(Moniteur belge n°256, du 12 septembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse lit l’analyse des pièces envoyées à la chambre.
« Les fabricants de draps de Verviers réclament contre le projet relatif à l’industrie cotonnière. »
- La chambre ordonne l’insertion au Moniteur et le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif à l’industrie cotonnière.
« Plusieurs armateurs et négociants d’Anvers demandent une deuxième fois que des protections soient accordées au pavillon national, afin de relever et d’alimenter notre commerce sur mer, et d’être admis dans les ports étrangers sur le pied des nations les plus favorisées. »
« Le conseil communal de Mook, district de Ruremonde, réclame contre une décision des états députés en date du 6 mars 1820, concernant la liquidation de ses dettes communales, résolution dont elle ne demande que l’abolition ou la juste application, au cas spécial qui la concerne. »
« Le sieur F.-A. Herwegh, né à Eupen, grand-duché du Bas-Rhin (Prusse), habitant la Belgique depuis 10 ans, demande la naturalisation. »
« Plusieurs habitants de la commune de Reisdof (Luxembourg) demandent la construction d’une route de Stavelot à Diekirch par leur commune. »
« Des habitants de la commune et du canton de La Roche demandent la construction d’une route depuis la barrière de Champion jusqu’à La Roche. »
- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions.
M. le président. - Les sections ont composé comme suit leurs bureaux et la commission des pétitions :
Première section
Président : M. Fallon
Vice-président : M. Bosquet
Secrétaire : M. Simons
Deuxième section
Président : M. Eloy de Burdinne
Vice-président : M. Cols
Secrétaire : M. Desmet
Troisième section
Président : M. de Brouckere
Vice-président : M. Trentesaux
Secrétaire : M. Quirini
Quatrième section
Président : M. Thienpont
Vice-président : M. de Terbecq
Secrétaire : M. Scheyven
Cinquième section
Président : M. de Behr
Vice-président : M. Coppieters
Secrétaire : M. Keppene
Sixième section
Président : M. Vanderbelen
Vice-président : M. Brabant
Secrétaire : M. Schaetzen
Commission des pétitions :
MM. Zoude, Vandenbossche, Troye, Mast de Vries, Raymaeckers, Demonceau
- M. B. Dubus de Ghisignies, proclamé membre de la chambre des représentants dans la séance précédente, est admis à prêter serment.
M. Gendebien. - Il m’importe que ma pensée soit reproduite exactement. Il n’est pas étonnant que MM. les sténographes n’aient pas exactement saisi mes paroles dans une séance aussi orageuse que l’a été celle d’hier. Mais il convient que l’on ne se trompe pas ailleurs sur mes opinions. L’honorable M. Legrelle ayant supposé que j’avais provoqué la nation belge à désobéir la loi, je l’ai interrompu. Voici comment le Moniteur rend compte de mes paroles :
« Et vos Anversois pour le cadastre, comme ils ont obéi à la loi alors ! »
Ce n’est pas cela que j’ai dit. Je me suis exprimé ainsi : « Et vos provocations aux Anversois pour le cadastre ? Comment avez-vous obéi à la loi alors ? »
Il m’importe que cette rectification figure dans le compte-rendu de la séance aujourd’hui. Il semblerait que j’aie voulu adresser des reproches aux Anversois. C’est M. Legrelle seulement que j’interpellais.
M. Jadot. - Parmi les pétitions dont l’analyse vous a été lue, il en est une qui mérite toute votre attention, c’est celle des habitants de La Roche. J’en demande le dépôt au bureau des renseignements, afin que vous puissiez vous assurer par vous-mêmes de l’urgence de leur demande. Je demande également que cette pétition soit renvoyée à M. le ministre de l’intérieur.
- Plusieurs voix. - Ce n’est pas le moment.
M. Lebeau. - Il est impossible de soustraire à la connaissance de la chambre les pétitions qui lui sont adressées par un renvoi direct à un ministre. Le renvoi ne peut avoir lieu que par une décision de la chambre. Une pétition ne peut passer du bureau du président au cabinet d’un ministre. Tout ce que M. Jadot peut demander, c’est un prompt rapport sur la pétition qu’il a signalée. Il ne peut en demander la lecture. Car si un pareil précèdent était admis, chacun pourrait demander la lecture de pétitions locales qui ne se rattacheraient en rien à l’ordre du jour.
Vous avez dévié de cette règle pour l’industrie cotonnière. Encore n’avez-vous pas poursuivi la marche que vous aviez adoptée à cet égard. Vous vous êtes bornés à adopter l’insertion au Moniteur des pétitions relatives à l’industrie cotonnière.
Si je fais cette observation, ce n’est pas que je ne reconnaisse avec M. Jadot la nécessité de nouvelles communications pour le Luxembourg. Mes relations administratives ont formé ma conviction à cet égard. C’est dans l’intérêt de l’ordre de nos discussions que j’ai cru devoir prendre la parole.
M. Jadot. - D’après les observations qui viennent d’être faites, je me borne, quant à présent à demander que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport. Je voulais éviter le renvoi à cette commission, parce qu’il est connu que les rapports se font souvent attendre pendant plusieurs mois, et qu’il pourrait arriver que cette pétition ne revînt à la chambre que tardivement, c’est-à-dire après que le travail sur les routes aurait été arrêté par le ministre de l’intérieur.
M. Eloy de Burdinne. - Il y a déjà deux mois que j’ai fait une demande semblable pour une pétition des habitants de Wavre. L’on m’a dit de réclamer un prompt rapport. Il est encore à venir. Je prie la commission des pétitions de vouloir bien enfin s’en occuper.
M. Jadot. - Il en sera de la pétition que je défends comme de celle de Wavre.
M. de Foere. - C’est la deuxième fois que les armateurs-négociants d’Anvers adressent à la chambre une pétition sur le même objet. D’autres villes maritimes ont adressé tant au gouvernement qu’à la chambre les mêmes représentations. Aussi les réclamations ont été faites surtout par différentes chambres de commerce du pays.
Après tant de pétitions et de réclamations adressées sur cet objet, tant au gouvernement qu’à la chambre, je demande au ministre de l’intérieur si enfin le gouvernement songe sérieusement à protéger le pavillon national par des droits différentiels plus élevés, ou s’il a fait des tentatives pour conclure avec les autres nations maritimes des traités de réciprocité navale, afin que nos navires puissent être reçus dans leur port sur le même pied sur lequel les navires des autres nations les plus favorisées y sont admis ?
Cette question est intimement liée avec l’objet actuellement en discussion et avec toute notre industrie, considérée en général. Cette connexité vous a été lumineusement démontrée dans un mémoire qui a été remis aux membres de la chambre par un honorable sénateur.
En effet, messieurs, sans commerce maritime, sans navigation propre, nous n’exporterons jamais nos produits minéraux, agricoles et fabriques, en aussi grande quantité que s’ils n’étaient exportés que par la navigation étrangère ! quoique M. Smits, directeur de notre bureau de commerce, prétende le contraire. Jamais nous ne pourrons nous défaire de nos produits si surabondants chez nous, si nous ne sommes admis dans les ports étrangers avec les avantages dont y jouissent les navires des nations les plus favorisées. Sans cette réciprocité d’avantages, nos produits languiront dans le pays ; l’industrie nationale ne peut recevoir aucune activité.
M. le président. - Je prie M. de Foere de vouloir observer qu’il s’agit en ce moment de statuer sur la pétition des négociants d’Anvers.
M. de Foere. - J’ai une interpellation à faire à MM. les ministres à propos de cette pétition.
M. le président. - M. de Foere pourra faire son interpellation après que l’on aura statué sur la pétition.
M. Demonceau. - La pétition que je viens de déposer sur le bureau porte les signatures des fabricants les plus respectables de Verviers. Elle contient un fait contraire à celui qui a été avancé dans cette séance par l’honorable M. Desmet, à savoir que MM. Grandrug et B… auraient transféré leurs établissements en Allemagne. Je désirerais que de l’un de MM. les secrétaires donnât lecture de la partie de la pétition y relative.
Il me semble que cela est nécessaire. (Oui, oui.)
M. de Renesse donne lecture de la pétition suivante :
(Note du webmaster : Suit le texte de cette pétition, non repris dans la présente version numérisée.)
M. Desmet. - Le tissage a-t-il été conservé dans le pays et n’est-il pas vrai de dire qu’il a été transféré à Salzbourg.
M. de Foere. - Je demande la parole pour une interpellation.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que l’honorable M. de Foere veut examiner la question de savoir s’il convient d’établir des droits différentiels, d’apporter des modifications aux droits de navigation extérieure. Il veut demander au ministère si le gouvernement en fera l’objet d’un projet de loi. Le premier article de la proposition en discussion fournira à M. de Foere l’occasion d’examiner cette question. La section centrale y propose un droit différentiel. M. de Foere pourra présenter tel amendement qu’il jugera convenable.
M. de Foere. - Mon observation ne se rapporte pas seulement à la fabrication cotonnière, mais à tous les produits de l’industrie. Je ne pourrais généraliser l’article premier de la section centrale qui n’est relatif qu’aux articles de coton. Mon interpellation n’a pas seulement trait aux droits différentiels, comme le suppose M. le ministre des finances. Mais je veux demander également si le gouvernement ne songe pas à établir des traités de réciprocité comme l’Angleterre l’a fait depuis 15 ans avec plus de 25 nations.
Un député d’Anvers, en même temps directeur de notre bureau de commerce, a prétendu que la réciprocité était un non-sens, qu’elle ne présentait aucune idée précise, que c’était une idée non réalisable.
Si le directeur de notre bureau de commerce s’était donné la peine de lire un seul des traités de réciprocité que l’Angleterre a conclus avec 25 nations, il aurait vu que la réciprocité consiste dans cette simple idée : Voulez-vous nous recevoir dans vos ports sur le même pied que les nations les plus favorisées, nous agirons de même à votre égard. C’est ainsi que les Etats-Unis ont forcé, pour ainsi dire, l’Angleterre à conclure entre les deux nations un traité de réciprocité.
Il est quelque peu étonnant que le directeur du bureau de commerce vienne dire dans cette chambre que la réciprocité est un non-sens, que c’est une idée non réalisable, alors qu’il existe des traités de réciprocité entre toutes les nations, la Belgique exceptée. Ainsi dans l’état actuel, il est impossible qu’un armateur d’Anvers, qui arrive en Angleterre avec un chargement pour ce pays, en reprenne un pour la France, attendu qu’il existe entre ces deux nations un traité de réciprocité. Les produits importés par nos navires en France paient un droit plus élevé que ceux importés par les navires anglais.
Je demanderai au ministère s’il est mis en devoir de conclure des traités de réciprocité,
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - La motion du préopinant a une très grande portée. Il me semble qu’elle ne peut pas être traitée incidemment, au milieu d’une autre discussion. Cependant je ferai une observation.
Il me semble qu’il y a quelque chose de contradictoire dans ce qu’a dit le préopinant, relativement à l’Amérique. D’un côté, il demande un droit différentiel qui favorise la navigation nationale ; d’un autre côté il veut des traités de réciprocité,
Les droits différentiels élevés sont incompatibles avec les traités de réciprocité. Le gouvernement des Etats-Unis ne reconnaît que deux sortes de navires : les navires nationaux et les navires étrangers. Il considère comme navires nationaux ceux des nations avec lesquelles il a conclu un traité de réciprocité, et leur accorde les mêmes avantages qu’à ses propres navires.
Comme, par l’établissement de droits différentiels, les navires américains ne sont pas assimilés aux nationaux, il paraît impossible d’établir avec les Etats-Unis un traité de réciprocité. C’est la difficulté qui s’est élevée dernièrement au sujet d’un navire sorti du port d’Anvers.
Je n’insisterai pas sur cette question, parce qu’il ne me paraît pas possible de se livrer à une pareille discussion dans le moment actuel.
M. Smits. - Il est très peu parlementaire de donner à un député d’autre qualité que celle qu’il a dans cette enceinte. Je parle comme député et non comme directeur du commerce et j’invite l’honorable M. de Foere, ainsi que les membres qui suivent sa coutume, à s’abstenir à me qualifier autrement que je ne dois l’être dans cette enceinte.
Je n’ai pas dit que les traités de réciprocité étaient un non-sens. Je n’ai jamais nié qu’il fût possible d’en établir. Mais la réciprocité telle que l’entend M. l’abbé de Fore est un non-sens ; je le soutiendrai toujours.
Je voulais parler sur les droits différentiels. Mais M. le ministre des affaires étrangères m’ayant prévenu, je n’en dirai pas davantage.
M. Donny. - Je pense, comme M. le ministre des affaires étrangères, que ce n’est pas le moment d’examiner cette question ; mais je me joins de toutes mes forces à l’honorable M. de Foere pour engager le gouvernement à se prononcer sur une question qui lui est soumise depuis assez longtemps pour qu’il ait pu l’examiner mûrement.
M. de Foere. - Mon intention n’a pas été d’ouvrir une discussion sur une question dont je reconnais l’importance. J’ai seulement interpellé le ministère à l’effet de savoir s’il a fait des tentatives pour conclure des traités de réciprocité avec les nations étrangères. C’est à cette question que je demande qu’il réponde
M. Gendebien. - Il me semble que l’interpellation de l’honorable député de Thielt est très bien placée dans ce moment, puisque nous allons nous occuper d’une question analogue dans le projet en discussion.
Déjà l’on a interpellé le ministère à l’effet de savoir s’il songeait à établir des traités de navigation. M. de Foere l’interpelle aujourd’hui pour savoir s’il a fait quelque chose sous ce rapport. Il me semble que la question est très convenablement faite. Je ne comprends pas que le ministère puisse répondre par un dédaigneux silence. Qu’a-t-il fait ? Que se propose-t-il de faire ? Qu’il réponde oui ou non ; mais au moins qu’il dise quelque chose.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La question d’un traité de navigation avec la France a déjà été agitée. Mais comme elle se rattache à d’autres questions, elle n’a pu recevoir encore de solution.
M. le ministre des affaires étrangères vient de démontré les difficultés insurmontables que présentait l’établissement d’un droit différentiel, pour la conclusion d’un traité de réciprocité avec l’Amérique.
M. Gendebien. - M. le ministre de l’intérieur vient de démontrer la nécessité d’une explication, puisque, par l’adoption du projet en discussion, nous entrerions dans une voie qui pourra être exclusive d’un traité. C’est dans ce sens que M. de Foere a demandé si on avait fait quelque chose ou si l’on se préparait à faire quelque chose.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le droit différentiel actuel, qui est de 10 pour cent, interdit déjà la possibilité d’un traité de réciprocité entre la Belgique et les Etats-Unis.
- Plusieurs membres. - L’ordre du jour.
M. Milcamps, rapporteur de la commission chargée d’examiner le projet relatif à l’établissement d’une légation à Rome, dépose son rapport sur le bureau.
- La chambre en ordonne l’impression et la distribution.
M. Zoude, rapporteur. - La section centrale, chargée comme commission spéciale de l’examen de la question cotonnière, s’est réunie conformément à votre délibération d’hier ; elle a reçu des communications de MM. les ministres, tant en ce qui concerne les modifications à apporter au tarif qu’aux moyens d’en assurer l’exécution.
Elle a examiné les avis des chambres de commerce, dont quelques-unes adoptent le système proposé que plusieurs rejettent.
Vous apprécierez ces avis, ils vous seront remis incessamment.
L’un de nos honorables collègues, M. Desmaisières, vous l’avait déjà dit, tant au nom de la majorité de la section centrale qu’en celui des signataires de la pétition, que nous nous montrerions toujours prêts à accéder à tout amendement aux dispositions de la loi proposée, dès que ces modifications nous paraîtront atteindre le but que la chambre se propose, c’est-à-dire celui d’une protection plus efficace que celle du tarif actuel.
C’est ainsi que le mot prohibition ayant inspiré des craintes, nous avons proposé unanimement d’y substituer des droits.
C’est dans ces dispositions que, sur la motion d’un membre, la commission a adopté les principes suivants, comme modifications à apporter au projet :
1° Les droits à établir sur les divers articles d’un tarif autres que ceux sur les tissus imprimés ne seront astreints qu’à des mesures d’exécution autres que l’estampille et les recherches.
Cette disposition est admise à l’unanimité.
2° L’estampille et le droit de recherche ne seront appliqués qu’aux tissus peints, teints et imprimés, et dans le cas seulement où l’on ne proposerait pas d’autres mesures d’exécution qui offriraient assez de garanties pour assurer la perception réelle du droit, et sous la condition que ces autres mesures d’exécution ne seront introduites dans la loi qu’à titre d’essai.
La commission a adopté en outre que la loi serait révisée dans le délai de deux ans.
Votre commission regrette que le court délai qui lui a été donné par la chambre ne lui ait pas permis d’entrer dans plus de développements, et d’arriver à des résultats positifs en ce qui concerne les divers articles du projet amendé.
M. Lardinois. - La section centrale a maintenu le droit de recherches sur les tissus étrangers peints ou teints ; je désirerais que M. le rapporteur m’expliquât s’il entend par droit de recherche la visite domiciliaire, ou seulement la recherche dans le rayon de la frontière.
- Plusieurs membres. - Mais c’est la visite domiciliaire !
M. Lardinois. - Si c’est la visite domiciliaire, je m’y opposerai toujours. Nous n’avons pas fait une révolution pour voir établir de pareilles mesures.
M. Zoude, rapporteur. - Nous abandonnerons l’estampille et la visite domiciliaire, si l’on nous propose d’autres mesures aussi efficaces.
M. Rogier. - Ne vous étiez-vous pas assemblés pour nous en proposer ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Comme vous le voyez d’après le rapport de l’honorable M. Zoude, le gouvernement ne s’est pas rallié aux nouvelles propositions de la section centrale. Chacun de vous a compris la portée de cette proposition. L’on demande la visite domiciliaire pour les étoffes peintes, teintes ou imprimées, et c’est par ce motif que le gouvernement, au moins le ministre des finances, ne peut pas appuyer la nouvelle proposition qui vient de vous être faite. Les considérations n’ont pu être développées dans le rapport, parce que la section centrale a délibéré jusqu’à l’ouverture de la séance.
Je pourrai les communiquer lorsque l’ordre de la discussion le permettra, et je proposerai quelques moyens efficaces pour renforcer le service de la douane.
Si la chambre désire entendre des explications, je sais à même de les donner immédiatement.
Il convient de remarquer que la section centrale dans sa nouvelle proposition fait dépendre l’efficacité des droits nouveaux de l’adoption de moyens de répression de la fraude, tels que ceux que j’ai à présenter à la chambre.
M. Dumortier. - Messieurs, dans la séance d’hier vous avez décidé que les points en discussion seront résolus sous la forme de questions. Vous en avez déjà résolu plusieurs ; nous en étions venus à l’estampille et à la visite domiciliaire.
M. Eloy de Burdinne avait demandé la division, lorsqu’une discussion nouvelle s’est entamée sur la demande de M. le ministre des finances. Vous avez renvoyé les observations des chambres de commerce, et les nouvelles communications du gouvernement, à la section centrale, avec invitation de présenter un rapport. Cependant, sur l’observation de M. Lebeau, il a été décidé que la discussion n’en souffrirait aucun retard.
Je demande donc que la discussion s’ouvre au point où nous l’avons laissée hier, c’est-à-dire au vote sur la question de savoir si nous admettrons l’estampille et la visite domiciliaire.
Je ferai observer seulement qu’il faut savoir d’abord ce que l’on entend par recherches à l’intérieur. Tout le monde comprend ce que c’est que la visite domiciliaire. La chambre pourrait ordonner que les marchandises étrangères, soumises aux droits, ne puissent voyager à l’intérieur que plombées, et accorder au gouvernement le droit de recherche. C’est de la visite domiciliaire surtout que nous devons nous occuper. C’est cette mesure odieuse que nous repoussons de toutes nos forces. C’est sur ce point que je désire que la discussion s’engage ; et je demande que M. le ministre des finances soit invité à nous donner les explications qu’il nous a promises.
M. Desmaisières. - Il faudrait connaître d’abord le mode d’exécution que M. le ministre des finances doit nous proposer. (Bruit en sens divers.)
M. le président. - C’est ce que vient de dire M. Dumortier.
M. Desmaisières. - C’est qu’il serait très possible qu’après avoir entendu M. le ministre des finances et les propositions que d’autres membres ont à faire, la chambre juge qu’il n’y a plus lieu de voter sur la visite domiciliaire. (Agitation.)
M. Dumortier. - Il y a décision, on ne peut revenir sur une décision de la chambre. (Adhésion.)
- Plusieurs membres. - Qu’on en finisse une bonne fois.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je n’examinerai plus s’il y a lieu d’adopter ou de ne pas adopter la prohibition. La section centrale ne propose plus ce moyen à la chambre.
Je dirai que dans mon opinion le droit doit être perçu à la valeur, et le tarif doit être établi de telle sorte qu’il y ait protection efficace pour l’industrie cotonnière, et que la perception du droit ne soit pas illusoire, c’est-à-dire que le droit soit combiné de manière à ce qu’il ne laisse pas trop d’appât à la fraude et qu’avec les moyens de répression déjà existants et les améliorations qu’il sera possible d’introduire dans le service des douanes, la fraude soit plus difficile qu’aujourd’hui, et même en quelque sorte impossible.
Je n’entrerai pas dans l’examen du tarif tel que j’aurai l’honneur de le présenter à la chambre. Je ferai seulement remarquer que ce tarif que j’ai communiqué à la section centrale est à peu près en tout semblable au projet que l’honorable M. Rodenbach avait rédigé de son côté.
Je diffère seulement avec cet honorable député sur quelques points de peu d’importance. Les catégories sont les mêmes, et ce qu’il y a de remarquable, c’est que ces deux propositions ont été rédigées ainsi, sans que nous nous les soyons communiquées. Je ne cite ce fait que parce qu’il doit tendre à faire accueillir avec confiance par l’assemblée une proposition venue ainsi de deux côtés.
Les améliorations qui peuvent être introduites dans le service des douanes se rapportent principalement au mode de déclaration. L’on pourrait modifier le régime actuel de telle manière que l’on ne puisse plus,comme dans le système existant, frauder au moyen de fausses indications. Aujourd’hui les déclarations se font d’une manière assez vague, et les déclarants éludent très facilement une partie du droit.
Lorsque j’aurai déposé mes propositions sur le bureau, la chambre verra de quelle manière est conçue la première modification.
Un autre moyen d’assurer l’efficacité de la déclaration à la valeur, c’est de changer le mode de préemption. Il conviendrait dans mon opinion d’étendre à tous les habitants du royaume la faculté de concourir avec les employés de la douane à la préemption. Ce moyen serait très puissant.
Il faudrait aussi qu’il fût porté au budget de l’Etat un fonds spécial que j’évalue à 50,000 fr., qui ne serait en aucune manière onéreux au trésor. Ce fonds servirait à fournir des avances aux employés pour opérer la préemption. La restitution des sommes ainsi avancées se ferait après que les employés auraient réalisé la vente des objets préemptés.
Il serait pris par le gouvernement des mesures certaines afin de faire opérer la rentrée des sommes ainsi mises momentanément à la disposition des employés. Vous n’ignorez pas, messieurs, que le prix de la préemption doit être soldé immédiatement par celui qui l’opère. Si ce prix s’élevait à deux ou trois mille francs, un simple visiteur ou receveur de la douane pourrait n’être pas en position financière de l’effectuer et se trouverait ainsi obligé de laisser passer la marchandise en fraude d’une partie des droits, faute de moyens pour exercer la préemption. Le fonds que je demande obvierait à cet inconvénient et serait uniquement destiné à faciliter la sanction pénale de la loi.
Je demanderai également qu’il soit porté au budget une autre somme de 25,000 fr. qui serait distribuée en indemnités et en encouragements aux employés de la douane.
Si un employé, après avoir opéré une préemption, se trouvait en perte de quelques centaines de francs par suite de cette mesure prise dans l’intérêt du service, et s’il avait agi de bonne foi, il serait juste que le gouvernement le remboursât.
Une partie de ce fonds de 25,000 francs servirait également à distribuer des récompenses aux employés qui opéreraient le plus de saisies ou les saisies les plus considérables et à ceux qui seraient obligés de combattre contre les fraudeurs ou qui auraient été blessés dans ces combats. Ce fonds ne serait distribué qu’en vertu d’un règlement approuvé par le Roi et inséré au Bulletin officiel ; il ne pourrait être ainsi partage arbitrairement.
Une disposition que je regarde comme la plus importante des améliorations que j’ai l’honneur de présenter, c’est celle qui consiste dans la modification de l’article 178 de la loi générale, c’est-à-dire que les villes du rayon de douanes, ayant plus de deux mille âmes, ainsi que les villes fortes et les villes fermées, rentreraient dans le droit commun du territoire réservé par la douane. Aujourd’hui lorsque des objets fraudés ont pu être introduits dans une ville du rayon ayant plus de deux mille âmes ou dans une ville forte, la fraude s’y trouve en quelque sorte naturalisé et légalisée.
Le fraudeur va chez le receveur de la douane et lui déclare qu’il voudrait transporter ses marchandises à Bruxelles ou dans une ville de l’intérieur, et cet agent est obligé de lui donner un passavant qui absout et accomplit la fraude, car il ne s’agit plus alors de constater la provenance de la marchandise. L’on peut donc considérer à bon droit la modification que je propose comme des plus importantes.
Vous serez persuadés de cette importance que je vous aurai cité les noms des villes ou communes qui ne jouiraient plus de la faveur qu’elles ont en vertu de l’article 178 de la loi générale.
Cette liste a été rédigée à la hâte. Il se peut qu’il y ait quelques omissions, mais si je cite ces noms, c’est que les membres des provinces que je désigne pourront juger de l’importance des localités qu’ils connaissent particulièrement.
(Ici le ministre des finances indique plusieurs villes fermées ou ayant une population de plus de 2,000 âmes situées dans le rayon des douanes. Il signale entre autres villes, jouissant de la faveur accordée par l’article 178 de la loi générale, celle de Menin, qui a été souvent indiquée par d’honorables représentants comme étant un foyer de fraude).
Cette modification à l’article 178 est surtout très importante pour le service des douanes dans la province du Limbourg, attendu que la langue de terre qui s’avance au nord dans la Hollande favorise singulièrement la fraude. Les localités dont je viens de citer les noms sont pour ainsi dire des villes libres par rapport au territoire réservé pour la douane. Si j’ai oublié quelques villes dans mon énumération, c’est que j’ai formé cette note avec précipitation ; mais il faut aussi observer que la franchise n’est accordée par la loi actuelle que pour les villes dans les 9,000 mètres en dedans du premier rayon. Celles qui se trouvent dans les premiers 1,000 mètres, sont déjà soumises au régime que je veux introduire pour les autres.
Comme les obligations qu’impose de la douane pourraient être gênantes pour les habitants des villes replacées sous cet exercice, je proposerai à la législature de réserver au gouvernement le droit d’accorder des exemptions dans certaines circonstances, sous certains rapports, et pour certaines quantités de marchandises.
Je pense que l’on peut déterminer en matière de douanes une pénalité nouvelle qui serait fort juste et en même temps fort efficace. Aujourd’hui, d’après la loi générale, le complice de la fraude n’est passible d’aucune amende : je proposerai d’appliquer au complice les mêmes amendes qu’au fraudeur même.
Il y a un autre moyen très puissant auquel j’avais songé, mais j’ai reculé devant ce moyen parce qu’il pouvait présenter matière à beaucoup de difficultés, ce serait de reporter le rayon de douane à un myriamètre et demi. Cette mesure aurait pour résultat d’enclaver dans le rayon deux villes importantes. Je crains que le régime de la douane ne fût trop gênant pour ces deux villes. Ce sont celles de Courtray et de Tournay.
Je laisse à votre sagesse d’examiner, messieurs, si le service de la douane peut se concilier dans ces deux villes avec le bien-être des habitants. J’ai seulement soulevé la question sans la résoudre et sans vouloir faire de proposition formelle à cet égard.
Voilà, messieurs, les observations principales que j’ai à vous soumettre sur les améliorations qui peuvent être introduites dans le service de la douane. Plusieurs pénalités nouvelles devront être consacrées puisque le mode de déclaration varie et n’est pas le même que celui admis par le régime actuel.
M. A. Rodenbach. - M. le ministre des finances vient de vous proposer plusieurs moyens pour remplacer la visite domiciliaire. J’en ajouterai un autre : c’est l’établissement d’une ligne de douanes. Je l’ai déjà dit plusieurs fois dans la discussion des budgets : la fraude est scandaleuse, on introduit de 15 à 20 millions de marchandises étrangères. Jugez la perte qui en résulte pour le trésor.
En adoptant les mesures qui vous sont proposées, vous ne protégerez pas seulement l’industrie cotonnière, vous protégerez toutes les industries du pays.
Il ne faut pas considérer ici si deux grandes villes seront gênées par le régime des douanes. Il faut avant tout une protection efficace.
Si vous adoptiez une seconde ligne de douanes, les fraudeurs, au lieu de faire deux voyages en une nuit n’en feraient plus qu’un. Ce serait déjà un avantage.
Il faudrait adopter également une autre mesure. Au lieu de donner à l’employé qui a opéré la saisie 50 p. c. sur la prise, il vaudrait mieux lui accorder la prise intégrale, au lieu de la partager entre les contrôleurs et les inspecteurs qui gagnent de l’argent comme on dit en dormant.
Je suis aussi d’avis qu’il faut changer les dispositions pénales en matière de douanes, elles doivent être plus rigoureuses.
Lorsqu’un contrebandier est arrêté, l’employé de la douane s’empresse de saisir la marchandise parce qu’il reçoit 50 p. c de part, mais il ne peut pas toujours arrêter le fraudeur, il ne l’arrête que quand il est étranger, sans passeport ; mais quand il a un passeport ou quand, étant Belge, son domicile est connu, on ne peut l’arrêter. Moi, je voudrais que dans tous les cas le fraudeur pût être appréhendé au corps, car c’est là l’essentiel. Lorsqu’on ne se saisit pas de sa personne, le contrebandier recommence le lendemain, mais quand il est conduit en prison, l’alarme est dans sa famille et les fraudeurs perdent de leur assurance. Ce moyen protégerait efficacement une foule d’industries.
Lorsque nous en viendrons aux articles, je prendrai de nouveau la parole.
M. de Brouckere. - Sur quel objet discute-t-on ? Je demanderai la parole pour faire une motion d’ordre.
Le ministre des finances a énuméré les moyens qu’il avait à proposer pour protéger efficacement nos industries, mais il n’a présenté aucun projet, et nous ne pouvons discuter aucun des moyens qu’il a exposés. Prenons garde de passer de discussions incidentes en discussions incidentes et de nous éloigner de la question cotonnière. Je demanderai que M. le président ouvre le débat sur ce qui est à l’ordre du jour.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Dans ce moment nous discutons la question de savoir s’il y aura estampille, visites domiciliaires et tous les accessoires.
Pourquoi la chambre a-t-elle voulu m’entendre ? C’est parce que j’avais des renseignements à donner sur les moyens de réprimer la fraude, afin d’éclairer les membres de l’assemblée sur l’opinion qu’ils doivent concevoir du sujet qui les occupe. Ils jugeront si les modifications que l’on peut introduire dans le service des douanes seront une amélioration suffisante pour déterminer le rejet de l’estampille, de la visite domiciliaire.
M. de Brouckere. - C’est cela.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ajouterai un mot. Ma proposition a un autre but que celle qui a été faite par l’honorable M. A. Rodenbach. Les dispositions que je soumettrai à l’assemblée ne tendront pas seulement à protéger l’industrie cotonnière, mais encore à protéger toute industrie belge. Et sous ce rapport ma proposition doit se présenter sous des auspices plus favorables à la chambre.
L’honorable député des Flandres a proposé d’accorder une part dans les saisies plus forte que celle dont ils jouissaient aux douaniers qui les opèrent ; je crois ne pas devoir traiter cette question dans ce moment, j’y reviendrai plus tard.
M. de Brouckere. - Bien loin de blâmer M. le ministre des finances relativement aux renseignements qu’il a donnés à la chambre, je l’en approuve. Je conviens avec lui que les mesures qu’il propose sont à l’avantage de toutes nos industries ; mais nous ne pouvons discuter une question aussi générale ; elle ne nous a pas été présentée régulièrement ; actuellement nous ne sommes saisis que de la question cotonnière, et je demande qu’on y revienne.
M. Donny. - M. le ministre des finances vient d’énumérer les différentes localités qui, selon ses idées, se trouveraient dans une position particulière relativement aux douanes ; mais dans cette énumération, il n’a pas compris la province d’Anvers ; c’est une omission sans doute, et je crois qu’il la réparera quand il formulera sa proposition.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Dans mes citations je n’ai sans doute pas tout nommé ; j’ai présenté des renseignements recueillis ce matin à la hâte ; mais lorsqu’on discutera les modifications à faire à l’article 178 de la loi générale, je ferai une énumération complète.
M. de Brouckere. - On pourra présenter des amendements à la proposition de M. le ministre.
M. Manilius lit un discours qui ne nous a pas été communiqué.
(Moniteur belge n°257, du 13 septembre 1835) (Note du webmaster : le discours qui suit doit, selon le Moniteur, être repris dans la séance du 11 septembre 1835. Le même Moniteur ne détermine toutefois pas l’emplacement où ce discours doit être inséré. Il a donc été intégré là où il semblait le plus approprié de le faire.) M. C. Rodenbach. - Messieurs, quoique signataire du projet de loi maintenant en discussion, je déclare que je n’en admets pas tous les principes, et que je suis loin de vouloir soutenir toutes les dispositions tarifaires de l’article premier.
En signant le projet de loi, j’ai eu pour but de hâter la solution d’une question importante et le redressement d’un grief méconnu depuis trop longtemps.
Je devais cette explication, messieurs, afin que l’on ne croie point que c’est la voix de la palinodie que je viens vous faire entendre,
Et moi aussi je suis partisan de la liberté commerciale qui serait également avantageuse à tous ceux qui y participeraient. Mais je ne saurais admettre ce commerce de dupes qui consiste à recevoir les marchandises étrangères, tandis que les nôtres sont prohibées.
La liberté de commerce, pour être avantageuse, doit s’étendre à tous les pays. Les faits parlent plus haut que tous les raisonnements. S’il ne s’agissait que de discuter la thèse du commerce, nous trouverions dans John Hopkins des principes d’économie politique mieux développés que ceux que nous avons entendus à cette tribune. L’on pourrait y envoyer les faiseurs d’utopies, jusqu’à ce que la liberté universelle de commerce soit proclamée par tous les peuples. En attendant, nous ferons très bien de régler nos intérêts nationaux, sans nous embarrasser de vaines réclamations.
La France s’agite, la Prusse et la Suisse réclament ; cela prouve que le projet de loi leur est défavorable. Nous le savions déjà ; mais la France et la Prusse ne nous ont pas tellement favorisés, qu’il faille pour elles abandonner nos intérêts les plus chers. Nous n’avons, sous ce rapport, aucune obligation à ces deux puissances, et je suis persuadé que si elles pouvaient faire un traité avantageux à nos dépens, elles n’y manqueraient point.
Mais ce n’est pas dans ces pays où se trouvent les plus vigoureux adversaires. C’est à nos portes, c’est dans cette chambre où s’élève le plus grand obstacle, où la cause du commerce étranger est plaidée avec le plus de chaleur.
D’abord on a voulu représenter les députés des Flandres comme ne s’occupant que des intérêts particuliers de leurs provinces.
Je crois, Dieu me pardonne, qu’on nous suppose tous associés de quelque fabrique, tellement on semble insinuer que l’intérêt privé nous guide et que nous plaidons pour le clocher de notre village.
Mais considérez, je vous prie, que si les Flandres forment la partie la plus riche, la plus peuplée du royaume, ce n’est pas une raison pour qu’elle soit lésée dans son industrie. Les députes des Flandres ont prouve que le bien général était leur seul mobile. Quelle est la liberté pour laquelle ils n’aient voté en grand nombre ? Et tandis que, par l’adoption des 24 articles, quelques députés des provinces lésées livraient eux-mêmes leurs commettants à la Hollande, la plupart des députés des Flandres ne se levèrent-ils pas pour conserver l’intégrité du territoire, non un riche et fertile territoire, mais une portion plutôt onéreuse que productive ? Etait-ce là de l’intérêt personnel ?
Lors de la question des fers, n’avons-nous pas été unanimes pour accorder une protection à notre propre commerce ?
Ce n’est qu’un droit protecteur que nous demandons pour la plupart. La prohibition absolue, la visite domiciliaire, me semblent aussi présenter quelque chose de vexatoire et d’odieux. Mais, tout en rejetant ces systèmes, il faut cependant une loi qui protège le commerce belge et des moyens pour neutraliser les bénéfices énormes que fait l’étranger sur les marchés de notre pays.
Ah ! quoi qu’on en dise, cette loi que nous demandons aujourd’hui est une loi de politique, une loi d’humanité. Une loi de politique, car d’elle dépend le repos de quelques-unes de nos villes importantes : ces villes souffrent depuis cinq ans ; elles ont attendu avec patience la fin de leurs maux, parce qu’elles avaient confiance dans le gouvernement et dans leurs représentants. Elles ont voulu se relever sans votre secours, elles ont travaillé, mais leurs efforts sont vains. Epuisée, près de périr, l’industrie cotonnière vous a fait entendre ses doléances.
C’est une loi d’humanité, parce qu’elle arrache aux horreurs de la famine une multitude d’ouvriers ; et l’on taxe cette loi d’égoïste. Oui ! égoïste s’il ne s’agissait que de fortunes particulières et non de la vie du peuple. Oui ! égoïste si ces fabricants n’étaient pas unis par des liens si intimes avec les prolétaires qu’on ne peut déparer leur cause.
L’on a pu dire que tout le pays devrait pâtir, parce que 24 Flamands (c’est l’expression dont un député s’est servi) avaient présenté un projet de loi protecteur des fabriques. Mais s’il est si avantageux d’avoir tous les objets au meilleur marché possible (ce qui est vrai en thèse générale), que n’ouvrons-nous pas nos ports aux charbons de l’Angleterre, aux toiles d’Allemagne, au blé de Riga, aux fers de Suède, etc. ! Nous serions inondés de ces produits, sans doute. C’est pour cette raison que nous devons suppléer par notre industrie et par des lois qui la protègent, à la petitesse de notre territoire.
L’on est si loin de demander une faveur exclusive pour l’industrie cotonnière que les adversaires de la loi tombent en contradiction avec eux-mêmes. Ainsi, après avoir dit que la loi tournera au profit de quelques fortunes particulières, un honorable membre ne peut s’empêcher d’ajouter que par malheur la concurrence viendra les entraver. Mais la concurrence, voila le remède aux maux qu’on semble craindre. Avec la concurrence, l’industrie se perfectionne, les prix s’abaissent, les bénéfices se partagent. N’est-ce pas ce que vous désirez ?
Je sais que si on avait cherché il y a trois ou quatre ans à procurer des débouchés aux produits indigènes, nous ne nous trouverions pas aujourd’hui dans la nécessité de voter une loi protectrice. Mais il est trop tard. Le mal est venu à un point qu’il n’y a qu’un grand remède, un remède prompt, qui puisse apporter un terme à bien des maux.
Je regrette que la section centrale n’ait pas posé la question de savoir si on ne viendrait pas au secours de l’industrie cotonnière en lui fournissant des moyens d’exporter. Selon moi, la consommation intérieure seule ne nous portera jamais à une haute prospérité industrielle, parce que le marché intérieur est trop rétréci pour permettre l’établissement de fabriques sur une grande échelle pour beaucoup d’objets, et notamment ce qui est à l’usage des classes supérieures.
Il est encore regrettable que l’on ait songé à augmenter les droits sur les fils étrangers. C’est nuire directement au peu d’exportation que nous avons encore, à moins qu’on ne sente la nécessité et la justice d’un drawback.
Mais puisqu’on paraît peu goûter ce système qui d’ailleurs, pour être efficace en ce moment, aurait dû être établi depuis deux ou trois ans et que le besoin de secourir cotonnière est pressant, j’adhère aux mesures propres à nous assurer le marché extérieur autant que possible.
L’adoption du projet de loi donnerait sans doute un développement subit au tissage, mais il n’y aura pas de suite assez de filatures et d’assez parfaites pour fournir les filés d’une certaine finesse, dont l’emploi sera occasionné par l’exclusion des tissus étrangers ; pour beaucoup d’objets ce sera un apprentissage pour les tisserands. De là la nécessité d’employer des fils les plus parfaits. Il est de notoriété publique que ce n’est pas dans nos filatures qu’on pourrait s’en fournir en ce moment.
L’augmentation des droits sur les fils diminuerait pour le fabricant l’augmentation des droits sur les tissus, et le mettra moins à même de concourir avec les marchandises qu’on importera encore en fraude. Il est encore plus probable que le coton filé étranger sera fraudé si on élève les droits. Donc perte pour le trésor sans bénéfice pour les filatures.
Pour ces raisons, messieurs, je propose, conjointement avec mon honorable collègue Stas de Volder, l’ajournement de toute majoration de droits d’entrée sur les fils étrangers, pour deux années.
On pourrait m’objecter que si, avec la protection existante, nos filatures n’ont pu se niveler avec les étrangers, il en sera encore de même dans deux ans. Ceci est seulement spécieux. La cause principale de la non-existence de bonnes filatures pour le fin c’est que l’emploi en était très minime : à cause de cela il n’y a pas d’établissements exclusivement destinés ad hoc. C’est la division du travail qui a porté les Anglais à cette grande perfection. D’ailleurs la perspective d’une meilleure protection, dans deux ans sera un puissant attrait. J’ai dit.
(Moniteur belge n°259, du 14 septembre 1835). - (Note du webmaster : le discours qui suit doit, selon le Moniteur, être repris dans la séance du 11 septembre 1835. Le même Moniteur ne détermine toutefois pas l’emplacement où ce discours doit être inséré. Il a donc été intégré là où il semblait le plus approprié de le faire) M. David. - Messieurs, je n’élèverai point la voix, messieurs, contre les plaintes, les réclamations de l’industrie cotonnière, parce que évidemment cette branche ne me paraît point florissante ; j’apprécie la malheureuse situation de sa classe ouvrière, que je suis certain que chacun de nous désirerait pouvoir soulager.
Mais, messieurs, que quelques réflexions me soient permises sur le résultat des mesures que nous allons être appelés à voter dans le dessein d’améliorer le sort de ces fabricants.
On ne peut s’y méprendre, il s’agit d’une question bien autrement grave que de celle de l’existence de Gand. Nous allons adopter un principe : nous allons ressusciter le système des prohibitions. Toutes les industries du royaume sont directement et également intéressées à la solennelle décision que vous êtes appelés à porter.
En secourant la ville de Gand par la prohibition ou une augmentation considérable de droits sur les cotons à leur entrée en Belgique, vous avez compris, messieurs, que peu importent pour cette localité les représailles dont nous sommes menacés par les rares contrées amies qui reçoivent encore nos produits. Gand est hors cause, hors combat ; elle ne peut lutter contre l’étranger au-dedans, elle n’ira pas lui livrer concurrence chez lui. Mais ces représailles de la part des étrangers, frapperont au cœur et envelopperont dans une même catastrophe toutes les fabriques du royaume.
Voyez d’ici, messieurs, les résultats destructeurs du moyen proposé. Vous allez, pour retremper une industrie souffrante, tarir par une mesure éminemment impolitique toutes les sources de prospérité des industries vivaces, qui ne demandent du gouvernement, ni secours, ni protection, encore moins de prohibition.
Et ce fatal projet des prohibitions, messieurs, dans quelles circonstances vient-il à se faire jour ? C’est à la veille peut-être de traités de commerce avec nos voisins du Nord, chez lesquels notre chemin de fer nous conduit par une pente irrésistible, que la législation belge si libre, si généreuse, lèverait l’étendard des prohibitions ? Non, messieurs, la Belgique est trop éclairée pour tomber dans une pareille erreur et admettre un système rétrograde, repoussé par tous les industriels courageux et par tous les hommes qui ont quelques notions et quelques vues d’économie politique.
Voyez, messieurs, et rappelez-vous la position des industriels de la province de Liége en 1815 lorsqu’ils furent si brusquement séparés de la France, où nous comptions presque tous nos débouchés. Pendant tout son règne le gouvernement hollandais nous accorda-t-il jamais des secours, des protections ? Non messieurs, et nous supportâmes pourtant alors le calme comme les orages avec une égale patience, avec un égal courage. Notre industrie stimulée par les obstacles et de redoutables concurrents, n’a fait que grandir au milieu des circonstances les plus difficiles, parce qu’elle n’était point parasite.
Ce que je viens de dire et qui concerne surtout Verviers, je puis avec autant de justice l’appliquer aux importantes tanneries de la ville de Stavelot. Son commerce d’exportation, monté sur une vaste échelle, perdit à la fois et à la même époque ses débouchés vers la France et l’Allemagne. La perte du Nord pour nos tanneries fut surtout profondément sentie, et depuis diverses émigrations de fabricants et de capitaux eurent lieu, notamment vers la Prusse, dont nous appelons de tous nos vœux aujourd’hui le système de douanes, soit par une agrégation franche, lorsque notre position politique nous la permettra, soit par un traité de commerce, si la diplomatie me parvient à lever bientôt des difficultés, qui jusqu’ici paraissent s’opposer à notre réunion au système de douanes de la Prusse.
Ne nous le dissimulons pas, messieurs, nous avons à redouter par suite de nos mesures prohibitives non seulement la Suisse qui la première a eu la franchise de nous avertir, mais toutes les puissances voisines.
Malgré ses droits, nous introduisons encore quelques marchandises en Prusse. Il est évident que ces droits seraient doublés ; mais son transit, voilà la véritable pierre d’achoppement ; il ne dépend que de cette puissance de nous le rendre impraticable et de nous séparer ainsi des quelques villes libres et petits Etats, tristes débris de notre beau commerce avec l’Allemagne.
L’Angleterre verra-t-elle d’un bon œil son principal produit repoussé de la Belgique, et n’entravera-t-elle pas notre commerce et surtout notre navigation par les moyens nombreux que sa toute puissance peut déployer contre notre faiblesse ?
La France ne révoquera-t-elle pas les concessions qu’elle vient de nous faire à l’entrée de certains articles sur lesquels elle a abaissé ses droits, tels que nos fers au bois, nos fontes et nos houilles des exploitations du Hainaut, dont on proclame l’importance comme vingt fois supérieure à tout ce que produit en Belgique l’industrie cotonnière ?
Enfin, messieurs, avant de vous prononcer sur cette grave question, question vitale, si jamais il en fût, pour l’avenir de toute l’industrie belge, pesez, je vous en prie, ces faibles paroles, et dépouillant tout esprit de localité, votez dans l’intérêt des masses et de la société toute entière.
Je ne m’opposerai pas à des droits modérément protecteurs en faveur de l’industrie de Gand, ou même à une prime d’exportation, malgré que le vice radical de ce moyen soit suffisamment démontré ; mais ma conviction ne me permettra jamais d’admettre des droits élevés, et bien moins encore contre le fatal moyen des prohibitions.
(Moniteur belge n°256, du 12 septembre 1835) M. Legrelle. - Il n’est pas étonnant, messieurs, que les honorables membres qui soutiennent le système de prohibition, veuillent lui donner pour cortège l’estampille et les visites domiciliaires. Je conçois que ce sont deux satellites indispensables à l’astre malfaisant dont on préconise l’apparition sur notre horizon social.
En effet, messieurs, la prohibition porte avec elle des germes qui doivent neutraliser tous les effets que ses adhérents en attendent ; elle engendre la fraude qu’une sage liberté commerciale éloigne, et que le système rétrograde appelle. Les partisans de ce système absolu ne trouvent d’autres moyens de réprimer la fraude que les mesures odieuses de l’estampille et des visites, noms qui sont venus douloureusement frapper nos oreilles depuis quelques jours. et que nous ne prononcions plus dans ce pays que pour faire ressortir l’heureuse différence qui existe entre un régime de liberté et l’époque liberticide des recherches inquisitoriales.
Aussi, messieurs, quel accueil ces mots « visites domiciliaires, » étrangers à nos mœurs, contraires à nos habitudes, et blessant nos affections les plus chères, ont-ils reçu en Belgique, cette terre classique de la liberté ?
Non seulement les trois quarts de nos chambres de commerce et de fabriques, mais j’ose le dire, la nation tout entière, à l’exception d’individus qui mettent l’intérêt particulier au-dessus de l’intérêt général, leur ont imprimé un stigmate de réprobation.
Eh quoi ! Le domicile du Belge, si sacré, si respectable, si inviolable dans l’état de nos institutions, serait ouvert au premier agent du fisc, qu’une dénonciation mensongère, ou même le seul caprice, porterait à le violer ! Eh quoi ! notre foyer domestique, les lieux les plus retirés de nos demeures, le berceau de nos enfants, ne seraient plus à l’abri de la plus envahissante fiscalité ; et une main vexatoire fouillerait dans les cabanes rustiques de la Hesbaye comme dans les palais somptueux de la capitale !
On me répondrai probablement que le droit de recherche ne s’exercera pas dans les maisons mais seulement chez les boutiquiers et dans les magasins.
Messieurs, pour que ce droit odieux soit efficace, pour qu’il produise les fruits que vous en espérez, il faut qu’il puisse étendre son bras de fer sur tout le royaume, et c’est aussi dans ce sens que le projet de loi a été élaboré. Mais je suppose pour un instant qu’il borne son action sur les habitants qui s’occupent du commerce des objets à prohiber : ces citoyens nombreux, que la police, quoi qu’on en ait dit, n’aura pas de peine à ramasser dans les carrefours de Bruxelles, ces estimables citoyens doivent-ils être pour nous un objet de moindre sollicitude ; faut-il les exposer au terrible fléau dont, peut-être, nous n’aurions pas tant à redouter l’approche ?
Un marchand en détail, un boutiquier, n’est-il pas un citoyen comme un autre, et pourrions-nous, représentants de la nation la plus libre de l’Europe, décréter dans cette enceinte que les employés fiscaux iront, dans les matelas ou sous l’oreiller du citoyen, à la découverte des marchandises anglaises.
Mais je veux croire encore qu’il ne visitera le plus souvent que les magasins et les boutiques. Messieurs, c’est encore trop, beaucoup trop.
Représentez-vous un honnête commerçant, occupé avec sa famille à débiter utilement ses marchandises à de nombreuses pratiques qui l’environnent et l’honorent de leur juste confiance ; et dans ce moment-là même, une troupe d’employés envahit le magasin ou la boutique, en chasse les acheteurs, y bouleverse tout, y déroule tout, y fane tout... Figurez-vous alors la position de cette famille, et la main sur la conscience, dites si vous voudriez vous mettre à sa place.
Mais, dira-t-on, vous vous créez des fantômes, vous faites sortir de votre imagination libérale des spectres hideux qui n’existent point ; l’exécution de la loi, faite uniquement dans l’intérêt de l’industrie, sera douce, sera bénigne ; aucune forme acerbe n’accompagnera les visites domiciliaires ; nos agents seront des hommes polis, bienséants, pleins d’excellents procédées, adoucissant par l’urbanité de leurs manières tout ce qu’il y aura de cruel dans leur mission.
Messieurs, je ne connais rien de plus mauvais au monde que l’exécuteur bénin d’une détestable loi ; c’est à mes yeux le chat qui vous égratigne et vous mord en vous présentant sa patte douce et moelleuse, c’est le loup sous une peau de brebis, c’est le bourreau qui vous salue et vous demande pardon en vous attachant à la potence.
Je bornerai là mes observations, pour ne pas abuser de vos moments ; c’est aussi par ce motif que je me suis abstenu de prendre part à la discussion générale, après les lumineux discours de MM. Pirmez, Smits et Rogier, dont les arguments restent debout, et contre lesquels ni l’insulte ni le raisonnement n’ont pu prévaloir.
M. le président. - La question est de savoir s’il y aura prohibition, visites domiciliaires, estampille. La section centrale persiste à demander l’estampille et les visites domiciliaires pour les tissus teints, peints, imprimés, dans le cas où on ne lui présenterait pas des moyens aussi efficaces de protéger l’industrie manufacturière en coton.
M. Desmaisières. - Je ne regrette pas d’avoir attendu, pour faire une motion, que l’honorable M. Legrelle ait prononcé son beau discours...
Je veux vous faire observer que dans ce moment il n’y a pas de proposition formelle de la part de la section centrale. Sa demande de l’estampille et des visites domiciliaires n’est que subsidiaire ; elle n’y persistera qu’autant que des moyens suffisants pour protéger l’industrie cotonnière ne seraient pas présentés. Or, je crois qu’il faut prononcer sur les questions principales, avant de s’occuper des questions subsidiaires.
M. Rogier. - J’ai peine à comprendre la conduite tenue par la section centrale. Hier, on a interrompu une discussion qui était sur le point de finir, pour que la section centrale pût aviser, de concert avec M. le ministre des finances, aux moyens de remplacer la prohibition et toutes ses conséquences ; et elle n’a trouvé aucun moyen à nous proposer.
Pourquoi traîner la discussion en longueur ? Pourquoi ne pas dire hier que l’on ne ferait faire aucun pas à la question ?
M. le ministre des finances nous exposé des moyens qui, dans son opinion, rendraient efficaces les douanes et repousseraient la fraude ; mais tous ceux qu’il nous a fait connaître ne sont que de simples vues. Quand elles seront transformées en projet de loi, nous les examinerons avec maturité.
Que reste-t-il donc en discussion ? Le projet de la section centrale et des propositions faites par quelques membres pour remplacer ce projet. Si d’autres membres ont de nouvelles propositions à nous faire, qu’ils les déposent sur le bureau. Quant à moi, j’avertis que, dans le cas où elle le retirerait, je reproduirai le projet de la section centrale ; car il importe que la chambre se prononce sur les visites domiciliaire, les prohibitions, et tout ce qui s’en suit.
M. de Brouckere. - Il me semble que ce que veut M. Rogier est désiré par beaucoup d’autres membres de cette assemblée. Il faut qu’elle se décide d’une manière franche. Des questions ont été posées ; elles doivent être résolues et non éludées.
Nous voulons, avec tous nos collègues, rechercher des moyens suffisants de protéger l’industrie cotonnière ; mais nous ne voulons pas qu’en employant des incidents, on recule indéfiniment toute décision. Il faut que l’on prononce au fond ; il faut que l’on prenne une décision sur les questions posées hier.
M. Desmet. - Je viens appuyer la proposition de M. Desmaisières, car la question de l’estampille et des recherches à l’intérieur est la loi tout entière. Les avis des chambres de commerce sont arrivés, mais personne n’a pu en prendre lecture. Il en est qui reconnaissent la nécessité de l’estampille comme le seul moyen d’éviter la contrebande. Toutefois nous voulons bien qu’on examine tous les autres moyens qu’on aurait à proposer en remplacement de l’estampille ; mais il faut évidemment que cet examen précède toute décision sur le projet de la section centrale.
Quant au projet du ministre des finances, je demanderai comment on le discutera : Sera-t-il considéré comme amendement ou comme un projet à part ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si la question qui nous occupe était dégagée de tout ce qui concerne l’estampille et les visites domiciliaires, la discussion marcherait plus vite et nous serions bientôt d’accord sur les moyens de protéger efficacement l’industrie cotonnière.
M. de Brouckere. - Cela est certain.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me paraît que les opinions sont formées à l’égard de l’estampille et de la visite domiciliaire ; il n’y a plus de doute sur ce point, et il n’est pas nécessaire d’en embarrasser la discussion, puisque aucune difficulté n’est à éclaircir. On peut donc délibérer sur cet objet.
Mais on demande si un projet est déposé sur le bureau de la chambre ou sera déposé. Eh oui, messieurs, je déposerai ma proposition et vous l’examinerez concurremment avec celle de M. Rodenbach et de M. Dechamps. (La clôture ! la clôture !)
M. F. de Mérode. - On ne peut pas clore la discussion. M. Legrelle a parlé contre les visites domiciliaires. Il les a peintes sous les couleurs les plus défavorables ; je demande à dire deux mots pour combattre une telle opinion.
M. Dumortier. - Il y a cinq jours que nous discutons, il faut en finir...
M. le président. - M. de Mérode n’a pas terminé !
M. F. de Mérode. - M. Legrelle a présenté la proposition de la section centrale d’une manière fausse ; je demande à le réfuter.
M. Dumortier. - Dans la séance d’hier, un honorable membre a prononcé un discours en faveur des visites domiciliaires ; on a pu parler contre aujourd’hui. Il faut en finir. Si on permet de nouveau de parler en faveur, un autre voudra parler contre, et on ne sait où cela nous conduira.
M. de Brouckere. - Il est vrai qu’aujourd’hui un seul orateur a été entendu et qu’il a combattu le projet de la section centrale ; eh, bien, pour être justes, il faut entendre un orateur pour ; mais après cela nous renouvellerons la demande de clôture.
M. le président. - La parole est à M. de Mérode.
M. F. de Mérode. - Je ne veux pas faire un discours, mais présenter quelques observations.
On crie contre les visites domiciliaires comme si c’était chose nouvelle. Il y a trois pays autour de nous où des mesures semblables sont employées, la France, la Prusse et l’Angleterre.
M. Dumortier. - Cela n’est pas exact !
M. F. de Mérode. - J’ai ouï dire qu’en Prusse on fait usage des visites domiciliaires d’une manière très rigoureuse. J’ai ouï dire également qu’en Angleterre on les employait d’une manière sévère. Quant à Paris, quant à la France, là elles ont toujours été mises en pratique, et je n’ai jamais entendu parler qu’elles aient entraîné après elles ces résultats fâcheux, désolants, dont nous a entretenus M. Legrelle. On ne va pas en effet fouiller sous les lits, dans les matelas.
Il ne s’agit pas ici de ce que l’on peut faire, mais de ce qui se fait réellement. Il n’y a pas de mesure qui, poussée à l’extrême, ne tombe dans l’absurde. Jamais l’emploi des visites domiciliaires n’a été aussi fâcheux qu’on vous l’a peint. (La clôture ! la clôture !)
M. de Roo. - Je demande la parole contre la clôture. Les questions pour lesquelles on hâte la délibération n’ont été examinées que dans la discussion générale ; elles n’ont pas été débattues d’une manière spéciale, et cependant elles en valent la peine. Je demande que l’on épuise l’examen et que la discussion soit continuée.
- La clôture mise aux voix est adoptée à une très grande majorité.
M. Manilius. - Je demande la parole sur la position de la question.
Il me semble qu’il serait prudent de délibérer premièrement sur les moyens de remplacer ceux qu’on trouve trop rigoureux. On ne peut rejeter les visites domiciliaires si on ne sait pas comment on y suppléera. (Bruit.)
- La chambre décide qu’elle va délibérer premièrement sur l’emploi des visites domiciliaires.
On procède à l’appel nominal.
70 membres prennent part à la délibération.
5 votent l’adoption des visites domiciliaires.
65 votent le rejet de cette mesure.
11 membres de s’abstiennent de voter.
En conséquence la chambre décide qu’il n’y aura pas de visites domiciliaires.
Ont voté l’adoption des visites domiciliaires : MM. Coppieters, de Roo, Desmet, Vandenbossche, Verrue-Lafrancq.
Ont voté contre les visites domiciliaires : MM. Bosquet, Brabant, Dequesne, Coghen, Cols, Corbisier, Cornet de Grez, David, Demonceau, de Behr, de Brouckere. Keppenne, W. de Mérode, de Nef, de Puydt, de Renesse, Dechamps, de Sécus, Desmanet de Biesme, Raymaeckers, de Terbecq, de Theux, Doignon, Mast de Vries, Donny, Dubois, Pirmez, Dumortier, Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia, Frison, Gendebien, Jadot, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Polfvliet, Quirini, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Seron, Smits, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen. Scheyven, Lejeune, Verdussen, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Zoude et Raikem.
Se sont abstenus : MM. de Jaegher, Stas de Volder, F. de Mérode, de Muelenaere, Dubus de Ghisignies, Desmaisières, Manilius, Kervyn, Hye-Hoys, C. Vilain XIIII, Thienpont.
M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.
M. de Jaegher. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas pu comprendre qu’on votât le rejet d’un moyen d’assurer l’exécution d’une loi qui a paru unique à une section centrale, sans connaître les moyens par lesquels on le remplacera d’une manière efficace. Je n’ai pas compris non plus qu’on pût voter sur une mesure sans savoir les cas auxquels elle s’appliquera.
Voilà les motifs pour lesquels je me suis abstenu.
M. Stas de Volder. - Je me suis abstenu parce que la question a été mal posée, et parce que je ne pense pas que les mesures qu’on se propose de substituer à celles proposées par la section centrale soient assez efficaces.
M. F. de Mérode. - C’est aussi parce que la question m’a paru mal posée que je me suis abstenu, parce qu’on l’a posée d’une manière affirmative. Je ne voulais pas de la mesure d’une manière absolue, mais seulement d’une manière relative, si les autres moyens proposés étaient démontrés insuffisants. Comme on a voulu résoudre de suite la question d’une manière absolue, j’ai dû m’abstenir.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je suis convaincu que l’industrie cotonnière a besoin de protection, et je suis convaincu aussi que rien ne lui serait plus funeste que de lui accorder une protection illusoire. Je considère les visites domiciliaires sinon comme un grand mal, du moins comme un inconvénient, Mais il ne m’est pas démontré qu’on puisse substituer au système de la section centrale d’autres moyens qui assurent l’efficacité de la protection qu’on accordera à l’industrie cotonnière. Voilà pourquoi je me suis abstenu.
M. B. Dubus de Ghisignies. - Je me suis abstenu, parce que je n’ai pas assisté à la discussion.
M. Desmaisières. - Je me suis abstenu par les motifs que vient d’énoncer M. le ministre des affaires étrangères, et ensuite parce qu’il n’y avait pas réellement de proposition de visites domiciliaires par la section centrale. La section centrale l’avait retirée ; il n’y avait plus qu’une proposition subsidiaire, c’est-à-dire que si on avait laissé à la section centrale le temps nécessaire pour examiner si les propositions de M. le ministre des finances, de M. A. Rodenbach et de tous autres membres qui auraient voulu en faire, auraient pu jusqu’à un certain point remplacer l’estampille et les visites domiciliaires par d’autres mesures capables d’assurer l’efficacité de la loi que vous voterez.
Dans cette situation j’ai cru devoir m’abstenir.
M. Manilius. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. de Jaegher, parce que je crains qu’on soit sans moyen d’assurer l’exécution de la loi.
M. Kervyn. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hye-Hoys. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Thienpont. - Et moi aussi.
M. Ch. Vilain XIIII. - Je me suis également abstenu par les mêmes motifs énoncés par M. le ministre des affaires étrangères.
M. le président. - Nous avons maintenant la question de l’estampille et des recherches à l’intérieur.
M. F. de Mérode. - Je demande qu’on pose la question d’une manière négative, qu’on demande si on rejettera tout moyen de recherche à l’intérieur, d’une manière absolue ou non.
Si on met la question aux voix d’une manière affirmative et absolue, je ne puis pas voter, parce que je ne veux autoriser la recherche à l’intérieur que dans certains cas.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il ne s’agit ici que de la recherche à l’intérieur dans tout le pays, telle qu’elle existe aujourd’hui pour un certain rayon en vertu des lois de douane. La loi générale n’accorde le droit de recherche que dans ce rayon mais elle permet la poursuite de la fraude même jusqu’à Bruxelles.
Ce droit de recherche sans l’estampille serait sans objet, sans résultat possible. Ainsi la division de la question ne, peut pas être admise. Il faut mettre aux voix la recherché à l’intérieur et l’estampille.
M. le président. - Voici comment M. de Mérode propose de poser la question :
« N’admettra-t-on dans aucun cas l’estampille et la recherche à l’intérieur ? »
M. Dumortier. - C’est impossible, jamais les questions ne sont posées à la chambre d’une manière négative. La chambre est censée devoir adopter et non pas rejeter les propositions qu’on lui fait ; et ensuite, pour qu’il y ait résolution, il ne suffit pas que la chambre n’ait pas rejeté, il fut qu’elle ait adopté.
Si la section centrale avait cru que la chambre rejetterait ses propositions, elle ne les aurait pas présentées. Ainsi, il faut poser la question d’une manière affirmative.
M. F. de Mérode. - Tout le monde peut comprendre la question comme je l’ai posée ; il sera aussi facile de la résoudre comme cela qu’autrement, et de cette manière je pourrai, ainsi que plusieurs de mes honorables collègues, émettre mon vote, tandis que nous ne le pourrions pas si la question était posée d’une manière affirmative.
M. de Brouckere. - La question doit être posée d’une manière affirmative. Jamais on n’a agi autrement, Mais pour ôter tout scrupule à l’honorable M. de Mérode, il sera entendu qu’en répondant affirmativement, on ne demande pas l’estampille et la recherche à l’intérieur pour tous les cas, mais seulement dans certains cas à déterminer plus tard, tandis que nous, qui répondrons non, nous n’en voulons dans aucun cas.
M. F. de Mérode. - Je retire ma proposition, d’après les explications de l’honorable préopinant, si la chambre les admet. (Oui ! oui !Aux voix !)
M. le président. - Voici la question que Je vais mettre aux voix :
« La chambre admettra-t-elle l’estampille et la recherche à l’intérieur ? »
- Plusieurs membres. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
M. de Roo. - Mais qu’entend-on par la recherche à l’intérieur ? est-ce la recherche sur la rue ?
M. de Brouckere. - M. le ministre des finances vous a expliqué tout à l’heure que c’était un nouveau moyen, un moyen autre que ceux usités aujourd’hui en matière de douane.
M. le président. - Il est entendu que la recherche à l’intérieur dont il s’agit ici est une mesure autre que celles usitées maintenant en matière de douane.
Je vais mettre aux voix la question de savoir si la chambre admettra l’estampille et la recherche à l’intérieur.
- Plusieurs membres ayant demandé l’appel nominal, il est procédé à cette opération.
Elle donne le résultat suivant :
76 membres ont pris part au vote.
3 se sont abstenus.
19 ont répondu oui.
57 ont répondu non.
En conséquence la chambre décide qu’elle n’admet pas l’estampille ni la recherche à l’intérieur.
Ont répondu non : MM. Bosquet, Brabant, Dequesne, Coghen, Cols, Corbisier, David, Demonceau, de Behr, de Brouckere, Keppenne, W. de Mérode, de Nef, de Puydt, de Renesse, Dechamps, de Sécus, Desmanet de Biesme, Raymaeckers, de Theux, d’Huart, Mast de Vries, Donny, Pirmez, Dumortier, Ernst, Heptia, Frison, Gendebien, Jadot, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Polfvliet, Quirini, A. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Seron, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen, Scheyven, Verdussen, H. Vilain XIIII, L. Vuylsteke, Raikem.
Ont répondu non : MM. Coppieters, de Jaegher, Stas de Volder, F de Mérode, de Roo, Desmaisières, de Terbecq, Desmet, Vandenbossche, Manilius, Dubois, Kervyn, Hye-Hoys, C. Rodenbach, Thienpont, Lejeune, Verrue-Lafrancq, Ch. Vilain XIIII et Zoude.
Se sont abstenus MM. de Muelenaere, Dubus, de Ghisignies et Doignon.
Ils sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’ai déjà fait connaître les motifs pour lesquels je m’abstenais.
M. B. Dubus. de Ghisignies. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas assisté à la discussion.
M. Doignon. - Dans l’état de la discussion, je ne sais s’il n’est point certains cas où il faudrait admettre l’estampille ou la recherche intérieure sans visite domiciliaire ; tel est le motif de mon abstention.
M. le président. - M. Rogier a déclaré reprendre la proposition de la section centrale.
M. Rogier. - La question de prohibition.
M. le président. - Toute question résulte d’une proposition ; vous ne pouvez pas reprendre la question de prohibition sans reprendre la proposition de la section centrale.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - C’est inutile.
M. Rogier. - Je vous demande pardon, c’est très utile. Je reprends la proposition de la section centrale en ce qui concerne la prohibition et je demande en conséquence qu’on vote sur la question de prohibition contenue dans le projet de la section centrale et qu’elle a abandonnée.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - C’est inutile puisque la proposition est retirée.
M. de Brouckere. - Il y a toujours lieu de mettre une question aux voix quand elle est posée.
M. Desmaisières. - Il n’y aura que M. Rogier qui votera pour cette proposition, car personne ne l’appuiera.
M. Gendebien. - Il est bon de constater que personne ne veut de la prohibition.
M. Zoude, rapporteur. - La section centrale a repoussé cette mesure à l’unanimité, je ne vois pas de motif pour la mettre aux voix.
M. Rogier. - Je ne comprends pas qu’après avoir occupé la chambre pendant quatre jours de cette proposition et en avoir fait retentir le pays pendant plusieurs mois, on y renonce si facilement et d’une manière si absolue, qu’on ne veuille pas même qu’elle soit mise aux voix.
Cette question de prohibition est d’une trop grande importance, elle devait avoir des conséquences trop graves pour n’avoir pas été sagement et longuement mûrie par la section centrale avant de vous être présentée.
Il faut avoir le courage de son opinion. Que ceux qui veulent de la prohibition aient le courage de l’avoir.
J’ai repris la proposition de la section centrale en ce qui concerne cette question, afin que le pays sache si la chambre veut ou non du système prohibitif.
Je tiens beaucoup à ce que la chambre se prononce sur ce point qui est d’une haute importance dans notre économie sociale. Quand la question sera posée, je ne dirai pas oui comme le suppose M. Desmaisières, je dirai non. C’est à lui à dire oui.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je pense que les honorables membres de la section centrale, comme les autres membres de cette chambre, ont autant que le préopinant fait preuve qu’ils ont le courage de leur opinion, dans toutes les circonstances où ils ont cru qu’il pouvait être utile ou nécessaire d’émettre leur opinion. Quant à moi, je pense qu’il est complètement inutile de mettre aux voix cette question : Y aura-t-il ou n’y aura-t-il pas prohibition ?
- Plusieurs membres. - Si ! si ! aux voix !
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne m’y oppose pas mais je déclare que le vote quel qu’il soit, ne prouvera rien, car d’après moi la prohibition peut être bonne dans certaines circonstances, et être mauvaise maintenant.
Si la section centrale a abandonné ce moyen, c’est par des motifs qu’elle nous a fait connaître et que j’ai approuvés.
M. Desmaisières. - Je demande à répondre à M. Rogier pour un fait personnel.
M. Rogier dit que les membres de la section centrale devaient avoir le courage de leur opinion. Je lui répondrai qu’ils l’ont eue, car ils ont proposé à l’unanimité le retrait de la proposition.
M. F. de Mérode. - Il y a des prohibitions qui existent ; le vote de la chambre ne les empêcherait pas de subsister, ainsi il est inutile. Je ne conçois pas qu’on pose des questions illusoires.
On ne doit jamais poser des questions inutiles, car on ne fait que perdre du temps.
M. Gendebien. - C’est vous qui faites perdre du temps ; si vous aviez laissé voter, ce serait fini.
M. F. de Mérode. - Je dis qu’il est inutile de poser cette question à propos de l’objet dont nous nous occupons. En le faisant, véritablement on abuse du temps de la chambre.
M. de Brouckere. - L’article 46 du règlement et formel : « Quoique la discussion soit ouverte sur une proposition, celui qui l’a faite peut la retirer ; mais si un autre membre la reprend, la discussion continue. »
Par conséquent, si un membre reprend une proposition abandonnée, on doit aller aux voix sur cette proposition.
Maintenant, qu’est-ce qu’on oppose à la demande de M. Rogier ? On dit ; Il est inutile d’aller aux voix sur cette question. Cela peut être inutile dans l’opinion de M. de Muelenaere et de M. de Mérode, et être au contraire très utile dans l’opinion de M. Rogier, puisqu’il le demande.
Ce vote, dit M. de Muelenaere ne signifierait rien ; je dis moi, qu’il signifiera beaucoup. Je préfère ne pas dire ce qu’il signifiera, parce qu’on me répondrait, et la discussion ne finirait pas. (On rit.)
Je me borne à dire que le pays comprendra par votre vote que la chambre rejette les mesures prohibitives. Je ne fais pas un reproche aux membres de la section centrale d’être revenus sur leur première proposition. Au contraire, plus il y aura de membres qui voteront contre les mesures prohibitives, plus je m’en réjouirai dans l’intérêt de mon pays.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il faut que M. Rogier attribue une grande portée au vote qu’émettra la chambre, pour demander avec tant d’instance qu’on mette aux voix la proposition abandonnée par la section centrale. Il faut qu’il suppose que la chambre décidera en principe qu’elle ne veut pas, et que le pays qu’elle représente ne veut pas davantage de prohibition.
M. Rogier et M. Lebeau. - Pas du tout ! pas du tout !
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si ce n’est pas cela, le vote que vous demandez ne signifie plus rien.
Quant à l’article du règlement qu’on invoque, je ferai observer qu’il suppose que le membre qui reprend une proposition est d’avis qu’on doit l’admettre ; sans cela, il serait un non-sens. On ne fait pas une proposition pour la repousser soi-même, et alors que les autres membres de l’assemblée n’en veulent pas. Or, il est évident que dans la question spéciale dont il s’agit, pour ce qui concerne l’industrie cotonnière, personne ne veut plus de prohibition, et si l’on met cette question aux voix, votre vote ne signifiera rien d’autre, que la chambre n’admet pas la prohibition pour protéger l’industrie cotonnière.
M. le président cède le fauteuil à M. de Behr, vice-président.
M. Raikem. - Messieurs, des reproches ont été adressés aux membres de la section centrale. On peut être certain cependant que chacun des membres de la section centrale a le courage de son opinion. Vous avez vu les rapports de la section centrale, cela suffit pour le prouver ; je n’en dirai pas davantage sur ce point. Tous les membres qui ont assisté aux réunions de la section centrale savent si chacun a eu le courage de son opinion.
Mais il y a eu une question de prohibition abandonnée, question qu’on demande de mettre aux voix.
Je dirai que c’est après un deuxième examen que la section centrale a abandonné à l’unanimité sa première proposition ; et lors de ce vote, la majorité qui au premier vote s’était prononcée pour la prohibition, s’est réunie à la minorité qui avait repousse ce système. La raison du rejet de la prohibition vous a été expliquée par M. le rapporteur.
J’ajouterai que je trouve un peu singulier que dans l’assemblée, on vienne à chaque instant attaquer soit les rapporteurs, soit les membres des sections centrales. Sans doute, ils peuvent se tromper comme tous les hommes, mais chacun conviendra que la plus grande bonne foi règne dans toutes les délibérations, soit des sections particulières, soit des sections centrales. Si un membre de la section centrale reconnaissait qu’il est tombé dans une erreur en votant dans le sein de la section et venait voter autrement dans l’assemblée (et ceci ne me concerne nullement), loin de l’en blâmer, je serais le premier à l’approuver. Selon moi, il y a plus de courage à revenir d’une erreur qu’à soutenir avec obstination une proposition qu’on reconnaît être erronée.
Je crois que quand des membres se dévouent à des travaux journaliers et assidus comme le font certains membres de la section centrale et des sections, on devrait faire en sorte de s’abstenir de leur adresser des paroles qui pourraient paraître un peu acerbes. Je suis persuadé que ces paroles sont dites sans intention par les orateurs qui les prononcent, qu’elles échappent à l’inadvertance et à la chaleur de l’improvisation. Mais alors on devrait se tenir en garde contre soi-même afin d’éviter d’adresser des paroles peu agréables à des membres qui se donnent tant de peine.
M. F. de Mérode. - Je m’oppose à ce que la question sois mise aux voix, parce qu’elle est inutile.
M. Lebeau. - Je crois que l’honorable M. d’Huart attache à la question telle qu’elle est posée un sens que n’y attachent ni M. de Brouckere, ni mon honorable ami M. Rogier.
Il ne s’agit pas de décider en principe, et d’une manière absolue que la prohibition est désormais exclue de nos lois de douanes ; car ce serait abroger incidemment la prohibition qui existe dans plusieurs dispositions de nos lois générales de douanes. Il s’agit d’une décision sur la matière qui nous occupe, d’une décision à prendre en ce qui concerne la loi sur les cotons, la loi actuellement en discussion. Voila toute la portée de la question qui nous est soumise.
Maintenant quel que soit le motif qui a porté l’honorable M. Rogier à proposer cette question, je crois que, le règlement à la main, il a le droit d’exiger qu’elle soit mise aux voix. On n’a pas le droit de rechercher les motifs par lesquels un orateur reprend une proposition abandonnée par son auteur. On n’en a pas le droit, ceci est son affaire ; il peut même changer d’opinion, sans être obligé d’en rendre compte.
Je crois, je le répète, que, le règlement à la main, vous ne pouvez vous refuser à statuer sur la question reprise par M. Rogier. J’insiste pour qu’elle soit mise aux voix.
M. Zoude, rapporteur. - L’honorable M. Rogier a paru s’étonner d’un changement d’opinion de la part des membres de la section centrale. Mais, messieurs, les membres de la section centrale n’ont pas changé d’opinion. Ils étaient d’avis d’admettre la prohibition, dans le cas où les droits ne seraient pas suffisamment protecteurs pour l’industrie cotonnière.
Eh bien, d’après les explications que nous avons eues avec M. le ministre des finances, il est convenu de soutenir la proposition d’établir les droits à une certaine hauteur. Restaient les moyens d’assurer la perception de ces droits. A cet égard, M. le ministre a proposé des moyens par lesquels nous espérons arriver à ce résultat.
Voilà les motifs qui ont guidé la section centrale, motifs qui lui font plus d’honneur qu’une obstination déplacée, comme l’a fort bien fait observer notre honorable président.
M. Rogier. - Je reçois avec plaisir l’admonestation de notre honorable président. Je l’aurais reçue de même, si elle était partie du bureau de la chambre. J’en remercie M. le président, et s’il m’est échappé dans la chaleur du débat quelques mots qui blessent les convenances parlementaires, je les retire volontiers.
J’ai l’avantage vis-à-vis M. le président de la chambre d’être plus souvent qu’aucun autre l’objet de ses observations. Je ne sais ce qui me vaut cette distinction particulière. Mais je ne puis qu’encourager M. le président dans l’exercice de son droit envers moi comme envers tout autre, afin de faire respecter, en toute circonstance, les convenances parlementaires. Je me soumets donc avec plaisir à l’admonestation qu’il a bien voulu m’adresser.
Maintenant, après cette déclaration bien franche, je dois dire que ce n’est pas par une obstination puérile que je demande que la question soit posée. Je crois que beaucoup de membres n’y voient pas la puérilité que croit y découvrir notre honorable président.
Il est bien entendu qu’il serait absurde que la chambre décidât par voie de principe qu’il n’y aura plus de prohibition. La chambre est incompétente pour décider incidemment une telle question. Mais il s’agit de savoir si la prohibition, telle qu’elle existe, sans estampille ni visite domiciliaire, sera étendue aux cotons ; elle existe sur les verreries et sur les draps venant de France.
Là il n’y a pas d’estampille ; et cependant le tarif porte prohibition. Etendra-t-on aux tissus de coton cette prohibition, isolée de ses conséquences ? Il me semble que l’on ne peut se refuser à mettre cette question aux voix, d’autant plus qu’elle a été proposée par la section centrale, d’autant plus que son honorable rapporteur vient de déclarer que la section centrale n’a pas changé d’opinion, c’est-à-dire sans doute que la prohibition devra être adoptée, à défaut d’autres moyens de protéger l’industrie cotonnière.
On a parle d’obstination. Mais je ne comprends pas l’obstination de ceux qui s’opposent à la position d’une question qui a beaucoup de portée à mes yeux et aux yeux d’autres membres qui l’ont déclaré. Je ne comprends donc pas que l’on vienne prétendre qu’il est inutile de poser cette question.
Je demande donc à la chambre que, s’en tenant aux termes du règlement, elle résolve la question que j’ai reprise.
M. Raikem. - L’honorable préopinant vous a parlé, messieurs, du président, il a prétendu qu’il en serait plus l’objet qu’aucun autre membre de cette assemblée. Mais vous savez que je n’ai pas parlé comme président. J’ai quitté le fauteuil ; et je crois qu’en quittant le fauteuil, j’ai le droit de faire comme tout autre membre des observations dans l’assemblée.
Lorsque j’ai fait l’observation qu’a relevé l’honorable préopinant, c’était dans l’intérêt des travaux de la chambre, c’était afin que la section centrale ne ralentît pas son zèle. C’était uniquement, je le répète, dans l’intérêt des travaux de la chambre.
J’ai même dit que je croyais qu’il n’y avait rien dans l’intention du préopinant qui eût pour objet de blesser la section centrale ou les membres de la section centrale ; que si des expressions pouvaient peut-être paraître un peu acerbes vis-à-vis de la section centrale, elles étaient échappées dans la chaleur de l’improvisation. Je conçois que moins on est avancé en âge, plus on met de chaleur dans l’improvisation. Je crois donc n’avoir blessé en aucune manière l’honorable préopinant,
M. Zoude, rapporteur. - L’honorable M. Rogier reproduit la question relative à la prohibition. Mais je ne sais pourquoi, puisque la section centrale a été unanime pour déclarer qu’elle renonçait à la prohibition pour la remplacer par des droits. Il n’y a donc pas d’autre proposition que celle tendant à remplacer par des droits la prohibition.
M. F. de Mérode. - Je demande la question préalable sur la proposition de M. Rogier. Je motive la question préalable sur ce que M. Rogier doit demander la prohibition, puisque la section centrale y a renoncé. Car nous ne sommes pas ici pour traiter des questions, mais pour décider sur des faits. Quand on reprend une proposition, ce n’est pas pour la combattre, mais pour l’appuyer. C’est dans ce sens que le règlement entend que l’on peut reprendre une proposition abandonnée par son auteur.
M. le président. - La parole est à M. Rogier.
M. Rogier. - J’y renonce. Je m’en réfère au règlement.
- La question préalable sur la question posée par M. Rogier est mise aux voix. Une première épreuve est douteuse.
L’épreuve est renouvelée. La question préalable est adoptée.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense que maintenant il faut aborder une autre question de principe. Ce serait celle du mode de déclaration, mode sur lequel le droit serait appliqué.
La section centrale a proposé des droits au poids combiné avec la surface du tissu. MM. A. Rodenbach, Dechamps et moi avons demandé que les droits soient établis à sa valeur. Il me semble que la discussion doit rouler sur ce point, parce que si vous statuez sur la nature des droits, il n’y a plus à s’entendre que sur leur quotité. Je demande donc que la chambre discute cette question.
M. Desmet. - Cette question est très grave. Il me semble que l’on pourrait en renvoyer la discussion à demain. Il est d’ailleurs près de quatre heures.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense en effet qu’on pourrait commencer la discussion, si quelque membre voulait prendre la parole, mais qu’il ne faudrait pas décider la question aujourd’hui.
Je crois que la section centrale se réunira demain matin. Je me rendrai volontiers dans son sein, pour m’entendre avec elle sur les propositions à soumettre à la chambre quant à la nature des droits.
- Plusieurs membres. - Alors à demain !
M. A. Rodenbach. - Il y a plusieurs membres, notamment M. Hye-Hoys, qui ont des amendements sur la nature des droits. Je demande qu’ils les déposent pour que ces amendements soient soumis a l’examen de la section centrale.
M. le président. - M. Hye-Hoys est invité à déposer son amendement.
M. Hye-Hoys dépose son amendement sur le bureau.
- La séance est levée à 4 heures.