(Moniteur belge n°336, du 2 décembre 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Dechamps fait l’appel nominal à une heure trois quarts.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.
La rédaction en est adoptée.
Il fait ensuite connaître l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur H. Chateau, né à St-Amand (France), demande la naturalisation. »
« Les officiers de la garde civique mobilisée de la province de Liège réclament contre la mesure qui les a privés de leur solde depuis le 1er septembre dernier. »
« Le sieur B.-J. Bebbelinck, révoqué de ses fonctions de juge de paix de Nazareth, demande d’être admis à une pension. »
« Le sieur A.-J. Daumerie, pour lui et des co-héritiers du sieur Beyts, réclame l’intervention de la chambre pour faire cesser par une disposition la mesure prise par l'administration des finances qui exige le paiement du droit entier de succession sur des biens situées en Hollande. »
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
« Quatre habitants d’Anvers, victimes des dégâts commis par les Hollandais demandent que la chambre adopte la loi relative aux indemnités. »
M. Van Hoobrouck de Fiennes. - Parmi les pétitions adressées à la chambre, il en est une des habitants des polders qui réclament la loi d’indemnité. Toutes les sections ayant nommé leur rapporteur, je demande que cette pétition soit renvoyée à la section centrale chargée de faire le rapport sur la loi dont il s’agit.
- Le renvoi propose par M. Van Hoobrouck est adopté.
M. de Renesse demande un congé de huit jours.
- Accordé.
M. d’Hoffschmidt annonce qu’atteint depuis vendredi dernier d’une espèce de pleurésie, il n’a pu assister à la dernière séance de la chambre et que pendant quelques jours encore il ne lui sera pas possible de sortir.
M. Pollénus. - Je demande la parole.
Messieurs, dans une précédente séance la chambre a supprimé au n°10 de l’article 87 du projet une disposition qui tendait à conférer au collège des bourgmestre et échevins des attributions générales sur tout ce qui concerne la sécurité et le bien-être des habitants de la commune.
Il devient ainsi nécessaire de compléter autant que possible l’énumération des objets spéciaux que nous entendons faire entrer dans les attributions de ce collège d’exécution.
J’ai l’honneur de proposer à la chambre un article additionnel que j’ai déposé sur le bureau et qui est ainsi conçu :
« Le collège des bourgmestre et échevins fait ou ordonne la visite des fours et cheminées de toutes maisons et bâtiments éloignés de moins de cent toises d’autres bâtiments.
« Ces visites sont annoncées cinq jours d’avance. »
« Après la visite il ordonne, s’il y a lieu la réparation ou la démolition des fours, cheminées et autres constructions qui se trouvent dans un état qui pourraient occasionner un incendie ou autre accidents.
« A défaut de satisfaire à cette injonction, le collège peut faire procéder à la démolition et ce aux frais des contrevenants, sans préjudice des peines comminées par les lois ou règlements. »
La disposition que je propose sur la police des fours et cheminées est à peu de chose près extraite littéralement de l’article 9 du titre 2 de la loi du 28 septembre 1791.
Les mesures préventives contre les incendies et autres accidents portent avec elle un caractère d’urgence qui doit les faire tomber dans les attributions des bourgmestre et échevins.
Cette disposition est importante en ce qu’elle doit être d’une fréquente application.
Je crois que sous ce rapport il est utile et rationnel de l’introduire dans la loi, d’autant plus qu’elle a quelque rapport avec le droit de propriété. Les doutes qui résulteraient du silence de la loi pourraient donner lieu à des embarras, qu’il importe de prévenir, car en supposant que l’on admette que les autorités communales peuvent prendre des mesures contre les accidents dont il s’agit dans ma proposition, est-il bien certain qu’on ne contestera pas le droit au collège des bourgmestre et échevins, et qu’on ne soutiendra pas que dans le silence de la loi, c’est au conseil communal seul qu’il appartient de statuer ?
Je le répète, messieurs, la proposition que j’ai l’honneur de vous faire n’a d’autre but que de compléter une énumération d’attributions et de prévenir les doutes qui pourraient résulter du silence de la loi.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je désirerais que la discussion de cette proposition fût ajournée jusqu’à ce que celle de M. d’Hoffschmidt relative aux chemins publics fût discutée, car je pense que la disposition présentée par M. Pollénus devra former un numéro de l’article dans lequel doit être placée celle proposée par M. d’Hoffschmidt.
M. le président. - On n’a pas encore adopté l’article 87 sur lequel porte la proposition de M. d’Hoffschmidt. M. le ministre de l'intérieur demande l’ajournement de la proposition de M. Pollénus jusqu’à ce que la chambre reprenne la discussion de l’article 87 de la proposition de M. d’Hoffschmidt.
M. Dumortier, rapporteur. - Si on ajourne la discussion de la proposition de M. Pollénus jusqu’au vote de l’article 87, je n’ai rien à dire ; sans cela, j’aurais fait observer que la suppression du n°10 de l’article 87 rend indispensable la disposition proposée par M. Pollénus.
- L’ajournement propose par M. le ministre de l’intérieur est mis aux voix et adopté.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je demande la parole pour proposer un article nouveau à la suite de celui qui a été adopté dans la séance de samedi. Cet article est ainsi conçu :
« Le collège des bourgmestre et échevins est chargé d’obvier et de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par les insensés ou furieux laissés en liberté. »
En proposant cet article à la chambre, mon intention n’est pas d’introduire une législation nouvelle. Je n’ai d’autre but que de prévenir le doute ou l’incertitude qui pourrait résulter de la combinaison de la loi communale, avec l’existence de la loi du 24 août 1790.
Ma proposition est la reproduction littérale de la disposition contenue dans cette loi.
Comme la loi communale trace les obligations et les droits de l’autorité communale, des bourgmestres et des échevins, on pourrait croire que cette disposition est abolie, attendu qu’elle n’est pas reproduite avec les autres attributions.
Dans l’état actuel de la législation, l’existence et l’exécution de cette disposition de la loi du 24 août 1790, ne souffre aucune difficulté. Ainsi aujourd’hui, en vertu de la première partie de l’article cité, les bourgmestre ou échevins ont qualité pour faire poursuivre les personnes à la garde desquelles sont confiés les insensés et de remédier aux événements fâcheux qu’ils pourraient occasionner. D’un autre côté, s’il s’agit d’insensés indigents, les bourgmestre ou échevins, en vertu de la disposition précitée, peuvent les faire placer dans un lieu à ce destiné afin de prévenir les malheurs auxquels leur liberté les exposerait eux-mêmes et exposerait les autres citoyens.
En proposant cette disposition, je sais que je n’aurai pas rempli toutes les lacunes qu’il serait désirable de voir combler dans cette partie de notre législation. Il faudrait pour cela que toutes les provinces eussent des établissements spéciaux, ou au moins que dans les hospices un local fut disposé pour recevoir les insensés indigents. Cependant, je pense qu’on pourra arriver à ce but par une voie indirecte, par la combinaison de la loi communale et de la loi provinciale en insérant une disposition portant qu’il doit être pourvu à l’entretien des insensés indigents comme il est fait à l’égard des autres malheureux.
Alors la désignation d’un local dans certains établissements ne sera plus qu’une mesure d’exécution. L’important est d’adopter une disposition portant obligation de pourvoir à la garde et à l’entretien des insensés indigents. Quant à la dépense, les lois communale et provinciale donneront les moyens d’y satisfaire.
M. de Brouckere. - Je demande le renvoi de la discussion de cet article à un autre jour aussi rapproché qu’on voudra, demain si on le juge à propos, afin que nous ayons le temps de l’examiner et de voir jusqu’à quel point la disposition est complète. Quant à moi, autant que j’ai pu en juger à une simple lecture, elle m’a paru tout à fait incomplète. Il me serait impossible d’improviser un amendement sur une matière aussi grave que celle dont il s’agit. Je demande l’ajournement à demain ou tel autre jour qu’il plaira à la chambre de fixer.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je n’ai pas de motif pour m’opposer à l’ajournement proposé. Je conviens, je l’ai déjà dit au reste, qu’on peut rendre la législation plus complète sur cette matière.
M. Pollénus. - Je demanderai le renvoi à la section centrale. Comme l’a fait observer l’honorable M. de Brouckere, la disposition est très importante, et mérite d’être l’objet d’un examen, spécial de la part de la section centrale.
M. Lebeau. - Je pense que la remise de la discussion à demain, comme le propose M. de Brouckere, ne suffirait pas pour éclairer une question aussi importante ; et que la chambre doit en ordonner le renvoi à la section centrale.
La proposition de M. le ministre de la justice soulève plusieurs questions sur lesquelles il importe de fixer l’attention de la chambre.
Une des premières qui résulte de ce que vient de dire M. le ministre, c’est que tout ce qui n’est pas conservé par la loi actuelle, doit être considéré comme abrogé.
De sorte que toutes les lois anciennes qui ont déterminé la compétence administrative sous le rapport de la latitude qui lui était accordée pour faire des règlements serait abrogée. Je ne sais pas si c’est là la portée que M. le ministre a voulu donner à sa proposition.
M. Pollénus a paru comprendre aussi la loi de cette manière. Il est bon que la chambre se prononce à cet égard.
M. le ministre nous a dit que sa proposition n’était que la reproduction d’une des dispositions de la loi de 1790. Je lui ferai observer qu’une expérience, quoique bien courte, m’a prouvé que cette disposition est insuffisante, car j’ai vu des régences, qui comptaient dans leur sein des hommes instruits et expérimentés, hésiter sur leur droit en présence du texte de cette loi. Tout récemment, dans la ville de Namur, on a eu toutes les peines du monde pour obtenir que la régence autorisât la réception provisoire d’une folle furieuse. C’était cependant une servante qui n’avait aucun parent dans la ville. Sa réception à l’hospice de mendicité a souffert de grandes difficultés en présence du texte qu’on propose de maintenir.
Je remercie M. le ministre d’avoir appelé l’attention de la chambre sur les insensés. La législation relative a cette partie de la charité publique mérite de fixer l’attention de la chambre. Il y a beaucoup à faire. Le ministre de la justice en est lui-même convaincu. D’après ces considérations, je prie la chambre de renvoyer la proposition à la section centrale ; je pense que le ministre de la justice ne s’opposera pas à ce renvoi.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je ne prends pas la parole pour m’opposer au renvoi demandé. Mais je crois nécessaire de m’expliquer d’une manière précise sur un autre point soutenu par l’honorable préopinant.
e ne pense pas que toutes les lois anciennes qui comprennent les matières sur lesquelles tombe la loi communale soient abrogées. Je crois au contraire qu’il est de règle que toutes les lois anciennes auxquelles il n’est pas dérogé expressément par la loi communale restent en vigueur. J’ai voulu seulement prévenir des doutes. Des officiers du parquet m’ayant exprimé des craintes à cet égard, je désirais pressentir la pensée de la chambre. Que la chambre adopte ma proposition ou qu’elle déclare la loi de 90 encore en vigueur, peu m’importe, mon but sera rempli.
L’exception de la disposition qu’on reproduit a donné lieu à des difficultés, a dit encore l’honorable préopinant ; il y a des régences qui se sont refusées à adopter les mesures qu’elles auraient dû prendre en exécution de cet article. Mais le droit de les obliger est suffisamment consacré par le texte de l’article dont il s’agit. Je sais qu’il y a une foule de points sur lesquels il est impossible de forcer les régences. Les régences forment sous plusieurs rapports des corps indépendants, c’est pour cela que des lois sont restées souvent sans exécution.
Quoi qu’il en soit, si on peut établir d’une manière plus explicite le droit du ministère public, je ne demande pas mieux ; il y sera satisfait d’une manière plus complète, ainsi que je me le suis proposé en présentant mon article additionnel.
M. Lebeau. - D’après ce que vient de dire M. le ministre de la justice, on pourrait croire que j’ai voulu signaler quelque régence comme n’ayant pas voulu exécuter la loi. J’ai dit qu’il était à ma connaissance que des régences avaient eu des scrupules en présence du texte qu’on propose de maintenir, mais que déterminées par le danger, ces régences ont ordonne la séquestration de la personne aliénée. Les scrupules ont été vaincus. Il ne s’agit donc pas de désobéissance à la loi.
M. de Brouckere. - J’attendrai le rapport de la section centrale pour m’expliquer sur le fond de la question. Je dois dire cependant que, pour ma part, je ne suis pas sûr de l’existence de la loi de 90. Je prouverai qu’on pouvait très bien avoir des scrupules fondés sur l’existence de cette loi, soutenir qu’elle était abrogée et se refuser à l’exécuter. M. le ministre de la justice n’a peut-être pas entendu les discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte sur la matière. Il n’y a pas longtemps, nous nous sommes occupés de cet objet, et beaucoup de membres ont partagé les scrupules des régences dont on vient de parler, et plusieurs membres ont soutenu que la loi de 1790 n’existait plus. Je développerai mon opinion lorsque le rapport aura été fait.
- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix et adopté.
M. le président. - « Art. 93 de la section centrale. correspondant à l’art. 91 de la proposition du gouvernement. - Les bourgmestre et échevins, ou l’un d’eux, vérifient au moins une fois par trimestre l’état de la caisse communale.
« Ils en dressent un procès-verbal de vérification et le soumettent au conseil de régence. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). adhère à la proposition de la section centrale.
- L’article 93 est adopté sans discussion.
M. le président. - « Art. nouveau de la section centrale, sous le n° 94. Le collège des bourgmestre et échevins peut suspendre, pour un terme qui ne pourra excéder six semaines, les employés de la ville, le secrétaire et le receveur exceptés.
« Lorsqu’il y aura lieu de prononcer la suspension du secrétaire ou du receveur, les bourgmestre et échevins proposent cette mesure au conseil. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’adhérerai à la première partie de la proposition de la section centrale ; quant à la seconde, je demanderai que la discussion soit renvoyée à celle de l’article 102 du projet du gouvernement, où elle trouvera mieux sa place. Nous n’avons pas encore statué sur la nomination des employés, nous ne pouvons donc pas encore parler de leur suspension.
M. Dumortier, rapporteur. - On peut en effet ajourner la délibération relativement au second paragraphe ou alinéa de l’article 94.
M. Dubois. - Mais il me semble que le premier alinéa de cet article 94 est en contradiction avec ce qui est dit dans l’article 110.
M. le président. - Il n’y a pas contradiction dans l’article 94 on parle du collège des bourgmestre et échevins ; dans l’article 110 on parle du conseil communal.
M. Dubois. - L’observation faite par M. le président est juste.
- Le premier paragraphe ou alinéa de l’article 94 mis aux voix est adopté.
La délibération sur le second alinéa est suspendue.
M. le président. - « Art. 95 nouveau, résultant de la proposition de la section centrale. Le collège des bourgmestre et échevins veille à la garde des archives, des titres et des registres de l’état-civil ; il en dresse les inventaires en double expédition, ainsi que des chartes et autres documents anciens de la commune, et empêche qu’aucune pièce ne soit vendue ou distraite du dépôt.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) adhère à la proposition de la section centrale.
- L’article 95 est adopté sans discussion.
M. le président. - « Art. 96 de la proposition de la section centrale, correspondant à l’art. 92 du projet du gouvernement. Les règlements communaux et ordonnances de police, les publications, actes publics et correspondance de la commune se font au nom des bourgmestre et échevins et sont signés par le bourgmestre ou celui qui le remplace, et contresignés par le secrétaire.
« Si l’objet a été traité en conseil, il en est fait mention dans les publications et autres pièces. »
M. Pollénus. - A cet article j’ai présenté un amendement ; j’ai demandé qu’on ajoutât un paragraphe indiquant la formule dans laquelle les actes des conseils communaux seront rendus. Ma proposition n’est que la reproduction littérale des dispositions insérées dans les articles 117 et 118 de la loi provinciale. Il y a les mêmes motifs pour déterminer la forme des actes communaux que pour déterminer la forme des actes provinciaux. La formule serait : « Le conseil communal de … province de … arrête et ordonne … »
J’ai aussi fait une proposition relativement à la force obligatoire que les actes communaux doivent avoir. Dans l’article 118 de la loi provinciale, la chambre a dit que les actes de l’autorité provinciale seraient obligatoires 8 jours après leur promulgation. J’ai reproduit cette disposition en mettant le délai de 5 jours seulement : une commune n’est pas d’une aussi grande étendue qu’une province, et exige un délai moindre. J’ai aussi consacré le principe, admis dans la loi provinciale, qu’on peut abréger le délai dans les cas d’urgence.
Pour qu’une loi soit obligatoire, il faut qu’elle soit connue : la présomption qu’une loi est connue ne peut résulter du fait de sa promulgation. On ne peut pas admettre que tout le monde assiste à la publication d’une loi. C’est pourquoi la loi laisse un délai, après la publication, pour établir rationnellement la présomption de la connaissance de la loi.
Ainsi on ne peut pas présumer qu’un règlement est connu immédiatement après sa promulgation ; cela ne serait pas conforme à la vérité. Le délai de cinq jours, après la publication des actes communaux, me paraît suffisant, pour rendre obligatoires les actes des collèges ou des conseils.
M. Dumortier, rapporteur. - Il est nécessaire d’adopter la proposition de M. Pollénus. La constitution établit en principe que les autorités communales sont chargées de l’exécution de leurs actes ; et l’amendement en discussion rentre mieux dans l’esprit de la constitution que la rédaction présentée par la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Dans l’amendement il n’est pas parlé des actes du collège des bourgmestre et échevins ; cependant ce collège peut, comme le conseil communal, faire des règlements, rendre des ordonnances, dans certains cas. Ainsi l’amendement est incomplet.
M. Pollénus. - L’observation de M. le ministre de l’intérieur est juste. Lorsque je présentai mont amendement, il n’était question que du conseil communal. Je pense que, maintenant, il faudrait changer la rédaction.
- L’ensemble de l’article 92 est mis au voix et adopte.
M. le président. - On passe à la discussion de l’art. 97 de la section centrale ainsi conçu :
« Art. 97. Les règlements et ordonnances du conseil, ou, quand il y a lieu, du collège, sont publiés par les soins des bourgmestre et échevins dans les villes par voie de proclamation et d’affiche, dans les campagnes à l’issue du service divin.
« En cas d’urgence dans ces dernières communes, le collège des bourgmestre et échevins est autorisé à adopter le mode de publication qu’il croit convenable. »
M. Dumortier, rapporteur. - Je me rallie à la proposition de M. le président que je juge absolument nécessaire.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je propose de retrancher les mots quand il y a lieu, comme redondants.
M. Dumortier, rapporteur. - Cela est sans inconvénient.
- Les mots : quand il y a lieu, sont retranchés comme inutiles.
M. Fleussu. - A la manière dont l’article en discussion est rédigé, il semblerait que dans les campagnes une proclamation serait suffisante. Pourquoi n’apposerait-on pas également une affiche ? Car il est difficile qu’au sortir de l’office divin, tous les habitants d’une commune pussent être généralement informés au moyen d’une proclamation. Dans ces localités comme dans les villes, toute publication doit être soumise à l’investigation de tous, et une affiche me semblerait atteindre ce but.
M. H. Dellafaille. - Nous avons adopté le mode de publication. Dans une ville, une simple affiche suffit. Ou sait que dans les campagnes, c’est le dimanche, à l’issue de l’office divin, que tous les cultivateurs, dans la semaine occupés à leurs travaux, se trouvent ordinairement réunis ; et d’ailleurs, là comme ailleurs, les publications et ordonnances des régences sont toujours affichées.
M. Dumortier, rapporteur. - Le mieux serait de dire : « Dans les campagnes, la publication aura lieu à l’issue du service divin. »
M. Legrelle. - Il serait plus simple d’effacer les mots « dans les villes. » Le même but sera atteint.
M. Dumortier, rapporteur. - Je me rallie à cette proposition.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense qu’il suffira de dire « sont publiées par les soins des bourgmestre et échevins. » Dans les campagnes, la proclamation se fait toujours à l’issue du service divin.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
La deuxième partie de l’article est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - On passe à l’amendement de M. Pollénus, ainsi conçu : « Le conseil communal de ... ou province de... arrête et ordonne. »
(Erratum au Moniteur n°337, du 3 décembre 1834 : Dans le numéro du 2 décembre, 5ème colonne, 108ème ligne, après ces mots : « Le conseil communal de… ou province de..., lisez :
(Sur la proposition de M. Pollénus, la chambre adopte avec cet article :
(« Ces règlements et ordonnances deviennent obligatoires le cinquième jour après leur publication, sauf le cas où ce délai aurait été abrégé par le règlement ou l’ordonnance. »)
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
L’ensemble de l’article est également adopté.
M. le président. - La chambre va passer à la discussion de l’article 93. Voici le projet du gouvernement :
« Les traitements actuels des bourgmestre et échevins sont maintenus, sauf les modifications qui pourront être faites par la députation permanente des conseils provinciaux. Il pourra en être défalqué une partie, dont la quotité sera fixée par la députation permanente pour en former un droit de présence qui sera partagé entre les membres du collège, en raison du nombre de séances auxquelles ils auront assisté ; au moyen de ces traitements, ils ne pourront jouir d’aucun émolument, sous quelque prétexte ou dénomination que ce soit. »
Projet de la section centrale. « Art. 98. Les traitements actuels des bourgmestre et échevins sont maintenus, sauf les modifications qui pourraient y être apportées par les députations provinciales sur la proposition des conseils communaux.
« Au moyen de ces traitements, le bourgmestre ni les échevins ne pourront jouir d’aucun émolument communal sous quelque prétexte ou dénomination que ce soit. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je me rallie aux additions proposées par la section centrale ; mais je ne puis consentir à la suppression de ces mots : « Il pourra en être défalqué une partie dont la quotité sera fixée par la députation permanente pour en former un droit de présence qui sera partagé entre les membres du collège, en raison du nombre de séances auxquelles ils auront assisté. »
Cette disposition me paraît très utile, elle existe dans tous les règlements en vigueur. Je la crois d’autant plus indispensable, que nous avons exigé la présence de la majorité du collège, pour qu’il pût être pris une décision. Il est donc nécessaire de laisser subsister les moyens de stimuler le zèle des membres des collèges, car s’il ne l’était pas, il pourrait en résulter des entraves journalières dans l’administration.
Je fais remarquer au surplus que cette disposition est facultative et n’aurait lieu que dans le cas où le collège et la députation des états en reconnaîtraient l’utilité.
M. le président. - Voici l’amendement proposé par M. A. Rodenbach :
« Que les échevins ne puissent jouir d’aucun émolument communal sous quelque prétexte ou dénomination que ce soit. En conséquence, je demande la suppression de l’article 93 du projet ministériel et 98 de la section centrale. »
M. A. Rodenbach. - Dans presque toute l’Europe, les fonctions municipales s’exercent gratuitement. En France, en Italie et dans une grande partie de l’Allemagne, ce sont des fonctions honorifiques. Il en est de même en Amérique et en Angleterre. Je n’ignore pas que les lords maires à Londres et à Liverpool sont payés, mais ils doivent représenter et souvent dépenser le quintuple de leurs émoluments.
En Belgique, les bourgmestres qui reçoivent des traitements de plusieurs milliers de francs, représentent-ils ? Ce n’est pas dans nos mœurs, dit-on ? ils ne le font même pas quand ils jouissent de 30 ou 40 mille livres de rente ; libre à eux. Toutefois vous conviendrez, messieurs, que grand nombre de bourgmestres, généreusement salariés, représentent à peu près comme quelques généraux qui touchent par mois 3 ou 400 fr. de frais de table. La ville de Paris est-elle mal administrée ? Les magistrats reçoivent-ils des appointements ? Sous Louis XVIII et Charles X, des émigrés sans fortune, qu’on avait nommés maires par mesure politique, notamment à Lille et à Lyon, recevaient un traitement municipal ; le gouvernement se débarrassait ainsi de payer des pensions, mais on a bientôt fait justice de cet abus local. Maintenant en France les premiers magistrats des villes ne participent plus au budget municipal.
Vous le savez, messieurs, beaucoup de nos villes sont endettées, nous avons des octrois exorbitants ce qu’on reconnaît même pas en Angleterre, et il faudrait encore payer grassement les bourgmestres, les premiers dignitaires de la commune.
Avant de terminer mes observations, je dois à la vérité de dire qu’il y a d’honorables exceptions ; car je connais des bourgmestres et des échevins qui, pour des motifs de délicatesse, refusent l’allocation portée au budget de la commune. Quant aux secrétaires qui ont un travail pénible, un travail journalier, ceux-là ne sont pas trop rétribués ; on le sait de reste, c’est presque toujours la roue de cuivre qui fait marcher l’aiguille d’or. Payer, et toujours payer avec l’argent du peuple, est un principe qui nous vient de la Hollande, du pays d’Israël, où, du petit au grand, du roi jusqu’au garde-champêtre, chacun agit dans son intérêt.
C’est pour ces divers motifs que je propose la suppression de l’article du projet de loi tendant à salarier les fonctionnaires municipaux.
M. Frison. - Messieurs, après avoir été pendant 20 ans habitués à voir les fonctions de bourgmestre et d’échevin rétribuées, en présence de l’opinion contraire à mon système et du gouvernement et de la section centrale, il y a de la témérité à hasarder la proposition que j’ai l’honneur de vous soumettre. Quoi qu’il en soit et quelque défiance que doive m’inspirer la cause que je viens défendre, je ne recule point devant une tâche qui me paraît un devoir.
C’est à la France que j’emprunte la disposition que je vous propose, et personne d’entre nous ne contestera à nos voisins d’être bons juges en matière de convenance. Les communes y sont-elles moins bien administrées que chez nous ? Les maires sont-ils moins dévoués au gouvernement ? Ces places honorables restent-elles vacantes ? Sont-elles moins briguées, moins recherchées que chez nous ? Non, messieurs tous les jours nous avons des exemples de la docilité avec laquelle ces fonctionnaires se soumettent aux ordres des sous-préfets, des préfets, des ministres.
Que l’on ne me prête point l’intention de faire des bourgmestres des fonctionnaires tout à fait indépendants : je ne veux point créer dans l’Etat un pouvoir qui, par une opposition permanente, pourrait entraver à chaque instant la marche du gouvernement. Un bourgmestre que je considère comme la première cheville de l’administration publique, qui voudrait se soustraire à l’exécution de mesures administratives communiquées par ses supérieurs, parce qu’elles seraient contraires à ses opinions, n’aurait, à mon avis, d’autre parti à prendre, pour s’en dispenser, que de donner sa démission.
Pense-t-on que le traitement que les bourgmestres et échevins toucheront sur les fonds communaux les attachera davantage au gouvernement ? Je ne saurais partager cette opinion ; quiconque consent à se charger de ces honorables fonctions le fait dans l’intérêt général et par la considération qu’elles font rejaillir sur lui ; il emploie volontiers au bien public son temps et les connaissances qu’il peut avoir ; la conscience d’être utile, de remplir son devoir de citoyen, est d’un tout autre prix à ses yeux que l’allocation qui lui serait accordée sur la caisse communale. D’ailleurs, rétribués ou non, les bourgmestres et les échevins n’en seront pas moins les agents immédiats du gouvernement et révocables par le pouvoir exécutif.
Messieurs, en admettant ma proposition, vous dégrèverez les contribuables. Car il se trouve beaucoup de communes qui n’ont d’autres revenus que des centimes additionnels imposés sur les contributions des habitants ; vous permettrez d’augmenter les traitements des secrétaires ; à ce propos vous n’avez pas oublié que 19 secrétaires de communes de la Flandre orientale vous ont adressé une pétition pour obtenir une augmentation de traitement proportionnée à leurs services. Leur juste demande peut être appliquée à tous les secrétaires des communes rurales du royaume, qui jouissent d’un traitement tellement modique qu’il est loin de suffire à leurs besoins ; et c’est une des causes pour lesquelles on rencontre peu de personnes qui consentent à se charger de ces places dans les petites communes, ou qui ne les acceptent que lorsqu’elles les remplissent dans plusieurs communes à la fois ; c’est un abus grave, préjudiciable aux intérêts des communes : des lacunes et des erreurs dans la tenue des registres de l’état-civil sont souvent la suite de cet état de choses.
Il faut bien le reconnaître, messieurs ; peu de citoyens accepteraient les fonctions de bourgmestre, s’ils ne pouvaient avoir un certain degré de confiance dans les connaissances du secrétaire, et surtout en ce qui concerne la tenue des registres de l’état-civil, qui laisse peser une si grande responsabilité sur le bourgmestre ou son délégué ; il faut encore reconnaître que, dans beaucoup de communes rurales, c’est le secrétaire qui est effectivement bourgmestre : celui-ci n’en porte que le titre et s’occupe peu ou point des intérêts communaux ; sa plus grande besogne consiste le plus souvent à donner une signature. La suppression du traitement des bourgmestres et des échevins permettra donc d’augmenter le salaire de celui qui travaille, améliorera son sort sans grever la commune.
Que si l’on craignait de ne plus trouver de bourgmestre lorsque ces fonctions ne seraient plus rétribuées, c’est une crainte chimérique et qui d’ailleurs est détruite par l’expérience que nous en avons faite lorsque nous avons partage pendant 15 ans les destinées de l’empire français. Pas plus qu’aujourd’hui nos communes n’ont alors manqué d’administrateurs ; et cependant les fonctions étaient gratuites.
D’ailleurs, j’ai meilleure opinion de mes compatriotes : je suis convaincu qu’il se trouvera dans chaque commune assez de citoyens désintéressés pour se charger des fonctions administratives et s’en trouver honorés. Qu’un modique traitement de 60 à 70 francs, et quelquefois moins encore, soit un appât suffisant pour engager à accepter ces fonctions ; que l’honneur soit compté pour rien, voilà ce que je regarderais comme une injure gratuite faite à tous nos bourgmestres. Que si par malheur il se trouvait quelques administrateurs qui ne voulussent gérer les intérêts d’une commune qu’à prix d’argent, il ne me resterait qu’à plaindre celle qui tomberait en de pareilles mains. Non, nous ne sommes point tombés à cet état de dégradation sociale où l’estime publique ne suffit pas à récompenser l’homme de bien.
Messieurs, dans la discussion de la loi provinciale, lorsqu’il s’agissait de la dissolution des conseils provinciaux, le précédent ministère a souvent invoqué l’exemple de la France. Imitons la France dans ce qu’elle nous offre de grand, de noble, de généreux, et laissons-lui ses lois d’exception, que nous n’avons que trop reproduites jusqu’ici.
J’aurai en outre l’honneur de vous faire observer, messieurs, que la suppression que je propose se rapproche même de l’article 32 de la constitution qui porte : « Les représentants qui habitent la ville où se tient la session ne jouissent d’aucune indemnité. » Cette suppression est conforme aux principes que vous avez déjà admis dans la loi provinciale ; vous n’avez accordé d’indemnité de déplacement qu’aux conseillers étrangers au chef-lieu de la province.
Y a-t-il une analogie plus frappante entre les positions que je viens d’indiquer et celle des bourgmestres, dont la résidence dans la commune est une des conditions essentielle de leur nomination ? Je ne me trompe point, messieurs, en disant que la résidence est une condition essentielle de la nomination d’un bourgmestre ; le cas prévu par la section centrale dans ses observations sur l’article 7 ne se présentera point, ou si rarement que ce sera une véritable exception. Puisque le bourgmestre peut remplir ses fonctions sans déplacement, puisqu’il peut se livrer aux travaux administratifs aux jours qui lui conviennent le mieux, pourquoi voudriez-vous lui accorder un traitement tandis que vous avez décidé le contraire dans des cas analogues ?
Vous avez vu, messieurs, que mon amendement n’empêche point d’allouer dans les villes des frais de représentation aux bourgmestres ; autant je veux faire rejaillir de considération sur tous ces fonctionnaires, autant je trouverais injuste qu’outre leur temps, les bourgmestres des villes fussent obligés à dépenser leur argent pour des cérémonies qui se renouvellent assez souvent. Mais dans les communes rurales, où les circonstances de ce genre ne se présentent presque jamais, je ne voudrais aucune allocation sous quelque prétexte que ce fût.
Je finis, messieurs. Je connais un bourgmestre d’une commune du Hainaut, auquel il serait difficile de contester d’avoir, le premier de la Belgique régénérée, renoncé au traitement affecté à ces fonctions ; cet exemple trouva de nombreux imitateurs et fut hautement approuvé. Ce qui était bien alors serait-il mal aujourd’hui ? Je ne le pense pas messieurs, et j’espère que les considérations que j’ai fait valoir vous détermineront à adopter mon amendement. S’il était rejeté, je ne saurais l’attribuer qu’au peu de talent que j’ai mis à vous le présenter.
M. H. Dellafaille. - Trois opinions différentes sont en présence au sujet de l’article qui nous occupe. La section centrale, interprète de toutes les sections, propose de continuer les traitements dont jouissent actuellement les bourgmestre et échevins. L’honorable M. A. Rodenbach propose la suppression de ces traitements. Enfin l’honorable M. Frison propose un moyen terme consistant à n’allouer que des frais de représentation.
Quant à ce système de mezza termine, je n’en suis pas partisan ; et je dirai que, si c’est un milieu, il ne me paraît pas juste. (On rit.) Je trouve qu’il y aurait de l’inconvénient à l’adopter ; c’est en effet un moyen d’éluder la loi qui dit qu’il n’y aura pas de traitements. Dans telle commune où le bourgmestre aura beaucoup d’influence sur le conseil, il lui sera accordé à titre de frais de représentation un traitement supérieur à celui que lui allouerait la députation. Dans une autre commune, il n’en sera pas de même. Ce serait d’ailleurs mettre le bourgmestre dans une pénible situation que de charger le conseil communal de discuter tous les ans ses intérêts personnels.
Je ne suis pas non plus de l’opinion de l’honorable M. A. Rodenbach. Je crois que la section centrale a pris le meilleur parti en attribuant un traitement à des fonctions qui absorbent, pour le bien et l’avantage de la commune, une grande partie du temps de ceux qui les remplissent.
On a dit que jadis, sous le régime français, les fonctions municipales n’étaient pas rétribuées. Un assez grand inconvénient de ce système, c’est qu’ainsi il y avait fort peu de personnes qui pussent remplir les fonctions de maires. Il faut en effet pour cela posséder une certaine fortune. Si vous n’attribuez aucun traitement aux fonctions de bourgmestre et d’échevins, elles deviendront l’apanage des personnes riches ; il arrivera même souvent qu’il ne se trouvera pas dans tout le conseil communal (dans lequel, comme vous savez, est restreint le choix du gouvernement), il ne se trouvera pas, dis-je, une seule personne qui veuille, qui puisse accepter ces fonctions. Car la richesse n’est pas, pour siéger dans le conseil communal, une qualité requise par la loi, non plus que par la raison.
Le système français, tout vicieux qu’il pouvait être, était encore applicable sous le régime français. Alors le gouvernement nommait maire qui il voulait ; il le prenait indifféremment soit dans le conseil, soit hors du conseil communal ; et dans les villes il se trouve toujours des citoyens fortunés, disposés à accepter une position honorable et qui flatte leur vanité, sauf ensuite à laisser le travail aux autres.
Dans le système français, les adjoints ne faisaient rien ; ils n’avaient aucune qualité, aucunes attributions qui leur fussent spéciales ; ils remplaçaient simplement le maire lorsqu’il était absent. L’on ne peut pas dire que les échevins aient succédé aux adjoints ; en effet, ils ont des fonctions qui leur sont propres et qui sont beaucoup plus étendues. Ce n’est plus le maire qui administre, c’est le collège des bourgmestre et échevins. Les fonctions d’échevins exigent un travail assidu ; elles sont loin d’être aussi honorables que celles de bourgmestre ; j’en conclus que presque personne ne consentira à s’en charger sans aucune rétribution.
Quant à ce qu’on a dit de l’Allemagne, de l’Angleterre et d’autres pays où les fonctions municipales sont gratuites, je ne sais si dans ces pays-là même un pareil système est sans inconvénients. Je ne crois pas qu’il soit mal, dans l’intérêt public, de stimuler par une rétribution le zèle des fonctionnaires. L’intérêt de l’administration dépend souvent de l’intérêt individuel ; et on aura beau dire, on en a toujours pour son argent. Si l’administration est gratuite, elle ne sera pas pour cela plus à l’avantage de la commune ; car mieux vaut, pour une commune, une bonne administration rétribuée, qu’une mauvaise administration qui ne lui coûterait rien.
J’ai encore une observation à présenter sur l’amendement de l’honorable M. A. Rodenbach. Il demande que les bourgmestre et échevins n’aient aucun émolument sous quelque prétexte que ce soit ; mais s’ils occupent une place salariée par la commune, leur nomination leur enlèvera donc le traitement dont ils jouissaient ; je ne crois pas que ce soit juste.
Je proposerai au deuxième paragraphe du projet de la section centrale un changement de rédaction, consistant à dire, au lieu de : « aucun émolument communal, » « aucun émolument à la charge de la commune. »
Je voterai pour le maintien de la proposition de la section centrale ; quant à la partie de l’article du projet du gouvernement qu’elle avait retrancher, d’après les observations judicieuses de M. le ministre de l’intérieur, je conviens qu’il faut la rétablir, d’autant que c’est une faculté et non un précepte.
M. Eloy de Burdinne. - Les développements qu’ont donnés à leurs propositions les honorables membres qui les ont faites ont abrégé la tâche que je m’étais imposée de traiter la question en discussion sous ses différents rapports.
Moi aussi, je pense qu’en général les bourgmestres ne doivent pas être rétribués. Si l’on veut accorder aux bourgmestres des grandes villes des frais de représentation, je ne m’y opposerai pas. Toutefois, je citerai un fait qui me paraît devoir éclairer la question. Sous l’empire, alors que les bourgmestres ne recevaient aucun traitement, est-il vrai que ces fonctions fussent généralement remplies avec peu de zèle, avec indolence, qu’elles aient même été refusées par des hommes capables, comme l’a dit l’honorable M. H. Dellafaille ?
Non, messieurs, les places de bourgmestre étaient remplies par des hommes qui y apportaient plus de soin qu’on n’y en a porté plus tard lorsqu’une disposition du gouvernement de Guillaume a accordé un traitement de 20 fl. et plus aux bourgmestres des communes. Qu’est-il alors résulté de cette mesure ? c’est qu’un grand nombre d’hommes honorables, pour ne point avoir l’air d’être aux gages du gouvernement (car peut-on appeler autrement des traitements de 20 ou 40 fl. ?), ont refusé les fonctions de bourgmestre. C’est au point que je connais une commune où l’on a été obligé de nommer pour bourgmestre un homme qui ne savait ni lire ni écrire, et à qui, pour remplir ses fonctions, il a fallu apprendre à signer son nom. (On rit.) C’est, messieurs, comme j’ai l’honneur de vous le dire.
D’après cela, seriez-vous tentés de repousser les leçons d’une expérience de vingt années et de continuer un état de choses évidemment nuisible à l’intérêt public ?
Quant à moi, je voterai pour les amendements, à moins que des objections solides ne me fassent revenir de l’opinion que je viens d’exprimer.
M. de Terbecq. - Je ne répondrai que deux mots à l’honorable M. A. Rodenbach. Il a proposé de supprimer les traitements des bourgmestres et échevins. Je ferai remarquer que ces fonctionnaires reçoivent un traitement très modique et qui ne couvre pas les dépenses qu’ils ont à faire à l’occasion de leurs fonctions. C’est ce que je sais par moi-même, étant depuis dix à douze ans bourgmestre de ma commune.
Mais, puisque M. A. Rodenbach est tellement partisan des économies, pourquoi, outre la suppression des traitements des bourgmestres, ne propose-t-il pas celle des traitements des commissaires de district ? (On rit.)
M. Pollénus. - La question soulevée par la proposition de la section centrale ne me paraît pas à moi présenter une bien grande importance. Ainsi qu’on l’a déjà dit, les traitements qu’il s’agit de maintenir sont infiniment minimes.
Si dans ces matières nous trouvions entièrement table rase, je ne verrais aucun inconvénient, à déclarer gratuites les fonctions municipales, c’est-à-dire celles de bourgmestre, des échevins et des membres du conseil. Mais nous nous trouvons en présence d’un ordre de choses qui existe déjà depuis longues années, et qui, à ce que je sache, n’a point donné lieu à réclamation.
Je pense qu’en matière de traitements, il pourrait n’être pas sans danger d’introduire des innovations. D’ailleurs ces émoluments sont bien faibles dans la plupart des communes ; c’est même moins un traitement qu’une indemnité qui égale à peine les frais de bureau et autres menus frais.
Je dois rencontrer ici une objection faite par l’honorable M. Eloy de Burdinne, qui nous a dit que, dans une contrée qui lui est plus particulièrement connue, des hommes capables et dévoués à leurs concitoyens avaient donné leur démission de bourgmestre, afin de n’être pas forcés de recevoir des émoluments. Je répondrai à cet honorable membre que les hommes honorables qu’il a cités auraient, selon moi, mieux rempli leurs devoirs de citoyen en continuant de se vouer aux intérêts de la commune, ce qui ne devait pas les empêcher de renoncer généreusement au traitement qui leur était alloué. En cela ils n’auraient fait qu’imiter plusieurs autres administrateurs municipaux qui me sont connus.
L’honorable M. A. Rodenbach, en réfutant la proposition de l’honorable M. Frison, a fait une observation qui me paraît infiniment juste. C’est qu’il n’est pas dans nos mœurs d’accorder des frais de représentation. En effet, dans un pays où les ministres, les gouverneurs des provinces, etc., n’ont pas de frais de représentation, à quel titre en proposerait-on pour les magistrats municipaux ? Il y aurait là quelque chose de choquant.
Messieurs, j’avoue qu’à la veille de la discussion des budgets des ministres, je crains d’entendre parler de frais de représentation. Car si vous en accordiez aux bourgmestres, comment pourriez-vous les refuser à quelques fonctionnaires plus haut placés, si la proposition vous en était faite ?
Je pense donc qu’il convient de maintenir ce qui existe. Je n’y vois pour la plupart des communes qu’une légère indemnité. Je ne puis y voir ces lourds sacrifices dont on a parlé. Je n’en dirai pas davantage. Je crois avoir suffisamment justifié la proposition de la section centrale qu’a défendue l’honorable M. H. Dellafaille.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le système proposé par le gouvernement et adopté par la section centrale me paraît à la fois le plus juste ; car les traitements des bourgmestre et échevins constituent une simple indemnité, qui la plupart du temps couvre à peine les dépenses auxquelles ils sont exposés, et ce, tant dans les villes que dans les campagnes. Je ne crains même pas d’avancer que, dans le plus grand nombre de villes, le traitement des bourgmestres est si minime, qu’il n’est aucun qui y trouve une indemnité suffisante en raison des frais que nécessite leur position. On pourrait en dire autant des campagnes. Là les émoluments sont infiniment plus minimes encore ; cependant personne n’ignore que les bourgmestres de cette catégorie sont, dans l’intérêt de leur commune, obligés de faire certaines dépenses, telles, par exemple, d’héberger les personnes qui viennent chez eux pour les affaires de la commune. Il ne s’agit donc ici que d’une indemnité pour les dépenses auxquelles les bourgmestres sont exposés.
Je soutiens, messieurs, que le système du gouvernement et de la section centrale était le plus libéral. Mais défendre aux conseils communaux d’allouer des traitements aux bourgmestres, ce serait les empêcher de disposer de leur propre bien, d’indemniser les fonctionnaires qui rendent le plus de services à la commune.
Pour ce qui concerne l’addition proposée par la section centrale, je ne m’oppose pas à ce que la députation provinciale, sur la proposition des conseils communaux, modifie les traitements des bourgmestre et échevins, les supprime même dans certaines localités si l’expérience a suffisamment justifié l’adoption de cette mesure.
D’autre part, je ferai remarquer que la disposition n’ôte pas aux bourgmestre et échevins la faculté de renoncer à leurs traitements s’ils le trouvent convenable. Ceci répond à l’objection présentée par l’honorable M. Eloy de Burdinne, que certains bourgmestres pousseraient la susceptibilité au point de donner leur démission plutôt que de consentir à recevoir un traitement. Comme il existe, d’ailleurs, dans chaque commune des établissements, soit d’instruction primaire, soit de charité, ces fonctionnaires généraux pourront toujours abandonner leur traitement à ces établissements tout en conservant leurs fonctions.
L’administration communale qui s’étend chaque jour davantage, occupe presque tous les moments du bourgmestre ; sans l’indemnité qui est attachée à ces fonctions, il n’est que fort peu de personnes en position de les remplir. Supprimer cette indemnité, ce serait donc restreindre considérablement le choix des électeurs.
J’ajouterai que la chambre a déjà préjuge la question, lorsqu’elle a permis aux conseils communaux de voter des jetons de présence pour leurs membres. Comment ! les conseils auraient la faculté de voter les jetons de présence pour leurs membres, et il ne leur serait pas permis d’allouer une indemnité aux bourgmestre et échevins chargés sous leur responsabilité de l’administration journalière.
M. Dumortier, rapporteur. - Je regrette d’être obligé de combattre la proposition de la section centrale ; mais dans mon opinion personnelle il y aurait un grand mal à accorder aux bourgmestre et échevins des traitements, qui les rendraient beaucoup trop complaisants.
M. le ministre de l’intérieur a dit tout à l’heure que nous avions préjugé la question en permettant aux conseils communaux de voter des jetons de présence pour les membres du conseil. Comment ! a-t-il dit, le conseil qui voterait pour lui-même des droits de présence ne pourrait accorder une indemnité aux bourgmestre et échevins. Je lui répondrai que nous n’avons pas accordé, dans des termes absolus, des jetons de présence aux conseils communaux ; nous leur avons simplement donné la faculté de voter des jetons de présence sous l’autorisation des états provinciaux, c’est-à-dire seulement lorsque les états provinciaux seront d’avis que des jetons de présence pour les membres du conseil sont nécessaires pour la marche des affaires de la cité.
Que M. le ministre propose de même, s’il le veut, des jetons de présence pour les bourgmestre et échevins, quand ils remplissent leurs devoirs. Mais quant à des traitements fixes et permanents, je les considère, dans mon opinion, comme un moyen de corruption, et rien de plus.
C’est à tort que M. le ministre de l’intérieur est venu présenter les traitements des bourgmestres comme s’élevant à fort peu de chose. Dans certaines villes, ce traitement s’élève à cinq, six mille francs et même au-delà. Ce n’est donc pas aussi peu de chose que M. le ministre a bien voulu le dire. Ce sont des traitements qui grèvent les communes.
Lors de la révolution, un cri unanime s’est élevé pour la suppression des traitements des bourgmestre et échevins. Généralement alors on s’engageait à ne pas toucher le traitement attaché à ces fonctions ; beaucoup d’hommes honorables ont tenu cette promesse.
Quant à la proposition qu’à faite un honorable membre, de supprimer aussi les traitements des commissaires de district, je répondrai que qui prouve trop ne prouve rien. Si on retranche les émoluments des commissaires de district, il faut retrancher ceux de tous les fonctionnaires publics.
Remarquez que les commissaires de district sont des agents du gouvernement, tandis que le bourgmestre est l’agent de la commune, quoique vous fassiez ; en le faisant nommer par le Roi, vous viciez le principe, mais vous ne l’empêchez pas d’être l’homme de la commune.
Comptez-vous pour rien l’honneur d’être le représentant de la cité, le premier homme d’une ville ? c’est certainement beaucoup. Rappelez-vous le mot de ce grand homme qui préférait être le premier dans le dernier bourg, que le second dans la capitale de l’empire romain.
Messieurs, j’ai la conviction profonde que les hommes ne manqueront jamais au pays, que le pays trouvera toujours des fonctionnaires municipaux qui, par désintéressement, par pur patriotisme, se chargeront des affaires de la commune. Nous sommes restés assez longtemps sous l’empire des lois françaises, et jamais nous n’avons manqué de magistrats. Nous avons eu des maires et des adjoints. Ils n’étaient pas salariés, et cependant les hommes, loin de manquer, se disputaient ces fonctions. Vous voulez maintenant salarier des fonctions qu’on se dispute quand elles sont gratuites ?
Voulez-vous savoir ce qui se passe en France aujourd’hui ? Lisez l’article premier de la loi municipale actuellement en vigueur en France, loi qui à été votée depuis la révolution de juillet. Cet article porte :
« Les fonctions de maire, d’adjoint et des autres membres du corps municipal sont essentiellement gratuites, et ne peuvent donner lieu à aucune indemnité ni frais de représentation. »
Cette disposition est très libérale, car elle tend à diminuer les charges qui doivent porter sur la commune. Pourquoi serions-nous moins libéraux qu’on ne le fût en France après la révolution de juillet ? Est-ce que la révolution de septembre n’a pas eu pour but d’extirper les abus ? Eh bien, un des plus grands abus était le traitement des fonctionnaires municipaux. On sait que dans les communes rurales les traitements des bourgmestres et des échevins sont à la charge de la population tout entière. Il est vrai que les dépenses ne s’élèvent pas à une somme considérable, c’est de 100 à 200 francs ; mais comme les communes sont très pauvres, ce qui serait peu pour nous est considérable pour elles. Cette somme d’ailleurs pourrait être employée à réparer des chemins, entretenir des canaux, des aqueducs, enfin d’une manière utile pour la généralité ; tandis qu’en la consacrant au traitement des bourgmestres et des échevins, on fait des serviles et rien de plus aux dépens de la bourse des contribuables.
Quand il faut élever la cote personnelle pour payer des hommes étrangers au vote populaire, toute la commune se récrie et avec raison. C’est un abus. Il est temps de le faire cesser. Retranchons donc de notre loi le traitement des bourgmestres et des échevins. Si on croyait des frais de représentation nécessaires, je serais disposé à les accorder, mais je ne puis admettre comme règle générale le traitement des bourgmestres et des échevins.
M. A. Rodenbach. - Mon ami M. Dumortier a déjà répondu pour moi à l’honorable député bourgmestre de Termonde, que dans tous les pays les agents du pouvoir sont payés. Les commissaires de district sont des agents du gouvernement, et il serait aussi absurde de ne pas les payer que de ne pas payer les ministres et les gouverneurs. Mais les émoluments des commissaires de district ne sont pas exorbitants. Si j’ai bonne mémoire, un commissaire de district n’est pas plus payé qu’un employé aux accises.
C’est la fonction la moins rétribuée qu’il y ait en Belgique. On l’a déjà dit, en France les fonctions de maire et d’adjoint sont parfaitement remplies quoiqu’elles soient gratuites, et l’administration marche bien. Sous Louis XVIII et sous Charles X on a voulu aussi donner des émoluments aux maires. Ou voulait récompenser quelques émigrés rentrés sans fortune, et ne pouvant leur donner une pension sur le budget, on les nomma maire de Lyon, Lille et autres villes, et on leur fit allouer par ces villes à titre de frais de représentation cinq, six sept et huit mille francs. Mais depuis le règne de Louis-Philippe ces abus ont été extirpés. Devons-nous être seuls avec la Hollande à continuer à rétribuer les bourgmestres ?
Il n’y a pas de parité entre les fonctions de bourgmestre et celles de commissaire de district. Le commissaire de district, comme le ministre, travaille constamment, tandis que les bourgmestres ne vont passer qu’un heure ou deux à la régence. Je sais qu’il y a d’honorables exceptions, qu’il y des travailleurs parmi les bourgmestres, mais il y en a peu ; ce sont les secrétaires qui la plupart du temps font la besogne, et, ils sont très peu payés. Là, comme dans beaucoup d’autres cas, c’est la roue de cuivre qui fait marcher l’aiguille d’or.
Je le répète, il y a d’honorables exceptions, mais la plupart se donnent fort peu de peine pour administrer leur ville.
M. Dubus. - J’ai demandé la parole pour faire remarquer que quoique plusieurs orateurs aient parlé en faveur de la section centrale, cet article cependant n’est pas justifié par les motifs qu’on a fait valoir, car on pourrait le ruiner par les raisons mêmes que le ministre de l’intérieur a données pour le défendre.
Il a dit qu’il fallait laisser au conseil communal la faculté de rétribuer les fonctionnaires qui rendent le plus de services à la commune. Eh bien, l’article de la section centrale refuse virtuellement cette faculté au conseil communal. C’est le motif dont je m’empare pour combattre l’article. Dans le cas où on rejetterait les amendements proposés jusqu’ici, il y aurait encore lieu de modifier la rédaction de la section centrale. Car, d’après cette rédaction, tous les traitements, quelque excessifs qu’ils soient, qui pèsent en ce moment sur les communes, seraient maintenus ; il n’y aurait aucune réduction, et il n’y aurait pas moyen d’en obtenir. Le conseil se trouvera dans une position telle qu’il ne fera pas même de proposition dans ce but.
Les intérêts des contribuables continueront à être sacrifiés comme ils le sont aujourd’hui. L’article pose en premier principe que les traitements des bourgmestres sont maintenus. Ainsi, les abus existants vont être perpétués. Voilà la première conséquence de l’article de la section centrale, ou bien il faut que le conseil communal, vu le principe posé, se mette en opposition avec le bourgmestre, qu’il fasse la proposition de réduire le traitement dont la loi dit que le bourgmestre continuera à jouir. Je pense que peu de conseils communaux se mettront dans cette position. Si encore ils étaient sûrs de réussir, mais pas du tout ; le conseil n’a que droit de proposition, c’est la députation permanente qui décide. Si la députation décide que quelque élevés qu’ils soient, et ils le sont dans certaines communes, ces traitements seront conservés, le conseil se sera inutilement mis dans une situation où je crois qu’aucun conseil communal ne voudra se placer.
Avec cet article on est sûr qu’aucune réduction ne sera faite ; les traitements continueront à se payer sans réclamations, parce que des réclamations ne pourraient amener aucun résultat favorable à la commune.
Si le ministre veut que le conseil ait la faculté d’allouer un traitement au fonctionnaire qui lui rend le plus de services, qu’il formule cette disposition. Je ne serai pas éloigné d’y donner mon assentiment. Mais alors vous ne posez pas en principe que les traitements sont maintenus, vous dites au contraire qu’il n’y en aura que là où le conseil communal le proposera.
De cette manière, vous ferez véritablement du traitement du bourgmestre une dépense communale, car le conseil l’aura voté. Sous ce rapport, les raisons du ministre justifieraient l’article ; mais il faut que cet article soit conforme aux principes qu’il a lui-même posés. J’appelle donc l’attention du ministre sur ces observations.
Il paraît évident que cet article doit être amendé.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que l’honorable préopinant s’est trompé sur la portée de mes expressions. J’ai dit que ce serait porter atteinte à la liberté des conseils communaux, que de les empêcher de rétribuer les fonctionnaires qui leur rendent le plus de services, ou plutôt de les indemniser des dépenses auxquelles ces fonctionnaires sont exposés ; sous ce rapport, je pense qu’il serait véritablement injuste d’interdire aux conseils communaux la faculté d’accorder un traitement aux bourgmestres ; mais il ne suit pas de cette observation qu’il faille laisser aux conseils communaux la faculté de remettre tout en question, qu’il faille déclarer dès aujourd’hui que les traitements des bourgmestres sont annuellement soumis aux conseils communaux, et abolir la disposition qui aujourd’hui rend ce traitement obligatoire. Telle n’a pas été ma pensée.
D’abord, je crois qu’en thèse générale, il est utile de maintenir les traitements alloués aux bourgmestres. En second lieu ce serait mettre les bourgmestres et les échevins dans une très fausse position que de discuter chaque année la question et la hauteur de leur traitement.
Il est donc essentiel d’établir comme règle que le traitement est maintenu. Cependant, comme je l’ai dit, le projet de loi laisse aux conseils la faculté de prendre l’initiative pour la suppression du traitement. Quelquefois cette mesure sera fondée sur le manque de ressources de la commune.
D’autre fois, ce sera l’opinion publique qui se sera manifestée en faveur de la suppression des traitements ; et alors vous verrez les bourgmestres et échevins prendre eux-mêmes l’initiative à cet égard, et proposer à la députation la suppression du traitement. La députation, appréciant de semblables motifs, ne manquerait pas d’admettre la proposition, dès qu’elle aurait acquis la conviction que la suppression du traitement est utile, et que cette mesure ne privera pas la commune des magistrats qui lui sont les plus utiles.
Ainsi c’est à tort que l’on a essayé de tirer parti des observations que j’avais présentées en faveur du projet. Je maintiens ces observations dans toute leur intégrité, car je ne pense pas qu’on y ait répondu.
C’est encore bien à tort qu’on a soutenu que le conseil de régence ne proposerait jamais la suppression du traitement du bourgmestre et des échevins. Si les finances de la commune sont insuffisantes pour ses besoins, ou ne permettent pas de donner un traitement à ses magistrats, évidemment le conseil des échevins se joindra au conseil communal pour admettre la suppression de ce traitement.
M. A. Rodenbach. - Je réunis ma proposition à celle de M. Dubus.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement qui s’écarte le plus de l’article en discussion :
« Les fonctions de bourgmestre et échevins sont gratuites. Toutefois, dans les villes seulement, il peut être donné, etc... »
- Cet amendement mis aux voix est rejeté.
L’amendement de M. Dubus est ensuite mis aux voix. Il a pour but d’autoriser le conseil de la régence ou de la commune de prononcer la suppression des traitements des magistrats communaux. (Erratum au Moniteur n°337, du 3 décembre 1834 : « Dans le compte rendu du Moniteur, séance du 1er décembre, 4ème page, 1ère colonne, dernier paragraphe, il est dit que l’amendement proposé par M. Dubus à l’article 98 du projet de la section centrale (sur l’organisation communale) avait pour but d’autoriser le conseil communal à prononcer la suppression des traitements des magistrats communaux. Ce compte rendu est très inexact. La proposition de M. Dubus était ainsi conçue : « Des traitements pourront, sous l’approbation de la députation provinciale, être accordés par le conseil au bourgmestre et aux échevins. »)
Deux épreuves, par assis et levé, sont douteuses. On procède au vote par appel nominal.
63 membres sont présents ;
28 votent l’adoption ;
35 votent le rejet.
En conséquence l’amendement de M. Dubus n’est pas admis.
Ont voté l’adoption : MM. Bekaert, Berger, Cols, Dams, A. Dellafaille, de Man d’Attenrode, de Roo, Desmanet de Biesme, Doignon, Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Frison, Milcamps, Pirson, A. Rodenbach, Schaetzen, Seron, Thienpont, Trentesaux, Vanderheyden, Van Hoobrouck, Vergauwen, L. Vuylsteke.
Ont voté le rejet : MM. Brixhe, Coppieters, Corbisier, H. Dellafaille, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, C. Vuylsteke, Dechamps, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Huart, Donny, Dubois, Ernst, Helias d’Huddeghem, Jullien, Lebeau, Meeus, Nothomb, Olislagers, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Zoude, Raikem.
M. de Terbecq s’est abstenu de voter, et en expose ainsi les motifs. - Je suis bourgmestre d’une commune, j’ai cru ne pas devoir voter.
M. le président. - Il reste à mettre en délibération la proposition faite par la section centrale.
M. Dubus. - Je demande la parole sur la position de la question. Je prie M. le ministre de dire si malgré cette rédaction : « Les traitements actuels des bourgmestres et échevins sont maintenus, sauf les modifications,... » on pourra supprimer les traitements ; car, de la rédaction, il paraîtrait plutôt résulter que nécessairement il y aura des traitement, et qu’ils ne pourront être que modifiés.
M. le président. - C’est une observation portant sur le fond et non sur la position de la question ; cependant, je n’ôterai pas la parole à l’orateur si personne ne réclame.
M. Dubus. - J’insiste ; y aura-t-il un traitement auquel on pourra seulement faire des modifications ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Non seulement on pourra diminuer le traitement du bourgmestre et des échevins, mais on pourra le supprimer entièrement. J’ai déjà dit, et je le répète, dans maintes circonstances la suppression du traitement sera demandée par le conseil de régence lui-même ; et cela arrivera immanquablement toutes les fois que les ressources financières de la commune ne permettront pas d’indemniser ses magistrats.
M. Dubus. - On peut adopter alors le paragraphe, sauf rédaction.
M. le président. - Nous adoptons toujours les principes, sauf rédaction. Voici le premier paragraphe :
« Les traitements actuels des bourgmestre et échevins sont maintenus, sauf les modifications qui pourraient y être apportées par les députations provinciales sur la proposition des conseils communaux. »
Ce premier alinéa de l’article 98 est adopté.
M. le président. - Vous savez que M. le ministre de l’intérieur a demandé la conservation de ce paragraphe, tiré du projet du gouvernement :
« Il pourra être défalqué une partie, dont la quotité sera fixée par la députation permanente pour en former un droit de présence qui sera partagé entre les membres du collège, en raison du nombre de séances auxquelles ils auront assisté. »
- Ce paragraphe mis aux voix est adopté.
M. le président. - Le deuxième alinéa de la proposition dé la section centrale deviendra le troisième alinéa dans l’article résultant des délibérations de la chambre. Il est ainsi conçu :
« Au moyen de ces traitements, les bourgmestres ni les échevins ne pourront jouir d’aucun émolument communal sous quelque prétexte ou dénomination que ce soit. »
M. H. Dellafaille. - Je demande qu’on mette : « à charge de la commune, » au lieu de « communal. »
- Cette modification et le troisième paragraphe sont adoptés.
L’ensemble de l’article mis aux voix est adopté.
M. le président. - On passe à la discussion de l’article 98 du gouvernement, 99 de la section centrale.
M. Fleussu. - Je demande la parole uniquement pour la régularité de la discussion. Avant d’attribuer les traitements pour les remplacements, il faudrait savoir quand les remplacements auront lieu et s’ils auront lieu ? Il me semble donc que, dans l’ordre, l’article 104 du projet devrait être discuté préalablement, car il fixe les cas dont je viens de parler.
- L’article 98 est ajourné.
M. le président. - La chambre va passer à la discussion de l’article 94, article 100 de la section centrale, auquel se rallie M. le ministre de l'intérieur. Cet article est ainsi conçu :
« Art. 100. Le Roi détermine le costume ou le signe distinctif des bourgmestres et échevins. »
M. Trentesaux. - Je demande que l’article proposé par le gouvernement et la commission soit rétabli. Je donne pour motifs ceux qui ont dû animer le gouvernement et la commission quand ils ont fait leur proposition. Au nombre de ces motifs, le plus important est de décharger le gouvernement de l’obligation de se charger de pareils objets. Il faut charger les gouvernement du moins d’attributions possible. Mon principe gouvernemental est celui de la moindre action, et en adoptant le projet de la section centrale, le gouvernement se trouvera exposé à mille obsessions de la part de ceux pour qui ces costumes et ce signe distinctif seront déterminés. Les gouvernements s’usent par trop d’action, et je le répète, toujours le principe de la moindre action est celui qui leur est le plus salutaire.
M. F. de Mérode. - M. Trentesaux vient de vous faire observer qu’il ne faut pas user le gouvernement par trop d’action. Il ne faut pas non plus donner dans le même abus, pensera-t-il peut-être, à l’égard de la chambre et du sénat. C’est aller loin pourtant que de leur faire régler des costumes. Le gouvernement aura la faculté de changer ces costumes s’ils sont mal choisis, tandis que nous serions obligés d’en faire un article de loi.
- La disposition du gouvernement relative à l’article 94 est mise aux voix et rejetée.
Celle de la section centrale n°100 est adoptée.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Messieurs, je profite du moment où nous sommes arrivés à la fin du chapitre, pour attirer l’attention de la chambre sur la situation du pays relativement à ce qui se passe en Hollande. Les journaux ont parlé de diverses mesures prises par Guillaume, qui me semblent de nature à fixer toute cette attention que je réclame.
S’il faut en croire ces journaux, des ordres ont été donnés pour renforcer l’armée hollandaise. Nous connaissons la perfidie de notre ennemi, messieurs, et il nous est important de savoir quelles sont les mesures que le gouvernement à prises à la nouvelle de ce qui a lieu en Hollande. Loin de moi de vouloir jeter des craintes dans la chambre et dans le pays ! J’ai confiance en la nationalité belge.
Je sais que tous les efforts échoueront contre un gouvernement qui s’attachera à maintenir l’intégrité du territoire. Il est pourtant nécessaire de prendre des mesures, et nulles n’ont été prises, malgré l’arrivée aux affaires de certain personnage dont les sentiments hostiles à la Belgique sont suffisamment connus. Vous devez d’ailleurs vous rappeler, messieurs, que le prince d’Orange est parti pour Berlin, et que ce départ a pour but des conférences avec l’empereur de Russie.
L’un des motifs de l’arrivée de Wellington aux affaires est la volonté qu’ont les puissances de donner une solution à la question belge ; et nous devons penser que nos affaires seront traitées d’une manière peu satisfaisante. Je crois donc pouvoir demander au gouvernement s’il a l’œil sur ce qui se fait en ce moment en Hollande, et j’ai pris des mesures pour empêcher toute agression étrangère.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Les nouvelles données par quelques-uns de nos journaux, quoique démentis d’une manière formelle par les journaux hollandais n’en ont pas moins fixé toute mon attention et celle du gouvernement. Le gouvernement a les yeux ouverts sur ce qui se passe en Hollande. Il veille à ce que la Belgique ne devienne pas la victime d’une nouvelle perfidie et à ce que nos ennemis ne puissent pas se prévaloir d’une attitude militaire plus imposante que la nôtre.
Si la Hollande continue ses armements, le Roi n’hésitera pas à réclamer le concours des chambres. Il connaît vos sentiments, il sait qu’il peut toujours, messieurs, compter sur votre empressement à le seconder dans toutes les mesures qui ont pour but d’assurer l’indépendance du pays et de garantir l’intégrité du territoire
- De toutes parts. - Bien ! bien !
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 104 du projet de la section centrale auquel M. le ministre de l'intérieur déclare se rallier. Cet article est ainsi conçu :
« Le collège des bourgmestre et échevins est chargé de l’exécution de toutes les lois et règlements qui requièrent son intervention ou dans lesquels le conseil est appelé à délibérer, ainsi que des dispositions exclusivement communales. Néanmoins, le bourgmestre agit seul pour tout ce qui a rapport à la publication et à l’exécution, dans la commune, des lois et règlements d’administration générale étrangers aux intérêts communaux et pour lesquels l’intervention du conseil ou du collège n’est pas exigée, ainsi que pour tous les objets qui lui seront spécialement déférés par la loi. »
M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, l’article en discussion est certainement du petit nombre de ceux qui modifient complètement le système actuellement existant. J’avais l’intention de proposer de substituer à la rédaction du projet de la section centrale le texte des anciens règlements. Comme je ne les ai pas sous les yeux, je demande que la chambre veuille bien ajourner la discussion sur l’article 104 à demain.
Les innovations qu’il introduit dans la législation communales sont assez importantes pour que ma demande soit accueillie favorablement par l’assemblée. (Approbation.)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je suis prêt à communiquer à l’honorable M. Dumortier le texte des anciens règlements s’il le désire. Je lui ferai en outre remarquer qu’une erreur s’est glissée dans le rapport de la section centrale. J’y lis que l’article du gouvernement en discussion est en opposition avec l’article 98 de l’ancien règlement des villes. Il n’en est point ainsi. En effet, l’article 98 du règlement des villes portes :
« Les bourgmestre et échevins veillent à l’exécution des lois, arrêtés et ordres royaux dont ils sont chargés par ces actes mêmes ou qui, en vertu de ces actes, leur seront conférés par les départements d’administration générale, le gouverneur ou les états ; et en général ils se conforment aux instructions qui leur seront données par ces autorités en vertu de lois, arrêtés ou ordres royaux. »
Il est donc évident que d’après l’article 101 en discussion, comme d’après l’article 98 de l’ancien règlement des villes, le collège des bourgmestres et échevins est chargé de l’exécution des lois, règlements et arrêtés. On s’est servi à peu près des mêmes expressions dans ces deux dispositions.
M. H. Dellafaille. - J’appuierai la proposition d’ajournement faite par M. Dumortier. Effectivement, comme il l’a fait observer, l’article du projet de la section centrale présente un système nouveau. Je crois que M. le ministre de l’intérieur est dans l’erreur, lorsqu’il prétend le contraire. Je lis dans l’article 62 des anciens règlements :
« Le bourgmestre et les échevins sont, en outre, spécialement chargés de maintenir très exactement la loi fondamentale, et de l’exécution immédiate de toutes les lois qui leur sont transmises par le Roi, les chefs des départements ministériels, les états et le gouverneur de la province.»
Le système proposé dans le projet originaire est un changement total, un retour à ce qui existait du temps de l’administration française. La section a modifié, autant qu’elle a cru le pouvoir la proposition du gouvernement. Je crois, cependant, que le sujet en doit être mûrement approfondi. Il faudrait que le gouvernement nous démontrât les vices des règlements locaux de 1817 et de 1825, avant que nous émissions un vote sur l’article 104.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je m’attacherai simplement à répondre à un fait avancé par l’honorable M. Dellafaille, et qui, je le remarque, doit s’appuyer sur un règlement autre que celui que j’ai cité. Car l’article 62 du règlement pour la ville de Liège ne contient nullement la disposition dont il nous a parlé. Les attributions du collège des bourgmestre et échevins sont réglées par l’article 98.
- L’ajournement de l’article 104 proposé par M. Dumortier est mis aux voix et adopté.
L’article 102 du projet de la section centrale, auquel M. le ministre de l’intérieur déclare se rallier, est mis aux voix et adopté. Il est ainsi conçu :
« En cas d’émeutes, d’attroupements hostiles ou d’atteintes graves portées à la paix publique, le bourgmestre pourra requérir directement l’intervention des gardes civiques et de l’autorité militaire pour rétablir le bon ordre.
M. Dumortier, rapporteur. - Je crois qu’il serait nécessaire d’adopter une disposition additionnelle. Je désirerais que l’on stipulât dans la loi la nécessité de faire la réquisition par écrit. Si ce mode n’était pas adopté, si l’ordre n’était que verbal, il pourrait, après l’événement, survenir des contestations entre le commandant de la garde civique et le bourgmestre sur la nature de la réquisition. Si elle est déclarée par écrit, il sera impossible que ces contestations aient lieu. J’espère que la chambre adoptera cet article additionnel sans difficulté. (Oui, oui.)
M. le président. - M. Dumortier propose l’article additionne ! suivant :
« La réquisition devra être faite par écrit. »
- L’article additionnel proposé par M. Dumortier est mis aux voix et adopté.
L’article 103 du projet de la section centrale auquel M. le ministre de l’intérieur déclare se rallier, est mis aux voix et adopté. Il est ainsi conçu :
« Sur la sommation faite et trois fois répétée par le bourgmestre ou par tout autre officier de police, les perturbateurs seront tenus de se séparer et de rentrer dans l’ordre, à peine d’y être contraints par la force, sans préjudice des poursuites à exercer devant les tribunaux contre ceux qui se seraient rendus coupables d’un fait punissable devant les lois. »
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 104 du projet de la section centrale, lequel remplace les articles 90 et 98 du projet du gouvernement et auquel M. le ministre de l’intérieur déclare se rallier. Il est ainsi conçu :
« En cas d’absence ou d’empêchement du bourgmestre, et s’il n’a pas donné de délégation, ses fonctions sont remplies par l’échevin le premier dans des nominations.
« En cas d’absence ou d’empêchement d’un échevin il est remplacé par le membre du conseil le premier dans l’ordre du tableau et ainsi de suite, sauf toutefois les incompatibilités mentionnées à l’article 9 de la présente loi.
« Le tableau est réglé d’après l’ordre d’ancienneté de service des conseillers, à dater de leur première entrée est fonctions, et, en cas de parité, d’après le nombre des votes. »
M. Pollénus. - La proposition de la section centrale me paraît introduire deux innovations dans la législation en vigueur. Le bourgmestre ne pourra donner sa délégation que dans deux cas spéciaux…
- Un membre. - Il pourra la donner dans tous les cas. Lisez le texte de l’article.
M. Pollénus se rassied.
M. Dubus. - Je voudrais savoir comment on entend ces mots : « et s’il n’a pas donné de délégation. » Le bourgmestre pourra-t-il donner sa délégation à qui bon lui semblera, ou la donnera-t-il à un membre du conseil communal ou bien à un échevin ?
- Un membre. - Il la donnera à un échevin.
M. Dubus. - Si la rédaction demeure telle qu’elle est, il croira pouvoir donner sa délégation au premier individu qui lui conviendra.
M. Dumortier, rapporteur. - La question soulevée par l’article 104 est connexe à la nomination du bourgmestre et des échevins. Différents modes de nomination du bourgmestre et des échevins avaient été proposés ; les uns voulaient que ce fût le Roi qui nommât le bourgmestre, sur la présentation du conseil ; d’autres, sans présentation. D’autres voulaient qu’il fut nommé directement par le conseil, il en était de même à l’égard de la nomination des échevins. Beaucoup de personnes étaient d’avis que le bourgmestre fût l’agent du Roi.
Il était tout naturel que la section centrale qui proposait la nomination des échevins par le conseil, rendît au bourgmestre la faculté de choisir son délégué en dehors de corps des échevins. Le premier vote de la chambre nécessite aujourd’hui une modification à l’article de la section centrale. Cependant je demande que dans tous les cas le vote actuel ne soit que provisoire, et que l’article 104 puisse être soumis à une révision, parce qu’il est nécessaire qu’il soit mis en concordance avec le mode de nomination des bourgmestres et des échevins, sur lequel la chambre pourra revenir au second vote.
Si vous admettez définitivement que le Roi nomme le bourgmestre sans présentation, et qu’il choisit les échevins dans une liste présentée par le conseil, le droit de délégation doit être dénié au bourgmestre ; il ne doit pas être facultatif à ce fonctionnaire de désigner qui il désire pour le remplacer. Il faut que ce remplacement soit fait dans l’ordre du tableau des échevins. Si au contraire vous admettez au second vote, comme je l’espère, que les échevins seront nommés par le peuple, il faudra que vous laissiez au bourgmestre le droit de déléguer même un membre du conseil. Ainsi, l’article en discussion ne peut être soumis qu’à un vote provisoire, et sa rédaction n’en sera arrêtée définitivement qu’au second vote.
M. H. Dellafaille. - L’honorable préopinant est complètement dans l’erreur sur l’interprétation donner à ces mots : « et s’il n’a pas donné de délégation. » Je lui lirai un passage de son propre rapport qui le mettra sur la voie de la véritable valeur de ces expressions. Le rapport porte :
« La 6ème section a fait remarquer que dans les communes rurales l’échevin le plus ancien peut rester à une grande distance du centre, et qu’alors il peut être utile d’autoriser le bourgmestre de déléguer un autre membre du collège. »
C’est la délégation à un échevin et non à un membre du conseil communal que l’article 104 a en vue. Je persiste donc à croire l’honorable M. Dumortier dans l’erreur.
M. Doignon. - J’ai honneur de proposer la suppression de ces mots : « et s’il n’a pas fait de délégation. » Il n’est pas possible de donner au bourgmestre le droit de désigner lui-même celui qui doit remplir ses fonctions, lorsqu’il est absent ou empêché.
Ce fonctionnaire trouverait dans cette disposition le moyen de faire exercer dans la commune les fonctions de bourgmestre par telle personne qu’il lui plairait, et à cet effet il lui suffirait de se dire absent ou empêché.
Vous avez décidé que c’est au Roi qu’appartient la nomination du bourgmestre dans le sens du conseil. Or, ce serait porter atteinte à la prérogative royale que de permettre qu’en aucun cas un autre que le Roi ou la loi ait le choix de la personne qui doit remplacer le bourgmestre dans le cas dont il s’agit.
Un autre danger qui résulterait de cette disposition, c’est que le bourgmestre aurait toujours la faculté en se disant absent ou empêché, de se soustraire à l’exercice de sa charge ou de ne l’exercer que quand cela lui conviendrait.
Dans le cours des affaires communales, il se présente nombre de circonstances où les fonctions de bourgmestre doivent attirer des désagréments ou rencontrer des difficultés sérieuses. Eh bien, dans ces cas, il pourrait abandonner son poste et le remettre à qui bon lui semblerait. Vous voyez, messieurs, qu’il n’est pas possible de laisser à l’arbitraire d’un seul le choix du remplacement du bourgmestre, qu’il faut une règle invariable et appeler dans ce cas, comme le proposait le gouvernement, le plus ancien échevin dans l’ordre du tableau.
La section centrale a signalé un inconvénient tout à fait insignifiant et qui est exagéré. Il arrivera très rarement que le plus ancien échevin demeure tellement loin du centre de la commune qu’il ne puisse se rendre au jour fixé aux séances du conseil. D’ailleurs, le bourgmestre sait ordinairement d’avance quand il doit s’absenter, et il peut toujours en prévenir à temps son échevin ; et, au surplus quand le conseil devrait attendre une heure et même deux, cet inconvénient serait moins grave que ceux que nous venons d’indiquer.
Vous avez, par l’article 5 de la loi, autorisé les électeurs des petites localités à choisir hors de la commune un tiers des membres du conseil. D’après cette disposition, le Roi pourra appeler aux fonctions de bourgmestre des personnes qui n’habitent pas dans l’endroit. Mais ces bourgmestres sont ordinairement absents de la commune pendant presque toute l’année. Ces personnes ayant la faculté de désigner tel membre du conseil qui leur plaira, il s’ensuit que, dans le fait, les fonctions de bourgmestre seront exercées toute l’année par des personnes du choix de ces messieurs et non par les hommes du choix du Roi.
En d’autres termes, le choix des bourgmestres de fait dans ces communes appartiendrait réellement à ces fonctionnaires ; car ceux-ci feraient également leur choix dans le conseil, tandis que ce choix appartient au Roi seul. C’est là un inconvénient extrêmement grave. Au surplus, les anciens règlements n’accordaient pas aux bourgmestres de droit exorbitants. En cas d’absence ou d’empêchement, il était remplacé par le plus ancien échevin.
Il y a donc lieu de supprimer les mots : « S’il n’a pas fait de délégation. »
M. Pollénus. - Tout à l’heure, je cherchais à démontrer à la chambre que la proposition de la section centrale tendait à introduire deux innovations. Lorsque je fus interrompu par un de mes voisins, qui me disaient que je m’étais trompé, je le crus sur parole. En examinant la disposition de nouveau, je persiste à croire que je ne me trompais point.
En effet, pourquoi autorise-t-on le bourgmestre à donner sa délégation dans deux cas seulement, savoir : en cas d’alarme ou d’empêchement, tandis que les règlements antérieurs autorisaient la délégation sans restriction aucune, pour les actes de l’état-civil par exemple.
Je ne ferai qu’une seule observation, pour appuyer la proposition de l’honorable M. Doignon. Si l’on comprend l’article de manière à ce que l’on entende autoriser le bourgmestre à déléguer pour toutes les parties de ses attributions, il en résultera qu’il cherchera toujours à se débarrasser de la partie la plus désagréable, et qui souvent est la plus importante. Il en résultera que dans la plupart des communes rurales, les bourgmestres délègueront la police judiciaire qui ainsi se trouvera souvent dévolue à des hommes sans capacité. Je vous rappellerai que, dans l’état de la législation existante, cette délégation ne peut point se faire de la seule autorité du bourgmestre.
M. Legrelle. - Messieurs, je regrette de ne pouvoir adopter le retranchement proposé par l’honorable M. Doignon. La section centrale a déjà indiqué un cas, dans lequel l’échevin le premier nommé ne pourrait remplacer le bourgmestre. C’est quand cet échevin est domicilié loin du centre de la commune. Mais il est d’autres cas encore où cet empêchement a lieu ; par exemple, si cet échevin se livre à un commerce quelconque. Il est mille circonstances où il sera dans l’impossibilité physique ou morale de remplacer le bourgmestre. Il est donc nécessaire que celui-ci puisse donner sa délégation. Ce sont toutes ces raisons qui ont particulièrement frappé la section centrale.
On a objecté que l’article 104 laisse un pouvoir illimité au bourgmestre, celui de désigner qui bon lui semble pour le remplacer et ce pour un terme indéfini. Je ne m’oppose pas à ce que des limites soient posées. Je veux bien que l’on accorde au gouvernement ou à la députation le droit d’approuver la délégation. Ce qu’il me paraît seulement impossible d’admettre, c’est que l’on décide irrévocablement dans la loi par quel échevin le bourgmestre sera remplacé.
M. Dumortier, rapporteur. - Je crois qu’en conséquence du vote primitif de l’assemblée sur le mode de nomination des échevins nous ne pouvons laisser subsister ces mots : : « et s’il n’a pas donné de délégation. » Vous ne pouvez laisser au bourgmestre le soin de déléguer ses pouvoirs à l’échevin qu’il voudra désigner pour son remplaçant. Il faut que le choix du Roi qui aura nommé un premier, un deuxième, un troisième échevin soit respecté.
Je concevais très bien la faculté de délégation accordée au bourgmestre, lorsque la nomination des échevins devait se faire par le peuple. Maintenant que le premier vote de la chambre en a décidé autrement, la délégation ne peut subsister du moins provisoirement.
Mais l’on répond à nos objections : S’il arrivait que l’échevin le premier en rang habitât à une lieue de la commune, il serait dans l’impossibilité de remplacer le bourgmestre. Si cette raison est juste pour le remplaçant, elle doit l’être également pour le remplacé. Insérez donc dans la loi que le bourgmestre devra être choisi parmi les membres du conseil habitant dans un rayon d’un quart de lieue de la commune.
Le retrait du droit de délégation accordée primitivement au bourgmestre est une conséquence toute naturelle de ce que vous avez voté. Le mode de nomination des échevins par le Roi doit nécessairement l’amener. Si au second vote vous revenez sur la question de nomination des échevins, il faudra également revenir sur la question de délégation. Car ces deux questions sont corrélatives, et l’on ne peut changer l’une sans modifier l’autre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs,c’est à tort que quelques préopinants demandent la suppression de ces mots : « s’il n’a pas donné de délégation. » Je ne vois pas qu’il puisse résulter aucun abus de cette disposition. J’y trouve au contraire un avantage évident dans beaucoup de circonstances. L’honorable rapporteur de la section centrale a dit : « Mais si le bourgmestre désigne un échevin autre que celui qui se trouve le premier dans l’ordre de nomination, il viendra contrarier la volonté royale. » C’est une erreur, messieurs. Le rang d’ancienneté est tout à fait indépendant de la volonté royale. Si le Roi nomme deux échevins, et que le premier vienne à décéder, le second dans l’ordre de nomination arrive par ce décès au premier rang. Je dirai que ce serait bien plutôt contrarier la volonté royale que de refuser au bourgmestre la délégation que la section centrale elle-même lui avait accordée.
Veuillez bien remarquer, messieurs, qu’il ne s’agit pas ici de l’exercice même des fonctions de l’échevin. Il n’est question que du remplacement du bourgmestre chaque fois que celui-ci est absent ou empêché. Il faut bien que dans ce cas un autre soit chargé de remplir ses fonctions. Cette personne doit naturellement être choisie dans le collège des échevins. Il en est de même quand le gouverneur d’une province s’absente. Il donne sa délégation à un membre de la députation des états.
Si le gouverneur était obligé de se faire remplacer par le membre le plus ancien de la députation, il pourrait en résulter des inconvénients, parce qu’il ne serait pas certain que celui-ci possédât toutes les capacités nécessaires.
Cette observation, faite par l’honorable M. Legrelle, est très juste. Elle est applicable également aux communes. Le plus ancien échevin, dans l’ordre du tableau, n’est pas toujours celui qui remplacerait le plus convenablement, le plus utilement, le bourgmestre.
Il peut arriver que dans des circonstances critiques pour la commune, le bourgmestre se trouve malade et que le plus ancien échevin, à cause de son âge avancé ou par caractère, soit plus ou moins faible. Eh bien, le voilà cependant délégué de plein droit.
Quel motif a-t-on de craindre qu’on abuse de ce droit de délégation ? Le Roi peut choisir le bourgmestre dans tout le conseil, tandis qu’il ne nomme les échevins que sur la présentation du conseil.
Le choix du bourgmestre pour son délégué, est plus restreint que celui du Roi pour la nomination du bourgmestre lui-même, car le bourgmestre est choisi dans le conseil, tandis que le délégué doit être choisi dans le collège des échevins.
Il n’y a aucun motif fondé pour s’opposer à la proposition de la section centrale. C’est une mesure d’ordre que j’appuie vivement.
M. Doignon. - Le ministre se trompe, quand il dit que le choix du bourgmestre sera restreint dans le collège. L’article est rédigé de telle manière que le bourgmestre pourra choisir dans le conseil et fera exercer ainsi par qui bon lui semblera les fonctions de bourgmestre
Je dois répondre à une objection faite par l’honorable M. Legrelle et appuyée par M. le ministre. Il a demandé ce qui arriverait si le premier échevin ne pouvait pas remplir ses fonctions. Messieurs cette question est résolue par l’article même : en cas d’absence ou d’empêchement d’un échevin, il est remplacé par le membre du conseil le premier dans l’ordre du tableau, et ainsi de suite, etc. L’économie de l’article est telle que jamais les fonctions ne sont absolument vacantes. Il y a toujours quelqu’un pour les remplir. Ce que nous demandons est conforme à ce qui se pratique et aux anciens règlements. Voici comment est conçu l’article 16 du règlement du plat pays :
« En cas de maladie, absence ou autre empêchement, le bourgmestre est remplacé par l’assesseur le plus ancien en rang, et si celui-ci est aussi empêché, par celui qui le suit ; cet assesseur est alors remplacé aussi longtemps dans ses fonctions par le membre du conseil communal le plus ancien en rang. La même chose a lieu en cas de maladie, absence ou autre empêchement de l’un des assesseurs. »
Voilà, messieurs, ce qui a été suivi jusqu’à présent, et on n’a trouvé aucun inconvénient à cette manière de procéder. Je ne sais pourquoi on vient de s’écarter d’une route qu’on a toujours trouvée bonne.
J’ai déjà eu l’honneur de vous dire qu’il a été décidé à l’article 5 que, pour les petites communes, le bourgmestre pourrait être pris hors de la commune. Eh bien, ces communes auront pour bourgmestre des personnes qui seront absentes pendant presque toute l’année. Il suffira à ces messieurs d’indiquer dans le sein du conseil la personne qui devra les remplacer ; et de fait, les fonctions de bourgmestre ne seront remplies que par le conseiller délégué, qui sera ainsi l’homme du bourgmestre et non l’homme du choix du Roi.
Je suis étonné que M. le ministre soutienne un article aussi contraire à la prérogative royale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant a tiré des conséquences erronées de la disposition proposée par la section centrale. Il suppose que cette disposition laissera au bourgmestre la faculté de s’absenter quand il le voudra ; je le prie de remarquer que la section centrale n’introduit dans cet article aucune disposition relative à l’absence des bourgmestres. Ils ne pourront ni plus ni moins s’absenter que la disposition proposée soit ou non adoptée.
Quand même ce serait l’échevin le plus ancien qui devrait remplacer le bourgmestre, cela n’empêcherait pas celui-ci de passer une partie de l’année dans sa commune ; cette disposition n’a aucune influence sur ce point.
L’honorable préopinant a encore ajouté que, d’après le règlement du plat pays, c’était l’assesseur le plus ancien qui remplaçait le bourgmestre ; je ferai observer que nous faisons une loi nouvelle tout exprès pour améliorer les règlements existants et non pour perpétuer ce qui est. Cela est si vrai que si le gouvernement demandait en faveur du bourgmestre plus d’autorité qu’il n’en réclame, on s’écrierait : Non ! nous n’accorderons pas cette augmentation de pouvoirs : nous voulons bien innover, mais c’est afin de mettre l’organisation de la commune en harmonie avec l’esprit de notre constitution.
Aujourd’hui, aux améliorations présentées par la section centrale, avons-nous opposé les anciens règlements ? Nous nous en sommes bien gardés.
Quant à la question en elle-même, je soutiens qu’il vaut mieux ne pas établir dans la loi une règle de plomb ; qu’il ne faut pas y mettre : Le premier échevin, en rang d’inscription, remplacera le bourgmestre dans le cas où celui-ci serait empêché, absent, ou malade ; et qu’il faut laisser au bourgmestre le droit de choisir, pour le remplacer, celui des échevins qui mérite sa confiance.
Je ne veux pas profiter d’une rédaction obscure ; et comme je crains que l’article ne soit pas suffisamment clair, je proposerai d’écrire dans la loi : « En cas d’absence ou d’empêchement le premier échevin remplace le bourgmestre, à moins que celui-ci n’ait désigné un autre échevin pour le remplacer. »
- La proposition de M. Doignon, mise aux voix, n’est pas adoptée.
La proposition du ministre de l’intérieur, mise aux voix, est adoptée.
M. Dumortier, rapporteur. - Je crois qu’on pourrait rédiger ainsi la disposition : « En cas d’absence ou d’empêchement du bourgmestre, ses fonctions sont remplies par l’échevin le plus ancien en rang, à moins qu’il n’en ait délégué un autre.
M. le président. - Le principe est adopté sauf rédaction.
- L’ensemble de l’article 104, mis aux voix, est adopté.
La séance est levée. Il est près de 5 heures.