(Moniteur belge n°38, du 7 février 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à midi trois quarts.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur L. Thomassin, marchand tailleur à Liége, né en Prusse et habitant la Belgique depuis 1811, demande la naturalisation. »
« Le chanoine don Francesco de Judicibus, refugié italien, se plaint d’avoir été arrêté par le procureur du Roi de Gand, et retenu 5 jours en prison sous prétexte que son passeport n’était pas régulier ; il articule également plusieurs propos outrageants, dont il aurait été l’objet de la part de ce magistrat et des agents de la police, et demande que la chambre ait égard à sa plainte. »
- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
La commission pour les los-renten est composée de la manière suivante :
MM. Raikem, Legrelle, Davignon, Lardinois, Donny, d’Hoffschmidt, Dumortier, Dubus, Fallon, Jadot, Verdussen.
M. de Brouckere. - Je demande que si la pétition est renvoyée à la commission des pétitions, celle-ci soit invitée à faire son rapport. Demain nous nous occuperons du rapport des pétitions. Il est urgent qu’une prompte décision soit prise à l’égard de cette requête.
- La commission est chargée d’en faire le rapport au commencement de la séance de demain.
M. Frison demande une augmentation du personnel pour le tribunal de Charleroy. (Nous ferons connaître les développements.) -
- La proposition de M. Frison est prise en considération.
M. Pirson. - Je crois qu’il y a lieu de renvoyer le projet qui vient de vous être présenté a une commission ; en voici la raison.
Les sections ne peuvent prendre les renseignements qui sont nécessaires pour déterminer la chambre sur cet objet. Il faudra que la commission que je propose se mette en contact avec M. le ministre de la justice qui doit avoir des renseignements sur les besoins du tribunal de Charleroy au moyen des rapports que lui transmettent les procureurs-généraux.
Le renvoi à une commission est d’autant plus désirable que cette commission pourra examiner en même temps les demandes de même nature qui ont été adressées par différentes villes de la Belgique, notamment par celle de Dinant. Il serait très possible que M. le ministre de la justice, prenant en considération les réclamations des différents arrondissements, présentât un projet de loi sur l’ensemble de l’augmentation du personnel des tribunaux de première instance. Nous gagnerions ainsi beaucoup de temps. Je persiste donc à demander le renvoi à une commission.
M. Desmanet de Biesme. - Les raisons alléguées par l’honorable préopinant en faveur du renvoi du projet à une commission ne me paraissent pas fondées. Les sections pourront s’entendre tout aussi bien qu’une commission spéciale avec M. le ministre de la justice.
Il y a ici une question de principe à examiner sur l’augmentation du personnel des tribunaux de première instance. Si on prétend que les renseignements à demander ne pourront être envoyés à toutes les sections, la section centrale ne sera-t-elle pas dans la même position que la commission pour les recevoir ? ne pourra-t-elle pas comme elle s’entendre avec M. le ministre de la justice ? Lorsqu’une commission a passé par la filière des sections, il y a bien plus de certitude que l’examen qu’elle a subi représente l’opinion de l’assemblée que si elle est examinée que par une commission spéciale.
M. Gendebien. - Il me semble qu’il n’y a pas à hésiter, qu’il faut renvoyer le projet à une commission. Dans le cas dont il s’agit il y a urgence reconnue même par M. le ministre de la justice. Il y a 7,000 causes en retard au tribunal de Charleroy. Une deuxième chambre est d’une nécessité telle que si vous tardiez plus longtemps à l’accorder, il faudrait pendant quelque temps en établir une troisième provisoire. Il faudra, comme on l’a déjà dit, que des renseignements soient fournis par M. le ministre de la justice. Il n’y a donc que la section centrale qui pourrait les recevoir, si la chambre adoptait le renvoi en sections. L’examen de la proposition ne serait donc pas fait en section centrale par un nombre plus grand de membres que si une commission était nommée. Je ne vois pas pourquoi l’on s’oppose au renvoi à une commission.
M. Dumortier. - L’arrondissement de Charleroy n’est pas le seul qui demande une augmentation de personnel pour son tribunal. La ville de Dinant a adressé une demande semblable à la chambre. Le barreau de Tournay a signé une pétition pour la ville que j’ai l’honneur de représenter. Elle est datée de l’an dernier. Le tribunal de Tournay est peut-être, de tous les tribunaux de première instance, celui qui a le plus besoin d’une troisième section.
J’apprends que le tribunal de Termonde réclame aussi une augmentation. Si vous renvoyez la proposition de l’honorable M. Frison à une commission, elle n’aura à faire un rapport que sur cet objet spécial. Si au contraire vous admettez le renvoi en sections, les députés des différentes localités que je viens de nommer pourront faire entendre leurs voix et faire apprécier les droits des villes qu’ils représentent. Il y a en outre une question préalable à examiner ; c’est celle de savoir s’il n’y aurait pas lieu de créer un tribunal de commerce dans la ville de Charleroy. D’ailleurs les députés de Charleroy ne pourront-ils pas soutenir le projet dans leurs sections respectives, de même que les députés des arrondissements qui réclament aussi une augmentation dans le personnel de leur tribunal ? J’appuie donc le renvoi en sections.
M. Frison. - Nous ne contestons pas le droit que peuvent avoir les tribunaux de différents arrondissements à obtenir une augmentation de personnel. Mais la nécessité d’augmenter celui du tribunal de Charleroy est tellement impérieuse, sa position est tellement exceptionnelle que différer plus longtemps d’y porter remède serait une espèce de déni de justice. Voilà 4 ans que cet état de choses se prolonge, sans qu’on y ait fait droit.
M. Gendebien. - L’honorable M. Dumortier n’était pas au commencement de la séance. Son absence est cause qu’il a confondu deux choses bien distinctes. La proposition de M. Frison a été prise en considération avant l’arrivée de M. Dumortier. C’est une proposition formulée en projet de loi sur laquelle il s’agit de prendre une décision sur le mode d’examen qui en sera fait, tandis que les différentes réclamations dont a parlé l’honorable M. Dumortier ne sont que de simples pétitions. Elles ne sont point arrivées au même point de maturité que le projet pour le tribunal de Charleroy. Chaque membre est libre d’imiter l’exemple de M. Frison. Mais il s’agit seulement en ce moment de savoir si la proposition sera renvoyée en sections ou à une commission. Il me semble qu’il serait injuste de retarder la juste réclamation de l’arrondissement de Charleroy, sous prétexte qu’il y a d’autres arrondissements qui réclament la même faveur. Il n’y a aucune espèce de connexité entre les besoins des tribunaux de Dinant, Termonde, et ceux du tribunal de Charleroy. Il n’y a pas la même urgence. Chaque question devra être traitée séparément. Les arguments émis en faveur du renvoi en sections ne sont donc fondés en aucune manière.
M. de Roo. - Les motifs que l’on avance à l’appui de l’augmentation demandée sembleraient plutôt arguer en faveur de l’établissement d’un tribunal de commerce dans la ville de Charleroy ; car c’est principalement dans l’intérêt du commerce que cette augmentation est demandée. Cependant il paraît qu’il serait très difficile d’établir un tribunal de commerce dans cette ville, attendu que les grands industriels, qui devraient le composer sont disséminés dans l’arrondissement à des distances assez éloignées du chef-lieu pour qu’il fût difficile de les réunir. Il paraît donc juste de créer une nouvelle section au tribunal de première instance, au lieu d’un tribunal de commerce.
J’appuie donc la proposition et me prononce pour le renvoi à une commission, comme cela a eu lieu pour le tribunal de Bruges. Le cas est identique.
M. Dumortier. - L’honorable député de Mons ne m’a pas compris. J’étais présent à la prise en considération. Je sais fort bien qu’il s’agit d’une proposition spéciale. il s’agit de savoir si la proposition de M. Frison sera soumise à l’examen des sections ou d’une commission. Les choses ainsi posées, je crois devoir faire remarquer à la chambre que, saisie qu’elle est de plusieurs autres réclamations de la même nature, elle fera mieux de renvoyer le projet de M. Frison à l’examen des sections.
On nous dit : Si vous voulez faire une proposition semblable, faites-en une.
Je suis persuadé que si l’on renvoyait le projet à une commission, chaque représentant des arrondissements qui ont fait une réclamation déposerait une proposition sur le bureau. M. de Terbecq en ferait une pour le tribunal de Termonde. Moi, j’en ferais une pour le tribunal de Tournay. M. Lardinois me dit qu’il en ferait une pour le tribunal de Verviers, et M. Pirson qui me fait signe, continuerait ses réclamations en faveur de celui de Dinant.
M. Gendebien. - Eh bien, l’on nommerait des commissions spéciales.
M. Dumortier. - Il y a ici une question de principe à examiner. Il est donc nécessaire de renvoyer le projet aux sections, c’est la marche que l’on a suivie pour l’organisation judiciaire. Il n’y a aucun motif pour s’opposer au renvoi en sections, à moins que l’on ne craigne l’examen des sections.
Nous avons tous les mêmes droits. La Belgique ne se compose pas que de l’arrondissement de Charleroy. Laissez à chacun la faculté de faire valoir les droits de son arrondissement dans les sections. Il n’y a pas plus d’urgence pour le tribunal de Charleroy que pour tout autre tribunal. Il est juste, puisqu’il y a beaucoup d’intérêts en jeu, que le renvoi aux sections soit prononcé, afin que chaque membre puisse être entendu.
M. Desmanet de Biesme. - J’ai été mal compris par l’honorable M. Gendebien. Il a paru croire qu’en demandant le renvoi en sections, je voulais écarter la discussion de la proposition de M. Frison. Mais l’honorable auteur lui-même n’a demandé qu’elle fût discutée qu’après la discussion du budget du ministère des finances. Les sections auront donc tout le temps d’examiner la question qui leur sera soumise. Je pense qu’il ne faut s’écarter de la règle du renvoi en sections et nommer des commissions que quand il y a urgence ou quand il s’agit d’un objet spécial. Je répète que quand les sections ont formulé une proposition, elle est mieux accueillie, et la discussion va plus vite que quand elle n’a passé que par une commission.
M. Dumont. - Je demande le renvoi de la proposition de M. Frison à une commission. Ma raison déterminante c’est que l’objet dont il s’agit exige des connaissances spéciales. Il faut être versé dans la marche des affaires judiciaires pour bien apprécier la justice de la réclamation du tribunal de Charleroy. Les membres qui appartiennent au barreau sont plus à même de juger ces sortes de questions que les membres des sections qui en général les fréquentent peu.
L’honorable M. Dumortier nous dit que d’autres arrondissements ont adressé à la chambre des réclamations aussi fondées. Je le crois ; mais il est nécessaire que ces réclamations, pour obtenir l’honneur d’un examen, passent par les mêmes formalités que la proposition du tribunal de Charleroy. Je conçois bien que l’on puisse présenter des amendements à la proposition de l’honorable M. Frison. Mais les demandes des autres tribunaux ne seraient plus des amendements, mais de véritables propositions nouvelles.
Il faudrait donc les envoyer à la chambre pour la formalité de la prise en considération et statuer ensuite sur le mode d’examen de ces propositions. La marche proposée par l’honorable M. Dumortier ne présentait aucun avantage sous le rapport de l’économie du temps. Je persiste donc à demander le renvoi à une commission.
M. Pirson. - L’honorable M. Dumortier a mal compris le signe que je lui ai fait : Mon intention est bien de présenter une proposition en faveur du tribunal de Charleroy ; mais je ne partage nullement son opinion sur le renvoi en sections. Je persiste à demander le renvoi à une commission parce que les sections ne pouvant être saisies, des renseignements qu’il faudra nécessairement demander au ministre de la justice, il n’y aura pas d’avantage à ce qu’une section centrale les examine au lieu d’une commission. Il y aura eu du temps perdu, et c’est ce qu’il faut éviter.
M. Dubus. - Messieurs, comme on l’a déjà dit, la question de renvoi à une commission n’est pas une question de temps. L’honorable M. Desmanet a fait remarquer que, d’après la proposition même de M. Frison, ce ne serait qu’après le vote du budget du ministère des finances que l’on s’occuperait de cette proposition. Les sections et la section centrale auront donc le temps de procéder mûrement à cet examen. Cet examen sera beaucoup mieux fait que s’il avait lieu au moyen d’une commission, parce que la section centrale qui sera nommée par toutes les sections, sera munie de tous les renseignements que les connaissances spéciales des membres des sections auront fournis : car on dit qu’il faut certaines connaissances pour examiner la proposition dont il s’agit. Mais il existe dans toutes les sections des personnes qui ont des connaissances spéciales sur ces matières. Le meilleur moyen, pour que la proposition de M. Frison soit bien examinée, c’est de la renvoyer aux sections.
D’ailleurs, si, comme on l’a dit, différents arrondissements ont présenté des demandes fondées pour obtenir une augmentation du personnel de leur tribunal, est-il convenable d’examiner séparément toutes ces demandes et d’en faire autant de propositions spéciales, au lieu de les renvoyer toutes aux sections et demander un rapport sur l’ensemble ?
L’on a dit que la section centrale n’avait pas mission de présenter des conclusions pour l’augmentation du personnel d’un tribunal autre que celui de Charleroy ; mais l’on a avancé cet argument sans se donner la peine de le prouver. Il est certain que la section centrale a le droit d’en agir ainsi. Au surplus, il y a un principe à examiner, que les sections et la section centrale seules sont appelées à décider. Quand cette décision aura été prise, elle servira de règle pour toutes les demandes de même nature. Au reste, s’il fallait que la chambre fût saisie de propositions spéciales, je puis lui dire qu’il en serait déposé une en faveur du tribunal de Tournay.
J’appuie, pour ces motifs, le renvoi de la proposition de M. Frison aux sections.
- Le renvoi de la proposition de M. Pirson aux sections est mis aux voix et adopté.
« Art. 4. Crédit supplémentaire (pour la caisse de retraite) : fr. 50,000. »
M. le président. - M. Jadot a proposé l’amendement suivant :
« J’ai l’honneur de proposer à la chambre de porter à 180,000 francs le subside extraordinaire demandé par M. le ministre des finances, pour les motifs que la chambre m’a autorisé à faire imprimer au Moniteur. »
M. Jadot. - Je me dispenserai de présenter de nouveau les développements insérés au Moniteur. Je m’y réfère pour le développement de ma proposition.
M. Pirson. - Je voterai en faveur de la proposition de M. Jadot. Elle diffère de 20,000 fr. de celle de M. le ministre des finances. Ce déficit pourra se combler si, comme M. le ministre en a annoncé l’intention, le gouvernement applique la principe consacré par les dispositions en vigueur, qui ne permettent pas d’accorder des pensions d’un chiffre plus élevé que 6,000 fr., et si l’on opère ainsi des diminutions sur les pensions qui dépassent ce chiffre.
M. Seron. - Messieurs, je n’ai qu’un mot à dire sur la question soumise en ce moment à votre examen, car il est inutile de répéter des observations que vous avez entendues vingt fois.
Si les employés du ministère des finances avaient à leur disposition leur caisse de retraite et le droit exclusif de fixer, d’accorder ou de refuser par eux-mêmes, ou par leurs fondés de pouvoirs, les pensions de retraite, vous n’auriez pas à vous occuper d’eux, et ils auraient mauvaise grâce à vous demander des subsides.
Mais il n’en est pas ainsi : le gouvernement hollandais a mis la main sur leurs deniers et sur leurs dotations. De son côté, le gouvernement belge, successeur du gouvernement hollandais, a, depuis la révolution, accordé une foule de pensions nouvelles au nombre desquelles il en est beaucoup de très élevées. De ces deux circonstances, il est résulté un déficit considérable dans la caisse de retraite belge.
On a demandé qu’il fût comble par l’Etat. Il fallait y affecter une somme assez considérable ; la chambre n’en a alloué qu’une très faible. Dès lors, pour ne pas suspendre le paiement des pensions, le ministre des finances a été forcé d’élever la retenue, de 3 p. c., taux auquel elle était auparavant fixée, à 5 et même à 7 p. c. Aujourd’hui elle est descendue à 5 p. c.
Est-ce justice ? Non, car les employés soumis à la retenue n’ont pas de canons pour contraindre le roi néerlandais à leur rendre compte et à liquider avec eux. Non, car ils ne sont pas cause qu’une masse de pensions a été, à tort ou à droit, accordée à des employés destitués ou démissionnaires, valides ou invalides. Non, car il est contraire à la raison et l’équité de faire payer par les employés actuels les pensions dont ils jouiront plus tard, au moyen d’une retenue de 5 ou de 7 p. c., tandis que leurs prédécesseurs maintenant en retraite n’ont payé celles qu’ils reçoivent que d’une retenue de 3 p. c. ou ne l’ont pas même payée du tout.
Je suis grand partisan de l’économie, mais j’aime encore mieux la justice. J’appuie donc la proposition de mon honorable ami M. Jadot, comme tendant à ramener la retenue à sa véritable proportion et parce qu’elle me paraît fondée. Libre à la chambre de nommer ultérieurement une commission chargée d’examiner et de vérifier les titres des pensions obtenues depuis plus de quatre ans, et de vous signaler celles qui lui auront paru excessives ou abusives, comme je vous proposais de le faire en 1833, s’il m’en souvient bien.
M. Trentesaux. - Je propose le chiffre de 125,000 fr. Messieurs, j’ai déjà dans la dernière séance eu l’honneur de vous énoncer sommairement les motifs de mon amendement. J’ajouterai au chiffre de la section centrale une somme égale à celle que je retranche au chiffre du gouvernement, 75.000 fr. Ainsi je prends un juste milieu entre la proposition du gouvernement et celle de la section centrale. Vous avez dû remarquer que la distance entre les deux propositions était extrêmement grande.
Le gouvernement demande 200 mille fr., et la section centrale n’en veut allouer que 50,000. J’ai pris un juste milieu entre ces deux propositions, parce que, d’après tout ce que j’ai entendu, je crois d’une part qu’on peut retrancher quelque chose à la proposition du gouvernement, On nous a dit d’abord qu’il y avait eu des pensions excédant six mille francs, taux fixé par l’arrêté de 1814.
Certainement, en ramenant ces pensions au taux fixé par la loi, on obtiendra une certaine somme, car je crois qu’il y en a bien six à sept. D’un autre côté on a signalé des erreurs, on a même parlé d’abus. Et moi je suis tenté de croire qu’il y a eu dans tout cela un peu de camaraderie, surtout pour les pensions élevées. Mais aussi, comme je l’ai déjà dit, la distance entre la proposition de la section centrale et la demande du gouvernement est trop grande ; je ne crois pas qu’on puisse obtenir au moyen d’une révision une somme de 150,000 fr. Le total des pensions est de 810,000 fr. Si on retranchait le dixième, ce serait 81,000 fr. Je ne propose de retrancher que 75 mille fr., c’est environ le onzième ; la section centrale propose de retrancher deux onzième, c’est trop selon moi.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il paraît que ce qui a fait rejeter la demande ministérielle dans l’avant-dernière séance, c’est l’idée qu’il y a eu beaucoup d’abus dans la collation des pensions. Relativement à ces abus, je dirai que la commission qui a été instituée pour réviser ces pensions vient d’être convoquée pour le 16 de ce mois. J’ai lieu de croire qu’elle continuera son examen avec zèle et que peut-être dans six semaines son travail sera terminé. S’il est reconnu que beaucoup d’abus existent réellement, je saurai les faire cesser en modifiant le taux des pensions, et je déclare que je n’invoquerai pas la responsabilité de la commission, mais que ce sera sous ma responsabilité personnelle et toute particulière que j’agirai dans cette circonstance.
Je dois dire cependant que j’ai la conviction que le redressement des abus, si tant est qu’il en existe, n’apportera qu’une différence bien légère dans le chiffre actuel des pensions et qui sera loin d’approcher celle de 20,000 fr. qui existe entre la proposition de M. Jadot et la proposition ministérielle. Il me semble que d’après la promesse que je fais de continuer la révision des pensions et de lui donner une sanction, la chambre peut sans aucune inquiétude voter le crédit que le gouvernement lui demande.
L’honorable M. Trentesaux a parlé des pensions qui excédent 6,000 fr., et il a dit que si on les réduisait à ce taux, on aurait une somme énorme. Je viens d’en faire le calcul. Il y a six pensions, dont l’une est de 6,000 fr. et cinq qui dépassent ce chiffre. Si on les réduisait toutes à 6,000 fr., on obtiendrait une somme de 6,765 fr.
On a prétendu irrévocablement qu’il y avait abus lorsque des pensions étaient accordées qui dépassassent six mille fr. Je ne suis pas d’accord avec les honorables membres qui ont émis cette opinion. Il n’est pas toujours exact de dire, même en appliquant l’arrêté de 1814, qu’aucune pension ne puisse être accordée en dépassant six mille francs.
En effet, si j’examine l’article 9 de l’arrêté de 1814 relatif à ces pensions, j’y trouve que la pension d’un employé qui a servi 40 ans et au-delà peut aller jusqu’aux deux tiers de la moyenne du traitement qu’il a eu pendant les trois dernières années de son service.
Ainsi la pension d’un employé qui a 40 ans de service peut s’élever jusqu’aux deux tiers du traitement qu’il a touché pendant les trois dernières années.
Le paragraphe 2 porte que la pension d’un employé qui a dix années de service est fixée au sixième du traitement qu’il a touché pendant ses trois dernières années de service, et qu’il y sera ajouté un soixantième pour chaque année de service au-dessus de dix ans et au-dessous de 40 ans. Cette pension ne pourra excéder 6 mille fr., c’est-à-dire que quand la durée du service est au-dessous de 40 ans, dans ce cas la pension ne peut pas dépasser six mille fr. Voilà comment il faut entendre l’article 9 de l’arrêté de 1814.
Ainsi les pensions dont nous nous occupons peuvent s’élever au-delà du maximum de six mille fr. Aussi il y en a dont on n’a jamais contesté la légalité et qui cependant dépassent le maximum de six mille fr.
La proposition de M. Trentesaux, qui diffère de 75 mille francs de la demande ministérielle, s’écarte infiniment trop des besoins de la caisse de retraite. Si cette proposition était adoptée, je serais encore dans la nécessité ou de réduire les pensions, ou d’élever à 6 ou 6 1/2 p.c. environ la retenue sur les traitements des employés qui dépassent 1,200 francs.
On conviendra que ce serait exorbitant.
Je pense, au reste, que la révision dont j’ai parlé sera un grand bien. Quand elle aura été terminée, les pensionnés pourront vivre en repos et avoir la certitude que chaque année on ne viendra pas leur contester des moyens d’existence qu’ils ont acquis par de longs et loyaux services.
Il ne faut pas perdre de vue que, pour faire cesser quelques abus, on risque de porter atteinte aux droits acquis de personnes qui méritent la bienveillance de la nation.
C’est assez que chaque année on vienne remettre en question le traitement des employés en activité, on devrait au moins s’abstenir de revenir sur les pensions de ceux qui n’ont plus que quelques années à vivre. Quand nous en viendrons à la discussion du budget de mon département je démontrerai combien il est nuisible aux intérêts de l’Etat de critiquer à chaque discussion de budget le traitement d’employés qui travaillent avec le zèle le plus louable et qui ont de plus le mérite de ne s’être pas découragés en voyant contester les droits qu’ils ont acquis à des traitements qui ne sont pas très élevés et qui sont beaucoup au-dessous de ceux accordés dans d’autres pays pour des fonctions analogues.
M. Pirson. - Je demande la parole ; ce n’est pas pour proposer une modification au chiffre de M. Jadot, mais pour présenter une observation. Il me semble, que quand il y a des employés supprimés par suite de nouveaux règlements pris par les ministres, et, qu’on donne à ces employés une pension de retraite, il y a là une sorte d’abus. Il faudrait tenir ces employés en disponibilité, comme on le fait à l’égard des militaires, et les replacer dès qu’une place se trouve vacante. On gagnerait ainsi beaucoup de pensions de retraite.
Maintenant, quand un employé a été mis à la retraite, valide ou non, on n’y pense plus, il y a tant de solliciteurs pour venir demander les places vacantes, qu’on ne songe pas à rappeler à l’activité ceux qui sont à la retraite. Il faudrait créer une classe particulière que j’appellerais la disponibilité. C’est une simple observation que je soumets au ministre, ce qui ne change rien au chiffre proposé par M. Jadot.
M. Trentesaux. - Je demande la permission de rappeler à l’assemblée que je suis cause qu’une modification a été apportée à la proposition de la section centrale ; car le chiffre du gouvernement avait été rejeté et on allait passer au vote de celui de la section centrale. Il m’a paru que la distance entre les deux chiffres était trop grande, et j’ai pris, ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de le dire, un juste milieu.
J’y ai été déterminé par l’opinion où je suis que le ministre des finances actuel peut, sans rien ajouter à la retenue faite sur le traitement des employés, opérer sur le montant des 810 mille francs de pensions de retraite une réduction de 75 mille francs. C’est pour lui donner force que je propose un retranchement aussi considérable parce que je suis sûr que la camaraderie a été pour beaucoup dans les abus qui ont présidé à la collation des pensions.
Je dis que le retranchement est considérable. Mais après tout je vous prie de remarquer qu’il n’est que le onzième de la somme demandée.
M. Verdussen. - Messieurs, avant de parler contre les deux amendements qui vous sont présentés, je commencerai par dire que peut-être plus tard ne m’opposerai-je pas à l’admission d’un chiffre plus fort que celui que propose aujourd’hui le gouvernement, lorsqu’il me sera prouvé qu’il est nécessaire, qu’il y a justice et équité à solder une dette sacrée.
C’est précisément parce que nous sommes dans la perspective d’un rapport détaillé, mûri et approfondi, que je me tiendrai au chiffre de 50,000 fr. proposé par la section centrale. Je suis persuadé que ce chiffre est insuffisant, et c’est parce qu’il s’éloigne de beaucoup de la somme nécessaire que je le voterai, parce que si je m’approchais trop du chiffre demandé par le gouvernement, le gouvernement se trouverait dans un singulier embarras. Par exemple, si l’amendement de M. Jadot était adopté, faudra-t-il considérer l’allocation de 260 mille francs comme définitive et réduire les pensions au prorata de ce qui a été alloué, ou faudra-t-il élever la retenue sur les employés, jusqu’à concurrence de 6 ou 7 p. c., afin de combler le déficit ?
Je me prononce d’abord contre la proposition de M. Trentesaux ; parce qu’il n’a nullement justifié son chiffre. Il me paraît qu’il a fait une espèce de marché avec la chambre. Son juste milieu est nécessairement erroné et ne prouve rien, car si le gouvernement peut faire avec un onzième de moins, il n’y a pas de raison pour qu’il ne puisse pas faire avec un cinquième ou un tiers de moins, si la réduction n’est pas motivée. Il n’y a ni justice, ni justesse dans un pareil chiffre.
Quant à la proposition de M. Jadot, j’ai lu attentivement les développements qu’il lui a donnés, et j’avoue que, malgré toute sa lucidité, il n’a pas pu me convaincre. Il a bien dit que toute la question résidait dans ceci : Le règlement du 20 mai 1822 a-t-il abrogé la loi du 14 septembre 1814, à l’égard des employés du département des finances ?
Oui, messieurs, c’est là la question, mais elle n’a jamais été résolue, ni par les raisonnements de M. Jadot, du moins ils n’ont pas porté la conviction dans mon esprit, ni par les votes antérieurs de la chambre. Car toujours, et depuis deux années surtout, quand la chambre a accordé des sommes pour le service de la caisse de retraite, elle ne les a accordées qu’à titre d’avance. Je rappellerai que l’allocation de 145,000 fr. n’a été votée qu’à la condition qu’elle serait remboursée par la caisse de retraite de deux en deux ans et par cinquièmes.
Cela prouve que jamais la chambre n’a tranché la question, que jamais elle n’a considéré l’arrêté du 14 septembre 1814 comme abrogé. Je suppose qu’il en soit ainsi. Mais je veux que la chose soit approfondie ; car on dit que les 30 mille florins alloués par la législature, pour combler le déficit de la caisse de retraite, n’étaient qu’une somme qui pourrait être augmentée, si les besoins de la caisse l’exigeaient. Où cela est-il dit ? Je n’en sais rien.
Je dois à la complaisance de. M. Jadot, qui me l’a procuré, le règlement du 29 mai 1822, et tout ce que j’y ai vu prouve contre lui. Il prétend que le but de l’établissement des caisses de retraite n’a nullement été de faire acheter aux employés des finances leurs pensions, mais d’assurer à leurs veuves et à leurs orphelins la réversibilité de la pension dont ils auraient joui si par infirmité ils avaient dû quitter le service.
Je demanderai encore où voit-on cela ?
J’ai lu les articles cités par l’honorable M. Jadot et je ne trouve rien à cet égard, et je trouve au contraire que la présomption est contre lui, car il a rappelé l’article 6 du décret du 13 septembre 1806. Ce décret porte que :
« Les dispositions ci-dessus ne sont point applicables aux employés des ministères et des administrations dont les pensions sont acquises au moyen des retenues et conformément à des règlements particuliers arrêtés par nous, à l’exception néanmoins de ceux qui auraient pris leur retraite avant que lesdits règlements eussent été rendus. »
Il résulte selon moi, de cet article 6, invoqué par M. Jadot, que les pensions dont il s’agit ne sont nullement une dette de l’Etat.
Tout cela me semble confirmer que la chambre n’a jamais voulu que faire une avance, sauf à voir si la caisse de retraite était ou non tenue au remboursement.
Je termine comme j’ai commencé, en déclarant que peut-être je voterai une somme plus forte quand j’aurai été à même de me prononcer en connaissance de cause. Aujourd’hui je ne voterai que le chiffre de 50 mille fr. propose par la section centrale, afin de forcer à revenir sur la matière.
M. Gendebien. - Il me semble que quand on aura discuté pendant trois heures encore, nous ne serons pas plus avancés. Le ministre sait qu’à la dernière séance, où on s’est occupé des pensions, un vote a repoussé la demande qu’il avait faite. Il connaît les motifs de ce vote. J’ai énoncé les miens, et il m’a paru que l’assemblée partageait mon opinion, qu’elle pensait qu’on avait abusé de la caisse des retraites, et qu’elle voulait connaître positivement quels étaient les droits des parties prenantes, parce qu’elle voulait être juste envers tous, et que dans cet état de choses elle ne pouvait voter la somme demandée par le gouvernement, ni celle proposée par la section centrale.
Puisque le ministre doit nous donner communication du rapport de la commission chargée de la révision des pensions et de l’examen des lois et règlements sur la matière, et qu’avant six semaines ce rapport doit nous être remis, nous n’avons rien de mieux à faire que d’attendre ce rapport.
Le dernier semestre qui doit être payé en janvier, est couvert au moyen de l’allocation portée au budget de 1834 ; vous n’aurez rien à payer pour ce service, qu’au mois de juillet prochain. Ainsi vous avez le temps d’attendre le rapport de la commission qui vous est promis, et vous aurez encore deux ou trois mois pour l’examiner et prendre une résolution.
Je persiste donc dans l’opinion que j’ai émise que je ne puis voter ni pour le chiffre proposé par le ministre ni pour le chiffre réduit par la section centrale. J’ai déclaré positivement que je ne souffrirais jamais qu’on diminuât d’un centime toute pension légalement acquise, et que d’un autre côté je ne souffrirais pas non plus qu’on augmentât la retenue faite sur les traitements des employés, et particulièrement sur les employés subalternes. J’ai prouvé que 5 p. c. était le maximum de la retenue qu’on pouvait opérer sur le traitement des employés, et l’assemblée a paru être d’accord avec moi sur ces principes.
Je crois donc devoir inciter le ministre à retirer son chiffre de 200,000 fr. avec réserve de le représenter, lorsque la chambre aura pu examiner le rapport de la commission chargée de la révision des pensions, parce qu’alors elle pourra discuter la question en pleine connaissance de cause, tandis que maintenant toute discussion serait complètement oiseuse.
Je suis persuadé que la grande majorité de l’assemblée sera de mon avis à cet égard.
Je répète itérativement que je veux pleine et entière justice pour tous, que toute pension légitimement acquise soit maintenue ; mais que tout ce qui a été accordé à la faveur soit restreint aux strictes limites du droit.
Je pense que le ministre ne trouvera aucun inconvénient à ma proposition, car l’amour-propre le plus susceptible ne pourrait s’en trouver blessé. Je ne pense pas qu’il puisse avoir de besoins avant l’époque que j’ai indiquée ; du moins je n’en connais pas ; le dernier semestre de 1834, comme je l’ai déjà dit, est couvert par le budget de l’année dernière, et quant au premier semestre de 1835 il suffit que les fonds soient faits pour le 1er juillet prochain.
Je demande donc que la question reste entière jusqu’à ce que le rapport de la commission nous ait été présente et que la chambre ait été mise à même de se prononcer en pleine connaissance de cause.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Mes observations ont pu faire comprendre que je me ralliais à la proposition de M. Jadot. J’ai parlé d’un déficit de 20 à 25 mille fr. entre les besoins réels et l’allocation. Ce déficit me semblait suffisant pour garantir la chambre qu’on s’occuperait de la recherche des abus et qu’on aviserait au moyen de les faire cesser si tant est qu’il en existe.
J’ai la conviction que quand on aura examiné les titres des divers pensionnés, on sera loin d’arriver à une réduction de 25 mille fr. sur le chiffre total des pensions.
Il a ajouté que d’ailleurs je pourrais faire face au premier semestre de 1835 au moyen du crédit ordinaire déjà alloué ; mais vous comprenez qu’il serait imprudent d’absorber au paiement de ce semestre un crédit alloué pour toute l’année sans avoir la certitude qu’avant la fin du deuxième semestre la commission aura fait son rapport au ministre, que le ministre aura pu le soumettre aux chambres, que les chambres auront eu le temps d’examiner, et qu’après l’avoir examiné, elles consentiront à voter les fonds réclamés.
Je crois, messieurs, que, par respect pour la législature, les ministres ne doivent pas agir avec cette confiance ; dans des occasions urgentes, dans des circonstances extraordinaires, seulement le ministre doit avoir le courage de disposer sous sa responsabilité d’avances sur le trésor pour servir les vrais intérêts du pays.
Vous voyez donc bien, messieurs, que si la chambre se bornait à voter les 50,000 fr. proposés par la section centrale elle placerait le gouvernement dans l’impossibilité de remplir ses engagement, à moins d’admettre les moyens déjà indiqués et consistant à réduire les pensions ou à augmenter encore les retenues sur les traitements. Je ne puis donc adhérer à la motion d’ordre, et je me rallierai plutôt à la proposition de M. Jadot.
Je suis persuadé que l’honorable M. Gendebien ne veut que s’éclairer ; il n’entend diminuer en rien des droits acquis ; je comprends fort bien sa pensée, mais j’ai lieu de croire que l’admission de sa motion d’ordre n’atteindrait pas le but qu’il se propose lui-même.
M. Jadot. - L’honorable M. Verdussen a demandé où l’on trouve que le subside de 30,000 florins accordé par l’article 34 du règlement du 29 mai 1822 ne peut jamais être augmenté par le gouvernement. Eh ! mais, messieurs, c’est dans cet article même. Le voici :
« Sont affectés à l’établissement, à l’entretien et à l’augmentation de ladite caisse : (…) annuellement une subvention à la charge du trésor, équivalente au déficit, mais seulement à la concurrence de 30,000 florins, lorsqu’il sera prouvé au Roi que les revenus de la caisse ne suffisent point pour faire face aux dépenses ; avec réserve d’augmenter ladite subvention, pour autant que la caisse pourrait être trop chargé, par l’effet de la première subdivision de l’article 104, concernant les fonctionnaires qui perdent leur emploi, par suite de suppressions, de combinaisons ou d’autres circonstances. »
J’appelle votre attention sur les deux lignes qui résument cet article :
« La subvention susmentionnée sera imputée sur l’article des pensions civiles porté au budget de l’Etat. »
C’est pour satisfaire aux besoins nés des suppressions, des combinaisons et des autres circonstances dont parle cet article, que la loi du 27 décembre 1822 et celle du 5 juin 1824 ont mis un capital de 60 millions de florins à la disposition du syndicat d’amortissement ; les rentes et pensions qui s’éteignaient successivement, dont on l’a chargé, ont fait l’objet d’un article au budget extraordinaire à charge du syndicat ; mais, depuis la révolution, toutes les rentes ou pensions ont été laissées à la charge de la caisse, et n’ont conséquemment pas été portées au budget extraordinaire de l’Etat, conformément à l’article 34 du règlement et aux lois que je viens de citer.
Or, depuis la révolution, des combinaisons, des suppressions et d’autres circonstances, ont engagé le gouvernement à renvoyer des employés comme orangistes, qui ont ensuite été admis à jouir d’un traitement, en attendant qu’ils fussent purifiés ; à supprimer des emplois, etc. Mais, au lieu de porter les traitements et les pensions accordés dans ces circonstances, on les a mis la charge de la caisse de retraite, et le budget de l’Etat en a été déchargé.
M. Verdussen a aussi parlé du décret du 13 septembre 1806 ; il me paraît ne pas en avoir bien compris le but.
On avait invoqué ce décret comme excluant les employés des finances du droit de prétendre à des pensions sur le trésor public. J’ai répondu que ce décret, postérieur à l’établissement des caisses de retraite, n’a pour objet que de régler les formalités à observer par ceux qui réclament des pensions à charge du trésor ; qu’il exclut les employés des autres départements ministériels tout aussi bien que les employés des finances ; mais il n’exclut personne. J’aime à croire que, par ces observations, j’aurai fait disparaître les objections de M. Verdussen.
M. le président. - Voici l’amendement de M. Gendebien : « Je demande que la chambre ajourne toute délibération sur la somme pétitionnée pour suppléer au déficit de la caisse des retraites jusqu’après le rapport de la commission chargée de la révision des pensions. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois m’opposer à cet amendement ; c’est le moyen de rejeter l’amendement de l’honorable M. Jadot, c’en est le rejet indéfini. Qui nous dit que la chambre pourra s’occuper, sous un prochain délai, du rapport dont il s’agit ? Il y a tant de lois qui attendent que je regarde comme presque impossible que celle-ci trouve place avant un temps illimité. Si le crédit est ainsi éliminé, c’est un déficit de 200,000 francs que vous créez. Le ministre doit-il réduire les pensions, ou augmenter les retenues ? Nous avons 810,000 fr.
Je regrette que l’honorable M. Verdussen ne m’ait pas compris : mais je lui dirai qu’il est pourtant aisé de se convaincre qu’il est beaucoup plus facile de répartir un déficit de 25,000 francs sur les pensions ou sur les retenues qu’un déficit de 150,000 francs, qui forcerait d’élever ces dernières, pendant les derniers mois de l’exercice, peut-être à 12 p. c. sur les traitements dépassant 1,200 francs, si je devais pourvoir aux pensions du dernier semestre, sans avoir obtenu l’allocation demandée. Il n’est pas certain, remarquez-le bien, que la chambre puisse ou veuille voter ultérieurement, cette année, un crédit pour la caisse des retraites. Voyez alors la position où je me trouverais placé.
Une circonstance que l’on semble déjà avoir perdue de vue, c’est que la commission de révision va s’occuper de son travail sur les pensions, et que j’ai déclaré que s’il y avait des abus tels que ceux dont on a parlé, je les ferais cesser, en proposant au Roi de prononcer les réductions jusqu’aux taux légitimement acquis. Il me paraît dès lors que la chambre doit décider, conformément à la demande que je lui présente, c’est-à-dire en faveur de l’amendement de M. Jadot, si elle veut bien accorder quelque confiance au ministre des finances.
M. Verdussen. - Je vous avoue que je suis étonné de voir ainsi M. le ministre rejeter la proposition de l’honorable M. Gendebien. Tout ce que j’ai eu l’honneur de vous dire, c’est de suspendre un vote définitif. Je demande à M. le ministre ce qu’il trouve de mal à avancer le premier semestre, quand il a en main les 4/5 des sommes qu’il lui faut pour payer. La responsabilité de M. le ministre s’effraie-t-elle donc d’une somme moindre ou plus forte ? Il consent à un déficit de 25 mille francs et non pas à un déficit plus considérable. Il me semble que dans ces deux cas il ne peut payer les pensions. Je pense qu’il devrait en faire la subdivision au prorata. J’avoue que je n’y comprends plus rien. Mon intention du reste est d’appuyer l’amendement de l’honorable M. Gendebien.
M. Coghen - Au point où en est venue la discussion, je me bornerai à dire que je crois que M. le ministre des finances a besoin d’une somme de 785,000 fr. pour payer les pensions légalement accordées ; il demande une subvention de 400,000 fr. à l’Etat : 200,000 fr. sont votés, 200,000 fr. forment la discussion qui nous occupe. L’honorable M. Jadot a proposé de ne réduire le chiffre qu’à 180,000 fr., parce qu’il paraît résulter de la discussion que s’il y a eu quelques abus, quelques facilités dans la collation des pensions, cette différence ne peut s’élever au-delà de 200,00 fr. ; par conséquent, je crois que la chambre peut voter les 180,000 fr. en abandonnant à la prudence du ministre des finances le soin d’une juste répartition.
Aucun de nous ne veut refuser aux anciens employés du pays la rémunération qui leur est due. Ce sont des droits acquis, des droits sacrés que l’Etat doit payer. On ne doit pas faire une exception pour les employés des finances parce que tous les employés en général des autres administrations, ainsi que la magistrature de l’ordre judiciaire et les militaires, reçoivent après un temps voulu la juste récompense des longs travaux qu’ils ont faits dans l’intérêt public, pensions de retraite que réclame souvent leur âge. Quant à l’élévation des pensions, qu’on y fixe des bornes si déjà elles ne sont pas fixées.
Je me résume et m’oppose à la proposition d’ajournement de l’honorable M. Gendebien ; j’appuie celle de M. Jadot, parce qu’il est reconnu par la discussion que dans tous les cas possibles, la différence à résulter des réductions ne doit jamais s’élever au-delà de 20,000 fr.
M. Dumont. - Je prends la parole pour appuyer l’amendement de l’honorable M. Gendebien ; pour moi, je crois que c’est le parti le plus sage à prendre, je crois que c’est le seul moyen de pouvoir voter en connaissance de cause.
M. le ministre objecte la nécessité où il se trouverait au 1er juillet de payer les pensions sans allocation. Si j’ai bien compris la proposition de M. Gendebien, il n’y aurait pas d’allocation. Je pense qu’il peut ajourner les 50,000 fr. aussi bien que toute autre somme.
Je vois dans cette proposition un grand avantage, c’est de mettre le gouvernement dans la nécessité de présenter un projet de loi et la commission un rapport sur la matière, avant le 1er juillet prochain. Si vous adoptez ou l’amendement de M. Jadot, ou celui de M. Trentesaux, vous décidez une question pour laquelle vous n’êtes pas assez éclairés, une question vitale pour moi, et qui est celle-ci : Est-ce que le trésor public est tenu de subvenir au déficit de la caisse des retraites ? Je désire obtenir des éclaircissements à cet égard, car je soupçonne très fort qu’on n’a jamais envisagé l’Etat comme tenu de subvenir à ce déficit puisque sous le gouvernement précédent, un subside fixe était accordé, subside de 30,000 florins au-delà desquels rien n’a jamais été demandé. Les choses sont-elles changées ? Je n’en sais rien, et j’attends des lumières à cet égard.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant a dit que depuis longtemps on s’était récrié sur les abus du règlement de la caisse des retraites ; et que le gouvernement se bornait à vous demander des allocations à chaque budget sans chercher à modifier l’état de choses existant. Il a sans doute perdu de vue que le 5 mars dernier, le ministre des finances, mon prédécesseur, est venu proposer un projet de loi pour réviser la matière. Le gouvernement n’est donc pas en défaut. Le long délai qui s’est écoulé depuis doit vous mettre en garde contre l’idée de croire que l’ajournement proposé par l’honorable M. Gendebien pourra rester en-deçà de la fin de cette session.
L’honorable préopinant a demandé si l’Etat était tenu de venir au secours de la caisse des retraites ; j’ignore si par cette question il entend contester les droits des fonctionnaires du département des finances à la caisse des pensions.
Si c’était là sa pensée, je lui répondrais par l’arrêté de 1814, et je lui dirais qu’alors même que l’on n’opérerait aucune retenue sur les traitements de ces fonctionnaires, l’Etat serait tenu de leur accorder la pension comme à tous les autres employé civils. J’en appelle aux honorables membres de cette chambre qui ont étudié à fond la matière, ils vous diront que c’est ainsi qu’il faut entendre légalement la chose ; ils vous diront enfin que les retenues opérées au profit de la caisse de retraite n’ont d’autre destination que celle de rendre la pension de ceux qui subissent ces retenues, réversible sur leurs veuves ou sur leurs orphelins.
L’honorable M. Jadot a déjà répondu à la demande de M. Dumortier, tendante à savoir si la somme de 30,00 florins allouée sous le gouvernement précédent pouvait être dépassée.
Il vous a dit, en effet qu’un fonds de 60 millions de florins avait été ouvert au profit du syndicat d’amortissement et au moyen duquel celui-ci a été chargé, entre autres dépenses, de suppléer à l’insuffisance de la somme de 30,000 florins incombant au trésor, afin de soutenir toujours les revenus de la caisse de retraite à la hauteur des besoins.
M. Duvivier. - Il est inutile que je prenne la parole, car M. le ministre des finances vient de faire les observations que je voulais soumettre à la chambre.
M. de Brouckere. - On vient de révoquer en doute si les fonctionnaires des finances ont droit à la pension aussi bien que les autres fonctionnaires ; je ne crains pas de décider la question affirmativement. J’ai la conviction que l’arrêté-loi de 1814 avait aussi bien en vue ces fonctionnaires que tous les autres ; et pour ceux qui pourraient avoir des doutes à cet égard, je donnerai lecture de l’article. (L’orateur fait cette lecture.) Vous voyez, par la disposition de la loi de 1814, qu’il est prouvé qu’on avait eu en vue les employés des finances comme les autres employés ; car ce n’est qu’en finance qu’il y a des receveurs et des comptables.
Depuis que cet arrêté a été rendu, il est survenu non pas un règlement, mais plusieurs règlements ; ces règlements avaient deux buts : de rendre les pensions des employés des finances meilleures que celles des autres fonctionnaires, (or, dans ces règlements le tarif des pensions des finances est plus avantageux que dans l’arrêté de 1814), et en second lieu d’assurer aux veuves et aux orphelins la réversibilité de ces pensions.
Pour atteindre ce but, on a chargé de retenues les appointements de ces fonctionnaires. Mais il n’en est pas moins vrai qu’alors qu’il n’y aurait pas de retenue, ils auraient droit à une pension moins forte, j’en conviens, et non réversible sur les veuves et les orphelins ; mais toujours est-il qu’ils auraient droit à cette pension.
J’arrive à la motion d’ordre. L’honorable M. Gendebien propose de remettre le vote jusqu’à ce que le travail de la commission ait mis le gouvernement à même de fixer les pensions au taux convenable ; je déclare que, quant à moi, j’aime mieux cet amendement que la proposition de la section centrale, et même que l’amendement de M. Trentesaux. Si vous allez voter une somme de 125,000 francs, je ne doute pas que le gouvernement se trouve dans un grand embarras. Quelque sévérité qu’on apporte, jamais on ne pourra réduire les pensions ni de 50, ni de 75,000 francs ; vous allez mettre le gouvernement dans l’alternative ou de faire des réductions outre mesure, ou d’augmenter d’une manière exorbitante la retenue sur les appointements des employés.
La retenue est selon moi portée au maximum. J’aime mieux voir adopter l’amendement de M. Gendebien, parce qu’il ne préjuge rien et suppose le désir d’être juste, que de voir adopter la proposition de la section centrale ou celle de M. Trentesaux. ; mais il y a quelque chose que je préfère encore, ce serait l’adoption de la proposition de M. Jadot. Si vous adoptiez cette dernière proposition par laquelle on vous demande 180,000 fr., il en résulterait qu’en laissant les pensions au taux où elles sont, il y aurait un déficit de 25,000 fr. Il n’est guère probable que les réductions s’élèveront beaucoup au-delà de cette somme de 25,000 fr. Admettons cependant pour un moment que les réductions faites dans le courant de 1835 dépassent le chiffre et qu’il faille voter actuellement un crédit qui dépasserait les besoins ; mais vous avez l’assurance que le gouvernement sera nanti d’un rapport présenté par des membres de cette assemblée ; vous avez l’assurance que le gouvernement s’empressera de réviser les pensions et de les porter au taux où elles doivent être.
Je ne peux croire qu’en présence des assurances données, le gouvernement ne tienne pas sa parole : il faudrait qu’il eût oublié tous ses devoirs, toutes les convenances pour y manquer. Si le subside de 180,000 francs ne peut être employé tout entier, il y aura économie. Les économies résultant de la révision des pensions ne s’élèveront pas beaucoup au-dessus de 25,000 francs, car je ne pense pas qu’il faille apporter dans la révision une sévérité tellement grande que l’on s’expose à réduire les retraités à la dernière misère.
Il y a trois règlements sur la caisse des retraites, s’il n’y en a pas davantage ; leurs dispositions sont tellement obscures qu’il faut souvent plutôt consulter la justice, les convenances que leurs textes. Toutes les fois qu’une question litigieuse se présentera à moi, je déclare que la position de l’individu pensionné entrera pour beaucoup dans mes décisions. Je ne prétends pas cependant qu’il faille violer les règlements ; mais il est des questions que l’on peut envisager sous divers aspects, et j’annonce comment je les envisagerai quand les règlements ne les résoudront pas.
J’appuie l’amendement déposé par M. Jadot ; je crois que la chambre ne se compromettra pas en l’adoptant. Subsidiairement, je voterai pour la proposition de M. Gendebien. Adopter la proposition de M. Trentesaux, ou toute autre, ce serait mettre le gouvernement dans l’embarras et s’exposer à diminuer les pensions au-delà des limites prescrites par l’équité.
M. Fallon. - Si la proposition de M. Gendebien entraînait le rejet de toute allocation en faveur de la caisse de retraite, ou si cette proposition entraînait une manifestation de défiance qui fût personnelle au ministre des finances, je m’empresserais de la repousser. Quant à moi je considère la motion d’ordre comme le seul moyen de sortir de l’embarras dans lequel nous nous trouvons. Nous voulons tous faire un acte de justice ; mais nous voulons connaître exactement le chiffre nécessaire pour le service des pensions.
Je ne suis pas d’avis que l’on augmente la retenue exercée sur le traitement des employés ; je ne veux pas non plus que l’on fasse supporter une diminution proportionnelle aux retraités, je veux que l’on accorde la somme nécessaire aux pensions légalement liquidées.
M. Gendebien vous a dit que d’ici au 1er juillet aucun paiement ne serait à faire ; s’il en est ainsi, il est bien certain que d’ici à cette époque la responsabilité du ministre des finances ne sera pas engagée, puisqu’il n’aura aucun acte à exécuter. Le ministre nous a même assuré que dans six semaines environ il était probable que l’on aurait un rapport de la commission ; dans ces circonstances ajournons donc toute décision jusqu’à la présentation de ce travail ; alors nous pourrons statuer en connaissance de cause.
Le ministre des finances n’a fait aucune objection sérieuse contre le gouvernement ; il a seulement fait observer qu’il n’avait pas de garantie que la chambre eût le temps de s’occuper de la question ; cette crainte n’est pas fondée : s’il s’agissait d’un projet de loi ordinaire, cela pourrait arriver ; mais il s’agit ici d’un article du budget des finances, et la chambre ne peut pas se séparer avant de compléter ce budget (Aux voix ! aux voix !)
M. Dumortier. - Si l’on désire adopter la motion d’ordre, je n’ai plus rien à dire ; mais si l’on prétend mettre aux voix les amendements, je m’y opposerai parce que j’ai en main les pièces qui prouvent que les chiffres posés par la section centrale l’année dernière, sont vrais et exacts, et que si des pensions ont été accordées depuis, ce n’est que par abus.
Je vous demande la permission de répondre quelques mots aux assertions de M. de Brouckere. L’honorable membre soutient que les employés du ministère des finances ont droit à des pensions sur l’Etat ; il nous dit que quand l’arrêté-loi de 1814 a été porté, les titulaires de l’administration des finances avaient droit à des pensions sur l’Etat. C’est là une assertion, mais on n’en donne aucune preuve. Si elle était exacte, des règlements n’auraient pas été nécessaires ; si elle était exacte, il s’ensuivrait que les employés des finances auraient deux pensions à la suite l’une de l’autre ; l’une sur l’Etat, l’autre sur la caisse des retraites. Messieurs, un arrêté-loi que l’on ne cite pas, que l’on ne connaît pas sans doute, ou que l’on oublie, décide la question : il est du 12 mars 1815 ; il a même force que celui de 1814 ; il crée la caisse des retraites…
M. Jadot. - Pour les employés des douanes !
M. Dumortier. - Les employés des douanes font la majeure partie des employés des finances.
M. Jadot. - Mais ce ne sont pas tous les employés des finances.
M. Dumortier. - Vous avez écouté M. de Brouckere avec beaucoup de patience et beaucoup d’intérêt peut-être ; écoutez-moi, et vous me répondrez.
Cet arrêté-loi que l’on avait tenu jusqu’ici caché prouve jusqu’à l’évidence l’illégalité de l’opération par laquelle le ministre des finances a accordé, pendant l’année dernière, pour 200,000 fr. de pensions.
L’arrêté de 1815, d’abord applicable aux douanes, a été successivement applicable à tous les employés des finances en conséquence d’arrêtés postérieurs. Que porte l’article 11 de cet arrêté de 1815 ? « Il ne sera accordé des pensions (sur la caisse des retraites) que jusqu’à concurrence des fonds libres sur le montant annuel des retenues sur les traitements, auxquels on ajoutera le montant approximatif annuel des autres recettes attribuées à la caisse des pensions. » La caisse des retraites n’est donc autorisée à accorder des pensions que jusqu’à concurrence des fonds restés libres chaque année.
Si l’on avait maintenu la disposition fondamentale de cet arrêté-loi, il n’y aurait pas eu l’année dernière un déficit, et l’on ne viendrait pas cette année demander un crédit de 200.000 fr. Toute la faute du ministre vient de l’oubli de cet arrêté-loi de 1815, lequel a même force et vigueur que l’arrêté-loi de 1814. Ce qui prouve d’ailleurs que l’Etat n’est pas tenu envers la caisse des retraites, que l’Etat ne lui doit rien, au-delà de ce qui est fixé par les règlements, c’est l’article 4 de l’arrêté de 1822 qui porte : « La subvention annuelle de l’Etat sera de 30,000 florins. » Il est évident par là, ainsi qu’on l’a répété à satiété dans cette enceinte, que lorsque le trésor a fourni la somme de 30,000 fl., il ne doit plus rien.
M. Jadot. - Puisque vous avez commencé de lire, continuez !
M. Dumortier. - Oui, je continuerai de lire. Je vois que le gouvernement pourra augmenter la subvention de 30,000 florins pour autant que la caisse des retraites sera surchargée par suite de suppressions d’emplois : eh bien, vous avez rempli cette condition. L’année dernière vous avez accorde 200,000 fr., sur le rapport de M. Liedts. J’ai ici les pièces à l’appui de tout ce que j’avance ; elles sont signées A. Duvivier. (On rit.) Le ministre actuel dira-t-il que les documents fournis par son prédécesseur ne prouvent rien ? Cependant ils prouvent quelque chose ; ils contiennent des faits. Je déposerai tous ces documents sur le bureau.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On ne les conteste pas
M. Dumortier. - On ne les conteste pas ! cependant ils prouvent beaucoup ; ils prouvent que l’on a accordé pour 200,000 fr. de pensions au-delà de ce qui restait disponible à la caisse ; et c’est là une chose très curieuse, pour ne pas dire autrement. Vous voyez donc, messieurs, que vous pouvez voter en toute sûreté de conscience le chiffre de la section centrale.
Si on vote la motion faite par M. Gendebien, je ne m’y opposerai pas.
Dans tous les cas, la chambre doit forcer le ministre à nous montrer qu’il sait porter la hache là où il y a des abus. La section centrale veut empêcher ces abus de croître chaque année. Elle a vu que le ministre des finances n’a pas le droit d’accorder des pensions quand la chambre n’a pas accordé de crédits ; la chambre, dans ce cas, peut dire : Si vous avez fait une dépense, vous avez manqué à vos devoirs. La doctrine constitutionnelle est que toute dépense, quelle qu’elle soit, doit avoir l’assentiment de la chambre ; le ministre a méconnu cette doctrine en accordant des pensions pour des sommes qui surpassent celles en disponibilité. Si vous faiblissez, si vous accordez ce que l’on demande, chaque année on augmentera les budgets, et vous ne serez plus qu’une chambre d’enregistrement. (Aux voix ! aux voix !)
M. Gendebien. - Je serai très court. Je veux faire un rappel au règlement. J’ai eu l’honneur de soumettre une motion d’ordre, et au lieu de la discuter, chacun a fait de longues digressions sur la question au fond, et chacun a prouvé que nous ne pouvions, actuellement, rien décider en connaissance de cause.
Le ministre des finances prétend que l’adoption de ma motion est l’équivalent du rejet de toute proposition : si telle pouvait être le résultat de cette motion, je n’hésiterais pas à voter plutôt les 200,000 fr. que de persister dans une proposition qui réduirait même d’un centime une pension légitiment acquise. Le même ministre nous a déclaré que malgré l’amendement de M. Jadot, il y aurait encore un déficit de 25,000 fr., mais qu’il lui serait facile de le couvrir par une répartition : je ne veux pas plus qu’on répartisse 25,000 fr. que 150,000 fr. ; je veux justice entière ; je veux la justice et rien que la justice.
Un honorable membre a supposé que je demandais le rapport de la commission afin de réduire les pensions ; j’ai demandé le rapport, afin de rétablir les pensions au taux légal.
Dans une précédente séance l’ex-ministre des finances nous a fait entendre que s’il y avait eu abus dans la dispensation des pensions, que si les uns prenaient trop, il y en avait d’autres qui ne prenaient pas assez, qu’il y avait compensation et que le trésor ne perdait pas. Je ne veux pas de pareilles compensations, c’est pour cela que je demande que l’on attende le rapport de la commission.
S’il y a des parties prenantes qui sont lésées, vous pouvez être assurés que c’est parmi les petits employés. Ceux-là n’ont pas le talent, ni le temps de se défendre, et souvent ne sont pas reçus à défendre leurs intérêts. Je veux, non pas que l’on diminue, mais qu’on arrive à la légalité, à la rigoureuse justice envers tous. Et pour éviter de perdre un temps précieux, je demande que l’on passe aux voix sur ma motion d’ordre.
Si on la rejette, que l’on passe à la discussion au fond, et qu’on examine quel amendement on adoptera. Que l’on discute cette question au long et au large ; quant à moi je ne suis pas assez éclairé pour la résoudre, et j’insiste pour le renvoi après le rapport de la commission, c’est-à-dire vers le mois de mars, et il restera encore assez de temps pour prendre une décision avec connaissance de cause.
Si à défaut de temps ou d’éclaircissements suffisants on ne pouvait voter un crédit définitif, on pourrait allouer un crédit quelconque pour le paiement du premier semestre ; car, je le répète, je veux la justice et rien que la justice, et je ne veux faire souffrir ni attendre personne.
M. Duvivier. - Je n’ai que peu de mots à répondre à M. Dumortier. Il a cité l’arrêté-loi de 1815 ; mais le dernier article de l’arrêté-loi de 1822 est ainsi conçu : « Toutes dispositions relatives aux anciens fonds de pension et non expressément renouvelées par le règlement actuel sont abrogées et annulées. » Ainsi celui de 1815 et tous autres sont annulés.
Je vois que la chambre désire aller aux voix, je n’insisterai pas (Aux voix ! aux voix !)
- La clôture de la discussion est mise aux voix et ordonnée.
La motion d’ordre de M. Gendebien est ensuite mise en délibération.
63 membres sont présents et répondent à l’appel.
30 adoptent.
33 rejettent.
En conséquence la motion d’ordre de M. Gendebien est écartée.
M. Dumortier. - Les personnes qui prennent la défense du crédit demandé par M. le ministre des finances me paraissent être dans une grave erreur ou du moins ne me paraissent fonder leur opinion que sur des erreurs.
L’honorable député de Philippeville, mu par des sentiments de philanthropie que je me plais à reconnaître, a invoqué la compassion de la chambre en disant que si les employés du ministère des finances avaient encore en main les fonds qui existent en Hollande, ils ne viendraient rien demander.
Dans une séance précédente, l’on a beaucoup parlé du fonds de la caisse de retraite que retient la Hollande. Le ministre des finances l’a porté, je pense, à 6 millions. J’ai en main des documents que je tiens de la section centrale, relativement à ce fonds. Ces documents sont dignes du plus vif intérêt. Lors de la séparation de la Belgique avec la France, un fonds général fut donné pour le gouvernement français par la caisse de retraite en Belgique.
Il est difficile, messieurs, de savoir au juste quelle était l’importance de ce fonds. On varie beaucoup là-dessus. Néanmoins, j’ai trouvé dans une pièce qui a été publiée en Hollande, à l’usage des employés, et qui se trouve annexée à l’arrêté du conseil d’administration de la caisse de retraite, en date 22 octobre 1817, un document très précieux sur la question qui nous occupe.
D’après cette notice qui, si elle ne sort pas de l’imprimerie royale, doit avoir été imprimée aux frais du gouvernement hollandais, le fonds de la caisse de retraite se composerait de ce qui suit :
1° Capital inscrit, au profit de la caisse de retraite des impositions indirectes, au grand livre de la dette nationale, montant à la somme de 678,900 florins.
2° Capital inscrit au livre de la dette différée 192,000 florins.
3° Capital inscrit au profit de la même caisse au grand livre de la dette nationale, néant.
4° Retenues et part dans les amendes et confiscations, néant.
D’après ces documents, le capital de la caisse de retraite se composait donc seulement de 678,000 florins en dette active et de 192,000 florins en dette différée. Or cette dernière partie du capital ne doit pas entrer en ligne de compte. Car on sait que la dette différée ne portait pas d’intérêt. Il y avait donc seulement une somme de 678,000 florins à 10 p. c. d’intérêt, ce qui faisait un revenu annuel de 16,972 florins.
Ainsi, pour tout le royaume des Pays-Bas, les ressources de la caisse de retraite étaient à peine de 17 mille florins. Donc pour les provinces méridionales elles ne devaient être que de 17,000 francs. J’avais donc raison de dire dans une séance précédente que si le fonds de la caisse de retraite qui revient à la Belgique lui était restitué, son thermomètre baisserait au-dessous de zéro.
Ainsi l’on a donc grand tort de venir invoquer les ressources que la caisse de retraites donnait aux employés des finances, puisque ces ressources sont très bornées.
Le ministre, nous dit-on, est forcé d’élever le taux des retenues de 5 p. c. sur les traitements supérieurs à 1,200 francs. Cela est très vrai. Mais remarquez qu’en France, depuis plus de dix ans cette retenue est faite sur tous les traitements indistinctement.
Les chambres françaises ont exigé que les retenues fussent portées à ce chiffre, afin de mettre un frein à la facilité avec laquelle le ministre des finances accordait des pensions de retraite : Ce que l’on nous représente comme une mesure extrêmement fâcheuse existe donc en France depuis longtemps, et les ministres n’y viennent pas tous les ans demander aux chambres un subside extraordinaire pour la caisse de retraite.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Par exemple !
M. Dumortier. - Le ministre des finances a fait plusieurs demandes comme la vôtre, je le sais, et plusieurs fois les chambres françaises les ont rejetées.
Comment représente-t-on la proposition de la section centrale ? On représente la section centrale sous les couleurs les plus sombres. Vous voulez enlever aux employés, nous dit-on, dans leur vieillesse, ce qu’ils ont gagné dans le cours d’une longue et laborieuse existence. Vous venez rendre victimes des hommes honorables d’un déficit dont ils ne sont pas la cause. Chaque année l’on remet en doute l’existence de vieux fonctionnaires.
Je m’étonne qu’un homme aussi judicieux que l’est M. le ministre des finances actuel puisse se servir de pareilles expressions. Est-ce que chaque année la chambre a voté des réductions sur les traitements des employés du ministère des finances ? A l’exception de la réduction de 60,000 francs adoptée l’année passée, chaque année la section centrale et la chambre ont admis le chiffre des traitements du budget des finances comme ceux des autres budgets. Si l’on venait proposer des diminutions de ce chef, je serais le premier à m’y opposer. Mais ce que nous ne voulons pas, ce à quoi je m’opposerai toujours, ce sont des augmentations de traitements. Fidèle aux principes que j’ai professés, que j’ai défendus dans cette enceinte, je combattrai toutes les augmentations que demandera le ministre des finances. Je pense que tout gouvernement qui n’arrête pas une bonne fois la limite de ses dépenses, et qui va toujours en les augmentant, marche nécessairement à sa ruine.
Il faut régler pour l’avenir le budget du ministère des finances. Je ne demande pas qu’on en diminue les allocations ; mais je ne veux pas qu’on les dépasse désormais.
On nous dit encore, messieurs, que la chambre va créer un déficit de 200,000 fr. J’ai déjà répondu à cette objection. Ce n’est pas la chambre qui crée un déficit. C’est le ministre des finances qui l’a créé en s’écartant des dispositions encore en vigueur de l’article 11 de l’arrêté-loi de 1815, dispositions qui sont formelles et qui ne permettent pas au gouvernement d’accorder une seule pension au-delà du chiffre de la somme destinée à y faire face. Vous avez accordé 150,000 francs de pensions au-delà de la ressource que la législature avait mise à votre disposition. Ce n’est donc pas la chambre qui crée le déficit. C’est sur vous qu’il retombe tout entier.
Oui, messieurs, il est de mon devoir de prendre la défense de la représentation nationale. Il ne faut pas que l’on nous représente dans le pays comme créant des déficits. Les principes constitutionnels sont formels en matière de finances. Le gouvernement ne peut opérer aucune dépense sans y avoir été autorisé par la législature.
Les chambres avaient alloué en 1834 à la caisse de retraite une subvention de 200,000 fr. et un crédit extraordinaire de 30,000 fr. Le gouvernement ne devait pas dépasser ce chiffre. Car il n’a pas le pouvoir de grever l’Etat à son gré.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Toutes les pensions accordées ne l’ont pas été en 1834.
M. Dumortier. - Puisque M. le ministre des finances soutient que le déficit ne provient pas de l’année 1834, je lui prouverai le contraire par les documents qui ont été fournis à la section centrale l’année passée par le gouvernement lui-même. Cette pièce que j’ai sous les yeux est signée Duvivier, ministre des finances d’alors.
Ainsi ce n’est pas moi qui parle, c’est M. Duvivier.
Pensions anciennes, actuellement inscrites, 364,734 fr.
Pensions nouvelles, y compris la révision d’anciennes et de nouvelles pensions, 261,266 fr.
Total, 626,000 fr.
Ces chiffres sont les mêmes que ceux qui sont imprimés dans le rapport de la section centrale de l’année passée.
Décès présumés survenues en 1834, 20,000 fr. Reste donc pour les pensions présumées en 1834, 606,000 fr.
Voilà les chiffres présentés par le ministre des finances de cette époque ; on ne peut pas les contester, à moins de contester la signature du ministre lui-même.
Alors il y avait en outre pour pensions, d’employés admis à la retraite par arrêtés royaux, non encore liquidées, 44,000 fr. De sorte que les besoins pour tout le service des pensions, d’après la lettre du ministre étaient de 650,000 fr.
Comparons ce que disait le ministre des finances de cette époque avec ce que dit le ministre des finances actuel.
Le ministre des finances actuel porte le total des pensions à 810,729 fr. Eh bien, il résulte de la lettre dont je viens d’avoir l’honneur de vous donner connaissance, que, depuis la date de cette lettre, vous avez créé pour 160,000 fr. de pensions, y compris les décès qui ont pu avoir lieu dans l’intervalle.
Voila ce que vous ne pouvez méconnaître, voilà ce qui résulte des documents remis à la chambre. Je demande si l’assemblée peut autoriser le gouvernement à grever ainsi le pays.
Je reviens à mon éternel argument, quand un ministère dépasse le crédit qui lui est alloué, il forfait à son devoir, il fait un acte nul à nos yeux.
Si le gouvernement était resté dans les limites tracées par le règlement de 1822, s’il n’avait mis à la retraite que les personnes qui par leurs infirmités étaient incapables de continuer leur service, il n’y aurait pas aujourd’hui de déficit.
Voilà ce que portent les articles 56 et 57 de ce règlement tant invoqué :
« Art. 56. Les pensions pourront être accordées à charge de la caisse, et de la manière déterminée par le présent règlement, aux employés admis à y participer, et qui, soit par leur âge, soit à cause de maladies ou d’infirmités, seront dans l’impossibilité de continuer plus longtemps leurs fonctions. »
« Art. 57. Ni l’âge, ni l’état de service, ne donnent droit à être pensionné, aussi longtemps qu’un employé peut remplir convenablement les devoirs qui lui sont imposés. »
Si le ministre veut rentrer dans les termes de ces dispositions, il trouvera moyen de combler son déficit.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Messieurs, je crois qu’il est nécessaire de rétablir les faits relativement au fonds de la caisse de retraite retenu actuellement en Hollande.
L’honorable M. Dumortier a cité un document duquel il résulte que 672,000 et quelques florins sont inscrits au grand-livre de la dette publique à Amsterdam, provenant de retenues faites sur le traitement des employés des finances. A cette somme, il a ajouté environ 192,000 florins également inscrits, mais en dette différée, ce qui fait que ce dernier capital a très peu de valeur. Ce document, je ne le conteste pas, Je le crois même exact ; mais si l’honorable M. Dumortier veut en examiner la date, il verra qu’il est antérieur au traité fait avec la France le 2 avril 1818. C’est à cette époque que la France a liquidé les anciennes dettes qu’elle avait dans les pays réunis, et un fonds assez considérable, mais spécialement désigné, fut remis au gouvernement des Pays-Bas, pour rembourser la part que des employés du ministère des finances avaient dans le fonds de retenues de la caisse des retraites. Je crois que le document cité par l’honorable député de Tournay est de 1816.
M. Dumortier. - Je n’ai pas la date du document, mais il est annexé à un arrêté du 22 octobre 1817. Je ferai remarquer que la section centrale de l’année dernière, dont j’étais rapporteur, ayant désiré connaître quel était le fonds qui se trouvait en Hollande, le ministre des finances n’a pu nous communiquer d’autre document que celui-là.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Messieurs, mon argument reste debout. Le document est de 1817 et peut-être même antérieur à cette époque. Il ne pouvait donc comprendre les fonds restitués par la France en 1818, et qui appartenaient au fonds de retraite des employés des finances. Vous savez qu’une somme de 33 millions fut restituée par la France pour diverses dettes vis-à-vis des départements réunis, et que l’administration des finances fut comprise dans cette restitution pour un capital qui ne peut guère être moindre que de six millions de francs. Ceci résulte de calculs faits au ministère des finances, mais cependant sans données positives.
Dans tous les cas, en demandant une avance sur le fonds de la caisse de retraite, le gouvernement est certain de pouvoir la restituer. En effet, les sommes demandées jusqu’à ce jour à ce titre ne dépassent pas 485 mille fr., y compris les 200 mille fr. qui font l’objet de la discussion.
Je crois avoir rétabli les faits relativement au fonds des pensions.
L’honorable M. Dumortier vous a dit qu’en France on ne venait pas ainsi chaque année demander à la législature des subsides pour combler le déficit de la caisse des retraites.
Il suffit d’ouvrir les budgets français pour demeurer convaincu qu’il est complètement dans l’erreur. Non seulement l’administration française est obligée de réclamer des subsides annuels pour ce service, mais elle vient de demander et d’obtenir 1,950,000 fr. pour combler le déficit de la caisse des retraites, non pas d’une année, mais du dernier trimestre de 1834 et du premier trimestre de 1835. Ainsi près de deux millions pour pourvoir à l’insuffisance d’un semestre des pensions au-delà des retenues et des suppléments ordinaires.
Et notez, messieurs, que ce projet de loi n’a donné lieu qu’à une très légère discussion de la part de la chambre des députés, parce qu’elle a reconnu de la manière la plus positive, par suite de l’examen que la question a subi dans une commission spéciale, qu’il était impossible que le fonds de retraite subvînt aux pensions auxquelles il était affecté.
Le ministre de France ne s’est pas borné à signaler le mal pour deux trimestres ; il a déclaré qu’il était impossible à l’avenir que, sans une mesure particulière et efficace, on parvînt à porter remède à ce mal qui afflige toutes les caisses de vétérance.
Aussi a-t-elle proposé de prendre à la charge du trésor, non seulement les pensions liquidées et celles en instance, mais aussi de faire liquider tous les services rendus jusqu’au 1er janvier 1836, afin qu’au moment où les fonctionnaires actuellement en activité seront mis à la retraite, cette portion de leurs droits soit aussi supportée par l’Etat, sauf à créer une nouvelle caisse de retenues, qui se chargerait de rémunérer tous les services à venir.
En France, comme ici, le mal provient de la même cause, du même principe. La caisse des pensions n’a pas été instituée pour fournir des pensions à la décharge du trésor, mais pour améliorer la position des employés des finances, et pourvoir au sort de leurs veuves et orphelins. Il y a encore une autre cause de la pénurie où ces tontines se trouvent, ce sont les guerres de la révolution et de l’empire, ainsi que les bouleversements et les commotions politiques. J’ai dit primitivement les guerres de la révolution et de l’empire, parce que la caisse des retraites est chargée de payer les services militaires, qui entrent pour un quart au moins dans la liquidation des pensions dont il s’agit.
Il y a un assez grand nombre d’employés, et notamment dans les douanes, qui ont jusqu’à 20 ans de service militaire, et qui au bout de 5 années, par exemple, sont admis à la retraite, et obtiennent une pension comme s’ils avaient 20 ans de service dans l’administration à laquelle ils appartiennent
Voilà le véritable mal de la caisse des retraites et la cause principale de sa pénurie, et c’est aussi ce qui lui donne un droit incontestable à obtenir des secours du trésor ; car il est impossible d’admettre en principe que les employés des finances doivent s’assujettir à une retenue pour rémunérer des services militaires.
L’honorable M. Dumortier a dit que M. le ministre des finances n’avait pas assez justifié le chiffre qu’il demandait ; il a cité un document de son prédécesseur, qui ne portait le chiffre qu’à 650,000 francs, tandis qu’aujourd’hui il en était demandé 800,000 fr. ; et il en a conclu qu’il avait été accordé 200,000 fr. de pensions depuis l’année dernière. Dans une séance précédente, je croyais, messieurs, avoir répondu suffisamment à cette assertion.
M. Dumortier. - Pas le moins du monde.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Alors je vais y répondre de nouveau. L’honorable M. Dumortier a dit que les pensions d’avant la révolution montaient à 356,000 fr. je crois, tandis que les pensions anciennes actuellement inscrites au grand-livre montent à plus de 400,000 fr., de là résulte une différence de 50,000 fr., et si j’ajoute cette somme à celle demandée par l’honorable M. Duvivier, j’ai 700,000. Les pensions nouvellement accordées étant, ainsi que déjà je l’ai dit, de 110,000 fr,, le chiffre de 810,000 fr. établi dans les explications du ministre se trouve complètement justifié.
M. Dumortier. - L’état est nominal !
M. Dujardin, commissaire du Roi. - On pourra vous fournir un autre état nominal plus complet. Il est de fait qu’on ne peut pas faire perdre leurs titres aux pensionnaires, parce qu’ils fournissent tardivement les justifications nécessaires ; cela arrive chaque jour, et motive la différence signalée.
L’honorable député de Tournay a dit de plus qu’un receveur des finances jouissait d’une pension s’élevant à plus de 8,000 fr. Je dois déclarer à la chambre qu’aucun receveur ne touche de pension excédant 6,000 francs ; il a été reconnu, il est vrai, que ce receveur d’après les règlements aurait droit à une pension montant à 7,000 francs passés, mais le gouvernement a restreint cette pension au taux de 6.000 francs.
M. de Brouckere. - On ne lui paie que 6,000 francs provisoirement.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Il n’est inscrit au grand livre que pour 6,000 francs et n’en reçoit pas d’avantage.
L’honorable M. Dumortier vous a dit encore qu’on n’était jamais venu demander aux états-généraux qu’une subvention de 30,000 florins. C’est pour la troisième fois que cette assertion sera réfutée dans cette séance. Le syndicat d’amortissement avait reçu 60 millions de florins, pour pourvoir à divers besoins et entre autres aux pensions extraordinaires et à toutes dépenses qui devaient s’éteindre successivement.
Or, il est à la connaissance de tout le monde que le syndicat a fourni des subsides annuels à la caisse des retraites ; ceci est un fait qu’on ne peut pas prouver, parce que rien dans les actes du syndicat ne peut l’être, mais on peut l’établir en comparant les dépenses de cette caisse avec ses ressources ordinaires.
Messieurs, on a dit que l’année 1834 avait été fertile en allocations de pensions ; en effet, il en a été accordé à cette époque plus qu’à toute autre peut-être, et ces pensions même étaient d’une certaine importance ; ces pensions proviennent des mesures d’économie prises par la législature elle-même. Car, quoiqu’en ait dit l’honorable M. Dumortier, des réductions très fortes ont été faites. Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’œil sur le rapport au roi, accompagnant l’arrêté du 15 mai dernier, qui réorganise l’administration centrale du ministère des finances pour se convaincre du nombre et de l’importance des emplois supprimés, tant par cet arrêté que par celui du 18 octobre 1833. Si cela a grevé la caisse des retraites, cela a soulagé le trésor d’une dépense continue, tandis que la première s’éteindra.
L’honorable M. Dumortier a argué d’un article du règlement pour dire qu’aucun fonctionnaire n’a droit à être pensionné qu’en cas d’impossibilité par lui de remplir ses fonctions. Cela est vrai, mais cette disposition qui est en opposition avec le règlement français qui dit qu’au bout de trente ans tout fonctionnaire a droit de faire liquider sa pension, ne peut être invoquée que contre les employés qui prétendraient en obtenir une, alors qu’ils sont encore en état de servir, mais ne prouve pas qu’on ne peut pas les mettre à la retraite quand il y a lieu de supprimer des emplois, ou lorsque les nécessités du service l’exigent.
On a dit que le conseil des pensions accordait des retraites avec beaucoup de facilité, et que cela se faisait par camaraderie.
La position des employés supérieurs des finances qui forment le conseil des retraites, est déjà assez peu agréable, lorsqu’ils sont appelés à juger les droits des employés, et à statuer sur des réclamations inadmissibles, mais fondées souvent sur des motifs d’humanité, sans qu’on leur attribue des sentiments indignes d’eux ; ces fonctionnaires n’ont que la pensée de leur devoir, et je crois que lorsque la commission aura fait son rapport, toute justice leur sera rendue. S’il y a eu des abus, ils proviennent d’erreurs involontaires, mais nullement de favoritisme ou de camaraderie.
Je crois devoir terminer par une dernière citation. On vous a dit que les pensions de retraites étaient extrêmement élevées. Il me suffit de vous citer leur moyenne, elle est de 519 francs par individu, tandis que les pensions civiles sont à 841 francs.
M. de Brouckere. - Cela ne prouve rien.
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Cela prouve au moins qu’elles ne sont pas excessives, et c’est ce que j’ai voulu faire.
M. Duvivier. - Je ne dirai que quelques mots après les explications lumineuses de M. le commissaire du Roi, mais j’opposerai à tous les articles que cite M. Dumortier pour arriver à ses preuves un autre article dont il ne veut pas se souvenir.
C’est l’article 104. C’est l’application de cet article qui a singulièrement enflé le chiffre des pensions, et vous allez voir qu’il était impossible qu’il en fût autrement,
Dans les finances nous n’avons pas de positions intermédiaires : si un employé est privé de son traitement, il faut qu’il tombe à la retraite, à moins qu’on ne veuille le mettre dans un autre emploi ou le laisser dans la misère. Voilà ce qu’a dit, avec raison, M. Pirson. Au ministère de la guerre, par exemple, il en est autrement ; il y a trois positions pour chaque officier ; il est en disponibilité, à la demi-solde ou à la retraite. Les dispositions de l’article 104 ont été appliquées aux employés supérieurs.
Quant aux employés inférieurs, loin d’en diminuer le nombre, on vous demande de l’augmenter ; on vous demandera 300 mille francs pour renforcer la ligne des douanes ; mais dans les fonctions supérieures on fait des suppressions. Par une combinaison assez heureuse on a trouvé moyen de placer le chef du cadastre à la monnaie ; si on n’avait pas trouve à l’employer il aurait fallu le pensionner, quoiqu’il ne soit pas avancé en âge, et que ses services puissent être utiles encore plusieurs années. Mais d’autres employés du cadastre ont été mis à la retraite, parce qu’on n’a pas pu trouver des emplois pour eux. Que les employés soient capables de servir encore ou non, dès qu’ils sont déplacés il faut les retraiter : tel est le résultat des suppressions d’emplois.
On se récrie sur les pensions qu’on leur accorde : mais le trésor y perd-il ? Lequel vaut mieux pour le trésor, de payer intégralement les traitements ou de ne payer que la retraite ? la caisse des retraites ne paie-t-elle pas en décharge du trésor ?
M. Dumortier prétend que l’on doit employer des hommes valides et, à cette occasion il a fait allusion à un homme dont l’extérieur annonce la santé et qui cependant a obtenu sa retraite comme incapable de servir. C’est que cet homme a produit des certificats de gens de l’art qui attestent qu’il est atteint d’un anévrisme : faut-il porter le scalpel dans la poitrine de cet homme pour s’assurer de l’état de sa santé, ou faut-il s’en rapporteur aux gens de l’art qui lui défendent toute occupations sédentaire ? Vous voyez bien qu’on a été obligé à lui donner pension.
Dans les pensions accordées il n’y a pas eu de camaraderie, il n’y a pas eu de faveur. Dans le conseil des retraites, il y a eu uniquement examen des pièces produites, des certificats, des années de service ; toutes les opérations y ont été faites de bonne foi et dans l’intention de faire justice et non de faire de la camaraderie, comme on n’a cessé de nous le faire entendre.
Il faut, s’écrie-t-on, replacer les employés supprimés, quand ils sont valides mais cela n’est pas toujours possible. Je vais vous le montrer par une analogie. Si au département de la guerre vous mettez en disponibilité un colonel, vous ne pourrez lui offrir qu’un régiment ; lui offririez-vous une compagnie ? non certes. Il est une foule d’employés qui ont été directeurs, inspecteurs ; leur offrira-t-on des positions qui ne seront pas équivalentes ? Ce serait les dégrader, et l’homme ne peut se laisser dégrader.
M. Jadot. - M. le commissaire du Roi a dit n’avoir pas les documents relatifs aux sommes payées par l’ancien gouvernement pour les pensions au-delà de 30,000 florins. J’en ai qui prouvent qu’en 1824, aux états-généraux, les sections ont demandé 455,684 florins pour les pensions. (Aux voix ! aux voix !)
M. Dumortier. - Je demande que la chambre veuille m’écouter. Je veux présenter la rectification de quelques faits. J’ai avancé que les pensions antérieures à la révolution s’élevaient à 365,000 fr. ; voici l’état nominal des pensionnaires, l’état indiquant leur nom, prénoms, domicile, le montant annuel de la pension de chaque individu. Cet état a été fourni par le ministre à la section centrale, il porte, comme je vous l’ai dit, le total des pensions à 365,000 fr. M. le commissaire du Roi peut-il être reçu à dire que cet état n’est pas complet ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On peut expliquer cela !
M. Dumortier. - Les explications ne signifieront rien. On nous présentera un nouvel état ? Il fallait le présenter avant la discussion ; vous avez mauvaise grâce à venir maintenant nous proposer un nouveau tableau. Direz-vous que de nouvelles pensions ont été accordées ?
Mais est-ce que la révolution, est-ce que la mortalité n’en ont pas éteint ? Est-il possible de nous présenter des pensions pour 60,000 fr. de plus ? Supposons qu’il y ait eu pour 20,000 fr. de pensions amorties, c’est donc en tout 80,000 fr. de plus que contiendrait votre déclaration : il y a encore ici une réticence semblable à celle dont a parlé M. de Brouckere relativement à certaines pensions : auriez-vous accordé des pensions pour des services rendus aux Hollandais ?
M. Dujardin, commissaire du Roi. - Ce n’est pas ainsi que cela se passe.
M. Dumortier. - Ce n’est pas ainsi que cela se passe : quelle garantie ai-je dans votre assertion ? Le syndicat n’a jamais dû fournir que 30,000 florins, et c’est ce qui résulte d’un arrêté-loi ; et comme il ne devait les fournir que quand le déficit était supérieur à cette somme, je dis qu’il ne les a pas fournis et je défie qu’on me prouve qu’il les ait donnés.
M. Duvivier. - Parlez des pensions qui viennent des réductions faites l’année dernière.
M. Dumortier. - Eh bien, comment se fait-il encore qu’une augmentation de 60,000 fr. devienne une augmentation de 150,000 fr. ? Tout est incompréhensible.
Parmi les employés frappés par des suppressions, on nous dit que les sommités ne peuvent être replacées : soit ; mais ces cas sont rares, tandis que les employés subalternes peuvent fort bien être replacés. Comment se fait-il que les suppressions opérées l’année dernière aient eu si peu d’influence sur les 150.000 fr. ?
M. Duvivier. - Et les suppressions antérieures !
M. Dumortier. - L’année dernière on nous demandait 650,000 francs ; cette année on nous demande 800,000 fr. ; où s’arrêtera-t-on ? Messieurs, dans la stricte équité, quand vous aurez donné à la caisse 100,000 fr., vous serez quittes avec elle. Les abus ont fait le mal.
En voulez-vous avoir la preuve ? En l832, d’après le chiffre même du budget présenté par l’honorable M. Coghen, le total des pensions accordées s’élevait à 1,051 ; le montant de la somme qu’elles représentaient à 261,000 florins, ce qui fait 553,000 fr.
En 1833, ce chiffre était de 608,000 fr. Voici qu’aujourd’hui, il est de 810,000, indépendamment des pensions qui se sont éteintes par suite de la mortalité et qui ont pu monter à 25,000 fr. annuellement. Ainsi voilà la progression qui a eu lieu depuis quatre années. C’est un abus criant et scandaleux, nous devons y porter remède. Nous ne pouvons consentir à ce que le gouvernement augmente ainsi indéfiniment le chiffre des pensions. il n’y a jamais d’arrêt en pareille matière.
Quant à la moyenne des pensions que l’on a citées, cette moyenne ne prouve rien, parce qu’il y a parmi les employés des finances un très grand nombre de douaniers qui ne touchent qu’une faible pension et qui diminuent ainsi la moyenne, pour mettre à couvert les gros matadors (hilarité) qui touchent des pensions plus fortes que dans toutes les autres administrations.
Les causes du déficit actuel sont au nombre de trois.
1° L’on n’a pas observé l’article 11 de l’arrêté-loi de 1815 qui stipule que l’on ne peut accorder de pension que jusqu’à concurrence des fonds disponibles.
2° L’on a mis à la retraite des employés valides, malgré les dispositions formelles de l’article 50.
Je prends acte des paroles de M. le commissaire du Roi qui a dit que, malgré cet article, on donne des pensions à tous les employés.
3° Le ministre n’a pas craint de donner des pensions au-delà de la limite extrême établie par la loi.
Vous aviez arrêté le chiffre des pensions de retraite à 650,000 francs. Si les ministres voulaient en accorder de nouvelles, c’était à eux à en prélever les fonds sur leurs traitements. (Oh ! oh !)
Il faut que l’on s’arrête enfin. Prenez-y garde, si vous votez 800,000 francs de pensions, quelle garantie avez- vous que l’année prochaine le chiffre ne s’élèvera pas à 3 millions ?
Vous verrez les dépenses s’augmenter en dépit de la chambre. Encore une fois nous ne sommes pas une chambre d’enregistrement. Je demande positivement que l’on maintienne la somme proposée par la section centrale.
Le ministre a des moyens de parer au déficit qu’il redoute. Je ne demande pas que l’on réduise le chiffre des pensions légitimement acquises ; mais qu’il établisse sur les traitements les mêmes retenues que dans un pays voisin, et qu’il remette en activité les pensionnés valides, qui sont encore en état de rendre des services à l’Etat.
- La clôture de la discussion est adoptée.
M. le ministre des finances se ralliant au chiffre de M. Jadot (180,000 fr.), ce chiffre est mis aux voix.
La chambre vote par appel nominal sur ce chiffre.
57 membres sont présents.
51 répondent à l’appel.
6 s’abstiennent. Ce sont MM. A. Dellafaille, Desmanet de Biesme, Eloy de Burdinne, Fallon, Gendebien, Jullien.
38 membres adoptent.
19 rejettent.
En conséquence de ce vote, le crédit extraordinaire de la caisse de retraite est fixé à 180,000 fr.
Ont adopté : MM. Berger, Brixhe, Coghen, Cols, Corbisier, Dams, de Behr, de Brouckere, de Longrée, F. de Mérode, de Muelenaere de Nef, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Dewitte, d’Hane, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubois, Duvivier, Ernst, Hye-Hoys, Jadot, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirson, Raikem, Seron, Vandenhove, Vanderbelen, Watlet, Zoude.
Ont rejeté : MM. Cornet de Grez, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Roo, Desmet, Doignon ; Dubus, Dumont, Dumortier, Liedts, Polfvliet, Schaetzen, Simons, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vanderheyden, Verdussen, Vergauwen.
M. le président. - MM. les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à exposer les motifs de leur abstention.
M. A. Dellafaille. - Je me suis abstenu parce que je n’étais pas présent au commencement de la discussion, et que la proposition m’a paru avoir trop d’importance pour la voter sans avoir entendu toutes les considérations, pour ou contre.
M. Desmanet de Biesme. - Quoique l’abstention ne soit pas dans mes habitudes parlementaires, j’ai cru devoir m’abstenir dans cette occasion, parce que je suis persuadé qu’il y a eu abus dans la collation des pensions. Mais comme je ne sais pas jusqu’à quel point va l’abus, je ne veux pas priver les pensionnés de recevoir ce qui leur est dû ; je ne veux pas non plus consacrer par mon vote les sommes qu’on leur donne sans avoir pu m’éclairer.
Si on avait adopté la motion d’ordre de l’honorable M. Gendebien, nous aurions pu être éclairés, tandis que dans l’état actuel des choses l’assemblée est obligée de voter sans connaissance de cause.
M. Eloy de Burdinne. - Je me suis abstenu par les motifs énoncés par l’honorable préopinant.
M. Fallon. - Je me suis abstenu parce qu’on ne nous a pas fourni les renseignements nécessaires pour éclairer notre conscience.
M. Gendebien. - Il est inutile que je vous répète ce que j’ai en l’honneur de vous dire à l’appui de ma motion d’ordre. Je n’ai voulu adopter ni le chiffre de la section centrale, ni celui du gouvernement. Je ne veux pas diminuer les pensions légitimement acquises ; et je ne veux pas non plus mettre le ministre dans la position de devoir faire une plus forte retenue sur le traitement des employés.
M. Jullien. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas assisté à la discussion principale.
M. le président. - M. Dumortier propose un article additionnel ainsi conçu :
« Il ne sera accordé de pensions à la caisse de retraites que jusqu’à concurrence des fonds restés disponibles. »
M. Dumortier. - J’ai peu de chose à dire pour justifier ma proposition. Je ne fais que réparer un oubli par suite duquel le trésor se trouve grevé de 400,000 francs, tandis qu’aux jours de la révolution on n’accordait au même titre que 30,000 florins, Si vous ne voulez pas que l’année prochaine on vienne vous demander 5 ou 6 cent mille francs, il faut absolument poser une limite au gouvernement.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si l’amendement de l’honorable M. Dumortier était adopté, le gouvernement serait dans l’impossibilité d’accorder une seule pension pendant le cours de l’année, quelque légitime qu’elle fût dans le cas où rien ne resterait disponible sur le fonds de la caisse des retraites.
M. de Brouckere. - J’ajouterai à ce que vient de dire le ministre que si quelques employés venaient à mourir, leurs veuves ou leurs enfants ne pourraient recevoir la pension à laquelle ils auraient droit, si l’on avait disposé de tous les fonds de la caisse des retraites.
L’amendement de M. Dumortier me paraît inadmissible.
M. Dumortier. - Depuis quatre ans on a accordé plus de pensions qu’il n’en existait avant la révolution, Depuis 1832, on en a accordé pour plus de 400,000 fr. ; si vous ne voulez pas que l’on continue à dilapider ainsi les fonds de l’Etat, il est indispensable que vous adoptiez ma proposition.
Si M. le ministre la repousse je croirai qu’il veut suivre le système de son prédécesseur, et je voterai alors contre le budget.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant vient de dire que l’on a accordé depuis 1832 pour plus de 400,000 fr. de pensions. Il résulte des pièces remises à la chambre que depuis la révolution il n’en a été accordé que pour 402,000 fr.
M. Coghen - Le ministre ne peut pas se lier comme le veut le préopinant. Un employé meurt ; li laisse une veuve, des enfants. Si le ministre ne peut pas aller au-devant de leurs besoins, ils sont exposés à mourir de misère, lorsque leur mari ou leur père aura consacre 25 années de sa vie au service de l’Etat.
Je m’en rapporte volontiers à la prudence de M. le ministre des finances, pour éviter que des abus ou des erreurs ne se renouvellent. Je suis certain qu’il sera économe des deniers publics.
M. Duvivier. - Je remercie l’honorable préopinant de ce qu’il vient de me dire de flatteur. Je lui répondrai que si, dans les discussions précédentes, j’avais voulu lui faire de semblables compliments, il y a longtemps que nous serions quittes, et je ne manquerai pas d’occasions dans les temps futurs.
M. Gendebien. - Je ne veux pas entrer dans les discussions personnelles qui viennent d’avoir lieu entre deux ex-ministres ; je ferai seulement remarquer que des reproches qu’ils se sont adressés respectivement on peut tirer la conséquence que nous avons eu de bien mauvais ministres des finances et que j’ai eu raison de repousser presque toutes leurs propositions. La chambre y pourra puiser une utile leçon.
Je rentre dans la discussion et je demande si dans l’allocation ne se trouve pas compris un fonds pour les pensions de veuves de fonctionnaires décédés ou de fonctionnaires jugés aptes à recevoir des pensions sur la caisse de retraite.
S’il en est du budget du ministère des finances comme des autres ministères, je dois croire qu’il contient tous les besoins du service, aussi bien pour les pensions acquises que pour celles à créer éventuellement pendant l’année 1835, car le budget n’est autre chose que l’évaluation des dépenses de l’année à laquelle il correspond. S’il en est ainsi, l’amendement de M. Dumortier est inutile. Car le ministre des finances comme les autres est obligé de rester dans le cercle des allocations qui lui sont faites ; s’il en est autrement, qu’on veuille bien me le dire, car dans ce cas il y aurait une omission qu’il faudrait réparer. Il est possible que je sois dans l’erreur, ce que je ne pense pas ; mais s’il en est ainsi, je demande qu’on veuille m’éclairer.
M. Coghen - En citant tout à l’heure à la chambre ce que je pensais de la manière dont on avait accordé les pensions sous le ministère précédent, j’ai cru avoir fait chose utile ; si l’honorable M. Duvivier a de pareils faits à alléguer sur mon compte, je prie de les signaler à la chambre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Le crédit est destiné à pourvoir aux pensions nouvelles à accorder, quoique représentant seulement le montant des pensions existantes ; il y a toujours en prévision un certain nombre d’extinctions et l’on présume que ces extinctions permettront de couvrir les besoins nouveaux.
Lorsqu’un pensionnaire meurt en laissant une veuve ou des orphelins, sa pension se réduit d’ailleurs toujours par la réversibilité.
Il en est au reste du crédit pour les pensions comme de tous les crédits basés sur des données variables et éventuelles, il peut arriver qu’ils soient très forts ou très faibles ; la fin de l’exercice seule vient en constater l’élévation précise.
M. Gendebien. - Mon intention n’est pas de prolonger la discussion ; d’après ce que vient de dire M. le ministre des finances, l’amendement de M. Dumortier doit être rejeté comme inutile, puisqu’il reconnaît qu’il a tout prévu, qu’il a pétitionné pour l’avenir comme pour le passé, et qu’il reconnaît, comme cela doit être d’ailleurs, qu’il ne peut dépasser le crédit qui lui est alloué et qui comprend les éventualités comme les pensions allouées.
M. Duvivier. - L’honorable M. Coghen a pris l’initiative. Qu’il signale en conséquence les abus qu’il dit avoir eu lieu sous mon administration, je lui répondrai et lui rendrai le même service en ce qui touche la sienne à laquelle j’ai succédé.
- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix et rejeté.
L’article premier est mis aux voix et adopté.
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
54 membres sont présents.
48 votent l’adoption.
2 votent le rejet.
4 s’abstiennent de prendre part à la délibération.
Ce sont MM. Dumortier et Seron qui ont voté le rejet de la loi.
M. A. Dellafaille et M. Jullien se sont abstenus parce qu’ils n’avaient pas assisté à toute la discussion.
M. Desmanet de Biesme et M. Gendebien se sont abstenus par les mêmes motifs qui les avaient empêchés de prendre part à la délibération relative au crédit demandé pour la caisse des retraites.
Le projet est adopté et sera transmis au sénat.
La séance est levée à cinq heures.