Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 8 mai 1835

(Moniteur belge n°129, du 9 mai 1835 et Moniteur belge n°130 du 10 mai 1835)

(Moniteur belge n°129, du 9 mai 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et demi.

M. Dechamps donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse d’une pétition adressée à la chambre.

« Plusieurs habitants de Renaix demandent à la chambre le maintien, dans la loi municipale, des principes posés par le gouvernement provisoire relativement à l’élection des magistrats municipaux. »

- Sur la demande de M. Doignon, il est donné lecture de cette pétition.

Projet de loi communale (titre premier), amendé par le sénat

Discussion des articles

Titre I. Du corps communal

Chapitre premier. De la composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Première section. De la composition du corps communal
Article 3 (nouveau)

M. le président. - La chambre en est arrivée à l’article 3 nouveau présenté par la section centrale :

« Art. 3. Le Roi nomme les échevins sur présentation d’une liste de candidats choisis par le conseil, parmi ses membres.

« La liste des candidats est d’un nombre triple des échevins à nommer dans les communes qui ont quatre échevins, et d’un nombre double dans les autres. »

Le sénat a adopté la nomination par le Roi des échevins en les prenant dans le sein du conseil.

M. Jullien. - Messieurs, accordera-t-on au Roi la nomination des échevins comme on lui a accordé hier celle des bourgmestres. Voilà la question qui vous est soumise. Si on n’avait pas été témoin de toutes les tentatives faites depuis quelque temps par la doctrine et l’esprit de parti sur la lettre de la constitution, pour en dénaturer, pour en tuer l’esprit, on aurait de la peine à concevoir comment une question aussi claire, aussi simple, a pu soulever dans cette enceinte des débats aussi longs, aussi animés qui ont fini par diviser les deux premiers corps de l’Etat, c’est-à-dire la chambre des représentants et le sénat.

Je commence par déclarer à la chambre qu’il y a pour ceux qui sont obligés de se répéter sur de pareilles questions, autant et plus de dégoût qu’il peut y en avoir pour ceux qui sont condamnés à les entendre ; aussi je tâcherai de réduire toute la discussion à sa plus simple expression. Le siège de la difficulté est dans l’interprétation de l’article 108 de la constitution.

D’après cet article, l’élection directe est formellement consacrée ; il n’y a d’exceptions permises que pour les chefs des administrations municipales et les commissaires près les administrations provinciales. Maintenant pouvez-vous étendre cette exception aux échevins ? C’est là, messieurs, une question de bonne foi et de bon sens.

Si vous avez déjà appliqué l’exception au bourgmestre, c’est que vous l’avez déjà considéré comme le chef de l’administration. Mais si le bourgmestre est le chef, l’échevin ne peut pas l’être, et si l’échevin est chef, le bourgmestre ne l’est plus. Ces deux prééminences ne peuvent coexister ; il ne peut y avoir un chef d’un autre chef. C’est un non-sens, c’est complètement antirationnel. Demandez à tous les individus, quel est le chef de l’administration municipale ? Tous répondront sans hésiter : C’est le bourgmestre. Et pourquoi ? Parce que vous avez donné au bourgmestre des fonctions que vous ne pouvez faire partager aux échevins.

Vous avez voulu que le bourgmestre présidât le corps municipal, qu’il eût la publicité des séances, que seul il eût le droit de requérir la force armée, qu’il parut devant l’émeute pour l’apaiser ; ce sont bien là, je crois, les prérogatives d’un chef d’administration communale. Si cela est incontestable, dites-moi donc où vous allez trouver un autre chef ? Or, la loi ne consacre l’exception que pour le fonctionnaire qui porte ce titre.

Faites attention, je vous prie, que, si vous l’appliquez aux échevins, vous allez l’appliquer à l’administration municipale elle-même. Car l’administration municipale dans une commune est dans le collège des bourgmestre et échevins. Qui est-ce qui administre, en effet ? Le bourgmestre et les échevins. Le conseil n’a que des attributions très bornées ; il n’est assemblé dans certaines localités que deux ou trois fois par an, pour des discussions telles que celles des budgets. L’administration permanente est le collège des bourgmestre et échevins.

Ce serait donc une violation flagrante de la constitution de vouloir étendre aux échevins une exception qui n’a été consacrée que pour le chef de l’administration communale, puisqu’elle atteindrait réellement l’administration elle-même. Si on peut détruire cette vérité, je prie ceux qui croient devoir s’en charger, de le faire ; mais à mon sens elle est indestructible.

Cependant je veux bien supposer que contre l’évidence et contre la volonté de la loi, on eût la faculté d’étendre l’exception ; le point important serait de savoir s’il est opportun de le faire. Car lorsque la loi permet une exception au principe, c’est toujours le principe qu’il faut soutenir ; si vous appliquez l’exception aux administrations municipales, la règle est absorbée et c’est l’exception qui domine.

Je répondrai à quelques-unes des objections qui ont été faites et qui me semblent faciles à réfuter.

On a dit que les échevins ne peuvent pas être cumulativement avec les bourgmestres chargés de l’exécution générale des lois.

Cet argument ne m’a jamais touché, car que demandent aux communes les lois générales ? Des hommes et de l’argent ; mais dans ces cas-là, ceux qui ont l’habitude de l’administration savent que tout se réduit à de simples formulaires, et que c’est à peine si, dans des exceptions rares, le collège des bourgmestre et échevins a à délibérer sur cette exécution générale des lois.

Mais je suppose qu’il survienne quelque incident d’un haut intérêt pour la commune, c’est alors que je veux que l’exécution des lois soit confiée au bourgmestre et aux échevins ensemble. S’il y a quelques oppositions fondées à faire, c’est du bourgmestre et des échevins réunis qu’il faut les attendre et non du bourgmestre seul. Car vous savez, messieurs, qu’il est des gens qui sont tellement serviles, qu’ils ne font pas seulement ce que le gouvernement leur demande, mais qui vont encore au-delà, pour s’attirer ses bonnes graves. Si vous confiez l’exécution de ces lois au bourgmestre et aux échevins, les habitants de la commune trouveront des défenseurs dans ce collège, et auront des garanties qu’ils ne pourraient attendre d’un seul homme agent du gouvernement.

Mais, dit-on, il est beaucoup plus difficile de confier l’exécution des lois à un collège tout entier qu’à un seul individu.

Pourquoi cela ? Toutes les fois que les lois imposent un devoir à un corps communal, c’est comme si elles l’imposaient à un seul individu. Il doit les accomplir sous peine de forfaiture. Vous avez, dans la responsabilité de ces fonctionnaires ensemble, la même garantie qu’en celle d’un seul. Mais de plus, vous avez avantage que les intérêts des habitants des communes seront mieux défendus ; qu’ils trouveront dans le collège une protection qu’ils n’obtiendraient pas d’un seul fonctionnaire entièrement dévoué au pouvoir.

Dans l’autre chambre on a fait valoir cet autre argument : on a dit : Comment voulez-vous qu’il y ait de l’homogénéité dans un collège dont les membres n’auront pas la même origine ? Les bourgmestres seront donnés par le pouvoir royal, les échevins par le pouvoir populaire. De là, discordance dans les vues, discordance dans les opinions.

Je ne conçois pas comment ceux qui ont avancé cet argument n’ont pas senti qu’on pouvait le leur rétorquer avec avantage. Quelle est l’origine commune ? l’élection directe ; car malgré la faculté que vous avez accordée au Roi, vous n’avez pas moins dit que le bourgmestre devait en général être choisi dans le conseil. Qui donc a dérangé l’homogénéité ? Ce sont ceux qui proposent de faire nommer les échevins par le Roi, parce qu’alors il n’y aura pas d’homogénéité entre eux et le conseil, et qu’alors aussi il y aura dans le sein du conseil, entre le bourgmestre et les échevins, désaccord, désunion, ce qui ne peut toujours tourner qu’au préjudice de l’administration communale.

On a dit encore qu’il faut renforcer le pouvoir autant que possible. Le pouvoir n’est pas, dit-on, assez fort avec ce que la constitution lui accorde.

Je me bornerai à répondre à tous les partisans du pouvoir fort, qu’il n’y a de pouvoir fort que celui qui s’appuie sur le peuple. C’est une vérité qui est devenue triviale, que le pouvoir fort de Napoléon n’est pas tombé devant les désastres de Moscou, mais bien parce qu’il n’avait pas d’appui dans la nation. Eh bien, messieurs, si le pouvoir fort de Napoléon a péri faute de cet appui, je vous demande quelle destinée est promise au pouvoir fort des révérends, très révérends ministres qui gouvernent le pays.

On a dit encore que la constitution était trop libérale. Ce n’est pas le moment d’examiner cette question : une constitution est toujours trop libérale pour ceux qui rêvent le pouvoir absolu ; mais je dirai à ceux qui font cette objection que la constitution ne les a pas laissé désarmés. Elle a prévu, dans son article 131, le cas de révision, d’après lequel vous avez le droit de déclarer qu’il y a lieu à la révision de telle ou telle disposition, et puis de céder la place à d’autres pour en décider. Mais ne donner pas au pays le scandale de ces violations flagrantes de lois, c’est-à-dire de parjures suivant de près le serment. Or, la nomination des échevins par le Roi viole l’article 108 de la constitution.

J’arrive à l’amendement proposé par la section centrale : cette proposition de nommer les échevins par le Roi sur une liste double et triple de présentation est une très misérable transaction entre la décision du sénat et l’opinion précédente de la section centrale.

Je vous avoue que je préférerais encore la disposition du sénat à cette proposition ; je trouve à cette présentation par liste de candidats de graves inconvénients que je n’aperçois pas dans l’élection par le Roi dans le sein du conseil.

Il est une autre proposition, si l’élection directe ne prévalait pas, qui aurait mon assentiment, c’est celle de l’honorable M. Fallon, qui consiste à faire nommer les échevins par le conseil lui-même. Si la plus naturelle de toutes, l’élection directe ne l’emporte, je le répète, c’est à celle-ci que je donnerai mon assentiment.

M. Milcamps. - Dans la séance d’hier, un orateur nous reprochait de perdre trop de vue qu’il ne s’agissait que d’organiser le pouvoir communal. Messieurs, l’honorable orateur est dans l’erreur. La loi qui nous occupe a pour objet non seulement l’exercice des fonctions qui sont propres au pouvoir communal, mais de combiner le pouvoir avec des attributions administratives et judiciaires.

Le simple bon sens, dit M. Henrion de Pansey, dit que le maire ne peut être choisi que par les habitants, et cela par un motif qui frappe les entendements les plus communs, c’est que le mandataire et le mandant sont des corrélatifs nécessaires. On doit aussi appliquer ces principes à nos bourgmestres ; aussi si j’ai voté pour la nomination des bourgmestres en dehors du conseil, c’est parce que la constitution l’autorisait, c’est seulement dans les cas de nécessité, parce qu’il peut arriver qu’aucun des élus du peuple ne veuille être bourgmestre.

Mais la nature du pouvoir municipal ne fait pas obstacle à ce que ceux qui l’exercent soient chargés de fonctions étrangères à celles qui leur sont propres. Il doit être libre au gouvernement de leur déléguer quelques branches de l’administration générale, de même la loi peut les rendre habiles à la confection de quelques-uns des actes qui appartiennent à l’autorité judiciaire ; c’est ainsi que dans notre organisation actuelle, les bourgmestres des communes sont officiers de police judiciaire et que l’administration leur confie l’exécution des mesures relatives à la milice nationale et à la garde civique.

D’un autre côté, l’article 101 de notre constitution dispose que le Roi nomme et révoque les officiers du ministère public pris des cours et des tribunaux.

Ainsi il faut que tout officier communal qui sera chargé de fonctions étrangères à celles qui lui soient propres, tienne sa nomination du gouvernement.

Mais je demanderai quel inconvénient il y a à adopter l’amendement de la section centrale ? Par cet amendement nous nous plaçons encore en avant de la France, puisqu’en France la loi communale confie au chef du gouvernement le droit de nommer les maires et leurs adjoints dans le sein du conseil.

Je vous ai cité tout à l’heure l’article 101 de la constitution qui porte que le Roi nomme et révoque les officiers du ministère public près les cours et tribunaux. Eh bien, si vous n’accordez pas la nomination des échevins au Roi, dans quelle position allez-vous placer le pouvoir exécutif ? Mais vous l’allez placer dans la nécessité de créer un fonctionnaire public chargé de remplir près le tribunal de police de chaque canton de justice de paix des fonctions d’officier du ministère public, de la même manière qu’on a créé dans les villes d’une certaine population des commissaires de police à moins de charges exclusivement les bourgmestres de ces fonctions. Mais on sait que dans les campagnes ce sont les assesseurs qui ont jusqu’ici rempli ces fonctions.

Où sont les inconvénients de continuer l’état des choses, c’est-à-dire le collège des bourgmestre et échevins, collège qui a une double mission, l’une qu’il tient du choix de ses citoyens, consistant dans l’exercice des fonctions propres au pouvoir municipal, l’autre qu’il tient du gouvernement et qui consiste dans des fonctions qui se s’attachent à l’administration générale ?

M. de Brouckere. - Deux mois ne se sont pas encore écoulés depuis le jour où, à une majorité de 42 contre 38, on a voté que les échevins seraient nommés par l’assemblée générale des électeurs ; et aujourd’hui déjà on vous engage à décider le contraire. Réussira-t-on dans ces efforts ? Je ne crois pas. D’abord, parce que la plupart des membres qui ont voté se trouvent présents à l’exception de MM. Ernst et d’Huart que nous ne voyons plus. En deuxième lieu, parce que, quoique beaucoup de membres aient pris la parole sur cet objet, aucun argument n’a été produit contre ce système. Je viens de nouveau défendre l’opinion de la majorité de la chambre.

Je dois déclarer d’abord que je reste persuadé que la constitution, par l’article 108, défend de donner la nomination des échevins à tout autre qu’au collège des électeurs. (L’orateur lit l’article 108.)

Quels sont les chefs d’administration communale ? Voilà la question, et elle est très simple. Demandez à l’homme éclairé, à l’homme dénué d’instruction, quels sont-ils ? Ils vous répondront : Le bourgmestre ; nous n’en connaissons pas d’autres. Quels sont les chefs des cours et tribunaux ? Ce sont les présidents, et jamais il n’est venu à l’esprit de qui que ce soit de dire : Ce sont les vice-présidents.

Quels sont les chefs des régiments ? Les chefs des régiments ce sont les colonels. Entendez-vous aussi par là les lieutenants-colonels, les majors, les adjudants-majors ? Non : ce sont les colonels et les colonels seuls qui sont chefs, parce que seuls ils sont à la tête du régiment. Ils sont les premiers et ne peuvent avoir d’égaux.

Quels sont les chefs des ministères ? Ce sont les ministres. Direz-vous que les chefs des ministères ce sont, outre les ministres, les administrateurs, les secrétaires généraux, parce que ces fonctionnaires ont la haute main sur les diverses branches de l’administration ? Vous ne commettrez pas cette erreur, parce que vous savez que les administrateurs et les secrétaires généraux ont quelqu’un au-dessus d’eux. Par conséquent ils ne sont pas chefs.

Les chefs des évêchés, quels sont-ils ? Les évêques, et vous n’entendrez jamais par chefs des évêchés les grands-vicaires, ni les chanoines, parce que les grands-vicaires et les chanoines sont placés dans la hiérarchie ecclésiastique au-dessous de l’évêque, qui seul est chef.

En général dans tout corps il n’y a qu’un chef.

Et quand on parle des chefs des corps, on ne parle que du premier en rang, que de celui qui préside tous les autres, que de celui qui est à la tête du corps.

En serait-il autrement, messieurs, pour ce qui concerne les administrations communales ? Mais que l’on m’explique donc où l’on a trouvé la base sur laquelle on s’appuie pour trouver cette différence. Ni dans le langage de la loi, ni dans le langage vulgaire, jamais on n’a entendu par le chef de l’administration communale autre chose que le bourgmestre.

Messieurs, nos adversaires ont très bien compris tout le parti que l’on pouvait tirer du texte même de la constitution ; mais à quels moyens ont-ils eu recours pour défendre le système qu’ils cherchent à faire prévaloir ? L’honorable M. Lebeau, qui est un de nos adversaires les plus redoutables, s’est appuyé sur la pensée qu’il avait au moment où le congrès discutait l’article 108 de la constitution. Je ne doute pas que la pensée de M. Lebeau n’ait été ce qu’il nous dit ; mais ma pensée n’est pas celle du congrès ; et la pensée du congrès je ne la trouve nulle part que dans le texte même de la disposition qu’il a adoptée.

On est venu encore s’appuyer sur quelques discours prononcés par des membres du congrès et qui, à ce qu’il paraît, partageaient la pensée de M. Lebeau ; je répondrai à ces discours ce que j’ai répondu à M. Lebeau : Ce n’est pas dans des discours de tel ou tel député que je trouve le sens des dispositions de la constitution ; le sens de ces dispositions je le trouve dans la constitution elle-même. On n’a recours à ces sortes d’interprétations que lorsque la loi est obscure ; mais la constitution n’est pas obscure ; son texte est clair, est formel, et je crois l’avoir démontré d’une manière évidente.

L’on a produit sur la question que je viens d’agiter un autre argument que jusqu’ici on n’a pas relevé et que cependant il importe de détruire.

Les chefs des administrations communales, a dit un honorable orateur, sont si bien le bourgmestre et les échevins, que, pour se conformer à l’article 10 de la loi électorale, partout ce sont les bourgmestres et les échevins qui envoient les lettres de convocation aux électeurs, avec indication du jour, de l’heure et du local où l’élection aura lieu ; et cela parce que l’article 10 se sert de ces mots : « « Les chefs des administrations locales envoient, etc. »

D’abord je nie le fait que l’on avance. Il est de toute inexactitude de dire que partout les lettres de convocation sont adressées aux électeurs par le bourgmestre et les échevins ; et je mets en fait, moi, que dans un très grand nombre de communes, et peut-être n’exagérerais-je pas si je disais que dans le plus grand nombre des communes, ce ne sont pas les bourgmestre et échevins qui envoient les lettres de convocation, mais le bourgmestre tout seul. Si je voulais citer des noms propres, je désignerais des bourgmestres, et des bourgmestres qui siégent dans cette assemblée, qui signent les lettres de convocation sans que les échevins y prennent part, parce que le bourgmestre est le chef de l’administration communale.

Quand il serait vrai que dans certaines communes les échevins se seraient associés aux bourgmestres pour signer les lettres de convocation, quelle conséquence tirer de là ? C’est que le bourgmestre attache fort peu de prix à ces sortes de lettres. Quand il dit à un électeur : Rendez-vous tel jour, telle heure, à tel endroit pour voter, il lui importe peu que ce soit en son nom personnel ou en même temps au nom des échevins qu’il signe la lettre. Peut-être est-ce parce qu’il n’a pas assez bien examiné la loi électorale, qu’il fait figurer les échevins sur les lettres de convocation.

Quoi qu’il en soit, il est toujours vrai de dire que le fait est insignifiant en lui-même ; et jamais il ne viendra dans la tête de qui que ce soit, pas même dans celle du gouvernement lui-même, quoique par cette tête-là il passe des choses fort singulières, d’adresser des représentations aux bourgmestres qui auraient envoyé des lettres de convocation en les signant seuls. Il y a des ministres dans l’assemblée, des gouverneurs ; il y a aussi des commissaires de district, et en grand nombre (on rit) : leur est-il venu dans la pensée de faire des reproches à un bourgmestre, parce qu’il aurait mis seulement : Le bourgmestre ;... etc… ? Assurément non. Ainsi voilà l’argument de M. Lebeau réduit à rien.

En voilà assez, messieurs, pour ce qui concerne la constitution, en ce qui regarde le sens qu’il faut donner à l’article 108.

Je devrais peut-être m’arrêter là, parce que, s’il a été démontré que la constitution veut que la nomination des échevins appartienne aux électeurs, cela devrait nous suffire pour que nous maintenions la disposition constitutionnelle que nous avons adoptée. Toutefois, surabondamment, et pour ceux auxquels il pourrait rester quelques doutes, je me permettrai de faire valoir différentes considérations qui regardent en eux-mêmes les systèmes mis en présence.

Messieurs, j’ai pris l’engagement de ne point répéter ce qui a été dit ; par conséquent je me bornerai à faire remarquer à la chambre que le système qui a été en vigueur depuis la révolution jusqu’à ce jour, n’a produit qu’un très petit nombre d’abus, et qu’en général on s’en est bien trouvé partout ; que ce petit nombre d’abus sera maintenant suffisamment prévenu par la mesure votée relativement aux bourgmestres, laquelle donne au gouvernement la nomination du chef de l’administration communale, et par la mesure qui autorisera le gouvernement à suspendre le bourgmestre de ses fonctions, et même à le révoquer quand il le jugera à propos.

Avec une concession comme celle-là, avec un changement aussi important apporté à l’ordre de choses qui existe aujourd’hui en matière communale, il est presque impossible que de nouveaux abus se présentent.

Vous pouvez être parfaitement tranquilles sur la marche des différentes administrations communales. Le gouvernement, à l’aide du bourgmestre qui est partout chef et seul chef de l’administration communale, et qu’il aura sous sa dépendante, exercera sur cette administration une influence suffisante ; et si vous alliez par faiblesse vous déjuger aujourd’hui, réformer la disposition que vous avez adoptée il y a environ deux mois, l’influence du gouvernement serait portée trop loin ; elle s’étendrait non seulement à tous les bourgmestres, mais à tous les échevins ; et comme ce sont les bourgmestres et les échevins qui dirigent presque toujours le conseil, il en résultera que vous mettrez toutes les administrations communales dans la dépendante complète du gouvernement.

Messieurs, puisque le sénat n’a pas été de notre opinion en cette matière, il n’est pas indifférent de rechercher pour quels motifs il a réformé notre décision et en a pris une diamétralement contraire. Pour atteindre ce but, je lirai quelques lignes du rapport fait par la commission du sénat chargée notre projet. Voici ce que j’y trouve :

« Le système d’un projet qui est soumis au sénat et par lequel la nomination des échevins serait abandonnée aux électeurs, a paru inconciliable avec la nomination du bourgmestre par le Roi ; les échevins participant à la plupart des attributions qui sont dévolues à celui-ci par la loi, la nécessité de leur donner une origine commune a paru incontestable. »

Voilà l’unique motif qui a déterminé la commission choisie par le sénat pour l’examen de la loi communale, à présenter un autre système que celui adopté par la chambre des représentants.

Eh bien, messieurs, veuillez remarquer que jusqu’ici rien n’a été décidé relativement aux attributions des échevins. Le sénat s’est trop empressé en s’appuyant pour réformer ce qui concerne la nomination des échevins, sur leurs attributions : ces attributions, personne ne les connaît, nous ne les avons pas déterminées, au moins d’une manière définitive. Pour parler de moi-même, si vous vous décidez à maintenir la décision prise ici relativement à la nomination des échevins, je m’engage formellement à voter de telle manière que les attributions des bourgmestres seraient augmentées, et celles des échevins diminuées. J’en prends l’engagement formel.

Je promets de faire en ce point une bonne et large part au gouvernement. Et remarquez que quand je promets, je tiens mes engagements. Je ne fais pas comme certains ministres qui promettent de défendre un système, qui prennent la nation à témoin de leurs engagements, et qui, quand le moment arrive de les tenir, se cachent, et n’osent pas se montrer devant la chambre. Je promets donc de voter des attributions qui augmenteront celles des bourgmestres et diminueront celles des échevins.

Par exemple, je m’engage... que M. de Muelenaere, que je vois prendre sa place en ce moment, en tienne bonne note... Je m’engage à donner au bourgmestre seul tout ce qui tient à l’exécution des lois et des règlements d’administration générale.... J’entends un honorable membre dire qu’avec cette concession il adopte mon opinion... (Non ! Non !)... Vous me pardonnerez, je l’entends dire par M. Liedts et par plusieurs autres.

M. Lardinois. - Et moi aussi.

M. de Brouckere. - Eh bien, maintenons notre décision, et prouvons que nous voulons suivre la constitution sans vouloir affaiblir le gouvernement, que nous voulons la constitution et l’ordre.

Messieurs, selon moi, le collège du bourgmestre et des échevins doit être plutôt un collège délibérant qu’un collège agissant. Ce n’est pas cependant que l’on doive refuser toute action aux échevins. Le bourgmestre a le droit de déléguer telle ou telle partie de ses attributions à tel ou tel échevin ; mais remarquez-le bien, il retire sa délégation quand bon lui semble pour la faire à un autre échevin. C’est donc bien moins encore comme échevin qu’agit celui en faveur duquel une délégation est faite que comme délégué du bourgmestre, que comme délégué de l’homme du gouvernement.

Je ne crains pas de le dire, mon système qui est aussi celui de plusieurs honorables membres de cette assemblée, car il est partagé, mon système est plus constitutionnel que les autres, est plus dans l’intérêt du peuple, et en même temps plus dans l’intérêt du gouvernement, et que le gouvernement ne s’en trouvera pas affaibli. Tous ces grands mots que l’on nous répète journellement, que le gouvernement est trop faible ! que la constitution a fait une trop faible part à l’autorité ! ne doivent pas faire impression sur vous.

Renfermons-nous dans la constitution, et la part du gouvernement sera assez large. Le gouvernement a manqué quelquefois de dignité, cela est vrai ; mais il a toujours eu assez de force, et il en a assez à sa disposition pour maintenir l’ordre. Si la tranquillité est troublée, c’est qu’il ne sait pas faire usage de sa force.

Mais, messieurs, par ces idées que le pouvoir est trop faible, on veut en venir à vous faire déroger à la constitution. On commente toujours la constitution au lieu de s’en rapporter au sens clair de son texte, comme dans l’article 108.

J’ai la confiance, après tout ce qui a été dit, que vous maintiendrez votre décision. Cependant, si contrairement à mon attente vous ne la mainteniez pas, je déclare que je rejette toute espèce de terme moyen. Les termes moyens, les concessions sont excellentes entre particuliers ; après s’être querellés, il est bon que chacun cède une partie de son droit ; mais en matière constitutionnelle, il n’en est pas de même : les termes moyens font de mauvaises lois, et par des concessions, on arrive à de mauvais systèmes, à des systèmes dont le pays se trouve mal.

Ici je le dis franchement, si vous ne voulez pas du système que vous avez voté il y a deux mois, je me réunis à l’opinion du sénat. J’aime mieux que les échevins, s’ils ne peuvent être nommés par le peuple, le soient par le Roi. Les autres systèmes sont vicieux, l’honorable M. Lebeau l’a prouvé avec évidence.

En faisant élire les échevins par les membres du conseil communal, comme on le propose, qu’arriverait-il ? de deux choses l’une ; ou les conseillers communaux choisiront pour échevins ceux de leurs collègues qui ont obtenu le plus de voix, alors valait autant laisser la nomination des échevins aux électeurs ; ou ils ne nommeront pas ceux qui ont obtenu le plus de voix, et alors n’est-ce pas un affront qu’on fait à ceux-ci ? n’est-ce pas établir au sein du conseil une zizanie qui tournera au détriment des habitants ?

Donnerez-vous au conseil le droit de présenter des candidats au Roi ? Eh bien alors, qu’arrivera-t-il encore ?

C’est que les conseillers communaux forceront la main au gouvernement quand ils le voudront ; et ici je m’appuie sur l’expérience. Je puis vous citer ce qui s’est passe en 1820 à Maestricht. Le conseil communal était assez nombreux ; il avait à faire présentation de candidats pour les fonctions de bourgmestre, et il voulait, pour remplir cette magistrature, un honorable citoyen dont ne voulait pas le gouvernement. Qu’a-t il fait ? Il a mis cet honorable citoyen en tête de la liste, et à la suite, le nom de deux personnes qu’on ne pouvait choisir, de sorte que le gouvernement ne put que nommer celui pour lequel il témoignait des répugnances.

Toutes les fois que le conseil le voudra, il forcera de même la main au gouvernement ; ne vaut-il pas mieux s’en tenir à l’opinion du sénat et laisser au Roi le choix libre des échevins dans le conseil communal ? Selon moi, l’on ne peut admettre que l’un ou l’autre de ces deux systèmes, l’élection par le peuple ou la nomination par le Roi.

La nomination par les électeurs est le système constitutionnel, il présente le moins d’inconvénients il n’en présente même pas, selon moi. Quant aux deux termes moyens proposés, je les repousse et je m’en réfère sur ce point à ce qu’a dit très éloquemment M. Lebeau. J’ajouterai que si vous adoptez un de ces termes moyens, vous contrariez le sénat tout autant que vous le contrarieriez en maintenant votre première décision.

Que veut le sénat ? il veut une origine commune aux bourgmestres et aux échevins ; eh bien ! dès que vous établissez la moindre différence entre ces magistrats, vous êtes contraires à l’opinion du sénat. Puisque nous sommes dans la pénible situation de ne pouvoir suivre cette opinion, soyons-lui opposés du moins de manière à rester fidèles à la constitution ; alors advienne que pourra.

On s’est appuyé à différentes reprises sur l’impatience avec laquelle le pays attend l’organisation communale, et l’on a tiré parti de cette considération pour dire en quelque sorte : Adoptez toujours ; prenez un bon ou un mauvais système ; organisez seulement, voilà ce que demande le pays. Si vous soutenez votre opinion, il pourra arriver que l’organisation communale sera retardée.

Quant il en serait ainsi, j’avoue que ce motif ne pourrait me hâter et me faire voter en aveugle. Le pays attend la loi communale avec impatience, c’est possible, mais le pays veut une bonne loi ; et une bonne loi, dût-il attendre un peu, préférablement à un mauvaise qu’on lui donnerait sur-le-champ. Or, je soutiens qu’il n’y a qu’une manière de faire une bonne loi, c’est de persister dans notre première opinion, c’est de laisser le choix des échevins aux électeurs.

M. Trentesaux. - Je motiverai brièvement mon vote. J’espère que nous ne pouvons faire nommer les échevins autrement que par l’élection directe. La constitution est formelle à cet égard.

« Les institutions provinciales et communales sont réglées par des lois. » L’article qui suit dit expressément :« Ces lois consacrent l’élection directe, sauf les exceptions que la loi peut (remarquez ce mot peut !) établir à l’égard des chefs des administrations communales. » Il en résulte donc nécessairement, invinciblement, l’élection directe pour les membres de l’administration communale, sauf une exception que vous pouvez, que vous avez la faculté de faire, par rapport à qui ? A l’égard des chefs des administrations communales.

J’avais donné mon suffrage au projet de loi envoyé à l’examen du sénat. Dans ce projet l’on avait fait usage de la faculté (entendez bien, messieurs, le mot faculté) de la faculté que la constitution nous avait donnée par rapport aux chefs que je considère comme seuls chefs de l’administration communale. J’avais voté cette loi et accorde cette faculté.

La loi nous revient du sénat. Voici que, non content de cette faculté, le gouvernement emploie toutes sortes de moyens pour aller au-delà de la constitution, pour forcer la portée de l’expression de chefs des administrations communales.

La loi nous revient du sénat. J’ai de nouveau posé la question de savoir si cette faculté devait être accordée au gouvernement, quant aux chefs des administrations communales, dans le moment actuel.

J’ai dit hier, j’ai eu véritablement la conviction qu’il était bon d’attendre ; que nous pouvons aussi bien faire usage de cette faculté dans un, deux, trois, quatre, cinq ans, et qu’alors l’expérience nous aura instruits.

Quelle est l’expérience que nous avons faite ? Est-ce qu’elle démontre la nécessité d’accorder cette faculté au gouvernement ? Je suis revenu sur mon premier vote.

Toutes les considérations que l’on a présentées pour faire valoir le système de la nomination immédiate des chefs des administrations communales, peuvent s’appliquer, selon la constitution, au bourgmestre, mais jamais aux échevins. L’exception est irrévocablement limitée au chef de l’administration communale.

Dans un corps, il n’y a qu’un chef. Le chef de l’administration communale, qu’est-ce, si ce n’est le bourgmestre ?

Mais, messieurs, s’il fallait remonter à cette expression de chefs des administrations, je pourrais la faire connaître. J’étais du congrès. Au congrès, arrivés à ce chapitre, nous avons eu trois systèmes en présence : le système du bourgmestre que la génération actuelle avait vu, le système du maire impérial qu’une partie de la génération avait vu également, enfin le système de la constitution républicaine de l’an III, où le gouvernement n’intervenait pas dans l’administration municipale. Il avait des commissaires dans les villes et dans les communes rurales ; l’on avait réuni les communes rurales en divisions qui ressemblaient à une justice de paix. Le gouvernement avait là un commissaire qui surveillait l’exécution des lois. Ce système a été examiné dans les sections du congrès. Mais je me rappelle que l’on y a renoncé. Il n’y eut donc en séance publique que deux systèmes en présence : le système du bourgmestre, le système du maire. Tout à coup un amendement se jette dans la discussion. C’est une expression philosophique que l’on propose, puisqu’elle comprenait les deux espèces de chefs de l’administration municipale, le maire et le bourgmestre.

Que l’on vienne me dire maintenant : J’ai présenté mon amendement dans telle vue ; tout ce que je sais c’est que l’expression de chefs des administrations communales était une expression de genre, renfermant à la fois le système du bourgmestre, le système du maire. Je ne sais même pas si sous le régent l’on n’a pas présenté un système dans le sens du maire. Si la constitution permettait l’exception au-delà du véritable chef de l’administration communale, il aurait fallu ajouter les adjoints. Rien n’est plus clair.

Je proteste contre toute extension des termes de la constitution, et je ne suis pas le seul. Car la moitié du ministère proteste avec moi ; et la preuve c’est que la moitié du ministère s’abstient de prendre part à cette discussion, sur laquelle il est, je crois, du même avis que moi.

Du reste, je ne suis pas le premier qui ait fait remarquer l’absence de deux de ses membres. C’est là un événement fâcheux. Je ne sache rien qui puisse davantage déconsidérer le ministère. On parle d’un gouvernement fort. C’est au gouvernement lui-même à se rendre fort. Je le dis comme je pense, le ministère s’est considérablement affaibli. Jusqu’à ce jour il avait pu mépriser la calomnie, il avait agi avec franchise ; mais une partie, en s’abstenant aujourd’hui, parce que son opinion est connue, donnera lieu de dire que quand on n’est pas absorbé au ministère on est neutralisé. On pourra dire du ministère ce que le Journal des Débats dit du tiers-parti, il l’appelle un parti d’eunuques ! (Hilarité générale.)

Si le ministère avait compris sa position, qu’aurait-il fait ? Il serait venu dire : Voilà un article de la constitution qui permet l’usage de telle faculté. Nous n’y renonçons pas. Mais nous attendrons l’expérience. C’est l’expérience qui démontrera quelle mesure nous devons donner à l’exception. Aujourd’hui ce n’est qu’une théorie. Mais nous tenons à pouvoir faire usage à l’avenir de cette faculté. Pleins de confiance dans la générosité du pays, nous ne voulons pas en faire usage pour le moment.

Si le ministère avait dit cela, pensez-vous qu’il n’eût pas été plus fort ? Dans ma conviction, il eût été plus fort et n’eût pas eu besoin de chercher sa force dans la loi, force que je ne regarde que comme factice. Sa véritable force, c’est sa moralité.

Messieurs, jusqu’ici je n’ai pas fait insérer mon vote au procès-verbal, parce que je n’ai cru trouver dans aucune loi une violation formelle de la constitution. Mais si l’assemblée consent à accorder au gouvernement la nomination des échevins, je me réserve de faire insérer au procès-verbal mon vote négatif. J’ai dit.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - En accordant au Roi la nomination du bourgmestre, vous avez paré à une partie des inconvénients dont se plaint le pays quant à l’administration communale ; vous avez tari dans les communes une source funeste de discordes.

M. Dubus. - Je demande la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Vous avez porté remède à la négligence toujours croissante dans l’observation des règlements de l’administration publique. Ce sont des faits positifs. S’il ne vous est pas arrivé de pétitions, vous ne devez pas vous en étonner ; c’est parce que le pays sait que depuis plusieurs années vous êtes saisis de la loi communale et qu’il attend le résultat de vos discussions.

Si vous vous arrêtez là, si vous ne prenez pas également à l’égard des échevins une décision qui tende à détruire ces discordes que l’élection populaire suscite dans beaucoup de communes, si vous laissez le bourgmestre isolé à côté des échevins élus directement ou nommés par le conseil, qui paralysent toute l’influence du bourgmestre, qui en fassent un homme nul, vous n’aurez obvié à rien.

Ainsi se justifie suffisamment cette observation unique, mais puissante, du rapport du sénat dont on vous a donné lecture. Il faut, a dit la commission du sénat, qu’il y ait homogénéité dans les membres d’une même administration, dans les membres chargés en commun de l’exécution des lois et règlements. Cette assertion est frappante de vérité pour quiconque a l’expérience de l’administration.

Avant d’aborder les divers systèmes qui ont été agités dans cette enceinte relativement à la nomination des échevins, qu’il me soit permis de répondre à une observation qui pour ma part m’a frappé d’une manière fâcheuse. C’est la comparaison que l’on a cherché à établir entre le projet du sénat et même entre celui de la section centrale et les anciens règlements. Cette comparaison est véritablement dénuée de toute espèce de fondement.

Je ferai remarquer d’abord que sous l’ancien gouvernement dont on semble regretter les institutions bienfaisantes, nos communes n’étaient régies que par de simples règlements d'administration publique, que le gouvernement avait donnés et qu’il s’était réservé le droit de modifier comme il le jugeait convenable.

Sous l’empire de ces règlements la nomination des échevins a toujours été accordée au gouvernement. D’après les premiers règlements les échevins étaient nommés par le Roi, sur présentation de candidats ; dans les seconds, sans présentation, et ceci dans les villes qui avaient cependant les règlements les plus libéraux.

Quelle fut l’application des règlements de 1817 ? Le roi fit la première nomination des bourgmestres, des échevins et des conseillers municipaux dans toutes nos villes, et cela directement, sans présentation ni élection. La durée du mandat de ces fonctionnaires devait être de 6 années ; mais les échevins sont sortis par moitié la 2ème, la 4ème année, et le bourgmestre la 6ème. Mais il se trouvait précisément que la 6ème année correspondait à l’année 1824.

Il se trouve donc que dans toutes les communes ces règlements n’ont pas reçu d’exécution quant aux bourgmestres. Pour les échevins voici comment ils ont été mis à exécution. C’était la deuxième année qu’une partie des échevins devait être nommée sur présentation de candidats par le conseil. Mais ces présentations se faisaient par un conseil qui avait été nommé directement par le Roi. Le renouvellement de ce conseil ne devait se faire que par des électeurs nommés par le Roi ; car, aux termes de la loi fondamentale, la première formation des collèges électoraux appartenait au pouvoir exécutif ; de telle sorte qu’il est vrai de dire que non seulement la première nomination des échevins a été faite par le Roi, mais aussi que la seconde élection a été faite indirectement par lui, puisqu’elle à été faite par un corps émané de lui.

Tels étaient les règlements dont on a fait un si pompeux éloge. Ils durèrent exactement 6 années et furent remplacés en 1824 par d’autres qui déclarèrent que les conseillers municipaux étaient élus à vie. La première nomination se fit par le Roi : les échevins furent également nommés par lui, pour le terme de 6 années. Au bout de ces 6 années, ils devaient être renouvelés. Mais pensez-vous qu’à l’occasion du renouvellement des échevins, les électeurs aient pu exercer leur action sur la nomination des nouveaux échevins ? Si les échevins sortants convenaient au gouvernement, il les renommait de nouveau parce que, comme conseillers municipaux, ils étaient nommés à vie. Comme vous le voyez, ces deux règlements ne peuvent supporter aucune espèce de comparaison sous le rapport des principes libéraux avec le projet du sénat.

Mais, dit-on, ces derniers règlements furent critiqués ! Ils excitèrent des plaintes sous le rapport que le gouvernement s’était réservé une deuxième fois la nomination directe des conseillers municipaux ; que le gouvernement avait déclaré inhabile à l’exercice des fonctions municipales tout fonctionnaire démissionné par lui sans mention que la démission était honorable. Voilà les principaux griefs élevés contre ces règlements. Mais ce n’était nullement parce que le roi avait la nomination des échevins. Il ne venait alors à l’idée de personne que la nomination des échevins n’appartînt au roi.

M. Gendebien. - Il y a eu une révolution depuis.

M. F. de Mérode. - Cela ne fait rien à la question qui nous occupe.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’aborde la question constitutionnelle. L’on dit : La constitution proclame le principe de l’élection directe, sauf les exceptions établies par la loi à l’égard des chefs des administrations communales et des commissaires près des conseils provinciaux. Or, comme il ne peut y avoir qu’un seul chef pour chaque commune, il est certain que les échevins doivent être élus directement par le peuple.

Je demanderai où l’on a trouvé que, dans une administration communale, il ne peut y avoir qu’un seul chef. Je prendrai l’exemple des républiques, puisque c’est une organisation républicaine que l’on veut donner à la commune. Il y a des républiques qui ont à leur tête un président, ou bien trois consuls ou un directoire. Les trois consuls, les cinq membres du directoire ne sont-ils pas aussi bien les chefs de l’Etat que le président ? Ce n’est donc qu’une question de mots.

Comme l’a très bien dit l’honorable M. Fallon la question de nomination des échevins dépend de la question des attributions. Donnez-vous aux échevins le pouvoir exécutif comme aux bourgmestres ? Ils sont chefs des communes tout aussi bien que les bourgmestres. Il s’agit de savoir si les échevins dans leurs attributions ont ou n’ont pas la qualité de chefs de l’administration communale.

S’il pouvait subsister le moindre doute à cet égard, j’en appellerais au compte rendu des séances du congrès dans deux journaux rédigés par des membres du congrès.

Le Courrier Belge rapporte que M. Jottrand, son propriétaire, avait proposé un amendement qui exceptait le bourgmestre de l’élection directe, que j’en avais présenté un autre qui étendait l’exception aux échevins, et que M. Lebeau en avait soumis un qui rentrait dans le mien et auquel je m’étais rallié. Son amendement rendait parfaitement ma pensée.

Car dans ma proposition je préjugeais l’existence d’un collège des bourgmestre et échevins. C’est ce qu’il était dangereux de faire ; il valait mieux se servir d’une acception générale qui ne préjugeait rien.

Si l’on pouvait croire que l’intention de M. Lebeau n’était pas de remplacer par les mots chefs des administrations communales ceux de bourgmestres et échevins, il suffirait de chercher l’expression de sa pensée dans le Journal de Flandres qui appartenait alors à un membre du congrès et dont le compte-rendu était, comme on le sait, recueilli dans cette enceinte.

Voici ce que dit de l’opinion M. de Stassart :

« Je partage l’opinion émise par M. de Theux. Je pense comme lui que le choix du bourgmestre et des assesseurs doit appartenir au pouvoir exécutif ; mais je voudrais qu’ils fissent partie des conseils communaux. »

Voici ce que dit M. Lebeau :

« Il combat la proposition. Il pense que si l’on fait borner le choix du pouvoir exécutif aux simples conseillers municipaux, l’on pourrait bien, dans certains cas, ne trouver personne, parce que les uns n’accepteraient pas, ou que les autres pourraient être incapables. »

Vous avez par là l’explication claire et précise de la pensée de M. Lebeau telle qu’il l’a développée. Il est incontestable que le congrès avait excepté de l’élection le pouvoir exécutif de la commune.

D’ailleurs, ainsi qu’on l’a déjà dit plusieurs fois, quelle nécessité y a-t-il qu’il y ait des échevins ? En quoi le mode de leur nomination pourrait-il blesser la constitution puisque leur existence n’est pas prévue par la constitution ? Rien n’empêcherait que l’on résumât le pouvoir exécutif de la commune dans la personne du bourgmestre, d’un maire. Ce que vous pourriez accorder à un seul, vous ne pourriez pas l’accorder à plusieurs ! La conséquence n’est pas admissible. Il est de la dernière évidence que la constitution ne lie en aucune manière la législature.

Venons-en maintenant aux conséquences du système que nous combattons. Qu’en résulterait-il si le bourgmestre était nommé par le Roi, et les échevins par l’élection directe ? Il en résulterait dans une foule de communes des luttes électorales, des luttes de parti pour créer dans le sein du pouvoir exécutif une source de discordes. Voilà l’effet tout naturel de cette disposition.

Dès lors, comme je disais en commençant, on n’aura rien gagné à attribuer au Roi la nomination du bourgmestre. Il résultera de cette disposition qui consacre une différence d’origine, une désunion dans le pouvoir exécutif qui le paralysera complètement. Dès lors vous perdrez l’avantage si précieux d’une bonne administration communale, qui est peut-être le plus grand bienfait du régime constitutionnel qui a pris naissance en 89. Je crois donc que si vous conservez l’élection directe des échevins, à côté de la nomination du bourgmestre par le Roi, vous perdrez radicalement l’administration communale.

Je demande d’ailleurs ce que représenteront les échevins placés dans cette position ? Seront-ils les délégués du gouvernement ? En aucune manière : puisque le gouvernement n’aura pas pris part à leur nomination, de quel droit participeraient-ils à des mesures d’administration générale ? Seront-ils les délégués du conseil, chargés d’exécuter les décisions du conseil ? Mais le conseil ne les reconnaît pas. Il s’agit d’un être qu’il est impossible de définir, bizarrement composé et placé dans une position qu’on ne peut définir.

J’en viens au deuxième système, la nomination des échevins par le conseil. J’envisage ce système sous deux rapports, soit que les échevins concourent avec le bourgmestre à exercer le pouvoir exécutif dans la commune, soit qu’ils n’y concourent pas.

Car, il faut bien le remarquer, les défenseurs de ce nouveau système sont partagés d’opinion quant aux attributions qu’ils veulent donner aux échevins.

L’honorable député de Namur exclut les échevins du pouvoir exécutif ; l’honorable député de Bruges pense qu’il faut de toute nécessité que les échevins concourent avec le bourgmestre dans l’exercice de ce pouvoir ; et l’opinion de l’honorable député de Bruges est partagée par bon nombre des défenseurs de ce nouveau système ; et le système de l’honorable député de Bruges pourra fort bien triompher si tant est que vous admettiez la nomination des échevins par le conseil

J’en viens donc à la première supposition que les échevins dussent concourir avec le bourgmestre au pouvoir exécutif. Je le demande, qui de vous, dans une telle position, voudra exercer les fonctions de bourgmestre ? Il se trouvera placé à côté d’hommes qui auront une délégation tout immédiate des électeurs comme membres du conseil communal, et ensuite du conseil communal comme échevins ; le pouvoir du bourgmestre ne se trouvera-t-il pas ainsi annihilé ? Les échevins reposant d’une part sur l’élection directe et d’autre part sur le conseil ne paralyseraient-ils pas complètement le bourgmestre ? Dès lors le bourgmestre ne sera-t-il pas bien loin d’être le chef de l’administration communale ? Ne sera-t-il pas au-dessous du dernier membre du collège ? Doter le pays d’une telle organisation, n’est-ce pas une véritable calamité !

Mais je suppose qu’on veuille, ainsi que l’a proposé un honorable député de Bruxelles, charger le bourgmestre du pouvoir exécutif en ce qui concerne l’administration générale, et lui adjoindre les échevins pour ce pouvoir exécutif en ce qui concerne l’administration communale (c’est là une troisième nuance ; car l’honorable député de Namur exclut totalement les échevins du pouvoir exécutif) ; dans cette position le bourgmestre sera considéré comme une espèce d’intrus en ce qui concerne l’administration communale, à côté des échevins. Il faudra donc dans ce système créer deux pouvoirs exécutifs, l’un nommé par le conseil pour les affaires de la commune, et un commissaire du gouvernement pour les affaires d’administration. Si on admet ce système, si le bourgmestre ne doit pas se mêler des affaires de la commune, évidemment il se trouve dans une position très fausse.

Mais je le demande, de quelle manière définira-t-on avec beaucoup de précision ce qui concerne l’administration locale et ce qui concerne l’administration générale ? L’embarras ne sera pas petit sur ce point ; car cela se confond souvent, et c’est un obstacle insurmontable à la création de ce système.

Maintenant l’honorable député de Namur a proposé de ces nouveaux systèmes le plus rationnel, c’est-à-dire une organisation à l’instar de l’organisation provinciale. Dans ce système les échevins comme la députation provinciale n’auraient aucune part au pouvoir exécutif ; le bourgmestre seul serait chargé d’exécuter les décisions du conseil et du collège, comme il exécuterait toutes les dispositions d’administration générale.

Mais, dans ce système, le bourgmestre ne pourrait pas à lui seul exercer le pouvoir exécutif. Dans toutes les communes un peu populeuses, il est impossible que le bourgmestre suffise à tous les détails.

Maintenant, comment fera le bourgmestre placé dans cette position ? Il faudra donc lui donner des adjoints. Ces adjoints devront par une conséquence de leur position être nommés de la même manière que le bourgmestre. Ainsi il y aura d’abord un conseil communal, ensuite une députation du conseil communal, en troisième lieu un bourgmestre, en quatrième lieu enfin les adjoints du bourgmestre. Voilà ce qu’il faudra pour que l’organisation communale soit en parfaite harmonie avec l’organisation provinciale, où il y a un conseil provincial, une députation, un gouverneur et des commissaires de district qui le suppléent là où il ne peut pas suffire. Voilà où vous conduira ce nouveau système.

Ce système n’a pas d’antécédents dans l’administration municipale. C’est un système neuf dont on veut faire l’essai. Quels avantages en espère-t-on ? Serait-il plus libéral que celui dont le pays à été doté depuis 1817 ? Evidemment non. Car qu’y a-t-il de plus libéral que d’avoir trois ou cinq citoyens les plus notables de la commune qui délibèrent sur ses intérêts ? Pourquoi priverait-on le pays d’un système auquel il est habitué pour lui appliquer un système neuf et qui entraînerait bien des inconvénients ? Certainement, je ne pense pas qu’en adoptant un tel système on rendît service au pays ; bien loin de là. Mais pour que le collège de régence administre, il faut nécessairement que les pouvoirs de tous ses membres émanent de la même source.

Maintenant les échevins seront-ils nommés par le Roi sans présentation, ou sur présentation de candidats ? Ces systèmes ont été longuement discutés au premier vote.

Plusieurs votes ont été émis dans la chambre ; d’abord on a déclaré la question de principe, on a décidé que le Roi interviendrait dans la nomination des échevins ; cela a été décidé par une majorité de 35 voix contre 27. Ensuite on a décidé à la majorité de 33 contre 27 qu’ils seraient nommés sur présentation du conseil.

En dernier lieu, on est revenu sur ces deux décisions solennelles, pour ainsi dire, sans discussion ; car c’est à la fin d’une séance que la résolution a été prise et sans que les orateurs qui voulaient prendre la parole aient pu le faire. Cette décision a été prise a la majorité de 5 voix. Des trois résolutions prises, celle-ci est évidemment la moins solennelle, puisqu’il y a eu une discussion bien moins longue, et que la majorité était moins forte.

En présence de cette décision, je trouve la décision du sénat prise a l’unanimité, moins deux membres qui voulaient l’élection directe. Dès lors n’y a-t-il pas un préjugé en faveur de la décision du sénat ? Elle a été prise après un examen spécial, sans aucune préoccupation, et avec un esprit de conciliation ; a tel point que le sénat s’est attaché à apporter le moins de modifications possible au projet, et seulement celles que l’intérêt général exigeait impérieusement.

Les motifs qui ont déterminé la résolution du sénat ont été que plus il y a d’harmonie dans la nomination des membre d’un même pouvoir, mieux ce pouvoir doit remplir sa mission.

Je crois d’ailleurs que la présentation de candidats amènerait souvent des dissensions entre les membres du conseil, alors que le conseil serait obligé de faire un choix parmi ses membres. Cependant, quoique je désire vivement que la chambre adopte en ce point la décision du sénat, parce que l’on trancherait ainsi la principale difficulté de la loi communale, je pense que si la chambre croyait devoir donner la préférence au système de la section centrale, ce vote n’établirait pas entre les deux chambres une division radicale.

Mais voyez ce qui arrivera si vous n’adoptez ni le système du sénat, ni celui de la section centrale. Comment sortirez-vous du labyrinthe dans lequel vous vous serez jetés ? Modifierez-vous les attributions ? Mais à cet égard il est vraisemblable que la chambre maintiendra le système qui a reçu sa sanction et qui a été adopté presque sans contradiction.

La chambre a montré tellement d’ombrage sur la question des attributions et a tellement manifesté le désir de conserver le collège des échevins dans sa pureté native, qu’une discussion très vive s’éleva par suite de la crainte qu’avaient quelques membres, que le gouvernement ne changeât les attributions. Cependant le gouvernement ne le voulait pas et il s’empressa de le déclarer.

Je rappellerai ce qui s’est passé dans la première discussion.

Un honorable député d’Hasselt présenta un système d’unité dans l’administration communale ; il proposa d’abandonner l’administration au bourgmestre seul ; mais cette proposition ne fut soutenue par personne, et cet honorable membre se trouva pour la défendre abandonné à lui seul. Dès lors, comment peut-on comprendre que l’on consente maintenant à changer les attributions ? N’a-t-on pas dit au deuxième vote que la question était préjugée, qu’il y avait une décision sur laquelle on ne pouvait plus revenir ?

Il ne faut pas vous faire illusion ; on maintiendra les attributions malgré vous. (Je parle aux membres qui veulent établir une distinction entre la nomination du bourgmestre et celle des échevins.) Je dis que ceux qui votent pour une distinction dans la nomination, quand on sera arrivé aux attributions, verront maintenir les attributions telles qu’elles sont. Dès lors il y aura ce résultat que nous serons sans loi communale pour un temps qu’il est impossible de prévoir.

Mais, dit-on, la chambre ne peut pas se déjuger. Je pose en fait que la chambre ne se déjuge pas en revenant au principe de sa première décision.

Comment les trois branches du pouvoir législatif pourront-elles se mettre d’accord, si aucune d’elles ne veut dévier de sa première résolution ? Il faudrait donc que le pouvoir législatif se composât d’une seule branche. Or, ce n’est pas ce que porte notre constitution ; elle a divisé le pouvoir législatif en trois branches pour qu’aucune de ces trois branches ne pût seule adapter au pays une loi qui ne conviendrait pas aux autres branches.

Dès lors, dans une question de cette nature, quand la constitution n’y fait aucun obstacle, rien de plus naturel qu’une concession qui amène une conciliation, et qui dote le pays d’une loi aussi importante et après laquelle il aspire vivement, quoi qu’on en dise.

(Moniteur belge n°130 du 10 mai 1835) M. Dubus. - Nous nous occupons, comme je le disais hier, d’organiser un des pouvoirs de l’Etat, le pouvoir communal. Dans les débats qui s’élèvent sur cette organisation deux intérêts sont en présence ; l’intérêt du peuple, de la liberté, et l’intérêt du pouvoir.

Aux termes de l’article 78 de la constitution, « le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la constitution et les lois particulières portées en vertu de la constitution même. » Le congrès a porté une grande attention à limiter la prérogative royale, mais dans l’article 78, il a ouvert une porte à l’extension indéfinie de cette prérogative royale. De là vient que ceux qui croient avoir la mission exclusive de soutenir dans cette enceinte la cause du pouvoir s’attachent par tous les moyens à étendre la prérogative royale dans l’organisation d’un pouvoir dont malheureusement, je le répète, le congrès n’a pas eu le temps de s’occuper.

S’il eût organisé lui-même les pouvoirs provincial et communal, les principes qui ont dirigé le vote de la constitution auraient également dirigé le vote de ces lois organiques. Mais aujourd’hui l’esprit est bien changé et l’on espère arriver à des complaisances, à des faiblesses que jamais on n’aurait obtenues du patriotique congrès. Je ne m’en prends pas au gouvernement, au ministère. Non ce n’est pas eux que je voudrais blâmer de ce que nous avons la douleur de voir se passer sous nos yeux.

Si les ministres sont comme nous les mandataires du peuple, ils ont à ce titre des collègues sur lesquels ils peuvent se reposer du soin de défendre les intérêts du peuple, les libertés publiques ; mais ils ont la mission de défendre à eux seuls et de faire étendre jusqu’à un certain point la prérogative royale. Comme ils sont seuls pour remplir ce mandat, ils réunissent tous leurs efforts pour défendre et pour étendre cette prérogative royale.

Mais nous dont le mandat se borne à défendre les intérêts et les libertés du peuple, nous n’avons pas à examiner ce que désire le ministère ; nous n’avons à prendre en considération que l’intérêt du peuple. Vous ne devez avoir en vue que les libertés dont le peuple jouit. Vous devez veiller à ce qu’il continue d’en jouir, à moins qu’il ne soit démontré que cette liberté est un mal qui entraîne des inconvénients graves.

Il est question du choix des échevins. Dans l’état actuel des choses, et depuis la révolution, ce choix appartient au peuple ; il considère ce droit comme une conquête de la révolution ; c’est une liberté qui lui est chère, et à laquelle il attache encore plus d’importance depuis que, par un vote qui a retenti dans le pays, vous l’avez récemment consacrée. Ce serait un grand mal, il y aurait du danger peut-être à la lui ravir aujourd’hui.

Il faudrait, ai-je dit, qu’elle donnât lieu à des inconvénients graves. M. le ministre, à mon grand étonnement, a dit que ces inconvénients graves existaient. Il a dit qu’en enlevant au peuple l’élection du bourgmestre, vous aviez détruit en partie la source des plaintes toujours croissantes auxquelles donne lieu la négligence des administrations communales. Il attribue cet état de choses à ce que les officiers municipaux sont élus par le peuple.

Pour répondre à M. le ministre, je n’ai besoin que d’opposer M. de Theux à M. le ministre de l’intérieur. Voici que disait M. de Theux à la fin de juillet 1834 :

« Il faut en convenir, les élections faites jusqu’à présent ont en général répondu aux intérêts des communes ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il y a bien des exceptions. »

Ainsi, que disait alors M. de Theux ? Qu’en général et à quelques exceptions prés, l’élection populaire avait porté de bons fruits et avait satisfait aux besoins des communes. Or, évidemment ce n’est pas d’après les exceptions, mais d’après les résultats généraux que vous devez vous décider, d’autant plus que ces exceptions tiennent aux imperfections de la loi, imperfections qui doivent être corrigées. Je crois que tout homme de bonne foi sera convaincu que par ces corrections on fera disparaître les inconvénients que l’on a signalés çà et là dans un petit nombre de localités.

S’il fallait pour quelques abus locaux et isolés enlever une liberté au peuple, je pose en fait qu’il n’y a pas une seule liberté inscrite dans la constitution que l’on ne pût considérer comme un mal, et qu’il ne fallût enlever. Je suppose que la constitution n’ait pas garanti la liberté de la presse, le gouvernement ne pourrait-il pas demander qu’elle fût détruite, comme ne donnant lieu à des inconvénients ? Ne pourrait-il pas dire que toutes nos libertés sont la source de graves abus et ainsi faire mettre en question toutes les libertés consacrées par la constitution !

Ici les abus peu nombreux que l’on a signalés disparaîtront devant les perfectionnements que vous introduirez dans la loi. Car au fond quelle législation communale peut mieux convenir au peuple belge que l’arrêté du gouvernement provisoire, peut mieux satisfaire l’esprit du peuple belge !

Lorsque cette question s’est présentée pour la première fois dans cette enceinte, je l’ai considérée comme décidée par le texte de la constitution. L’article 108 me paraît impliquer cette solution d’une manière invincible.

Je conserve encore l’opinion que la disposition de la constitution exclut toute intervention du pouvoir dans la nomination des échevins. D’après l’article 108, « les institutions provinciales et communales sont réglées par des lois. Ces lois consacrent l’application des principes suivant : 1° L’élection directe, sauf les exceptions que la loi peut établir à l’égard des chefs des administrations communales, et des commissaires du gouvernement près des conseils provinciaux. »

Ainsi, il faut que la loi consacre l’élection directe. L’élection, c’est la nomination par le peuple ; l’élection directe, c’est l’élection sans l’intervention du pouvoir. De ces mots : « élection directe, » il résulte que le peuple doit nommer sans l’intervention du pouvoir. Il y a exception seulement à l’égard des chefs des administrations communales.

Ici nous avons à examiner ce que l’on doit entendre par « les chefs des administrations communales, » et s’il est vrai que la constitution s’oppose à l’intervention du pouvoir dans la nomination des échevins. Qu’entend-on par les chefs des administrations communales ? Et d’abord que doit-on entendre par administration communale ? L’administration communale, est-ce le conseil, ou est-ce le collège ?

Un de mes honorables amis s’est attaché à démontrer que le collège était le corps qui administrait. Dans cette hypothèse il ne peut pas y avoir de doute que si on dit le chef, on ne dit pas le corps ; que si on dit le chef du collège, on ne dit pas le collège tout entier. Dans la thèse de mon honorable ami, il ne peut pas y avoir de doute.

Veut-on par ces mots « l’administration communale » entendre le conseil quoiqu’il n’administre pas ? Qu’on aille jusque-là et l’on trouvera que le chef est encore le bourgmestre seul ou plutôt qu’il n’en est que le président. Dans un conseil, il n’y a qu’un président et des conseillers il n’y a ni bourgmestre ni échevins. L’échevin est échevin comme faisant partie du collège, corps constitué comme délégué du conseil ; dans le conseil il n’est plus qu’un membre comme tous les autres, ayant voix délibérative comme les autres et sans prérogatives comme membre du conseil. Il n’y a, je le répète, qu’un président et des conseillers. La qualification de chef donnée à plusieurs individus implique que ces individus seraient placés au-dessus d’autres ; or le bourgmestre est seul placé au-dessus de tous : des échevins et des conseillers ; dans le collège il est évidemment au-dessus des échevins, dans le conseil il est évident qu’il n’y a qu’un chef.

Mais, dit M. le ministre de l’intérieur, les termes de la constitution n’impliquent-ils pas qu’il y aura plusieurs chefs dans l’administration communale ? Et cet état de choses est-il sans exemple ? Dans une république ne peut-il pas y avoir plusieurs chefs ? Sous le directoire, n’y eût il pas plusieurs chefs ? Tous les membres du directoire n’étaient-ils pas les chefs de la république ?

Il y a un double vice dans cette comparaison. D’abord les termes de la comparaison ne sont pas les mêmes, si vous mettez le mot république au singulier, et le mot chef au pluriel, alors que d’autre part le texte de la constitution porte deux pluriels : « les chefs des administrations communales. » Si la constitution disait « les chefs de l’administration communale, » comme vous dites « les chefs de la république, » il est certain qu’il y aurait alors plusieurs chefs dans une administration communale ; mais je le répète la constitution dit : « les chefs des administrations communales, » c’est-à-dire plusieurs chefs pour plusieurs administrations communales, et un seul chef pour une seule administration communale.

Il y a un autre vice dans cette comparaison. Les membres du directoire, si j’ai bon souvenir, étaient tous égaux ; ils présidaient à tour de rôle. Je comprends qu’alors on pût dire « les chefs, » lorsqu’on considérait les individus. Mais peut-on dire que le bourgmestre et les échevins soient égaux, soit dans le collège soit dans le conseil ? Je n’ai que cela à répondre pour faire voir combien l’exemple qu’a cité M. le ministre de l’intérieur est mal choisi et s’applique mal à la thèse qu’il soutient.

M. F. de Mérode. - Les trois consuls de la république française n’étaient-ils pas les chefs de cette république ? les bourgmestre et échevins ne sont-ils pas de même chefs de l’administration communale ?

M. Dubus. - Je soutiens que si au temps du consul Bonaparte, dont personne n’a perdu le souvenir, on eût dit : « Les chefs des républiques, » on aurait ainsi désigné pour la France le consul Bonaparte, et que personne ne se fût avisé de songer à ses collègues Cambacérès et Lebrun.

M. F. de Mérode. - Légalement, ils étaient chefs de la république.

M. Dubus. - On a dit qu’à l’époque où l’article a été voté, il y avait incertitude sur le système que suivrait le congrès ou la législature dans l’organisation communale. Mais parce qu’on était incertain sur le système auquel on s’arrêterait, cela ne tranche aucunement la question, et ne fournit aucun argument favorable à la thèse que soutient le gouvernement ; car, en employant l’expression de chef, la constitution nous oblige à examiner quelle organisation nous est soumise, et puisque évidemment, soit dans le collège, soit dans le conseil, il n’y a qu’un chef, nous ne pouvons admettre d’exception que pour ce chef.

Par ces mots « les chefs des administrations communales, » on a toujours entendu le bourgmestre seul.

La loi de 1817 sur la milice nationale contenait également cette expression ; elle disait que les chefs des administrations communales se réunissaient pour se concerter sur les dispositions relatives au contingent. De quelle manière a été exécutée cette disposition ? Les bourgmestres seuls se sont réunis au conseil ; et d’après les renseignements qui m’ont été donnés, il n’y a eu doute nulle part, parce que le bourgmestre est évidemment le seul chef de l’administration communale ; et personne n’a pensé que l’on dût réunir les collèges des bourgmestres et échevins des diverses communes pour s’occuper de l’objet dont il s’agit.

Je persiste donc à croire que le sens du n°1 de l’article 108 de la constitution ne présente pas de doute.

Y eût-il du doute, quel serait le parti que nous devrions prendre ? Un honorable membre de cette assemblée, qui n’est pas maintenant présent, vous l’a dit dans la première discussion ; dans le doute, vous devez vous abstenir. Vous devez prendre le parti qui dans aucune hypothèse ne peut porter atteinte à la constitution. Puisque la constitution semble partager l’assemblée en deux parties égales, que ceux qui sont de l’opinion que l’exception pourrait être étendue aux échevins craignent au moins de blesser les scrupules constitutionnels de l’autre moitié de l’assemblée. Un tel parti satisfera tout le monde en laissant la constitution intacte.

La question constitutionnelle n’existât-elle pas, je serais toujours d’avis de conserver au peuple l’élection directe des échevins, ; car je ne suis pas touché des raisons que l’on a données pour écarter ce mode de nomination.

Mon motif principal, c’est que le peuple est en possession du droit de nommer les échevins et que nous ne devons pas, nous mandataires du peuple, le dépouiller, sans que la nécessité en soit démontrée, d’un droit dont il jouit depuis la révolution.

Or, à mes yeux, cette nécessité n’est nullement démontrée ; je ne la trouve pas justifiée par les inconvénients toujours croissants qu’allègue M. le ministre de l’intérieur, alors, que cette assertion est en opposition avec celle qu’il émettait à la fin de juillet 1834. Je vois que l’ordre règne partout, que les lois sont partout exécutées ; et, je le répète, l’ordre et l’exécution des lois seront encore plus assurés, par suite des améliorations que vous avez introduites dans le système électoral et dans certaines autres parties de la loi.

Une autre raison encore, c’est l’argument tiré par un honorable membre de cette assemblée de ce que vous avez adopté relativement à l’organisation provinciale, non pas que je veuille que la commune soit organisée de la même manière que la province ; c’est là la thèse qu’a soutenue cet honorable membre ; mais je dis que vous devez admettre pour l’organisation communale des dispositions plus libérales que pour l’organisation provinciale. Cela me paraît de toute évidence.

En effet, les conseils provinciaux sont chargés de tout ce qui est d’intérêt provincial, les conseils communaux de tout ce qui est d’intérêt communal ; mais il faut faire une différence entre ces deux sortes d’intérêts.

Nos provinces sont presque toutes composées de 4 à 600 mille habitants. Les intérêts provinciaux ont en quelque sorte un caractère général, car ce sont les intérêts d’une agglomération considérable qui pourrait former un petit Etat. Dans la commune, au contraire, il s’agit d’intérêts plus spéciaux, il ne s’agit absolument que d’intérêts locaux. Il convient d’abord à la commune le soin de les régler.

Ainsi il est vrai de dire que l’argument à tirer de l’organisation provinciale est que si elle contient des dispositions libérales, l’organisation communale doit en contenir de plus libérales encore ; que là vous devez donner plus au peuple et moins au pouvoir. Voilà de quelle manière j’argumente de ce qui a été décidé relativement à l’organisation provinciale.

Une objection a été faite relativement aux attributions. J’hésite à entrer dans de cet argument, parce que la volonté de la chambre a été de séparer complètement une question de l’autre ; tel n’était pas mon avis ; mais je me soumets à la loi de la majorité, qui a voulu que la loi du personnel fût séparée et indépendante de celle des attributions. Cependant je dirai quelques mots sur cette question, ce sera pour faire remarquer qu’elle a beaucoup moins d’importance qu’on n’y attache, et que si on veut aller au fond des choses, les deux systèmes qu’on met en présence l’un de l’autre, par la manière dont on les formule, reviennent dans l’application à peu près au même système.

Je lirai sur ce point la rédaction présentée par le gouvernement et celle adoptée par la chambre ; et cela fera voir que réellement la question a très peu de portée. On veut effrayer l’assemblée avec les conséquences d’une loi d’attributions ; mais il n’y a rien là qui doive faire peur.

Voilà ce que portait la proposition de la section centrale : « Le collège des bourgmestre et échevins est chargé de toutes les lois et règlements qui requièrent son intervention ou dans lesquels le conseil est appelé à délibérer, ainsi que des dispositions exclusivement communales. Néanmoins, le bourgmestre agit seul pour tout ce qui a rapport à la publication et à l’exécution, dans la commune, des lois et règlements d’administration générale étrangers aux intérêts communaux, et pour lesquels l’intervention du conseil ou du collège n’est pas exigée, ainsi que pour tous les objets qui lui seront spécialement déférés par la loi. »

Voyons maintenant l’article 101 tel qu’il a été voté, voyons s’il diffère essentiellement de la proposition de la section centrale ; il est ainsi conçu :

« Art. 101. Les bourgmestre et échevins veillent à l’exécution immédiate des lois, ordonnances et arrêtés de l’administration générale, sauf le cas où la loi, l’ordonnance ou l’arrêté conférerait au bourgmestre seul le soin de l’exécution.

« Le collège peut, du consentement du bourgmestre, charger un ou plusieurs de ses membres de l’exécution des mesures dont la surveillance lui est confiée. »

Ainsi, toute la différence entre les deux articles, c’est que la règle de l’un devient l’exception dans l’autre, et que l’exception devient la règle. Mais dans la pratique cela revient à peu près au même, parce que l’autorité communale n’intervient comme agent que pour les lois où son intervention est appelée. Lorsque la loi appelle cette intervention, elle dit si c’est le bourgmestre ou le collège qui interviendra ; de sorte que la question devient oiseuse.

En veut-on un exemple ? Prenons la loi électorale : s’agit-il de réviser les listes, de prononcer sur les réclamations, elle appelle l’administration communale à le faire. S’agit-il d’adresser les cartes aux électeurs, ce qui n’est plus qu’une mesure d’exécution, c’est le chef de l’administration communale qui en est chargé. Ainsi, la loi électorale distingue entre l’administration communale et le chef de l’administration communale.

On vous a présenté, à la session dernière, une loi sur les émeutes. J’ai sous les yeux le passage du rapport rédigé par M. d’Huart sur cette loi. Soit que vous votiez la proposition de la section centrale, soit que vous votiez en définitive celle du premier vote, toujours on fera une distinction, on examinera ce qui est dans l’intérêt de l’Etat, ce qui est dans l’intérêt de la commune.

La question est oiseuse ; il y a certaines lois dont l’exécution appartient au collège tout entier, sans même que nous puissions, le voulussions-nous, la lui enlever. Ce sont les lois d’intérêt communal, puisque la constitution défère aux conseils communaux tout ce qui est d’intérêt communal. Précisément, par cette même raison, vous ne trouvez pas dans l’existence de ces lois un motif pour enlever au peuple la nomination du collège. Car la sphère d’action du collège se trouve restreinte dans ce qui appartenait jusque-là au conseil et ce serait comme délégation du conseil qu’il aurait le droit d’être chargé de ces intérêts.

Au nombre de ces lois, je citerai celles qui ont pour objet la police locale, je rappellerai une des attributions essentielles de l’administration communale qu’a proclamée la loi du 14 décembre 1789. (L’orateur donne lecture de l’article de la loi.) Non seulement d’après cette loi, mais d’après l’essence même du pouvoir municipal, cette prérogative lui appartient, et on peut dire même qu’elle n’en a jamais été séparée, cela lui appartient depuis la première formation des communes. Cette attribution, d’après la constitution, appartient au conseil et au collège seulement comme délégation du conseil. Vous ne pourriez donc trouver aucun motif pour donner au collège une autre origine qu’au conseil lui-même.

A cette occasion, je ne sais si je dois répondre à une objection reproduite par d’honorables membre qui consistent à dire qu’il faut absolument que le Roi nomme les échevins de toutes les communes du royaume parce que dans une commune au moins, sur un arrondissement rural, il y a un échevin qui fait les fonctions d’officier civil ; c’est une raison très faible, car il vaudrait mieux refuser à un échevin sur soixante de pareilles fonctions que de conférer au Roi, pour un motif aussi frivole, la nomination des échevins. Ce prétendu officier du ministère public n’a à s’occuper devant le tribunal de police que des contraventions aux lois qui intéressent la localité. Ce sont donc les attributions du pouvoir local. Il y a conséquence, loin qu’il y ait anomalie, dans le choix de cet officier municipal pour exercer les fonctions du ministère public.

Un motif qu’a fait valoir M. le ministre de l'intérieur, c’est que vous devez éviter, par tous les moyens possibles, qu’il y ait disparité d’origine entre le bourgmestre et les échevins ; car ils doivent, dit-il, toujours marcher d’accord.

Je ne sais jusqu’à quel point M. le ministre entend son système d’origine ; veut-il les mettre sur la même ligne, ou admet-il des différences ? Dans le premier cas, il faut mettre dans la loi un article qui dise que toutes les fois qu’on prendra le bourgmestre hors du conseil, on pourra aussi prendre les échevins hors du conseil ; sans cela, il y aura disparité d’origine.

Mais, dira M. le ministre, le bourgmestre, sauf des exceptions très rares, sera pris dans le sein du conseil. Il sera donc pris parmi les élus du peuple, et si le peuple a élu les échevins, il est évident qu’il y aura parité. S’il importe que le bourgmestre soit en harmonie avec les échevins, il importe aussi que le corps échevinal soit en harmonie avec le conseil ; or, si les échevins sont nommés par le peuple, je crois que cette harmonie existera et je dirai plus, nous avons la preuve qu’elle existe, sur un très petit nombre d’exceptions.

Un honorable membre de cette assemblée a reproduit un amendement qui a triomphé dans la section que j’ai eu l’honneur de présider, amendement auquel je me rallierais dans le cas ou la chambre n’admettrait pas l’élection directe par le peuple. Cet amendement consiste à faire choisir les échevins dans le conseil et par le conseil lui-même. Ce mode de nomination, je l’ai déjà dit, peut encore se concilier avec la constitution, en ce sens que les échevins ne seront plus considérés que comme une commission déléguée par le conseil.

Toute intervention du pouvoir royal est toujours inconstitutionnelle. Si vous considérez l’échevin comme membre du conseil seulement, il doit être l’élu du peuple, et l’intervention du Roi est exclue par la constitution.

Si vous le regardez comme une délégation du conseil, cette délégation même est un objet d’intérêt communal.

Rien n’intéresse de plus près le conseil que la nomination de la commission qui doit le représenter pour tous les actes d’administration journalière. Il est impossible que le conseil gère par lui-même. Ainsi de toute manière il faut exclure le pouvoir royal à peine d’inconstitutionnalité. Je m’arrêterai donc à ce système dans le cas où le premier serait écarté ; c’est-à-dire que si, à mon grand regret, la chambre revenait sur sa première décision, je voterais pour que les échevins soient nommés par le conseil et dans le conseil, et sans aucune intervention du Roi.

Je termine là mes observations. (La clôture ! la clôture ! la clôture !) J’ai supposé dans ce que j’ai dit que les amendements de MM. Jullien et Fallon étaient déposés.

M. le président. - Ces amendements ne sont pas tous déposés.

M. Milcamps. - Je demande la parole pour une explication qui me concerne.

L’honorable membre ayant mal rendu mes expressions et ma pensée en répondant à une objection que j’avais faite, je crois devoir les reproduire.

Je n’ai pas dit qu’il fallait conférer au Roi la nomination des échevins à cause qu’un échevin était ordinairement chargé des fonctions du ministère public ; j’ai seulement objecté que c’était ordinairement un échevin, qui remplissait dans les campagnes les fonctions de ministère public, et que d’après l’article 101 de la constitution le gouvernement nommait et révoquait ce fonctionnaire ; qu’en faisant nommer les échevins par les électeurs ou le conseil, on placerait le gouvernement dans la nécessité de créer des officiers du ministère public près de ces tribunaux.

M. Fleussu. - Mais il n’y a là rien de personnel. (La clôture ! la clôture ! la clôture !)

M. de Brouckere. - L’honorable M. Dubus a demandé si M. Fallon avait déposé son amendement ; je dirai que M. Fallon n’avait pas cru le moment venu de déposer sa proposition.

M. le président. - L’amendement de M. Dubus est déposé . Le voici :

« Les échevins sont élus directement par l’assemblée des électeurs de la commune. »

M. de Brouckere. - Ce qui m’a empêché de déposer mon amendement, c’est que j’ai cru que l’on ferait comme hier, qu’on adopterait un principe ; M. Dubus a formulé mon opinion, je n’en demande pas davantage.

M. le président. - L’amendement de M. Dubus est celui qui s’écarte le plus de la proposition du sénat. Il y a un autre amendement présenté par MM. Gendebien, Seron, de Robaulx ; il revient à celui de M. Dubus. Il y a ensuite l’amendement de M. Fallon. Le voici :

« Les échevins sont nommés par le conseil et pris parmi ses membres. »

- La chambre ferme la discussion.


Sur la demande de plusieurs membres on procède par appel nominal sur l’amendement de M. Dubus.

79 membres sont présents.

32 votent l’adoption.

47 votent le rejet.

3 s’abstiennent de prendre part à la délibération.

Ont voté pour l’adoption : MM. de Meer de Moorsel, de Puydt, de Robaulx, de Roo, Desmaisières, Desmet, Dewitte, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus, Dumont, Dumortier, Fleussu, Frison, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Liedts, Quirini, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rouppe, Seron, Trentesaux, Troye, Vandenwiele, Vergauwen, L. Vuylsteke.

Ont voté contre : MM. Bekaert, Berger, Bosquet, Brabant, Coghen, Coppieters, Cornet de Grez, Davignon, de Behr, de Laminne, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Renesse, Dechamps, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux, Eloy de Burdinne, Lardinois, Lebeau, Milcamps, Nothomb, Olislagers, Polfvliet, Raikem, Rogier, Schaetzen, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, Zoude

MM. Fallon, Legrelle et Vanderheyden se sont abstenus de voter.

M. Fallon. - Je me suis abstenu parce que je pense que le système que j’ai proposé est préférable à l’élection directe ; cependant, comme j’ignore quel sera le sort de mon amendement, je n’ai pas voulu m’opposer à l’adoption de celui de M. Dubus.

M. Legrelle. - Lors de la discussion qui a eu lieu au congrès sur l’objet qui nous occupe, je me souviens que j’avais proposé de laisser la décision de la question à la législature ; ma proposition a été rejetée. J’ai interrogé mes souvenirs relativement à la pensée du congrès, et dans le doute je me suis abstenu de voter, parce que je ne veux pas même involontairement violer la constitution que j’ai fait serment de suivre.

M. Vanderheyden. - Ne pouvant deviner quel sera devant les chambres renouvelées le sort de l’article 101 du projet de loi qui nous occupe, et ne sachant quelles seront les attributions des fonctionnaires qu’on a désignés jusqu’ici sous le nom d’échevins, ne pouvant baser mon vote sur une hypothèse qui pourrait ne pas se réaliser, je ne puis adopter aucun des systèmes en présence sur le mode d’élection et de nomination des échevins, dans l’incertitude surtout où je suis si je concourrai par mon vote à régler les attributions des administrateurs de la commune, dans le second fragment de la loi communale si malheureusement scindée.


M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Fallon.

- On procède à l’appel nominal sur la demande de plusieurs membres.

81 membres prennent part au vote.

1 seul s’abstient.

41 votent pour l’adoption.

40 votent contre.

En conséquence l’amendement de M. Fallon est adopté.

Ont voté pour l’adoption : MM. Bekaert, Brabant, Coghen, Corbisier, Dautrebande, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Meer de Moorsel, de Puydt, de Renesse, de Robaulx, de Roo, Dechamps, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus, Dumont, Dumortier, Fallon, Fleussu, Frison, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Liedts, Quirini, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rouppe, Seron, Trentesaux, Troye, Vandenwiele, Verdùssen, Vergauwen, L. Vuylsteke, Zoude.

Ont voté pour le rejet : MM. Berger, Bosquet, Coppieters, Cornet de Grez, Davignon, de Behr, de Brouckre, de Laminne, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Hane, Eloy de Burdinne, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Milcamps, Nothomb, Olislagers, Polfvliet, Raikem, Rogier, Schaetzen, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke.

M. Vanderheyden s’est abstenu pour les motifs qu’il a déjà énoncés.

- La séance est levée à 4 heures et demie.