(Moniteur belge n°227, du 14 août 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure.
M. Verdussen fait l’appel nominal.
M. Schaetzen lit le procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« La première est une réponse de M. le ministre des finances à la pétition de M. Cassiers (de Gand). »
« Trois habitants de Peruwelz (Hainaut) réclament une loi sur les indemnités. »
« Le tribunal de première instance de Bruxelles demande qu’il soit porté une modification à l’article 4 de la loi du 17 août 1834, par laquelle un second siège de vice-président serait établi à ce tribunal sans augmentation de son personnel. »
« Le sieur Davreux aîné, fabricant de tulle à Bouillon, renouvelle sa demande tendante à ce que les cotons fins du n°100 anglais et au-dessus soient admis à la consommation en franchise de droit. »
« Deux fabricants de coton, à Bruxelles, adressent des réclamations en faveur de l’industrie cotonnière. »
« Le sieur Gheude et soeurs renouvellent leurs plaintes sur diverses infractions commises par la régence de Bruxelles sur la police des eaux de la Senne. »
M. Hye-Hoys (pour une motion d’ordre). - Je demande le renvoi à la section centrale des pétitions relatives à l’industrie cotonnière.
M. Dumortier. - Il n’y a plus de section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur l’industrie cotonnière. La chambre est renouvelée par moitié ; d’après tous les principes, il est incontestable que toutes les sections et commissions anciennes ont cessé et qu’il y a lieu de recommencer les travaux qui ne sont pas terminés, sauf à ordonner le dépôt des pièces. Que l’on veuille se rappeler la décision de la chambre prise le 10 ou le 12 novembre 1834, sur la proposition de M. Dellafaille, et l’on verra qu’elle s’applique à la session actuelle.
En novembre 1834, c’était une chambre renouvelée entièrement qui se réunissait ; aujourd’hui c’est une chambre renouvelée par moitié, ce qui signifie que l’ancienne chambre n’existe plus. En France et en Angleterre, à chaque session nouvelle, on recommence toutes les présentations de lois. Je ne vais pas si loin ; mais je prétends que les sections et les commissions de l’année dernière n’ont plus aucun mandat pour continuer leurs travaux
M. Desmaisières. - Il existe déjà plusieurs décisions de la chambre actuelle en vertu desquelles les commissions et sections centrales, nommées l’année dernière, ont été invitées à continuer leurs travaux. Hier encore, l’honorable M. de Behr, nommé rapporteur de la section centrale qui pendant, la session précédente était chargée de l’examen du projet de loi concernant l’augmentation du personnel de plusieurs tribunaux, a reçu l’invitation d’achever son rapport. Je ne vois pas pourquoi on ferait une exception pour l’industrie cotonnière, pour cette industrie qui, quoi qu’on en dise est réellement souffrante. Messieurs, il ne faut pas qu’on la laisse plus longtemps dans une incertitude qui la tue ; prononcez promptement : que la décision lui soit favorable, ce sera beaucoup que d’en avoir pris une.
La section centrale chargée de l’examen de la loi sur l’industrie cotonnière s’est assemblée fréquemment pendant la dernière session ; elle était réunie le jour où l’ordonnance de clôture a été lue dans cette enceinte. Tous les points de la question qui lui était soumise avaient été débattus, des bases étaient adoptées, des expériences avaient été faites par elle en présence de plusieurs membres de la chambre sur divers échantillons, tous les matériaux d’un rapport sont prêts ; peut-on vouloir considérer tant de travaux comme inutiles ?
M. Ch. Vilain XIIII. - M. Dumortier a demandé qu'on lût une décision prise en 1834 ; moi, je demanderai qu’on lise la décision prise hier, et par laquelle M. de Behr a été chargé de préparer un rapport concernant une loi sur le personnel de plusieurs tribunaux. Ce qui a été décidé hier doit être décidé aujourd’hui ; la chambre ne doit pas avoir deux poids et deux mesures.
M. Pirmez. - Ce qui a été décidé hier n’est pas concluant en faveur de la question que l’on agite par rapport à l’industrie cotonnière. Ce qui est relatif aux tribunaux peut être examiné promptement ; mais il en est autrement pour la fabrication des cotons. Tout le monde sait qu’un grand nombre de documents ont été produits sur cet objet, et que pour les discuter, il faut un temps assez long. De plus, comme plusieurs membres de cette assemblée n’ont pas pris part aux débats préparatoires, je demande que l’on procède à un nouvel examen du projet de loi.
M. Ch. Vilain XIIII. - Je conçois qu’on doit accorder aux nouveaux membres de cette assemblée le temps nécessaire pour réfléchir sur la question cotonnière et prendre connaissance des documents qui la concernent. Ils peuvent demander qu’on leur communique toutes les pièces. Toutefois, il est impossible de venir dire ici que la loi n’a pas été examinée par la chambre, car elle a subi une épreuve préparatoire dans les sections, et une épreuve approfondie dans la section centrale ; elle a été l’objet d’enquêtes ; on s’en est occupée pendant 18 mois. Veut-on recommencer de nouveaux travaux pendant 18 autres mois ? Il vaudrait mieux dire qu’on ne veut pas de la loi.
M. Dumortier. - Nous ne voulons pas ajourner indéfiniment la loi ; il ne s’agit pas de cela. Si vous pouvez avoir un rapport dès demain, je ne m’y opposerai pas ; mais il s’agit ici d’une question de mandat. Quand une session est close, les sections centrales n’ont plus de pouvoirs ; la chambre est saisie de leurs travaux quand ils sont terminés ; mais lorsque leurs travaux ne sont pas terminés, elles n’ont aucun caractère pour les continuer. Quand une chambre est renouvelée, le principe est bien incontestable encore.
Voudriez-vous que la moitie des membres nouveaux appelés dans cette enceinte ne participassent pas à l’examen des lois ? Comment pourraient-ils les voter en connaissance de cause ? Si on a ordonné hier le dépôt des rapports faits par MM. Fallon et de Behr, c’est que ces rapports étaient prêts et que les commissions n’avaient plus d’investigations à faire, plus d’avis à émettre. Mais relativement à l’industrie cotonnière il n’y a qu’un travail commencé. Dans la dernière session vous avez commencé la discussion sur la loi communale, vous en avez adopté six articles, et cependant toutes les épreuves préparatoires et toutes les discussions vont recommencer pour cette loi.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La loi communale a été retirée.
M. Dumortier. - Soit ; mais d’après le système que l’on soutient, il faudrait continuer sans autre examen la discussion que l’on a entamée ; ne serait-ce pas tomber dans l’absurde ?
On a prétendu que nous voulions ajourner la solution de la difficulté que présente l’industrie cotonnière ; il n’en est rien. Une enquête a été terminée ; il ne s’agit pas de la recommencer ; mais ce qu’il faut recommencer, ce sont les épreuves par lesquelles les lois doivent passer avant d’être soumises à nos délibérations.
M. A. Rodenbach. - Le travail de la section centrale est prêt.
M. Dumortier. - Eh bien, qu’on le dépose sur le bureau.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense avec l’honorable M. Desmaisières que la section centrale demeure encore saisie du projet de loi sur l’industrie cotonnière. L’exemple tiré de la loi communale pour soutenir le contraire n’est pas bien choisi, car la loi communale a été retirée. Quand un travail est terminé, la chambre en est saisie. Les sections ont examiné la loi concernant la fabrication des cotons, ce qu’elles ont fait appartient à la chambre. La section centrale, qui est émanée des sections, doit continuer son travail, sauf à la compléter si quelques-uns de ses membres manquaient.
M. Desmaisières. - On emploie constamment des moyens d’atermoiement ; nous ne craignons pas la discussion ; qu’on s’explique clairement…
M. Dumortier. - Il ne s’agit pas de cela !
M. Desmaisières. - On vient nous dire que si M. Fallon a été autorisé à déposer son rapport, c’est que la commission de la banque avait terminé son travail. Cette assertion de M. Dumortier est inexacte, car la commission de la banque s’est réunie plusieurs jours au commencement de cette session. M. de Behr n’a pas non plus terminé son rapport, puisque hier on l’a invité à le commencer.
M. de Brouckere. - La section centrale, formée pendant la dernière session pour procéder à l’examen du projet de loi sur l’industrie cotonnière, restera-t-elle saisie de ce projet ? Telle est la question. On cite des antécédents pour la résoudre. Je dis que les antécédents ne prouvent rien en cette circonstance, et que la chambre est omnipotente pour la solution de semblables difficultés. Les principes ne font rien ici ; il n’y en a pas d’autres que la volonté de la chambre, ce sont les convenances qu’il faut consulter.
La section centrale a consacré de nombreuses séances à l’examen de la loi ; aucun des membres qui la composent n’est absent ; je crois qu’on doit la préférer à toute autre pour achever le travail. Je demande en conséquence que la chambre décide que la section centrale, nommée l’année dernière pour préparer un rapport, terminera son travail. Si vous n’adoptez pas cette opinion, j’ose dire avec les honorables préopinants, qu’il s’écoulera un très long temps avant que la chambre puisse délibérer.
M. Ch. Vilain XIIII. - J’avais demandé la parole, mais j’y renonce.
M. Legrelle. - Je conteste qu’on puisse continuer le mandat aux sections et aux commissions des sessions antérieures. Il est évident qu’au commencement des sessions tout doit être renouvelé. La chambre, il est vrai, est omnipotente, comme le dit très bien M. de Brouckere ; ainsi, on peut décider que l’ancienne section centrale continuera son travail ; mais elle ne pourrait pas le continuer de droit sans obtenir de nouveaux pouvoirs. Cela est si vrai que vous n’auriez pas eu à nommer, en commençant cette session, une autre commission permanente des finances, si de telles commissions n’avaient pas besoin de renouveler leur mandat : une fois nommées, elles feraient un pouvoir en dehors des chambres.
M. Dubus. - Messieurs, je vois aussi dans la difficulté dont il s’agit, non une question relative à l’industrie cotonnière, mais une question de principes.
Si toutes les personnes qui faisaient partie de la section centrale font encore partie de cette chambre, on peut les inviter à former une commission spéciale pour continuer le travail de l’ancienne section centrale.
M. de Brouckere. - C’est cela que je demande ! M. le ministre de l’intérieur a dit que les décisions de la chambre étaient conformes au système qu’il soutenait ; sa mémoire le trompe. Je me rappelle une décision qui a été prise en 1833, où il s’agissait du renouvellement complet de la chambre, et je crois que le renouvellement par moitié doit produire le même effet. Qu’a décidé la chambre en 1833 ? C’est que les sections et les commissions avaient perdu leur mandat, ne pouvaient plus continuer leurs fonctions. La chambre s’est considérée elle-même comme dessaisie de tous les projets de loi qu’on avait présentés à la précédente législature. Je me suis opposé à la résolution qui me semblait outrer le principe et aller trop loin. Si on suivait une telle règle, il faudrait de deux ans en deux ans, recommencer tous les travaux.
Je pense qu’il vaut mieux faire une distinction, et admettre les travaux terminés. Ces travaux, comme on l’a fait observer appartiennent à la chambre. Ainsi nous sommes saisis des rapports présentés. Quant aux travaux non terminés, il est évident que la chambre n’en est pas saisie.
Quant à l’industrie cotonnière, comme on prétend que le travail de la section centrale est achevé, afin de hâter la présentation du rapport, transformons-la en commission spéciale.
On a parlé de la commission de la banque ; on a dit qu’elle s’était réunie pour terminer ses travaux ; ce fait est inexact, ses travaux étaient terminés avant la clôture de la précédente session ; elle ne réunie que pour entendre la lecture du rapport.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - On a voulu comparer une chambre renouvelée par moitié à une chambre renouvelée entièrement ; je ne crois pas que l’assimilation soit fondée. Quand la chambre est renouvelée entièrement, elle est anéantie de fait ; aussi le gouvernement en 1833, s’est-il cru obligé de faire une autre présentation de tous les projets de loi. Mais quand une chambre est renouvelée par moitié, il reste des membres de cette chambre, il n’y a pas solution de continuité d’une législature à une autre.
Le sénat l’a si bien compris, qu’il a voté dans cette session quoiqu’il eût été renouvelé par moitié, des lois qu’on lui avait transmises dans la session précédente.
- La proposition de M. Dubus, mise aux voix, est généralement adoptée.
- M. de Renesse, proclamé membre de la chambre dans l’une des précédentes séances, est admis à prêter serment.
M. Ch. Vilain XIIII. - Je prierai le bureau de faire distribuer à nos nouveaux collègues les documents relatifs à la question cotonnière.
M. Donny (pour une motion d’ordre). - A la fin de la session dernière, le gouvernement nous a présenté un projet de loi très important pour une autre branche d’industrie que celle qui vient de nous occuper, pour la pêche du hareng et du cabillaud. Ce projet est d’une nature urgente, et s’il n’a pas été discuté, c’est que la clôture de la chambre y a mis obstacle.
Le projet est urgent, parce qu’il renferme les règles d’après lesquelles on devra faire l’application ou la répartition des primes portées au budget de 1835. Il ne donnera pas lieu à de longues discussions, et pour rapprocher le montent où l’on pourra s’en occuper, je prierai la chambre de vouloir bien le renvoyer à une commission.
- La proposition de M. Donny est adoptée.
Le bureau est chargé de nommer la commission à laquelle le projet de loi sur la pèche du hareng et du cabillaud sera soumis.
M. Legrelle (pour une motion d’ordre.) - La sollicitude que les députés des Flandre éprouvent pour l’industrie cotonnière, je l’éprouve pour les victimes de l’agression hollandaise, et je demanderai en conséquence qu’une commission spéciale soit nommée pour examiner le projet de loi relatif aux indemnités. Une commission avait déjà été formée pour cet objet ; mais je ne sais si elle existe encore. Deux pétitions viennent d’être adressées à la chambre par ceux qui ont éprouvé des pertes ; il faudrait les renvoyer à la commission nouvelle, ainsi que toutes les pièces qui s’y rattachent.
L’honorable M. de Brouckere, en votant les 300,000 fr. de secours provisoires à accorder à ceux qui ont perdu, a donné son vote sous la condition qu’il ne préjugerait pas la question relative aux indemnités.... On me dit, à l’instant même, que la section centrale qui devait faire un rapport sur le projet de loi dont il s’agit existe encore ; en ce cas, je demande que les mémoires lui soient renvoyés.
M. le président. - Cette section centrale avait à peu près terminé son travail ; c’est le défaut de temps qui a empêché la rédaction du rapport. Jusqu’ici les pétitions sur le même objet ont été renvoyées à la commission des pétitions.
M. Fallon. - Comme il paraît que la chambre ne prendra aucune disposition sur le principe général qui s’est agité précédemment, je demande que la chambre nomme les membres de la commission chargée d’examiner le projet de loi qui a pour objet la transaction conclue entre le ministre de l’intérieur et les concessionnaires de la canalisation de la Sambre, si elle ne préfère pas donner un nouveau mandat aux membres qui composaient cette commission dans la session précédente.
M. Dumortier. - Depuis plusieurs années, vous avez été saisis de pétitions sur une question très grave, celle des engagères. Cette question intéresse une grande quantité de familles de ce pays. Je demande donc l’impression du rapport de M. le ministre des finances, celle des pétitions, et de fixer ultérieurement un jour pour la discussion. Si on ne prend pas une prompte décision à cet égard, il est certain que les engagères, qui sont une dette sacrée, seront perdues pour leurs propriétaires.
- La proposition de M. Dumortier est mise aux voix et adoptée. L’impression est ordonnée.
« Art. 15. Les agrégés pourront remplacer les professeurs en cas d’empêchement légitime. Ce remplacement ne pourra durer plus de 15 jours sans autorisation du gouvernement.
« Le suppléant jouira des rétributions payées par les élèves, proportionnellement au temps pendant lequel il aura enseigné. »
M. Dubus. - Je crois qu’il y a une observation à faire sur la rédaction de ce paragraphe. La question est de savoir si le professeur jouira de la totalité des rétributions payées par les élèves ou seulement d’une partie.
- Le premier paragraphe de l’article 15 est adopté.
Le deuxième paragraphe est ajourné jusqu’à la discussion de l’article 21.
« Art 7. Des subsides seront accordés aux universités pour les bibliothèques, jardins botaniques, cabinets et collections, et pour subvenir à tous les besoins de 1’instruction. »
M. de Behr. - A entendre l’honorable M. Dumortier, Liége serait l’objet de grandes faveurs aux dépens des autres villes de la Belgique. Elle a, s’est-il écrié dans la séance d’hier, une cour d’appel, un chemin de fer, et elle voudrait encore une université sans rien donner en retour des avantages qui résulteront pour elle de cet établissement.
Avant la révolution, la ville que j’ai honneur de représenter ici avait une université, une cour d’appel, et certes il eût été bien malheureux pour elle de s’en voir dépouiller pour prix de ses sacrifices en faveur de l’indépendance nationale. On sait que la citadelle de Liège était occupée par une garnison hollandaise nombreuse, et que bravant les menaces réitérées du bombardement de leurs maisons, les habitants ont envoyé du secours à Bruxelles en hommes et en matériel de guerre. Liége n’a jamais pensé à s’enrichir des dépouilles des autres villes, mais elle croit avoir des titres légitimes à conserver ce qu’elle possédait déjà. Du reste, la suppression d’une université de l’Etat à Louvain ne lui occasionnera, à ce qu’il semble, aucun préjudice ; s’il en était autrement, cette ville aurait certainement droit à des réclamations qu’il serait injuste de lui refuser.
Je ne sais par quelle préoccupation l’honorable député du district de Tournay affecte de qualifier le chemin de fer de Liége. Sans doute la ville que je représente en retirera des avantages par sa position accidentelle sur la grande ligne de communication vers l’Allemagne ; mais ces avantages, quels qu’ils soient, ne seront toujours qu’un dédommagement partiel de la perte de la navigation de la Meuse et de ses débouchés en Hollande. Pourquoi d’ailleurs rapetisser à l’intérêt d’une seule ville ce qui sera une source de prospérité pour la Belgique et de revenus abondants pour le trésor de l’Etat ? Si je ne comptais parmi les députés qui ont donné leur assentiment à cette entreprise vraiment nationale, loin de m’en applaudir, je croirais avoir très mal compris les intérêts du pays.
Le chemin de fer, quoi qu’en dise l’honorable collègue à qui je m’adresse, n’est pas plus celui de Liége que celui d’Anvers, de Malines et de toutes les villes qui se trouvent dans sa direction ; et Tournay lui-même en profitera également, puisqu’une branche doit y passer pour aboutir à la frontière de France.
D’après ce qui précède, j’espère que l’assemblée saura à quoi s’en tenir sur les prétendus immenses sacrifices que l’Etat aurait faits pour la ville de Liége, sacrifices qui n’existent que dans l’imagination de l’honorable membre.
J’arrive maintenant à l’objet en discussion ; on veut faire résulter du siège d’une université à Liége l’obligation pour elle de supporter une partie de la dépense à raison des avantages attachés à la possession d’un établissement de cette nature. Si une telle prétention pouvait prévaloir, il faudrait nécessairement l’étendre à tous les établissements judiciaires et administratifs et une fois entré dans cette voie, il n’y a plus qu’un pas pour arriver à la vénalité des charges.
Il est certain qu’une cour de cassation, une cour des comptes, une haute cour militaire, les chambres nationales et les ministères sont une source d’avantages très considérables pour la ville qui en est le siège. Bruxelles devrait donc à ce compte contribuer aux dépenses d’entretien des édifices servant à ces autorités.
Mais un tel système me semble inconciliable avec la raison et l’équité ; le gouvernement, la justice et l’enseignement public ne sont pas établis dans des intérêts de localité ou de personne, mais dans l’intérêt général du pays ; il est donc rationnel d’en faire supporter les dépenses à l’Etat. On a, messieurs, voulu établir une différence entre la position de la ville de Gand et celle de Liège. Gand, dit-on, a fait construire à ses frais les bâtiments de son université, tandis que ceux de Liége l’ont été aux frais de l’Etat.
Mais il est à remarquer que les bâtiments de l’université de Liège servaient autrefois de collège pour la ville, et qu’une loi française dont la date ne me revient pas en ce moment avait rendu à leur destination les établissements d’instruction publique. La ville, en abandonnant à l’Etat la propriété des édifices dont il s’agit, a fait un sacrifice plus grand que la ville de Gand, qui n’a fait cession que de la jouissance seulement de son palais. D’où l’on doit conclure que les frais d’entretien et de réparation qui incombent au propriétaire doivent être à la charge de l’Etat en ce qui regarde l’université de Liége.
J’ajouterai que si les universités rapportent des avantages aux villes qui en sont dotées, ce sont les particuliers qui en profitent ; ils ne peuvent être que d’une faible influence sur les revenus de l’octroi, et dès lors il serait peu équitable d’imposer à la caisse municipale une charte en considération de ces avantages. La ville de Liége ne pourrait subvenir que difficilement à cette nouvelle charge ; ses finances sont plus ou moins obérées, et les habitants, sur lesquels pèsent des droits d’octroi exorbitants, ont encore à faire face à des dépenses très fortes résultant de pillages par suite d’émeutes populaires. Par ces considérations, je voterai contre la proposition de l’honorable M. Dumortier.
M. Dumortier. - Je ne comprends pas sur quoi reposent les allégations de l’honorable préopinant. Il prétend que la ville de Liége a beaucoup de charges : il n’est personne qui ne sache que la ville de Liége possède un athénée aux frais de l’Etat ; qu’elle reçoit pour cela une somme de 60,000 fr., en outre une somme annuelle pour une société d’émulation dans laquelle on donne des concerts et où l’on danse. (On rit.) L’Etat donne à Liège plusieurs centaines de mille francs pour une université ; et ce serait, je pense, une plaisanterie que d’énumérer les charges prétendues qui pèsent sur cette ville.
Vous parlez du chemin de fer, vous prétendez qu’il a été fait aussi bien dans l’intérêt de Tournay que dans celui de Liége. Je ne viens pas ici défendre les intérêts de Tournay ; toutes les fois que je l’ai fait, j’ai été battu (rires). Et cependant, messieurs, Tournay méritait autant que quelque ville du royaume. Elle a fait ses preuves : elle a pris sa citadelle sous le feu des Hollandais et elle n’a eu ni université, ni école de musique et de danse. Elle a, il est vrai, un athénée pour lequel l’Etat donne quelque chose, mais dans la dépense duquel la ville intervient pour les deux tiers. Je déclare que si on veut transférer l’université de Liège à Tournay, cette dernière ville se chargera bien volontiers de l’entretien des localités.
Quant à la route en fer, il n’est personne qui ne reconnaisse qu’elle a été doublée à peu près dans l’intérêt de la ville de Liége. Elle devait partir d’Anvers et n’aller que jusqu’à Visé. Pour servir les intérêts de Liége, on a fait traverser par la route en fer un pays qui a nécessité d’immenses travaux.
Je me résume en disant qu’une ville qui a tant d’avantages a bien mauvaise grâce de se plaindre et de se refuser à payer les frais d’entretien des établissements dont elle profite.
Je viens, de concert avec l’honorable M. Pollénus de rédiger un amendement que je dépose sur le bureau ; les dépenses pour chaque université s’élèvent à 12 ou 15 mille francs, et ce n’est pas une si grande charge que de faire peser cette dépense sur elles. Vous ferez en cela une économie que vous porterez au budget de l’Etat et que vous affecterez à l’augmentation des collections de l’Etat.
M. le président. - Voici l’amendement de MM. Dumortier et Pollénus :
« Les dépenses pour l’agrandissement, l’amélioration et l’entretien des bâtiments affectés aux universités sont à la charge des villes où sont fondés ces établissements. En cas de contestation sur la nécessité ou l’utilité des dépenses, la députation du conseil provincial décide, sauf recours au Roi. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne vois pas le motif pour lequel la chambre établirait un nouvel ordre de choses quant à l’entretien des universités. Jusqu’à présent la dépense des bâtiments, l’entretien des collections a toujours regardé l’Etat. Il en est encore de cette matière comme de toute autre. L’enseignement supérieur donné aux frais de l’Etat est dans l’intérêt général. Il n’y a pas de motifs pour innover à cet égard.
Je ne dirai qu’un mot relativement aux avantages particuliers dont l’honorable préopinant prétend que la ville de Liége est dotée. Je ferai observer que si elle a l’avantage de profiter du chemin de fer, elle a aussi le désavantage de perdre la navigation de la Meuse, et l’on sait quels débouchés lui procurerait cette navigation. Quant aux autres établissements dont il a été parlé, il n’y a pas eu d’innovation, ils existaient avant 1830.
M. Ch. Vilain XIIII. - Gand a bâti sans aucun secours du gouvernement son université qui lui est revenue à 1,100,000 fr. environ. Gand avait une magnifique bibliothèque qui appartenait à la ville, un jardin botanique et des serres : eh bien, Gand a fait cession par contrat de sa bibliothèque, de son jardin botanique et de ses serres, au gouvernement, avec cette condition que si l’université était détruite, toute cette cession reviendrait à la ville. Voila les faits exacts en ce qui concerne l’université de la ville que je viens de citer.
M. Pollénus. - Je ne répéterai pas les considérations qu’a fait valoir l’honorable M. Dumortier, je répondrai à quelques objections faites par M. le ministre de l’intérieur qui a dit que l’instruction supérieure étant dans l’intérêt général, la dépense doit être à charge de l’Etat. S’il n’y avait pas eu des précédents où l’on a dévie de ce principe, je m’y rallierais ; mais comme il y en a eu pour les lois provinciale et communale, je ne le ferai pas ici.
Je crois que celui qui profite d’un établissement doit en supporter les frais. Dans le projet qui nous occupe je lis à la page 25 (il s’agit des étudiants) : « Il est juste que ceux qui en profitent (de la haute instruction) contribuent à la dépense. »
Je m’empare de ce point, et je dis que si les villes profitent des universités, il est juste aussi qu’elles en paient les dépenses.
Veuillez bien observer, messieurs, qu’un établissement tel qu’une université influe beaucoup sur l’octroi d’une ville, surtout quand cette université se compose de 6 ou 700 élèves. La consommation influe sur les revenus de la ville. Et d’ailleurs messieurs, le sacrifice sera facilement fait par une ville qui vient, tout le monde le sait, de faire construire un hôpital qui lui coûte 500,000 fr. et où seront établis 500 lits.
C’est donc l’application d’un principe bien simple que je demande, l’application d’un principe que le gouvernement a lui-même posé dans l’exposé des motifs du projet que nous discutons et qui a été sanctionné par la chambre à différentes reprises dans les lois dont je vous ai parlé. Toujours la chambre a admis que quand un établissement quelconque, bien qu’il fût d’intérêt général, profitait à la localité où il était situé, c’était un motif suffisant pour faire contribuer cette localité aux frais de cet établissement en raison des avantages qu’elle en retire.
Je crois en avoir dit assez pour justifier mon amendement et répondre aux objections des honorables membres qui l’ont combattu.
M. Dubus. - J’appuie l’amendement proposé par l’honorable préopinant et j’adopte les motifs présentés pour le justifier. J’ajouterai une observation très courte. Je m’emparerai de ce qu’a dit un honorable membre des sacrifices faits par la ville de Gand pour avoir son université : je lui répondrai d’abord que l’abandon fait par la ville de Gand n’est pas un sacrifice à mes yeux.
Si la ville de Gand a mis à la disposition de l’Etat des collections considérables, des bibliothèques, un jardin botanique, nous voyons, par ce qui a été dit par l’honorable membre auquel je réponds, que ce n’est que l’usage de ces établissements qui a été cédé ; et cet usage, à quelles conditions a-t-il été cédé ? Que l’Etat entretiendrait, compléterait les collections mises à sa disposition de sorte que si la ville venait à rentrer dans la propriété des collections, elle les trouverait doublées, triplées, tenues au courant de la science. S’il en est ainsi, en mettant ses collections à la disposition de l’Etat, la ville de Gand, au lieu d’un sacrifice, a fait une économie sur ses dépenses annuelles antérieures et même une économie considérable, en supposant qu’elle faisait les dépenses nécessaires pour l’entretien de ses bibliothèques et de ses collections ; car ces sacrifices, il y a bien des villes qui consentiraient à les faire, pour avoir un semblable établissement.
En toute autre matière, on traite avec les villes. On ne place pas, par exemple, un régiment en garnison dans une ville sans exiger d’elle des sacrifices. A cet égard je vous citerai un fait qui s’est passé dans la ville que j’habite. Avant de donner pour garnison à la ville de Tournay un régiment de cavalerie, on a exigé qu’elle fît construire un manège couvert qui a coûté 50,000 fr. Donc on lui a fait acheter l’avantage qu’on lui accordait ; on lui a fait faire des dépenses considérables en casernes, écuries, etc.
Le gouvernement, avant d’accorder ainsi ce qui est un avantage pour une ville, stipule des conditions qui diminuent les dépenses de l’Etat. Si on ne se fait pas scrupule de grever des villes de second ordre pour la moindre faveur qu’on leur fait, je ne vois pas pourquoi on en aurait davantage envers les villes de premier ordre qui ont plus de ressources, et alors qu’on les dote d’établissements considérables.
J’ajouterai que si ces collections et bibliothèques étaient ouvertes au public, le public de Gand continuerait à en jouir.
Je reconnais que la ville de Gand a fait un sacrifice, mais c’est quand elle a construit son magnifique palais de l’université. Il est peu de villes qui puissent supporter un sacrifice semblable. Cela me fait voir le prix qu’une ville attache à posséder un pareil établissement scientifique. Cela fait voir en outre de quelle manière procédait le gouvernement précédent ; et c’était un exemple que le ministère pouvait imiter en petit. Qu’a fait le gouvernement précédent ? Il a fait acheter par la ville de Gand le droit d’avoir une université, car c’était le payer que de faite la dépense d’un million pour un palais universitaire.
Je vois qu’on se révolte à l’idée d’obliger une ville à payer 12 ou 15,000 fr. pour l’entretien des bâtiments de l’université. Cela ne se conçoit pas, il y a là quelque chose qui sent singulièrement la partialité.
On dit que l’établissement d’une université n’est pas une question d’intérêt local. Mais en allant au fond des choses, je trouve au contraire que c’est d’un grand intérêt local. Si c’est dans l’intérêt de l’Etat qu’on se donne l’enseignement universitaire, je crois que c’est aussi dans l’intérêt de l’Etat qu’on a formé des athénées modèles : pourquoi a-t-on fait contribuer dans une grande proportion, aux frais d’établissements, les villes où ces athénées ont été fondés, car ces athénées étaient bien créés dans l’intérêt de l’Etat, puisque c’étaient des établissements modèles ? On a fait contribuer les localités aux frais d’établissements, parce que, à défaut d’une ville qui eût voulu faire des sacrifices pour avoir un athénée, on se fût adressé à une autre ville.
N’est-il pas de bonne justice distributive de procéder de la même manière pour les universités, et d’imposer des sacrifiées aux villes qui ont l’avantage de les posséder ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si le gouvernement n’a pas essayé de faire des arrangements avec les villes où devait être le siège des universités, on ne s’en étonnera pas quand on réfléchira que depuis 1817, aucune de ces villes n’a contribué aux dépenses dont on veut les grever aujourd’hui, et que la chambre, d’année en année, a constamment porté ces dépenses au budget de l’Etat.
Un honorable membre a invoqué un précédent et le tire de la loi provinciale, où certaines dépenses d’intérêt général sont mises à la charge de la province. Cela est vrai, mais on ne peut tirer aucun argument de ce précédent. En effet, pourquoi les provinces ont-elles été grevées de quelques dépenses d’intérêt général ? C’est d’abord pour la facilité de l’administration, et en second lieu, parce qu’il a été accordé six centimes additionnels à chaque province pour faire ces sortes de dépenses.
C’est ce qui est clairement établi dans les actes du gouvernement précédent dont j’ai donné connaissance à la chambre lors de la discussion de la loi provinciale. Il est dit que pour la facilité de l’administration certaines dépenses d’intérêt général étaient mises à la charge des provinces : et les centimes additionnels abandonnés aux provinces justifiaient cette mesure. Sous ce rapport encore, il n’y a pas d’innovation, on est resté dans les anciennes coutumes pour ce qui concerne les dépenses à charge des provinces.
Ce que j’ai encore à dire à l’appui de l’opinion que j’ai défendue, c’est que les grands bâtiments de la ville de Bruxelles, ceux où siège la cour d’appel et autres, ne sont pas à la charge de la ville.
Quant au casernement et aux divers arrangements pris par le ministre de la guerre pour la construction de nouvelles casernes, je dirai que le remboursement des avances faites par les villes pour cet objet leur est assuré au moyen d’indemnité de logement pendant un temps déterminé. Ainsi les dépenses de casernement ne peuvent être considérées que comme une avance, et non comme une charge supportée par les villes.
Pour ce qui concerne les athénées, il ne faut pas s’étonner si les villes concourent à la dépense qu’ils occasionnent. Toute ville doit avoir un collège dans l’intérêt de ses habitants, alors qu’elle n’aurait pas d’athénée dans l’intérêt général. Il est certain que toute ville qui aurait à cœur l’intérêt de ses habitants fonderait un collège si elle n’avait pas d’établissement d’instruction publique ; il est donc bien naturel que quand le collège d’une ville est élevé au rang d’athénée, cette ville doit contribuer à son entretien.
Je crois en avoir dit assez. C’est à la chambre à résoudre la question.
M. Dechamps, rapporteur. - Je viens soutenir les conclusions de la section centrale et demander la suppression de la disposition. Messieurs, la question est tout éventuelle. Si les finances des deux villes où sont placés les sièges des universités étaient réellement dans un état prospère, rien n’empêcherait et il me paraîtrait même juste que ces villes concourussent à l’entretien et à l’amélioration des bâtiments d’établissement, dont l’existence est un avantage pour elles.
Mais l’inconvénient de ce système est de laisser au hasard des budgets des communes l’amélioration et l’entretien des bâtiments des universités. Il me paraît donc qu’il serait préférable de renvoyer tous les ans cette question au budget de l’Etat. De cette manière, le gouvernement et les chambres pourront mieux juger de l’état plus ou moins prospère des finances de ces communes et voir s’il y a lieu de les faire concourir aux dépenses d’entretien des bâtiments, ou de mettre ces dépenses entièrement à la charge de l’Etat.
M. Legrelle. - Messieurs, vous avez décidé que les sièges des deux universités seraient à Liége et à Gand, et on nous propose de laisser indécise la question de savoir si les frais d’entretien de ces établissement seront à la charge des villes ou de l’Etat.
Si vous ne décidez pas maintenant par qui devront être supportés les frais d’entretien, vous ne pourrez pas plus tard les mettre à la charge des communes ; car, aux termes de l’article 110 de la constitution, aucune charge, aucune imposition communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal. Et les exceptions à cette règle doivent être déterminées par la loi. De là la nécessité de trancher la question par la loi qui établit dans ces villes les universités.
Quant à l’amendement de M. Dumortier, je pense qu’il est rationnel et équitable, et de plus qu’il a été suffisamment justifié. Cependant j’ajouterai une seule observation. Je dirai aux députés des villes de Liége et de Gand que l’article premier qui a décidé le nombre et le siège des universités n’est pas définitivement voté, et que, dans l’intérêt de ces villes, ils doivent admettre un amendement qui, s’il n’était pas adopté, pourrait faire changer d’opinion des membres qui ont voté en faveur de leur localité.
M. A. Rodenbach. - J’appuie les observations de M. Dubus. C’est un avantage de 80 à 100 mille francs par an pour une ville, que d’avoir une université. C’est une très grande dépense pour les autres villes que d’envoyer les jeunes gens faire leurs études dans les universités, tandis que les habitants de Gand et des faubourgs pourront en suivre les cours à très peu de frais. La présence des étudiants augmentera la consommation, et les produits de l’octroi s’élèveront.
La ville de Gand a un grand commerce et de grandes ressources, et malgré cela, par le dernier budget, nous lui avons accordé une somme de 10 mille francs pour un établissement, tandis que des villes sans commerce, comme la ville de Bruges, sont obligées de construire des casernes à leurs frais pour avoir quelques militaires qui ne font presque pas de dépenses.
On a parlé des pertes faites par la ville de Liége depuis la révolution. Je ne nie pas qu’elle en ait fait, mais aussi elle a des branches d’industrie qui ont pris une grande extension. La fabrication des armes est dans l’état le plus prospère, beaucoup de fortunes se sont accrues par cette industrie. Si son octroi ne produit pas assez, qu’on augmente les droits.
En définitive, je pense comme l’honorable député d’Anvers, que beaucoup de membres pourraient revenir sur le vote qu’ils ont émis en ce qui concerne l’article premier, si les frais d’entretien n’étaient pas mis à la charge des villes où sont situées les universités.
M. Pollénus. - Un honorable préopinant a combattu mon amendement en disant qu’il ne fallait pas abandonner au hasard des budgets des communes une dépense aussi indispensable que celle dont il s’agit, une dépense qui ne peut pas supporter de délai. De la manière dont la loi communale est formulée, cette crainte n’est pas fondée, car on a trouvé moyen d’établir des charges obligatoires dont le gouvernement est mis en mesure d’exiger l’exécution, et parmi ces charges obligatoires, il en est qui ne sont pas moins importantes que celles qu’entraînera l’entretien des bâtiments des universités.
Le budget, dit le même orateur, pourra fixer annuellement la part de l’Etat et de la commune. Je ferai remarquer que le budget est une loi d’application. Si on laisse cette question indécise, la difficulté se reproduira tous les ans. Il est désirable qu’on écarte de la discussion du budget une question de principe telle que celle-ci.
M. le ministre de l’intérieur a cru répondre à l’objection tirée de ce que quelques charges d’intérêt général sont imposées aux provinces, en disant que l’on avait alloué pour cela six centimes additionnels. Vous vous rappellerez que la nomenclature des charges imposées à la province est tellement étendue que le gouvernement a senti qu’il fallait prévoir le cas de l’insuffisance des revenus des provinces. Ce n’est pas avec ces six centimes additionnels que les provinces parviendront à couvrir les charges qui leur sont imposées. On a inséré un article qui promet dans ce cas le secours du gouvernement.
La loi communale impose également certaines charges aux communes. Si la commune ne peut pas la supporter, la province intervient, et en cas d’insuffisance de la province, c’est l’Etat qui paie.
Il en sera des frais d’entretien des universités comme des autres charges obligatoires des communes. Si les communes ne peuvent pas les payer, ce seront les provinces et en cas d’insuffisance des revenus des provinces, ce sera l’Etat.
M. Raikem. - L’amendement proposé par deux honorables membres a pour objet de changer l’état de choses actuellement existant. Il ne s’agit pas, comme on l’avait annoncé, de maintenir ce qui existe. On avait fait pressentir qu’on proposerait un amendement tendant à maintenir ce qui avait été fait jusqu’à présent. Maintenant, au contraire, on propose de changer cet état de choses. Aujourd’hui les frais d’entretien, d’amélioration et d’agrandissement des bâtiments des universités sont à la charge de l’Etat, et jusqu’à présent, en votant le budget, la législature a alloué les sommes nécessaires pour cet objet. C’est donc un changement qu’on vient vous demander, et la disposition par laquelle on veut l’opérer est ainsi conçue :
« Les dépenses pour l’agrandissement, l’amélioration et l’entretien des bâtiments affectés aux universités sont à la charge des villes où sont fondés ces établissements. En cas de contestation sur la nécessité ou l’utilité des dépenses, la députation du conseil provincial décide, sauf recours au Roi. »
Un des honorables préopinants a dit qu’on devait suivre ce qu’avait fait le gouvernement précédent, et faisant allusion à la ville de Gand, il a dit qu’il fallait payer le droit d’avoir une université. Ce droit a déjà été payé par les villes de Gand et de Liége.
Je vois dans une pétition présentée à la chambre que la ville de Liége contribue à la prospérité de son université par son intervention importante dans les frais d’établissement. Un honorable préopinant vous a parlé de ce qui concerne la ville de Gand, je dirai quelques mots relativement à la ville de Liége.
A Liége, le local de l’université était un établissement d’instruction publique. C’est là qu’était le collège, et les bâtiments appartenant à la ville. Il a donc dû intervenir une cession de la ville au gouvernement pour que l’Etat soit propriétaire du local où se trouve l’université. Eh bien, si on envisage les choses d’après les vrais principes du droit, principes fondés sur l’équité naturelle, à qui incombent les frais d’entretien et surtout d’agrandissement et d’amélioration d’un édifice ? C’est sans doute au propriétaire. Or, si l’Etat est devenu propriétaire par suite de la convention relative au local où se trouve l’université de Liége, et on a vu que la ville est intervenue dans les frais de premier établissement, c’est à l’Etat, comme propriétaire, qu’incombent les frais d’entretien, d’amélioration et d’agrandissement des locaux de l’université.
Si l’Etat ne pouvait n’être considéré que comme usufruitier, il devrait être tenu des frais d’entretien qui incombent à l’usufruitier ; mais tel n’est pas le cas dans lequel il se trouve, puisqu’il est ici propriétaire. C’est l’Etat qui jouit et qui administre comme il juge à propos ; les universités mêmes sont des établissements aux frais de l’Etat.
D’après les principes du droit, c’est donc à l’Etat à faire les dépenses d’entretien, d’agrandissement et d’amélioration des bâtiments affectés aux universités. On va plus loin dans l’amendement, on veut qu’en cas de contestation sur la nécessité ou l’utilité de la dépense, la députation provinciale décide, sauf recours au Roi. De cette manière, ce serait en définitive le gouvernement qui déciderait sur le principe de la dépense et même sur la somme nécessaire pour l’effectuer, tellement qu’il pourrait la porter au taux qu’il voudrait.
Mais il faut revenir au principe que celui à qui appartiennent des bâtiments doit les entretenir, et surtout les améliorer, les agrandir à ses frais.
On vous a objecté que tel établissement situé dans certaine ville était en partie entretenu aux frais de la ville. Je répondrai que si les locaux appartiennent à la commune, il est conforme au principe sur lequel je me suis appuyé : que la commune intervienne dans les frais d’entretien, d’amélioration et d’agrandissement, puisqu’elle ne fait que bâtir sur sa propriété.
Mais ici on veut qu’une ville bâtisse sur une propriété appartenant à l’Etat. C’est donc vouloir qu’une ville fasse des constructions au profit de l’Etat. Or, c’est ce qu’on ne peut admettre.
Que les villes entretiennent, améliorent, agrandissent leurs locaux, rien de mieux ; mais les forcer à faire de si grands frais sur des terrains appartenant à l’Etat, cela ne doit pas être adopté.
Je ne reviendrai pas sur les objections déjà réfutées. Faut-il parler de ce qui est relatif aux subsides à la société d’émulation ? On m’informe que ces subsides sont de 300 fl. Du reste, on a déjà répondu à ces objections.
Je ne pense pas qu’il y ait lieu d’admettre l’amendement proposé par deux honorables préopinants.
M. Dumortier. - L’honorable préopinant a raisonné d’après les principes du droit. Moi je conteste la base de son raisonnement. Il a commencé par établir en principe que les villes de Liége et de Gand, en contractant avec le gouvernement hollandais, lors de l’établissement de leurs universités, avaient cédé au gouvernement la propriété des locaux de ces établissements ; et il en conclut qu’on ne peut les forcer à bâtir sur un terrain appartenant à l’Etat. Pour moi, messieurs, je nie tout cela. Je dis que les villes, en contractant avec le gouvernement, lui ont cédé non la propriété, mais l’usage.
Les lois et le code civil admettent ce principe qu’en cédant l’usage on conserve la propriété. Or, c’est ce qu’on fait les villes de Liége et de Gand. D’après cela je demande que les villes aient à leur charge les grosses réparations. En effet, l’article 605 du code civil porte : « L’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit ; auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu. »
Ainsi, d’après le régime du code, les grosses réparations sont à la charge du propriétaire ; or les villes sont seules propriétaires, donc elles ont à leur charge les grosses réparations.
Je conviens qu’on pourra dire que les mêmes réparations sont à la charge de l’Etat, parce que l’Etat est usufruitier. Mais, messieurs, le code n’est qu’une loi ; et nous qui faisons une loi, nous pouvons y inscrire des règles différentes de celles établies par le code.
Je vous ferai remarquer, messieurs, dans la question qui nous occupe, la différence qu’il y a entre la conduite des députés des Flandres et celle des députés de Liége. MM. les députés des Flandres sentent les immenses avantages que trouve la ville de Gand à être le siège d’une université, et ne cherchent pas à la faire exempter de dépenses qui doivent être à sa charge. Mais il n’en est pas de même pour Liège, cette ville où plus on cherche, plus on y puise et plus on y trouve. MM. les députés de Liége voudraient que leur ville eût les avantages d’une université, sans être soumise aux charges qui en sont la conséquence naturelle. Au lieu de soutenir des prétentions aussi peu fondées, ils devraient imiter l’exemple de leurs collègues des Flandres.
Qu’ils prennent aussi pour exemple la ville de Bruxelles. Cette ville a fait d’immenses sacrifices à la révolution ; elle a plus fait qu’aucune autre partie du royaume. Elle est obérée de dettes contractées par suite de la révolution ; et néanmoins elle ne recule pas devant les dépenses à faire dans l’intérêt des sciences et des lettres. Elle entretient tous les bâtiments du musée, de la bibliothèque, des collections scientifiques et de l’université libre de Bruxelles ; elle leur donne en outre des subsides considérables, et vote encore chaque année une somme pour les professeurs.
En présence de tels faits, on voudrait nous déterminer, nous, pouvoir législatif, à obérer le budget de l’Etat d’une dépense qui est par sa nature à la charge des villes. Mais la chambre n’admettra pas ce système. Et remarquez, messieurs, comment dans cette discussion les rôles sont distribués. Qui prend les intérêts du trésor ? Nous, députés de l’opposition. Qui veut grever le budget de l’Etat d’une dépense qui ne le concerne pas ? M. le ministre de l’intérieur. Pour moi, je crois qu’ici comme souvent nous défendons mieux que les ministres les intérêts de l’Etat.
Mais, dit-on, il faut laisser les choses comme elles sont. Est-ce donc pour laisser les choses comme elles étaient, que nous avons fait une révolution ? Non, c’est pour saper tous les abus ; or, l’état de choses existant est un abus réel.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable président de la chambre a fait sentir que la question de savoir si la dépense devait être à la charge des villes ou de l’Etat dépendait de cette autre question : celle de savoir si les villes ou l’Etat étaient propriétaires. En effet ce point doit influer sur la solution de la question. Or, pour qu’on sache si Liége doit être considéré comme propriétaire, il suffit de dire que depuis que l’université est établie dans cette ville, le gouvernement a toujours agi en propriétaire. Il a démoli, construit, agrandi, réparé, sans que la ville intervînt. Le gouvernement a disposé des locaux en propriétaire ; c’est donc à sa charge que doivent être les réparations.
On s’étonne que les députés de Liége fassent tous leurs efforts pour que cette dépense ne soit pas imposée à leur ville. Mais, messieurs, la position de Liége est bien différente de celle d’il y a cinq ans. Si le budget de Liége lui permettait de faire cette dépense, elle la ferait avec plaisir ; mais, obérée comme elle est, ce lui est réellement impossible.
On parle toujours des profits qu’a faits Liége depuis la révolution. Mais quels sont donc ces profits ? Je conviens que l’industrie et le commerce de Liège sont dans la plus grande prospérité. Je n’ai rien à objecter à cet égard. Mais je persiste à dire que Liége n’a pas gagné à la révolution. Son université, elle l’avait avant la révolution, et cette université avait alors plus d’élèves qu’à présent.
On s’étonne aussi que le ministère défende les intérêts de Liége. Il a dû le faire sous deux rapports : d’abord parce que les dépenses de réparation des locaux des universités étant, comme ceux des locaux des cours d’appel, des dépenses d’intérêt général, doivent être à la charge de l’Etat ; ensuite parce que l’Etat, comme propriétaire, doit être tenu à ces dépenses de grosses réparations. (Aux voix ! aux voix !)
M. d'Hoffschmidt. - Puisque la chambre paraît désirer clore la discussion, je renonce à la parole.
- L’amendement de MM. Dumortier et Pollénus est mis aux voix et adopté ; il est ainsi conçu :
« Les dépenses pour l’agrandissement, l’entretien et l’amélioration des bâtiments affectés aux universités sont à la charge des villes où sont situés ces établissements. En cas de contestation sur la nécessité ou l’utilité de ces dépenses, la députation du conseil provincial décide, sauf recours au Roi. »
M. le président. - Par suite de l’adoption de cet amendement, le premier paragraphe de l’article sera nécessairement ainsi conçu :
« Des subsides seront accordés aux universités pour les bibliothèques, jardins botaniques, cabinets et collections, et pour subvenir à tous les besoins de l’instruction. »
- Le paragraphe est adopté.
L’ensemble de l’article 7 contenant l’amendement de MM. Dumortier et Pollénus, est mis aux voix et adopté.
« Art. 8. Les hospices civils de Gand et de Liége serviront à l’enseignement clinique médical et chirurgical et à l’art pratique des accouchements. »
- La section centrale propose la suppression de cet article.
M. Dechamps, rapporteur. - Je désirerais savoir du gouvernement de quelle manière il pourra forcer les villes à donner leurs hospices, pour l’enseignement. Je crois qu’il faudrait laisser cela au libre arbitre des villes, d’autant plus que jamais elles n’ont refusé leurs hospices pour l’enseignement.
M. Legrelle. - Je viens également appuyer la suppression de cet article, non pas que je croie que les villes où siégeront les universités refusent leurs hospices pour l’enseignement clinique, mais il me semble inutile d’en faire une obligation aux villes. C’est pour elles un avantage. Pourquoi le transformer en une obligation ?
- L’article 8 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La chambre ayant statué sur les articles 9 à 15 passe à l’article 16.
« Art. 16. Les autorités académiques sont le recteur de l’université, le secrétaire, les doyens des facultés, le conseil académique, et le collège des assesseurs.
« Le conseil académique se compose des professeurs assemblés sous la présidence du recteur.
« Le collège des assesseurs se compose du recteur, du secrétaire du conseil académique et des doyens des facultés. »
- Adopté.
« Art. 17. Les règlements arrêtés par le Roi détermineront les attributions des autorités académiques, le mode de nomination du recteur, du secrétaire de l’université, et des doyens des facultés. »
- Adopté.
« Art. 18. Chaque élève doit prendre annuellement une inscription ; le droit d’inscription est de 15 francs.
« La somme provenant de ces inscriptions appartiendra pour un tiers au recteur et pour un tiers au secrétaire de l’université ; le reste sera partagé également entre les appariteurs. »
- Adopté.
« Art. 19. L’étudiant porté au rôle prend inscription pour les cours qu’il veut fréquenter, près du receveur nommé à cet effet par le conseil académique.
« Il paie, pour être inscrit dans les facultés de droit, 50 francs par cours semestriel et 80 francs par cours annuel, et dans les facultés des sciences, des lettres et de médecine, 40 fr. par cours semestriel et 60 par cours annuel. »
M. Devaux. - Je demanderai à fixer l’attention de la chambre sur un changement que je désirerais dans cet article, par suite d’une suppression votée dans une précédente séance.
Il était dit dans l’article 38 : « Les cours sont achevés en un semestre, sauf ceux pour lesquels il est reconnu par le gouvernement qu’une année est nécessaire. » De cette manière il était établi en principe que les cours ne dureraient qu’un semestre. Les cours annuels étaient l’exception. Cet article a été supprimé je ne sais pourquoi. Il s’ensuit que le gouvernement pourra décider que tous les cours seront annuels.
L’article en discussion détermine le prix des cours annuels et semestriels des différentes facultés. Mais veuillez remarquer d’abord que vous n’avez pas décidé quels cours seraient annuels, quels cours seraient semestriels. Un professeur pourra donner 5 leçons par semaine pendant un semestre, un autre une ou deux leçons par semaine, pendant toute une année. Et il pourra arriver que le professeur faisant un cours semestriel aura donné 150 leçons, tandis que le professeur faisant un cours annuel n’en aura donné que 50. C’est là un défaut de définition.
Mais je demande un changement plus important dans l’intérêt des élèves. Aujourd’hui il existe des cours entiers et des demi-cours. L’appât du gain, qui atteint les professeurs comme tous les autres, engage les professeurs à tâcher de faire toujours des cours entiers ou annuels. C’est ce qui arrivera toujours si vous ne déterminez pas la durée des cours. Le gouvernement sera assailli par les professeurs qui ne manqueront pas de se faite appuyer de l’avis de leurs facultés pour prétendre que 6 mois ne peuvent suffire pour le cours dont ils sont chargés, qu’il faut nécessairement qu’il dure une année.
Qu’en résultera-t-il ? D’abord que les élèves paieront double. Mais ce n’est pas là le plus grand mal. Il faut reconnaître que d’après le programme que nous avons fixé, les cours sont très nombreux, et qu’il faut aux élèves beaucoup d’ordre, beaucoup d’économie de temps et une grande persévérance pour que dans ce grand nombre de cours, ils profitent de quelques-uns.
Si la plupart des cours sont annuels, les élèves seront surchargés de cours ; ils pourront en avoir jusqu’à six par jour, ce qui est vraiment accablant, ce qui tue les études.
Déjà aujourd’hui, dans les universités, nous voyons durer une année des cours qui se feraient en six mois, avec plus d’avantage. Car, dans les universités comme ailleurs, rien n’est plus facile que d’être long. Presque toujours on n’est long que parce qu’on ne s’est pas donné le temps d’être court, parce qu’on n’a pas pris la peine de se résumer. Avec quelques citations et une certaine facilité d’élocution, rien n’est plus facile que de donner une heure de leçon.
Mais je voudrais que, loin d’encourager les professeurs à allonger leurs cours, ou les excitât à diminuer le nombre de leurs leçons sauf à les rendre plus substantielles. Le moyen, je vais le proposer tout à l’heure.
Il y a aujourd’hui dans les universités une propension à laquelle les professeurs se laissent trop facilement aller : c’est de prolonger leurs cours de telle sorte que l’enseignement oral ne devient plus qu’un livre débité. Ce n’en est pas là le but. Le professeur ne doit pas entrer dans des détails minutieux qui ne peuvent se fixer dans la mémoire des élèves. L’enseignement oral ne doit pas remplacer le travail du cabinet. Il a seulement pour but de le faciliter, de l’animer, de le classer. Il ne faut pas que les cours se prolongent trop.
Il y a sans doute des exceptions ; mais elles sont en petit nombre. Dans la faculté des lettres, il n’y a peut-être qu’un cours qui doive durer une heure ; dans celle du droit, il n’y en a pas plus de deux qui soient dans ce cas ; celle de médecine n’en compte également que deux. Remarquez que les cours qui ont eu le plus de retentissement dans un pays voisin, tels que ceux de Guizot, Villemain, Thénard, Cousin, se bornaient à une cinquantaine de leçons par an. Les courts trop longs ont cette fâcheuse conséquence que l’élève ne pouvant suivre le professeur transcrit les leçons, et qu’une fois qu’il a son cahier en règle, il perd l’habitude d’étudier les livres, il se contente de porter sa science sous le bras.
Je demande que l’on supprime l’expression de cours annuels et que l’on se borne à fixer à 50 francs le prix des cours de la faculté de droit et à 40 celui des cours des autres facultés.
Je prévois qu’on m’objectera qu’il y a des cours qui exigent qu’un professeur y consacre l’année entière, et qu’il n’est pas juste que celui qui travaille toute une année ne soit pas plus rétribué que celui qui ne travaille que six mois. Mais je ferai observer que les cours qui nécessitent un plus long développement sont suivis par un plus grand nombre d’élèves ; je citerai, dans la faculté de droit, les cours de droit civil et des pandectes que suivent tous les élèves en droit, tandis que d’autres cours moins indispensables ne réuniront qu’un petit nombre d’élèves. Il en est de même dans les autres facultés : il en résultera que quoique, dans mon système, la rétribution soit la même pour les cours annuels et semestriels, les professeurs qui donneront les premiers seront en réalité rétribués en raison de la peine qu’ils se seront donnée. Les cours annuels étant les plus suivis, ils trouveront dans un nombre plus grand d’élèves la compensation du surcroît de peine qu’ils se seront donnée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Quoique nous nous soyons ralliés à l’article de la section centrale qui permet au gouvernement de fixer la durée des cours, cependant il n’est pas entré dans notre pensée de rien préjuger quant au fond de la question. Ainsi, selon nous, les cours doivent être semestriels plutôt qu’annuels. Ce ne serait que lorsqu’il y aurait nécessité que l’on établirait des cours annuels. Mais la différence de rétribution entre les cours annuels et semestriels me semble justifiée par le plus ou moins de travail des professeurs qui les donneront.
Si l’honorable préopinant craint que le gouvernement n’établisse trop de cours annuels, il y a un moyen bien simple d’obvier à cet inconvénient ; c’est de rétablir au second vote la disposition supprimée du projet primitif. Ce moyen serait préférable à celui qu’on vous propose actuellement. Dans notre opinion aussi, les cours doivent être semestriels par la raison que vient de donner l’honorable préopinant ; c’est qu’il serait impossible aux élèves de suivre une trop grande quantité de cours annuels.
M. de Brouckere. - Il me semble que l’opinion développée par l’honorable M. Devaux a été suffisamment justifiée par lui. La réponse de M. le ministre ne résout pas du tout la difficulté. Que vous mettiez dans la loi que les cours seront annuels ou semestriels, ou que vous disiez qu’ils seront semestriels à quelques exceptions près, cela revient à peu près au même. Le gouvernement fixera tel cours annuel qu’il jugera convenable. Ce n’est donc pas réfuter les arguments très solides de l’honorable M. Devaux.
Je ferai remarquer que fixer à 50 francs le maximum de chaque cours, c’est déjà élever suffisamment la dépense que chaque étudiant aura à faire. Ainsi, en droit, chaque élève paiera y compris son droit d’inscription, une somme d’à peu près 100 francs par an. Des rétributions ainsi calculées constituent des appointements exorbitants pour les professeurs, comme je me propose de le démontrer plus tard.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - A la vérité la faculté de faire des exceptions peut jusqu’à un certain point absorber la règle. Mais si la règle est introduite dans la loi, le gouvernement pourra d’autant mieux s’opposer aux prétentions exagérées des professeurs qui voudraient prolonger leurs cours par spéculation.
Quant au fond de la disposition, il me paraît équitable de distinguer les cours annuels des cours semestriels.
Les premiers doivent plus de peine aux professeurs. Il faut qu’ils soient mieux rétribués. Il y a ceci à remarquer qu’un professeur qui donne des cours semestriels, pouvant en donner deux dans une année, recevra, dans le système de M. Devaux, deux fois la rétribution à laquelle aurait droit celui qui ne pourrait donner qu’un cours annuel. Il y a là-dedans quelque chose qui n’est pas juste.
M. de Brouckere. - Je ne vois pas pourquoi les professeurs devraient être payés selon le plus ou moins de travail auquel ils se livrent. Dans toutes les fonctions administratives ou judiciaires, le fonctionnaire qui est le plus occupé de tous n’ira pas demander une augmentation de 3 à 400 fr. d’appointements. Les professeurs n’auront qu’à s’arranger de manière que la part de chacun soit à peu près égale.
M. le président. - L’amendement de M. Devaux est ainsi conçu :
« Il paie dans la faculté de droit 50 fr. par cours, et dans les facultés de médecine, des sciences et des lettres, 40 fr. par cours.»
M. Devaux. - Il me semble que, quant à l’intention, nous sommes assez d’accord avec M. le ministre. On a dit qu’il n’était pas entré dans la pensée du gouvernement l’intention de changer le fond des choses par le retranchement voté tout à l’heure, que les cours semestriels seraient la règle et les cours annuels l’exception. Je voudrais que cette pensée fût formulée dans la loi. L’opinion actuelle du gouvernement peut ne plus être la même dans quelque temps. Tout le monde reconnaît le besoin de poser des bornes. Je préfère le système que je propose. Le gouvernement, nous dit-on, ne fera que de rares exceptions à la règle. Mais il ne pourra résister aux réclamations des facultés ; il agira dans de bonnes intentions sans doute ; mais il n’en cédera pas moins quand toute une faculté lui viendra démontrer la nécessité d’un cours annuel.
Le gouvernement qui a tant de peine à résister à un corps quelconque, à une municipalité, à un conseil provincial, cédera d’autant plus facilement à un corps enseignant qui prétendra, avec raison, en savoir plus que lui sur la nécessite de donner tel cours annuellement. J’aime mieux fixer le même prix pour les cours annuels et pour les cours semestriels. Mon système aura l’avantage d’engager les professeurs à abréger les leurs.
On a dit qu’il y aurait de l’injustice à rétribuer également des cours différents. Mais j’avais prédit ces objections en prouvant que ceux qui donnent un cours annuel ont plus d’élèves et pourtant sont mieux rétribués.
On a dit qu’un professeur qui donne un cours annuel n’en pourra pas donner d’autres. C’est une erreur ; il y en a qui se chargent de trois cours à la fois.
L’inconvénient qui résultera de mon système, c’est-à-dire le désir qu’auront les professeurs d’abréger leurs leçons, vaut mieux que celui du projet de loi. Je persiste dans mon amendement.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Il y a dans ce qu’a dit M. Devaux beaucoup de choses confirmées par l’expérience. Ainsi la commission dont lui et moi faisions partie avait tellement senti l’importance de cette vérité qu’elle avait consacré en principe qu’il n’y aurait que des cours semestriels et que l’on n’autoriserait des cours annuels que par exception. C’est ce que portait l’article 38 supprimé, et cette disposition était suffisante, à moins que l’on ne suppose que le gouvernement ne fera pas son devoir. Il faut donc maintenant ou adopter l’amendement de M. Devaux ou en revenir à l’article 38. Ce dernier moyen me paraît plus conforme à l’équité.
Remarquez, en effet, que le professeur du droit civil approfondi ne recevrait dans le système de M. Devaux pas plus que le professeur de droit civil élémentaire dont le cours serait semestriel, tandis que le cours du premier serait annuel.
M. Devaux répond à cela que le premier aura plus d’élèves ; c’est une erreur. Le cours de droit civil élémentaire sera le plus fréquenté des deux, parce que tous les élèves en droit doivent s’y rendre, tandis qu’il en est qui continuent chez eux le cours de droit civil approfondi. Vous savez aussi, messieurs, que les cours de la première année sont beaucoup plus fréquentés que ceux des autres années. Beaucoup d’élèves bornent là leurs études ou se rendent ailleurs. C’est ce dont pourraient faire foi les listes d’inscription des universités. Ainsi la raison donnée par l’honorable M. Devaux pour réfuter le reproche d’injustice est basée sur une erreur.
Qu’arrivera-t-il ? C’est que les cours qui devraient être annuels se trouveraient devenir semestriels, parce que tous les professeurs voudraient se mettre sur la même ligne pour être rétribués selon leur travail. Quelque bonne volonté que mettra le professeur, quelque peu intéressé qu’il soit, il ne pourra s’empêcher de se sentir découragé par un surcroît de travail dont il ne recevra aucune rétribution.
M. de Brouckere. - Il y a dans la faculté de droit deux cours nécessairement annuels. Eh bien, qu’on le dise dans la loi. Que l’on fasse de même pour toutes les facultés.
- Une voix. - Cela n’est pas possible.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Pourquoi cette défiance du gouvernement ?
M. de Brouckere. - Pourquoi ? Je m’étonne d’entendre cette question sortir de la bouche de M. Ernst. J’ai vu le temps où il était très défiant. Il prêchait qu’il ne fallait pas avoir de confiance dans le gouvernement. Cette défiance de notre part est parfaitement légitime. M. Devaux l’a dit, le ministre de l’intérieur (car c’est lui qui décidera ces questions) ne pourra résister aux instances de tout un conseil académique.
Quand une faculté viendra dire au ministre : il faut que tel cours soit annuel, sinon l’enseignement ne sera pas complet ; que voulez-vous qu’il réponde ? Pourra-t-il dire : je ne vous accorde pas votre demande, parce que j’en sais plus que vous à cet égard ? Il n’y a que deux moyens d’éviter cet inconvénient, c’est de désigner le nombre de cours annuels dans chaque faculté ou de mettre tous les cours sur la même ligne. Telle est mon opinion ; je m’en réfère du reste à ce qu’a dit l’honorable M. Devaux.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Il ne faut pas croire qu’un professeur soit intéressé à donner un cours annuel. Car il ne recevra que 80 francs, tandis que s’il donnait deux cours semestriels, il en recevrait 100. Je ne vois pas l’avantage qu’il retirerait d’un cours annuel.
M. de Brouckere. - Il n’est pas dit dans la loi que les professeurs auront le même nombre de cours. Ce n’est pas ainsi que se fait le partage dans les facultés. L’on ne calcule pas ainsi les rétributions perçues par chacun au marc le franc. Ce qu’il y a de vrai, c’est que les professeurs de la faculté de droit, par exemple, recevront plus ou moins d’émoluments selon que les cours seront annuels ou semestriels.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Le préopinant n’a pas fait attention à ceci, que le nombre des cours est tel qu’un professeur qui n’aura pas de cours annuel à donner, devra se charger de deux cours semestriels. Le professeur de droit civil élémentaire aura les institutes ; il donnera donc deux cours semestriels, parce que le professeur de droit civil approfondi ne pourrait se charger du second, attendu que le seul dont il sera chargé absorbera le temps que dureront les deux autres. Cependant il sera moins payé que le premier.
M. Dumortier. - Il y a malentendu entre nous. Je prouverai que ce que vous avez dit n’est pas exact. Selon vous il arrivera toujours qu’un professeur aura un cours annuel, tandis que les autres auront chacun deux cours semestriels. Prenez la faculté de droit. Il y a trois cours à donner et sept professeurs. On a calculé qu’il y aurait deux cours annuels ; restent 11 cours semestriels : comment ferez-vous pour les répartir également deux par deux ? Si vous y parvenez, je n’aurai plus rien à dire.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Rien de plus insignifiant que l’observation du préopinant ; je n’ai pas dit que tous les cours seraient partagés d’une manière égale. Je n’ai pas dit qu’un professeur, tout en donnant un cours annuel, ne pourrait se charger d’un cours semestriel. J’ai dit que ce professeur serait dans la même position pour le travail que celui qui donnerait deux cours semestriels. Le dernier recevrait 100 francs, tandis que le premier, dans le système de M. Devaux, ne recevrait que 50 francs.
J’ai voulu prouver que les professeurs n’avaient aucun intérêt à donner des cours annuels. Le système de la loi, il faut bien se le rappeler, est tout différent de celui de l’ancienne loi.
M. Dumortier. - Je ne pense pas qu’il soit possible d’indiquer dans la loi, comme le voudrait un honorable préopinant, le nombre de cours annuels. On parle toujours de la faculté de droit. Mais je pourrais citer la faculté des sciences, dans laquelle la plupart des cours seront annuels. Le professeur de chimie ne pourra, sans préjudice pour les études, faire son cours en six mois. Il en est de même de la zoologie et de l’anatomie comparée. Je pourrais citer aussi des exemples dans la faculté de médecine. Il me semble qu’il vaut mieux laisser au gouvernement toute latitude à l’égard de la fixation des cours.
M. Lejeune. - Je ne sais pas pourquoi les cours qui sont payés 50 francs dans la faculté de droit, ne sont payés que 40 fr. dans les autres facultés. J’ai cherché en vain dans le rapport de la section centrale la cause de cette différence.
J’ai entendu dire à des membres de cette assemblée qui en ont fait le calcul, que les études de droit monteraient à des sommes considérables. Je propose donc un taux uniforme pour tous les cours, celui de 40 francs pour les cours semestriels et celui de 60 francs pour les cours annuels. Le gouvernement précédent n’avait fixé les cours annuels qu’à cette somme. Je ne vois pas pourquoi ferait une distinction entre les diverses facultés.
M. Dechamps, rapporteur. - La section centrale a pensé que la profession d’avocat étant une profession lucrative et terminant la carrière des études du droit, il convenait de faire payer plus des cours au-delà desquels il y a une carrière à suivre. Les études de la faculté de médecine sont dans le même cas. Mais comme la suppression des officiers de santé va faire un grand vide dans les campagnes, la section centrale a pensé qu’il fallait encourager par le bas prix des cours les études médicales.
M. Devaux. - Une des plus fortes raisons que la commission ait eues en vue pour établir un taux inférieur relativement aux cours de médecine et des sciences, c’est qu’on supprime les officiers de santé ; dès lors il faut rendre l’étude de la médecine et des sciences accessoires plus accessible.
Il paraît que nous sommes assez d’accord pour placer une borne aux cours annuels ; mais quelle borne posera-t-on ? Il serait à désirer qu’on pût désigner le nombre des cours annuels ; cependant je craindrais que par là on n’empêchât au professeur de faire un tel cours lorsque cela deviendrait nécessaire.
Je crois que ce qu’il y a de plus sage à faire et de plus libéral en même temps, c’est de mettre tous les cours au même taux. Il y a tel cours semestriel qui, dans les sciences, exige, de la part du professeur, plus de travaux que des cours annuels ; pour de certains cours, le professeur n’a souvent besoin que de relire ses cahiers, tandis que pour les sciences il faut se tenir au courant des découvertes faites en tous pays. De plus, si vous excitez l’intérêt des professeurs pour faire des cours annuels, vous aurez trop de ces sortes de cours.
Le ministre de la justice a parlé du professeur de droit civil approfondi ; eh bien, ce professeur sera le mieux rétribué ; les étudiants en droit sont les plus nombreux, ils ne suivent que les cours de droit ; les autres cours sont regardés par eux comme accessoires, et ils les étudient souvent dans des livres quand ils le peuvent. Si le professeur de droit civil fait encore un autre cours, il aura le double de ceux de ses collègues qui enseignent l’astronomie ou les langues orientales.
Cependant, pour enseigner l’astronomie, il faut autant de mérite que pour enseigner le droit. Ce qu’il y a de mieux à faire, c’est, je le répète, de mettre un taux uniforme. Les professeurs ne seront pas excités par l’intérêt à prolonger inutilement le cours.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Le préopinant est dans l’erreur quand il croit que le cours de droit civil approfondi sera le plus suivi. Sans doute les cours de droit sont très fréquentés ; mais, dans le droit civil, c’est le cours élémentaire qui compte le plus d’élèves, et non le cours de droit civil approfondi ; comme dans le cours de droit romain c’est l’étude des institutes à laquelle le plus grand nombre se livre, et non l’étude des pandectes. Or, ce sont les cours de droit civil approfondi et de droit romain sur les pandectes qui forment les cours annuels ; les autres sont semestriels.
- L’amendement mis aux voix est rejeté.
L’amendement de M. de Brouckere est ensuite mis en délibération. Trois épreuves par assis et levé sont douteuses. On procède à l’appel nominal.
52 membres sont présents.
23 votent l’adoption.
28 votent le rejet.
En conséquence, l’amendement est écarté.
M. Stas de Volder s’est abstenu de prendre part à la délibération ; il n’était pas présent à la discussion.
- L’article mis aux voix est adopté.
« Art 20. L’étudiant qui a payé la rétribution peut s’inscrire les années suivantes, sans être tenu à un nouveau paiement. »
- Adopté.
M. le président. - Une proposition vient d’être déposée sur le bureau ; elle sera renvoyée devant les sections.
M. F. de Mérode. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
M. le président. - Vous ne pouvez pas maintenant présenter les développements de votre proposition.
M. F. de Mérode. - C’est pour une motion d’ordre que je demande la parole.
- Plusieurs membres, en riant. - Vous voulez éluder le règlement !
- La séance est levée à 4 heures et demie.