcul des distances. Car, pour beaucoup de communes, la taxe des lettres calculée maintenant d’après les détours que fait la poste pour le transport des dépêches dans d’autres localités se trouvera bien diminuée quand elle sera calculée d’après la distance à vol d’oiseau, de manière qu’il en résultera une perte pour le trésor.
Il suffit de jeter les yeux sur l’article qui nous occupe, pour voir qu’il tend à introduire une majoration dans la taxe ; mais cette majoration est moins importante que l’honorable préopinant voudrait le faire croire.
Si cette augmentation se trouvait à la charge de ceux qui n’écrivent que 10 ou 12 lettres par an, je m’y opposerais de tous mes moyens. Mais je ne crois pas qu’il en soit ainsi. En effet, je me suis fait délivrer à la poste un relevé de tous les poids de lettres, et je me suis convaincu qu’une lettre ordinaire ne pèse jamais que de 5 à 10 grammes. Si l’honorable préopinant a fait des expériences, il les aura donc faites sur du papier autre que celui qui est ordinairement employé. On comprend bien d’ailleurs qu’il soit très facile, en employant, par exemple, du papier à dessin, d’arriver à un poids qui excède 10 grammes. (On rit.)
Sur qui donc pèsera la majoration ? Sur une classe qu’aucun impôt presque ne peut atteindre : sur quelques grandes familles, quelques banquiers, quelques grands capitalistes.
Je n’en veux d’autre preuve que deux ou trois mots échappés à l’honorable préopinant. En effet, interrogez l’administration des postes, et vous apprendrez que ce sont 100 ou 150 maisons qui paient à elles seules la grande majorité de la somme que produit la taxe.
Mais, dit-on, si l’on veut majorer la taxe des lettres, il en résultera que la fraude sera plus grande.
A cet égard, je ferai remarquer que pour les lettres simples, s’il y a fraude, ce n’est pas qu’on y trouve de l’économie, car au contraire, elles sont transportées à meilleur compte par la poste ; mais c’est que, par d’autres voies que par celle de la poste, le transport se fait plus vite. En voulez-vous une preuve ? Une lettre de Bruxelles à Mons paie, par la poste, moitié moins que par la diligence. Cependant beaucoup de personnes préfèrent cette dernière voie, parce qu’ils ont de telles occasions à toute heure du jour.
Pour ce qui regarde les gros paquets, je ferai remarquer qu’une diminution sur la taxe, actuellement existante, est proposée par la section centrale, puisque, quand on est arrivé à un certain poids, d’un demi-port est de 10 en 10 grammes, au lieu de 8 en 8 grammes, comme cela existe maintenant.
La taxe dont il s’agit ne frappe guère, comme je l’ai dit, que de grands négociants, de grands banquiers. Et vous savez que chaque fois qu’il s’est agi du budget des recettes, des plaintes se sont fait entendre sur ce que les taxes ne pouvaient atteindre cette classe de citoyens. Cette taxe n’a jamais excité de réclamations. Je ne pense donc pas qu’il faille admettre le changement proposé par l’honorable préopinant.
- L’amendement de M. Coghen n’est pas appuyé.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ferai remarquer qu’il y a une divergence entre la proposition de la section centrale et celle du gouvernement, en ce que, quand on est arrivé au poids de 20 grammes, la section centrale propose l’augmentation d’un demi-port de 10 en 10 grammes, tandis que le gouvernement propose cette augmentation de 5 en 5 grammes. A cet égard, j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre un calcul s’appliquant à une lettre pesant 90 grammes expédiée de Bruxelles à Ostende. Une telle lettre paierait 48 décimes d’après le projet du gouvernement, tandis que d’après celui de la section centrale elle ne paierait que 28 décimes.
Veuillez, je vous prie, remarquer que, comme on l’a dit, la taxe des lettres d’un certain poids n’atteindra jamais en réalité que les personnes très capables de supporter cet impôt sans la moindre gêne. En outre, pour les militaires au-dessous du grade d’officier, la taxe sera fixe et infiniment moindre ; elle est proposée à 2 décimes par le gouvernement dans tous les cas. La section centrale a été plus loin encore que le gouvernement ; mais il se ralliera à sa proposition. Ainsi la taxe des lettres sera très modérée pour cette classe moins aisée de nos concitoyens.
- Le premier alinéa et la première partie du deuxième alinéa de l’article 5 de la section centrale, auxquels le gouvernement se rallie, sont mis aux voix et adoptés ; ils sont ainsi conçus :
« Art. 5. Seront considérées comme lettres simples celles au-dessous du poids de 10 grammes.
« Les lettres de 10 à 15 grammes inclusivement paieront la moitié en sus du port de la lettre simple ; celles de 15 à 20 inclusivement, deux fois le port. »
- La deuxième partie du deuxième paragraphe de l’article 5 de la section centrale est mise en discussion ; elle est ainsi conçue :
« Celles de 20 à 30 inclusivement, deux fois et demie le port, et ainsi de suite en ajoutant la moitié du port de la lettre simple de 10 en 10 grammes. »
Le projet du gouvernement porte de 5 en 5 grammes.
M. Liedts, rapporteur. - Comme rapporteur de la section centrale, je ne puis me rallier au projet du gouvernement, surtout lorsque nous savons que, quand les lettres sont arrivées à un certain poids, on emploie toujours une voie détournée pour les expédier. Si aujourd’hui on n’emploie guère la poste pour les lettres de 40 à 50 grammes, si la taxe est plus élevée, on l’emploiera moins encore.
J’ai dit que, pour les lettres simples, ce n’est pas par économie qu’on ne recourt pas à la poste, mais parce qu’on a d’autres moyens de transport plus accélérés et plus fréquents. Mais quand il s’agit de gros paquets, c’est par économie qu’on s’adresse aux messageries. Ce n’est qu’en baissant le tarif que vous pourrez enlever ce transport aux messageries.
Quant à ce qu’a dit M. le ministre des finances d’un négociant qui, ayant dix lettres à expédier, trouverait un bénéfice à les expédier réunies, si la proposition de la section centrale était adoptée ; je pense qu’un négociant qui voudra faire la fraude au préjudice de l’administration des postes, ne se servira pas de la poste, mais des messageries, pour faire cette fraude.
Si vous voulez empêcher la fraude des gros paquets, abaissez le tarif. Le trésor s’en trouvera aussi bien que les citoyens.
Je pense que les motifs allégués par M. le ministre des finances ne justifient pas la proposition du gouvernement, et que l’article de la section centrale, dans l’intérêt même du trésor, doit être adopté par la chambre.
M. Verdussen. - Je viens appuyer les observations de l’honorable rapporteur de la section centrale ; et l’exemple cité par M. le ministre des finances me porte à appuyer l’opinion de la section centrale. Il a dit qu’une lettre pesant 90 grammes expédiée d’Ostende à Bruxelles paierait, d’après le projet du gouvernement un port de 4 fr. 80 c. Je vous demande si c’est là une taxe honnête et raisonnable.
Mais je suppose qu’il s’agisse de pièces un peu volumineuses formant un poids, par exemple, de 900 grammes, et qu’il y ait à leur faire faire un parcours de 10 lieues, soit de Bruxelles à Gand, ou de Gand à Anvers : eh bien, un tel paquet paiera 14 fr. Je vous demande s’il convient qu’un paquet qui ne pèse pas un kilo paie une telle somme pour un parcours de 10 lieues. Non. Cela saute aux yeux.
Ainsi, j’abonde dans le sens des observations de l’honorable rapporteur.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que l’on en a dit assez sur l’article de la loi qui nous occupe, et chacun de nous comprend le pour et le contre des opinions qui sont en présence. Cependant, je présenterai encore quelques observations.
J’aurai l’honneur de vous faire remarquer que ce n’est pas une majoration, mais le maintien de ce qui existe que propose le gouvernement, et que l’amendement proposé par la section centrale tend à diminuer le produit d’un impôt existant.
L’honorable préopinant a dit qu’un paquet de 900 grammes paierait 14 fr. de port. Mais, quel que soit le tarif, jamais de semblables paquets ne seront transportés par la poste. Ils seront toujours expédies par la diligence. De même, quel que soit, dans le système que je défends, le taux du tarif, les valeurs seront toujours confiées à la poste, parce qu’on voudra jouir du bénéfice du chargement.
Revenant sur l’argument qu’on a puisé de la fraude, et sur l’avantage qu’on prétend qu’il y a dans la progression de 10 en 10 grammes, au lieu de celle de 5 en 5 grammes proposée par le gouvernement, pour les lettres de 30 grammes et au-dessus, je dois dire que d’après les renseignements que j’ai recueillis (c’est une question d’opinion, puisqu’il ne peut y avoir là-dessus de données positives), la fraude n’est pas à craindre. Ainsi l’inconvénient signalé par l’honorable rapporteur n’existe pas.
Je persiste dans la proposition du gouvernement.
- La deuxième partie du deuxième alinéa de l’article de la section centrale est mise aux voix et adoptée ; l’article 5 à de la section centrale est mis aux voix et adopté dans son ensemble.
M. Lejeune, rapporteur de la commission nommée pour l’examen d’un projet de loi relatif à des crédits pour le ministère de l’intérieur, dépose son rapport sur le bureau.
- La chambre ordonne l’impression.
La discussion en est fixée à lundi.
La discussion de l’ordre du jour est reprise.
« Art. 6. La taxe des lettres simples affranchies, adressées à des militaires au-dessous du grade d’officier, est fixée à un décime si la distance à parcourir n’excède pas 30 kilomètres, et à deux décimes quelle que soit la distance à parcourir. »
- Adopté.
« Art. 7. La lettre à laquelle sera attaché un échantillon de marchandises sera taxée conformément aux articles précédents.
« Il sera perçu en outre pour l’échantillon une taxe réduite au tiers de la taxe d’une lettre du même poids, mais seulement lorsque l’échantillon sera présenté sous bandes, ou de manière à ne laisser aucun doute sur sa nature et qu’il ne contiendra d’autre écriture que des numéros d’ordre.
« Si l’échantillon est envoyé isolément, la taxe sera également réduite au tiers du port fixe pour une lettre du même poids, sans qu’elle puisse néanmoins être en aucun cas inférieure à la taxe de la lettre simple. »
- Adopté.
« Art. 8. La taxe sera perçue en décimes et sans fraction de décime. »
La section centrale propose la disposition suivante
« Art. 8. Les taxes ci-dessus seront perçues en décimes et en forçant au profit du trésor toute fraction de décime. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart) se rallie à cette dernière disposition.
- Elle est mise aux voix et adoptée.
« Art. 9. L’affranchissement des journaux, ouvrages périodiques, livres, papiers de musique, prospectus, annonces imprimées et avis de toute nature, est fixé, quelle que soit la distance parcourue dans le royaume, à un centime par feuille au-dessous de 12 décimètres carrés.
« A deux centimes par feuille de 12 à 30 décimètres carrés.
« A quatre centimes par feuille de 30 à 60 décimètres carrés. Et ainsi de suite en augmentant de deux centimes par 30 décimètres ou fraction de 30 décimètres carrés.
« La moitié du produit de la taxe sur les journaux, déterminée par cet article, sers versée au trésor ; l’autre moitié sera répartie entre les employés des bureaux chargés de l’expédition et de réception. »
La section centrale propose la suppression du dernier paragraphe.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai une légère rectification à faire au premier paragraphe de l’article 9. Elle consiste dans la substitution des mots : « annonces et avis imprimés de toute espèce » à ceux-ci : « annonces imprimées et avis de toute espèce. »
Par cette dernière rédaction, l’on pourrait comprendre les avis écrits à la main qui rentreraient ainsi dans la catégorie des lettres soumises à la taxe ordinaire. Cette rectification me paraît de nature à ne rencontrer aucune objection dans l’assemblée.
J’aborderai donc immédiatement la défense du dernier paragraphe dont la section centrale demande la suppression.
Il résulterait de ce retranchement que les employés à la distribution des journaux dans les bureaux des postes cesseraient de recevoir une quote-part de la taxe payée par les journaux.
Je ne puis admettre cette suppression, parce qu’elle serait contraire à la distribution régulière des feuilles périodiques confiées aux soins de la poste. Il est certain que les employés de l’administration des postes qui ont contracté des engagements avec les journaux sont intéressés à ce qu’ils soient distribués avec régularité lorsqu’ils perçoivent une partie du produit de la taxe.
Ce que la section centrale a trouvé d’exorbitant dans cette imposition, c’est que l’on détournât une partie des produits du trésor, au profit d’employés de l’Etat. Mais, messieurs, il n’y a rien d’extraordinaire en ceci. C’est ce qui se pratique dans les contributions indirectes à l’égard des receveurs, à qui la loi accorde un tantième du montant des recettes.
Un des avantages que la section centrale croit voir dans cette suppression, c’est une économie au profit du trésor. C’est une erreur. En effet, ces émoluments font partie des ressources sur lesquelles les employés fondent leurs moyens d’existence. Or, s’ils leur étaient enlevés, il est évident qu’il faudrait bientôt porter en leur faveur, au budget des dépenses, une somme égale à celle que la suppression du dernier paragraphe apporterait au budget des recettes.
Ajoutez à cela l’inconvénient qui résulterait d’une exactitude moins grande dans la distribution des journaux. (Et cette inexactitude se fera sentir sans qu’il soit possible d’y mettre ordre ; car les feuilles périodiques, pour arriver du bureau du journaliste à l’abonné, passent par tant de mains qu’il sera impossible de découvrir les auteurs de l’irrégularité.) Il en résultera que les journalistes ne voudront plus employer la voie de la poste pour l’envoi de leurs journaux ; de sorte qu’il pourrait bien arriver qu’au lieu de ne perdre que la moitié de la taxe, le gouvernement vît s’en échapper la totalité de ses mains.
Je crois que ces observations suffiront pour faire adopter la rédaction du gouvernement. Je prie la chambre de ne pas perdre de vue qu’il n’y a rien d’exorbitant dans le partage du produit de la taxe au profit des employés, et que les autres administrations en offrent des exemples.
M. Gendebien. - Je voulais combattre la suppression proposée par la section centrale. Mais M. le ministre des finances m’a prévenu, et je le félicite d’avoir défendu une disposition libérale.
J’aurais bien désiré que l’on abandonnât la totalité du produit de la taxe des journaux aux employés des postes, comme cela se pratiquait sous le roi Guillaume. Mais je ne sais pas jusqu’à quel point cette proposition serait accueillie par la chambre ; je crois cependant qu’il ne serait pas difficile d’en démontrer la justice.
Qu’est-ce que le produit de la taxe des journaux ? c’est une très faible partie du revenu de l’administration des postes. L’observation que l’on a faite que c’était abandonner une branche du revenu de l’Etat au profit des employés, observation qu’a réfutée, du reste, M. le ministre des finances, était oiseuse. Car, abandonnât-on la totalité de la taxe aux employés des postes, on ne suivrait en cela que l’exemple déjà suivi dans d’autres administrations, où une portion du revenu de l’Etat est abandonnée aux receveurs.
Si vous admettiez la suppression proposée par la section centrale, les employés, privés d’une partie de leur revenu, solliciteraient une augmentation de traitement que vous seriez obligés d’accorder et qui, au lieu d’être une indemnité affectée aux commis spécialement chargés de la perception de la taxe des journaux, s’étendrait à tous les employés du même grade indistinctement. Je n’ose pas proposer une indemnité plus forte pour les employés, mais j’appuie fortement la proposition de M. le ministre des finances, par les motifs qu’il a fait valoir pour la défendre.
M. Devaux. - Je désirerais avoir une explication sur la rédaction de l’article. Je crains que telle qu’elle est, elle ne mette les journaux dans une position plus défavorable.
Entend-on par l’affranchissement des journaux le transport simple des feuilles périodiques ? Ou bien veut-on régulariser ce qui s’est fait d’une manière irrégulière sous le roi Guillaume ? les journaux devaient payer 4 cents par feuille. Ils n’ont jamais payé qu’un ou deux centimes.
Il ne faut pas oublier qu’il y a plusieurs opérations dans la distribution des journaux par l’intermédiaire de la poste.
Un particulier se présente au bureau des postes ; il demande un abonnement, on inscrit l’opération. L’employé reçoit le journal, on le distribue. Voilà plusieurs opérations qui étaient comprises dans la taxe payée par les journaux. Continuent-elles à l’être actuellement ?
Si l’on n’entendait par affranchissement que le paiement par avance du port des journaux, le sort des éditeurs des feuilles périodiques vis-à-vis de la poste serait empiré par la nouvelle loi. Je demande que l’on veuille bien s’expliquer à cet égard.
Je voudrais savoir si dans l’opinion de M. le ministre des finances l’administration des postes ne pourra exiger que 2 centimes pour toutes les opérations que je viens d’indiquer. S’il en est ainsi, je n’ai rien à dire. Mais je ne pourrais consentir à ce que les journaux eussent d’autres frais à payer. Quant à la question du retranchement de l’indemnité accordée aux employés sur le produit de la taxe des journaux, il me semble qu’elle est résolue par cette considération bien simple que si d’un côté l’on diminue le revenu des employés, il faudra l’augmenter d’un autre, et que par conséquent l’on n’aura rien gagné à la suppression proposée.
M. Liedts, rapporteur. - Lorsque la section centrale a rejeté le paragraphe qui fait l’objet de la discussion, elle a été loin de penser qu’elle présentait une disposition illibérale. Ce qui l’a frappée, c’est l’irrégularité qui existe actuellement dans la marche de l’administration.
Car, quoi qu’on en dise, il est fort irrégulier qu’une administration puisse, sans passer par la comptabilité de la cour des comptes, disposer, à son profit, des deniers qu’elle reçoit comme rétributions et comme impôt. La preuve que la section centrale n’a pas été seule de cet avis, c’est qu’au commencement de la révolution, alors que l’on ne songeait pas à introduire des mesures illibérales, le ministre des finances d’alors a voulu que l’abus toléré sous le roi Guillaume cessât, et que les employés des postes eussent à se conformer aux instructions sur la matière.
Il est vrai que plus tard le même ministre fut obligé de céder aux réclamations de toute la presse et de revenir sur son premier arrêté. Quoi qu’il en soit, je ne vois pas pourquoi l’on ferait en faveur de l’administration des postes une exception aux formalités légales pour la comptabilité des deniers de l’état.
On a dit que la somme résultant de la taxe des journaux est très minime. Elle n’est pas aussi insignifiante que l’on paraît le croire.
Il s’expédie annuellement 3 millions de feuilles périodiques dans le royaume. En calculant à deux centimes la taxe de chaque feuille, cela fait 60,000 francs. Si la poste était seule chargée de l’expédition des journaux, elle percevrait donc cette somme, et le maintien du paragraphe défendu par M. le ministre enlèverait au trésor un revenu de 30,000 francs. Je sais bien qu’aujourd’hui que la taxe des journaux est plus élevée, la poste ne perçoit de ce chef qu’un revenu de 16,000 francs. Mais dans tous les cas, en admettant le retranchement proposé par la section centrale, il se trouverait doublé.
Maintenant que comme rapporteur, j’ai défendu l’opinion de la section centrale, je dirai que personnellement je ne vois pas un grand inconvénient à voter le maintien du paragraphe.
Pour répondre à la demande faite par l’honorable M. Devaux, je lui dirai que par l’affranchissement des journaux, le gouvernement n’a eu d’autre but que d’indiquer que le port des feuilles périodiques sera payé d’avance ; mais il n’est nullement entré dans les intentions du gouvernement ni de la section centrale de faire payer en sus le travail des employés chargés de la distribution des journaux. Le directeur de poste, en s’abonnant pour le compte des particuliers à un journal, devient une espèce d’agent de ce journal. Le port des lettres relatives à cette opération n’est pas porté en compte aux abonnés. Tout le travail qui en résulte est payé par le port même de la feuille.
L’on pourrait faire disparaître toute difficulté en substituant les mots « le port des journaux, » à ceux d’ « affranchissement des journaux, » il n’en résulterait aucun inconvénient pour le trésor, attendu que le paiement du port est exigible d’avance par l’article 10 suivant.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Comme M. le rapporteur de la section centrale n’insiste pas pour le maintien du retranchement proposé, je n’ai plus à présenter que quelques observations.
Nous reconnaissons bien avec la section centrale qu’il y a irrégularité dans le mode actuel de perception de la taxe des journaux. Aussi nous demandons que la marche actuelle de l’administration soit sanctionnée par la législature et cesse ainsi d’être irrégulière.
L’on a dit qu’il était extraordinaire que l’on ne donnât pas à la cour des comptes les recettes faites par l’administration des postes au profit du trésor. Mais je ferai observer que comme la moitié de la taxe sera perçu au profit de l’Etat, la cour des comptes exercera son contrôle sur cette moitié et les erreurs qui auraient été commises dans la perception de cette branche de revenu pourront ainsi être relevées.
Je trouve dans l’exemple cité par l’honorable rapporteur de la section centrale un argument de plus en faveur de la proposition que je soutiens. Puisque le ministre des finances a dû revenir à l’ancien ordre de choses, c’est qu’il est nécessaire de le faire sanctionner par la législature.
Je terminerai en répondant à M. Devaux que l’intention du gouvernement n’a été nullement d’aggraver la position des journaux. Nous n’avons voulu que maintenir ce qui existe. Je pense que pour lever toute espèce de doute, il y a lieu d’adopter la rectification indiquée par l’honorable M. Liedts.
M. A. Rodenbach. - Je voudrais que M. le ministre des finances nous dît si en accordant aux employés la moitié de la taxe des journaux, l’on ne sera pas forcé d’augmenter leurs appointements. Si cela était, il vaudrait mieux leur abandonner la totalité.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, si l’article en discussion est admis tel qu’il est proposé par le gouvernement, je ne demanderai pas de majoration de traitement au budget pour l’administration des postes. Les ministres sont assez instruits des intentions d’économie qui dominent dans cette enceinte pour ne demander d’augmentation que lorsque la plus indispensable nécessité l’exige.
J’avouerai cependant que dans l’administration des postes, ceux que j’appellerai les petits employés (on comprendra cette signification), sont fort peu rétribués. Sous ce rapport, je ne pourrais que les recommander à la sollicitude de la chambre. Cependant, je le répète, si l’article est adopté, je ne proposerai pas d’augmentation au budget.
M. Jadot. - Les employés des postes sous le gouvernement français ne jouissaient pas de l’indemnité provenant de l’affranchissement des journaux. Ce n’est que sous le gouvernement hollandais que cette indemnité leur a été accordée, et je regarde cela comme un abus. Pour le prouver, Je citerai un arrêté du ministre des finances qui est ainsi conçu :
« Considérant que les articles 16 et 17 de l’instruction générale sur le service des postes, du 28 avril 1808, n’ont été abrogés par aucune disposition postérieure ;
« Vu les circulaires du 18 décembre 1815, n°10, et du 16 novembre 1826, n°209 ;
« Considérant l’urgence de rappeler à plusieurs directeurs que le produit entier de l’affranchissement des journaux et autres imprimés doit faire partie de leurs recettes ;
« Sur la proposition de l’administrateur des postes,
« Arrête ce qui suit :
« Art. 1er. Les journaux et autres imprimés seront, à partir du 1er octobre 1831, soumis à la taxe ordinaire fixée par les articles 16 et 17 de l’instruction générale ; tous traités et arrangements quelconques, pris de ce chef avec les éditeurs des journaux, cesseront à partir de cette époque, et sont strictement défendus pour l’avenir.
« Art 2. Les directeurs des postes se conformeront à l’article 211 de l’instruction générale, en taxant pour l’intérieur, tous les journaux qui n’auront pas été affranchis ; ils inscriront, tous les jours, le montant général de l’affranchissement de ces journaux, pour chaque bureau de leurs correspondances, sur le journal n°50, sauf l’état des recettes n°21 et sur les feuilles d’avis, ainsi que cela doit se faire à l’égard des journaux et imprimés pour les pays étrangers. »
« Art 3. L’administration ayant été informée que des préposés aux postes exigeaient du public un prix d’abonnement plus élevé que celui fixé par les éditeurs qui l’indiquent ordinairement dans leurs feuilles, les employés sont prévenus qu’il sera sévi contre ceux qui donneraient encore lieu à des plaintes de ce chef. »
« Art. 4. Les directeurs veilleront avec soin à ce que tous les journaux qui sont remis à la poste soient dûment timbrés, et à ce que des feuilles adressées à des particuliers ne soient pas soustraites à l’affranchissement ou à la taxe, en passant sous le couvert des bureaux ou de toute autre manière. »
« Expédition du présent arrêté sera adressée à MM. les gouverneurs des provinces, et à MM. les inspecteur, directeurs et contrôleurs, pour leur information et gouverne. »
Vous voyez qu’il ne peut pas y avoir lieu d’augmenter le traitement des employés de l’administration des postes, car ils ont en Belgique un traitement plus considérable qu’en France.
On dit que si on leur a accordé cette indemnité, c’est à la demande des journaux afin que l’expédition de leurs feuilles soit faite plus promptement. Considérant l’intérêt de l’Etat, je demanderai s’il faut prélever sur les revenus de l’Etat une indemnité en faveur des employés pour qu’ils fassent leur devoir. S’ils ne le font pas, qu’on les punisse ; si on trouve que leur traitement est insuffisant, qu’on propose une augmentation au budget, mais je ne puis admettre qu’on leur abandonne une partie de leurs recettes.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Les observations de l’honorable préopinant n’aboutissent qu’à ce seul point, les traitements des employés des postes sont trop élevés, en y comprenant l’affranchissement des journaux.
Je lui réponds que non, en faisant connaître que la plus grande partie des traitements fixes des employés des postes sont de 600 fr. à 1000 fr., et je vous demanderai si 150 à 200 fr., que rapporte à ces employés l’affranchissement des journaux, ajoutés à des appointements de 600 à 1000 fr., élèvent ces émoluments à un taux trop considérable.
Je ferai observer, au surplus, que les employés des bureaux des postes ont généralement un travail très lourd, et je citerai entre autres le bureau de Bruxelles, où ils sont obligés de travailler une grande partie de toutes les nuits, et de se retrouver au bureau de grand matin.
Voilà, messieurs, la position de ces malheureux employés ; leur retirer les émoluments dont je demande le maintien, serait les mettre dans la position la plus déplorable. N’étaient les hautes raisons d’économie qui dominent dans cette assemblée et que je partage, je m’associerais à la proposition faite par l’honorable M. Gendebien, de laisser en entier le produit de l’affranchissement des journaux aux employés.
M. Gendebien. - Un honorable préopinant vient de vous lire un arrêté qui a supprimé la rétribution allouée aux employés de l’administration des postes sur l’affranchissement des journaux. Cet arrêté est du mois de juillet 1831. J’aurais voulu qu’on nous lût l’arrêté subséquent qui a révoqué le premier. On a beau invoquer les principes posés dans cet arrêté, nous n’avons pas besoin de nous donner la peine de les connaître, puisque le ministre qui les avait posés en a lui-même fait justice.
On a dit ensuite que les employés des postes avaient le même traitement que sous le régime français. Je ferai observer que depuis cette époque le mouvement de la correspondance a plus que triplé, je pourrais même dire qu’il a décuplé.
Sous le régime français il n’y avait pas de journaux ; car toute la politique impériale tendait à les supprimer. Il n’y avait alors qu’un seul journal pour toute la Belgique, et aujourd’hui il y en a quinze ou dix-sept, et vous voulez que des employés dont le travail est triplé pour le transport des lettres, et qui ont encore un surcroît de besogne pour le transport des journaux, aient toujours les mêmes appointements, et cela quand le ministre vient vous attester que ces appointements sont de 600 à 1000 francs. Vous voulez avoir des hommes de confiance, et vous hésitez à maintenir une rétribution qui améliore un peu leur position !
La discussion qui vient d’avoir lieu, m’a porté à présenter un amendement. Je demanderai qu’on laisse aux employés des postes la totalité de la taxe.
En admettant, comme on l’a dit tout à l’heure, qu’il circule en Belgique trois millions de feuilles, cela représente 6 millions de centimes ou 60 mille fr. Mais il ne faut pas croire que ces trois millions de feuilles passent par la poste, les diligences en portent une grande partie. C’est qu’il serait impossible de les envoyer toutes par la poste qui n’a qu’un seul départ sur 24 heures ; il en résulterait un retard de 24 heures pour des journaux qui vont à quelques lieues de Bruxelles, si les journalistes étaient condamnes à user de la poste.
Je crois la discussion épuisée, et je suis persuadé que tout le monde sentira qu’il y aurait injustice à ne pas maintenir la rétribution accordée jusqu’ici aux employés de l’administration des postes. Personne ne peut méconnaître que dans le service des postes, la besogne a au moins triplé depuis vingt ans, et ce surcroît de besogne mérite à lui seul une augmentation de traitement.
M. le président. - Voici l’amendement que propose M. Gendebien :
« Le produit de la taxe sur les journaux déterminée par cet article sera réparti entre les employés des bureaux chargés de l’expédition et de la réception. »
M. Jadot. - Je répondrai au ministre des finances qu’il a posé la question autrement que je la conçois. Je n’ai pas dit que les employés avaient un traitement trop élevé avec l’indemnité provenant de l’affranchissement des journaux. J’ai dit que si leur traitement était insuffisant, il fallait proposer une augmentation au budget, mais non prélever une partie de l’impôt pour élever leur traitement, ce que je regarde comme une chose intolérable et dont il n’y a pas d’exemple.
M. Legrelle. - Dans la discussion j’ai entendu parler de petits employés qu’on réduirait à une position très fâcheuse, si on leur retirait l’indemnité qu’ils reçoivent de l’affranchissement des journaux. Je ferai observer qu’ici ce ne sont pas les petits employés qui profitent de l’indemnité, car ces émoluments ne sont pas partagés par tête, mais en raison du traitement des employés ; de sorte que les petits employés qui ont le plus de mal ne reçoivent qu’un dixième ou un vingtième de ce que touchent les principaux employés. S’il en est ainsi, ce que je crois, je ne vois pas que le motif qui a porté quelques honorables membres à en faire la proposition doive nous déterminer à maintenir l’indemnité provenant de l’affranchissement des journaux, puisque ce sont les gros employés et non les petits qui en profitent.
M. Verdussen. - Messieurs, je n’aurais pas pris la parole si M. Legrelle n’avait pas énoncé des choses qui peuvent exister dans des localités qu’il connaît plus particulièrement, mais qui n’existent pas partout. Car il est à ma connaissance que dans certains bureaux de poste, l’indemnité provenant de l’affranchissement des journaux profite aux plus minces employés et à ceux qui sont chargés du travail. Je ne conteste pas que dans des bureaux il en soit autrement, mais ce n’est pas une règle générale qu’on puisse invoquer.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce que vient de dire M. Verdussen, se vérifie presque toujours ; les émoluments dont il s’agit sont répartis en raison du travail, et il ne serait pas juste de le faire autrement, car il est des employés d’un même bureau qui n’ont absolument rien à faire pour ces envois ; la véritable base d’une répartition semblable doit donc être le travail effectué.
M. Gendebien. - Il sera facile au ministre d’établir la répartition de cette somme par un arrêté ; en général, ce sont les personnes pourvues des plus gros traitements qui travaillent le moins, et c’est entre les employés les moins rétribués qu’il faut faire le partage : ainsi, au lieu de faire la distribution au marc-le-franc, c’est l’inverse qu’il faudrait faire ; le ministre, j’en suis sûr, est convaincu que ma proposition n’a rien d’exorbitant ; tous ceux qui ont des relations avec la poste savent que les employés de cette administration continuent leur pénible métier parce qu’ils n’en ont pas d’autre, qu’ils sont dans une véritable galère et n’ont de repos ni jour ni nuit.
Allez à la poste, et vous verrez sur leur figure l’empreinte d’un travail forcé ; s’ils ne s’en plaignent pas, c’est qu’ils ont l’habitude de cette fatigue qui, cependant, altère leur santé.
Quand je me récrie contre les traitements, c’est contre les gros traitements des sinécures que j’élève la voix, mais jamais je ne demanderai des réductions sur le salaire des employés ; je pense que l’assemblée est persuadée de la justice de ma proposition, et elle remarquera de plus qu’en donnant la totalité des rétributions des journaux aux employés, ils ne seront même pas payés comme ils l’étaient sous le gouvernement français, quoique la circulation des lettres soit plus que décuplée maintenant.
M. Legrelle. - Je n’ai pas cité des localités. Que l’on affirme que dans telle direction la rétribution se fait de telle ou telle manière, cela est possible. Quant à moi, je ne me suis occupé que de la règle ; or, il est certain que vous ouvrirez une large voie à l’arbitraire et c’est ce que je ne voudrais pas. Si vous voulez changer ce qui existe, il faut prendre un arrêté. Jusque-là les partages se feront proportionnellement aux traitements, c’est-à-dire d’une manière peu équitable.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est mon avis, et je l’ai déjà exprimé, les rétributions dont il s’agit doivent être faites selon le travail et selon la responsabilité qui pèse sur les employés.
Il n’est pas inutile de dire, spécialement à l’égard de l’administration de Bruxelles, que le directeur ne touche aucune part dans ces rétributions de journaux. D’après ce que vous avez entendu, on pourrait supposer qu’il en est autrement ; mais il faut rétablir l’exactitude des faits ; et la vérité est, je le répète, que le directeur n’a aucune part dans le partage de la rétribution provenant des ports de journaux.
M. Jadot. - Messieurs, il est à ma connaissance, et des pétitions qui vous ont été adressées en font foi, que l’administrateur, le directeur, comme vous voudrez l’appeler, de la poste de Bruxelles, touche sa part dans la rétribution des journaux… Si je ne sais pas cela, je ne sais plus rien. Les employés s’en sont plaints, et vous ont fait entendre leurs plaintes.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je vous ai déclaré positivement, et je réitère ma déclaration, que le directeur des postes à Bruxelles ne touche rien sur la rétribution des journaux.
- Plusieurs voix. - Il a touché !
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il ne touche plus rien !
M. Jadot. - Il a touché, et je suis sûr de ce que j’avance !
- La première partie de la disposition de l’article 9 est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - M. Gendebien demande que les taxes sur les journaux soient réparties entre les employés des bureaux chargés de l’expédition et de la réception.
M. Liedts. - Je n’ai pas mission de renoncer à l’amendement proposé par la section centrale.
- L’amendement de M. Gendebien est rejeté.
M. le président. - Voici la disposition par laquelle le gouvernement termine l’article 9 :
« La moitié du produit de la taxe sur les journaux déterminée par cet article sera versée au trésor ; l’autre moitié sera répartie entre les employés du bureau chargé de l’expédition et de la réception. »
- Ce paragraphe mis aux voix est adopté.
L’ensemble de l’article 9 est également adopté.
« Art. 10. Les taxes fixées par les trois articles précédents continueront à être perçues d’avance. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a erreur dans la rédaction de l’article 10 ; il faut y dire : « Les taxes fixées par les articles 6 et 9… »
M. Jadot. - Messieurs, ce que j’ai dit relativement au directeur de la poste de Bruxelles est exact : il touchait sa part dans la rétribution des journaux ; si cela n’a plus lieu, c’est en conséquence d’une mesure récente. Mais ce que j’ai avancé était la vérité ; et il est bon que la chambre le sache.
- L’article 10 mis aux voix est adopté.
La séance est levée à quatre heures.