(Moniteur belge n°78, du 19 mars 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.
M. Dechamps donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse. donne connaissance de la pièce suivante adressée à la chambre.
« La dame veuve Van Maekelberghe, maître de poste aux chevaux de Rousbrugghe demande une indemnité du chef des pertes annuelles qu’elle éprouve, étant obligée de nourrir deux postillons et huit chevaux sur une route stérile. »
- Cette pétition est renvoyée à la commission chargée d’en faire le rapport.
Le sénat informe la chambre par un message que dans sa séance d’hier il a adopté le projet de loi relatif à la taxe des barrières.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - M’étant entendu avec la commission sur les modifications qu’elle a cru devoir introduire dans le projet que j’ai eu l’honneur de soumettre à l’assemblée, je déclare me rallier au travail qu’elle a présenté.
M. Seron. - Messieurs, dans l’exposé des motifs de son projet de loi, M. le ministre de la guerre trouve inopportun de changer présentement les bases de la législation sur la milice. La proposition que j’aurai l’honneur de vous soumettre, n’a pas non plus pour objet d’y porter atteinte, puisqu’elle n’est que la modification d’une seule exception parmi tant d’autres que la loi a établies. Je vais dire mes motifs en peu de mots.
L’article 207 de l’ancienne loi fondamentale, inséré dans les lois sur la milice, est, par, cette raison, demeuré en vigueur bien que l’ancienne loi fondamentale n’existe plus. Il en résulte que les hommes mariés avant le premier janvier de l’année où doit se faire la levée de leur classe obtiennent une exemption provisoire qui, s’ils ne deviennent veufs, se continue d’année en année, pendant cinq ans, c’est-à-dire jusqu’à l’époque où ils cessent d’appartenir à l’armée de ligne pour entrer dans les rangs de la garde civique.
Avant la révolution, cette disposition n’avait donné lieu, que je sache, à aucun inconvénient ; mais depuis quatre ans, on en a étrangement abusé. Des hommes aveuglés par la peur, plus lâches que les lâches qui se mutilent, ont imaginé le moyen de se soustraire à l’obligation de défendre la patrie. Ils ne rougissent pas de simuler des mariages avec des femmes de 75 à 80 ans. Moins âgées, elles ne leur conviendraient point. Il leur importe qu’elles ne vivent pas au-delà du terme où ils seront libérés de la milice. Alors ils contracteront avec d’autres des unions sérieuses.
En attendent, ils se moquent des miliciens qui ont la simplicité de ne pas faire comme eux ; ils continuent à demeurer et à vivre chez leurs père et mère, séparés de leurs prétendues épouses, se félicitant de ce qu’elles leur coûtent infiniment moins cher qu’un remplaçant ; car ordinairement ils ne les achètent que dix francs, payés au moment de la célébration de ce prétendu mariage. Voilà ce qu’on a vu à Cerfontaine, à Soumois, à Pesche, à Gourieux, communes de la province de Namur, à Erpion, commune de la province du Hainaut.
En exposant ces faits à la chambre, lors de la discussion générale du budget de l’intérieur pour l’année 1833, j’ajoutais : « Le mal est contagieux ; il se perpétuera par l’impunité dans les communes que je cite. Il gagnera de proche en proche ; il est nécessaire, il est urgent de l’arrêter. » M. le ministre de l'intérieur promit alors de porter remède à l’abus que je signalais, mais il n’en fit rien. Ainsi, ce que j’avais prévu est arrivé. Il y a quelques jours, M. de Robaulx, mon honorable aussi, vous en a fourni la preuve par de nouveaux faits sur lesquels il a appelé votre attention et qui se sont passés pour ainsi dire sous ses yeux.
J’ai entendu dire : « Ceux qui simulent de pareils mariages en sont bien punis ; des femmes de 80 ans dans l’état de mendicité sont pour eux une terrible charge. », Mais on se trompe. Pauvres eux-mêmes pour la plupart, ils ne les nourrissent pas, ils ne sauraient les nourrir ; elles emploieraient, inutilement contre eux, les voies légales pour les y contraindre.
M. le ministre de la guerre prétend que les cas d’exemption à cause du mariage sont rares, qu’il ne s’en est trouvé que 59 dans les trois classes de 1832, 1833 et 1834. Mais si l’on inférait de là l’inutilité d’une disposition tendante à arrêter l’abus sur lequel j’appelle votre attention, il faudrait, par la même raison, supprimer la disposition de l’article 207 de l’ancienne loi fondamentale : car, en Belgique, les véritables mariages des jeunes gens de 18 à 19 ans sont peut-être plus rares encore que les mariages simulés.
Par respect pour les principes, je veux que cet article continue de subsister ; je désire même qu’aucune poursuite ne soit exercée contre ceux qui en ont abusé jusqu’ici, car les tribunaux n’ont déjà que trop de crimes impunis. Mais si, afin de multiplier les chrétiens et les citoyens, la loi doit favoriser le mariage, elle doit aussi empêcher les unions simulées, stériles, dérisoires, contraires à la morale publique et à la religion, de nature à augmenter le libertinage et le nombre des bâtards que l’Etat ne veut pas nourrir et que vous laissez à la charge des communes ; elle doit s’opposer à ce que celui-là jouisse du bénéfice de ses dispositions qui en abuse et qui s’en joue.
Ce but, me semble-t-il, serait atteint si vous adoptiez mon amendement que voici :
« A l’avenir les hommes mariée avant le 1er janvier de l’année à laquelle leur classe appartient, n’obtiendront plus l’exemption de service si le mariage est contracté avec une femme âgée de plus de 40 ans. »
Avec cette précaution dans la loi, il n’y aurait plus de mariages simulés, et s’il en était contracté de réels où, par leur âge, les époux se trouvassent mal assortis, l’appel du mari sous les drapeaux offrirait peu d’inconvénients, car il ne laisserait pas à son domicile une nombreuse famille à nourrir, et sa femme, sans doute, serait capable de pourvoir elle-même à sa propre subsistance.
Quel que soit le sort de ma proposition, il était de mon devoir de vous la présenter. Si vous la rejetez aujourd’hui, ce sera un véritable ajournement, car vous sentirez plus tard la nécessité de la convertir en loi, Mais alors combien de nouveaux abus, de nouvelles injustices auront eu lieu ! Combien de jeunes gens auront payé à la patrie une dette qui n’était pas la leur et dont d’autres se seront déchargés par une fraude honteuse et coupable !
M. d'Hoffschmidt. - Il n’y a pas, selon moi, de plus mauvais système en fait de législation que celui qui consiste à modifier partiellement les lois, car ce système finira indubitablement à en rendre l’application excessivement difficile, et ce vice est surtout à craindre pour les lois sur la milice qui intéressent si vivement les pères de famille de toutes les classes. D’ailleurs les autorités locales de chaque commune sont appelées à les appliquer à chaque instant relativement aux certificats d’exemption à délivrer ; aussi il serait à désirer que la législature pût s’occuper une bonne fois de réviser entièrement la législation sur cette matière sur laquelle nous avons déjà quatre lois anciennes, une foule d’arrêtés et d’instructions ministérielles, sans y comprendre les modifications que les chambres y ont déjà apportées et qu’elle va encore discuter. J’eusse donc voulu que le projet actuel se bornât aux mesures indispensables, à cause des circonstances, pour faciliter le remplacement devenu fort difficile par suite de ce que les anciennes classes de miliciens ne peuvent obtenir de congé définitif.
Cependant je dois convenir que les exemptions proposées en faveur des frères de ceux qui ont combattu pour notre indépendance sont de la plus rigoureuse justice, et sans doute chacun de nous l’approuvera, car il est bien juste que ceux qui ont perdu leurs frères dans les combats qu’ils ont livrés pour conquérir nos libertés, jouissent de la même exemption que celle accordée aux frères de ceux qui ont servi dans l’armée.
Mais l’honorable M. Seron vient de présenter une autre modification aux lois sur la milice. Je ne sais si c’est bien le moment ; quoi qu’il en soit si vous adoptez son amendement, je ne crois qu’il n’y a pas de raison pour borner là les améliorations que nous pouvons apporter à ces lois, et dans ce cas, je proposerai aussi un amendement tendant à faire disparaître une exemption que je considère dans bien des cas comme très injustement accordée.
Je veux parler de celle dont jouissent les enfants uniques. Je la trouve injuste, parce qu’elle s’applique aux enfants uniques des familles riches comme à ceux des enfants pauvres, de sorte qu’il en résulte, comme vous l’aurez sans doute tous pu remarquer dans les communes, que le fils d’un pauvre artisan, qui en a presque toujours un très grand besoin pour l’aider à nourrir et élever sa famille, doit prendre, comme soldat, la place d’un fils de riche propriétaire ou rentier par cela seul que ce fils est enfant unique.
Je voudrais ne voir maintenir cette exemption qu’en faveur des enfants uniques dont les parents n’ont pas les moyens de pouvoir faire remplacer ce seul enfant qui leur est dans ce cas indispensable sous tous les rapports, et quant à ceux qui ont de la fortune, qu’ils se fassent remplacer ; ceux-là n’ont droit à aucun privilège.
Si donc il est introduit dans la loi en discussion d’autres modifications contenues dans le projet, je présenterai, lors de la discussion des articles, un amendement tendant à ce que les enfants uniques ne soient plus exempts de la milice que lorsqu’ils n’auront pas les moyens de se faire remplacer.
- La discussion générale est fermée.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article premier du projet de la commission, ainsi conçu :
« L’article 22 de la loi du 27 avril 1820, l’article 10 du décret contenant l’organisation du premier ban de la garde civique, du 18 janvier 1831, et les articles 24 et 25 de la loi du 22 juin suivant, sont applicables au frère : 1° de celui qui a été tué dans les combats soutenus pour l’indépendance de la Belgique ; 2° de celui qui, dans les mêmes combats, a reçu des blessures pour lesquelles il a obtenu une pension, et qui donnent droit à la réforme d’après les règlements militaires.
« Le frère de celui qui a été tué en justifiera par la production : 1° d’un extrait de l’acte de décès ; 2° d’un brevet de la pension accordée aux parents ; et pour le cas où la famille ne jouirait d’aucune pension, au moyen d’un certificat délivré par le ministre de l’intérieur, constatant que le frère est mort en combattant pour l’indépendance nationale.
« La preuve des blessures se fera par la production du brevet de la pension accordée au blessé. Ce dernier devra toujours se présenter en personne devant le conseil de milice, qui statuera sur la gravité des blessures. »
M. Fleussu. - Messieurs, les observations présentées dans la discussion générale trouveraient mieux leur place dans une loi relative aux exemptions de la milice. Remarquez, messieurs, que c’est dénaturer la loi actuelle que de vouloir y insérer plusieurs cas d’exemption et réviser ainsi la loi en matière d’exemption de la milice. Le projet qui nous occupe tend à faciliter les substitutions et les remplacements, voilà le véritable but de la loi.
Nous n’avons pas à passer en revue les exemptions dont il serait convenable de diminuer la portée. Il ne s’agit, comme je l’ai dit, et dans le projet du gouvernement et dans celui de la commission, que de faciliter les substitutions et les remplacements.
Toutefois, il y a une seule exemption en faveur de ceux dont les frères ont été blessés ou tués dans les combats de l’indépendance nationale ; cette exception était commandée par la plus impérieuse nécessité. Elle était réclamée par la justice et l’équité. Il n’y avait pas moyen de retarder le bénéfice de cette exemption. Pour les autres, elles sont moins urgentes.
L’honorable M. d’Hoffschmidt a présenté un amendement. L’honorable M. Seron en a présenté un autre que je n’appuierai pas. L’expérience indiquera peut-être des abus autres que ceux que les honorables membres ont voulu prévenir. C’est lors de la révision des lois sur la milice que ces modifications trouveront leur place.
L’honorable M. Seron a signalé un abus qui semble même favorisé par la loi. Je ne sais où nous trouverons un remède à cet abus, qui ne se fait remarquer que dans une partie de la Belgique, dans la partie qu’habite l’honorable M. Seron.
M. Seron. - C’est dans le Hainaut.
M. Fleussu. - Je sais que vers la fin de l’empire français cet abus se renouvelait fréquemment ; mais l’empereur qui ne se souciait pas d’observer les lois quand il avait besoin d’hommes, déclara que ces mariages n’exempteraient pas les conscrits. Je ne pense pas que nous puissions en agir de même.
Je trouve l’amendement de M. Seron contraire à l’ordre public. Il gênerait la liberté du mariage. Sans doute, quand les jeunes gens de 28 ans, que la milice va atteindre, épouseront des femmes de 50 ans, il y a lieu de présumer que c’est pour se soustraire aux lois de la milice qu’ils ont contracté cette union. Mais après tout, n’est-il pas possible que des mariages d’inclination se fissent entre des personnes d’un âge aussi disparate (Hilarité.) Ce serait contraire à l’ordre public que d’empêcher de semblables unions. Il me semble que le remède proposé par l’honorable M. Seron présenterait des abus plus graves que le mal qu’il veut détruire.
Je terminerai par une remarque sur la rédaction de l’article premier. Il y a une redondance entre la fin du premier paragraphe et la disposition du dernier paragraphe.
Il est dit :
« 1° De celui qui dans les mêmes combats a reçu des blessures pour lesquelles il a obtenu une pension. »
« Et dans le dernier paragraphe l’on exige l’exhibition du brevet de la pension accordée au blessé. Les mots pour lesquelles il a obtenu une pension, la commission les avait effacés. Je ne sais comment il se fait qu’ils se trouvent reproduits ici.
M. Jullien. - Quoique M. le ministre de la guerre se soit rallié à la rédaction de la commission, je vous avoue que quant à moi je préférerais de beaucoup l’article premier tel qu’il a été conçu par le gouvernement à celui que la commission a cru devoir lui substituer.
Voici les raisons que j’aurai l’honneur de vous donner à l’appui de cette opinion.
Comme on vous l’a dit, la loi a pour objet de faciliter les substitutions et les remplacements. Il me semble que d’après l’article premier du projet de loi du gouvernement, il y avait un système beaucoup plus large que celui qui a été depuis admis par la commission.
Veuillez avoir la complaisance de comparer surtout la fin de l’article premier du projet du gouvernement avec la fin du premier paragraphe présenté par la commission.
Voici l’article premier du projet primitif :
« L’article 22 de la loi du 27 avril 1820 est applicable au frère de celui qui, dans les combats soutenus pour l’indépendance de la Belgique, a été tué on a reçu des blessures qui, d’après les règlements militaires, donnent droit la réforme ou a la pension. »
Vous voyez que par cet article, pour avoir droit à l’exemption, il faut que le frère du milicien ait été tué ou ait reçu des blessures qui, d’après les règlements militaires donnent droit à la réforme ou à la pension.
Mais, dans l’article premier de la commission, il faut que le père du milicien ait été tué ou ait reçu des blessures pour lesquelles il ait obtenu une pension et qui donnent droit à la réforme d’après les règlements militaires.
Ici, il y a deux conditions imposées au milicien ; dans le projet du gouvernement, on pouvait présenter l’une ou l’autre des alternatives. Ainsi, si le frère blessé dans les combats de l’indépendance n’a pas reçu de pension, l’on pourra refuser à son frère le droit d’exemption du service de la milice. Mais il est très possible que celui qui a été en instance pour obtenir une pension ne l’ait pas obtenue.
Le gouvernement plus large dans son système, voulait que le frère du milicien eût reçu des blessures qui lui donnassent des droits à la pension ou à la réforme. Il en résulte que l’article premier du projet de la commission tend à restreindre la portée de l’article premier du projet du gouvernement qui, comme vous le voyez, est très simple et très clair. La commission, a voulu, à côté du principe, poser les moyens d’exécution, et elle a inséré dans la loi des dispositions purement réglementaires qui n’auraient pas dû s’y trouver et qui allongeront singulièrement le premier article de son projet.
Il ne suffira pas, à ce qu’il paraît, de justifier que l’on a eu un frère tué ou blessé dans la guerre de l’indépendance. Il faut présenter le brevet de sa pension accordé à l’individu ou à ses parents. Il me semble qu’il n’y a pas de meilleur moyen de justifier un décès que de présenter l’acte du décès. Si la famille n’avait pas obtenu de pension, il serait impossible d’exhiber un brevet de pension.
Peut-être la commission a-t-elle voulu dire qu’à défaut d’acte de décès il suffira d’exhiber un brevet de pension.
M. Fleussu. - Non ! non !
M. Jullien. - Ce sont des observations que je présente à la chambre. Les membres de la commission voudront bien me dire si ma supposition est fondée.
L’article premier présenté par la commission est un véritable règlement. Celui du gouvernement dont j’ai déjà donné lecture valait bien mieux.
Lorsque l’on aura eu un frère tué en combattant pour l’indépendance nationale, il faudra prouver le décès, c’est tout ce que la loi peut exiger. A quoi bon dire dans la loi que la preuve du décès s’établira de telle ou de telle manière ? Cela est inutile, cela est oiseux dans une loi.
On veut que la preuve des blessures s’établisse par l’exhibition du brevet de pension. Mais je ne sais pas jusqu’à quel point le brevet de pension pourra démontrer la gravité des blessures. On dit que le blessé devra se présenter en personne devant le conseil. Mais c’est, je le répète, une disposition toute réglementaire qui ne devrait pas exister dans la loi.
Sauf les explications qui nous seront probablement données par la commission, je déclare que si elles ne me paraissent pas satisfaisantes, je voterai contre l’article de la commission et que j’adopterai celui du gouvernement.
Je passe à l’amendement de l’honorable M. Seron. Comme on vous l’a déjà fait observer, cet amendement est de nature à soulever des questions infiniment graves. Il touche immédiatement à la liberté du mariage.
Remarquez bien que la loi que vous discutez a pour objet de faciliter les substitutions et les remplacements ; et vous iriez insérer une disposition dont le but est de déclarer qu’un milicien ne pourra pas, avant d’avoir satisfait aux lois de la milice, se marier à une femme de plus de 40 ans.
M. Seron. - Je ne m’oppose pas à ce que l’on se marie. L’on peut être à la fois milicien et marié.
M. Jullien. - Je comprends très bien maintenant l’amendement de l’honorable M. Seron. Il n’y a pas le moindre doute qu’il tend à gêner la liberté du mariage.
Si vous admettez que celui qui a épousé une femme de plus de 40 ans ne sera pas exempté du service de la milice, vous gênez la liberté du mariage, vous allez faire crier toutes les vieilles femmes du royaume. (Hilarité générale.)
Faites attention à une chose, c’est qu’il n’y a pas seulement que des miliciens pauvres qui contractent des mariages de la nature de ceux contre lesquels M. Seron s’élève. Il y a des fils de famille qui montrent un plus grand courage à affronter un mariage avec une vieille femme qu’à affronter les dangers de la guerre. (Hilarité.)
L’amendement de M. Seron atteindra aussi les riches.
M. Seron. - Pourquoi pas ?
M. Jullien. - Cet amendement touche donc intimement à la liberté du mariage. Il y a toujours du danger a introduire des innovations qui touchent aussi directement aux droits civils. C’est une question que je ne me permettrai pas de traiter avant d’avoir examiné mûrement la matière.
Je voterai contre l’amendement. D’ailleurs la chambre peut être tranquille sur les dangers de l’abus signalé par l’honorable M. Seron. M. le ministre de la guerre vous a démontré dans son rapport que ces cas sont rares depuis trois ans ; j’espère qu’ils diminueront tous les jours. Si le mal augmentait, il y aurait moyen d’y porter remède par une loi expresse. Je ne voterai jamais qu’avec une extrême circonspection les lois qui touchent au mariage et à la liberté civile.
M. de Brouckere. - Désirant traiter une question qui ne se rapporte pas à l’amendement de M. Seron, je demanderai à l’assemblée si elle ne désire pas épuiser tout ce qu’il y a à dire sur cet amendement avant d’entamer la discussion de l’article.
- Plusieurs membres. - L’amendement de M. Seron est un article additionnel.
M. Seron. - Il peut être placé à la tête ou à la queue de la loi.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - J’ai l’honneur de faire observer à l’assemblée que l’article premier du projet a pour objet de créer une nouvelle catégorie d’exemptions, tandis que l’amendement de M. Seron a pour but, au contraire, de restreindre une exemption déjà accordée par la loi. Il n’y a donc pas d’analogie dans le but de l’article et celui de l’amendement. Cet amendement devrait faire l’objet d’un article additionnel.
Il ne rentre pas dans les deux prévisions de la loi, qui sont d’exempter les frères de ceux qui ont été tués ou blessés en combattant pour l’indépendance nationale et d’étendre la faculté du remplacement et de la substitution.
M. Gendebien. - J’ai demandé la parole pour appuyer l’amendement de l’honorable M. Seron. Tout ce qui a été dit contre cette proposition ne m’a guère touché. Ce serait la chose du monde la plus facile que de mettre un terme à l’abus scandaleux qu’il a signalé et qui ne peut aller qu’en augmentant.
Si un abus aussi frauduleux (et je me sers à dessein de cette expression), si un abus aussi frauduleux n’est pas réprimé, vous accordez une prime à la fraude. Il est certain que des mariages de jeunes gens de 16 ans avec des femmes de 80 ne sont que des mariages frauduleux.
Je vais sous-amender la proposition de M. Seron, et j’espère qu’elle sera admise sous la forme nouvelle que je veux lui donner.
Il suffirait de retrancher l’article de la loi de 1817 copié d’après ce qu’a dit l’honorable M. Seron, de la loi fondamentale du royaume des Pays-Bas (article 207). Il n’y aurait qu’à retrancher de cet article les mots non mariés.
Je ne sais pas si la loi sur la milice ne fait que reproduire l’article 207 de l’ancienne constitution du pays. Je n’ai pas eu le temps de m’en assurer.
M. le président. - Les considérants de la loi sur la milice rapportent l’article 207 de la loi fondamentale, et l’article 49 porte : « Afin de pouvoir procéder au tirage au sort d’une manière régulière, tous les habitants, conformément à l’article 207 de la loi fondamentale, qui, au 1er janvier de chaque année, auront atteint leur dix-neuvième année sans avoir accompli leur vingt-troisième, feront inscrire, avant le 15 janvier, par l’administration de la commune où ils ont domicile, après y avoir été appelés par voie de publication. »
M. Gendebien. - Eh bien, il n’y a qu’à retrancher de cet article les mots conformément à l’article 207 de la constitution, et vous n’exemptez plus ceux qui se sont mariés avant l’époque fixée pour le tirage.
Qu’objecte-t-on à cet amendement ? On vous dit que vous allez gêner la liberté du mariage, que c’est contraire à la morale publique, que vous portez atteinte à la liberté individuelle. Je ne sais si la loi de la milice elle-même ne viole pas plus la liberté individuelle que le refus d’exempter ceux qui se sont mariés avant 19 ans révolus. En effet, est-ce que la loi sur la milice n’est pas un attentat à la liberté individuelle ? Si la constitution ne consacrait pas le recrutement de l’armée au moyen de la milice, vous législateurs, vous ne pourriez pas voter la levée d’un seul homme. Ce n’est que parce que la constitution vous a autorisés à pourvoir de cette manière au recrutement de l’armée, que vous pouvez le faire. Or, la constitution ne reproduit pas cette exception qui était consacrée par l’article 207 de l’ancienne loi fondamentale, et par cela seul que cette exception n’est pas reproduite dans la constitution, elle ne devrait plus paraître dans nos lois.
C’est à tort qu’on a invoqué les principes de la liberté individuelle, alors que la loi elle-même est une exception à ces principes. Si la constitution ne vous y autorisait pas, vous ne pourriez pas chaque année faire violence à douze mille citoyens que vous contraignez de marcher à droite ou à gauche, à la volonté du caporal jusqu’au colonel.
Je vous demande si quand vous contraignez chaque année douze mille hommes à marcher, vous ne pourriez pas empêcher quelques citoyens de se marier pour faire fraude à la loi. Ce serait absurde. Si vous avez le droit de faire marcher douze mille hommes, vous avez à plus forte raison celui de refuser une exemption à quelques-uns qui se marient pour imposer un fardeau plus lourd aux autres. Je ne vois rien que de très moral et tout à fait conforme à la liberté individuelle qu’une mesure de cette nature.
La mesure est morale, parce qu’elle tend à faire disparaître une immoralité résultant d’un contrat frauduleux. Ainsi, la morale est du côté de l’amendement de M. Seron, et uniquement de ce côté. Je crois que vous pouvez sans difficulté admettre cet amendement.
Mais, dit le ministre, il s’agit dans la loi d’introduire un nouveau cas d’exemption, et l’amendement ne tombe pas dans cette catégorie. Je ne sais pas pourquoi on ne pourrait pas aussi bien introduire dans cette loi une disposition qui retrancherait un motif d’exemption alors que nous le trouvons immoral. Loin de partager l’opinion juste en logique du ministre de la guerre, qu’on ne doive pas admettre la proposition de M. Seron, parce qu’elle a un but contraire à celui de la loi, je trouve dans cette proposition une compensation. La loi vous propose d’admettre un motif d’exemption de plus ; eh bien, par compensation, nous en retrancherons un autre qui en définitive est une injustice, et de plus une immoralité.
- Un membre. - Le ministre de la guerre propose de faire de l’amendement de M. Seron un article spécial.
M. Gendebien. - S’il en est ainsi, nous sommes d’accord.
Je n’abuserai pas plus longtemps de vos moments. Je me borne à répéter que c’est favoriser l’immoralité qu’ouvrir une porte à la fraude. Il suffit pour l’empêcher, de retrancher de l’article 49 de la loi sur la milice les mots : « conformément à l’article 207 de la constitution des Pays- Bas. »
M. Seron. - J’ai peu de chose à dire. D’abord sur les observations qui m’ont été faites par mes voisins, je crois devoir substituer l’âge de 50 ans à celui de 40. J’ai déjà fait observer que ma proposition n’avait rien de contraire à la liberté du mariage. Je n’empêche personne de se marier, seulement je veux que quand les mariages seront frauduleux, quand ils auront été contractés par un jeune homme de 18 à 19 ans avec une femme de 40 ou 50 ans, je veux, dis-je, que dans ce cas ils n’exemptent pas du service militaire.
On a dit aussi que ma proposition était contraire aux principes. J’avoue que je ne vois pas en quoi elle y soit contraire. L’abus qu’elle tend à faire cesser me paraît être plutôt contraire aux principes.
En effet, tout le monde doit servir son pays, et dans certains cas, mariés, célibataires ou veufs, tous peuvent être appelés à la défense de la patrie. Voilà le principe. L’article 207 de la constitution devenu l’article 49 de la loi sur la milice est une dérogation à ce principe. Je ne vois pas comment on dérogerait aux véritables principes en forçant à se rendre sous les drapeaux ceux qui font des mariages frauduleux pour se soustraire aux obligations que la loi leur impose. On ne ferait au contraire que restreindre une dérogation.
Je n’en dirai pas davantage. M. Gendebien a développé mieux que je ne pourrais le faire les observations que je me proposais de faire valoir.
M. Dubus. - Je ne m’attacherai pas à combattre l’article additionnel proposé par M. Seron. Je conviens que si nous nous occupions de la révision de la loi générale sur la milice, les arguments présentés par l’honorable auteur de l’amendement seraient de nature à faire adopter sa proposition. Mais je dois faire observer, ainsi que le ministre de la guerre, qu’il ne s’agit nullement ici de changer les dispositions existantes de la loi sur la milice.
Le ministre a senti avec votre commission qu’il serait peut-être dangereux de vouloir toucher maintenant à cette loi, d’abord parce que si on la révisait, elle devrait être modifiée dans beaucoup de ses dispositions. Il serait d’autant plus dangereux d’ajouter de nouvelles dispositions, que la loi doit être renvoyée au sénat, et que s’il plaisait au sénat d’y introduire d’autres modifications qu’il trouverait urgentes, il en résulterait que cette loi ne pourrait plus être applicable à la classe de 1835, qui vient de tirer au sort.
Le but de la loi n’est pas d’augmenter ni de diminuer les cas d’exemption, mais de faciliter les moyens de trouver des remplaçants, qui dans quelques provinces sont très rares parce que neuf classes sont en ce moment sous les armes.
Je prie la chambre d’avoir égard à ces considérations. Je prierai M. Seron de retirer son article additionnel, car il en amènera d’autres. Déjà M. d’Hoffschmidt en a présenté un qui est tout aussi fondé que le sien.
L’honorable M. d’Hoffschmidt a été frappé du vice et de l’injustice qu’une exemption présentait dans beaucoup de cas, celle des enfants uniques. On pourrait certainement modifier la disposition relative à cette exemption, de manière à la rendre plus équitable. Mais, je le répète, je ne crois pas que ce soit le moment de nous occuper des modifications à apporter à la loi sur la milice. Par ces raisons je voterai contre l’amendement de M. Seron que j’invite de nouveau à le retirer.
M. Legrelle. - M. le rapporteur vient de faire valoir les motifs que je croyais développer contre l’amendement de M. Seron. Cependant, je l’approuve en ce qu’il a pour but d’empêcher des mariages frauduleux comme l’a dit M. Gendebien. Mais je m’étonne que M. Gendebien, en paraissant appuyer l’amendement de M. Seron, fasse une autre proposition qui tend à empêcher tout mariage entre les jeunes gens qui n’auraient pas concouru au tirage pour la milice ; car, si nous retranchez de la loi sur la milice les mots « conformément à l’article 207 de la loi fondamentale, » il ne sera plus possible à un jeune homme, non seulement de contracter mariage avec une femme de 50 ans, mais un mariage quelconque, fût-ce même avec une femme de 18 ans.
M. Gendebien. - Pas du tout.
M. Legrelle. - A moins d’être exposé à servir comme milicien, quoique marié.
Je ne pense pas que ce soit là l’intention de M. Seron ni celle de la chambre.
M. Gendebien. - C’est la mienne.
M. Legrelle. - Ce serait restreindre la liberté du mariage, ce serait la violer. La liberté du mariage doit être protégée comme toute autre.
On objecte que la loi sur la milice est elle-même attentatoire à la liberté des citoyens. Mais la loi sur la milice est une loi de nécessité, de salut public ; je ne crois pas qu’on puisse l’assimiler avec les entraves qu’on voudrait apporter au mariage. Mais dans tous les cas, un attentat à la liberté n’en justifie pas un autre.
S’il a été indispensable de porter une atteinte à la liberté, ce n’est pas une raison pour en porter une autre dont on peut se dispenser.
- Quelques voix. - Oui ! Oui !
M. Legrelle. - Quel serait le résultat de la proposition de M. Gendebien ? Que des jeunes gens mariés ayant famille seraient obligés de marcher comme miliciens si leur numéro était appelé.
Je vois d’après les dispositions de la chambre qu’il est inutile que je m’étende davantage sur la proposition de M. Gendebien. Quant à celle de M. Seron je voterais pour son adoption si on pouvait l’insérer dans une loi qui a pour but de faciliter les remplacements. Je le prie de la retirer et de la présenter dans un autre moment, alors je l’adopterai de tout mon cœur.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il me semble qu’on confond deux choses essentiellement distinctes. Il n’est dans l’intention de personne de vouloir apporter des entraves à la liberté du mariage. Mais il s’agit de savoir quels sont les effets que le mariage doit produire. Il doit donner lieu à l’exemption dans tous les cas, ou seulement dans certains cas déterminés.
D’après l’article 207 de l’ancienne loi fondamentale, tous les habitants non mariés au 1er janvier de chaque année qui à cette époque auront atteint leur dix-neuvième année, sans avoir terminé leur vingt-troisième, concourent au tirage. Ceux qui étaient mariés étaient exemptés du service utilitaire. On avait fait de cette exemption une disposition constitutionnelle. Il devenait indispensable de rappeler cette disposition dans la loi sur la milice et d’accorder l’exemption consacrée par la constitution. Mais nous ne sommes plus liés par l’article 207 de l’ancienne loi fondamentale.
Il me semble que c’est une question très grave que celle de savoir s’il faut accorder l’exemption aux individus mariés avant leur dix-neuvième année, époque à laquelle ils sont appelés à prendre part au tirage au sort. Je ne pense pas qu’il faille encourager les mariages des jeunes gens, en accordant l’exemption du service de la milice à ceux qui se marient dans un âge aussi peu avancé.
L’amendement de M. Seron n’a d’autre but que de prévenir une fraude. Evidemment, c’est une fraude que les mariages qu’il vous a signalés. Des mariages aussi disproportionnés ne peuvent être contractés que pour se soustraire à l’obligation imposée par la loi. Sans cela, ces mariages n’auraient pas lieu. Dès lors je ne pense pas que cet amendement puisse rencontrer d’objection sérieuse. Tout ce qui se fait en fraude de la loi doit être nul.
La seule question à examiner, c’est celle de savoir s’il y opportunité ou urgence. L’honorable auteur de l’amendement a signalé quelques cas qui sont à sa connaissance ; mais d’autres membres ont déclare que rien de pareil n’avait été remarqué dans leur localité. Pour ma part, je ne me rappelle pas qu’un événement de cette nature ait eu lieu dans la province que j’habite. Je crois que la disposition en elle-même est bonne, utile, et je la considère comme morale. Si elle était mise aux voix, je me ferais un devoir de voter pour son adoption.
Quant à la proposition de M. Gendebien, qui tend à supprimer l’exemption pour tous les miliciens, même pour ceux qui n’auraient pas fait de mariage simulé et qui auraient contracté un mariage sérieux avant leur dix-neuvième année, je ne pense pas, dans le moment, me prononcer sur cette question, quoiqu’en principe je pense qu’on ne doit accorder de dispense à personne et que tout le monde doit remplir les devoirs imposés aux citoyens par la loi sur la milice.
M. de Brouckere. - Je partage l’opinion émise par M. le ministre des affaires étrangères, et je répète qu’il ne s’agit ici de gêner en rien la liberté du mariage comme l’a dit à plusieurs reprises M. Legrelle. Chacun sera libre de se marier quand il le voudra, mais la question est de savoir si celui qui sera marié avant sa dix-neuvième année, sera pour cela dispensé de l’obligation à laquelle tous les citoyens sont astreints dans la société belge de servir comme milicien. Moi, je pense que celui qui se marie avant sa dix-neuvième année, ne doit pas être exempté du service de la milice. Si l’amendement est mis aux voix, je voterai pour son adoption. Si son auteur veut le remettre à une autre époque, je ne m’y opposerai pas.
M. Jullien. - Je suis fâché de n’avoir pas eu assez de temps pour examiner cette question. Dans toutes les législations possibles, on a toujours cherché à favoriser la liberté du mariage. C’est un des principes fondamentaux de toute société.
On a dit : La liberté du mariage n’est pas gênée parce qu’on pourra se marier. Seulement on perdra les droits à l’exemption. Mais cela n’en gêne pas moins la liberté du mariage. En effet, il est à votre connaissance qu’une multitude de jeunes gens parmi les cultivateurs qui trouvent l’occasion de former un établissement en épousant une femme du 40 ou 50 ans, si vous les privez du bénéfice de l’exemption, pourront manquer une occasion qui s’était présentée de former un établissement avantageux. Voilà ce que savent tous ceux qui connaissent un peu les mœurs de la campagne.
Un cultivateur meurt, un jeune domestique qui est en état de diriger la ferme épouse la veuve qui a 40 ou 50 ans, On rencontre beaucoup de cas de cette nature. S’il s’agissait toujours de mariages entre des personnes de 18 ans et 80 ou 70, je concevrais qu’ils sont faits en fraude de la loi, pour se soustraire à une obligation imposée à tous.
L’honorable M. Seron a si bien senti que tous les mariages présentant une disproportion d’âge n’étaient pas faits en fraude de la loi, qu’il a élevé son chiffre, que de 40 il l’a porté à 50. Je pense qu’il est encore trop bas pour qu’on puisse dire qu’il ne gêne pas la liberté du mariage.
Dans tous les cas il y a danger, je persiste à le dire, d’improviser dans une loi transitoire tout un système sur la liberté du mariage, un système qui contrarie les premiers principes du droit civil.
Il ne pourra s’appliquer que l’année prochaine, car le tirage est fait presque partout ; et partout où il est fait, il y a des droits acquis auxquels vous ne pouvez pas toucher ; vous l’avez reconnu dans une précédente séance. Il n’y a donc aucune espèce d’urgence à insérer dans la loi l’amendement proposé. J’approuve les motifs qui l’ont fait proposer ; mais en vérité, dans ce moment, je ne puis pas l’adopter. Il n’y a ni urgence ni opportunité ; et encore une fois, selon moi, il tend à gêner la liberté du mariage.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - L’honorable M. Seron a renouvelé dans cette séance les observations qu’avait présentées à une autre époque l’honorable M. de Robaulx. J’ai pensé qu’avant de proposer aucune mesure sur cet objet, il était nécessaire que le gouvernement fût éclairé sur les faits dénoncés à la tribune. En conséquence, j’ai invité les gouverneurs des provinces à me rendre un compte exact des jeunes gens exemptés pour fait de mariage, de l’âge des femmes qu’ils avaient épousées, et de me donner des renseignements précis sur les cas qui pourraient paraître frauduleux. Le gouvernement attend le résultat de ces investigations pour proposer une disposition dans la loi qui sera présentée pour fixer définitivement les cas d’exemption.
Une loi vous a été proposée il y deux ans, que le gouvernement a de nouveau remaniée, et qui sera complétée après de nouvelles observations présentées par les commandants militaires. Si les faits sont prouvés, si la fraude est reconnue, le gouvernement est dans l’intention de mettre un terme à toute manœuvre frauduleuse.
M. Fleussu. - Il me semble que, d’après les explications que vient de donner M. le ministre de la guerre, l’honorable M. Seron ne fera aucune difficulté de retirer son amendement ; s’il en faisait, il y aurait une raison péremptoire pour l’y déterminer, c’est que sa proposition n’a aucune corrélation avec les articles du projet de loi. Nous pourrions suivre le règlement et demander que M. Seron présentât sa proposition comme un projet de loi séparé, car nous ne pourrions pas examiner maintenant une proposition aussi vaste. Je demande que la chambre regarde cette proposition comme séparée et la renvoie aux sections. J’ajouterai que ce projet ne peut pas être applicable aux miliciens de cette année, qui ont déjà des droits acquis.
M. Seron. - Je sais fort bien que mon amendement n’a rien de relatif avec les dispositions proposées par M. le ministre de la guerre, mais je n’abandonne pas pour cela ma proposition ; et la raison pour laquelle je ne l’abandonne pas, c’est que si l’amendement qu’elle contient ne s’applique pas aux miliciens de 1835, elle empêche le mal à faire ; et je vous prie de remarquer qu’il y en a un très grand, c’est qu’il y a une foule de gens qui sont forcés de partir pour ceux qui devraient partir.
M. Fallon. - Ainsi l’honorable M. Seron persiste dans sa proposition ?
M. Seron. - Oui, pour ne pas être renvoyé aux calendes grecques.
M. Fallon. - Dans ce cas, j’appuierai la proposition de M. Fleussu, car ce n’est pas le moment de discuter cet amendement. Il s’agit d’une loi d’urgence qui puisse être favorable à la classe de 1835. L’amendement de l’honorable M. Seron ne peut avoir aucune influence sur cette classe, ainsi nous avons le temps de le discuter. Nous devons uniquement aujourd’hui nous occuper de procurer des remplaçants à la classe 1835.
M. Dubus. - J’appuie la motion d’ordre. En effet, la proposition de l’honorable M. Seron n’a aucun caractère d’urgence.
Sont appelés pour faire partie de la milice des individus de tel âge, non mariés au 1er janvier de chaque année. Tout le mal est fait pour 1835, et nous avons le temps, d’ici à 1836, d’examiner la proposition de l’honorable M. Seron, et de voir s’il y lieu de l’adopter, ou une proposition plus générale, telle que celle de l’honorable M. Gendebien. J’appuie donc le renvoi de l’amendement de M. Seron aux sections comme proposition séparée.
M. Gendebien. - Je demande en même temps aux sections de s’occuper de ma proposition que je remets pour mémoire et saut rédaction.
M. Seron. - Je consens au renvoi de ma proposition aux sections.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il est désirable que les sections et la chambre s’occupent de la proposition de l’honorable M. Seron le plus tôt possible, car s’il est vrai qu’elle ne sera pas applicable cette année, il est également évident que de pareils mariages pourront avoir lieu en bien plus grand nombre d’ici à l’année prochaine, justement parce qu’on saura qu’il sera pris une mesure pour les empêcher.
M. Dubus. - Je crois que le projet de loi qui nous occupe en ce moment, et qui a pour but de faciliter les remplacements, et d’en diminuer le prix, affaiblit les inconvénients dont parle M. le ministre. On n’aura plus les mêmes raisons pour contracter ces mariages monstrueux. Le moyen de hâter le tout, c’est de transmettre les renseignements de M. le ministre de la guerre aux sections.
M. d'Hoffschmidt. - J’ai annoncé dans la discussion générale que je proposerais un amendement, si le projet contenait autre chose que les dispositions pour les remplaçants. Voilà pourquoi je dépose un amendement pour être renvoyé aux sections.
- La chambre, après le dépôt de l’amendement de M. d’Hoffschmidt, en ordonne simultanément le renvoi aux sections avec les propositions de MM. Seron et Gendebien.
M. de Brouckere. - J’ai à soumettre à la chambre une observation qui, sans tomber directement sur la disposition de la loi que nous discutons en ce moment s’y rattache néanmoins.
D’après l’article 98 de la loi de 1817, aussitôt l’admission du remplaçant par le conseil de milice, le remplacé est tenu de verser dans la caisse du receveur particulier, ou d’un autre receveur des finances, une somme de 25 a 75 florins suivant les facultés des personnes, et cela pour subvenir aux frais occasionnés par la levée de la milice.
Il arrive assez fréquemment qu’après ce versement fait au trésor de l’Etat, une discussion s’élève entre le remplaçant et le remplacé par suite de laquelle leurs conventions demeurent sans résultat ; il arrive d’autres fois que le remplaçant admis d’abord par le conseil de milice est repoussé à l’examen nouveau des autorités militaires. Il est juste que dans des cas pareils la somme soit restituée au remplacé.
Cependant il n’en est rien. Le trésor public conserve la somme de 25 à 75 florins qui sont versés, bien que les motifs de ce versement aient cessé d’exister. Je prie le gouvernement, par l’organe d’un de ses ministres, de déclarer si des mesures seront prises pour qu’à l’avenir ces remboursements aient lieu, dans le cas où le remplacement ne s’effectuera pas directement. Quant à la justice du remboursement, je ne crois pas qu’une seule voix puisse la contester. Je ne demande qu’une chose, c’est que le gouvernement me promette de veiller à ce qu’il s’opère ; sinon, je serais obligé d’ajouter une nouvelle disposition au projet comme l’ont fait les honorables MM. Seron, Gendebien et d’Hoffschmidt. Je prie M. le ministre de la guerre de vouloir bien répondre à mon interpellation.
M. Dubois, rapporteur. - Je demanderai la permission M. le ministre de la guerre de répondre à sa place aux observations que lui adresse de Brouckere.
Je tiens en mains un volume hollandais sur les lois de la milice où je trouve un décret royal de 1823, qui rencontre la difficulté élevée. Il y est dit qu’un remplaçant a droit à la restitution de la somme qu’il a versée dans la caisse du receveur de l’enregistrement, dans les cas suivants : 1° quand le remplaçant n’a pas été incorporé pour cause que le numéro du remplacé n’est pas appelé pour fournir le contingent ; 2° lors même que le remplaçant a déjà été incorporé et qu’il obtienne son renvoi du chef de l’incorporation nouvelle de retardataires ou de ceux jugés indûment exemptés du service.
Ces explications suffiront, je pense, pour satisfaire aux doutes de l’honorable préopinant.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Les dispositions relatives aux fonds à verser par le remplacé se trouvent à l’article 5 de notre projet de loi. D’après les lois de la milice, les remplaçants ne devront verser que les quatre cinquièmes.
- Plusieurs voix. - Ce n’est pas cela ! ce n’est pas cela !
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Permettez. C’est pour obvier à tous les inconvénients que j’ai proposé une somme de 150 fr. qui couvre la dépense de l’habillement du soldat.
Je vais prendre les informations nécessaires. Ce sera M. le ministre des finances qui pourra vous donner des renseignements plus positifs à cet égard, car jamais ces versements ne sont entrés dans la comptabilité militaire.
M. de Brouckere. - La réponse de M. le ministre ne donne aucune garantie à la chambre, et si l’on ne répond pas, je proposerai un amendement formel sur ce point, quand nous en viendrons à l’article 5. Je ne pourrais souffrir qu’une pareille injustice se prolongeât davantage.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - il convient de ne pas confondre deux choses. Il y a deux sommes distinctes. D’après l’article 98 le remplacé est tenu de verser 25 à 75 florins, d’après ses facultés, et pour les frais de levée de milice. Il y a une somme, et c’est de cette somme qu’il s’agit dans le projet, qui constitue le prix du remplacement. La proposition de l’honorable M. de Brouckere ne se rapporte qu’aux 25 à 75 florins.
Or, d’après un arrêté du 25 juillet 1823, il me semble incontestable que cette somme doit être restituée dans les cas prévus, et je crois qu’on a prévu tous les cas dans cet arrêté. (L’orateur donne lecture d’un passage de l’arrêté.) Ainsi, un remplacement a lieu, mais le numéro du remplacé n’est pas appelé pour le contingent que l’on doit atteindre. Voilà un cas où le remplaçant n’est pas obligé de marcher et alors la somme peut être restituée au remplacé. Il y a d’autres cas encore sous le numéro B. Dans tous ces cas la somme doit être restituée, et je n’en connais pas d’autres.
M. de Brouckere. - Je suis extrêmement fâché d’attirer encore l’attention de la chambre sur cette question, mais elle est assez grave pour ne pas l’abandonner.
L’honorable préopinant a cité deux cas dans lesquels la restitution de la somme versée doit avoir lieu. L’arrêté auquel il a fait allusion ne renferme pas tous les cas.
Remarquez que, d’après l’article 98, le versement de 25 à 75 fl. se fait même après que le remplaçant a été admis, et avant que le contrat ait été fait entre lui et le remplacé. La preuve, c’est que le second paragraphe de l’article 98 dit : « Il fera ensuite rédiger, par un fonctionnaire public, un contrat avec son remplaçant. » Il arrive, et ce que je dis n’est pas hypothétique, qu’après l’admission par le conseil de milice, des chicanes sont élevées par le remplaçant, et que ce contrat ne se fait pas. On renonce alors au semi-engagement qui a eu lieu, et le receveur refuse de restituer la somme versée.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - C’est à tort.
M. de Brouckere. - Nous sommes donc d’accord sur ce point. Il y a maintenant un autre cas : le remplaçant est admis par le conseil de milice, l’autorité militaire trouve qu’il ne convient pas et le renvoie.
Je vais vous citer un article qui prouve que ce renvoi peut avoir lieu, c’est l’article 161… « Si l’on découvre en lui (le remplaçant) quelque infirmité grave, il en sera donné avis au gouverneur de la province, au plus tard dans la quinzaine après l’incorporation, etc. » Il y a là une véritable révision, et si, à la suite de cette révision, il n’est pas admis, voilà le même cas qui se reproduit, voilà une manne de 25 à 75 fl. dans les caisses du trésor, et que le receveur ne veut pas restituer.
Si un de MM. les ministres veut déclarer que des instructions seront données à cet égard, et que la restitution s’opérera, ce sera faire un acte de justice, et un acte légal, contre lesquels, ni dans cette assemblée ni dans l’autre, personne ne se récriera.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’honorable préopinant a cité deux cas ; le premier où, après le versement de la somme, le remplacement n’a pas lieu. Pour ce cas, la restitution doit incontestablement être faite, parce que la somme n’a été versée que parce que le remplacement devait s’effectuer. Le second cas, où le remplaçant, par suite de la révision, serait renvoyé pour cause d’infirmité, n’est pas textuellement prévu dans l’arrêté de 1823 ; mais je ne ferai aucune difficulté d’appliquer l’arrêté du 21 juillet au second cas cité par l’honorable préopinant, car, ne pouvant marcher, il oblige le remplacé à se faire remplacer une seconde fois. Il me semble que la somme doit être également restituée dans ce cas.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne suis pas très au courant de la discussion, puisque j’arrive seulement dans l’assemblée. Je vais toutefois donner les explications qui me sont suggérées par ce que j’ai pu saisir de la fin du discours de l’honorable M. de Brouckere.
Les sommes versées pour obtenir la faculté du remplacement dans la milice sont perçues par les receveurs du domaine comme tous les autres revenus de cette administration, et confondus ensemble.
Dans plusieurs cas des restitutions ont lieu, et je puis dire que personnellement, depuis que je suis au ministère, j’ai ordonné plus d’une fois le remboursement de sommes qui avaient été payées au trésor pour obtenir la faculté du remplacement ; je crois que chaque fois que ces restitutions doivent avoir lieu légalement, elles sont effectuées.
Je prendrai cependant des informations précises afin de faire en sorte que dans les cas cités par M. le ministre des affaires étrangères, et chaque fois que l’équité et l’esprit ou la lettre de la loi le réclameront, les sommes versées ne soient pas indûment retenues dans les caisses de l’Etat.
M. de Brouckere. - Je me déclare entièrement satisfait des explications que le gouvernement vient de donner. Qu’il donne des instructions, il peut le faire, et il accomplira un acte de justice.
M. Fleussu. - Quoique le projet de loi ait obtenu un assentiment assez général, quoique le gouvernement se soit rallié à la commission, ce projet n’a pas été assez heureux pour n’être pas critiqué par l’honorable M. Jullien. Il préfère le projet de loi primitif du gouvernement. Nous allons examiner le motif sur lequel il se fonde. Dans le projet du gouvernement, il n’y avait qu’une condition requise ; c’est que le frère ou le parent eût été tué pour la défense de la liberté.
Messieurs, nous avons cru pouvoir ajouter la condition que le frère blessé eût obtenu une pension. Vous verrez l’utilité de cette addition. Cela n’a été l’objet d’aucune discussion dans la commission, parce que le gouvernement a déclaré que la commission nommée à cet effet s’était montrée très facile pour accorder des pensions. De manière que, d’après renseignements, tous ceux qui avaient été blessés en obtenaient une.
Voilà les renseignements qui nous ont été donnés par le gouvernement ; il en résulte qu’il y a même des individus qui n’avaient reçu que des blessures très légères et qui ont obtenu des pensions.
L’honorable M. Jullien dit qu’il est inutile de formuler dans la loi les règlements de la loi elle-même. Cependant le gouvernement s’est montré dans cette circonstance beaucoup moins difficile que l’honorable M. Jullien, puisqu’il n’a fait aucune difficulté de se rallier au projet de la commission.
Nous voulons bien admettre qu’en règle générale l’observation de M. Jullien soit très judicieuse. Je crois que c’est un vice dans nos lois, qu’à côté de la loi de principe se trouve toujours la loi d’exécution. En thèse générale l’observation de M. Jullien doit être admise ; mais je ne pense pas qu’elle soit applicable à l’espèce. Voici pourquoi : lorsqu’il s’agit de lois comme celle de la milice où se trouve formulé en dispositions tout ce qui tient à l’exécution de la loi, vous devez également formuler en loi l’exécution de la loi elle-même.
Remarquez qu’il y a pour cela une raison de plus ; c’est qu’ici vous consacrez un droit à l’exemption et que par cela même vous préjudiciez nécessairement aux droits d’un tiers. Il faut donc formuler des dispositions telles que la loi ne puisse pas être étendue au-delà des limites tracées par la législature.
Si vous laissez au gouvernement le soin de régler l’exécution de la loi, il pourra étendre ou restreindre les exemptions. C’est pour mettre le gouvernement dans l’impossibilité d’appliquer par extension la loi à des cas que vous n’avez pas eus en vue, qu’il convient de formuler dans la loi l’exécution de la loi elle-même.
L’honorable M. Jullien ne s’est pas rendu compte du changement apporté par la commission au projet du gouvernement. (paragraphe premier de l’article premier). Nous avons supposé que pour les personnes qui ont péri pour l’indépendance de la Belgique il y avait deux cas, le cas où ils auraient laissé des parents et celui où ils n’en auraient pas laissé.
Quant à tous ceux qui ont laissé des parents, leurs parents jouissent d’une pension ; tous ceux qui n’ont pas laissé de parents, et n’ont laissé que des collatéraux, que des frères, il est impossible de constater qu’ils ont péri pour l’indépendance nationale ; on peut bien rapporter l’acte de décès, mais cela ne prouvera rien, puisque d’autres ont péri à la même époque. Avec l’acte de décès, nous avons voulu le brevet de la pension. Ainsi, pour ceux qui ont laissé des parents, il sera justifié par le brevet de pension de ceux-ci, qui ont péri pour l’indépendance de la Belgique.
Il y a également un autre moyen ; il paraît qu’il y a au ministère de l’intérieur un relevé fort exact des citoyens morts en combattant pour l’indépendance nationale ; le ministre de l’intérieur pourrait donner des certificats à ceux qui feraient valoir, comme moyen d’exemption, leur parenté avec l’un de ces citoyens.
Je crois donc que si l’honorable M. Jullien examine toute l’économie de la loi, il reconnaîtra que, dans une pareille loi, il était nécessaire de demander, comme nous l’avons fait, des garanties, et de formuler l’exécution de la loi dans la loi elle-même.
M. Gendebien. - Je conçois bien les difficultés que la commission a rencontrées pour spécifier les moyens de preuve des droits à l’exemption, surtout ceux fondés sur des blessures reçues. Cependant, je crois que nous devons remédier à une injustice que tendrait réellement à introduire dans la loi la proposition de la commission.
Quant à ceux dont la demande d’exemption se fonde sur le décès d’un frère, il y a comme moyens de preuves la production : « 1° d’un extrait de l’acte de décès ; 2° d’un brevet de la pension accordée aux parents ; et pour le cas où la famille ne jouirait d’aucune pension, au moyen d’un certificat délivré par le ministre de l’intérieur, constatant que le frère est mort en combattant pour l’indépendance nationale. »
Pour les cas de décès, j’admets la rédaction de la commission ; je la trouve aussi complète qu’elle peut l’être, mais je la trouve injuste, pour le cas de blessures reçues en combattant pour l’indépendance nationale.
La commission admet comme pièce probante l’exhibition des brevets de pensions accordées aux citoyens blessés ; elle admet cette preuve sur la supposition que tous les blessés ont reçu des pensions, mais il n’en est pas ainsi ; je connais beaucoup de blessés de septembre qui n’ont pas demandé de pensions, non pas qu’ils fussent riches, mais parce qu’ils étaient au-dessus du besoin. Ce qu’à cette époque non seulement il y avait du courage, mais il y avait aussi un grand désintéressement. On y regardait à deux fois avant de chercher à mettre la main dans le trésor.
Beaucoup n’ont pas demandé de pension qui avaient simplement de quoi vivre. De ce que par un désintéressement admirable ils n’ont pas fait valoir leurs droits, s’ensuit-il que leur frère a le moyen de payer un remplaçant ? Cependant vous allez mettre celui dont le frère n’a pas demandé de pension dans une position moins favorable que celui qui en a demandé une, sans que vous sachiez s’il pouvait s’en passer plus facilement qu’un autre.
Il conviendrait donc d’indiquer un autre moyen de preuve que la production du brevet de pension. Je sais que ce n’est pas facile. Mais nous ne pouvons pas admettre la disposition telle qu’elle est, car elle est injuste pour ceux qui n’ont pas reçu de pensions ; or le législateur ne peut pas sciemment consacrer une injustice.
Je pense donc que, pour les blessures reçues, on devrait exiger un certificat du gouverneur qui s’entourerait de toutes les lumières nécessaires. On pourrait même, si l’on voulait, indiquer de quelle manière le gouverneur doit s’éclairer. Néanmoins il me semble que le troisième paragraphe pourrait être rédigé à peu près ainsi :
« La preuve de blessures se fera par la production du brevet de la pension accordée au blessé ou par la production d’actes et de témoignages jugés dignes de foi par le conseil de milice, avec avis conforme du gouverneur. »
Je ne tiens nullement à cette rédaction faite à la hâte. Si quelque membre propose une disposition dans le même sens, je l’admettrai très volontiers.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Un honorable membre a dit tout à l’heure qu’il existait une liste exacte des citoyens tués dans les combats soutenus pour l’indépendance du pays. Mais existe-t-il une liste exacte des citoyens blessés dans ces mêmes combats ? Je demanderai à l’honorable M. Gendebien si cela est à sa connaissance. Cette liste, si elle existait, servirait à constater les droits fondés sur des blessures reçues.
M. Gendebien. - Un moyen de s’assurer à peu près du nombre des individus blessés, c’est de recourir à la liste des demandes de pensions et de décorations produites à la commission des secours et récompenses. Quant aux blessés qui n’ont demandé ni pensions ni décoration, ce cas entrerait dans la catégorie indiquée par mon amendement.
M. Jullien. - Lorsque j’ai eu l’honneur de présenter des observations sur l’article premier, j’ai dit que je préférais l’article du gouvernement, ; je n’ai pas dit que je reprenais cet article, c’est une erreur échappée à M. le président. Il a pensé que je voulais le faire mien, mais je ne l’ai pas déclaré. Puisque le gouvernement abandonne son article, je n’ai pas besoin de m’en charger.
Maintenant les observations que j’ai eu l’honneur de faire sur l’article premier n’en subsistent pas moins, surtout sur l’inconvénient de vouloir réglementer aussitôt que vous avez posé le principe.
L’honorable M. Fleussu a répondu à une partie de ce que j’ai dit. Mais cependant il est plusieurs de mes observations auxquelles il n’a pas répondu et qui sont fondées, on ne peut le contester.
Ainsi, en ce qui concerne la preuve des blessures, le projet de la commission porte : « La preuve des blessures se fera par la production du brevet de pension accordée au blessé. Ce dernier devra toujours se présenter en personne devant le conseil de milice, qui statuera sur la gravité des blessures. »
Mais si ce dernier est mort, comment pourra-t-il se présenter pour faire constater la gravité de ses blessures ? Voilà donc, dans ce cas, un moyen de preuve indiqué par cette disposition qui vous manquera tout à fait.
L’article du gouvernement n’indique pas de moyens de preuves ; et toutes les fois que vous voudrez en indiquer, vous rencontrerez de grands inconvénients.
Telles sont les observations que je voulais présenter à la chambre. Du reste, tout en déclarant que je préfère l’article du gouvernement, je déclare aussi que je ne m’en charge pas.
M. Dubois, rapporteur. - Je crois que s’il est une loi où l’on doive insérer des dispositions réglementaires, c’est assurément celle dont nous nous occupons ; en effet, à la première lecture du projet présenté par M. le ministre de la guerre, la commission a été frappée des nombreux inconvénients qui résulteraient d’un article rédigé en termes aussi larges.
Que dit l’article premier du projet du gouvernement ? Que le frère de celui qui a été tué dans les combats soutenus pour l’indépendance de la Belgique, ou de celui qui dans les mêmes combats a reçu des blessures, sera exempté du service de la milice.
Si les corps de volontaires qui en 1830 ont combattu pour l’indépendance de la Belgique avaient été régulièrement organisés, st les contrôles de ces corps existaient, si les chefs étaient présents, il est certain que la disposition générale du projet du gouvernement serait suffisante. Mais dans l’absence de tous documents la commission a pensé qu’il fallait adopter des dispositions réglementaires, et formuler des restrictions pour le cas de blessures reçues.
Il est très probable que si on donnait toute latitude au gouvernement pour l’exécution de la loi, il viendrait de tous les côtés des individus blessés ailleurs que dans les combats soutenus pour l’indépendance nationale, blessés par exemple chez eux par accident et qui prétendraient avoir reçu ces blessures dans tel ou tel endroit.
Il fallait donc prendre des dispositions pour qu’on ne pût faire valoir comme moyens d’exemption que les blessures réellement reçues pour la cause de l’indépendance.
Ce n’est que quand nous avons su que tous les blessés ont reçu des pensions, qu’il nous est venu l’idée assez naturelle de faire constater la cause des blessures par la production du brevet de pension.
Maintenant l’honorable M. Gendebien (et c’est une autorité que je suis loin de récuser, surtout en cette matière) dit qu’il y a plusieurs blessés de septembre qui n’ont voulu recevoir ni pensions, ni marques de distinction quelle qu’elle fût. Je conviens que pour ce cas la loi n’est pas applicable. Je désirerais que l’honorable M. Gendebien ou tout autre membre de l’assemblée présentât un amendement par lequel ce cas fût prévu. Je me rallierais volontiers à un tel amendement.
Le deuxième cas, qui n’est pas moins sérieux et qui n’est pas prévu davantage, est celui où le blessé serait mort. A ce cas il n’y a qu’une réponse ; c’est qu’il sera toujours loisible au ministre de la guerre d’accorder un congé illimité au milicien qui pourra prouver que son frère a été blessé en septembre. C’est une latitude qu’il n’est pas nécessaire de mettre dans la loi, puisqu’elle se trouve dans les règlements militaires. Le ministre peut toujours accorder des congés illimités. Je ne pense pas que la chambre trouve mauvais qu’il use de ce droit en faveur des frères de blessés de septembre.
M. Gendebien. - Je suis loin d’avoir la prétention d’offrir quelque chose de complet. Mais, s’il faut ajouter une disposition, voici, sauf rédaction, ce que je proposerai. Le troisième paragraphe de l’article premier serait ainsi conçu :
« La preuve des blessures se fera par la production du brevet de la pension accordée au blessé, ou du brevet de la décoration de la croix de fer, ou par la production d’actes et de témoignages qui seraient jugés dignes de foi par le conseil de milice. Le gouvernement donnera toujours son avis. Le blessé devra toujours se présenter en personne devant le conseil de milice qui statuera sur la gravité des blessures. »
Je crois que quand on saisit bien l’ensemble de l’article ainsi amendé, on reconnaît qu’il ne peut pas en résulter de graves inconvénients.
Si le blessé est mort, il faudra, pour juger s’il a été blessé en combattant pour l’indépendance du pays, recourir aux actes et témoignages indiqués par mon amendement, et sur lesquels, le conseil de milice et le gouverneur donneront leur avis.
Après ces précautions, si l’on dit qu’il y aura encore de la fraude, je répondrai que, si parfaite que soit la loi, il y a toujours de la fraude ; mais ainsi la fraude sera réduite à sa plus simple expression.
M. d'Hoffschmidt. - Je veux faire une simple observation sur la rédaction du dernier membre de phrase du troisième paragraphe de l’article premier. Il porte que le conseil de milice statuera sur la gravité des blessures. Je crois qu’il convient de dire qu’il statuera d’après la gravité des-blessures. S’il était appelé à prononcer sur la gravité des blessures, il aurait à dire simplement si elles sont graves ou non, tandis que c’est d’après la gravité des blessures qu’il doit prononcer son jugement, au moins si j’ai bien compris l’esprit de l’article. Je propose donc de substituer au mot « sur » les mots « d’après.»
M. Fleussu. - Je ne m’oppose nullement à l’amendement de l’honorable M. Gendebien ; mais il ne me semble pas que pour constater le droit à l’exemption, il faille avoir l’avis du gouverneur.
Vous savez qu’il y a un conseil de milice dans chaque arrondissement, le gouverneur ne pourrait donc pas y donner son avis. Ensuite si cet avis était écrit, et donné à l’avance, je craindrais qu’il n’eût de l’influence sur le conseil de milice constitué en espèce de jury pour examiner les demandes d’exemption.
Quant à la proposition de substituer au mot sur les mots d’après, je n’en vois pas l’utilité. Il faudra toujours que le conseil statue sur la gravité des blessures pour statuer sur l’exemption. Je crois que ces deux expressions rendent absolument la même pensée.
M. d'Hoffschmidt. - Je vous demande pardon ; la signification est toute différente.
M. Gendebien. - L’honorable M. Fleussu fait une observation que je trouve très juste, sur ce que l’avis du gouverneur pourrait influer sur la décision du conseil de milice, et l’empêcher de délibérer avec toute l’impartialité convenable. Au lieu donc de demander que le gouverneur donne son avis, je demanderai qu’il statue sur le vu de toutes les pièces.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je crois qu’il est inutile de dire dans cette disposition que le gouverneur devra être entendu. En effet, ou l’exemption sera prononcée par le conseil de milice, ou elle sera rejetée. Si elle est rejetée, l’individu dont la demande n’aura pas été admise pourra en appeler à la députation des états présidée par le gouverneur qui pourra ainsi émettre son avis. Si elle est admise, les tiers au préjudice desquels sera prononcée l’exemption pourront également se pourvoir auprès de la députation. Ainsi, que la décision du conseil de milice donne ouverture à des réclamations, soit de la part du milicien, soit de la part des tiers, le gouverneur comme président de la députation aura toujours à se prononcer sur ces réclamations.
M. Verdussen. - Je me raille entièrement aux observations de l’honorable M. Gendebien et à l’amendement qu’il a présenté. Mais je voudrais que l’on supprimât la finale du premier paragraphe ; elle porte : « Le blessé devra toujours se présenter en personne devant le conseil, etc. ;» mais il est très possible qu’il ne puisse pas et même qu’il ne veuille pas se présenter devant le conseil de milice.
On a demandé ce que l’on ferait quand le blessé serait mort ; je demanderai ce que l’on fera quand il sera absent, quand il ne pourra pas se présenter ? Si le conseil de milice a la preuve que les blessures sont de nature à permettre l’exemption du frère, que fera-t-on cependant si, par suite d’inimitiés ou même par caprice, le blessé ne veut pas se rendre à l’invitation qui lui est faite afin de constater sa blessure ? Il y a plusieurs autres cas qui peuvent présenter des difficultés.
M. Dubois, rapporteur. - Deux objections sont présentées. La première prévoit le cas où le blessé serait mort. Messieurs, on ne peut prévoir tous les cas dans une loi. Si le blessé est mort, on ne peut apprécier ses blessures, si la mort n’en a pas été la suite.
La deuxième prévoit le cas ou le blessé ne voudrait pas se présenter ou ne pourrait pas se présenter devant le conseil de milice. Je dirai ici que la loi générale sur la milice prévoit cette circonstance. Quand le blessé est malade et ne peut se présenter, le conseil de milice envoie un médecin pour constater la nature de la maladie. Quand il ne veut pas se présenter, on pourrait faire la même chose dans l’intérêt du frère.
La loi ne peut et ne doit pas même prévoir le cas où un frère refuserait par inimitié, ou par caprice, de se présenter pour faire exempter son frère ; on ne peut prévoir un pareil cas contraire aux sentiments naturels d affection que porte un frère à son frère ; c’est immoral.
Dans l’amendement de M. Gendebien, je remarque ces mots : « ou par des preuves quelconques qu’il fournira au conseil de milice. » Je demanderai s’il ne conviendrait pas de mettre d’accord les dispositions du second paragraphe et du troisième, où il s’agit des preuves pour constater qu’un homme est mort en combattant ; ces preuves s’obtiennent, dit le paragraphe, par un certificat du ministre de l’intérieur ; ne serait-il pas utile de dire encore : « à défaut de cette preuve, par un certificat du ministre de l’intérieur ? » Car le ministre de l’intérieur doit avoir dans son département toutes les pièces relatives aux brevets et aux croix de fer.
M. Gendebien. - Je prierai l’honorable préopinant de remarquer que le cas n’est applicable que lorsque le blessé n’a pas voulu de la récompense : alors on pourra s’adresser au ministre pour obtenir expédition des pièces.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il faut rester dans des termes généraux ; alors les pièces quelconques, toutes les pièces concourront à faire la preuve.
M. Dumont. - Messieurs, si j’ai bien compris M. le rapporteur, les deux dernières phrases du troisième paragraphe ne sont pas entendues par lui dans leur sens naturel.
Lorsque le blessé ne pourra pas se présenter, dans l’opinion de M. le rapporteur, il ne pourrait pas y avoir d’exemption ; ce n’est pas ainsi que l’on doit entendre l’article. La fin du paragraphe n’a pas pour but d’imposer au blessé l’obligation de comparaître devant le conseil, on ne fait pas de cette comparution une condition essentielle pour l’exemption. Une famille est déjà assez malheureuse d’avoir dans son sein un blessé, on ne peut augmenter son malheur en lui enlevant le frère de ce blessé.
Quand le blessé ne comparaît pas, pas suite d’un obstacle quelconque, j’aimerais mieux que la présomption fût en faveur de la famille. Dès que le blesse a obtenu ou pu obtenir la pension, je voudrais que son frère fût exempté quand même il y aurait impossibilité de visiter les blessures.
M. Dubois, rapporteur. - La loi dit : « Celui qui aura eu un frère blessé dans les combats pour l’indépendance de la Belgique sera exempté, pourvu que cette blessure soit de nature qu’elle donne lieu à la réforme militaire. » M. Dumont demande ce que l’on fera, par exemple, si le frère est mort : je réponds que l’on sera alors dans les termes de la loi générale. Il y aura exemption dans la famille selon le nombre des fils qui y resteront.
Supposons deux frères : le blessé mort exemptera du service militaire le frère vivant, lequel devient fils unique. On prévoit encore le cas ou le blessé ne voudrait pas comparaître ou ne pourrait pas comparaître. S’il ne peut se présenter devant le conseil pour cause de maladie, je l’ai déjà dit, le conseil envoie un médecin qui fait son rapport. S’il ne veut pas comparaître, eh bien, il peut envoyer des certificats constant la nature de la blessure. On ne peut prévoir le cas immoral où, par caprice, ou par inimitié, il refuserait de se laisser visiter afin de faire partir son frère.
M. Gendebien. - Je crois que M. le rapporteur n’a pas bien saisi l’objection faite par notre honorable collègue M. Dumont. Il a fait remarquer que la dernière disposition du paragraphe était impérative, et que si elle n’était pas remplie, il en résulterait un droit négatif pour le frère qui réclame l’exemption. « Le blessé, dit-on, devra toujours se présenter. » Cela exclut véritablement l’exemption pour le cas où l’on ne se présenterait pas. On pourrait rédiger autrement cette disposition et dire : « Le blessé se présentera en personne devant le conseil ; » de cette manière la présentation n’est pas une condition impérative et sans laquelle le droit à l’exemption est nul.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, le but de la loi est d’accorder l’exemption au frère de celui qui a été blessé dans les combats pour l’indépendance de la Belgique ; mais pour cela il faut que la blessure soit grave ; il faut que le blessé ait droit à la réforme militaire ; il faut donc que le conseil de milice statue sur la gravité de la blessure, car c’est d’après la gravité de la blessure que l’exemption pourra être accordée ou réclamée. Toutefois l’observation faite sur la rédaction du paragraphe me paraît fondée.
D’après cette rédaction, en effet, lorsque le blessé ne se présenterait pas en personne devant le conseil de milice, ce conseil ne pourrait pas accorder l’exemption. Si donc le blessé refusait de comparaître, en se conformant à la loi on pourrait manquer à l’équité : pour éviter cet inconvénient, il n’y a qu’à dire à la fin du paragraphe : « Le conseil de milice qui statuera sur la gravité des blessures pourra toujours exiger la comparution en personne du blessé. »
Il faut que le conseil ait le droit de faire venir le blessé ; mais il ne faut pas que, d’après des caprices, des inimitiés, le blessé puisse empêcher l’exemption de son frère. Je crois que cette dernière circonstance sera extrêmement rare.
M. Dumont. - Ce que propose le ministre me satisfait entièrement.
M. Gendebien. - Je réunis ma proposition à celle du ministre des affaires étrangères ; il arrive au même but, et sa rédaction, je l’avoue, vaut mieux que la mienne.
M. Fleussu. - Il faut adopter l’amendement du ministre sauf rédaction, car il y a moyen de la rendre plus courte.
- L’amendement de M. le ministre des affaires étrangères est mis aux voix et adopté.
M. le président. - M. Fleussu a demandé la suppression dans le premier paragraphe, des mots : « pour lesquelles il a obtenu une pension. »
- Cette suppression est mise aux voix et adoptée.
L’article premier, amendé, mis aux voix, est adopté dans son ensemble.
« Art. 2. Les miliciens qui auront cinq années de service, et dont la classe se trouvera en congé illimité, seront admis à substituer ceux des deux plus jeunes levées, sous la réserve que le substitué prendra la place du substituant, et sera soumis à toutes les obligations qu’il pourrait avoir ultérieurement à remplir.
« Ceux de ces miliciens qui appartiennent à la classe la plus ancienne pourront, en outre, être admis comme remplaçants, sans aucune distinction de classe. »
M. d'Hoffschmidt. - Il me paraît qu’il y a une lacune dans cet article. Elle est relative à la levée des 30 mille hommes. L’article est fort bien pour la milice ; mais il n’est pas applicable à la réserve si elle n’est pas définitivement congédiée. Je demanderai à M. le ministre de la guerre comment il interprète cet article, et si la levée des 30,000 hommes peut remplacer comme congédiée définitivement.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Indépendamment des classes régulières de la milice qui ont été successivement et annuellement appelées sous les drapeaux, il existait 14 à 15 mille miliciens appelés extraordinairement par la loi de 1832 pour faire la réserve de l’armée. Cette réserve a été prise sur plusieurs classes. Des bataillons en furent formés et restèrent sous les armes depuis août 1832. Ces miliciens sont renvoyés en congé illimité, mais ils pourraient être rappelés si des événements extraordinaires l’exigeaient.
L’article 2 ne leur est pas applicable, attendu que, n’ayant servi que moins d’une année, ils ne remplissent pas les conditions établies par cet article, lequel exige que les remplaçants aient fait leurs cinq années de service. Cependant, d’après les vue de l’honorable préopinant, je pense que ceux des miliciens des classes de 1826 et 1827 qui appartiennent à la réserve, sont susceptibles d’être assimilés aux miliciens qui ont fait leurs cinq ans de service, et que ce serait un paragraphe à ajouter pour déclarer qu’ils peuvent être remplaçants.
M. d'Hoffschmidt. - D’après les explications données par M. le ministre de la guerre il est clair que la lacune que j’ai signalée existe puisque la réserve ne peut fournir des remplaçants. Ce ministre propose de déclarer que les classes de 1826 et 1827 donneront des remplaçants ; quant à moi je voudrais que toute la réserve fût autorisée à en donner. On peut assimiler ces miliciens à ceux qui ont servi ; ils sont restés chez eux ; ils n’ont pas été appelés à faire partie du contingent de la milice.
Je propose, donc au deuxième paragraphe de l’article 2, un amendement ainsi conçu :
« Ceux de ces miliciens qui appartenaient à la classe la plus ancienne, ainsi que ceux qui sont compris dans la réserve levée en vertu de la loi du 4 juillet 1830, pourront en outre, etc. »
M. Gendebien. - Je ne sais pas si l’amendement de M. d’Hoffschmidt est suffisant.
Il faut remarquer que l’année de réserve se compose de citoyens qui devraient faire partie du premier ban de la garde civique s’ils n’étaient pas incorporés dans l’armée. Il n’y a pas de raison pour admettre la faculté de remplacement des citoyens qui font partie de la garde civique, par cela qu’ils sont incorporés dans l’armée de réserve, et d’exclure les citoyens qui, eux, ne font partie que du premier ban.
Je demande donc que la faculté de remplacer soit également accordée aux gardes civiques du premier ban.
Il y a dans le deuxième paragraphe de l’article 2 quelque chose que je ne comprends pas très bien.
« Ceux de ces miliciens qui appartiennent à la classe la plus ancienne pourront en outre être admis comme remplaçants, sans aucune distinction de classe. »
Entend-on par la classe la plus ancienne la classe de la première des cinq années ? (Oui !)
Alors pourquoi dire plus bas : « sans aucune distinction de classe. » ?
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je vais expliquer la chose.
Le premier paragraphe de l’article 2 consacre le mode de substitution à laquelle les miliciens ayant 5 ans de service et étant en congé illimité, pourront être admis. Nous avons voulu donner aux miliciens de la classe la plus ancienne de ces cinq années (celle de 1826 dans l’espèce), non seulement la faculté de substituer, mais aussi de remplacer.
Pour rendre la loi plus générale, au lieu de spécifier le millésime de la classe, nous nous sommes servi de la circonlocution sur laquelle l’honorable M. Gendebien a demandé une explication.
M. d'Hoffschmidt. - J’appuie l’amendement de M. Gendebien, en tant qu’il ne s’applique qu’à la garde civique mobilisée.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il est de principe qu’un milicien incorporé ne peut servir de substituant ni de remplaçant sans avoir obtenu son congé définitif. A ce principe l’on a fait une exception dans l’article 2 de la loi en discussion.
En règle générale l’on accorde la faculté de substituer à tous les miliciens qui ont cinq années de service, c’est-à-dire à tous les miliciens appartenant actuellement aux classes de 1826, 1827, 1828, 1829, 1830.
Tous les miliciens de ces classes pourront servir comme substituants. Puis l’on a fait une exception toute spéciale en faveur de la levée la plus ancienne, qui dans l’espèce est celle de 1826 ; elle consiste en ceci que les miliciens de cette levée pourront non seulement substituer, mais aussi remplacer.
Je viens à l’amendement de M. d’Hoffschmidt par l’exposé des faits. En cas de guerre, il est stipulé que le substitué prendra la place du substituant. Ainsi la force effective de l’armée restera la même en cas de guerre, à l’exception toutefois de la classe de 1826 qui sera dégarnie des miliciens qui auront été admis à servir de remplaçants.
Si j’ai bien compris l’amendement de M. d’Hoffschmidt, cet honorable membre veut que les miliciens de toutes les classes puissent servir de remplaçants. M. d’Hoffschmidt va beaucoup plus loin que M. le ministre de la guerre. Il avait senti la nécessité d’accorder une certaine latitude pour la substitution et le remplacement. Mais M. le ministre n’avait pas cru pouvoir admettre tous les miliciens des classes anciennes à servir de remplaçants. Car si toutes les classes étaient tout à coup obligées de rentrer sous les armes, il comprenait que les cadres seraient considérablement diminués. Il reste donc à examiner si, dans les circonstances actuelles, l’on peut prendre une mesure qui diminuerait d’une manière aussi considérable l’effectif de notre armée. Je ne le crois pas.
Je pense qu’il faut se borner à accorder la faculté de remplacer et de substituer, aux miliciens de la classe de 1826, et seulement celle de substituer, à ceux des levées de 1827 jusqu’à 1830 inclusivement.
M. d'Hoffschmidt. - M. le ministre des affaires étrangères paraît ne pas avoir bien compris mon amendement. Je ne demande pas que les miliciens des classes de 1827, 1828, 1829, 1830, soient appelés à remplacer. Je désire seulement que l’admission au remplacement soit accordée aux miliciens de l’armée de réserve formée en vertu de l’arrêté de 4 juillet 1830.
M. Dumont. - Je désirerais savoir si M. le ministre de la guerre a l’intention d’exiger 5 années de service rigoureusement pour le remplacement ou la substitution. Je désire savoir s’il veut exclure les miliciens des 5 classes déjà mentionnées, qui n’avaient pas été appelés ni incorporés. Je ne vois pas que l’on ferait une distinction entre les miliciens qui auraient cinq années de service et ceux qui feraient seulement partie des 5 classes anciennes.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, le gouvernement, en faisant la concession de permettre que pour les substitutions et les remplacements on prît parmi les miliciens en congé illimité, a voulu obtenir un avantage en retour, c’était d’avoir des miliciens qui avaient fait le service voulu pour le temps de paix. Ainsi, c’est avec intention que nous avons consacré dans l’article que le remplaçant ou le substituant devrait avoir cinq ans de service, c’était une compensation de l’abandon de la classe des miliciens en congé illimité. Je tiens à cette disposition, parce que, sans cela, beaucoup de substitutions et de remplacements auraient lieu, qui diminueraient l’effectif de notre armée.
Nous avons borné la faculté du remplacement à la classe de 1826, parce que cette classe étant sur le point d’avoir effectué ses 10 ans de service, le gouvernement proposera de la libérer définitivement après l’expiration des dix années, à moins que des circonstances extraordinaires ne surviennent.
Quant à l’amendement : « sans distinction de classe, » je proposerai de dire : « Ceux qui appartiennent à la classe la plus ancienne pourront être admis comme remplaçants de toutes les autres classes de milice. »
M. Donny. - L’amendement de l’honorable M. d’Hoffschmidt me paraît présenter une singularité sur laquelle je demanderai des explications.
D’après le projet de la commission, pour substituer comme pour remplacer, il faut avant tout avoir cinq années de service. D’après l’amendement de l’honorable M. d’Hoffschmidt, il faut bien encore avoir cinq années de service pour pouvoir servir de substituant, puisque l’amendement ne s’applique pas au premier paragraphe de l’article, paragraphe qui traite de la substitution ; mais il ne faut plus cinq années de service pour pouvoir remplacer. M. d’Hoffschmidt exige donc pour la substitution des conditions plus graves que pour le remplacement. Il ne me semble pas que cela soit très rationnel.
M. d'Hoffschmidt. - La singularité que voit M. Donny vient de ce qu’il compare la réserve levée en vertu de la loi du 4 juillet 1832, avec la milice. Il est juste de ne pas accorder le droit de remplacer aux classes de 1827, 1828 et 1829, parce que ces classes peuvent être appelées sous les drapeaux ; mais la réserve de 30,000 hommes peut être assimilée à la classe de 1826. Si nous n’avons pas de guerre, il faudra la licencier. Elle a été levée en 1832, elle ne peut pas rester constamment sous les drapeaux jusqu’à ce que ceux qui la composent aient terminé leur temps de service. Par la loi sur la réserve, on a voulu parer au danger du moment ; croyant la guerre imminente, on a augmenté de 30,000 hommes le contingent de l’armée. Le ministre vous a dit que si l’état actuel des choses continuait, la classe de 1826 serait licenciée. Je demanderai s’il ne doit pas en être de même de la réserve de 30,000 hommes.
M. Donny. - Je crois que l’honorable M. d’Hoffschmidt ne m’a pas compris. Je vais tâcher de me faire mieux comprendre.
La réserve doit, selon lui, jouir de la faculté de remplacer, quoiqu’elle n’ait pas servi pendant cinq années ; et il vient de vous exposer les motifs sur lesquels il appuie cette opinion. Mais je lui demande si, indépendamment de la faculté de remplacer, cette réserve ne devrait pas avoir aussi le droit de substituer. Si on lui accorde le droit de remplacer, je ne vois pas pourquoi on lui refuserait celui de substituer.
D’après l’amendement de M. d’Hoffschmidt, la réserve ne jouirait que du droit de remplacer, puisque cet amendement ne s’applique qu’au dernier paragraphe de l’article, celui relatif au remplacement, et nullement au premier paragraphe, relatif à la substitution. Il est donc vrai, comme je le disais tout à l’heure, que M. d’Hoffschmidt accorde à la réserve un droit plus grand (celui de remplacer), et lui refuse un droit moins étendu (celui de substituer.)
M. Dubois, rapporteur. - Pour bien apprécier ce que je dois répondre à M. d’Hoffschmidt, contrairement à son amendement et à ce que vient de dire M. Dumont, relativement aux substitutions, il est nécessaire, messieurs, que vous ne perdiez pas de vue que la loi qui nous est présentée est une loi toute d’exception, et qui ne déroge en aucune manière à la loi générale.
Quant aux substitutions, il est de principe que le numéro appelé à substituer soit libéré du service. Ainsi, en général, on peut trouver des substituants dans toutes les classes supérieures à celles du dernier tirage, et ce parmi les individus qui n’ont pas été appelés au service. Ainsi un milicien de 1835 qui aura tiré, par exemple, le n°1 dans le tirage de son canton, pourra se faire substituer par le n°50 ou tel autre du même tirage ou d’un tirage antérieur, pourvu que ces numéros ne soient pas appelés pour compte du contingent ; mais il ne peut se faire substituer par un numéro qui est passible de service, à moins de s’exposer à être incorporé lui-même par suite de la règle que le substitué doit suivre les chances du numéro de son substituant.
Or, que dit la loi ? elle pose une exception à cette obligation, pour autant que le numéro actuellement en congé illimité ne soit pas rappelé ; elle permet aux deux plus jeunes classes de se faire substituer par ceux mêmes incorporés, pourvu qu’ils aient cinq ans de service. Je ne comprends pas, dès lors, l’objection de M. Dumont, puisque les miliciens de 36 peuvent se faire substituer par tout individu qui n’a pas été passible de service, et même par ceux qui actuellement sont encore au service et en congé illimité.
La disposition ne peut pas être plus généralisée qu’elle ne l’est.
Maintenant, pour la réserve, remarquez bien, messieurs, que le projet de loi exige 5 ans de service pour substituer, et 9 pour remplacer, Or, la réserve n’a été appelée qu’en 1832, et quoiqu’en congé, elle est encore en disponibilité. Cette réserve n’a donc que 5 ans de service. D’après cela, je crois qu’il est imprudent d’étendre le bénéfice de la loi, qui ne regarde que ceux qui ont 9 ans de service, à ceux qui ne sont que depuis trois ans sous les armes.
Le ministre ne peut pas consentir à voir diminuer les cadres de l’armée, d’une manière qui pourrait préjudicier aux besoins du service.
M. d'Hoffschmidt. - Il me paraît très simple que la réserve puisse remplacer et non substituer.
Comme vient de le dire un honorable préopinant, les lois générales s’opposent à ce qu’elle puisse substituer. D’après ces lois générales, la substitution ne peut avoir lieu que dans la même classe. Aussi n’ai-je rien proposé à ce qui concerne la substitution, Mais au paragraphe 2, qui autorise la classe de 1826 à remplacer, j’ai ajouté que les hommes qui font partie de la réserve, et qui probablement ne seront plus appelés sous les drapeaux, seraient autorisés à remplacer.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Ils pourront encore être appelés.
M. d'Hoffschmidt. - Pendant combien de temps ferez-vous durer cette réserve ? Voilà des hommes qui n’ont pas été appelés par leur numéro à faire partie du contingent de l’armée, et vous les mettez dans l’impossibilité de remplacer. C’est d’autant plus injuste qu’on ne les a appelés que pour un cas extraordinaire.
M. Gendebien. - J’aurais besoin d’être éclairé, car la question a été tellement embrouillée, que je ne sais plus au juste où nous en sommes, sur quoi nous délibérons. Reprenons les choses au point de départ.
Le gouvernement veut faciliter les remplacements ; et d’un autre côté, il veut autant que possible conserver sous les armes les anciens militaires. On atteint ce double but en adoptant l’amendement de M. d’Hoffschmidt et le mien. Car les miliciens de 1826 qui n’auront pas été pris comme remplaçants seront toujours sous la main du gouvernement jusqu’au licenciement.
Vous atteindrez donc le but, quelque soit l’amendement que vous adoptiez, que ce soit celui de M. d’Hoffschmidt ou le mien. Je crois que vous devez admettre l’un ou l’autre ; en effet les citoyens qui se trouvent dans l’armée de réserve et dans le premier ban de la garde civique mobilisée ont la pratique du service, connaissent le maniement d’armes et les manœuvres, puisque quant au premier ban de la garde civique il a été en activité pendant près de trois ans.
Et d’un autre côté ce serait rendre un service à la garde civique, en raison de ce qu’un grand nombre de gardes civiques qui ont contracté des habitudes militaires ont perdu leur état ; ne sachant quoi faire, ils se trouvent dans une position fâcheuse ; ils ne trouvent pas d’emploi par suite de la crainte qu’on a de les voir rappelés dès qu’ils se seraient remis aux travaux auxquels on pourrait les employer.
Maintenant il me reste une explication à demander à M. le ministre de la guerre. M. le ministre de la guerre entend-il que les miliciens de la classe la plus ancienne, actuellement celle de 1826, qui auraient des remplaçants, ne seraient pas appelés pour leur propre compte dans le cas où ces remplaçants seraient rappelés du congé illimite qu’on leur a donné ? Ainsi, en 1813, ceux qui avaient des remplaçants furent obligés de marcher ou de fournir un nouveau remplaçant, parce que leur premier remplaçant se trouvait au service pour son propre compte en raison de ce qu’on était revenu sur les levées antérieures.
Je crois que cela ne doit pas être, mais que, pour éviter toute espèce de doute, il faudrait le dire dans la loi.
Je désirerais que l’on dît également dans la loi que, dans le cas où des citoyens de l’armée de réserve ou du premier ban de la garde civique mobilisée, partis comme remplaçants, seraient ensuite appelés pour leur propre compte, les remplacés ne seraient pas forcés de fournir un nouveau remplaçant, parce que, s’il y avait besoin de faire des levées considérables, les embarras seraient tels, que l’on pourrait interpréter la loi diversement. C’est ce qu’il faut éviter dans l’intérêt des remplaçants et des remplacés.
Il est bien certain que, si l’on déclare que les miliciens de la classe de 1826, les citoyens du premier ban de la garde civique mobilisée et de l’armée de réserve partis comme remplaçants ne pourront plus être rappelés pour leur propre compte, on n’hésitera pas à se faire remplacer par eux.
Je pense bien que je suis à cet égard d’accord avec M. le ministre de la guerre. Je crois néanmoins qu’il est nécessaire qu’il donne une explication.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - L’intention du gouvernement et celle de la commission a été que les miliciens de la classe de 1826, qui remplaceraient ceux des classes de 1834 et 1835, fussent par ce fait même libérés de tout service personnel dans le cas où le rappel de la classe de 1826 serait nécessité par des circonstances extraordinaires que rien ne nous fait prévoir. Les remplacés ne devront donc pas marcher pour leur propre compte.
Quant à l’amendement de M. Gendebien d’après lequel les citoyens qui ont fait partie du premier ban de la garde civique mobilisée, qui ainsi ont été au service pendant deux ans et demi, pourraient être admis comme remplaçants des miliciens des classes de 1834 et 1835, je déclare que j’y donne mon adhésion ; attendu qu’il n’est nullement probable que la garde civique soit rappelée sous les drapeaux.
M. Gendebien. - Mon amendement portait : « Le premier ban de la garde civique mobilisée ou non. » Je pense qu’en cela je ne serais pas d’accord avec le ministre de la guerre. Mais je supprime les mots : « ou non. »
M. le président. - M. le ministre de la guerre propose de dire à la fin du deuxième paragraphe de l’article 2, au lieu de : « remplaçants sans aucune distinction de classes, » « remplaçants de toutes les autres classes de milice. »
- Cet amendement est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M. d’Hoffschmidt est mis aux voix, il n’est pas adopté.
L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix et adopté.
L’article 2 est adopté avec l’amendement de M. le ministre de la guerre et de M. Gendebien.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Parmi les citoyens de la garde civique mobilisée, il pourrait s’en trouver qui n’auraient pas l’âge requis ; je pense qu’ils restent soumis aux dispositions générales de la loi. (Adhésion.)
« Art. 3. Ceux qui se présenteront comme remplaçants, ne seront plus tenus de produire un certificat constatant qu’ils ont été domiciliés pendant quinze mois dans la province où ils voudront remplacer ; mais ils devront justifier de leur qualité de Belge et d’une bonne conduite depuis un an. Les militaires porteurs de congé définitif régulier, ou d’un congé illimité délivré depuis moins d’un an, ne devront fournir cette preuve que pour le laps de temps qui s’est écoulé depuis qu’ils ont quitté le corps ; ils devront en outre produire un certificat de bonne conduite délivré par leur chef de corps. »
- Adopté.
« Art 4. Le certificat, modèle V, à délivrer aux personnes qui se présenteront pour servir comme remplaçants, est modifié conformément au modèle annexé à la présente loi. »
- Adopté.
M. le président. - Le certificat dont il est question dans l’article 4 est ainsi conçu :
« Nous soussignés, seuls autorisés, en vertu de l’article 185 de la loi, à signer et délivrer les déclarations et certificats nécessaires pour la milice nationale, dans la commune de … sur le témoignage de NN, âgé de … ans, …. de profession, demeurant en cette commune (si c’est une ville, le nom de la rue ou quai) et de NN, âgé de … ans, … de profession, demeurant du cette commune, à nous connus et jouissant d’une réputation intacte, et sur notre responsabilité personnelle, certifions que NN, natif de …, province de …, âgé de … ans, … de profession, fils de NN, et de NN, demeurant à …, province de … (ou décédé à …), lequel s’est présenté comme (remplaçant ou substituant) pour NN, ayant eu au tirage le n°…, a demeuré dans cette commune le temps de … (si la résidence n’est pas d’une année accomplie), et dans la commune de …, depuis le … jusqu’au … ; qu’il s’est conduit pendant ce temps en honnête homme et en citoyen paisible, et qu’il n’est point à notre connaissance qu’il se soit antérieurement rendu coupable de quelque délit.
« A … le … 18..
« Signatures des témoins, ou déclarations certifiées qu’ils ne savent écrire. »
Si la personne à qui le certificat est nécessaire a habité plus d’une commune pendant l’année, le certificat devra aussi être souscrit par l’administration de l’autre commune, en ces termes :
« Les membres de l’administration de la commune de …, seuls autorisés à signer les certificats dans ladite commune, déclarent, sous leur responsabilité, que NN, ci-dessus nommé, a habité la commune depuis … jusqu’au …, et que pendant ce temps et précédemment, autant qu’il leur est connu, il s’est comporté honnêtement.
« A… le … 18.. »
Si la personne est étrangère à la province où elle se présente comme remplaçant ce certificat sera légalisé par le gouverneur de la province où il a été délivré.
Ce certificat sera légalisé par le gouverneur de la province où il a été délivré.
A ce certificat devront être joints, par celui qui veut servir en qualité de remplaçant :
1° Son acte de naissance ou de baptême ;
2° La preuve qu’il a satisfait à la milice, ou qu’il n’a pu y satisfaire ;
3° Le consentement de sa femme au contrat, si le remplaçant est marié ;
4° Le congé, qui l’affranchit du service militaire s’il a servi dans un corps militaire quelconque, ou bien son congé illimité si le remplaçant ou le substituant appartient à la classe dont il est question à l’article 2.
M. d'Hoffschmidt. - Il y a une rectification à faire dans le certificat.
Se comporter honnêtement veut dire se comporter d’une manière honnête. (Hilarité.) Ou peut être honnête sans être honnête homme.
Je demande que l’on dise se comporter en honnête homme.
M. Brabant. - Je demande la suppression de ces mots : « et qu’il n’est pas à notre connaissance qu’il se soit rendu coupable de délits. »
La loi veut dire par là que le certificat ne pourra être délivré à ceux qui se serons rendus coupables d’un délit infamant. Mais elle ne le dit pas. Elle semble comprendre les simples délits qui n’emportent pas l’inhabilité à remplacer. Les autorités communales se voient souvent dans la nécessité d’éluder les lois.
M. Legrelle. - J’appuie l’observation de l’honorable M. Brabant. Il est évident que la loi n’a pu entendre exclure de la faculté à remplacer les individus qui se seraient portés à de simples voies de fait. Cependant cet acte constitue un délit.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il est très vrai que la loi n’entend parler que de délits qui portent atteinte à l’honneur, tels que le vol, l’escroquerie. Mais je ne puis appuyer la suppression proposée par M. Brabant parce qu’il suffirait à un individu coupable d’un délit de cette nature de s’être conduit en honnête homme pendant un an pour obtenir un certificat des autorités communales.
Il faut substituer quelque chose à la phrase dont M. Brabant demande la suppression. Il est bien positif que la loi n’entend pas regarder comme inhabiles à remplacer ceux qui se seraient rendus coupables de voies de fait (car un coup de poing peut constituer un délit) ou d’une contravention aux lois de chasse. Ou ne veut exclure que ceux qui auraient commis un délit déshonorant.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - L’on pourrait dire : « Et qu’il n’est point à notre connaissance qu il se soit antérieurement rendu coupable de quelque délit qui puisse empêcher son admission comme remplaçant. »
M. Gendebien. - La rédaction de M. le ministre de la guerre lèverait toute difficulté si la loi précisait les cas qui rendent un individu indigne de servir comme remplaçant. Mais il n’en est pas ainsi.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Nous savons que le certificat actuel est en tout point conforme au certificat ancien. C’est parce que les autorités locales ont éprouvé quelques scrupules à délivrer ce certificat dans certaines circonstances, que l’on en demande la modification. En effet, d’après les termes généraux dans lesquels il est conçu, on pouvait douter si on devait le délivrer à celui qui s’était rendu coupable d’un simple délit de chasse. Je crois qu’il faudrait que le certificat exprimât que l’on ne s’est pas rendu coupable de crimes ou de délits contre les personnes et les propriétés.
M. Gendebien. - Mais le délit de chasse est un délit contre les propriétés.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Cela est vrai.
M. Brabant. - Je crois qu’il faut mettre : « qu’il ne s’est pas rendu coupable de quelque délit qui le rend indigne du service militaire. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Mon collègue M. le ministre de l’intérieur me communique un article de la loi de 1830 d’après lequel sont incapables ou indignes du service militaire : les repris de justice, les vagabonds, les gens sans aveu, les condamnés à des peines afflictives et infamantes, les condamnés à l’emprisonnement pour vol, escroquerie, abus de confiance, banqueroute simple, soustraction comme dépositaires publics, et attentat aux moeurs.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il n’y a qu’à mettre dans le certificat : « qui ne se sont pas rendus coupables de crimes et des délits prévus par l’article 7 de la loi du 31 décembre 1830. »
M. Gendebien. - Il vaut mieux insérer dans le modèle du certificat le texte de l’article que l’on vient de citer.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je crois que c’est le plus court.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je crois cependant qu’il faudrait dire ; « qu’il ne s’est pas rendu coupable de crime, et qu’il n’a pas été condamné pour vol, escroquerie, banqueroute simple, abus de confiance, soustraction comme dépositaire public, et attentat aux moeurs. »
M. Dubois, rapporteur. - Il paraît convenu que l’on mettra dans le premier modèle de certificat : « Il n’est point à notre connaissance qu’il se soit rendu antérieurement coupable de crimes ou des délits prévus par l’article 7 de la loi du 31 décembre 1830 ; » je demanderai en outre que l’on mette la même chose dans le second certificat, lequel est délivré à un individu qui a habité la commune pendant une année. Dans celui-ci on dirait encore : « Il n’est point parvenu à notre connaissance qu’il se soit rendu antérieurement coupable de crimes, ni des délits prévus par l’article 7 de la loi du 31 décembre 1830. »
M. Brabant. - Je ne persiste pas dans ma proposition.
M. Gendebien. - J’insiste pour que l’article 7 de la loi de décembre 1830 soit inséré dans le certificat, afin que les particuliers ne soient pas obligés de recourir à cette loi ou de signer aveuglément. C’est si peu de chose qu’il ne vaut pas la peine de ne pas l’insérer.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’ai demandé la parole parce que je voulais présenter la même observation que vient de faire M. Gendebien. J’ajouterai qu’on ne peut pas exiger qu’un bourgmestre de commune rurale ait toutes les lois sous la main, et qu’il est bon de lui éviter de faire des recherches. Je propose donc de mettre dans le certificat : « et qu’il n’est pas à notre connaissance qu’il se soit rendu antérieurement coupable d’un crime, ou qu’il ait subi des condamnations pour vol, escroquerie, banqueroute simple, abus de confiance, soustraction comme dépositaire public et attentat aux mœurs. »
M. Gendebien me fait observer qu’il ne s’agit pas de rechercher si un individu s’est rendu coupable d’un crime, mais s’il a été condamné.
M. Gendebien. - D’un côté vous parlez de s’être rendu coupable de crimes, et de l’autre vous parlez de condamnations ; il faudrait mettre condamnation dans les deux cas. (Adhésion.)
M. le président. - L’article serait ainsi rédigé : « et qu’il n’est pas à notre connaissance qu’il ait été condamné antérieurement pour crime, vol, escroquerie, banqueroute simple, abus de confiance, ou soustraction comme dépositaire public, ou pour attentat aux moeurs. »
- Cet amendement mis aux voix est adopté.
M. le président. - Les mêmes expressions sont demandées pour le second certificat.
La chambre admet l’addition du même amendement pour le second certificat.
Le premier certificat est adopté dans son ensemble.
M. le président. - L’article 5 est mis en délibération. Il est ainsi conçu :
« Les miliciens qui se feront remplacer seront tenus de verser dans la caisse du corps auquel ils appartiennent, au lieu des quatre cinquièmes mentionnes au cinquième alinéa de l’article 98 de la loi du 8 janvier 117, une somme de cent cinquante fr. laquelle somme sera remise au remplaçant, ou bien au remplacé, si cela est stipulé dans le contrât de remplacement, lorsque le remplaçant recevra son congé définitif, déduction faite de la dette qu’il pourrait avoir contractée à la masse d’habillement et de réparations.
« Ce versement devra être fait dans le mois de l’incorporation du remplaçant ; si le milicien reste en retard de l’effectuer, son remplaçant sera renvoyé du service et le remplacé tenu de servir en personne. »
- Cet article 5 est adopté sans discussion.
M. le président. - L’article 6 est ainsi conçu :
« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
M. Pirson. - Je désirerais présenter un article additionnel qui prendrait place après l’article 5 ; mais je crains que l’heure avancée de la séance ne nous permette pas de le discuter. Il porte sur une question au sujet de laquelle j’ai été en relation pendant deux ans, non pas avec M. le ministre de la guerre lui-même, mais avec le chef du personnel de la guerre, sans obtenir une solution définitive.
Lorsque le remplaçant d’un milicien déserte, celui-ci est obligé de venir servir sous les drapeaux, à moins qu’il ne fournisse un autre remplaçant ; mais il peut arriver que, malgré sa bonne volonté, il ne trouve pas immédiatement ce remplaçant. Il se peut que le remplaçant ne soit trouvé que lorsque l’individu est déjà immatriculé. Si le père de deux enfants trouve un remplaçant, et que celui-ci soit admis, comment peut-il se faire que le second fils ne jouisse pas de la présence du premier remplaçant ? Si vous aviez le temps d’entendre ce cas…
M. Legrelle. - Expliquez le cas.
M. Pirson. - J’ai pour voisin un nommé … qui a trois fils. Le premier est tombe au sort en 1830. Le père, qui est tailleur (et vous savez que dans une petite ville un tailleur n’a pas beaucoup de ressources), le père a trouve un remplaçant pour son fils. Le remplaçant a déserté après les malheureuses affaires du mois d’août 1831. Il était de Luxembourg.... Le second fils tombe au sort en 1833. Il ne peut justifier de la présence sous les drapeaux du remplaçant de son frère et est obligé de chercher un autre remplaçant. Le gouverneur lui accorde deux délais à cet effet.
Le gouverneur de la province lui a donné deux ou trois délais successifs. Il a cherche un remplaçant et de bonne foi il n’en a pas trouvé. Le fils second a été immatriculé. Quelque temps après, il a trouvé un remplaçant. Il consulte le gouverneur pour savoir s’il doit envoyer son remplaçant pour le premier ou pour le second fils. Si je l’envoie pour le second, a-t-il dit, comme je suis dans les deux années pendant lesquelles je dois garantir mon remplaçant, et s’il déserte comme le premier j’en serai encore pour mes frais,
- Plusieurs voix. - Mais finissez-en.
- Un grand nombre de membres descendent de leurs bancs.
M. Pirson. - Un instant ! un instant ! (On rit.) Le gouverneur dit : Je ne puis pas résoudre la question, je vais consulter le ministre. Le gouverneur a écrit au ministre, mais le ministre n’a pas répondu. Le père a gardé le remplaçant pendant trois mois chez lui, il fallait bien le mettre quelque part. (On rit.) Il est retourné auprès du gouverneur, ne pouvant pas toujours garder le remplaçant. Le gouverneur alors lui a dit : Appliquez votre remplaçant au premier de vos fils, je vais mettre le second dans la réserve ; alors nous aurons tout le temps de faire expliquer le ministre, et nous verrons ce qui arrivera.
Cela s’arrangea de cette manière : le second fils fut mis dans la réserve, et comme on laissait la réserve tranquille, il ne fut plus question de rien jusqu’au moment où la réserve fut mise en activité.
- Plusieurs membres se dirigent vers la porte.
M. Pirson. - Messieurs, j’arrive ! j’arrive !
Un membre. - Si vous arrivez, nous partons. (On rit.)
- Tous les membres quittent la salle.
La séance est levée à cinq heures et demie.