(Moniteur belge n°329, du 25 novembre 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure et demie.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse expose sommairement l’objet des pièces adressées à la chambre.
« Plusieurs bateliers de Namur demandent que la chambre prenne une disposition qui réduise les patentes de batelier à 10 centimes par tonneau sans distinction de diverses espèces de chargements.
- Renvoi à la commission chargée de l’examen du budget des voies et moyens.
« Les notaires de campagne de l’arrondissement de Diekirch (Luxembourg) demandent à pouvoir instrumenter hors de leurs cantons. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur M.-A. Bamps, à Hasselt, demande que dans la nouvelle loi communale il ne soit plus alloué de traitement aux membres les administrations communales. »
- Dépôt sur le bureau du président.
M. le président. - Dans la dernière séance la chambre est parvenue à l’article 75 du projet de la section centrale. Cet article relatif aux actes communaux soumis à l’autorité provinciale contient huit paragraphes ; M. Verdussen en propose un neuvième ainsi conçu : « Les règlements d’organisation et les comptes annuels des administrations des monts-de-piété.»
M. Donny. - Messieurs, j’appuie l’amendement de M. Verdussen. Je pense que le gouvernement ne doit intervenir en aucune manière dans les établissements des monts-de-piété ; je le pense parce que cette intervention ne peut être d’aucune utilité, et qu’au contraire elle peut donner lieu à de graves inconvénients.
L’intervention du gouvernement dans les établissements du mont-de-piété ne peut être utile, ai-je dit, et en effet dans les institutions d’intérêt purement local, comme le sont les monts-de-piété, la seule intervention utile est celle des autorités locales d’abord, et ensuite celle des autorités provinciales : ces autorités ont seules une connaissance assez complète des besoins des localités pour pouvoir intervenir d’une manière efficace. Quant au gouvernement, il ne connaît pas ces besoins ; ou s’il les connaît, c’est trop imparfaitement pour que son action puisse produire quelque bien.
Du moment que l’intervention du gouvernement n’a pas un caractère bien évident d’utilité, je ne puis la considérer que comme une simple mesure de centralisation ; et comme telle je dois la repousser.
J’ai dit que l’intervention du gouvernement pouvait avoir de graves inconvénients ; et mon opinion est basée sur l’expérience.
Le gouvernement du roi Guillaume a voulu s’immiscer dans les établissements des monts-de-piété. Il l’a fait, d’abord, par un arrêté contenant des bases organiques uniformes pour tout le royaume ; ensuite au moyen d’un règlement-modèle envoyé à toutes les administrations pour leur faire connaître de quelle manière on voulait qu’elles réglassent le service intérieur de leurs établissements.
Quant à l’arrêté organique, indépendamment des doutes qu’on peut élever sur sa constitutionnalité, il avait le défaut de n’être pas en harmonie avec les besoins des localités, puisque ces besoins diffèrent d’une localité à une autre et qu’il ne contenait que des dispositions uniformes pour tous les établissements ; en outre il avait le défaut de contenir des dispositions absolument inexécutables, du moins dans les localités que je connais.
Quant au règlement modèle, c’était un ramassis indigeste dans lequel on avait reproduit toutes les dispositions de l’arrêté organique, en y ajoutant une foule d’autres dispositions dont les unes étaient en contradiction manifeste avec le texte et l’esprit de l’arrêté, dont les autres étaient ridiculement puériles, dont d’autres en enfin étaient absurdes : c’était en un mot un travail si mauvais que le dernier employé d’un gouvernement provincial aurait rougi de se l’attribuer
Il est facile de concevoir que l’intervention du gouvernement exercée de cette manière devait jeter la perturbation dans toutes les administrations du mont-de-piété ; et c’est là en effet ce qui est arrivé.
J’ai maintenant à vous citer un fait qui vous prouvera jusqu’à quel point le gouvernement peut abuser du principe de l’intervention.
Une régence avait à nommer un directeur de mont-de-piété ; cette nomination lui était exclusivement attribuée par tous les règlements organiques ; et, ni le pouvoir central, ni les autorités provinciales, n’avaient le droit de s’immiscer dans cette nomination : cependant, le fonctionnaire qui, à cette époque, se trouvait à la tête de cette branche du service public, ayant appris que la régence n’était pas disposée à nommer une personne qu’il protégeait particulièrement, se permit d’écrire à la députation provinciale que si la régence ne voulait pas revenir de sa manière de voir à l’égard de son protégé, la députation provinciale devait la mettre à la raison.
Je traduis littéralement le texte hollandais de la dépêche. Je dois ajouter, à l’honneur de la députation provinciale et de la régence dont il s’agit, que la première n’a pas même essayé de mettre la seconde à la raison ; et que la régence, de son côté, était si peu disposée à se laisser mettre à la raison, qu’elle n’a pas accordé une seule voix au protégé du gouvernement.
Je crois en avoir dit assez pour montrer que l’intervention du pouvoir central est à la fois inutile et dangereuse, et je crois avoir justifié l’appui que j’accorde à l’amendement de M. Verdussen.
M. de Behr. - L’article 13 de l’arrêté d’octobre 1826 dit que la reddition des comptes des monts-de-piété se fait annuellement à l’administration locale : c’est en effet le mode qui a été toujours en vigueur jusqu’au moment actuel ; je ne sais pas pourquoi on veut dessaisir les municipalités de ce droit pour le faire entrer dans les attributions des conseils provinciaux. A Liége il y a un mont-de-piété dont les comptes ont toujours été rendus à la régence ; et je ne vois pas pourquoi on changerait ce qui existe. Je demanderai la division de l’amendement, et je voterai contre la partie de cet amendement relative à la reddition des comptes.
M. Verdussen. - Je crois qu’il est utile de conserver dans mon amendement la partie qui concerne la reddition annuelle des comptes des monts-de-piété. Nous voulons faire annuler l’arrêté du 31 octobre 1826, et notre amendement atteindrait ce but. L’article 10 de cet arrêté porte : « Les administrations des lombards font leurs fonctions sous l’administration des autorités locales, et sous la haute surveillance des administrations provinciales et du gouvernement. » C’est par suite de cet article que l’administration du mont-de-piété d’une grande ville a été obligé de soumettre ses comptes à l’autorité provinciale et de les envoyer au gouvernement.
L’article 13 invoqué par l’honorable préopinant est conçu en ces termes : « La reddition des comptes se fait annuellement à l’administration locale, et est arrêtée par elle dans les villes où une administration générale existe : on entend son avis sur les comptes avant de les arrêter. »
Par ce mode d’administration, je crois qu’on a toujours entendu la députation provinciale ; du moins c’est ainsi que cela a été interprété dans la ville que j’habite. C’est de cette ville que j’ai entendu parler quand j’ai dit que dans une ville, les comptes du mont-de-piété étaient soumis non seulement à l’administration communale, mais encore à l’administration provinciale et même à l’administration supérieure.
M. de Behr semble craindre que par mon amendement je ne retire à l’administration locale l’arrêt des comptes du mont-de-piété. Mais il n’en est pas ainsi, et ou peut s’en convaincre en jetant un regard attentif sur les termes dans lesquels est conçu mon amendement ; car il porte que les comptes des administrations des monts-de-piété seront soumis à l’approbation de l’autorité provinciale et comme c’est dans la loi communale que se trouve cette disposition, il est évident qu’on doit entendre ainsi cette disposition : que les comptes dont il s’agit, après avoir été arrêtés par l’autorité communale, seront transmis à l’autorité provinciale pour recevoir une approbation ultérieure.
J’avais dit que dans mon opinion l’administration des monts-de-piété n’était pas exclusivement communale. En effet, cette administration est communale, sous ce rapport que les produits doivent revenir aux administrations de bienfaisance telles que les hospices ; mais elle cesse d’être communale pour ce qui concerne la fixation du taux de l’intérêt auquel les prêts seront faits. Si l’administration provinciale n’était pas mise à même de juger que le taux est trop élevé, on pourrait craindre que l’administration communale, afin de se soustraire à la nécessité de voter de nouveaux impôts pour couvrir les dépenses des hospices, n’élève le taux de l’intérêt auquel seraient faits les prêts du mont-de-piété. Ce danger est très grave, car il aurait pour résultat de porter atteinte à l’intérêt que doivent nous inspirer les malheureux qui sont obligés d’avoir recours aux monts-de-piété.
Quand les bénéfices s’élèveront à un taux extraordinaire, il sera du devoir de l’autorité provinciale de faire des observations à l’autorité communale afin de faire baisser l’intérêt. Pour cela il faut que les comptes annuels des administrations de monts-de-piété soient soumis à l’approbation de l’autorité provinciale qui verra en même temps si des vices ou des abus ne se trouvent pas dans ces administrations.
M. Pollénus. - J’avais compris l’amendement de M. Verdussen comme il vient de l’expliquer, qu’il n’entendait pas soustraire à l’administration locale l’arrêté des comptes des monts-de-piété, mais seulement soumettre cet arrêté à l’inspection des autorités provinciales. Ainsi les observations de M. de Behr ne s’appliquent pas directement à l’amendement. L’honorable M. Verdussen a dit qu’il avait eu surtout en vue de mettre hors d’effet un arrêté du roi Guillaume du 31 octobre 1826. Je crois devoir faire une observation sur cet arrêté.
M. Verdussen paraît croire que cet arrêté a force de loi. Pour ma part, j’en doute et voici pourquoi : L’arrêté du 31 octobre 1826 contient des pénalités et différentes dispositions sur le taux de l’intérêt et sur la manière dont se perdent irrévocablement les gages.
Il ne s’agit pas seulement dans cet arrêté de règlements d’administration ; mais on y dispose de la propriété des particuliers.
Cet arrêté, je crois, n’a jamais été publié en Belgique ; je pourrais même l’affirmer, car j’ai eu occasion de faire des recherches à cet égard, et mes recherches ont été infructueuses. Dès lors, pour ce qui concerne les dispositions relatives aux droits des particuliers, M. Verdussen se trompe, quand il dit que son amendement a pour objet de mettre cet arrêté hors d’effet, car il n’en a jamais eu, et il ne pourrait en avoir que pour autant qu’il aurait été publié.
Je pense d’ailleurs que les objets énumérés par M. Verdussen devraient faire l’objet d’une loi. Car une loi seule peut disposer de la propriété des particuliers et établir des pénalités. Quant aux simples règlements organiques, je suis d’accord avec lui.
M. de Behr. - Je n’avais, en effet, pas bien compris l’amendement de M. Verdussen ; je croyais qu’il s’agissait de dessaisir l’autorité communale de la surveillance des comptes des monts-de-piété.
A cet égard je ne suis trompé ; mais l’amendement n’introduit pas moins une sorte d’irrégularité.
D’après l’arrêté, les monts-de-piété sont assimilés aux établissements de bienfaisance, car l’article 65 porte :
« Les lombards sont placés sur la même ligne que les bureaux de bienfaisance et les hospices. » Leurs comptes sont approuvés par les conseils de régence, et jamais on ne les a soumis à l’approbation provinciale. C’est aussi ce que porte l’article 77 du projet de loi communale : « Le conseil de régence arrête les comptes des administrations des hospices et bureaux de bienfaisance de la commune. »
Or, si le mont-de-piété est placé sur la même ligne que les bureaux de bienfaisance, il y aura une sorte d’irrégularité à faire intervenir la députation dans ses comptes, alors qu’elle n’intervient pas dans ceux des hospices et bureaux de bienfaisance.
Je persiste donc dans mon opinion.
M. Milcamps. - Je vais répondre quelques mots aux observations présentées par M. de Behr.
Il existe aussi dans ma ville un mont-de-piété. Ce mont-de-piété a été organisé en vertu de règlements approuvés par un arrêté de l’ancien gouvernement. Mais, quant aux comptes, ils sont rendus directement à la régence qui les approuve. Jamais la régence de Nivelles n’a transmis ces comptes à la députation des états. Il en est de même des comptes des bureaux de bienfaisance ; jamais on ne les a soumis à la députation provinciale. Si on devait lui soumettre les comptes du mont-de-piété, il y aurait les mêmes raisons pour lui soumettre ceux des établissements de charité, et puisque sous l’ancien gouvernement on n’exigeait pas cette approbation. Je ne vois pas pourquoi nous voudrions aujourd’hui pousser plus loin les précautions.
Quand une commune veut établir un mont-de-piété, les règlements organiques doivent, en vertu d’une loi, être soumis à l’autorité royale, mais les comptes de ces établissements ne sont réglés que par l’autorité communale.
Vous savez que quand des communes ont placé des fonds dans un mont-de-piété, elles ne peuvent les retirer sans une autorisation des états. Il y aurait peut-être quelque chose à faire à cet égard.
Messieurs, plusieurs fois vous avez renvoyé des amendements à la section centrale ; celui dont nous nous occupons me paraît assez important pour lui être renvoyé ; j’en fais la proposition.
M. Dubus. - Je ne pense pas qu’il y ait lieu de renvoyer l’amendement dont il s’agit à la section centrale. Cet amendement a été présenté à la séance du 19 novembre ; chacun de nous a eu le temps de l’examiner. Cet amendement a deux objets : les règlements organiques et les administrations des monts-de-piété. M. Verdussen propose de soumettre les uns et les autres à l’approbation de la députation des états. Sur le premier point je partage son avis. Mais je ne le partage pas quant à la seconde.
Le gouvernement déchu avait soumis les règlements des monts-de-piété à l’approbation royale, et je crois que le préopinant vient d’émettre l’opinion qu’il y avait encore lieu à soumettre ces règlements à l’approbation royale. Pour moi, je ne le pense pas ; je crois qu’on peut supprimer cette disposition sans inconvénient et que l’approbation de la députation provinciale peut suffire ; on pourrait même se contenter de la disposition générale de l’article 76 du projet de la section centrale, d’après lequel tous les règlements sont transmis par le conseil à la députation permanente, qui veille à ce que ces règlements ne puissent pas être contraires aux lois et aux règlements d’intérêt général.
L’article ajoute que ces règlements sont abrogés de plein droit si, par suite, il est statué sur les mêmes objets par des lois ou règlements d’administration générale.
Je crois que nous avions là une garantie suffisante. On fait quelque chose de plus, on exige l’approbation expresse de la députation ; je ne sais pas ce qu’on pourrait demander encore.
Mais, d’ailleurs, il y a des lois qui pourront s’occuper de ces matières ; il y a des règlements d’administration générale qui pourront les traiter. Il est reconnu que les règlements des régences ne peuvent contenir des dispositions contraires aux lois existantes, et qu’ils sont annulés de plein droit du moment qu’ils sont en opposition avec les règlements d’administration générale. D’ailleurs, la députation permanente, avisera à ce que les règlements d’administration générale soient observés, et en supposant que ce corps se prêtât aux déviations des règlements communaux, le pouvoir royal serait là en définitive pour annuler les actes de la députation.
Par conséquent, s’il y avait abus, l’abus serait redressé. Il n’y a pas plus de raison d’exiger l’approbation par la députation des règlements organiques des monts-de-piété que d’exiger l’approbation de tous les règlements des administrations dépendant des autorités communales. On pourra toujours donner cette raison : ces règlements pourraient être contraires aux lois. Il faut donc que le gouvernement s’assure par lui-même qu’elles n’ont pas été violées. Tout aboutirait de cette manière au pouvoir central qui contrôlerait et réviserait. Aussi il serait plus simple de le déclarer et de diminuer les rouages administratifs en supprimant les autorités intermédiaires entre le gouvernement et la commune.
Pour ce qui est de la deuxième partie de l’amendement de M. Verdussen, en ce qui concerne les comptes annuels des monts-de-piété, je partage complètement l’opinion de l’honorable M. de Behr. Je crois qu il y aurait anomalie si l’on exigeait pour ces comptes l’approbation de la députation permanente, alors qu’on ne l’exige pas à l’égard des comptes des bureaux de bienfaisance. Je ferai remarquer que dans beaucoup de localités les monts-de-piété ne forment qu’une même administration avec l’administration des hospices.
On donne pour raison qu’il pourrait s’élever des abus dans le taux de l’intérêt. Mais je crois me souvenir que ce sont les règlements qui vont parer à ces sortes d’abus, et que c’est là que l’on doit y trouver un remède. C’est à coup sûr dans les règlements que l’on posera la limite que l’intérêt ne pourra dépasser. Si l’on donne pour raison que les règlements pourront être violés, ce serait un motif que l’on pourrait avancer pour soumettre à un contrôle supérieur tout acte quelconque des administrations de charité sous le prétexte de leur non-exécution.
D’ailleurs, messieurs, il y a un moyen bien simple de parer à tous les inconvénients qu’on signale. Il suffit que la députation permanente ait le droit de se faire produire à titre de renseignements les actes des établissements de charité pour qu’il ne puisse exister d’abus.
Ces établissements ne peuvent, d’après la loi provinciale que nous avons votée, refuser de pareilles communications. La députation permanente s’assurera donc pour elle-même de l’exécution des règlements. Il y a toujours moyen de veiller à l’exécution des lois, sans faire un nouveau pas vers la centralisation.
Je me prononcerai donc contre la partie de l’amendement de M. Verdussen qui a rapport à l’approbation des règlements organiques des monts-de-piété, et pour le sous-amendement de M. de Behr relatif aux comptes de ces administrations.
M. Milcamps. - Je sais bien que, d’après l’article 73 de la loi en discussion, ce conseil règle tout ce qui est d’intérêt communal, et qu’il suffit que les règlements soient envoyés pour notification à la députation pour qu’ils soient en vigueur. Cette disposition avait été prise dans les anciens règlements. Mais il est à remarquer que lorsque les autorités communales font des règlements de police, il existe des lois qui fixent les objets sur lesquels les règlements doivent porter. Les lois ont déterminé les objets confiés à la vigilance de la police municipale. Relativement aux monts-de-piété, il en est de même. Les monts-de-piété n’ont été établis que pour s’opposer au fléau de l’usure. Ces établissements sont autorisés à stipuler un intérêt extra-légal : 12 p. c. dans certains endroits, 15 p. c. dans d’autres.
Si vous abandonnez purement et simplement aux conseils communaux le droit d’établir des monts-de-piété, ils pourront établir un intérêt de 15 et même de 20 p. c., lorsque les frais sont considérables ; ils pourront stipuler un intérêt exorbitant. Il me semble que la société en général est intéressée à ce que l’autorité supérieure ne soit pas étrangère à la formation des règlements organiques des monts-de-piété.
Cependant, comme nous n’avons pas sous les yeux les documents relatifs à ces établissements, je pense que nous ne pouvons actuellement émettre un vote sur l’amendement de l’honorable M. Verdussen. Quant à moi, je ne suis pas prêt à décider la question tout à fait en connaissance de cause.
M. Verdussen. - Je croyais avoir prévenu les observations de l’honorable M. de Behr dans le discours que j’ai prononcé au sujet de mon amendement. Je ne les réfuterai pas. Quant à celles qu’a faites l’honorable M. Milcamps, je pense qu’il donne aux règlements organiques des monts-de-piété une portée que ces mots n’ont pas.
Je crois qu’aux termes du décret impérial du 24 messidor an XII, l’établissement d’un mont-de-piété appartient toujours au pouvoir central comme rentrant dans la catégorie des objets qui intéressaient la morale publique. Mais, une fois que le gouvernement a reconnu l’utilité d’un pareil établissement dans une localité, c’est alors seulement que le règlement organique en est formé, et ce n’est que dès lors que je demande qu’il soit soumis à la députation des états.
Je répèterai ce que j’ai dit dans une séance précédente à l’égard de la différence qu il y a entre les monts-de piété et les autres établissements communaux. Je crains toujours l’influence d’une autorité qui a un intérêt direct dans les bénéfices des monts-de-piété. Je crains toujours que si les comptes de l’établissement ne sont pas soumis à l’approbation d’une autorité supérieure, personne dans le sein du conseil communal ne sera tenté de baisser le taux de l’intérêt.
L’on a dit que les règlements organiques régleraient la limite du taux du l’intérêt. Mais ce taux doit baisser en raison de l’importance des opérations auxquelles se livrent ces établissements.
Quand un mont-de-piété est nouvellement ouvert, il y a plus de frais à couvrir ; le taux de l’intérêt est par conséquent plus élevé. Si les règlements organiques devaient fixer une limite immuable, les malheureux n’auraient jamais l’espoir de voir l’intérêt diminuer. C’est pour atteindre ce but que je demande que l’approbation de la députation des états soit applicable et à la formation des règlements organiques et aux comptes annuels des monts-de-piété.
- le renvoi à la section centrale est mis aux voix, il n’est pas adopté.
La première partie de l’amendement de M. Verdussen est mise aux voix et adoptée ; elle est ainsi conçue :
« Les règlements organiques des administrations des monts-de-piété. »
La deuxième partie de l’amendement, ainsi conçu : « et les comptes annuels » est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée. En conséquence le paragraphe se compose de ces seuls mots : « Les règlements organiques des administrations des monts-de-piété. »
M. le président. - La chambre a encore à statuer sur le paragraphe dixième du projet du gouvernement qui n’est pas reproduit dans celui de la section centrale ; il est ainsi conçu :
« Les budgets et comptes qui doivent leur être présentés par les administrations des pauvres, établissements de bienfaisance et de charité, ainsi que les autres institutions qui recevraient ou demanderaient un subside. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). -Je consens à ce qu’on diffère la discussion de ce paragraphe jusqu’à ce qu’on soit arrivé à l’article 77 du projet de la section centrale, sans toutefois me rallier à la rédaction de cet article.
Je dois déclarer en outre que si je consens à ce que les budgets et les comptes ne soient pas soumis à l’approbation de la députation, il est bien entendu que je proposerai un article destiné à faciliter les réclamations des administrations de bienfaisance, lorsqu’il s’élèvera des difficultés entre elles et les administrations des villes.
M. de Nef. - Je demande que le n°10 du projet du gouvernement soit maintenu, au moins pour les communes au-dessous de 3,000 âmes. Je partage l’opinion de ceux qui veulent donner aux administrations des communes toute liberté qui est compatible avec les vrais intérêts de leurs habitants ; mais si, dans le cas dont il s’agit, vous abandonnez la comptabilité des bureaux de bienfaisance, qui demandent des subsides aux administrations communales, sans surveillance aucune, je crains que des dilapidations ne soient pas rares dans quelques communes rurales, et que, dans d’autres, une économie trop sévère présidera aux distributions. J’y ajouterai que très souvent les comptes ne seront pas régulièrement rendus.
M. H. Dellafaille. - Je ferai observer qu’en supposant même le maintien de ce paragraphe, il y aurait toujours lieu de l’ajourner jusqu’à la discussion de l’article 77. Il n’y a aucune raison de soumettre à la députation les budgets et les comptes des établissements de bienfaisance subsidiés par les communes, lorsqu’il y a accord entre eux et ces communes. Ce n’est évidemment que lorsqu’il y a désaccord qu’il y a lieu à l’intervention de la députation. J’appuie l’ajournement demandé par M. le ministre.
M. de Nef. - J’y consens.
- Le dixième paragraphe est ajourné.
M. le président. - Comme il y a encore un paragraphe de cet article sur lequel la section centrale doit faire son rapport, nous ne pouvons voter l’ensemble de l’article 75. Nous passons à l’article suivant.
M. le président. - Il est ainsi conçu dans le projet du gouvernement ; dans celui de la section et dans l’amendement de M. Pollénus.
« Art. 77 (projet du gouvernement). Le conseil peut faire des règlements municipaux d’administration intérieure et ordonnances de police.
« Les règlements et ordonnances ne peuvent porter sur des objets déjà régis par des lois ou règlements d’administration générale. Ces règlements et ordonnances sont abrogés de plein droit si dans la suite il est statué sur les mêmes objets par des lois ou règlements d’administration générale.
« Le conseil en transmet des expéditions à la commission permanente, dans les quarante-huit heures qu’ils auront été arrêtés.
« Ces ordonnances et règlements, signés par le bourgmestre et contresignés par le secrétaire, seront, s’il y a lieu, publiés au nom des bourgmestres et échevins, et il y sera fait mention qu’ils ont été arrêtés par le conseil.
« Les conseils municipaux peuvent statuer des peines contre les infractions à leurs ordonnances, pour autant qu’une loi n’en ait pas fixé. Ces peines ne peuvent excéder une amende de 50 fr. et un emprisonnement de trois jours, ou, si la commune compte moins de 5,000 habitants, une amende de 25 fr. et un jour d’emprisonnement, soit séparément, soit cumulativement.
« Ces règlements ne pourront être admis à exécution sans avoir préalablement été approuvés par le roi, sur l’avis de la députation permanente du conseil provincial. »
« Art. 76 (projet de la section centrale). Le conseil fait les règlements communaux d’administration intérieure et les ordonnances de police.
« Ces règlements et ordonnances ne peuvent être contraires aux lois, aux règlements d’administration ; ils sont abrogés de plein droit, si par la suite il est statué sur les mêmes objets par des lois, ou règlements d’administration générale. Le conseil en transmet, dans les quarante-huit heures des expéditions à la députation permanente.
« Les conseils de régence peuvent statuer des peines contre les infractions à leurs ordonnances, à moins qu’une loi n’en ait fixé. Ces peines ne pourront excéder une amende de 50 francs ou un emprisonnement de trois jours, soit séparément, soit cumulativement. »
« (Rédaction amendée proposée par M. Pollénus) Le conseil fait les règlements communaux d’administration intérieure et les ordonnances de police.
« Ces règlements et ordonnances ne peuvent porter sur des objets régis par les lois ou par les règlements d’administration générale ou provinciale ; ils sont abrogés de plein droit si dans la suite il est statué sur les mêmes objets par une loi ou par un règlement d’administration générale.
« Le conseil de régence peut établir pour leur exécution des peines qui n’excèdent point trois jours d’emprisonnement et 50 fr. d’amende.
« Les règlements et ordonnances seront signés par le bourgmestre et contresignés par le secrétaire.
« Ils sont publiés dans la forme suivante : « Le conseil de régence de … province de … arrête ou ordonne. »
« Le conseil en transmet dans les 48 heures expédition à la députation permanente.
« Ces règlements et ordonnances deviennent obligatoires le cinquième jour après leur publication, sauf le cas où le délai aurait été abrégé par le règlement ou l’ordonnance.
« Expéditions des ordonnances de police seront immédiatement transmises au greffe du tribunal de première instance et à celui de la justice de paix, où elles seront transcrites sur un registre à ce destiné. Mention de ces ordonnances sera insérée au mémorial administratif de la province. »
La discussion est ouverte sur le premier paragraphe de cet article.
M. Pollénus. - Les dispositions de cet article correspondent à trois dispositions que la chambre a adoptées dans le projet de loi d’organisation provinciale. Je crois qu’il y a lieu d’adopter pour les conseils communaux les dispositions que la chambre a sanctionnées pour les conseils provinciaux. Tel a été le motif qui m’a déterminé à présenter mon amendement.
M. de Brouckere. - Je crois que, dans ce paragraphe, il est nécessaire d’ajouter après le mot « police » le mot « communale. » Vous ne pouvez laisser dans l’article les termes généraux qui s’y trouvent. Il est incontestable qu’aucune autre autorité ne peut faire des règlements municipaux d’administration intérieure ; mais on ne peut nier que d’autres autorités ont le droit de faire des ordonnances de police, et que le conseil ne peut faire que des ordonnances de police communale. Cela est si vrai, que les paragraphes suivants du même article parlent d’ordonnances de police émanées d’une autorité autre que celle de la commune. Je demande donc que le mots « communale » soit ajouté à la fin du paragraphe.
M. Pollénus. - Je me rallie à la proposition de l’honorable préopinant. Il était sans doute dans l’intention de la section centrale, comme cela est dans la mienne, qu’il ne s’agit dans cet article que de police municipale.
- L’amendement de M. de Brouckere est mis aux voix et adopté.
Le premier paragraphe du projet de la section centrale ainsi amendé est adopté.
M. le président. - La chambre passe à la discussion du deuxième paragraphe.
M. Pollénus. - Ma proposition relativement à ce paragraphe tend à ajouter après les mots « règlements d’administration générale » ceux « ou provinciale. » Je ne dirai que deux mots pour justifier la proposition de cette addition.
Si je me réfère au projet de loi d’organisation provinciale, je vois que les conseils provinciaux ont le droit de faire des règlements de police. Il est impossible de concilier cette disposition avec celle de la loi communale, si l’administration communale peut faire des règlements sur des objets déjà régis par cette autorité supérieure. On me répond : « Il s’agira de police provinciale ; » mais, répondrai-je, ces règlements pourront se rapporter à la police des communes, et dans ce cas vous ne pouvez autoriser ces communes à prendre des dispositions contraires aux règlements de police provinciale. La même raison qui vous empêche d’autoriser les communes à faire des règlement sur les objets régis par l’administration générale, doit s’appliquer aux règlements de l’administration provinciale. C’est le seul motif de l’addition que j’ai l’honneur de vous proposer.
M. de Brouckere. - Je ne m’oppose pas à ce qu’on ajoute le mot « provinciale, » ainsi que le propose l’honorable préopinant. Mais je pense qu’il faut supprimer toute la deuxième partie du paragraphe, c’est-à-dire à partir des mots : « ils sont abrogés de plein droit. »
Le gouvernement propose de dire que les règlements ne peuvent porter sur des objets déjà régis par des lois ou règlements d’administration générale. La section centrale a très bien compris que le gouvernement allait trop loin. En effet, il peut arriver, il arrivera même très fréquemment que les règlements des conseils communaux s’appliquent à des objets déjà régis par des lois et règlements d’administration générale. Il faut seulement que les règlements communaux ne soient pas contraires à ces lois et règlements. La section centrale a donc avec raison proposé une rédaction nouvelle portant : « Ces règlements et ordonnances ne peuvent être contraires aux lois, aux règlements d’administration générale. »
Qu’on ouvre seulement le code de simple police, et on verra sur combien d’articles se fonde la nouvelle rédaction de la section centrale. Ce code commine une amende pour défaut de nettoyage de cheminées et de réparation des usines. Suit-il de là qu’une disposition d’un conseil communal ne peut régler les réparations et le nettoyage des cheminées ni ce qui est relatif aux usines ? En aucune façon. Il suffit que ces dispositions ne soient pas contraires au code de simple police.
La rédaction de la section centrale, quant à la première partie de ce paragraphe, vaut donc mieux que celle du gouvernement.
Mais, me semble-t-il, la section centrale, dans la second partie du même paragraphe, ne s’est pas montrée conséquente avec elle-même ; elle est ainsi conçue : « Ils sont abrogés de plein droit si, par la suite, il est statué sur les mêmes objets par des lois, ou règlements d’administration générale. » Il ne faut pas que les règlements d’administration communale soient abrogés par cela seul qu’ils traitent la même matière ; il faut qu’en même ils soient contraires à ce qui est prescrit par ces règlements d’administration générale. Il suffit donc de la première partie de l’article.
Je ne sais si je me fais comprendre. (Oui, oui.) Il me semble qu’il est plus clair et plus conséquent de supprimer la deuxième partie de l’article, et de le borner à ces mots : « Les règlements et ordonnances ne peuvent être contraires aux lois, aux règlements d’administration générale. »
Il va sans dire que les règlements communaux antérieurs ou postérieurs à un règlement d’administration générale, par cela qu’ils lui sont contraires, sont abrogés de plein droit.
M. H. Dellafaille. - L’honorable député de Bruxelles vient de prouver à l’évidence, selon moi, qu’il y a lieu de maintenir la rédaction de la première partie de l’article de la section centrale. Il y a une différence notable entre les règlements de police d’administration générale ou provinciale et les règlements de police émanant de l'administration communale. Comme le gouvernement, l’administration provinciale ne régie les objets que dans leur ensemble. Les municipalités, au contraire, traitent des intérêts privés de la commune. Il est une foule de circonstances sur lesquelles le conseil provincial ne peut statuer, et sur lesquelles il appartient au conseil communal de prononcer.
Ainsi, en ce qui concerne les convois de poudre, c’est au conseil communal et non au conseil provincial qu’il incombe de prendre les mesures nécessaires pour qu’ils passent par une rue plutôt que par une autre, par un canal.
De même pour la navigation, un conseil provincial la fixe à tel jour ; le conseil communal en déterminera l’heure. Je dis donc qu’on ne peut interdire aux conseils communaux de régler des objets régis par des règlements émanés de l’autorité centrale ou provinciale, mais seulement de les régler dans un sens contraire à ces règlements.
Quant a la deuxième partie de l’article, je pense avec l’honorable M. de Brouckere qu’elle est inutile et qu’il n’y a aucun inconvénient à en supprimer.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je désire donner à la chambre quelques explications sur la portée que le gouvernement accorde à cette disposition. Elle a été longuement méditée dans la commission nommée par le Roi pour préparer les projets de loi provinciale et de loi communale.
Il y avait dans le sein de cette commission d’habiles jurisconsultes qui se sont spécialement occupés de la question en discussion. C’est pour lever les doutes qui avaient été soulevés que la commission a cru devoir proposer la rédaction du projet, rédaction que la chambre a déjà admise dans la loi provinciale, article 85, portant : « Les règlements et ordonnances ne peuvent porter sur des objets régis par les lois ou ordonnances de l’administration générale. »
De même ici la commission a proposé de dire : « Les règlements et ordonnances ne peuvent porter sur des objets déjà régis par des lois ou règlements d’administration générale. Ce n’est pas à dire qu’ils ne peuvent traiter des matières déjà régies par ces lois et règlements, mais qu’ils ne peuvent ajouter à la pénalité que prononcent ces lois.
Ainsi, dans le cas de transport de poudre, supposé par l’honorable M. H. Dellafaille, si l’administration locale ajoute une peine à celle établie par les règlements de l’administration générale pour les transports de ce genre faits en contravention à ces mêmes règlements, le règlement local sera sans vigueur.
Quant à ce qu’a dit le même orateur de la désignation par le conseil communal des rues par lesquelles les convois de poudre devront passer, je ferai remarquer que ceci est en dehors des règlements généraux.
Mais si un fait prévu par un règlement local vient ensuite à être prévu par un règlement de l’autorité supérieure, l’ordonnance locale cessera de recevoir son application. Il faut distinguer la matière et l’objet. Il faut distinguer 2 polices : une police communale et une police d’administration générale. Sous ce dernier rapport le conseil communal ne peut pas ajoutera à la loi.
M. de Brouckere. - J’ai très bien compris l’explication de M. le ministre de l’intérieur, et assurément la disposition entendue comme il l’a expliquée ne présente pas d’inconvénients. Mais qu’on lise cette disposition, et je pose en fait que pas une seule personne ne l’interprétera comme M. le ministre l’a interprétée. Il faut, dit M. le ministre, distinguer les matières et les objets. Mais, lors de la mise à exécution de la loi communale, il faudrait qu’un membre de la commission expliquât, chaque fois qu’il en serait besoin, cette distinction subtile, et dît : Là il y a des matières, ici il y a des objets. La loi ne pourrait être comprise sans des commentaires explicatifs.
La disposition dit autre chose que ce que le gouvernement a voulu lui faire dire. M. le ministre veut que, lorsqu’une contravention aura été prévue par une administration générale, le règlement d’administration communale ne puisse prononcer contre le même fait une peine plus forte.
Eh bien, messieurs, il est inutile de faire une disposition pour cela. Je pense qu’il n’y a pas de conseil communal, quel qu’il soit, qui ne sache qu’il ne lui appartient pas de prononcer une autre peine que celle établie par la loi. Cela va de droit. Mais d’après votre disposition, telle qu’elle est rédigée, il suffira qu’un objet ou une matière quelconque ait été prévue par une loi, pour qu’aucun conseil communal ne puisse s’occuper du même objet ou de la même matière.
Il vaudrait autant défendre aux conseils communaux de faire des règlements de police ; car, quels que soient les règlements qu’ils voudront faire, ils toucheront à des matières qui auront été traitées dans des lois générales. Lisez l’énumération des contraventions prévues par le code de simple police, vous verrez que ce que j’avance est parfaitement exact.
M. le ministre a soutenu la rédaction du gouvernement, mais il ne nous a pas démontré que celle de la section centrale fût vicieuse. Il dit qu’il faut empêcher que dans aucun cas un conseil communal puisse rien faire de contraire à une loi. Cela ne me paraît pas devoir être prévu. Si un conseil communal se permettait de substituer à une peine de 5 francs d’amende une peine plus forte, cette peine serait contraire à l’esprit du législateur, car le législateur qui n’a prononce qu’une peine de 5 fr. d’amende contre une contravention n’a pas cru qu’on dût aller au-delà. Or, si un conseil communal voulait dire : Je punis ce fait de 10 francs d’amende, il aurait agi d’une manière contraire à la loi, en allant plus loin que la loi ; alors sa décision ne devrait pas être respectée.
Je persiste à croire qu’il faut maintenir la première partie de la section centrale et supprimer la seconde. Il n’y a aucun inconvénient a craindre, tout ce qui doit être prévu sera prévu.
Je suis bien aise d’avoir entendu un honorable membre de la section centrale appuyer mon opinion.
M. H. Dellafaille. - Je demande la parole pour faire une simple observation. M. le ministre de l’intérieur craint que le conseil de régence ne stipule des peines plus fortes que celles portées par la loi. Le dernier paragraphe de l’article de la section répond à cette crainte : « Les conseils de régence peuvent statuer des peines contre les infractions à leurs ordonnances, à moins qu’une loi n’en ait fixé. »
M. Pollénus. - J’avais aussi interprété le projet du gouvernement comme vient de le faire le ministre de l’intérieur. En adoptant sa rédaction, je ne fais que reproduire l’article 85 de la loi provinciale. Je crois me rappeler que, d’après les explications données lors du vote de cet article, il n’existait aucun doute sur sa portée.
Ce qui m’a surtout déterminé à adopter le projet du gouvernement, c’est qu’il me semblait faire tout ce qui était possible pour augmenter la force morale des lois ; car, en ayant l’air de douter de leur droit de délibérer sur des matières réglées par des lois, on les encourage à délibérer sur ces matières et il en résulte de graves inconvénients. Je pense qu’il faut toujours éviter de provoquer ces sortes de délibérations.
Mais, dit-on, il est inutile de dire aux régences qu’elles ne peuvent pas s’occuper d’objets qui sont réglés par les lois. Non, messieurs, cela n’est pas inutile ; et le député d’Alost vous l’a prouvé, lorsqu’à la dernière séance il vous a donné connaissance d’un arrêté de la régence de Gand évidemment contraire à la loi. Il n’est donc pas inutile d’interdire aux régences de s’occuper d’objets réglés par des lois, puisque nous avons vu la régence d’une des premières villes du royaume annuler par un arrêté les effets bienfaisants ou fâcheux, suivant la manière de les envisager, des latitudes accordées aux distillateurs. Quand le législateur s’est occupé d’un objet d’une manière spéciale, il faut faire comprendre aux régences qu’elles doivent s’en rapporter à ce qu’a fait le législateur. Agir autrement serait diminuer la force morale des lois.
Les régences, dit-on, n’établiront pas de peines plus fortes que celles portées par la loi : non, mais elles en établiront d’autres.
Messieurs, comme je l’ai déjà dit, vous avez adopté une disposition correspondante dans la loi provinciale. C’est un motif puissant pour admettre ici la proposition du gouvernement, car cette proposition consacre un vote précédemment émis par vous.
M. Dumortier, rapporteur. - Je pense que le préopinant n’a pas remarqué la différence qui existe entre l’organisation provinciale et l’organisation municipale, différence qui a motivé celle des deux projets de loi.
L’autorité provinciale est en quelque sorte un diminutif du pouvoir de l’Etat. Elle règle non pas les intérêts de telle ou telle localité, mais de beaucoup de localités. Ses ordonnances ont donc cela de commun avec les lois générales qu’elles se rapportent à une foule d’intérêts différents. Les règlements d’administration locale, au contraire, sont des règlements exclusivement locaux.
L’erreur de l’honorable préopinant vient de ce qu’il a confondu les règlements provinciaux et les règlements locaux qui, différant de nature, doivent aussi différer dans leurs dispositions.
Il n’est pas inutile, dit-il, de défendre aux régences de s’occuper d’objets réglés par des lois. Mais alors, que restera-t-il à faire aux régences ? Vous savez que, dans l’arsenal des lois françaises, il y a 44 mille lois qui se sont occupées de tout indistinctement. D’après le système du préopinant, les régences n’auraient absolument plus rien à faire. Si l’honorable membre disait que les administrations communales ne pourront pas dans leurs règlements insérer de dispositions contraires aux lois en vigueur, je le concevrais ; mais il ne veut pas qu’elles puissent rendre des ordonnances concernant des objets sur lesquels une loi a déjà porté, quelle que soit la nature de cette loi.
Mais les 44 mille lois françaises, pour avoir porté sur toutes les matières possibles, n’en ont pas réglé tous les points. Il reste une foule de questions locales sur lesquelles ces lois n’ont pu rien stipuler. Il faut que l’autorité communale y pourvoie. Je suppose par exemple qu’un convoi de poudre doive demain traverser une ville, il existe des lois générales qui ont réglé en termes généraux ce qu’on doit faire, mais dans chaque localité il peut y avoir des précautions particulières à prendre ; eh bien, par votre disposition, vous interdiriez à la régence de faire une ordonnance sur un point aussi important qui peut compromettre la sûreté de toute une ville.
Voilà la différence qui existe entre l’article de la section centrale et celui du gouvernement qu’appuie le député de Hasselt.
La section centrale autorise les conseils de régence à faire des règlements, pourvu que ces règlements ne soient pas contraires aux lois, tandis que le gouvernement ne veut pas qu’ils puissent faire des règlements sur les objets ou matières prévues par des lois.
Or, comme il n’est pas d’objet ou matière dont il ne soit question dans l’immense arsenal des lois françaises, il en résulte que le pouvoir de faire des règlements accordé aux régences est nul.
Mais, dira-t-on, les régences pourraient établir des pénalités, des amendes plus fortes que celles prononcées par la loi ; il en résultera qu’il y aura deux législations, et par conséquent conflit. C’est une erreur, cela ne peut pas avoir lieu ; et pour le prétendre, il faut avoir oublié le texte de l’article 107 de la constitution.
Le texte en est extrêmement clair : « Les cours et tribunaux n’appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu’autant qu’ils seront contraires aux lois. »
Si donc un règlement quelconque établissait une disposition contraire aux lois, le devoir des tribunaux, des justices de paix, des cours d’appel serait de déclarer que ces dispositions sont de nul effet et de rendre force à la loi. Il suit donc de l’article 107 que le texte que la section centrale propose est entièrement conforme à l’esprit de la constitution, aux besoins de tous les instants, et je dois insister pour son adoption. Je me bornerai là pour le moment.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - D’après les explications données par l’honorable députe de Bruxelles, je ne ferai aucune espèce de difficulté à me rallier à son opinion parce qu’au fond nous sommes d’accord.
Mais puisque la chambre a déjà adopté dans la loi provinciale des dispositions semblables, il me semble qu’il est rationnel et conséquent d’adopter les mêmes dispositions dans la loi communale, pour que l’on ne puisse pas inférer de leur absence dans celle-ci une interprétation différente des deux lois. La discussion de la loi communale ne sera pas toujours présente à l’esprit de ceux qui seront chargés de la mettre à exécution, tandis que les autorités communales en auront toujours le texte sous les yeux.
Je pense qu’il est extrêmement important d’adopter la même rédaction dans les lois d’organisation provinciale et communale, à moins que nous n’ayons des motifs sérieux de revenir de notre première décision. Mais il n’en est pas ainsi dans le cas actuel.
Nous avons simplement en vue de prévenir qu’un délit déjà prévu par une loi générale ne soit frappé d’une peine nouvelle dans un règlement de police locale. Tel est le seul et véritable but de la première disposition en discussion.
Quant à la deuxième disposition par laquelle les règlements locaux sont abrogés de plein droit, si, dans la suite, il est statué par des règlements d’administration générale, je crois qu’il est utile de la maintenir.
Rien de plus naturel que d’expliquer cette clause dans la loi. Je pense que les lois doivent être tellement claires qu’à la première lecture les citoyens connaissent exactement leur ligne de conduite, et les administrations communales, leurs attributions, sans qu’il soit besoin d’avoir recours à de longs commentaires. C’est ce que nous devons avoir en vue dans la rédaction des lois.
M. Pollénus. - Tout ce que j’ai dit, je l’ai dit en suite de l’interprétation donnée par M. le ministre de l’intérieur, et mon amendement ne devait avoir d’autre extension que celle que comporte l’article 85 de la loi provinciale concordant à la disposition en discussion. Je crois que je me suis assez clairement exprimé à cet égard. Je ne puis donc qu’attribuer à l’absence momentanée de l’honorable rapporteur l’interprétation qu’il a donnée à cette partie de mon amendement.
Le rapporteur a cité pour exemple les transports de poudre ; il a dit qu’on pouvait en faire l’objet de règlements municipaux. Il n’est pas entré dans mon intention d’empêcher les communes de faire ces règlements, pour autant qu’ils se rapporteraient à l’intérêt de localité. Car les mesures d’intérêt local ne sont point prévues dans les dispositions qui n’établissent que des mesures de police générale dans le cas posé par l’honorable M. Dumortier. Voilà le véritable sens de mes paroles et de l’interprétation donnée par M. le ministre à laquelle je me référais.
M. Dumortier a fait une autre objection. Il a dit que les tribunaux décideraient en cas de contradiction entre les règlements généraux et les arrêtés des communes. Il est vrai, l’article 107 de la constitution reconnaît cette intervention. Mais il me paraît qu’il est toujours désirable d’éviter de semblables conflits. Je citerai pour exemple le fameux règlement sur les distilleries porté par la régence de Gand, nonobstant l’attribution accordée aux tribunaux par l’article 107 de la constitution, cet arrêté subsiste, et on a été réduit à le signaler jusque dans cette enceinte.
Je persiste à croire qu’il faut consacrer les mêmes expressions dans la loi communale et dans la loi provinciale, comme l’a fait observer M. le ministre. Toute différence d’expressions dans des dispositions concordantes donnera infailliblement lieu à des doutes et peut-être à des embarras inextricables.
M. Fallon. - Si le paragraphe proposé par la section centrale n’était qu’inutile, je ne prendrais pas la parole pour appuyer la proposition faite par l’honorable M. de Brouckere de le supprimer. Ce paragraphe peut donner lieu à de très graves inconvénients en tant qu’il est donné à des juges de paix de décider en matière de police. Il est indispensable que les juges puissent parfaitement comprendre la loi. D’après les explications données par M. le ministre de l’intérieur, il résulte que les communes ne pourront statuer sur le même fait que l’administration provinciale. C’est une grave erreur.
Je suppose qu’un règlement d’administration provinciale déclare que les cabarets seront fermés, dans toutes les communes, à 10 heures du soir, par exemple. Je demande si, par suite de cette disposition, un conseil de régence ne pourra porter dans son règlement que les cabarets seront fermés à huit heures du soir. Il me semble que le règlement de l’administration provinciale ne peut s’opposer à une pareille disposition. Pourtant, dans le cas que je cite, l’administration communale aura statué sur les mêmes faits que l’administration provinciale.
Le règlement municipal devra rester debout. Vous voyez l’inconvénient que présente la rédaction du paragraphe tel qu’il vous est proposé. Je crois donc qu’il vaudrait mieux le retrancher tout à fait.
On a objecté qu’une pareille disposition avait été prise dans la loi d’organisation provinciale. Cela et vrai. Mais il ne me semble pas que cette considération doive arrêter la chambre, parce que les règlements d’intérêt communal n’embrasseront jamais, comme les règlements provinciaux, des objets ressortissant de l’administration générale.
M. Dumortier, rapporteur. - L’honorable député de Maestricht a prétendu que les réponses que j’ai faites à sa proposition devaient être attribuées à mon absence momentanée de la chambre. S’il avait jeté les yeux sur moi pendant qu’il parlait, il aurait vu que je prenais note de ses propres expressions. Je répète que la doctrine qu’il a mise en avant est dangereuse. Je crois l’avoir suffisamment établi. Toute loi n’établit que des principes. L’exécution en est toujours laissée au pouvoir exécutif, que ce soit le Roi ou la commune.
Si vous admettiez ainsi le texte de la loi provinciale, ou le texte de M. le ministre de l'intérieur qui remplit exactement le même but, il en résulterait ou que le gouvernement devrait faire des arrêtés réglementaires de tout ce qui existe en matière d’administration communale, ou que les lois resteraient sans exécution.
J’ouvre le code pénal à l’article 471. Cet article établit des pénalités contre les aubergistes qui n’éclaireraient pas leurs maisons, contre ceux qui ne nettoieraient pas les rues dans les communes où ce soin est laissé aux habitants ; si vous admettiez le texte du gouvernement, il en résulterait que l’administration centrale serait obligée de faire des arrêtés pour régler le mode d’éclairage des auberges, etc. ou pour fixer la manière dont les rues devraient être nettoyées. Ainsi du reste, il tombe sous le sens commun que l’on ne peut tout régler. Cela ressemblerait un peu aux règlements de Joseph II qui fixait les heures auxquelles les religieuses devaient chanter leurs offices (Hilarité.) Vous savez que ce sont de pareilles mesures, cette avidité d’empiétements de la dynastie autrichienne sur les droits des particuliers et des communes qui ont amené la révolution brabançonne.
Quelle que soit votre opinion relativement à la loi provinciale, je maintiens que vous devez nécessairement, sous peine de non-exécution des lois, laisser à l’administration locale le soin de faire des arrêtés réglementaires. Il en résulterait que le gouvernement réglementerait tout. Ce serai une monstrueuse tyrannie.
Je prendrai un exemple : il y a des dispositions sur la vérification des poids et mesures. Faudra-t-il que ce soit le gouvernement qui fixe le jour et l’heure où chacun viendra avec son aune, son mètre, sa balance, faire poinçonner ces différents objets ?
Je m’étonne que des personnes qui devraient par leur position dans l’administration posséder des connaissances assez étendues en matière de législation, s’arrêtent à de semblables absurdités. En conséquence de ces observations je rejetterai la proposition de M. le ministre.
J’ai déjà fait remarquer à l’assemblée qu’il y avait une distance énorme entre la loi provinciale et la loi communale : dans la loi provinciale on stipule seulement pour des intérêts généraux ; dans la loi communale on stipule seulement dans la localité : il faut donc que vous insériez dans la loi que les autorités communales auront la faculté de faire des règlements pour l’exécution des lois dans la localité ; il le faut si vous voulez que les lois soient exécutées.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Pour mettre fin à une discussion sans importance, puisque nous sommes d’accord sur le but que nous voulons atteindre, j’admets la rédaction de la section centrale.
M. Pollénus. - Je me réunis aussi à la proposition de la section centrale.
M. le président. - M. Pollénus a demandé que le commencement du paragraphe fût ainsi rédigé par l’addition du mot provinciale : « Ces règlements et ordonnances ne peuvent être contraires aux lois, aux règlements d’administration générale et provinciale. »
- L’addition du mot provinciale est adoptée ; le paragraphe est également adopté.
Le reste du paragraphe est supprimé sur la proposition de la section centrale.
M. le président. - Le paragraphe suivant est conçu en ces termes, d’après la rédaction de la section centrale : « Le conseil en transmet, dans les 48 heures, des expéditions à la députation permanente. »
M. Fallon. - Je demande que le conseil en transmette des expéditions non seulement à la députation permanente, mais encore au procureur du Roi. C’est ainsi que cela se pratique dans la province de Namur.
M. Pollénus. - Je pense que la proposition de M. Fallon trouvera mieux sa place dans un paragraphe de mon amendement où je demande que l’on transmette les règlements au greffe des tribunaux. Ces règlements sont destinés à être insérés dans un registre du greffe où on en trouvera la collection.
M. Fallon. - Je veux bien que mon amendement soit placé là ; cela remplira le but que je me propose.
M. de Brouckere. - Mais, dans le cas où l’amendement de M. Pollénus serait rejeté, il faudrait que M. Fallon pût revenir sur ses pas. (Oui ! oui !)
- Le paragraphe lu par M. le président, mis aux voix, est adopté.
M. le président. - La section centrale propose de fondre le paragraphe suivant, du projet du gouvernement, dans l’article 88 ; s’oppose-t-on à cette proposition ?
- Il n’y a pas d’opposition, et on ajourne la discussion du paragraphe ainsi conçu : « Ces ordonnances et règlements signés par le bourgmestre et contresignés par le secrétaire seront, s’il y a lieu, publiés au nom des bourgmestres et échevins, et il y sera fait mention qu’ils ont été arrêté par le conseil. »
M. le président. - Voici le dernier paragraphe de l’article 70 de la section centrale : « Les conseils du régence peuvent statuer des peines contre les infractions à leurs ordonnances, à moins qu’une loi ne les ait fixées. Ces peines ne pourront excéder une amende de 50 fr. ou un emprisonnement de trois jours, soit séparément, soit cumulativement.
M. Pollénus. - Je propose ici un changement de rédaction. Je demande que l’on mette : « Le conseil communal peut établir, pour leur exécution, des peines qui n’excéderont pas trois jours d’emprisonnement et 50 francs d’amende. »
M. Dumortier, rapporteur. - La rédaction de la section centrale vaut mieux. Nous disons dans cette rédaction que les peines peuvent être appliquées séparément ou cumulativement. La différence est immense entre cette disposition et celle que présente M. Pollénus.
- La rédaction de M. Pollénus est rejetée.
La rédaction présentée par la section centrale est adoptée.
M. le président. - La section centrale propose le retranchement du dernier alinéa qui se trouve dans l’article du projet du gouvernement.
M. Dumortier, rapporteur. - Je ne sais pas si M. le ministre de l’intérieur se réunit à l’avis de la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne m’oppose pas à la suppression.
- La suppression est ordonnée.
M. le président. - M. Pollénus présente une formule pour le libellé des actes municipaux.
M. Pollénus. - Je n’ai pas développé les motifs qui m’ont déterminé à présenter l’intitulé que je prépare. Les actes des conseils communaux sont des actes de l’autorité, et j’ai cru qu’il était convenable d’arrêter la formule dans laquelle ils doivent être conçus. Dans l’article 117 du projet de loi provinciale, vous avez mis une semblable disposition relativement aux actes des conseils provinciaux. Il faut éviter la bigarrure dans la manière dont les actes communaux seront rendus, seront formulés. J’ajouterai que l’intitulé des lois a également été déterminé par la constitution.
M. Dumortier, rapporteur. - Je ferai remarquer que tout ce qui est relatif aux règlements émanés des conseils communaux est réglé par l’article 97 de notre projet. C’est là que l’amendement de l’honorable M. Pollénus trouvera se place.
M. Pollénus. - Ma proposition devrait, ce me semble, trouver ici sa place ; car la disposition de l’article n’est pas identiquement la même. Du reste, je ne m’oppose pas à l’ajournement de mon amendement à l’époque de la discussion de cet article.
M. le président. - « Les règlements et ordonnances deviennent obligatoires le cinquième jour après leur publication, sauf le cas où le délai aurait été abrégé par le règlement ou l’ordonnance..
M. Pollénus. - Puisque la chambre a ajourné le paragraphe précédent de mon amendement, je demande qu’elle ajourne également celui-ci.
M. Dumortier, rapporteur. - Il est également réglé par un article postérieur.
- Les paragraphes pénultième et antépénultième de l’amendement de M. Pollénus sont ajournés.
La chambre passe au dernier paragraphe du même amendement, ainsi conçu :
M. le président. - « Expéditions des ordonnances de police seront immédiatement transmises au greffe du tribunal de première instance et à celui de la justice de paix, où elles seront transcrites sur un registre à ce destiné. Mention de ces ordonnances sera insérés au mémorial administratif de la province.
M. Pollénus. - Je ne dirai que deux mots pour motiver cette partie de mon amendement ; déjà M. Fallon l’a appuyé en présentant le sien ; car tous deux tendent au même but.
Il convient, ce me semble, que les règlements dont il s’agit soient déposés aux greffes des corps judiciaires qui sont appelés a appliquer ces règlements dans les divers degrés de juridiction. C’est le motif qui me fait préférer mon amendement à celui de M. Fallon. Car le greffe est le dépôt naturel des pièces qui concernent les tribunaux. D’ailleurs ces pièces une fois déposées au greffe, le procureur du roi ainsi que les officiers du ministère public près les justices de paix, pourront y prendre connaissance de ces règlements dont ils peuvent être dans le cas de devoir poursuivre l’application.
Je demande en outre dans mon amendement que ces ordonnances soient indiquées par mention au mémorial administratif de la province. Je sens fort bien que l’insertion du texte entier rendrait ce recueil trop volumineux et entraînerait de trop grandes dépenses. C’est pour ce motif que je propose la simple mention qui ne peut occuper qu’un très petit espace, mais cette mention aura pour effet d’avertir les officiers du ministère public de l’existence de telle ordonnance de police, relative à tel ou tel objet. Ils seront ainsi à même de vérifier si l’envoi de ce règlement a été fait au greffe.
D’autre part, les autorités des communes voisines puiseront dans cette mention la connaissance qu’un règlement de police sur cet objet a été sanctionné dans telle commune, et par ce moyen les habitants mêmes en seront informés.
Il est vrai que la simple mention ne donnera pas des notions bien complètes de toutes les parties du règlement ; mais, dans l’impossibilité d’obtenir une notification entière, je préfère d’obtenir une partie du résultat que je me propose, plutôt que de ne rien obtenir du tout.
Voilà les motifs de cette double proposition, qui, d’une part, tient à conserver dans les greffes le dépôt de ces règlements, et de l’autre avertit autant que possible les habitants des communes voisines intéressés à connaître des dispositions qui peuvent leur être appliquées.
Je citerai, comme tombant dans cette catégorie, les ordonnances sur la police des marchés par exemple, qui peuvent indistinctement atteindre les habitants des communes aussi bien que ceux de la commune dont émanent ces ordonnances.
D’ailleurs, rappelez-vous qu’il s’agit ici d’ordonnance pénale. Car ce n’est qu’à celles-là que mon amendement s’applique. Les principes veulent que des dispositions de cette nature avertissent avant de frapper.
M. Fallon. - Si la chambre adopte l’amendement de M. Pollénus, je retirerai le mien.
- Le dernier paragraphe de l’amendement de M. Pollénus est mis aux voix et adopté.
M. Doignon. - Je crois que l’assemblée n’est plus en nombre ; je prierai M. le président de vouloir bien le vérifier.
- La séance est un instant suspendue pendant que le bureau compte les membres présents.
- Plusieurs voix. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
M. le président fait inviter les membres qui sont dans la salle des conférences à revenir dans la chambre.
- On procède ensuite à l’appel nominal.
M. le président. - Il y a 52 membres présents, nous allons reprendre la discussion.
M. Dumortier. - Comme membre de la chambre, je demande que les noms des absents soient insérés au Moniteur. Je ferai remarquer que nous ne faisons que commencer nos travaux. Il est fâcheux que si peu de membres assistent à la discussion d’une loi aussi importante que celle de la constitution des communes.
M. le président. - Je ferai observer que, parmi les membres absents, plusieurs se trouvaient au commencement de la séance.
- La chambre consultée décide que les noms des membres absents seront insérés au Moniteur :
Membres absents : Brabant, Coghen, Cols, Dams, Dautrebande, Davignon, de Laminne, W. de Mérode, de Puydt, de Robaulx, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet, Devaux, Dewitte, Domis, Dumont, Jadot, Jullien, Lardinois, Lebeau, Liedts, Polfvliet, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Seron, Smits, Teichmann, Thienpont, Vandenhove, Van Hoobrouck, Verrue, Vergauwen, Ch. Vilain XIIII, Wallaert, Watlet.
- La dernière proposition de M. Pollénus est mise aux voix et adoptée.
L’ensemble de l’articles est également adopté.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande la parole pour la présentation d’un projet de loi.
« Sur la proposition de notre ministre de l’intérieur, nous avons arrêté et arrêtons :
« Notre ministre de l’intérieur présentera aux chambres en notre nom le projet de loi dont la teneur suit :
« Vu la convention en date du 6 novembre 1834, entre les sieurs Nieuwenhuysen et Cie, concessionnaires du canal de Charleroy à Bruxelles, et le ministre de l’intérieur,
« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à donner suite à la convention ci-dessus mentionnée. »
Les motifs du projet ainsi que la convention seront déposés.
M. le président. - La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi dont il vient d’être donné lecture. Il sera imprimé et distribué.
- La chambre ordonne le renvoi de l’examen de ce projet à une commission nommée par le bureau.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - « Vu la loi du 29 décembre 1833 ;
« Vu l’impossibilité d’établir les conseils provinciaux assez à temps pour voter les budgets des provinces pour l’exercice de 1835 ;
« Nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Article unique. Les députations des états provinciaux, et le comité de conservation qui remplace la députation des états dans la province de la Flandre orientale, sont chargés de dresser les budgets des voies et moyens et des dépenses des provinces pour l’année 1835.
« Les budgets seront rendus publics par leur insertion au Mémorial administratif quinze jours avant d’être soumis à l’approbation du Roi. »
- La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation de ce second projet de loi et en ordonne l’impression et la distribution.
Il est également renvoyé à l’examen d’une commission nommée par le bureau.
M. le président. - Nous reprenons la discussion de la loi communale. -
« Art. 77 (du projet de la section centrale) Le conseil de régence arrête les comptes des administrations des hospices et bureaux de bienfaisance de la commune. Il délibère sur leurs dépenses, lorsque ces établissements demandent ou reçoivent des subsides de la commune.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demanderai que l’on ajoute à cet article les mots suivants : « En cas de réclamation il est statué sur ces objets par la députation des états. » D’après la législation actuelle, les conseils de régence des villes délibèrent sur les impôts et sur les budgets des hospices et des bureaux de bienfaisance ; mais, pour les campagnes, ces délibérations sont soumises à la députation des états. Je demande que les campagnes soient exemptées de cette formalité, et que la députation n’intervienne qu’en cas de contestation.
M. Dubus. - L’article proposé par M. le ministre de l’intérieur met sur la même ligne les comptes de l’administration municipale et les comptes des hospices et des bureaux de bienfaisance. Cette disposition ne nous a pas été imprimée. Il est difficile d’en saisir actuellement toute la portée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il est bien entendu que ce ne sont que ce ne sont que les budgets tels qu’ils ont été arrêtés par les bureaux de bienfaisance et par les hospices que je veux voir soumettre en cas de contestation à la députation. Ces établissements conservent leurs délibérations préalables.
M. Dubus. - Il y a un rapport dans lequel ces budgets sont mis sur la même ligne que les budgets communaux. Il y a une distinction à faire entre les comptes et les budgets des villes et les comptes et les budgets des hospices et des bureaux de bienfaisance. Il faut que le conseil communal ne puisse pas confectionner ces budgets, mais qu’il se contente de les approuver. Je propose donc de rédiger l’article en ce sens : « Sont soumis à l’approbation du conseil communal… »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne m’oppose pas à cette rédaction. J’avais pris les expressions consacrées par les règlements existants.
M. Dumortier, rapporteur. - Il y a une différence que l’on n’a pas signalée. Dans le système de M. le ministre de l’intérieur, tous les comptes et budgets des hospices ou administrations de bienfaisance, qu’ils reçoivent ou non un subside de la commune, seront soumis à l’approbation du conseil communal. Le système de la section centrale, au contraire, soumet à l’approbation du conseil les comptes de ces administrations, mais n’exige la présentation des budgets que de celles qui reçoivent un subside de la commune.
Si nous examinons l’état de la législation actuelle, nous verrons que par l’article 75 du règlement des villes, l’approbation des comptes des hospices était dans les attributions du conseil de régence. Mais je ne trouve nulle part que leurs budgets fussent soumis au même examen. Pour ma part, je vois que beaucoup d’administrations de bienfaisance ont refusé de communiquer leurs budgets aux régences, et cela parce que les règlements n’établissaient pas cette obligation. Je pense que l’amendement de M. le ministre amènerait un système tout nouveau. Je me vois donc forcé de maintenir la rédaction de la section centrale.
Si la commune fournit un subside à une administration de charité, l’examen de son budget sera soumis au conseil communal. Il faut bien que le conseil, qui y a intérêt, s’assure par lui-même de l’élévation des dépenses et de la possibilité d’en réduire quelques-unes. Mais, si la commune ne donne rien à un établissement de charité, de quel droit en contrôlerait-elle le budget ?
L’on me demandera par la même raison de quel droit les conseils de régence examineraient-ils les comptes de ces mêmes établissements ?
La question ici est différente. Il faut que les comptes de toute autorité soient soumis à l’examen d’une autorité supérieure, qui fasse à son égard l’office de cour des comptes. Mais je ne sache pas qu’il soit nécessaire d’établir une cour des budgets. Il est inutile de faire examiner les budgets des établissements de charité, composés ordinairement d’hommes bienfaisants, par un conseil de régence qui pourrait entraîner ces personnes à des dépenses qui répugneraient à leur conscience. Il y aurait deux conseils dans une administration d’hospices au lieu d’un. C’est ce qui ne doit pas avoir lieu.
M. de Behr. - L’honorable préopinant vient de dire que la section centrale a reproduit la législation existante. Je puis lui dire qu’à Liége les budgets des administrations des hospices ont toujours été soumis à l’approbation du conseil de régence. Cette approbation est souvent très nécessaire. Nous avons vu des administrations de charité porter à leurs budgets des sommes de 100, de 200,000 francs pour construction de bâtiments, dont l’emploi aurait été fait si la régence ne s’y était opposée. Je pense donc que l’interprétation faite par l’honorable M. Dumortier, du règlement des villes, n’est pas exacte.
M. Fallon. - Je prends la parole pour appuyer l’opinion de l’honorable M. de Behr. A Namur, l’administration communale a constamment vérifié les budgets et les comptes des hospices. Le contrôle à exercer sur la formation des budgets est une formalité indispensable. Vous ne pouvez attribuer au conseil communal le pouvoir de vérifier les comptes, si vous ne lui donnez celui d’approuver le budget. Les hospices pourraient faire des dépenses considérables. Il suffirait d’établir la balance au bout de l’année et de présenter au budget une somme pareille à la somme totale des comptes.
M. le rapporteur a compare le conseil communal à une espèce de cour des comptes. Mais peut-il concevoir qu’une cour semblable arrête des comptes, si elle ne connaît pas le budget, ou n’a pas concouru a sa formation ?
M. Dumortier, rapporteur. - Je me rallie à l’opinion des honorables préopinants.
- La proposition faite par M. de Behr d’ajouter à l’article en discussion les mots « et des monts-de-piété », est mise aux voix et adoptée.
L’article 77 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - « Art. 78 (proposé par la section centrale). Le conseil nomme les répartiteurs ou répartit lui-même conformément aux lois le contingent des contributions directes assigné à la commune. »
M. de Nef demande la suppression de cet article.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Nous ne pouvons pas admettre cette suppression ; car, aux termes des lois, il faut nécessairement que le conseil communal nomme des répartiteurs ; la loi du 3 frimaire an VI est formelle à cet égard. On ne pourrait admettre la suppression qu’en conséquence de la révision des lois financières. Partout les répartiteurs ont des fonctions déterminées par les lois ; ces fonctions sont maintenues par le projet de la section centrale qui ne déroge pas à la législation en vigueur.
- L’article 78 est mis aux voix et adopté.
M. le président. - « Art. 79 (proposé par la section centrale). Le conseil arrête les conditions de location ou de fermage des biens et de tout autre usage des produits et revenus des propriétés et droits de la commune, ainsi que les conditions des adjudications et fournitures. »
- La chambre ajourne la discussion de cet article.
La séance est levée à 4 heures et demie.