(Moniteur belge n°231, du 18 août 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et un quart.
M. Schaetzen lit le procès-verbal ; la rédaction est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Leroux, juge, adresse des observations sur la proposition tendant à créer un second vice-président au tribunal de première instance de Bruxelles, et propose des modifications à introduire dans cette proposition. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner la proposition de M. Bosquet.
« Un grand nombre d’habitants de Wetterem demandent l’élection directe des bourgmestres et échevins. »
« Plusieurs habitants d’Escannaux adressent des observations en faveur des libertés communales. »
« Les sieurs Guillochin et consorts à Mons adressent de nouvelles observations sur le mémoire de MM. Vifquain et compagnie. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Jadot s’excuse de ne pouvoir assister aux travaux de la chambre.
M. le président. - L’ordre du jour est la suite de la discussion des articles de la loi concernant l’instruction publique. Nous en sommes restes à l’article 22, ainsi conçu :
« Nul n’est admis aux leçons académiques que sur l’exhibition d’une carte délivrée par le receveur de l’université ou par le professeur. »
- Cet article est adopté sans discussion.
Article 55 (du projet du gouvernement)
M. le président. - La section centrale demande la suppression de l’articl 55 du projet du gouvernement, lequel est ainsi rédigé :
« Les leçons se donneront en langue française ; néanmoins le gouvernement pourra, sur l’avis des facultés, permettre que certains cours soient donnés dans une autre langue. »
- La suppression de cet article, mise aux voix, est adoptée.
M. le président. - L’article 56 du projet du gouvernement est conçu en ces termes :
« Il y aura annuellement deux vacances : l’une du premier samedi d’août au premier mardi d’octobre ; l’autre du jeudi qui précède le jour de Pâques jusqu’au deuxième mardi qui le suit. »
La section centrale, propose encore la suppression de cet article, le gouvernement insiste pour qu’il soit maintenu.
M. Dechamps. - Nous voudrions connaître les motifs qui portent le gouvernement à demander le maintien de cet article que la section centrale regarde comme tout à fait réglementaire.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois qu’il n’est pas sans utilité de fixer dans la loi l’époque des vacances, parce que cette époque coïncide avec l’établissement du jury et celle des examens. De plus on ne peut apercevoir aucun inconvénient à conserver cet article.
- L’article 56 du projet du gouvernement est mis aux voix et adopté. Il forme l’article 23 des résolutions de la chambre.
M. le président. - « Art. 24 (proposé par la section centrale et par le gouvernement). Les seules peines académiques sont :
« Les admonitions ;
« Les suspensions du droit de fréquenter les cours, ou l’un d’eux ; le terme de la suspension ne peut excéder un mois ;
« L’exclusion de l’université.
« La première peine pourra être prononcée par le recteur ; les deux autres, par le conseil académique. Pour l’exclusion de l’université, il faudra la majorité de deux tiers des voix ; dans ce cas, une copie du procès-verbal motive sera adressée au gouvernement, et à l’élève exclu.
« L’exclusion d’une université emporte celle des autres universités de l’Etat.
« L’élève accusé sera toujours préalablement appelé ou entendu. »
Les deux derniers paragraphes sont des additions de la section centrale, ainsi que les mots soulignés dans les autres paragraphes.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) demande que l’avant-dernier paragraphe soit remplacé par cette disposition :
« Chaque université de l’Etat aura le droit de refuser l’inscription d’un élève exclu d’une autre université de l’Etat. »
M. Dubus. - La section centrale voudrait que l’élève exclu d’une université ne soit pas admis dans l’autre : sans cette disposition, en effet, la peine de l’exclusion sera souvent illusoire. La proposition faite par le gouvernement ne me semble pas devoir atteindre le but. Je ne sais pas d’ailleurs si une université saura que tel élève a encouru la peine de l’exclusion dans une autre université ; je désirerais avoir des explications à cet égard et sur la portée du paragraphe présenté par le gouvernement.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - D’après les règlements des anciennes universités, il y avait la peine de l’exclusion d’une université et la peine de l’exclusion de toutes les universités. Celle-ci était très sévère, et je ne sais pas s’il existe un exemple de son application. La proposition faite par le gouvernement, adoucissant ce qu’il y a de trop rigoureux dans celle de la section centrale, me paraît un acte de justice. En effet on peut demander l’exclusion d’un élève de l’université dont il suit les cours par rapport aux relations qu’il a dans la ville où siège cette université, ou par rapport à la manière dont il se comporte à l’égard d’un ou de plusieurs professeurs : ainsi il y a des motifs pour justifier l’exclusion d’une université et qui ne justifieraient pas l’exclusion d’une autre université. Toutefois, lorsque l’élève exclu se présentera devant une autre université, celle-ci appréciera les motifs de la peine encourue ; elle verra si cette peine n’est pas trop sévère, si le professeur qui l’a réclamée n’a pas montré trop de susceptibilités, si cette susceptibilité n’a pas été partagée par ses collègues et elle décidera s’il faut admettre ou repousser l’élève.
Mais, a dit M. Dubus, quand un élève aura été exclu d’une université, comment le saura-t-on dans l’autre ? D’après les anciens règlements, toutes les universités étaient averties de la mesure qui frappait un élève ; il est probable que les règlements nouveaux contiendront une disposition pareille. Ainsi la difficulté présentée par M. Dubus n’en est pas une.
M. Dubus. - Je n’insiste pas.
M. Jullien. - Puisque M. Dubus n’insiste pas, je renoncerai à la parole. J’avais à peu près à faire les mêmes observations que celles que vient de vous développer M. le ministre de la justice.
- La rédaction de l’avant-dernier paragraphe présentée par M. le ministre de l’intérieur est adoptée.
L’article dans son ensemble est ensuite adopté avec les additions faites par la section centrale.
« Art. 25. Il y aura près de chaque université un commissaire du gouvernement, sous le titre d’administrateur-inspecteur de l’université. Ce fonctionnaire sera nommé par le Roi et jouira d’un traitement de 5,000 fr. à 8,000 fr.
« Il devra résider dans la ville où se trouve l’université. »
M. Dubus. - Je ne comprends pas les motifs pour lesquels on laisse indéterminé le traitement de l’administrateur-inspecteur, et pourquoi on ne le fixe pas à 5,000 fr.
Relativement aux professeurs, on vous a dit que les rétributions que quelques-uns recevraient, pourraient être insuffisantes, et qu’un supplément de traitement serait nécessaire pour obtenir le consentement d’un homme supérieur à faire partie du corps enseignant : mais ces motifs ne me paraissent pas devoir se renouveler pour les administrateurs-inspecteurs : ces fonctionnaires chargés de surveiller l’université n’ont pas besoin de talents transcendants ; qu’auront-ils à faire ? Ils surveilleront l’exécution des lois qui concernent l’instruction et le matériel de l’université ; je ne vois pas là une nécessité de porter jamais leur traitement à 8,000 fr.
Je crois au reste qu’il vaudrait mieux supprimer l’article et laisser au gouvernement, le soin de déterminer le traitement dont il s’agit. Quand une loi dispose sur un traitement, ce n’est pas d’une manière vague. Les traitements des magistrats en sont un exemple.
Il faut que le gouvernement nous montre la nécessité d’une augmentation dans le traitement des inspecteurs pour que nous l’accordions.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - D’après l’énumération que l’honorable préopinant vient de faire lui-même des fonctions de l’administrateur-inspecteur, on voit qu’il faut que le gouvernement puisse avoir une certaine liberté dans le choix des hommes appelés à les remplir, car il faut que le gouvernement n’appelle que des hommes capables. Les hommes qui ont de l’expérience dans l’enseignement seraient très aptes à être administrateurs-inspecteurs ; mais comment un professeur consentirait-il à être dans une position inférieure à celle qu’il avait ? Il serait cependant très utile que l’on prît les inspecteurs dans le corps enseignant lui-même. De là découle la nécessité de porter le traitement de 5,000 à 8,000 fr.
L’administrateur sera souvent appelé à concilier les idées des professeurs sur le mode d’enseignement ; des idées divergentes sur ce point entre les membres d’une même université n’est pas chose rare ; une grande influence est donc nécessaire dans un corps enseignant pour y établir ou y conserver l’harmonie ; mais pour atteindre ce but, de grandes connaissances sont indispensables ; ainsi il ne faut pas un homme ordinaire pour être bon administrateur.
Ajoutez à ces considérations que ce fonctionnaire devra demeurer dans le lieu où siège l’université.
M. Dechamps, rapporteur. - La section centrale avait pensé que le gouverneur de la province où est l’université, résidant dans la même ville où est le siège du corps enseignant pourrait tenir lieu d’administrateur-inspecteur : quant à moi, je crois que le gouvernement a bien fait de conserver l’article en discussion. Le gouverneur de la province aurait sans doute bien pu surveiller le matériel d’un établissement scientifique, mais il n’aurait pas toujours pu surveiller la manière dont les leçons sont données.
Quoi qu’il en soit, je ne vois pas que les raisons alléguées pour rendre mobiles les traitements des professeurs s’appliquent aux traitements des administrateurs-inspecteurs. M. le ministre de l’intérieur dit qu’on pourra choisir un professeur pour remplir les fonctions d’inspecteur, et qu’il ne faut pas lui offrir une position inférieure à celle qu’il quitterait. Je ne présume pas qu’un professeur d’une haute capacité veuille descendre aux fonctions d’inspecteur ; or, s’il ne faut rétribuer que des capacités médiocres, 5,000 fr. sont suffisants. Je crois avec M. Dubus qu’il faut supprimer la faculté d augmenter le traitement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Les professeurs jouissent d’un traitement de 6,000 fr., ils ont en outre une part dans les rétributions des élèves ; l’inspecteur n’aura aucun supplément de ce genre, il sera donc dans une position bien inférieure à celle des membres du corps enseignant.
On vient d’assurer qu’un professeur ayant du talent ne voudra pas accepter les fonctions d’administrateur. Cette assertion n’est pas fondée : un professeur qui aura enseigné pendant plusieurs années, et dont la santé exigerait quelque repos, pourrait consentir à être inspecteur. Il serait très utile ; car de son influence dépendrait le sort de l’université. L’expérience nous montre tous les jours que les établissements où l’on se livre à l’enseignement prospèrent plus ou moins selon l’harmonie qui existe entre les professeurs ; or l’administrateur est celui qui pourra le mieux conserver cette harmonie ou la rétablir dans le cas où elle serait troublée.
Je dois au reste faire remarquer que l’article ne contient pas une disposition absolue, mais une simple faculté. On ne portera le traitement de 5,000 à 8,000 que progressivement et qu’autant que les besoins de l’université le réclameraient.
M. Dechamps, rapporteur. - M. le ministre de l'intérieur vient de nous dire qu’un professeur d’un haut mérite que l’âge aurait rendu infirme pourrait être inspecteur de l’université, et qu’il en remplirait bien les fonctions ; mais alors ce serait une place de retraite....
M. Gendebien. - Ce serait une sinécure !
M. Dechamps. - S’il en est ainsi, je ne comprends pas l’utilité de donner plus de 5,000 francs.
M. Jullien. - Il ne me paraît pas que les explications données par M. le ministre de l’intérieur aient détruit les observations présentées par M. Dubus. Il est impossible, en effet que les mêmes raisons, pour justifier l’augmentation du traitement des professeurs en certains cas, puissent militer en faveur de l’augmentation du traitement des administrateurs. La faculté d’augmenter le traitement des professeurs tient à la prévision de cas spéciaux, tient à ce qu’on veut avoir le moyen d’attirer ou de retenir dans le pays un homme d’un mérite rare ; or, il est certain qu’aucun motif semblable ne peut s’appliquer à l’administrateur, dont les fonctions seront faciles a remplir. Sous aucun rapport, je ne conçois la nécessité de porter le traitement de l’administrateur à 8,000 fr. ni de franchir, sans intermédiaire, l’espace entre 5,000 fr. et 8,000 fr.
Ne vaudrait-il pas mieux que l’on fixât dès actuellement le traitement à 6,000 fr. et qu’il ne fût pas permis de dépasser ce chiffre ? Tout le monde sait comment s’accordent les augmentations de traitement : la faveur est trop souvent puissante envers tel ou tel particulier. Si l’on fixe le traitement à 6,000 fr., j’adopterai l’article.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Il est très vrai que l’augmentation facultative que l’on demande pour l’inspecteur en chef de l’université n’est pas fondée sur les mêmes convenances qui ont déterminé le gouvernement à vous demander la faculté d’augmenter le traitement des professeurs ; aussi M. le ministre de l'intérieur vient de vous le déclarer. Mais, comme il vous l’a très bien fait remarquer, le sort d’une université dépend souvent de la direction donnée à l’enseignement, de la liaison des cours entre eux, et de l’harmonie qui existe entre les hommes chargés de faire ces cours ; or, pour obtenir tous ces points, il faut la surveillance d’un homme très instruit lui-même, sans quoi il serait sans influence.
Ajoutez à cette considération que l’inspecteur en chef de l’université sera tenu à une certaine représentation ; il est difficile de croire qu’avec 5,000 francs il puisse marcher sur la même ligne qu’un professeur qui aura 9,000 fr.
M. le ministre de l'intérieur vous a fait observer qu’un professeur, ayant consacré une partie de sa vie à l’enseignement, et qui ne voudrait plus supporter les fatigues de la chaire, pourrait remplir les fonctions d’inspecteur, mais que, pour le faire consentir à être administrateur, il ne faut pas lui offrir une position inférieure à celle qu’il quitterait. Cette observation est parfaitement juste. Au reste, l’augmentation que vous demandez n’est pas considérable. Il n’y aura que des fonctionnaires de cette espèce, et on ne donnera pas 8,000 francs à chacun, mais 5000 fr., 6,000 fr., 7,000 fr. ou 8,000 fr selon qu’on le jugera utile. On ne sautera pas de 5,000 francs à 8,000 francs.
Je crois que ces considérations porteront la chambre à adopter la disposition présentée par le gouvernement.
M. Gendebien. - Le sort des universités ne tient nullement à la question de savoir s’il y aura un inspecteur à cinq ou huit mille francs, mais bien à la question de savoir s’il y aura une ou deux universités en Belgique. Quoi qu’il en soit, on ne nous donne pas de bonnes raisons pour admettre l’augmentation facultative proposée par le ministre, tandis que je vois de très bonnes raisons pour supprimer la place d’inspecteur.
Dans un des articles précédemment adoptés, et qui forme, je crois, le 16ème résultant des délibérations de la chambre, on trouve que dans chaque université il y a un recteur, un secrétaire, un conseil académique, des doyens des facultés. Avec tant de fonctionnaires, comment ne serait-il pas possible d'administrer, de surveiller, d’inspecter et les études et tout ce qui dépend d’une université ?
Vous voulez établir un lien entre les professeurs. Vous dites que vous voulez avoir la faculté de majorer le traitement de 5 à 8 mille francs afin de le mettre dans la position de représenter. Eh bien, vous pouvez atteindre ce but plus facilement et avec plus d’économie pour le trésor en affectant une somme de 2 à 3 mille francs aux fonctions de recteur de l’université. De cette manière, tout en atteignant le but que vous avez en vue, vous n’introduirez pas dans la loi une superfétation.
Ce qui fait que l’on s’oppose à ma proposition, c’est que l’on suppose et que l’on admet que le choix du recteur tombera sur un ancien professeur qui se trouvera incapable de donner des leçons comme professeur. Pour ma part, je ne considère pas le rectorat comme une retraite, et je préfère un homme actif pour remplir les fonctions de recteur, c’est-à-dire de président né du corps enseignant.
Dans le projet du gouvernement, l’administrateur serait chargé de l’inspection des bâtiments. Dans mon système, je chargerais le secrétaire de ce soin. Ce fonctionnaire aura peu ou point de besogne. Il pourra bien, ce me semble, vérifier au moins une fois l’an, si les bâtiments sont en bon état. Je ne vois pas la nécessité de donner 5 à 6,000 fr pour consacrer une superfétation.
Je suppose que l'intervention d’un administrateur soit nécessaire dans les cas graves. Ce ne sera pas un inspecteur à 5 ou 8,000 fr., un fonctionnaire en sous-ordre qui pourra rétablir l’harmonie. Dans les circonstances extraordinaires ce sera à l’administrateur de l’instruction publique à se transporter dans l’une des deux villes où l’intervention d’un tiers sera nécessaire. Le pays n’est pas si grand que l’administrateur de l’instruction publique ne puisse se déplacer au moins une ou deux fois par an.
Je pose en fait que l’administrateur de l’instruction publique pourrait s’absenter huit jours par mois, sans que l’on s’aperçût de son absence dans les bureaux. Si vous voulez obtenir quelque chose de digne et de convenable, il faut supprimer dans chacune des universités votre administrateur. Il faut augmenter le traitement du recteur de manière à le mettre en position de représenter, puisque l’on veut de la représentation partout. Je conviens du reste qu’il est utile de réunir de temps en temps les professeurs ; c’est peut-être le meilleur moyen de conserver la bonne harmonie parmi eux et de la ramener quand elle sera troublée ; mais il n’est pas nécessaire pour cela de donner 5 à 8 mille francs à un administrateur.
Vous y parviendrez bien mieux en donnant un supplément de 2 à 3 mille francs au recteur. Nommer un administrateur ou non ; il faudra toujours que l’autorité centrale surveille les universités et envoie sur les lieux un fonctionnaire supérieur dans certaines circonstances difficiles. Je pense donc par ces raisons qu’il y a lieu de supprimer l’article 25.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je crois que l’honorable préopinant et nous, nous sommes bien près de nous entendre. En effet, nous sommes d’accord sur le but. Si nous différons sur les moyens, je prie l’honorable préopinant de me permettre de lui dire que cela provient de ce qu’il confond l’ancien système universitaire sous le régime des académies françaises avec le système actuel des universités. Le recteur de l’académie de Bruxelles, par exemple, M. Ch. Van Halthem, que l’on regrette à Gand, avait un traitement de 10,000 fr.
Sous le régime actuel, le recteur est pair des professeurs. Il est professeur comme eux, il ne reçoit aucun traitement comme recteur. L’honorable préopinant suppose le contraire dans ses objections. Le recteur, en sa qualité de professeur, est tenu de remplir les mêmes fonctions que ses collègues. Il est impossible, dans ce cas, de lui imposer les obligations dont se compose la charge d’administrateur de l’université. Cela est de toute impossibilité.
Je me suis aperçu que l’honorable préopinant était encore préoccupé du souvenir des anciennes académies, quand il a dit que la vie des professeurs était douce et peu fatigante. C’était bon dans l’ancienne académie de Bruxelles où les professeurs n’avaient que 3 heures de leçons à donner par semaine. Les professeurs aujourd’hui ont dix heures de leçons à donner par semaine.
Ce n’est que de cette manière, en doublant leur travail, qu’ils augmentent les profits de leurs fonctions. En un mot, le recteur ne peut être chargé des fonctions d’administrateur.
Le système de l’honorable M. Gendebien coûterait en définitive plus à l’Etat. Car le recteur, dans l’impossibilité de donner des leçons, toucherait un traitement de huit à neuf mille francs pour remplir les diverses obligations de cette place.
L’honorable préopinant part de ce principe, que le gouvernement donnera la place d’administrateur, comme retraite, à un professeur usé. Ce n’est pas ainsi que nous l’entendons. Un professeur, après quelques années d’exercice, après les grandes fatigues qu’il aura éprouvées, pourra se trouver dans l’impossibilité de donner un enseignement oral et cependant avoir conservé la force nécessaire pour remplir convenablement la place qu’on lui conférera. Il importe qu’il y ait un homme rétribué, exerçant une influence sur les professeurs et sur les élèves de l’université, dans chacun des corps enseignants. Sera-ce l’administrateur ou le recteur ? Ce ne serait qu’une question de mots, si le recteur n’était pas en même temps professeur, comme en effet il ne pourrait l’être dans le système de M. Gendebien, et s’il jouit d’un traitement de huit à neuf mille francs. Je ne pense pas que c’est une simple question de mots que l’honorable membre a eue en vue.
M. Gendebien. - Je n’attache pas la moindre importance à mon observation. Cependant je dois rectifier ce que vient de dire M. le ministre de la justice.
Je ne prétends en aucune manière assimiler les universités d’aujourd’hui avec celles d’autrefois. Je ne prétends pas décider ce qu’il vaut mieux de l’ancien système ou du nouveau. Je sais très bien qu’il y avait à l’académie de Bruxelles un recteur qui, sans porter le titre de magnifique, était un homme très instruit ; je sais aussi que M. Van Halthem n’avait que des fonctions purement nominales à l’académie de Bruxelles. C est une charge d’honneur qu’on lui avait donnée. Du reste il représentait parfaitement bien, et si ses fonctions ne consistaient en réalité qu’à donner à dîner, il est vrai de dire qu’il s’en acquittait à merveille. Ce n’est pas que je veuille mettre en doute son aptitude à remplir un emploi plus difficile. Mais le fait est qu’il n’avait rien à faire et ses fonctions étaient tellement inutiles, qu’en sa qualité de membre du corps législatif il résidait la plus grande partie de l’année à Paris, même hors du temps des sessions. Il y restait parce que Paris lui offrait sous le rapport scientifique des ressources qu’il ne trouvait pas à Bruxelles. Aussi demeurait-il dans cette dernière ville tout au plus deux mois de l’année. Du reste, ce n’est pas de cette époque que j’ai voulu parler.
L’on a trouvé de l’inconvénient à confondre les fonctions d’administrateur avec celles de recteur. Je n’en vois aucun. Le recteur est, dit-on, l’égal des professeurs. Selon moi, il n’est pas sur la même ligne. Pourquoi nommerait-on chaque année un recteur magnifique ? je ne pense pas que la loi ait voulu consacrer une mystification. Il doit être le supérieur des professeurs. Autrement, la nomination d’un recteur serait superflue. Les professeurs ont l’habitude de voir leur pair président de l’université.
Il aura toujours plus de prépondérance que l’homme à qui vous accorderez un traitement de 5 à 8 mille francs. Accordez la moitié de cette somme au recteur ; fournissez-lui les moyens de représentation, puisque vous y tenez, puisque vous avouez que c’est à cela que vous consacrez une somme de 5 à 8 mille francs. Le recteur remplira vos vues beaucoup mieux que votre administrateur ; il sera bien plus en position de faire marcher les études et de conserver la bonne harmonie parmi les professeurs.
Quant à ce que j’ai dit sur la position des professeurs d’universités, c’était pour répondre à une comparaison que l’on avait faite de leur travail avec celui des avocats. J’ai dit que les premiers avaient trois heures de leçons à donner au palais pour toute la matinée. L’on prétend que c’est dix heures de leçons qu’il fallait dire. Je le veux bien. J’ai commis une erreur des deux cinquièmes. En admettant qu’ils aient dix heures de leçons à donner par semaine, ce n’est pas trop encore. Ce n’est pas que je veuille en tirer une conséquence défavorable aux professeurs. Je sais que les leçons des professeurs ne sont pas leurs seules occupations, que leur plus grand travail consiste dans la préparation de leurs leçons, s’ils veulent les donner convenablement. Je ne prétends pas non plus qu’ils sont trop rétribués. Je suis le seul dans cette chambre qui ait proposé pour eux un traitement considérable. J’ai demandé que de six mille fr. qu’on voulait leur donner, il fût élevé à dix mille.
M. le ministre de la justice, pour prouver que mon système, s’il était adopté, n’apporterait pas une économie pour le trésor, a supposé qu’en remplacement du recteur, il faudrait nommer un nouveau professeur. Je passerai condamnation, si l’on me prouve que les fonctions d’administrateur, sous le rapport de l’enseignement, absorberont tout le temps du recteur. Je pose en fait qu’il n’aura pas plus d’un quart d’heure de besogne. Un même individu pourra, sans que l’une de ces fonctions nuise à l’autre, être à la fois professeur et recteur. Quant au secrétaire, je ne vois pas un si grand obstacle à ce qu’il inspecte les bâtiments, et qu’il s’assure de l’état des toits et des gouttières. Car c’est à cela que se bornera l’inspection.
Je persiste donc à dire qu’en partageant entre le recteur et le secrétaire les fonctions de l’administrateur, cette dernière place devient complètement inutile.
M. Dechamps, rapporteur. - Je ne puis partager l’avis de l’honorable préopinant. Pour ma part, j’attache une importance assez haute à la conservation d’un administrateur dans chaque université, pris en dehors du corps des professeurs. Si on le chargeait de la surveillance de l’université, il en résulterait que les universités de l’Etat seraient constituées en universités libres, à l’exception qu’elles seraient rétribuées par la nation. Il me paraît donc qu’il faut absolument une surveillance prise en dehors de l’université. Car il pourrait arriver qu’un professeur de physiologie enseignât les doctrines du matérialisme, qu’un professeur de droit public jetât parmi ses élèves des semences anarchiques et antisociales. Il faut que le gouvernement ait une surveillance active sur les universités. L’on ne peut confier cette surveillance à l’un des professeurs eux-mêmes ; elle deviendrait tout à fait illusoire.
Je me rangerais volontiers de l’avis de M. Jullien qui est de porter à 6,000 francs le traitement de l’administrateur. Il est bon de remarquer que les conseillers de la cour d’appel dont les services méritent d’être récompensés n’ont que 5,000 francs. La chambre ne doit pas laisser au gouvernement la faculté de porter à 8,000 francs le traitement de l’administrateur. Toutes les raisons que l’on a alléguées ne justifient en rien la nécessité de cette faculté.
M. Devaux. - Je demande le maintien des fonctions d’administrateur dans les universités. Quant à la nécessité de ces fonctions nous sommes tous d’accord.
L’on a signalé les inconvénients qui résulteraient de l’incompatibilité qu’il y a entre les fonctions de recteur et celles d’administrateur. Je signalerai une des obligations attachées à ces derniers : c’est la surveillance des bâtiments, de la bibliothèque et des collections et cabinets scientifiques. Cette surveillance demande de la suite. Et l’on ne pourrait attendre l’habitude et les connaissances qu’elle exige d’un recteur qui serait élu tous les ans.
M. Gendebien. - Donnez cette surveillance au secrétaire !
M. Devaux. - Mais le secrétaire est également un fonctionnaire annuel.
Ce qui fait désirer que l’administrateur ne soit pas pris dans le sein des professeurs, c’est qu’il doit être l’intermédiaire entre le gouvernement et ceux-ci. Il peut se présenter des cas analogues à ceux qu’a signalés l’honorable M. Dechamps. Le gouvernement, au lieu de faire au professeur coupable des injonctions plus ou moins acerbes, lui fera entendre raison par la voix d’un homme qui sera en relation directe avec l’autorité.
Une des attributions les plus importantes de l’administrateur, c’est la conciliation des professeurs. Malheureusement tous les corps savants sont divisés en partis. Presque toujours un corps enseignant se divise en deux camps. Il en résulte que chaque professeur se range sous l’un des deux drapeaux. Il faut, pour éviter l’aigreur de ces luttes, un homme neutre, en dehors des partis, qui fasse taire les allusions par la voie de la conciliation. Un homme qui ne fera pas partie du corps enseignant ne prendra pas fait et cause pour telle opinion savante plutôt que pour telle autre. Un homme vivant au milieu des professeurs serait plus capable qu’un professeur même, qui se prononcera pour une doctrine, de pacifier les antagonistes.
Une des autres attributions de l’administrateur, c’est d’être également l’intermédiaire entre les élèves et les professeurs. Il est bien rare que dans les universités, comme dans les collèges, il n’existe pas des dispositions hostiles contre tel professeur, ou des préventions de tel professeur contre tel élève. Il faut un homme neutre pour intervenir dans ces circonstances. Il n’est hostile à aucun d’eux. Il n’a pas le caractère de professeur et ne peut blesser les susceptibilités des élèves ni des professeurs. Il empêchera que ces animosités ne dégénèrent en espèces d’émeutes.
C’est en ce sens que les fonctions d’administrateur-inspecteur seront nécessaires. Mais je ne vois pas cependant la nécessité de porter le traitement de ce fonctionnaire à 8,000 fr. J’ai plaidé chaleureusement la cause des sciences lorsqu’il s’agissait de fixer le traitement des professeurs. Mais je ne crois pas les sciences intéressées à ce que le traitement de l’inspecteur s’élève à 11,000 fr. Cinq mille fr. d’appointements offriront au gouvernement une grande latitude dans le choix.
Il faut un homme qui s’intéresse aux sciences, afin qu’il prenne un soin particulier des collections scientifiques. Il faut, en outre, que ce soit un homme honorable ; mais tout cela ne demande pas une grande capacité ; il ne sera pas bien difficile de trouver des titulaires ; dans les villes mêmes où seront les universités, le gouverneraient pourra faire choix entre beaucoup d’hommes qui se contenteront de 5,000 fr. d’appointements. Il ne faut pas que le traitement soit inférieur à ce chiffre, parce que l’inspecteur occupera un certain rang dans le monde. La plupart du temps ce sera un ancien magistrat ou bien un ancien professeur. Je voterai donc pour l’adoption de ce chiffre de 5,000 francs.
M. Donny. - Je partage l’opinion de l’honorable préopinant, lorsqu’il pense que l’administrateur-inspecteur de l’université ne doit pas être rétribué d’une manière extraordinaire. Mais je diffère d’opinion avec lui lorsqu’il croit la somme de 5,000 francs suffisante comme traitement, attendu que ce fonctionnaire doit se trouver dans le cas d’exercer une certaine influence sur ses professeurs. Il me paraît qu’il faudrait au moins lui donner un traitement égal au traitement fixe de ceux-ci, qui est de 6,000 fr. C’est le chiffre proposé par l’honorable M. Jullien. Il me semble que, abolissant la faculté que demande le gouvernement de rendre le traitement mobile, il est de nature à rallier toutes les opinions. J’ai l’honneur de déposer un amendement dans ce sens, qui consiste à dire :
« Ce fonctionnaire sera nommé par le Roi et jouira d’un traitement de 6,000 fr. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) se rallie à cet amendement.
- Il est mis aux voix et adopté.
L’ensemble de l’article 25 est adopté.
Les articles 26 et 27 sont successivement mis aux voix et adoptés. Ils sont ainsi conçus :
« Art. 26. En sa qualité d’inspecteur, il veillera à l’exécution des lois sur l’instruction supérieure et des règlements faits en conséquence de ces lois, et particulièrement à ce que les leçons soient données avec régularité et les programmes soigneusement observés. »
« Art. 27. En sa qualité d’administrateur, il veillera à la conservation des bâtiments de l’université, de la bibliothèque, des collections et généralement de tout le matériel de l’université ; il veillera également au bon emploi des sommes allouées pour ces objets et pour les besoins journaliers. Il surveillera les fonctionnaires et employés que le gouvernement aura nommé près de l’université. »
« Art. 28. Le gouvernement est chargé de la surveillance et de la direction des universités de l’Etat. »
- Adopté.
« Art. 29 Le gouvernement fait les règlements, nomme aux divers emplois et fixe les traitements, le tout conformément à la présente loi. »
- Adopté.
« Art. 30. Il sera fait annuellement un rapport aux chambres de la situation des universités de l’État. »
Un état détaillé des subsides sera joint à ce rapport. »
M. Rogier. - Je crois qu’il faut dire : « Un état détaillé de l’emploi des subsides, etc. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne m’oppose pas à cette addition, à laquelle je ne vois aucun inconvénient.
- L’amendement de M. Rogier est adopté.
L’article 30, ainsi amendé, est adopté.
« Art. 31. Le gouvernement pourra conserver les étrangers qui occupent des fonctions dans l’instruction publique, et appeler au professorat des étrangers d’un talent éminent, lorsque l’intérêt de l’instruction publique le réclamera.
M. Dubus. - Je remarque que nous votons des articles sur lesquels nous n’avons pas de rapport de la section centrale. Je fais cette observation sur l’article en discussion, parce que j’ai un scrupule relativement à cet article. Je doute qu’il soit bien en harmonie avec la constitution. La constitution pose en principe que les emplois ne seront donnés qu’à des Belges ; si elle autorise des exceptions, elle dit expressément que ces exceptions ne peuvent être établies que par une loi seulement, « pour des cas particuliers.»
Je reconnais que la première partie de l’article s’applique à un cas particulier ; elle porte : « Le gouvernement pourra conserver les étrangers qui occupent des fonctions dans l’instruction publique. » Cette disposition s’applique uniquement aux personnes exerçant des fonctions dans l’instruction publique, et elle est essentiellement temporaire, puisque le temps en est limité au temps nécessaire pour l’organisation de l’instruction publique.
Mais la seconde partie de l’article est permanente, et est relative non à un cas particulier, mais à une généralité. La portée de cette disposition est que le gouvernement pourra toujours appeler des étrangers au professorat. J’ai peine à trouver là l’exception pour des cas particuliers dont parle la constitution.
Jusqu’ici la législature n’a voté de semblables exceptions qu’en rendant la loi temporaire, en la bornant à certains individus qui devaient cesser d’être employés en Belgique avec les circonstances extraordinaires qui avaient donné lieu à l’exception. C’est ainsi que les chambres ont voté, à la fin de 1831, une loi par laquelle le gouvernement a été autorisé à appeler des étrangers à des fonctions dans l’armée. Il a été stipulé dans cette loi qu’elle cesserait d’avoir ses effets avec les circonstances qui y ont donné lieu.
Dans l’article qui nous occupe, je ne vois rien de cela. En supposant qu’il fût vrai (ce dont je doute) que, dans l’état actuel des choses, on ne pût organiser les universités sans le concours de professeurs étrangers, il faudrait poser un terme, après lequel on rentrerait dans la disposition de la constitution.
Je demande une explication sur ce point ; car je me croirait obligé de voter contre l’article si on n’apaisait pas mon doute.
M. Devaux. - Je ne pense pas qu’on ait tué l’enseignement supérieur en votant l’établissement de deux universités. Mais je crois que rayer de la loi la disposition en discussion, ce serait donner un coup de mort aux deux universités de l’Etat.
Et si vous voulez vous en convaincre, vous n’avez qu’à voir ce qu’ont fait les deux universités libres ; toutes deux, quoiqu’appartenant à des opinions bien différentes, ont pris à l’étranger les professeurs sur lesquels elles comptent le plus.
Si vous ne permettez pas au gouvernement de prendre pour professeurs des étrangers d’un talent éminent, les universités de l’Etat ne pourront pas soutenir la concurrence avec les universités libres qui choisiront leurs professeurs dans toute l’Europe.
L’objection que l’on a faite relativement à la constitutionnalité me paraît levée par la loi que vous avez faite pour l’admission d’étrangers. Certainement cette loi était bien moins limitée à des cas particuliers que la disposition dont nous nous occupons. Il s’agissait de nombreuses fonctions, qui peuvent durer autant que notre état de guerre. Dans l’article, il ne s’agit que de professeurs des universités.
Sans doute, à la longue, nous ne serons plus autant dans la nécessité de prendre des professeurs à l’étranger. Je crois néanmoins que cette nécessité existe pour tous les pays. Je crois qu’il n’y a pas en Europe une université qui n’ait des professeurs étrangers.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Cela est vrai.
M. Devaux. - Dans les universités de l’Allemagne, il y a des professeurs étrangers de toutes les parties de l’Allemagne.
Dans le corps universitaire en France, il y a des professeurs de tous les pays : des Suisses, des Italiens, des Belges. (Les noms de MM. Blondeau (de Liège), doyen de la faculté de droit de Paris ; Rossi, professeur de droit constitutionnel à la même faculté, etc., circulent sur les bancs de l’assemblée.)
Dans toutes les universités il y a des professeurs étrangers, parce qu’il faut prendre les hommes éminents là où ils se trouvent.
Je pense qu’il y a lieu d’adopter l’article ; que le rejeter ce serait exclure des hommes de mérite dont nos universités ont besoin.
M. Jullien. - J’aurai peu de chose à ajouter à ce que vient de dire l’honorable préopinant.
Je ne vois aucune espèce d’inconstitutionnalité dans l’article proposé par le gouvernement. En effet, s’il est un cas particulier dans lequel il y a lieu d’admettre l’exception, c’est bien assurément quand il s’agit d’instruction publique.
Au reste, s’il y a une inconstitutionnalité, elle existe déjà dans la loi même ; car rappelez-vous que quand il s’est agi des traitements des professeurs, vous avez ajouté une somme déterminée, qui permît au gouvernement d’augmenter le traitement de tel ou tel professeur, et surtout, a-t-on dit, d’appeler dans le pays des professeurs étrangers d’un mérite éminent, qui n’y viendraient pas si on ne leur offrait des avantages plus grands que ceux qu’ils ont dans leur propre pays. Il est donc vrai de dire que le principe de l’article en discussion est admis par les motifs qui ont déterminé l’adoption d’un des articles de la loi.
D’ailleurs, les savants sont de tous les pays ; c’est une vérité admise dans toute l’Europe, dans tous les pays civilisés.
Je crois qu’il n’y a aucune espèce de raison pour ne pas admettre l’article tel qu’il a été proposé par le gouvernement.
M. Trentesaux. - L’article en discussion est textuellement copié du premier projet présenté ; ce projet embrassait toute l’instruction publique. Le projet dont nous nous occupons n’ayant trait qu’à l’enseignement supérieur, il me semble qu’au lieu de « les étrangers qui occupent des fonctions dans l’instruction publique, » il faudrait dire « les étrangers qui occupent des fonctions dans les universités actuelles. » L’article ainsi rédigé rentrerait mieux dans l’esprit de la constitution.
M. Dubus. - Il ne me paraît pas qu’on ait suffisamment répondu à l’objection que j’avais faite. On s’est attaché à établir qu’il pouvait être d’une grande utilité de recourir à des professeurs étrangers. Mais la question n’est pas là ; la question est dans le texte de la constitution.
De la manière dont on veut interpréter la constitution, il est évident que les mots « pour les cas particuliers » devraient être considérés comme n’existant pas, et qu’il faut lire comme s’il y avait seulement « sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi. » Car, dans la question qui nous occupe, je ne trouve ni dans les personnes, ni dans la durée de leurs fonctions, le caractère d’un cas particulier.
Je persiste dans l’opinion que la deuxième partie de l’article n’est pas en harmonie ave la constitution. J’en demande donc la division. Je reconnais que la première partie de l’article peut se concilier avec les termes de la disposition constitutionnelle. Mais il me sera impossible de voter la deuxième partie, à moins que la rédaction ne soit modifiée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’amendement de l’honorable M. Trentesaux rend mieux la pensée du gouvernement que les termes du projet ; c’est qu’en effet la première rédaction est celle de la loi complète sur l’instruction publique, tandis que la loi dont nous nous occupons ne concerne que l’enseignement supérieur. Je suis donc entièrement d’accord avec l’honorable M. Trentesaux.
En ce qui concerne la faculté d’appeler des étrangers, il est évident d’après la rédaction de l’article, qu il ne s’agit ici que d’exceptions. En effet, le gouvernement n’appellera que des étrangers d’un talent éminent, et seulement lorsque l’intérêt de l’instruction publique le réclamera. Il est bien certain aussi que quand le gouvernement trouvera des hommes capables dans le pays il n’appellera pas des étrangers. On n’usera de cet article que quand il y aura nécessité.
- L’amendement de M. Trentesaux est mis aux voix et adopté.
L’article 31, ainsi amendé, est adopte paragraphe par paragraphe et dans son ensemble.
M. le président. - La chambre passe à la discussion du titre II, Des moyens d’encouragement.
« Art 32. Huit médailles en or, de la valeur de 100 francs pourront être décernées par le gouvernement aux élèves belges, quelque soit le lieu où ils font leurs études, auteurs des meilleurs mémoires en réponse aux questions mises au concours.
« La forme et l’objet de ces concours sont déterminés par les règlements. »
M. le président. - Cet article, dont la section centrale a proposé la suppression, était ainsi conçu dans le premier projet :
« Il sera décerné dans chaque université huit médailles en or, de la valeur de 100 fr., aux élèves de l’une et de l’autre université, auteurs des meilleurs mémoires en réponse aux questions mises au concours.
« La forme et l’objet de ces concours sont déterminés par les règlements. »
M. Dechamps, rapporteur. - L’article nouveau du gouvernement, qui a été puisé dans la rédaction proposée par la quatrième section me semble améliorer le système de la rédaction primitive. Cependant je pense que la suppression proposée par la section centrale doit être adoptée.
D’abord, vous savez comment d’ordinaire se font les concours. L’élève qui veut y prendre part, et qui désire voir son nom figurer dans les journaux au nombre des lauréats, interrompt le cours de ses études pour s’occuper du sujet du concours ; et au lieu d’une science approfondie il n’acquiert ainsi qu’une instruction superficielle et de clinquant. Ces concours se trouvent donc être préjudiciables aux études.
En deuxième lieu, comment le gouvernement pourra-t-il s’assurer que les ouvrages présentés au concours par les élèves sont réellement leurs ouvrages, qu’ils ne sont pas dus à quelques amis officieux ou même en partie aux professeurs, qui auraient revu et corrigé le travail de leurs élèves ?
D’après cela, je persiste à soutenir la suppression proposée par la section centrale.
Tel était l’avis de l’honorable M. Ch. de Brouckere. Il pensait que les concours absorbent les jeunes gens pendant plusieurs mois, interrompent la marche régulière de leurs études, et n’ont aucun résultat favorable pour la science et les fortes études.
M. Devaux. - Les objections que j’avais à faire tombent plus particulièrement sur ce titre II qui faisait partie du projet de loi préparé par une commission dont j’avais l’honneur de faire partie. Le projet que cette commission avait rédigé contenait quelques moyens d’encouragement pour les universités de l’Etat. Il est assez naturel que quand on établit une université ou un collège, que ce soit l’Etat ou des particuliers, il est naturel, dis-je, que l’Etat comme les particuliers cherchent à établir des moyens d’encouragement afin de faire prospérer leur établissement. La commission chargée de préparer le projet, tout en étant fort sobre d’encouragements, y avait consacré trois ou quatre articles. Mais la section centrale a changé tout le système des encouragements. Ce ne sont plus des encouragements dans l’intérêt des universités, mais pour l’instruction en général.
Je ne dis pas qu’il n’y ait du bon dans ces encouragements, mais de cette manière il n’y a plus d’encouragement spécial affecté aux universités de l’Etat. De sorte que les universités libres, les établissements particuliers pourront distribuer des médailles, accorder des bourses pour leurs seuls élèves, tandis que cela n’existe pas pour les universités de l’Etat. Vous voyez comme l’égalité se rompt ; il n’y aura plus de bourses dans les universités de l’Etat ; car les particuliers ne feront pas de grandes donations aux établissements de l’Etat. L’Etat, dit-on, est plus riche que les particuliers, et généralement on s’en rapporte ainsi pour subvenir aux frais des établissements qu’il crée. Les particuliers feront des donations aux établissements particuliers, et rarement aux établissements de l’Etat. Une foule d’exemples sont là pour le prouver. Les conditions deviennent donc fort inégales.
La commission avait encore cru pouvoir conférer aux universités une faculté que la section centrale a retranchée. C’était la faculté de décerner à des étrangers le titre de docteur, sans que toutefois ce titre pût conférer un droit en Belgique à ceux qui l’auraient reçu.
Je ne sais pas pourquoi on ne veut pas que les universités de l’Etat aient le droit de conférer un titre purement honoraire, alors que ce droit tous les établissements particuliers le possèdent Car vous ne pouvez pas empêcher un établissement quelconque, collège, athénée ou université de déclarer que monsieur untel est docteur de cet établissement. Vous voyez donc que les universités de l’Etat sont privées de tout encouragement spécial et cependant, comme je l’ai déjà dit, la commission dans son projet, en avait été très sobre. On me permettra à cet égard d’exprimer des regrets.
Il est étonnant que cette partie du projet de la commission ait paru si parfaite à la section centrale qu’elle n’a rien trouvé à ajouter qui fût plus favorable aux universités de l’Etat, qui fût plus propre à en augmenter la prospérité.
D’un autre côté, Je ne puis croire qu’il ait été si imparfait qu’on ait dû en retrancher un grand nombre d’articles, et notamment tous les articles relatifs aux encouragements, sans rien proposer à la place. Si vous adoptiez l’opinion de la section centrale, il devrait être entendu que ce qui est dans la loi est indicatif et non limitatif, c’est-à-dire que si les établissements particuliers créent des encouragements dans l’intérêt de l’enseignement qu’ils donnent, l’Etat n’aura pas les bras liés ; que si les établissements particuliers décernent des médailles et accordent des bourses à leurs élèves, l’Etat pourra créer des bourses et des médailles pour ses universités.
Je voudrais ici qu’aucune rivalité n’écrasât l’autre, mais que, par la concurrence, tous les établissements prospérassent. Ce serait un système vraiment favorable à l’instruction que celui sous lequel personne n’aurait les bras liés, et où chacun pourrait faire tous ses efforts pour la faire prospérer.
Je ferai une dernière observation sur la rédaction du gouvernement qui est ainsi conçue :
« Huit médailles en or, de la valeur de 100 fr. pourront être décernées par le gouvernement aux élèves belges, quel que soit le lieu où ils font leurs études, etc. «
Qu’entend-on par des élèves belges ? Quel titre authentique constatera qu’on est élève ? A quarante ans on peut se dire élève. Il faudrait déterminer d’une manière précise ce qu’on entend par des élèves, sans cela les jeune gens seront exposés à concourir avec des littérateurs expérimentés.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’ai pensé comme l’honorable préopinant que la loyauté devait présider à la rédaction de la loi que nous discutons, que le gouvernement devait laisser une liberté entière aux établissements particuliers, qu’il ne devait rien faire qui pût les empêcher d’arriver au plus haut degré de prospérité.
Mais, d’un autre côté, il y aurait quelque chose d’absurde que la loi ne laissât pas au gouvernement les mêmes moyens de succès qu’elle laisse aux particuliers. Il faut donc que le gouvernement ait à sa disposition des moyens d’encouragement afin de pouvoir soutenir une loyale concurrence. C’est cet esprit qui avait présidé à la rédaction du premier projet. Je crois avec l’honorable préopinant qu’il doit être entendu que si, indépendamment des encouragements accordes aux élèves belges, quel que soit le lieu ou ils font leurs études, les établissements particuliers créent des moyens spéciaux d’encouragement, le gouvernement pourrait, lors du vote du budget, demander les moyens de soutenir une juste rivalité.
On a prétendu que ces moyens au lieu d’encourager les fortes études, leur portaient préjudice. On a donné pour raison que les élèves qui entrent dans ces luttes, négligent leurs études.
C’est ici une question d’expérience. J’espère que l’honorable préopinant me croira quand je dirai que ce sont les hommes les plus distingués de la Belgique qui ont remporté les prix dans ces concours. Cela prouve qu’ils n’ont pas négligé leurs études pour prendre part à ces luttes, mais dans ces circonstances ils ont donné la mesure des espérances qu’on pouvait concevoir.
L’honorable préopinant s’est appuyé de l’autorité de M. Ch. de Brouckere. Je pourrais peut-être lui opposer l’autorité de son frère, l’honorable M. H. de Brouckere, qui a obtenu une médaille à l’université de Liège, car je ne crois pas que cela ait nui à la prospérité de ses études.
On a dit aussi qu’il serait difficile de prouver que les mémoires présentés au concours sont l’ouvrage des élèves. On me permettra de répondre que rien n’est plus facile. En effet, toutes les fois que la question s’est présentée, il a été facile de reconnaître si le mémoire présenté était l’ouvrage d’un élève. (Erratum au Moniteur belge n°232, du 19 août 1835 :) Si cette difficulté était réelle, il faut renoncer à mettre les questions au concours. C’est ici le cas de dire que quand on veut trop prouver, on ne prouve rien.
M. Dumortier. - L’article en discussion soulève deux questions différentes : la première d’utilité, la seconde d’opportunité. Quant à l’utilité de la mesure proposée, relativement aux établissements du gouvernement, je ne pense qu’on puisse la contester.
Je reconnais l’inconvénient, car vous ne pouvez pas ouvrir un concours sans vous exposer à ce que des professeurs fassent le travail de leurs élèves. Mais cet inconvénient est petit à côté des avantages qui résultent des concours. Car les concours développent l’instruction et font éclore les germes de talent que renferment de jeunes élèves.
Quant à la seconde question, la question d’opportunité, je dois quelques mots de réponse à ce qu’ont dit deux honorables préopinants. A les entendre, il semblerait que les établissements de l’Etat soient créés pour entrer en rivalité avec ceux qui sont dus à la libre concurrence. J’ai été frappé de voir qu’on proposait beaucoup pour les établissements du gouvernement et rien pour les établissements libres. Dans ma pensée, les uns et les autres sont aussi utiles.
On nous parle beaucoup de l’instruction donnée aux frais du gouvernement ; mais si le gouvernement donne de l’instruction, aux frais de qui donne-t-il cette instruction ? Aux frais de l’Etat, aux frais des contribuables, car l’Etat, c’est vous tous ; et les encouragements qu’on propose de donner à l’enseignement de l’Etat, comme c’est la nation qui les paie, il est juste et loyal que les établissements particuliers puissent y participer.
Je crois donc que c’est une grande erreur que de présenter les universités du gouvernement comme étant créées pour établir une rivalité avec les établissements particuliers, Qu’on parle d’une juste émulation, je la comprendrai ; mais la rivalité suppose des partis opposés qui se disputent. Je ne pense pas que les établissements du gouvernement puissent représenter un parti quelconque.
J’arrive à l’article. J’y vois que huit médailles en or de la valeur de 100 francs pourront être décernées par le gouvernement aux élèves belges, quelque soit le lieu ou ils font leurs études, auteurs des meilleurs mémoires en réponse aux questions mises au concours.
Je crois qu’on a voulu dire que ce serait chaque année que des médailles pourraient être décernées. Je proposerai d’ajouter ces mots par amendement, je proposerai aussi de substituer à ces mots « aux élèves belges » ceux ci « aux élèves qui fréquentent soit les universités du gouvernement, soit les universités libres » , car on l’a dit avec raison un homme de quarante ans pourrait se dire élève. Il faut spécifier ce qu’on entend par élève.
Maintenant le dernier paragraphe porte que la forme et l’objet de ces concours sont déterminés par les règlements.
Je ne comprends pas comment un règlement puisse déterminer la forme et l’objet d’un concours. Je vois que huit médailles pourront être décernées, c’est-à-dire deux médailles par faculté, car il y a quatre facultés. Eh bien est-il possible qu’un règlement détermine la forme et l’objet des concours ? Si vous voulez que les élèves concourent, il faut nécessairement que vous déterminiez quel sera le corps qui posera les questions et sera appelé à les résoudre. Sera-ce le ministre ? Il n’est pas apte à cela. Dans les bureaux du ministère, on fait des arrêtés de mise en possession, des nominations ; mais on n’y arrête pas des questions de droit et de médecine à proposer au concours.
Je ne vois que deux corps capables de proposer les concours et de les juger, ce sont le jury et l’académie des sciences, et je crois qu on doit de préférence en charger l’académie des sciences. Le motif principal est que l’académie n’est pas partie dans l’enseignement, elle est tout à fait en dehors, dès lors elle est mieux que personne à même de juger.
Je conçois qu’on propose de faire juger les concours par le jury, mais je ferai observer que la solution d’une question ne peut être bien jugée que par ceux qui l’ont posée, parce qu’ils en comprennent mieux toute la portée et sont par conséquent plus à même d’apprécier quelle est la meilleure solution donnée. Or, il me semble qu’il n’y a que l’académie des sciences et belles-lettres qui réunisse ces conditions, car elle forme un corps permanent, tandis que les membres du jury changent. Aujourd’hui déjà elle propose et juge des concours, non seulement pour l’enseignement, mais pour la littérature et les hautes sciences. Il est dans l’ordre naturel des choses qu’elle propose les concours pour les élèves des universités et qu’elle décerne les prix. Je proposerai un amendement dans ce sens.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Rien dans les paroles de l’honorable M. Devaux ni dans les miennes n’a donné lieu aux observations de l’honorable préopinant.
Par rivalité, nous avons entendu une juste et loyale concurrence, dans l’intérêt de l’enseignement. Nous avons pensé qu’on ne devait rien faire qui pût nuire aux établissements libres d’une autre cité, qu’on ne devait rien refuser aux établissements du gouvernement pour les maintenir à la hauteur de la science. Il n’y a là rien qui indique que le gouvernement ait voulu consacrer ses universités à un parti ; le gouvernement ne connaît pas de parti dans l’enseignement non plus qu’ailleurs, il n’agit ici que dans un but de science, il veut donner aux Belges les moyens de trouver en Belgique l’enseignement qu’on trouve dans les autre pays.
L’honorable préopinant s’est étonné de ce qu’on abandonnait aux règlements à déterminer la forme et l’objet des concours.
L’autorité réglera le nombre et la nature des questions, le règlement ne spécifiera pas les matières mais pourra dire par exemple que les questions proposées seront de nature à prouver que l’enseignement en Belgique est au niveau actuel de la science.
Il n’appartient pas à la loi de dire comment des concours seront faits. Le gouvernement ici plus qu en toute autre circonstance est intéressé à faire preuve d’impartialité. Il nommera une commission composée d’hommes qui inspirent toute confiance, de membres du jury, de l’académie des sciences ; la cour de cassation pourra être appelée à proposer une question de droit. Rien n’est plus simple que la marche à suivre : si vous laissez cette responsabilité au gouvernement, elle sera grande tandis que vous rendriez sa position plus facile en fixant dans la loi la forme du concours ; mais vous vous exposeriez à établir une forme qui n’offrirait pas toutes les garanties suffisantes.
M. de Brouckere. - Je voudrais savoir si l’on compte exclure des concours les jeunes étrangers qui viendront étudier dans les universités du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Oui, telle est notre intention.
M. de Brouckere. - Je ne vois pas le motif de cette mesure ; il me semble qu’il vaudrait mieux attirer les étrangers, les engager à venir chercher leur instruction chez nous.
Mais c’est un singulier moyen que de leur dire : Vous pouvez venir étudier dans nos établissements, mais quand viendra le moment de décerner des récompenses, vous serez exclus, quelque soit votre mérite ; quelques bonnes études que vous ayez faites, vous n’aurez pas de récompenses, vous ne pourrez avoir aucune preuve que vous avez fait de bonnes études.
Il me semble, je le répète, que c’est un singulier moyen d’engager les étrangers à venir étudier chez nous.
M. le président. - Voici l’amendement que propose M. Dumortier au dernier paragraphe de l’article :
« La position des questions mises au concours et leur jugement aura lieu par l’académie des sciences et belles lettres. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - On a demandé, messieurs, ce qu’on entend ici par élèves belges. Il est évident que par ces mots on a entendu tout Belge qui fait ses études dans l’une des parties de l’enseignement supérieur déterminées par la présente loi.
Il est difficile de se servir d’une expression restrictive, alors que la constitution et la loi admettent aux grades les Belges, en quelque lieu qu’ils aient fait leurs études. On a cru qu’on devait également admettre au concours pour les médailles tous les élèves belges en quelque lieu qu’ils étudient.
On a demandé comment on pourrait constater la qualité d’élève. A cet égard, il faudra prendre des dispositions règlementaires. Quand un élève aura fait ses études dans un établissement connu pour donner l’enseignement supérieur, sa qualité ne pourra pas être contestée.
Si, au contraire, il a fait ses études auprès d’un professeur particulier, sa qualité sera déterminée par une attestation donnée par le professeur ou l’autorité locale. Il ne sera pas possible de tromper la vigilance des autorités sur l’exécution de la loi. S’il a fait ses études à l’étranger, il devra prouver qu’il a fait ses études dans l’une des branches de l’enseignement supérieur. Il est impossible de faire une disposition législative sur cet objet. Nous avons pensé que cet objet pouvait sans inconvénient être abandonné au gouvernement. Vous concevez que la latitude de concourir ne peut pas être étendue à tous les étrangers, mais on pourrait admettre à ceux qui font leurs études dans les établissements du pays. Quant aux Belges qui font leurs études à l’étranger, j'ai déjà dit pourquoi on les admettait au concours.
M. Dubus. - Il sera satisfait à l’observation de l’honorable M. de Brouckere en rédigeant ainsi l’article :
« Huit médailles en or, de la valeur de 100 fr. chacune, pourront être décernées par le gouvernement aux auteurs des meilleurs mémoires en réponse aux questions mises au concours, quel que soit le lieu ou ils ont fait leurs études en Belgique. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je proposerai d’ajouter un paragraphe nouveau ainsi conçu :
« Les étrangers qui font leurs études dans l’un des établissements fondés en Belgique sont admis au concours. »
M. de Brouckere. - J’avais la même pensée et voici comment je voulais proposer de rédiger le nouveau paragraphe :
« Les étrangers fréquentant une université belge pourront prendre part au concours. »
M. Devaux. - Je proposerai le sous-amendement suivant :
« Les étrangers qui font leurs études en Belgique seront admis au concours. »
Vous ne pouvez pas mettre le mot université, car vous excluriez par là tous ceux qui font leurs études dans un établissement autre qu’une université. A Namur, par exemple, on a fondé une université, mais toutes les facultés n’y sont pas encore, on ne sait pas si elle sera complétée.
Vous ne pouvez pas non plus vous servir du mot faculté, car les élèves de l’école de médecine de Bruxelles ne pourraient pas être admis.
M. de Brouckere. - Je me rallie à l’amendement de M. Devaux. (Aux voix ! aux voix !)
- L’addition des mots « chaque année » après le mot « décernées », proposée par M. Dumortier, est mise aux voix et adoptée.
Le paragraphe proposé par M. Devaux est également adopté, ainsi que le dernier paragraphe de l’article.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’ensemble de l’article, tel qu’il vient d’être modifié.
« Huit médailles en or, de la valeur de 100 fr., pourront être décernées chaque année par le gouvernement aux élèves belges, quel que soit le lieu où ils font leurs études, auteurs des meilleurs mémoires en réponse aux questions mises au concours.
« Les élèves étrangers qui font leurs études en Belgique seront admis à ces concours.
« La forme et l’objet de ces concours sont déterminés par les règlements. »
- Adopté.
« Art. 33. Soixante bourses de 400 francs pourront être décernées annuellement par le gouvernement à des jeunes gens peu favorisés de la fortune et qui se destinant aux études supérieures, font preuve d’une aptitude extraordinaire à l’étude.
« Elles sont décernées ou maintenues sur l’avis du jury d’examen.
« Elles n’astreignent pas les titulaires à suivre le cours d’un établissement déterminé. »
M. Pirson. - Je propose de dire « à de jeunes Belges » au lieu de « à des jeunes gens ; » car si dans l’article précédent les étrangers sont mis sur la même ligne que les Belges, assurément nous ne voulons accorder des bourses qu’à des Belges. (Adhésion.)
- L’amendement de M. Frison est mis aux voix et adopté. L’article 33 ainsi amendé est adopté.
« Art. Ces bourses seront conférées par arrêté royal. »
- Adopté.
« Art. 35. Six bourses de 1,000 fr. par an pourront être décernées annuellement par le gouvernement, sur la proposition des jurys d’examen, à des Belges qui ont obtenu le grade de docteur avec la plus grande distinction, pour les aider à visiter des établissements étrangers.
« Ces bourses seront données pour deux ans et réparties de la manière suivante : deux pour des docteurs en droit et en philosophie et lettres, et quatre pour des docteurs en sciences et en médecine. Celles qui n’ont point été conférées une année pourront l’être l’année suivante. »
La section centrale propose la suppression de cet article.
M. Dechamps, rapporteur. - La section centrale a pensé que le gouvernement ayant toujours la faculté, dans la discussion des budgets, de demander des encouragements pour les savants qui voudraient faire des voyages scientifiques à l’étranger, il était inutile d’insérer cette disposition dans la loi.
M. Dumortier. - Je suis partisan de tous les encouragements donnés aux sciences et aux lettres. J’appuierai donc la proposition du gouvernement, et je combattrai celle de la section centrale. La Belgique n’offre pas toutes les ressources possibles pour les sciences. Il est à désirer que les jeunes docteurs puissent se perfectionner dans leurs études à l’étranger. Je voterai le maintien de l’article.
M. Dechamps, rapporteur. - Comme l’honorable préopinant, je suis partisan des encouragements donnés à l’étude. Je ne diffère que sur les moyens. La section centrale avait pensé que la faculté qu’a le gouvernement de faire des propositions dans le budget, donnait toutes les garanties désirables. Si cependant la chambre croit trouver une garantie de plus dans l’article 35, je ne m’oppose pas, pour ma part, à son adoption.
- L’article 35 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La chambre est arrivée au titre III, Des grades, des jurys d’examen et des droits qui sont attachés aux grades.
« Art. 36. Il y aura pour la philosophie et les lettres, les sciences, le droit et la médecine, deux grades : celui de candidat et celui de docteur. »
M. de Brouckere (pour une motion d’ordre). - Nous voici arrivés au titre le plus important de la loi. Pour moi je ne m’attendais pas à ce que nous fussions arrivés aussi loin dans cette séance. J’avais rédigé quelques notes, et je ne les ai pas apportées. Je viens de demander à l’honorable M. Dechamps, rapporteur de la section centrale, s’il était prêt à soutenir la discussion ; il m’a dit qu’il préférait la voir renvoyer à demain : c’est donc d’accord avec lui que je demande le renvoi de la discussion à demain.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - On pourrait discuter les articles 35 à 41 qui sont bons dans tous les systèmes, et sont indépendants de la composition des jurys d’examen.
M. Dechamps, rapporteur. - Ces articles s’appliquent bien au système que je veux faire prévaloir. Mais il est cependant un système avec lequel ils ne se concilieraient pas, celui adopté aux Etats-Unis et d’après lequel les universités donneraient elles-mêmes les grades avec les garanties qu’on pourrait exiger.
D’après cela je demande le renvoi à demain de la discussion sur le titre III.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Que ce soient les universités ou les jurys qui donnent les grades, il faudra toujours décider s’il y aura un ou deux grades ; et cela est étranger à la question qui divisera peut-être l’assemblée.
M. Dubus. - On pourrait présenter un système tel que les jurys d’examen n’eussent à donner que des brevets de capacité pour exercer telle ou telle profession, et que les universités seules délivrassent des grades. Cependant, vous allez préjuger la question et trancher d’avance le principe, en disant qu’il y aura des docteurs et des candidats.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Quand j’ai proposé de continuer la discussion de la loi, je n’avais pour but que de gagner du temps. Du moment que tous les membres n’ont pas leurs apaisements, je crois qu’il vaut mieux remettre la discussion à demain.
- Plusieurs voix. - Passons au chapitre suivant.
M. Jullien. - Vous y rencontrerez les mêmes inconvénients. Car il peut se présenter un amendement par lequel on demande la continuation du système actuel, c’est-à-dire, de la collation des grades par les universités. Tout ce que vous feriez aujourd’hui serait nul. Si vous tenez à avancer, il faut prendre un chapitre où il ne soit pas question des jurys d’examen.
M. Rogier. - On suppose ici des propositions qui très probablement ne seront pas faites, car elles seraient faites dès aujourd’hui. Je crois que la discussion se renfermera entre le système de la section centrale et celui du gouvernement. Il me semble que nous pourrions aborder immédiatement les articles sur lesquels il ne peut y avoir différents systèmes.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ferai une simple motion. C’est que les membres qui ont des amendements à présenter veuillent bien les déposer sur le bureau, afin que demain nous ne perdions pas de temps à les examiner.
Il est à remarquer qu’en général le ministère est d’accord avec la section centrale.
M. Rogier. - Personne ne présentera d’amendements. Continuons.
M. Jullien. - Mais, veuillez observer, messieurs, que la proposition d’ajournement vient de M. le rapporteur de la section centrale. Il a dit que si l’on introduisait demain un système nouveau, tous les articles que vous auriez adoptés aujourd’hui seraient non avenus. Je ne sais pas si les membres qui demandent que l’on continue sont dans le secret des pensées de tous leurs collègues. Quant à moi, je ne me permettrai pas d’avancer qu’un des membres absents ne viendra pas demain présenter un amendement qui détruise ce que nous avons fait aujourd’hui.
M. Rogier. - Si l’on admet les raisons de l’honorable préopinant, la chambre se trouve réduite à une nullité complète. Car, si demain l’on propose un système contraire à la pensée qui aura dicté les votes d’aujourd’hui, la chambre ne pourra plus adopter un seul principe. Voyez quelles seraient les conséquences de ce système dans une loi comme celle d’organisation communale, par exemple. Je ne comprends rien à cette manière de discuter. S’il est dans cette assemblée un membre qui médite un amendement tel qu’on nous en promet demain, je lui demande en grâce d accoucher dès aujourd’hui de son idée. (Hilarité.)
M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, puisque l’on paraît vouloir discuter dès à présent l’article 36, je ferai remarquer que l’on veut poser en fait deux idées, deux questions importantes d’une manière assez légère. Il s’agira de savoir si les jurys d’examen auront mission de conférer des grades ou si cette mission se bornera à conférer des brevets, des diplômes, des licences ; et en second lieu il n’est nullement spécifié dans l’article 36 si les universités libres pourront conférer des grades honorifiques.
- Plusieurs voix. - Qui pourrait les en empêcher ?
M. Dechamps, rapporteur. - Je ne soulève ces questions, messieurs, que pour montrer combien elles ont de l’importance.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - L’article 36 ne préjuge rien sur la question de savoir si les jurys conféreront des grades ou des licences. En second lieu, notre pouvoir ne va pas jusqu’à empêcher les universités de conférer des diplômes. On a dû parler des diplômes conférés par les universités de l’Etat ; mais la liberté d’enseignement ne peut être modifiée par une loi.
M. Jullien. - Ainsi les universités libres donneraient des diplômes, vaille que vaille ?
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Sans doute.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne conçois pas qu’il puisse s’élever une discussion sur la faculté qu’auraient les universités libres de conférer des diplômes. La loi ne s’occupe que de choses qui peuvent amener un résultat positif. L’on établit deux grades nécessaires pour l’exercice de certaines professions. La loi consacre à cet égard un privilège exclusif. Quant aux distinctions honorifiques, tout le monde peut en donner, vous tous les premiers.
M. A. Rodenbach. - Personne ne peut s’opposer à ce que les universités libres confèrent des grades honorifiques. Vous permettez bien aux francs-maçons de conférer le titre de prince Rose-Croix. Dans les provinces il y a même des sociétés qui nomment des rois..., des rois de l’arbalète (hilarité). Les universités libres seront dans leur droit quand elles délivreront des diplômes honorifiques.
M. Devaux. - La question incidente soulevée par l’honorable M. Dechamps sera examinée à l’article 98 qui a été ajourné. Il s’agira de savoir si les universités de l’Etat ne pourront lui accorder que des grades purement honorifiques.
M. Jullien. - Qu’est-ce que c’est qu’un médecin, un avocat honorifique ?
M. Devaux. - Rien aux yeux de la loi ; mais dans le monde savant un docteur en droit, un docteur en sciences de l’université de Liége ou de Gand sera quelque chose. Je ferai une autre observation, c’est qu’à l’article 36 on aura retranché les mots de brevets de capacité dont il sera parlé plus tard. J’espère que l’on ne décidera pas ce retranchement, qu’il n’y aura pas de brevet de capacité. Pour ne pas dire docteur en hydraulique, en industrie, etc., l’on a choisi les mots de brevet de capacité, assez mal sonnants en Belgique.
L’observation a pour but d’établir qu’en adoptant la rédaction ou ne préjuge rien relativement aux brevets de capacité.
M. Dumortier. - Dans mon opinion, il serait à désirer que le jury se bornât à décerner des licences, à permettre à chacun d’exercer ; et que la faculté de créer des docteurs fût l’apanage des universités. Je crois qu’une semblable disposition serait bien plus rationnelle. On a émis des opinions différentes ; et la question me paraît mériter d’être approfondie.
M. de Brouckere. - Il faudrait ouvrir une discussion générale sur le titre III ; le règlement autorise cette manière de procéder. J’en ferai la proposition formelle demain.
M. F. de Mérode. - On peut décider dès aujourd’hui qu’une discussion générale sera ouverte.
M. Jullien. - Il me paraît utile de prendre la décision aujourd’hui même.
M. le président. - La proposition de M. de Brouckere est fondée sur l’article 40 du règlement.
- La chambre, consultée, décide, qu’une discussion générale sera ouverte sur le titre III.
La séance est levée à 4 heures et un quart.