(Moniteur belge n°14, du 14 janvier 1835)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée sans réclamation.
M. de Renesse fait connaître l’analyse de pétitions suivantes.
« Les anciens agent du cadastre de la province de Limbourg réclament le paiement de leurs salaires et indemnités pour opérations d’expertise cadastrale. »
« Le sieur C.-J. Ranson, ex-commis aux écritures de l’hôpital militaire de la ville de Bruges, demande à être réintégré dans son emploi et que les sommes qui lui ont été retenues lui soient restituées. »
« Les notaires de campagne de l’arrondissement d’Anvers demandent que la chambre adopte la disposition du projet de loi relatif à la circonscription des cantons, qui permet aux notaires de campagne d’instrumenter dans le ressort de l’arrondissement judiciaire. »
« Le sieur G. Versuyf, aubergiste, réclame contre le projet de redressement de la route d’Audenaerde à Alost qui traverserait sa propriété ou qu’il lui soit alloué une indemnité de deux mille cinquante francs. »
« Plusieurs fermiers cultivateurs de la commune de Gulleghem demandent la suppression des droits d’entrée sur les tourteaux de graine grasse. »
Par dépêche en date du 12 janvier 1835, M. le ministre de la justice transmet à la chambre un état des travaux urgents à exécuter aux prisons. Cet état sera déposé au greffe.
Par arrête royal en date du 12 janvier 1835, M. Soudan de Niederwerth est nommé commissaire du Roi, pour soutenir dans le budget du ministère de la justice les chapitres concernant l’administration des prisons et les établissements de bienfaisance.
M. le président. - La chambre reprend la discussion sur le chapitre III.
« Art. unique. Traitement des agents en inactivité, de retour de leur mission : fr. 10,000 »
La section centrale propose d’ajouter : « sans qu’ils y soient remplacés. »
M. Verdussen. - J’ai fait partie de la section qui a proposé l’addition de ces mots, lesquels faisaient partie du budget de l’an passé. Je persiste dans l’opinion que ces mots doivent être conservés dans le budget de cette année. J’avoue que je n’ai pas été touché des motifs allégués dans la séance d’hier par M. le ministre des affaires étrangères et par l’honorable M. Nothomb. En effet de quoi s’agit-il aujourd’hui ? De savoir si des agents en inactivité doivent recevoir un traitement, en d’autres termes de savoir s’il y aura deux titulaires.
Si jamais on n’avait admis le libellé dont il s’agit, je pourrais passer outre et ne pas l’admettre. Mais une fois qu’il a été admis, le rayer ce serait dire ouvertement que l’on veut payer un homme qui n’est plus en activité.
L’honorable M. Nothomb a dit hier qu’un agent diplomatique pouvait être rappelé et remplacé dans sa mission par des motifs honorables pour lui ; mais il en est ainsi de tous les fonctionnaires. Un ministre peut perdre son portefeuille par des motifs qui l’honorent. Un gouverneur, par excès de zèle, peut se mettre dans une position telle qu’il ne soit plus utile dans sa province ; il sera par conséquent révoqué, et immédiatement il cessera de recevoir toute espèce de traitement ; ces fonctionnaires n’auront droit à aucune espèce de traitement d’inactivité. Je ne sais pas pourquoi il y aurait exception pour les agents diplomatiques.
Le véritable motif pour écarter l’addition des mots : « sans qu’ils y soient remplacés, » c’est que ces mots laissent à désirer une explication. Mais le long débat auquel ils ont donné lieu l’an dernier doit suffisamment fixer le sens qu’il convient d’attacher à ces mots.
Par ces motifs, je pense que les scrupules manifestés dans la séance d’hier par l’honorable rapporteur de la section centrale, ne doivent pas engager la chambre à changer le libellé qui a été suffisamment expliqué.
Je voterais contre l’article, si la suppression proposée par le gouvernement était admise.
- La proposition de la section centrale tendant à l’addition des mots « sans qu’ils y soient remplacés, » est mise aux voix et adoptée. L’article unique du chapitre IlI ainsi amendé est adopté.
« Article unique. Frais de voyage des agents du service extérieur, frais de courriers, estafettes et courses diverses : fr. 70,000. »
M. Gendebien. - L’année dernière, je me suis opposé à l’allocation de 8 florins par poste pour nos ambassadeurs. J’ai fait remarquer que si la somme de 8 florins par poste était nécessaire pour les ambassadeurs, celle de 5 florins par poste pour les envoyés d’un grade inférieur, pour les secrétaires et les attachés de légation, était insuffisante.
Le gouvernement a fait droit, en partie, à ma réclamation qui a paru appuyée par un grand nombre de membres de la chambre, puisqu’a a adopté un nouveau tarif en avril dernier ; ce qui est une amélioration sensible, je dois en convenir. Mais je voudrais que le gouvernement fît un pas de plus.
Je ne veux pas que nos ambassadeurs aillent mesquinement dans les capitales étrangères ; mais je ne veux pas non plus qu’ils aient d’excédant.
Je répéterai ce que j’ai dit l’an dernier : il y deux manières de briller : la manière des prodigues qui jettent de la poudre aux yeux, et qui, quand toute leur fortune est dissipée, se trouvent en-dessous de la condition ordinaire ; ils brillent un instant par leur luxe, mais ils n’en imposent qu’aux badauds et aux imbéciles ; je préfère des hommes qui se règlent d’après leurs moyens, procèdent avec ordre et économie et s’attirent ainsi le respect et l’estime des gens sensés. Je m’exprimais ainsi, employant cette expression de « gens sensés » dont on a tant fait abus, mais dont je crois avoir fait ici une juste application.
Je ne vois pas qu’il en soit autrement pour les nations que pour les individus.
Les journaux nous ont appris récemment que le général Alava, ancien aide-de-camp de Wellington. et l’un des plus honorables militaires de l’époque, était monté modestement en diligence, partant de Paris pour se rendre à son poste à Londres. Et cependant, messieurs, le général Alava représente l’Espagne, pays dont la population est triple de la nôtre, et dont les institutions sont moins républicaines que les nôtres. Je ne demande pas que nos ambassadeurs aillent en diligence, quoique je n’y visse pas d’inconvénient.
M. de Robaulx. - Nous y allons bien, nous.
M. Gendebien. - Puisque c’est l’usage qu’ils aillent en poste, soit je le veux bien. Mais j’insiste sur la nécessité de réduire le droit de 14 francs par poste attribué aux ambassadeurs. J’avoue que 4 florins (ou 9 ou 10 francs) par poste me semblent être tout ce qui est nécessaire. Je pense que le gouvernement arriverait à une proportion plus juste en mettant les frais de poste à 10 ou 12 francs par poste pour les ambassadeurs, et à 7 ou 8 fr. pour les secrétaires et chargés d’affaires.
Cette allocation suffirait, tant pour ces derniers que pour les ambassadeurs qui ont d’ordinaire trois chevaux ; elle suffirait aussi pour la location d’une voiture, ou l’intérêt de l’acquisition d’une voiture et ses réparations.
Je n’insisterai pas davantage. Je pense que quand nous en sommes à augmenter nos contributions, même pour le pied de paix, alors que nous sommes en état de guerre, sans savoir jusques à quand cela se prolongera ; je pense, dis-je, que ce n’est pas le moment de faire des prodigalités.
Si le pays était riche, et que nous en fussions à diminuer les contributions, je consentirais à ce que l’on augmentât le traitement des fonctionnaires. Toutefois, je n’accorderai jamais rien au luxe, et je m’opposerai toujours aux prodigalités.
M. de Robaulx. - L’honorable M. Gendebien, qui vient de prendre la parole, n’est pas revenu sur un abus qu’il a signalé il y a un an ; c’est seulement pour faire cette observation, que je veux un instant occuper la chambre.
Vous vous rappelez que, l’an dernier, M. Gendebien vous a rapporté ce que l’on avait remarqué dans un compte d’ambassadeur, dans un compte de M. Le Hon ; car il faut toujours nommer les personnes, c’est le seul moyen qu’il n’y ait pas d’équivoque. Ce compte était un compte de frais de courtiers pour un voyage fait par M. Le Hon, notre ambassadeur à Paris, dans le but, si je ne me trompe, de venir chercher à la frontière le Roi des Belges qui se rendait en France.
Ainsi, depuis la frontière jusqu’à Paris, notre ambassadeur a voyagé avec le Roi, car vous savez que lorsqu’un ambassadeur voyage avec la cour, il est d’usage, de bon goût, de bon ton, qu’il voyage à la suite du Roi son maître. Alors les frais de poste sont payés par le Roi. Si je me trompe sur ce point, je prierai M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien rectifier mon erreur.
M. Le Hon a donc eu ses frais de poste payés par le Roi. (Je ne fais ici que rappeler un fait cité par l’honorable M. Gendebien.) Eh bien, qu’est-il arrivé ? C’est que M. Le Hon, dans le compte relatif à ce voyage, a porté pour frais de poste la différence entre le montant réel des frais de poste et la somme allouée à ce titre par le tarif. Je vais m’expliquer. Je prie la chambre d’excuser mon inexpérience en cette matière ; c’est que je n’ai pas l’habitude de voyager en poste. Je ne fais pas, à cet égard, comme M. Goblet et autres. Je vais simplement en diligence, sans me croire pour cela moins honorable que ces messieurs.
M. Le Hon a fait observer que la somme allouée par le tarif étant de 8 fl. par poste, et la dépense réelle n’étant que de 4 ou 6 fl., il perdait 2 ou 4 fl. s’il ne lui était rien alloué parce qu’il avait voyagé avec le Roi qui avait payé les frais de poste. Des lors, si le fait est vrai, et j’adjure l’honorable M. Gendebien de me rectifier si je suis dans l’erreur, M. Le Hon aurait porté dans son compte la différence de 2 ou 4 fl. par poste.
Si le fait est exact, je demande à M. le ministre des affaires étrangères si le crédit que nous discutons doit servir à payer ces différences.
Dans ce cas je ne voterai pas pour le crédit demandé : non pas que j’aie l’intention de donner un vote approbatif à toutes les autres demandes faites pour la diplomatie. Vous savez que j’ai une vieille rancune contre la diplomatie. C’est la diplomatie qui nous a perdus et nous a ravalés au taux où nous sommes. Avant la diplomatie et sa funeste influence, nous étions quelque chose. Aujourd’hui, grâce à elle, nous sommes prostitués aux yeux de l’Europe, nous, précédemment respectés comme nation indépendante. Je ne voterai pas de fonds pour la diplomatie qui a sacrifié notre nationalité et notre indépendance. Car c’est dans le tripot de la diplomatie qu’on a travaillé à nous perdre.
Cela est si vrai qu’en 1830 et 1831 la Belgique était honorée, respectée aux yeux des puissances. C’est la diplomatie qui l’a fait descendre au degré où elle est maintenant.
Je voterai contre toute allocation.
Je maintiens mon interpellation au ministre des affaires étrangères dans le but de savoir s’il est vrai ou non que la différence entre le taux réel des frais de poste et le montant du tarif soit allouée à nos ambassadeurs.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je regrette de ne pouvoir répondre d’une manière positive à l’honorable préopinant. J’ignore si un ministre plénipotentiaire a porté en compte la différence entre les frais de poste réellement payés et le montant des frais alloués par le tarif. Mais il me semble que si un ambassadeur voyageait aux frais du Roi, il ne serait pas délicat de sa part d’exiger que cette différence lui fût allouée.
Lorsque je serais certain que les frais de poste auraient été payés par le Roi je ne manquerais pas de faire des observations, si on portait une deuxième fois en compte une somme quelconque pour frais de poste.
M. de Robaulx. - Et sans doute, vous ne passeriez pas la dépense en compte.
M. de Foere. - Je désirerais savoir si la somme votée l’année dernière au même titre que celle en discussion, a été dépensée en totalité, ou bien si les frais sont restés de beaucoup en-dessous de l’allocation. Il me semble en effet que dans un budget des dépenses, ce sont les dépenses faites que nous devons considérer et qui doivent être la base de nos décisions, bien plutôt que les chiffres proposés par le gouvernement.
En second lieu, je demanderai si les frais de voyage des agents du service extérieur sont aussi à la charge de l’Etat, lorsque ces agents voyagent par leur propre inspiration ; par exemple, lorsqu’un ministre plénipotentiaire vient visiter la patrie, et que c’est le secrétaire qui demeure chargé des affaires du pays ; dans ce cas les frais de voyage sont-ils à la charge de l’Etat ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’honorable préopinant a fait deux demandes : il a demandé si les agents diplomatiques jouissent d’une indemnité de route, lorsqu’ils voyagent pour leurs propres affaires, Je répondrai que les agents diplomatiques ne jouissent d’une indemnité de route que lorsqu’ils voyagent par ordre du gouvernement. Ainsi, je suppose qu’un ministre plénipotentiaire, après avoir obtenu un congé, vienne en Belgique, il ne jouira pas de l’indemnité de voyage.
L’honorable préopinant demande également si la somme proposée est indispensable, si elle est nécessaire, si la somme de 70,000 fr. votée annuellement est absorbée par la dépense. Je réponds à cela que notre demande n’est qu’éventuelle. Non ; les années précédentes la somme n’a pas été absorbée par la dépense. Je crois que sur les exercices précédents on a disposé d’environ 40,000 fr. sur l’allocation de 70,000. En 1834, sur cette somme de 70,000 fr. on n’a dépensé que 29,037 fr., et il reste de disponible 40,963 fr., c’est-à-dire environ les 2/3 de la somme votée.
La dépense n’est donc qu’éventuelle, et vous voyez que le gouvernement n’a pas abusé de l’allocation qui lui a été faite à ce titre aux précédents budgets.
M. Nothomb. - L’honorable M. Gendebien a rappelé que son grand grief contre l’article en discussion était l’année dernière le défaut de tarif. M. Gendebien avait raison sous ce rapport et sur sa demande, je me suis empressé de promettre comme commissaire du Roi que l’on ferait un tarif. Ce qui a eu lieu.
Dès lors l’arbitraire que présentait quelquefois le règlement des dépenses imputées sur cet article a entièrement disparu. Ces dépenses sont réglées maintenant d’après un tarif connu, public, car il est inséré au n°36 du Bulletin officiel.
Maintenant ce tarif est-il trop élevé ? C’est ce que l’on aura à examiner ultérieurement. C’est ce que l’expérience seule peut prouver. Pour moi je le crois très modéré.
L’honorable M. Gendebien a signalé les frais de voyage qui s’élèvent pour les ambassadeurs et ministres plénipotentiaires à 14 fr. par poste. Mais il faut voir l’ensemble du tarif ; il faut remarquer qu’il n’est alloué aux ministres plénipotentiaires que 25 fr. de frais de séjour. Le bénéfice qu’ils peuvent faire sur les frais de poste se trouve donc bien compensé par la modicité des frais de séjour ; car tout le monde sait que c’est bien peu de chose que 25 fr. pour le séjour à Paris ou à Berlin d’un ministre plénipotentiaire avec sa suite, ou au moins un domestique, alors qu’il doit loger dans l’un des premiers hôtels de ces capitales.
De plus 14 francs pour frais de poste ne forment pas une somme trop élevée. Un ministre plénipotentiaire en voyage a besoin d’être précédé d’un courrier, il a donc : 3 chevaux, un courrier, les frais de voiture et de réparation.
Je crois donc, pour mon compte, que le tarif est très modéré ; il est d’ailleurs le plus modéré de tous les tarifs diplomatiques qui existent.
On a rappelé un fait concernant M. Le Hon ; je suis à même de donner quelques éclaircissements à ce sujet. Quand un roi se rend dans un pays voisin, il est d’usage que son ambassadeur ou son agent diplomatique accrédité dans ce pays, vienne à la frontière le recevoir ; c’est ce qu’a fait M. Lehon quand le Roi est allé en France. En retournant à Paris, l’ambassadeur s’est trouvé dans la voiture du monarque ; mais c’est momentanément, et M. Le Hon avait sa voiture particulière qui le suivait.
On lui a alloué des frais de poste pour le retour ; ils sont inférieurs à ceux de la venue parce que son courrier a été supprimé ainsi que d’autres dépenses. L’arbitraire qu’on a cru trouver dans ce cas ne peut se renouveler, car le tarif y met ordre.
M. Gendebien. - Je ne veux pas revenir sur la discussion qui a eu lieu l’année dernière. Alors je fournissais textuellement le compte de M. Le Hon ; je l’avais obtenu à la cour des comptes. Il résulte de ce compte que le Roi a payé les chevaux de poste pour M. Lehon, tandis que celui-ci recevait 4 florins par poste ; ordinairement ils reçoivent 8 florins. J’en conclus que nos ambassadeurs regardaient comme un bénéfice à faire sur les voyages, la moitié des sommes allouées pour leurs frais de poste.
De plus, je faisais remarquer qu’en admettant toutes les chances défavorables pour le bris de voiture, il était difficile d’évaluer les pertes qui en sont la conséquence à 4 florins par poste.
Pour voyager avec 3 chevaux et un courrier en avant, il n’en coûte que 9 fr. 50 c. par poste. Quatre florins suffisent donc.
Je demanderai comment on entend payer 25 fr. par journée de séjour.
M. Nothomb. - On paie 25 fr. pour les jours où on n’est pas en route.
M. Gendebien. - Ainsi, on ne reçoit pas les 25 fr. quand on voyage. Eh bien, si ma mémoire est bonne, ce n’est pas de cette manière qu’on a compté précédemment. Je suis charmé qu’on en soit venu à des idées d’ordre. Vous donnez actuellement 14 fr. par poste et 25 pour séjour : les 25 fr. ne sont pas de trop ; mais les 14 fr. par poste excèdent les besoins et le ministre des affaires étrangères peut réviser son tarif et en présenter une seconde édition amendée. Le comte Alava, ambassadeur d’Espagne, comme je l’ai dit, n’a pas cru manquer à sa dignité et à celle de son pays en se rendant, par la diligence, de Paris à Londres.
M. Nothomb. - M. Lehon s’était rendu à la frontière avec sa voiture et son courrier ; on lui a payé 8 florins d’après l’ancien tarif hollandais ; mais en retournant à Paris on ne lui a alloué que 4 florins, et le Roi n’a pas payé les frais de retour de la voiture de M. Le Hon à Paris.
Je le répète, les frais de séjour ne peuvent être payés que pour les jours où l’on n’est pas en route. (Aux voix ! aux voix !)
M. de Foere. - Le ministre des affaires étrangères, en répondant aux questions que j’ai faites, a dit que sur les frais de l’année précédente il était resté 40,000 fr. ; on voit donc que la somme de 70.000 fr. n’est pas nécessaire ; alors pourquoi gonfler notre budget ? On devrait, pour établir le chiffre des frais de poste, prendre la moyenne des dépenses des années précédentes. Je proposerai à la chambre de n’accorder que 60,000 fr.
M. Gendebien. - 50,000 fr. seraient même suffisants.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - En répondant à l’honorable préopinant, j’ai dit que l’année dernière et les années précédentes les frais de poste n’auraient pas été absorbés, mais je n’ai pas dit qu’il fût resté de 30 à 40 mille fr. Je n’ai pas les pièces sous les yeux pour indiquer un chiffre.
L’allocation demandée est purement éventuelle. La dépense peut varier à l’infini ; cela dépend du nombre des courriers à expédier. Il est possible que 50,000 fr, soient suffisants ; il est possible aussi que cette somme soit au-dessous des besoins. Le gouvernement n’abuse pas du crédit. Il y aurait danger à ne pas accorder la somme nécessaire.
M. de Robaulx. - Je suis d’accord avec le ministre ; la somme qu’il demande n’est qu’un crédit purement éventuel, et l’élévation du chiffre dépend des circonstances. Quoi qu’il en soit, les crédits éventuels ont des bases. Quand on s’attend à beaucoup de courses diplomatiques ou a une reprise d’hostilités diplomatiques, on doit prévoir que les dépenses seront considérables. Si le ministre pense être dans ce cas, je conçois qu’il doit demander une augmentation à l’allocation. Examinons, dans ce moment, quelles sont les probabilités… Je vois un honorable membre qui hausse les épaules mais comme il ne dit jamais rien, nous ne pouvons hausser les épaules à ses discours : il devrait nous écouter indulgence... (On rit.)
Examinons quelles sont en ce moment, les probabilités relativement aux courses diplomatiques.
Si nous nous en rapportons à ce qu’a dit le Roi…. (je sais qu’il n’est pas constitutionnel de le nommer ici ; mais comme il s’agit de ses paroles, il faut bien que je dise de quelle source elles découlent.) Si nous nous en rapportons à ce qu’il a dit, il nous a bercés de grandes espérances. Quelques jours avant le nouvel an, le ministère, par l’organe du ministre des affaires étrangères, nous avait aussi fait entendre des paroles assez mielleuses. On parut se tranquilliser. Les ministres, pour avoir les 10 centimes de subvention de guerre, avaient suivi une autre route. Ils avaient fait faire un rapport élaboré avec un grand soin. Ce factum ayant fait naître des craintes, on vota en effet les 10 p. c. Le Roi parlant après a démenti les assertions de ses ministres : il nous a dit que tout était bien ; que nous pouvions porter chez nous et à nos électeurs des assurances de paix.
M. A. Rodenbach. - Il n’a pas dit cela !
M. de Robaulx. - Ne m’interrompez pas ! D’après les paroles royales nous sommes dans un avenir de paix présumable ; dès lors doit-on supposer que la diplomatie aura beaucoup à faire ? Je ne le crois pas.
Toutefois, comment se fait-il qu’après des paroles aussi rassurantes on refuse de rayer, comme inutiles, les 10 centimes d’impôts additionnels ?Comment se fait-il que l’on vienne encore nous entretenir de dangers ? Les paroles royales n’étaient donc basées sur rien ? M. de Muelenaere, la diplomatie personnifiée, devrait bien nous éclaircir tout cela. Et remarquez-le, messieurs, je vous prie : c’est au moment des élections anglaises, c’est quand elles annoncent la déconfiture du cabinet tory que le ministre de la guerre vient, pour la seconde fois, nous faire peur.
A cette coïncidence, ajoutez ce qu’a dit hier M. le ministre de la justice, d’une manière un peu embrouillée, il est vrai. Il parle ordinairement un peu plus clairement. Il veut sans doute rivaliser d’obscurité diplomatique avec son collègue. J’ai mis toute ma perspicacité à le comprendre. Il prétend que si la France nous abandonnait, nous nous défendrions nous-mêmes : la France nous abandonner ! nos amis, nos appuis sont donc maintenant dans le cabinet tory ? Quoi ! les chances de paix auront lieu quand les tories seront au pouvoir, quand ils ne courront aucune chance d’être renversés ! J’ai peine à faire une pareille supposition.
Tout ce qu’il y a de cœurs patriotes en France repousse le ministère doctrinaire qui s’accommode assez du ministère des tories ; serait-il vrai aussi que le ministère belge ait trouvé des garanties suffisantes pour notre indépendance, des garanties de paix dans le cabinet formé par Wellington ? serait-il possible que notre administration fraternisât avec les tories ? Serait-il possible que des dangers naquissent pour nous quand le ministère de Wellington est menacé de dissolution ?
Je n’ai jamais pu comprendre comment les ministres pouvaient s’entendre entre eux ; comment leurs paroles pouvaient concorder avec celles du Roi. J’ai toujours cru que pour notre pays les plus belles choses devaient se présenter quand l’élément révolutionnaire était en progrès ; et voilà que les ministres nous parlent de dangers exactement au moment où les tories sont menacés !
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Mes collègues et moi nous avons suffisamment prouvé qu’il n’y avait aucune espèce de contradiction entre nos paroles et celles de S. M. Toutefois, je ne sais si la chambre me permettrait de revenir à la discussion générale, close dans la séance d’hier, pour répondre à l’honorable préopinant. Je crois qu’elle ne veut pas déroger à son règlement et qu’il faut aujourd’hui se borner à la discussion des articles.
M. de Robaulx. - Voila de la diplomatie toute pure. C’est se moquer du monde.
M. le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre de 70,000 fr.
M. de Robaulx. - Mais il y a un amendement !
M. le président. - L’usage veut que l’on mette aux voix d’abord le chiffre le plus élevé.
M. de Robaulx. - L’esprit du règlement est que l’on doit d’abord mettre aux voix la proposition la plus favorable au peuple ; ici c’est celle par laquelle on demande une diminution, donc c’est le chiffre le moins élevé qui doit être mis aux voix le premier.
M. le président. - Dans la discussion de tous les budgets, les choses se sont passées de la même manière, ou en commençant par le chiffre le plus élevé, La chambre veut-elle déroger à cet usage ? (Non ! Non !)
M. de Robaulx. - Il paraît qu’il y a de la diplomatie partout. M. le président, dans un but très louable, celui d’abréger les délibérations, qu’il met aux voix le chiffre le plus élevé ; mais c’est peut-être le plus élevé parmi les amendements.
M. le président. - Non ; tels sont les antécédents. (Aux voix ! aux voix !)
M. de Robaulx. - Vous aurez votre loi assez tôt ; soyez tranquilles ! Mais il est de règle, M. le président, de mettre les amendements aux voix avant la proposition primitive ; c’est comme rappel au règlement que je fais cette observation, et je crois en conséquence que l’on doit commencer par l’amendement de M. de Foere.
M. le président. - Autrefois, je commençais, en effet, par les amendements ; mais la chambre ayant manifesté l’intention de commencer par les chiffres les plus élevés, j’ai dû m’y conformer.
M. de Robaulx. - Je demande l’exécution du règlement !
M. H. Dellafaille. - La proposition de M.de Robaulx serait souvent inexécutable et empêcherait, dans bien des occasions, que le vœu de la majorité de la chambre ne soit accompli, et c’est afin d’obtenir une décision qui soit l’expression exacte de l’avis du plus grand nombre, que l’on commence par le chiffre le plus élevé.
M. de Robaulx. - L’honorable orateur n’a pas trouvé la pie au nid. La difficulté n’est pas résolue par ses explications. Du reste, je n’insiste pas, si M. de Foere ne tient pas à son amendement. Mais chaque fois que j’en présenterai un, je me réserve de demander la priorité pour ma proposition, parce que je crois que cela est conforme au règlement.
M. Smits. - Une autre objection à l’observation de M. de Robaulx se présente : aux termes du dernier paragraphe de l’article 24 de notre règlement, il n’est pas permis de prendre la parole entre deux épreuves. Une première épreuve avait été commencée. Il faudrait que l’on fît la seconde.
M. de Foere. - Je crois que notre honorable président est dans l’erreur. La pratique constante de la chambre a été de commencer par voter le chiffre le plus élevé, lorsqu’il s’agissait de plusieurs amendements. Jamais la proposition principale n’a été mise aux voix la première.
L’objection de l’honorable M. Smits est également sans fondement. On ne peut parler entre deux épreuves sur le fond ; mais on peut parler sur la position de la question.
M. le président. - J’avais déclaré que je mettrais aux voix le chiffre le plus élevé. Personne n’a élevé la voix contre cette manière de poser la question. Si la chambre le désire, je la consulterai sur la question de priorité. Je rappellerai seulement que lors de la dernière discussion des budgets, l’assemblée avait désiré que je misse aux voix le chiffre le plus élevé, à quelque proposition qu’il appartînt.
M. Gendebien. - Il n’est pas exact de dire que l’on ne peut prendre la parole entre deux épreuves, quand il s’agit de poser une question. Quand une première épreuve a été douteuse, par cela seul que l’on ne s’est pas compris, il est naturel que l’on prenne la parole pour s’entendre sur la seconde épreuve. Quant à la question en elle-même, il est rationnel que quand on demande l’exécution du règlement, on en revienne au règlement, lors même que l’on en aurait dévié à plusieurs reprises. La chambre peut, quand elle le veut, déroger à son règlement. Mais l’exception, par dérogation, ne peut pas détruire la règle.
M. de Robaulx avait raison de demander l’exécution du règlement, de demander que l’amendement de M. de Foere fût mis préalablement aux voix. Du reste la chambre fera comme elle l’entendra. Je suis sûr que M. de Robaulx n’attache pas d’importance à son observation.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la question de priorité.
M. Gendebien. - Je demande, pour terminer toute discussion ultérieure, que l’assemblée soit consultée sur la question de savoir si, pendant la discussion de ce budget, le chiffre le plus élevé d’une proposition d’allocation sera mis le premier aux voix.
- La chambre, consultée sur la question de savoir si le chiffre le plus élevé de plusieurs propositions relatives à une même allocation, sera mis le premier aux voix, la décide affirmativement.
Le chiffre de 70,000 fr. est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La discussion est ouverte sur le chapitre V.
« Article unique. Frais à rembourser aux agents du service extérieur : fr. 50,000 fr. »
M. de Robaulx. - Je demande que M. le ministre des affaires étrangères spécifie les sommes dont il s’agit dans cet article. Ces remboursements servent-ils à grossir les appointements des agents diplomatiques ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Cette allocation de 50,000 fr. n’entre pour rien dans les indemnités auxquelles peuvent avoir droit les agents diplomatiques. Elle n’est destinée qu’à rembourser les frais que ceux-ci peuvent faire dans l’intérêt du gouvernement qu’ils représentent. Ces frais sont prévus par l’arrête réglementaire du 22 septembre 1831. Ils consistent dans les ports de lettres qui leur sont envoyées par le gouvernement, dans le remboursement des dépenses occasionnées par l’expédition de courriers pour le service de l’Etat, et des sommes distribuées aux Belges nécessiteux qui se trouvent en pays étranger. Ils ne sont payés à l’agent diplomatique qui en fait la demande que sur la présentation des pièces qui en constatent la légalité.
M. de Foere. - Dans la séance d’hier, M. le ministre a invoqué un arrêté réglementaire pour justifier l’allocation du sixième du traitement de l’envoyé à Berlin, en faveur du secrétaire de la légation, lorsque celui-ci remplit ses fonctions. Aujourd’hui on en invoque un autre. Il me semble que l’on ne peut s’appuyer de dispositions prises par le gouvernement, pour déterminer le vote de la chambre. Ces règlements ne peuvent servir que quand les allocations sont discutées et votées.
Il est vrai qu’il est nécessaire de régler les dépenses auxquelles la chambre a donné sa sanction. Mais si les ministres font bien de régulariser la question d’exécution, les arrêtés qu’ils prennent ne peuvent être d’aucun poids lorsqu’il s’agit d’examiner la question de savoir si une dépense est nécessaire ou non. C’est à l’assemblée seule à apprécier si l’intérêt du pays exige qu’elle soit faite. Les arrêtés pris antérieurement ne doivent pas être invoqués pour influencer en rien sa détermination.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je vous avoue que je ne comprends rien au langage de l’honorable préopinant. Un ministre demande l’allocation d’une somme à son budget. Il faut bien que la chambre sache l’emploi qu’il fera de cette somme. Je trouve naturel que l’honorable M. de Robaulx ait demandé quels étaient les frais à imputer sur cette somme. Pour satisfaire à sa demande, il était nécessaire que je citasse les dispositions en vigueur qui justifient l’allocation de 50,000 francs.
L’honorable abbé de Foere prétend que l’on ne peut invoquer des arrêtés pris par le gouvernement, pour déterminer le vote de la chambre. Si l’on rappelle ces dispositions, c’est uniquement pour faire connaître à la législature l’emploi qui sera fait de la somme que l’on demande. L’orateur que je combats pense que les règlements organiques ne devraient être portés qu’après le vote des budgets. Il voudrait donc que l’on fît des règlements nouveaux après le vote de chaque budget. S’il en était ainsi, le gouvernement serait dans l’impossibilité de justifier ses demandes d’allocations ; il ne serait pas lié par des règles fixes et invariables dans l’emploi des sommes qui lui seraient accordées. C’est dans ce but qu’il prend des arrêtés, qu’il établit des limites dont il ne peut s’écarter ; et s’il le fait, c’est, comme on le voit, dans l’intérêt seul du pays.
M. de Robaulx. - Si j’ai bien compris l’honorable M. de Foere dont la voix ne me permet pas d’entendre distinctement les paroles, il ne conteste pas le droit qu’a le gouvernement de faire des règlements ; il ne conteste pas que l’on organise les devoirs des agents diplomatiques, mais il ne veut pas que l’on se serve de ces arrêtés comme d’une autorité pour appuyer la demande d’allocation. C’est ce à quoi M. le ministre des affaires étrangères n’a pas répondu.
Ce que je trouve singulier, c’est que, sous le titre du chapitre V, on consacre une allocation pour remboursement aux agents du service extérieur de frais déjà prévus par les chapitres précédents. Je conçois que l’on vote une allocation pour remboursement de dépenses déjà faites. Mais il s’agit ici de dépenses à faire. C’est ici une somme de 50,000 fr, dont vous allez voter la distribution entre tous les agents diplomatiques.
Je ne suis pas souvent d’accord avec MM. les ministres ; ils me permettront d’expliquer ma pensée. Peut-être bien finirai-je par me rapprocher d’eux dans cette discussion ; car pour leur système, c’est différent.
L’arrêté cité par M. le ministre des affaires étrangères porte au nombre des remboursements à faire aux agents diplomatiques, les frais d’expédition des courriers pour le service de l’Etat, les secours accordés aux Belges nécessiteux, etc. Je trouve tout naturel que l’on rembourse l’argent déboursé par les agents diplomatiques, pour le service du pays. Je conçois que lorsqu’un envoyé achète des objets qui lui sont nécessaires dans l’exercice de ses fonctions, il n’en supporte pas les frais.
Mais la chambre ne doit pas accorder aux agents le moyen, je dirai, scandaleux, de faire de légères aumônes aux portes des légations. Ce n’est pas l’intention de la représentation nationale. Lorsqu’outre un traitement fixe, que je trouve exorbitant pour la taille de notre pays, on touche des frais de voyage et des frais de séjour, vous conviendrez qu’il est étonnant que l’on vienne demander à l’Etat de rembourser les aumônes que l’on peut avoir à faire. A l’exception de leurs souliers, de leurs chemises et de leurs habits, je crois que nous payons tout aux agents diplomatiques. S’ils voyagent, l’Etat paie leurs chevaux de poste ; s’ils reçoivent des lettres, l’Etat leur en rembourse le port ; s’ils font des aumônes, l’Etat leur en remet le montant. Le trésor public est mis à contribution pour les frais de leur ménage. Je trouve cela exorbitant.
Je conçois que lorsque des Belges en pays étranger ont besoin d’une somme assez considérable pour rentrer dans leur patrie, ce soit l’Etat qui supporte les frais de leur voyage. Mais je demande à M. le ministre s’il sera permis à un agent diplomatique de faire figurer, comme on l’a déjà vu, dans les comptes qu’il envoie au département des relations extérieures, les faibles aumônes qu’il aura distribuées en son nom.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’arrêté que j’ai cité détermine exactement les seuls frais imputables sur ce chiffre de 50,000 francs. Ces frais sont faits dans l’intérêt de l’Etat. Il est, je pense, de toute justice que nos agents diplomatiques reçoivent le remboursement du port des lettres qui leur sont adressées par le gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Je ne pense pas que cela soit contesté par M. de Robaulx.
M. de Robaulx. - Non, pourvu que ne paie pas les frais de leur correspondance personnelle.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - En vertu d’une disposition adoptée depuis quelque temps, les agents diplomatiques sont obligés de justifier du montant des ports de lettres reçues par un état tenu à la poste. Il ne peut par conséquent s’élever aucun abus.
L’allocation en discussion sert également au remboursement des secours accordés à des Belges nécessiteux en pays étranger. Il ne s’agit pas ici des aumônes particulières faites par nos agents diplomatiques, Il s’agit des secours que ceux-ci accordent en leur qualité de représentants du gouvernement, à leurs compatriotes qui n’ont pas le moyen de rentrer en Belgique. Et, à cet égard, les frais de route sont déterminés par le gouvernement.
Il est rare que des ministres plénipotentiaires ou que des chargés d’affaires aient des réclamations à faire de ce chef. La plus grande partie de celles qui nous arrivent, viennent des consuls dans les ports de mer. C’est ainsi qu’il nous est arrivé, dans le courant de 1834, des réclamations extrêmement fondées faites par des consuls pour des matelots belges naufragés, auxquelles ils avaient fait remettre des objets d’habillement et de chaussure, ainsi que des fonds pour rentrer dans leur patrie.
Enfin, dans cette allocation de 50,000 fr. est également compris le remboursement des dépenses faites pour expédition de courriers. Cette dépense est légitime.
Il peut arriver également qu’un ministère ait besoin de documents ou d’ouvrages qu’il ne peut se procurer ou faire copier en pays étranger que par l’intermédiaire des agents diplomatiques. Il est juste que les dépenses faites de ce chef par eux leur soient payées.
Ainsi, messieurs, cette allocation n’est destinée qu’à des remboursements de dépenses faites dans l’intérêt de l’Etat, et ces remboursements ne s’opèrent que quand les sommes ont été réellement dépensées. Les agents diplomatiques sont obligés de fournir à l’appui de leurs demandes de paiement des pièces justificatives.
La somme de 50,000 francs peut paraître très élevée, et elle l’est en effet dans les temps ordinaires. On peut s’en convaincre d’après les dépenses qui ont été faites de ce chef sur l’exercice 1834. Jusqu’au 31 décembre dernier, elles ne se sont élevées, à la connaissance du gouvernement, qu’à la somme de 5,100 fr. Il est possible qu’il nous arrive encore des réclamations de la part des consuls qui résident dans des ports de mer éloignés. Mais la chambre peut apprécier dès à présent le montant de la dépense faite en 1834.
M. de Robaulx. - Je suis satisfait des explications de M. le ministre dès l’instant que les aumônes de MM. les agents diplomatiques ne sont pas comprises dans l’allocation.
M. de Foere. - Je n’ai pas contesté au gouvernement le droit de porter des arrêtés réglementaires. Je n’ai pas prétendu que les arrêtés devaient suivre le vote de la chambre. J’ai dit seulement que les ministres ne peuvent invoquer les règlements qui ont été portés en exécution des votes de la chambre. Comme je l’ai dit, on s’est appuyé des règlements existants pour justifier hier le supplément de traitement du secrétaire de la légation de Berlin. L’on revient aujourd’hui sur le même argument à l’occasion du chapitre V. J’ai dit, et je le répète, qu’une semblable manière de procéder ne peut être admise.
M. Desmanet de Biesme. - Je désirerais savoir si nos agents diplomatiques perçoivent un droit de visa sur les passeports et les pièces qu’ils délivrent. Je soumettrai à M. le ministre la question de savoir s’il ne serait pas juste que l’on usât de réciprocité à l’égard des Français à la légation belge à Paris. Lorsque nous, Belges, nous voulons obtenir un certificat de vie à la légation française à Bruxelles pour percevoir des rentes en France, nous sommes obligés de payer des droits de chancellerie.
Pourquoi n’en serait-il pas de même à Paris à l’égard des Français qui auraient à percevoir des rentes en Belgique ? la même inégalité se fait remarquer pour les passeports. Le Belge qui passe la frontière française est obligé de déposer son passeport à Valenciennes, par exemple, en d’en prendre un nouveau qui lui coûte deux francs. Les Français ne sont pas soumis aux mêmes formalités en Belgique.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Les renseignements fournis à cet égard par la section centrale sont parfaitement exacts. Voici le fait : Les agents diplomatiques belges ne reçoivent aucun droit de visa sous quelque dénomination que ce soit. Il est perçu sur les passeports délivrés aux Belges en pays étranger des droits de timbre qui sont versés plus tard dans le trésor. Il est tenu un compte au département des finances. Ainsi il est constant que nos agents diplomatiques ne reçoivent aucun droit de chancellerie.
Reste la question de savoir s’il conviendrait d’établir au profit du trésor un droit de visa et de légalisation des pièces et passeports délivrés par les ministres ou chargés d’affaires. Cette question est très délicate. De ce qu’un gouvernement suscite quelques difficultés aux étrangers qui arrivent dans son pays, je ne sais pas s’il est d’une bonne politique d’établir en Belgique les mêmes règles, pourvu qu’elles ne s’appliquassent pas aux Belges seulement. En France, ce ne sont pas les Belges seulement qui sont soumis aux formalités rappelées par l’honorable M. Desmanet, mais tous les étrangers les subissent. Il ne s’agit donc pas ici d’une question de représailles. Il s’agit de savoir s’il faut établir pour les étrangers les mêmes droits de visa de leurs passeports. Je ferai remarquer que les droits de visa et de légalisation rapporteraient fort peu.
Car je crois que ces droits qui se perçoivent à la légation française, se perçoivent exclusivement au profit d’individus employés en sous-ordre dans les consulats, tels que les chanceliers, mais qu’ils ne tournent nullement au profit du trésor.
M. Gendebien. - Messieurs, je me proposais d’adresser une question à M. le ministre des affaires étrangères quand la discussion aurait été terminée. Je vais la faire en ce moment, puisque j’en trouve l’occasion ; l’an dernier j’ai fait remarquer à la chambre que, dans un compte présenté par un de nos ambassadeurs à la cour des comptes, il avait été perçu certaines sommes pour des passeports et autres actes de chancellerie. La cour des comptes avait dit que cette somme devait être portée en recette et non pas au compte de l’ambassadeur. Je demandai où on portait ces comptes en recette. On me répondit que rien n’était encore régularisé à ce sujet, mais qu’incessamment cela aurait lieu.
J’ai été de nouveau à la cour des comptes, il y a huit ou dix jours, et toutes les recherches ont été infructueuses ; je n’ai rien pu trouver qui me donnât des éclaircissements sur ce point. Je demande dans quelle partie des recettes du budget des voies et moyens cela se trouve.
Je demanderai en outre que la diplomatie belge s’entende avec la diplomatie étrangère pour faire abolir ce visa de passeports, qui est une espèce d’exaction, et surtout les signatures pour simples légalisations, qu’on ne devrait pas considérer comme si peu de chose. Il est ici un assez grand nombre de rentiers qui touchent en France des rentes viagères qui ont été tiercées ; ils sont obligés de soumettre leurs certificats de vie à un visa qui coûte 5 francs. Il est telle cote où le visa représente 15 ou 20 p. c. Il est urgent que l’on mette un terme à des abus qui attaquent si rudement le petit pécule du pauvre.
Il en est de même pour les passeports. Beaucoup d’ouvriers vont à Paris pour se perfectionner dans leur état ; cela arrive aussi à de nombreux artistes, à des artisans : on les force de prendre en passeport. Si la diplomatie est bonne à quelque chose, c’est à soulager les individus peu riches de frais qu’ils ne peuvent impunément supporter. Quant au gouvernement français, il y a au moins lésinerie de sa part à percevoir des droits pour des formalités qui ne lui occasionnent aucune dépense, car je demande s’il y a le moindre frais dans une signature et un cachet noir.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de vous dire qu’on ne percevait à l’étranger aucun droit de visa sous quelque dénomination que ce fût. Seulement ceux qui obtiennent des passeports à l’étranger sont tenus d’en payer le prix, c’est-à-dire le timbre. Ces passeports timbrés sont fournis au ministère des affaires étrangères par le ministère des finances. Le premier de ces départements envoie une quantité plus ou moins grande de ces passeports à nos agents à l’extérieur. A mesure que le montant en est reçu par eux, la somme qui en provient est remise au ministère des affaires étrangères, qui la fait verser au ministère des finances, parce que le ministère des affaires étrangères est responsable de ces passeports envers le département des finances ; il doit en fournir le montant ou restituer ceux qui n’ont pas été délivrés.
M. Gendebien. - Pour le timbre, je comprends encore le mécanisme de cette marche ; mais je crois avoir remarqué d’autres objets de recette, et c’est sur ce point que j’avais demandé des éclaircissements.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je n’ai aucune connaissance qu’il ait été perçu d’autres sommes que pour les passeports.
- Le chapitre V, article unique, est adopté.
M. le président. - Le chapitre VI, Missions extraordinaires et dépenses imprévues. 80,000 fr., est mis en discussion.
« Article unique. Missions extraordinaires et dépenses imprévues : fr. 80,000. »
M. Gendebien. - Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères de me dire d’après quelle règle notre envoyé en Italie a été payé de son traitement et de ses frais de voyage.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il y a si longtemps que ce fait a eu lieu, et n’ayant pas d’ailleurs les pièces sous les yeux, parce que je ne m’attendais pas à ce qu’une question à ce sujet me fût adressée, que je ne pourrais répondre à cet égard.
M. Nothomb. - Si la chambre me le permet, je vais donner quelques explications qui pourront servir de réponse à l’honorable M. Gendebien.
En ce moment nous n’avons pas d’agent diplomatique en Italie. M. le vicomte Charles Vilain XIIII fut chargé de cette mission en 1832, et il était porté au budget pour une somme de 10,500 fr. ; ainsi. pour tout le temps ou il a été en mission permanente à Rome, il a été payé à raison d’un traitement de 5,000 florins par an. Le gouvernement le chargea aussi d’une mission extraordinaire, pour notifier l’avènement du Roi, à Naples, à Turin, à Florence et en Suisse. Ici sa mission a pris un caractère extraordinaire et pour cela il a été payé sur le dernier chapitre du budget. Mais, pour son ambassade à Rome, il n’a jamais reçu de traitement autre que celui fixé d’après le compte du budget.
M. Verdussen. - Je viens appuyer la proposition faite par deux sections et qui n’a pas été admise par la section centrale.
Deux sections se sont opposées au chiffre de 80,000 fr. L’une a demandé une réduction de 20,000 fr. ; l’autre, une de 15,000. C’est cette dernière que je viens appuyer. La section centrale a dit, pour justifier ce rejet, que le pays n’était représenté que près un petit nombre de puissances. En voyant le tableau, je suis loin de le trouver si restreint. D’après ce qui a été dit, il est évident qu’on aura encore besoin de moins de fonds cette année que par le passé. Je propose, non pas une réduction de 20,000 fr., qu’une section a demandée, mais celle de 15,000 ; ainsi donc je réduis le chiffre de 80,000 fr. à celui de 65,000.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je dois encore répéter que cette demande est purement éventuelle. Il est impossible de prévoir la dépense qui pourra avoir lieu en 1835, pour missions extraordinaires. Pourtant je ne prévois nullement que la somme de 80,000 fr. doive être absorbée dans cet exercice, d’autant plus qu’en 1834 il n’a été imputé que 9,000 fr., ce qui conséquemment a laissé intacte la somme de 71 mille francs environ. Je ne m’oppose nullement à ce que la somme soit réduite à 65,000 fr., ainsi que le propose l’honorable M. Verdussen.
M. Gendebien. - Messieurs, je crois que la réduction pourrait être plus forte encore, puisque le ministre vient de vous dire qu’en 1834 il n’avait été dépensé de ce chef que 9,000 francs. Je rends justice à M. le ministre des affaires étrangères. Il n’a pas abusé du crédit qui lui avait été alloué ; mais l’allocation demandée n’en est pas moins inutile et même nuisible ; car personne ne peut contester qu’il soit dangereux de laisser figurer au budget des sommes inutiles. C’est ouvrir une porte aux abus et fournir au gouvernement un mode trop facile de procurer à ses créatures l’occasion de voyager en leur donnant des missions soit dans le nord, soit dans le midi. Quoique le fait soit important, je n’insisterai pas davantage sur ce point.
Je reviens à une autre question : j’ai entendu dire que les missions à Rome, à Turin, à Florence avaient été peu coûteuses, Cependant, dans mes recherches à la cour des comptes, j’ai vu qu’elles avaient occasionné une dépense de 32,863 fr. 62 c. J’ai malheureusement perdu la note qui donnait les détails de cette dépense. Mais si ma mémoire est bonne, j’ai trouvé que pour un voyage par mer de Naples à Marseille, il avait été dépensé 717 ou 747 ducats : le ducat vaut 4 à 5 fr.
- Des voix. - Ce sont les ducats de Naples ; ils valent 4 francs.
M. Gendebien. - Soit ; voilà donc 5,000 francs environ, et seulement pour un voyage de Naples à Marseille. Vous voyez le danger de passer légèrement sur les crédits éventuels. Tous les crédits sont éventuels, excepté pour l’ordre judiciaire et pour les administrations, telles que l’enregistrement et toutes les administrations dont le personnel est réglé par des lois ; mais pour le reste, tout crédit est éventuel. Ce sont les abus à l’avenir qu’il faut craindre, car vous ouvrez ainsi une porte aux dilapidations. Je pense qu’il ne faut pas s’arrêter à une réduction de 15,000 francs, mais qu’il est bon de diminuer la somme de 30,000 francs, conséquemment de la réduire à 50,000, et j’ai la conviction qu’il ne sera pas même dépensé moitié.
M. Nothomb. - Je regrette beaucoup que l’honorable préopinant n’ait pas pu avoir une plus ample connaissance des détails de la dépense causée par les missions extraordinaires auxquelles il vient d’être fait allusion. Je les connais moi, et je puis affirmer qu’on a mis à les examiner toute la sévérité possible.
Je puis en outre assurer que l’agent diplomatique en Italie, dont il est question, a dépensé le double de ce que le gouvernement lui a alloué. J’ai vu les comptes de son banquier qui attestent ce surcroît de dépense. Quant au voyage par mer, dont il est parlé, il a coûté beaucoup moins cher que s’il eût été fait par terre. Voici un fait que je me rappelle et que je crois pouvoir à propos citer à la chambre.
L’agent diplomatique en Italie passa par Paris pour présenter ses hommages au roi des Français. On lui fit entendre que ses frais ne seraient pas portés en compte ; que s’il avait cru devoir présenter ses hommages au roi des Français, il avait très bien fait, mais qu’il paierait les frais de sa politesse. Je m’étonne qu’on entre de nouveau dans le détail des comptes des agents extérieurs. On fait cette exception en faveur de la diplomatie. Dans les autres ministères, il y a également des agents extérieurs, et ces investigations n’ont pas lieu. Aujourd’hui, il me semble que les observations de ce genre, quand elles ne sont pas générales, sont inopportunes. Dans la dernière session, l’honorable M. Gendebien a eu raison de signaler le défaut de tarif pour la diplomatie. Je ne pense pas qu’on puisse en dire autant pour la discussion qui s’attache au détail d’un compte.
M. Gendebien. - Il m’a semblé indispensable, pour prouver que la réduction de 15,000 fr, n’était pas suffisante, de me servir d’un exemple. Celui que j’ai cité m’a paru le meilleur. Quand un seul agent a coûté à la Belgique plus de trente-deux mille francs, on peut demander des renseignements et des garanties pour ce qui pourra arriver à l’avenir. Je n’ai même pas nommé la personne à laquelle cet exemple se rapportait. Je n’ai pas voulu faire une attaque personnelle, et pourtant on sait que, lorsqu’il y a lieu, je n’hésite pas à m’adresser personnellement aux individus, quand un individu représente un principe ; et j’en ai fourni une preuve, lorsqu’il y a un an, la même personne dont il est question, s’est montrée représentant du principe du pouvoir absolu et de l’arbitraire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il m’est impossible de prévoir en ce moment le nombre des agents diplomatiques dont l’établissement sera nécessaire en 1835, mais je dois dire qu’il y aurait imprudence à réduire la somme de plus de 15,000 francs. Vous voyez quel emploi a été fait des fonds alloués pour cet article dans l’année précédente, vous avez des garanties dans le passé.
- Le chiffre de 65,000 fr., auquel s’est rallié M. le ministre des affaires étrangères, est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Dans la séance d’hier, on a ajourné à celle d’aujourd’hui le surplus de l’article premier concernant l’indemnité du logement de M. le ministre des affaires étrangères ; nous allons revenir sur cette partie, et la remettre en discussion.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, les années précédentes, vous avez alloué au ministre des affaires étrangères comme à ceux de la justice et des finances une somme de 4,000 fr. pour indemnité de logement. La section centrale propose de retrancher cette somme, puisque, dit l’honorable rapporteur, le ministre habite l’hôtel des affaires étrangères.
Le motif de la section centrale est plausible pour ce qui me concerne personnellement. En entrant à l’hôtel des affaires étrangères, j’ai renoncé à ce qui était attribué à ce titre sur l’exercice courant, parce qu’il est juste que celui qui habite l’hôtel, ne cumule pas cet avantage avec l’indemnité.
Mais vous savez tous, messieurs, que l’hôtel est dépourvu des meubles nécessaires pour l’occuper. Il est inhabitable pour une famille quelque peu nombreuse. Ce n’est qu’en garçon qu’on peut s’y loger ; dès lors je ne puis pas, par une considération toute personnelle, renoncer à une indemnité accordée jusqu’à présent.
De deux choses l’une : ou le ministre des affaires étrangères doit avoir l’indemnité dont jouissent deux de ses collègues, ou bien il doit avoir un hôtel qui doit être convenablement meublé, et de manière à pouvoir être occupé par le ministre et sa famille
L’allocation d’une indemnité de logement accordée au ministre n’est qu’une mesure purement provisoire ; cette indemnité participe de la nature des traitements, elle est payée mensuellement. Je pense que, tout à la fois dans l’intérêt du bien du service et peut-être même dans l’intérêt du trésor, il serait préférable que la chambre votât la somme nécessaire pour l’ameublement de l’hôtel et supprimât définitivement l’allocation pour indemnité de logement.
Dès que l’achèvement de la partie incendiée de l’hôtel qui est maintenant en construction aura eu lieu, l’hôtel du ministère pourra être débarrassé de tout ou partie des bureaux qui s’y trouvent maintenant. Dès lors l’hôtel présentera une demeure convenable pour le ministre. Il s’agira seulement de pourvoir à l’ameublement de l’hôtel.
Dans ce but, j’ai prié mon collègue M. le ministre de l’intérieur de vouloir bien faire procéder au devis estimatif du mobilier nécessaire pour un hôtel de ministère des affaires étrangères. Ce devis, je le tiens à la main. J’avoue que j’ai été effrayé moi-même de l’import de ce devis ; ii s’élève à 74,000 francs, (Oh ! oh !)
Je pense avec vous, messieurs, qu’il y a là exagération, et que ce n’est pas là la somme nécessaire pour meubler l’hôtel d’une manière décente et convenable. Mais, d’après les renseignements que j’ai recueillis, une somme de 20,000 francs serait nécessaire pour l’ameublement de l’hôtel.
Dans une précédente année, la chambre a accordé à un gouverneur de province une somme de 10,000 florins des Pays-Bas pour achat de l’ameublement d’une partie de l’hôtel qu’il occupe. Il résulte de l’emploi qui a été fait de cette somme qu’elle a été à peine suffisante ; et veuillez remarquer qu’elle n’était destinée qu’à l’ameublement d’une partie de l’hôtel du gouverneur. Dès lors vous ne devez pas être étonnés que 20,000 fr. soient nécessaires pour l’ameublement de l’hôtel du ministère des affaires étrangères.
Je crois qu’il y aurait bénéfice pour le trésor à allouer une somme de 20,000 fr. pour ameublement de l’hôtel, et à ne pas continuer l’allocation annuelle de 4,000 fr. pour indemnité de logement.
Je ferai remarquer que même un simple transfert dans le budget de l’année précédente suffirait pour couvrir à peu près la dépense. L’an dernier, la chambre a voté pour traitement du ministre des affaires étrangères 21,000 fr., et pour son indemnité de séjour 4,000 fr., ensemble 25,000 fr. Par suite de l’interim rempli sans traitement par l’honorable comte F. de Mérode, et par suite de la renonciation faite ultérieurement à l’indemnité de logement, il est resté disponible sur cette allocation de 25,000 francs (exercice 1834) une somme de 17,000. Ainsi, en effectuant le transfert dont j’ai parlé, il suffirait d’ajouter 3,000 fr. pour meubler convenablement l’hôtel et de toute allocation ultérieure pour indemnité de logement.
Je crois qu’il y aurait économie à procéder ainsi. Je pense que 20,000 fr. suffiront pour meubler l’hôtel d’une manière décente et convenable. En conséquence, je propose que l’on supprime le n°2 de l’article premier, Indemnité de logement, et et que l’on fasse un article spécial : « Achat du mobilier et frais d’ameublement de l’hôtel du ministère des affaires étrangères, 20,000 fr. »
M. Milcamps, rapporteur. - La section centrale a rejeté l’allocation relative à l’indemnité de logement du ministre, par le motif qu’il habite l’hôtel du ministère des affaires étrangères. On a demandé si l’hôtel était meublé convenablement ; il a été répondu que la section centrale n’avait pas à s’occuper de cet objet, que si l’hôtel n’était pas meublé convenablement, c’était au ministre à faire à cet égard telle proposition qui lui conviendrait. Mais j’ai dû comme rapporteur prévoir la proposition qui pouvait être faite à ce titre ; et sans avoir mission de la section centrale, je me suis convaincu que l’hôtel était dépourvu de toute espèce. J’ai vu qu’il n’y avait que deux pièces à conserver : une pendule et un lustre. (On rit.) Tout le reste doit être renouvelé.
Ainsi la proposition que vient de faire M. le ministre me paraît devoir être admise. Elle est une conséquence, d’une part du rejet de l’indemnité de logement, et de l’autre de l’absence de tout mobilier dans l’hôtel du ministère des affaires étrangères.
M. de Robaulx. - Je sais bien que chaque fois qu’on propose une réduction, c’est pour nous charger ensuite d’une somme un peu plus forte ; c’est la règle, et l’honorable M. de Muelenaere en fournit encore en ce moment l’application.
Jusqu’à présent on a payé 4,000 fr. pour indemnité de logement. Aujourd’hui, pour faire une belle économie, après avoir mis à la disposition du ministre un hôtel somptueux sous le rapport de l’édifice et de sa construction, ou nous oblige à être également généreux en mettant le mobilier de l’hôtel en rapport avec l’édifice.
Je conçois parfaitement que le ministre ne puisse pas loger dans un hôtel entièrement dépourvu de mobilier, et que d’un autre côté il aime mieux occuper un logement somptueux dans un bel édifice, que conserver un modeste logement en ville en percevant une indemnité de 4,000 francs.
A présent, on lui a fait venir l’eau à la bouche ; on lui a dit : « Faites une proposition pour ne plus avoir l’indemnité, et nous vous donnerons les fonds nécessaires pour meubler l’hôtel. » Alors le ministre a présenté un petit projet qui établit la nécessité de dépenser 74,000 francs pour l’ameublement de l’hôtel. Puis, comme c’est assez l’habitude du gouvernement vis-à-vis de la chambre, de demander 100,000 francs pour en avoir 80,000 ; cette fois on a été plus généreux, on avait présenté un devis de 74,000 francs, et on s’est contenté (jugez de la générosité) de la somme de 20,000 francs.
Il résulte de là que cette année nous aurons voté 20,000 fr., et que l’année prochaine, quand on aura terminé la construction de la partie incendiée de l’édifice, et qu’on aura débarrassé l’hôtel de la majeure partie des bureaux, le ministre se trouvant plus au large dans l’hôtel, nous apportera un autre petit devis, nous persuadera que la somme de 20,000 fr. n’est pas suffisante et nous demandera une petite augmentation.
Est-ce donc le moment de s’engager dans cette voie de dépenses interminables, lorsqu’il y a crainte de guerre, crainte sans doute plus ou moins chimérique, mais enfin lorsque cette crainte de guerre prochaine a été répandue dans le pays par le ministère, lorsque nous votons des centimes additionnels, lorsque les questions les plus fondamentales vont être de nouveau discutées en Europe, lorsque l’existence même de notre pays est à la veille d’être remise en question ?
En de telles circonstances, je ne vois pas la convenance de meubler si somptueusement l’hôtel des affaires étrangères. M. le ministre dit que l’on ne peut y vivre qu’en garçon ; eh bien, qu’il y vive encore cette année en garçon, et que nous ne chargions pas le pays de la dépense extraordinaire que l’on propose.
Remarquez, messieurs, qu’en déboursant ce capital de 20 ou 30,000 fr., et davantage encore par la suite, nous ne serons pas affranchis d’en payer l’intérêt, parce qu’il y aura toujours à ce mobilier des frais de réparation et d’entretien.
Il vaut donc mieux voter chaque année une indemnité de logement de 4,000 fr. qu’ensevelir un capital qui, aux yeux même de M. le ministre, n’est pas suffisant. Quant à moi, je déclare que je voterai contre la proposition du ministre.
M. Coghen - Je viens appuyer la demande faite par M. le ministre des affaires étrangères ; je crois même que l’allocation de 20,000 fr. sera insuffisante pour meubler convenablement l’hôtel du ministère.
M. de Robaulx. - C’est ce que j’ai dit.
M. Coghen - On sait qu’il n’y a pas assez de meubles dans cet hôtel ; que ceux qui y sont appartiennent à l’ancien hôtel du ministère des finances du royaume des Pays-Bas. Il me semble que le ministre des affaires étrangères devrait être logé dignement pour recevoir les agents et les envoyés diplomatiques. Dans la demande que l’on fait je ne trouve de reproches à faire que relativement à l’exiguïté de la somme.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je soumettrai à la chambre une observation qui, je pense, exercera quelque influence sur sa détermination.
Dans les sections, lors de l’examen préparatoire du budget de 1834, on s’est occupé de ce chiffre de 4,000 fr. alloué aux ministres pour indemnité de logement. Dans celle dont je faisais partie on a insisté pour que les 4,000 fr. du ministère des affaires étrangères fussent supprimés : on a fait remarquer que l’on possédait un bâtiment assez beau pour loger le ministre, qu’il suffisait de l’approprier à cet usage ; qu’il n’était pas naturel de payer une rente annuelle de 4,000 fr. quand on pouvait la rédimer par un sacrifice assez peu considérable.
Il ne s’agit pas en effet de faire ici l’achat d’un ameublement somptueux ; il ne s’agit pas non plus de frais de représentation ; car, et contrairement à ce qui se pratique partout ailleurs, le ministre n’en reçoit pas ; il n’en demande pas, et quand il représente, c’est à ses dépens. Il s’agit de rendre l’hôtel habitable. Et pour cela on vous demande un sacrifice de 20,000 fr. pour vous rédimer d’une rente de 4,000 fr. Je ne pense pas qu’on puisse refuser une telle demande.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je n’ai été déterminé dans ma demande par aucune considération personnelle. Je n’ai pas cru qu’on pût supprimer une indemnité de logement, accordée jusqu’ici, sans fournir les moyens de rendre l’hôtel habitable. Je vous avoue que je désirerais n’être pas chargé de l’emploi de la somme de 20,000 fr. pour l’achat de meubles ; j’aurai de la répugnance à prendre ce soin. Mais comme je n’ai pas la certitude de rester au ministère, je ne veux pas que mon successeur soit dans une position défavorable, parce que je l’aurais devancé. J’habite l’hôtel du ministère ; mais un autre ministre ne pourrait l’habiter avec sa famille. Il ne faut donc pas supprimer les 4,000 fr. d’indemnité de logement, quoique je ne les reçoive pas.
Il est dans l’intérêt du service, et plus tard il sera dans l’intérêt du trésor, que tous les hôtels des ministres soient convenablement meublés et que les ministres y résident. La chambre doit juger actuellement s’il faut maintenir l’allocation de 4,000 fr. pour indemnité de logement au ministre des affaires étrangères, ou bien s’il faut allouer une somme pour ameublement de l’hôtel : je crois que c’est ce dernier parti que l’on doit choisir.
M. Eloy de Burdinne. - Je veux motiver mon vote qui sera négatif. On nous dit que 20.000 fr., appliqués actuellement à l’ameublement de l’hôtel du ministère des affaires étrangères serait une bonne spéculation, puisqu’on donne 4,000 fr. annuellement pour indemnité de logement ; je le crois ; mais est-ce dans le moment actuel que nous devons sacrifier des capitaux pour remplacer des dépenses annuelles ? Sommes-nous bien sûrs que nous ne serons pas attaqués ? N’avons-nous plus de sacrifices à faire pour nous préparer à repousser une agression étrangère ? Pour moi, je crois qu’il vaut mieux conserver nos capitaux pour nous mettre en état de répondre à ceux qui voudraient nous attaquer ; car c’est le moyen de ne l’être pas, que de les dépenser même en améliorations. Par ce motif, je vote le rejet de l’allocation de 20,000 fr.
M. de Robaulx. - Je prétends aussi qu’il vaut mieux payer annuellement 4,000 fr. que de sacrifier actuellement un capital de 20,000 fr., capital qui devra être augmenté l’année prochaine, car il sera insuffisant, comme l’a fort bien dit M. Coghen, pour meubler convenablement l’hôtel. Remarquez encore qu’il s’agit de mettre le capital en meubles qui se détruisent, qu’il faut remplacer et entretenir tout au moins.
Le ministre qui est maintenant à la tête du département des affaires étrangères, modeste dans ses habitudes, n’est pas exigeant pour lui-même ; il ne demande rien ; mais il veut être généreux pour ses successeurs. Il en résulterait, si l’on suivait son avis, qu’on serait encore obligé de donner 20,000 fr. l’année prochaine. Il vaut mieux donner 4,000 fr. pour indemnité de logement.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Mais, messieurs, nous n’en sommes pas réduits à ce point que le sacrifice de 20,000 fr. empêcherait de prendre vis-à vis de nos ennemis l’attitude que nous devons avoir. Il s’agit ici d’une question de convenance, de décence. Il est utile que le ministre des affaires étrangères reçoive les envoyés des autres nations dans l’hôtel consacré à son département ; mais si le ministre actuel veut bien, dans l’intérêt public, l’habiter dans l’état où il est aujourd’hui, d’autres ministres pourront-ils l’occuper et y rassembler leur famille, si on le laisse dans cet état ? Evidemment non ; il faut donc allouer une somme pour le meubler.
- La somme de 20,000 fr. est mise aux voix.
M. de Robaulx, se levant contre l’adoption. - Quand je devrais être seul, je vote le rejet.
M. Eloy de Burdinne, se levant aussi contre l’adoption. - Nous serons deux ! (On rit.)
- L’allocation de 20,000 fr. est accordée.
M. de Foere. - Le gouvernement a consulté les chambres de commerce du royaume, sur la question de savoir s’il était dans l’intérêt du pays de faire construire une flottille destinée à protéger notre marine marchande dans les mers de nord. Les documents relatifs à cet objet n’ayant pas été imprimés, la chambre n’a pu prendre connaissance des réponses faites par les chambres de commerce sur cette importante question. Je conçois que dans un pareil état de choses, la chambre ne pourrait pas émettre, sur l’opportunité d’une allocation pour les constructions maritimes, un vote en parfaite connaissance de cause.
Je propose donc à l’assemblée l’impression des rapports qui ont été adressés au gouvernement, ainsi que l’ajournement de la discussion d’une allocation pour constructions maritimes, jusqu’à ce que la chambre se soit éclairée sur la question de savoir s’il y a lieu de construire une flottille pour protéger notre marine marchande. Ce n’est pas l’ajournement de la discussion du budget de la marine que je demande, mais seulement de la question spéciale sur laquelle je viens d’appeler votre attention.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je pense que la proposition de l’honorable M. de Foere ne tend pas à ajourner la discussion du budget du département de la marine mais seulement à ajourner le chapitre relatif à l’établissement d’une marine militaire jusqu’à l’impression et la distribution des documents sur la matière. Sous ce rapport, je ne puis manquer d’être de l’avis de l’honorable préopinant. Car il n’est demandé aucune allocation du chef de constructions maritimes. Ainsi la discussion est ajournée de droit.
Vous savez que dans une session précédente l’honorable M. de Foere avait lui-même déposé un mémoire relatif à la création successive d’une marine militaire. Cette question a été controversée dans cette enceinte.
Le gouvernement a demandé l’avis des principales chambres de commerce des villes maritimes du pays. Leurs réponses sont parvenues au gouvernement, et toutes, à l’exception d’une seule, ont conclu à l’ajournement indéfini de la proposition. Rien ne s’oppose à ce que ces documents soient déposés sur le bureau et à ce qu’ils soient imprimés et distribués aux membres de la chambre. L’on pourra examiner la question de savoir s’il y a lieu de consacrer une allocation à la création d’une marine militaire. Mais le budget de la marine, je le répète, ne contient aucune somme de ce chef. Ainsi l’ajournement de la proposition de M. de Foere ne peut influer sur la discussion de ce budget
- La discussion générale est close.
Il est procédé à l’appel nominal pour vérifier le nombre de membres présents.
49 membres répondent à l’appel. L’assemblée n’est plus en nombre pour délibérer.
- La séance est levée à quatre heures.