(Moniteur belge n°327, du 23 novembre 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure et demie.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.
M. de Renesse donne connaissance des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur A. van Swae, propriétaire (commune de Gette-Goushorn), demande que la surcharge de la contribution foncière et personnelle dont sont frappées les contributions de cette commune, vienne à cesser. »
« Les notaires du canton de l’arrondissement de Termonde demandent de pouvoir instrumenter dans tout le ressort de l’arrondissement judiciaire, comme le propose le projet de loi sur la circonscription des cantons. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Legrelle, obligé de s’absenter à cause de la perte d’un de ses enfants, demande un congé.
- Accordé.
M. Zoude. - Je demande la parole.
Messieurs, un journal parlant du rapport fait au nom de la commission d’industrie sur les pétitions des fabricants cotonniers de Gand a dit que ce rapport était l’œuvre de quelques-uns des membres de cette commission, et il a dit vrai ; mais il a insinué qu’il aurait été fait en quelque sorte à l’insu de la commission.
J’aurai l’honneur de dire que les rapports de la commission d’industrie n’ont jamais été délibérés en présence de plus de cinq ou six membres, et que c’est pour continuer à obtenir cette majorité que j’avais demandé l’adjonction d’un certain nombre de membres pour remplacer ceux que leur santé ou une mission à l’étranger éloignaient de ses délibérations.
J’ai eu soin de dire alors que si les membres présents avaient été en nombre pour délibérer, nous aurions probablement proposé la prohibition. Cependant tous les membres ayant été officiellement informés de sa résolution, ceux qui étaient d’une opinion contraire pouvaient venir la combattre.
Lorsque la commission fut interpellée sur les causes du retard qu’avait éprouve son rapport, j’ai toujours répondu publiquement que la commission s’occupait de ce rapport, qu’il était à peu près terminé, et n’attendait plus que quelques renseignements pour le présenter à la chambre.
C’est quelques jours après, le 18 juillet, à ce que je crois, que je suis parvenu à réunir un certain nombre des membres de la commission ; j’avais fait tous mes efforts pour en réunir le plus grand nombre possible, j’avais envoyé des convocations à domicile, et indépendamment de cela j’avais prié les membres que je rencontrais dans cette enceinte de venir assister à nos réunions.
C’est ainsi que le 3 août, me trouvant en mesure de faire mon rapport, je demandai la parole. Mais M. le président me fit observer que la chambre étant impatiente de terminer ses travaux, je ne pourrais pas être entendu.
Messieurs, chacun des membres qui appartiennent à des commissions sait combien il est désagréable d’attendre plusieurs heures dans le sein des commissions qu’on soit en nombre pour délibérer. Cet inconvénient se fait surtout sentir dans les soirées d’hiver. Cependant, lorsqu’on a fait son devoir, il est pénible de se voir en butte aux attaques du dehors. Toutefois cela m’inquiète peu ; ce qui m’importe, c’est que la chambre soit convaincue que je me suis conduit avec délicatesse et loyauté. (Oui ! oui ! l’ordre du jour !)
Si elle me rend cette justice, je méprise les calomnies dont je puis être l’objet.
M. le président. - C’est d’après la décision de la chambre que ce rapport a été fait.
M. Davignon. - Il est bon que l’on sache que le rapport fait par la commission d’industrie n’est que l’opinion exclusive de quelques membres de cette commission. La chambre sait que M. Corbisier qui en faisait partie a été longtemps malade, que j’ai été aussi par une maladie empêché pendant plus de deux mois d’assister aux travaux de la commission. Dès que ma santé me l’a permis, je me sois rendu dans son sein, et lorsque je fus consulté sur la question, je répondis que je ne pouvais donner mon assentiment à l’opinion de la commission, en m’appuyant sur l’inopportunité. Je ne développerai pas mes motifs, car ce n’est pas le moment.
Pour remplir le vide que faisaient dans la commission l’absence de quelques membres et la maladie de quelques autres, la chambre a nommé cinq membres adjoints, MM. d’Huart, Desmaisières, Donny, Lardinois et Eloy de Burdinne. De ces cinq membres, je crois qu’un seul a participé au rapport. Personne de nous n’a été consulté sur ce rapport, et jamais un rapport de commission ne devrait être fait à la chambre avant que lecture n’en ait été donnée à la commission. Si on ne se rend pas à une convocation, on en fait une seconde et une troisième s’il est nécessaire. J’ai été plusieurs fois dans ce cas pendant que j’étais président de la commission.
J’ai cru que ces explications étaient nécessaires pour éclairer la chambre.
M. Zoude et M. Eloy de Burdinne demandent en même temps la parole.
- Plusieurs voix. - L’ordre du jour ! l’ordre du jour !
M. le président. - Je ne puis refuser la parole à M. Zoude pour un fait personnel.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande aussi la parole pour un fait personnel.
Messieurs, j’ai eu l’honneur d’être nommé un des cinq membres adjoints à la commission d’industrie et comme M. Davignon vient de dire qu’un seul des membres adjoints était présent à la rédaction du rapport, je le prie de vouloir bien le nommer.
M. Davignon. - C’est M. Eloy de Burdinne.
M. Desmaisières. - J’y étais également.
M. Davignon. - M. Lardinois m’a dit lui-même qu’il n’y était pas. Il est possible que j’aie été induit en erreur pour les autres.
M. Zoude. - La commission a été convoquée à plusieurs reprises. Dans cette enceinte même, j’ai prié M. d’Huart de se rendre dans le sein de la commission ; il m’a répondu qu’il était retenu par des affaires importantes, Si ces messieurs n’ont pas répondu aux invitations qui leur ont été faites, ce n’est pas ma faute. D’ailleurs, comme je l’ai déjà dit, jamais un rapport de la commission d’industrie n’a été délibéré dans une réunion de plus de cinq membres.
- Plusieurs voix. - L’ordre du jour ! l’ordre du jour !
M. le président. - Il résulte de ces explications que peu de membres étaient présents à la commission d’industrie, lorsque le rapport a été délibéré : mais comme les convocations ont été faites, les membres qui n’ont pas assisté à la séance ne peuvent pas se plaindre. Leurs observations ne peuvent avoir pour objet que (erratum au Moniteur belge n°329, du 25 novembre 1834 :) de déclarer qu’ils n’adoptent pas les conclusions de la commission.
Nous allons passer à l’ordre du jour.
M. le président. - Nous sommes restés hier à l’article 75 relatif aux délibérations qui doivent être soumises à l’approbation de la députation provinciale. Plusieurs amendements présentés sur cet article ont été renvoyés à la section centrale. Le rapport en sera fait ultérieurement.
Nous allons nous occuper des dispositions de l’article 75, autres que celles qui ont donné lieu à ces amendements.
M. le ministre de l’intérieur a proposé un n°1 nouveau qui est ainsi conçu :
« Les actes de vente, de transaction et d’échange relatifs aux biens meubles de la commune, y compris les obligations et les actions dans les fonds publics.
« Les actes d’achat de biens-meubles et les placements des deniers de la commune.
« Les baux autres que ceux relatifs aux objets mentionnés au n°5 du présent article, les contrats d’adjudication et de fourniture pour compte de la commune, excepté ceux relatifs au mobilier et au service des bureaux de l’administration. »
M. de Nef. - J’appuie la proposition du ministre. Il me paraît que les actes relatifs aux locations, aux fermages, que peuvent faire les communes, doivent être soumis à une autorité supérieure pour qu’il n’y insère pas des conditions onéreuses, des conditions contraires aux intérêts des communes.
M. H. Dellafaille. - Si ma mémoire ne me trompe pas, la section a écarté des dispositions semblables à celles que l’on présente, et qu’elle a décidé vouloir restreindre l’approbation des états députés dans certaines limites. D’après cela, je crois que le ministre doit exposer les motifs de son amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - En examinant le projet de loi sur l’organisation communale, je me suis aperçu de la lacune que mon amendement a pour objet de combler. J’ai, à cet égard, pris l’avis des députations des états provinciaux ; elles ont répondu favorablement à l’amendement. Je ferai remarquer, en ce qui concerne les deux premiers paragraphes, qu’ils sont la reproduction des articles 37 et 71 des règlements du plat-pays et des villes.
Relativement au troisième paragraphe, je dirai qu’il est également la reproduction de l’article 37 de l’ancien règlement, avec cette différence que la disposition n’était applicable qu’aux villes. Cependant la plupart des autorités provinciales qui ont été consultées ont émis le vœu que la disposition soit applicable à toutes les communes. Je ferai observer de plus que, nonobstant le silence du règlement des villes sur le troisième paragraphe, il résulte d’un rapport que j’ai reçu d’une province que les villes étaient dans l’usage de se conformer à la disposition existante pour les communes. Il suffit d’ailleurs que cette disposition ait été reconnue utile par les autorités provinciales pour que la chambre ne fasse pas de difficultés pour l’adopter.
Vous remarquerez encore que le troisième paragraphe laisse une latitude suffisante aux autorités communales pour les objets dont on s’occupe dans les délibérations journalières, et qui ne sont pas d’une grande importance.
M. Dubus. - Si les renseignements qui me sont donnés sont exacts, l’amendement de M. le ministre tend à introduire dans la loi une disposition tout à fait nouvelle et à étendre le cercle de la centralisation contre lequel on a tant déclamé avant et depuis la révolution.
On justifie ces paragraphes en disant qu’ils ont été jugés utiles par les états députés. Mais les états députés sont les restes des fonctionnaires du roi Guillaume., En les consultant, vous pourrez aller plus loin, dans la centralisation, que le gouvernement de Guillaume n’est allé lui-même. Si les dispositions en discussion n’existaient pas dans les règlements précédents, c’est que le roi Guillaume avait reconnu que les achats d’objets mobiliers ne devaient pas être soumis à l’approbation d’une autorité supérieure. Pour introduire maintenant cette disposition, il faudrait dire qu’il y a eu abus ; alors on corrigerait les règlements ; mais il n’y a pas eu d’abus, je ne vois pas pourquoi vous étendriez la centralisation.
Il y a lieu de s’abstenir de toute mesure législative sur ce point jusqu’à ce que vous ayez été convaincus que des abus ont été remarqués et qu’il faut les réprimer. Je vous ferai observer que la disposition ministérielle soumet, sans exception, tous les actes concernant des objets mobiliers, si minimes qu’ils soient, à la nécessité d’une approbation ; comment peut-on administrer avec de pareilles entraves ? S’il devient nécessaire de remplacer quelques arbres, il faudra une autorisation ; car voilà une acquisition d’objets mobiliers. Le ministre s’est servi des expressions les plus générales. Il faut s’opposer à cette tentative de centralisation.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je vois que l’honorable préopinant n’a pas lu la disposition que j’ai présentée ; s’il l’avait lue, il n’aurait pas dit que l’autorisation des états était nécessaire pour l’acquisition de quelques arbres ; ces achats ne se font pas par actes, mais verbalement. La disposition que j’ai présentée est relative aux actes d’achat de biens meubles.
Le même orateur a dit que ma proposition renfermait une innovation ; mais il suffit de jeter les yeux sur les dispositions des anciens règlements pour voir qu’elle n’est point une chose nouvelle. De tout temps les achats de biens meubles ont été soumis à l’autorité supérieure. Qu’on lise l’article 37 du règlement du plat pays, on y verra explicitement que les délibérations sur les achats, ventes, aliénations des propriétés ou des droits des villes, sur la convenance de grever ces droits... sont soumis aux états députés et à l’approbation du Roi.
Ainsi les actes de vente et d’achat de biens meubles doivent être soumis à la première autorité du royaume. La même disposition est inscrite dans le règlement concernant les villes ; on y dit formellement que les délibérations relatives aux ventes, achats, aliénations de biens ou de droits… doivent être soumises aux états provinciaux et au Roi. Il n’y a donc pas innovation comme on l’a dit.
Je le répète, les informations que j’ai prises auprès des états provinciaux sont favorables à la disposition que je présente. On conçoit, en effet, que des contrats d’adjudications et de fournitures peuvent avoir pour objet des sommes considérables, et qu’il est utile que ces actes soient soumis à la députation provinciale Le numéro troisième, tel qu’il est rédigé excepte de cette mesure tous les actes administratifs journaliers.
M. Desmanet de Biesme. - Il me paraît que la loi communale qui nous occupe est assez importante pour qu’on n’improvise pas légèrement des amendements ; je demande, par forme de motion d’ordre, que quand on proposera désormais un amendement, l’article auquel il se rapporte soit ajourné jusqu’à ce que l’amendement ait été imprimé et distribué.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Mon amendement est imprimé depuis plusieurs jours.
M. Pollénus. - M. le ministre de l’intérieur vient de vous dire que le reproche qu’on lui adresse de vouloir renforcer la centralisation n’est pas fondé, parce que l’approbation exigée ne s’applique qu’aux conventions qui sont faites par actes et qu’on ne dresse point d’actes pour des objets de minime importance ; mais si l’on sait d’avance qu’on échappe aux investigations des autorités provinciales, par cela seul qu’on s’abstient de dresser acte de conventions ou traités quelconques, peu de faits de cette nature passeront sous les yeux des états provinciaux, et il s’ensuivra qu’on aura un moyen d’éluder tout contrôle. Ainsi la précaution que veut stipuler le ministre est tout à fait inutile.
Il me paraît que la conséquence inévitable est celle-ci : c’est que la disposition proposée par M. le ministre de l'intérieur n’apportera pas le remède qu’il prétend y trouver, et que les précautions qu’il prend sont tout à fait illusoires. Je ne dis pas que dans certains cas le contrôle des actes du conseil communal par la députation des états ne doive être établi ; mais comme je me trouve dans le même cas que M. Desmanet de Biesme, à qui l’amendement de M. le ministre de l'intérieur n’a pas été remis, je me vois dans l’impossibilité de mesurer toute la portée de cet amendement.
Néanmoins je ferai remarquer que les dispositions de l’article en discussion exigent l’approbation pour tout ce qui concerne les budgets communaux. Les transactions dont il s’agit dans l’amendement de M. le ministre de l'intérieur sont également rappelées dans les budgets communaux.
Il y aura examen de chaque transaction, si l’on exige une approbation particulière pour chaque objet spécial ; il y aura double emploi puisqu’il y aura double approbation, tandis qu’il faut qu’il n’y ait qu’un seul examen, une seule approbation. Il me semble que la disposition proposée par M. le ministre de l'intérieur est assez importante pour mériter d’être renvoyée à l’examen de la section centrale, d’autant plus que cette section est actuellement saisie de l’examen de plusieurs amendements.
J’en ferai même la motion expresse, parce qu’il me semble qu’il ne conviendrait pas de voter une disposition spéciale de l’article 75, sans connaître l’opinion de la section centrale à cet égard.
L’honorable M. Dellafaillle vient de nous dire que quelques points de la proposition de M. le ministre n’ont pas échappé à l’attention de la section centrale. Cependant la lecture de son rapport ne rappelle rien à cet égard. Il est donc d’autant plus nécessaire de renvoyer l’amendement de M. le ministre, qu’il nous importe de connaître les motifs qui ont porté la section centrale à ne pas adopter les propositions de la section dont l’honorable M. Dellafaille était membre.
Je propose en conséquence à la chambre que l’amendement de M. le ministre de l'intérieur soit renvoyé à la section centrale, qui sera priée de nous présenter un rapport sur les objets dont il traite.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’ai aucun motif particulier pour m’opposer au renvoi de mon amendement à la section centrale. Mais il y a un motif général que j’invoquerai contre ce renvoi. C’est l’économie du temps. Chaque jour on renvoie des dispositions à la section centrale, on entame la discussion sur des articles sans en voter aucun. Il sera difficile de parvenir au vote définitif de la loi.
Dès le premier jour de la discussion, j’ai fait distribuer à MM. les membres de la chambre une série d’amendements sur plusieurs articles, entre autres l’amendement actuellement en discussion. La disposition que je propose est conforme aux anciens règlements. Je pense que les membres qui composent cette assemblée doivent avoir assez de connaissance des affaires pour sentir la nécessité de soumettre les actes dont fait mention mon amendement à l’approbation de l’autorité supérieure. Le rejet de cette disposition causerait le préjudice le plus grave aux communes. C’est le résumé de l’opinion de toutes les députations des états provinciaux.
M. Pollénus. - Si j’avais pu craindre que ma motion contribuât à la perte de temps dont parle M. le ministre de l’intérieur, je ne l’aurais pas faite. Je suis aussi avare que M. le ministre peut l’être des moments de la chambre. Mais je pense que c’est économiser du temps que de bien formuler un amendement de cette nature. Nous pouvons prévoir que des modifications seront apportées à la rédaction de l’article 75 ; lors de la deuxième discussion, on peut prévoir que des embarras renaîtront et que de nouveaux débats auront lieu. C’est cet inconvénient que je veux prévenir. Si l’on pense qu’en précipitant des discussions que l’on devra recommencer, c’est économiser du temps, je ne partage pas cette opinion.
J’ajouterai que la question soulevée par M. le ministre de l’intérieur a déjà été résolue négativement par la section centrale qui n’a pas adopté les diverses parties de sa proposition, lorsqu’elles lui furent présentées par une section. Il résulte de ce fait que cet amendement est d’une grande importance, et mérite de mûres réflexions. Je persiste donc dans ma motion et je crois que le temps que l’on emploiera à l’examen de la proposition sera amplement compensé par la maturité du vote que pourra émettre la chambre.
M. Dubus. - Je parlerai sur la motion d’ordre. J’appuierai la proposition de renvoi à la section centrale, en faisant remarquer qu’en admettant même les raisons données par M. le ministre de l'intérieur, il y aurait toujours lieu à une modification dans la rédaction de l’article. Il y a une distinction à faire entre les achats d’objets minimes et les achats d’objets importants. M. le ministre de l’intérieur, lui, établit une distinction entre les achats constatés par actes et ceux pour lesquels on aura jugé à propos de n’en point souscrire. Ce n’est pas là la véritable distinction que devrait contenir l’article, et puisque son but est de soumettre à la nécessité de l’approbation les délibérations importantes, ce serait le chiffre de cette importance qui devrait servir de règle. Il n’a rien été répondu à cet égard par M. le ministre de l’intérieur.
Il a soutenu d’ailleurs que la disposition qu’il propose n’est pas nouvelle, et que, sous l’empire des anciens règlements, l’approbation de la députation des états était nécessaire pour les acquisitions qui font l’objet de l’article qu’il défend. Je ne le crois pas. Pour ce qui me concerne, j’ai été membre d’un corps municipal, et je ne me rappelle pas que les villes aient été soumises à cette approbation.
L’article que M. le ministre de l'intérieur a puisé dans les règlements du plat-pays est exactement le même que celui que j’ai trouvé dans le règlement des villes. On n’exigeait l’approbation que pour les achats, ventes, etc., des propriétés et droits des villes et communes. L’interprétation donnée par les arrêtés du roi Guillaume a été que ce mot de propriétés communales ne désignait que les propriétés immobilières. Je suis donc dans l’opinion que l’approbation des états n’était pas exigée sous l’empire des anciens règlements. Au reste, la section centrale pourra porter sur cet objet un examen plus approfondi. Ce motif me fait appuyer la motion d’ordre de M. Pollénus.
- Le renvoi à la section centrale de la proposition de M. le ministre est mis aux voix et adopté.
Les paragraphes 1°, 2°, 3° et 4° de l’article 75 sont mis aux voix et adoptés.
Ils sont ainsi conçus :
« 1° Les actions à intenter ou à soutenir ;
« 2° La répartition et le mode de jouissance du pâturage, affouage et fruits communaux, et les conditions à imposer aux parties prenantes, lorsqu’il y a eu réclamation contre les délibérations de l’autorité communale ;
« 3° Les règlements relatifs au parcours et à la vaine pâture ;
« 4° Les règlements ou tarifs relatifs à la perception du prix de location des places dans les halles, foires, marchés et abattoirs, et de stationnement sur la voie publique, ainsi que des droits des pesage, mesurage et jaugeage. »
M. le président. - La discussion est ouverte sur le paragraphe 5, ainsi conçu :
« 5° Les plans généraux d’alignement de la grande et petite voirie communale ; la reconnaissance, l’ouverture ou la suppression des chemins vicinaux. »
M. Desmet. - Messieurs, j’ai l’honneur de vous proposer de supprimer la finale de ce numéro, la partie qui concerne la reconnaissance, l’ouverture ou la suppression des chemins vicinaux, et de laisser régler par une loi spéciale la nature de ces chemins publics.
Car il me semble qu’un objet d’une si haute importance, et d’une utilité si générale, ne peut être considéré comme étant d’un intérêt exclusif des communes et être abandonné aux délibérations des conseils communaux : je ne saurais jamais concevoir que le pouvoir municipal puisse s’étendre jusqu’à pouvoir décider sur la suppression des chemins vicinaux, qui nécessairement doivent être envisagés comme faisant partie du domaine public.
Tout ce qui est d’un intérêt particulier à la commune doit incontestablement se trouver dans les attributions du pouvoir municipal, et ne devrait même jamais être assujetti à la sanction d’un autre pouvoir ; mais aussi, quand il s’agit d’un objet qui concerne tout ou partie de la société, qui, en un mot, est d’un intérêt général, alors cela ne regarde plus la commune, elle ne peut plus avoir aucune autorité pour agir ; il faut que cela entre dans les attributions ou du pouvoir central ou de la législature.
Or les chemins vicinaux ne sont point d’un intérêt particulier d’une commune, ils intéressent des contrées entières ; ils ont une destination publique ; si les grandes routes sont les artères, les chemins vicinaux sont les veines qui servent à circuler dans le pays, et s’ils ne se trouvaient point à l’usage libre du public, on ne pourrait s’assurer de trouver des voies pour pénétrer dans l’intérieur.
Ce n’est pas une commune ou quelques communes qui en jouissent particulièrement, mais tout le pays doit se servir des chemins vicinaux, et si on en supprime un, on lèse un intérêt général. Ces voies de traverse portent à juste titre la dénomination de chemins publics ; elles sont en réalité du domaine public, n’appartiennent à personne, sont la propriété de tous et à l’usage de chacun ; c’est aussi pour ce motif que les terrains des chemins vicinaux ne sont pas imposables d’après les lois du cadastre, tandis que les biens des communes sont évalués et imposés comme les propriétés des particuliers.
Je ne saurais jamais me pénétrer que les chemins vicinaux ou publics puissent être envisagés comme des propriétés communales ; ils ne sont, ce me semble, susceptibles de faire l’objet d’aucune propriété privée, car comme nous venons de le dire, ces chemins n’appartiennent à personne, ils sont d’un usage commun à tous et font donc nécessairement partie du domaine national.
C’est très improprement qu’on dit que les chemins vicinaux sont une charge communale, et que sous ce prétexte on pourrait supposer qu’ils ne sont point sous la dépendance du domaine public, mais devraient être envisagés comme une propriété communale.
Les chemins vicinaux ne sont pas à charge des communes, ils sont au contraire à charge de la propriété privée. Les lois ont toujours voulu que ce domaine public fût une charge du propriétaire riverain. C’est la propriété riveraine qui doit livrer le territoire nécessaire pour conserver les chemins vicinaux à leur largeur réglementaire ; ce sont les possesseurs de ces propriétés qui ont la charge d’entretenir ces chemins ; si l’autorité trouve nécessaire pour l’écoulement des eaux que des fossés latéraux aux chemins soient creusés, on les fait encore faire par les propriétaires riverains qui doivent livrer le terrain dont on a besoin pour les creuser.
Les mesures de police, de surveillance et d’entretien des chemins vicinaux n’ont jamais été arrêtées en Belgique par des règlements municipaux, des lois ont toujours réglé ces matières ; nous avons sur cet objet les décrets de l’impératrice Marie-Thérèse, des années 1764, 1765 et 1766, qui ont même toujours été conservés en vigueur quand nous étions unis à la France et sur lesquels les conseils basaient les arrêtés ou règlements qu’ils ont faits sur la voirie vicinale.
Nous ne devons pas en dire davantage, il me semble, pour nous assurer que les chemins vicinaux ne peuvent pas être envisagés comme d’un intérêt exclusivement communal mais bien comme d’un intérêt général, et nous pouvons par conséquent conclure que ce qui concerne leur reconnaissance, ouverture ou suppression ne peut entrer dans les attributions des conseils communaux, mais doit être de la compétence de la législature ou de la haute administration. C’est par ce motif que nous demandons que cette partie du n°5 soit supprimée et que la matière soit réglée par une loi spéciale.
M. le président. - M. Desmet propose la suppression des mots suivants qui terminent le n°5 du projet de la section centrale : « La reconnaissance, l’ouverture ou la suppression des chemins vicinaux. »
M. Trentesaux. - Je ferai remarquer à la chambre que le projet ne tranche nullement la question sur laquelle porte sa proposition de l’honorable M. Desmet. Il est ainsi conçu : « Sont soumises à l’approbation de la députation provinciale les délibérations des conseils de régence sur les points suivants. » A qui que ce soit qu’appartiennent les chemins vicinaux, il sera possible aux conseils communaux de délibérer sur cet objet ; eh bien, ces délibérations seront soumises à l’approbation de la députation provinciale. Je crois que cette disposition peut subsister même dans le système de M. Desmet, en supposant même qu’il fût commun à toutes les parties de notre Belgique, ce que je suis loin d’affirmer.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense, comme l’honorable M. Trentesaux, qu’il n’y a pas de motif pour supprimer la disposition de l’article.
Il est certain qu’il y a des chemins vicinaux qui sont d’un intérêt exclusivement communal, c’est là un fait incontestable ; il y en a d’autres qui sont d’un intérêt plus général et tendent à lier plusieurs communes entre elles ; ils sont d’un intérêt provincial. C’est pour cela que d’après les dispositions existantes les chemins vicinaux sont soumis à l’autorité communale et à l’autorité provinciale.
Par exemple, il est évident qu’une commune ne peut délibérer seule au sujet d’un chemin vicinal qui s’étend à une autre commune. Il faut que l’autre commune intéressée délibère également. Ce n’est qu’ensuite que la députation peut prononcer.
Jusqu’à présent (erratum au Moniteur belge n°329, du 25 novembre 1834 :) la voirie vicinale est restée soumise à la surveillance de l’autorité provinciale, et ne l’a pas été à celle de l’autorité centrale. Il n’y a qu’un cas où la compétence de cette autorité est certaine, c’est lorsqu’il y a lieu à expropriation pour l’ouverture d’un nouveau chemin. Je crois donc qu’on peut sans inconvénient adopter la disposition de l’article.
Je ferai remarquer que la section centrale, dans la rédaction qu’elle propose, confond deux choses distinctes : les plans généraux d’alignement, et les simples alignements. Le projet du gouvernement attribuait à l’autorité municipale le soin de donner les alignements sur la voirie municipale ; la section centrale va plus loin ; elle accorde à l’autorité communale le droit de dresser le plan général d’alignement avec la simple approbation de la députation.
D’après la loi du 30 septembre 1807, le plan général d’alignement appartenait à l’empereur, et était délibéré en conseil d’Etat. Je crois donc nécessaire de maintenir la distinction que fait disparaître la section centrale.
Je ferai remarquer que deux choses sont aussi confondues dans le n°5 de la section centrale, la grande voirie et la petite voirie. Or jamais l’autorité communale ne s’est mêlée de la grande voirie, mais toujours seulement l’autorité provinciale. C’est pour cela que j’ai établi une distinction dans le paragraphe suivant de l’amendement que je propose :
« Les plans d’alignement pour la voirie communale dans les communes dont la population s’élève de 1,000 à 20,000 âmes. Dans les communes d’une population plus forte, les plans d’alignement sont soumis à l’approbation du Roi. »
Vous voyez qu’en laissant l’approbation de la députation provinciale pour les communes de 1,000 à 20,000 âmes, on a restreint assez les attributions (erratum au Moniteur belge n°329, du 25 novembre 1834 :) de l’autorité centrale.
J’ai cru également qu’il y avait une lacune dans le projet de la section centrale en ce que ce projet semble soumettre à des plans d’alignement toutes nos communes rurales. Je pense que dans les communes ayant moins de 1,000 habitants, il est inutile d’adopter des plans d’alignement ; ce ne serait qu’un moyen d’embarrasser ces communes.
Le conseil communal et la députation doivent délibérer sur l’utilité des plans d’alignement. Mon amendement satisfait à ces divers points ; je pense qu’il peut être adopté sans inconvénient.
M. Pollénus. - Je crois qu’il a été suffisamment répondu à ce qu’a dit l’honorable M. Desmet. Il ne s’agit pas d’abandonner sans règle aucune à l’autorité communale la disposition de la voirie. Il ne s’agit simplement que d’attributions, sauf à la loi a déterminer les règles à suivre.
Pour ma part, je ne concevrais pas qu’un objet autre que les alignements généraux fût attribué à l’autorité provinciale. Quant aux autres alignements, ils sont, je pense, abandonnés à l’autorité communale. Je ne conçois pas non plus pourquoi on ferait une distinction entre les communes de 20,000 habitants et au-dessous et les communes dont la population excède ce chiffre. Une règle uniforme me paraît préférable à une distinction que rien ne justifie. Car si vous abandonnez aux communes de moins de 20,000 habitante le soin de régler ces objets, je ne vois pas pourquoi dans le petit nombre de communes où la population est plus nombreuse, il y aurait intervention de l’autorité supérieure.
Du reste, je suis entièrement d’accord avec M. le ministre de l’intérieur sur l’importance de soustraire aux délibérations de la commune les questions qui se réfèrent à la grande voirie. Ceci est du domaine public ; la commune n’a rien à y voir.
M. Milcamps. - Comme M. le rapporteur n’est pas en ce moment présent à la séance, j’aurai l’honneur de faire connaître à la chambre les motifs qui ont déterminé la proposition de la section centrale.
Vous savez que l’article 52 de la loi du 16 septembre 1807 porte que, « dans les villes, les alignements pour l’ouverture des nouvelles rues, pour l’élargissement des anciennes qui ne font point partie d’une grande route, ou pour tout autre objet d’utilité publique, seront donnés par les maires, conformément aux plans dont les projets auront été adressés aux préfets, transmis avec leur avis au ministre de l’intérieur et arrêtés en conseil d’Etat. »
Je suis d’accord avec M. le ministre de l’intérieur sur ce point que la disposition de la loi du 1er septembre 1807 n’est relative qu’à la petite voirie, et que la proposition de la section centrale est une innovation législative, en ce qu’elle propose que les alignements soient déterminés par l’autorité locale, sous l’approbation des états députés, dans les villes où passe une grande route comme dans celles où il n’en passe point ; en un mot qu’elle abandonne à l’autorité locale le domaine de la grande et de la petite voirie.
Ici je crois devoir dire que la section centrale a puisé ses motifs dans une circulaire du ministre français :
« Ce n’est pas pour une ville un médiocre avantage que d’avoir des rues larges et bien alignées, d’offrir plus d’agrément et de salubrité et d’assurer au commerce des communications faciles. Cependant les propriétaires ont un motif d’intérêt actuel et plus pressant pour désirer que les plans soient arrêtés. Tant qu’un acte du gouvernement n’a pas fixé les alignements, leur direction reste incertaine ; personne ne peut entreprendre de constructions, sans avoir à craindre que le tracé définitif ne les laisse en saillie, avec la chance d’un retranchement futur, on ne les place dans un enfoncement si les bâtiments voisins qu’on reconstruira plus tard s’élèvent sur une ligne plus avancée. Cette incertitude a pour résultat inévitable de retarder les constructions, d’entraver les transactions et de diminuer la valeur des propriétés dont la délimitation sur la voie publique reste indéterminée. »
La section centrale a cru qu’il était dans l’intérêt de la commune et des habitants que l’alignement fût fixé. C’est là ce qui a déterminé la proposition qu’elle vous fait à cet égard.
Je ne sais s’il existe des lois qui autorisent les bourgmestres à donner les alignements et à les changer. Les lois autorisent les administrations communales à faire des règlements qui défendent aux particuliers de bâtir sans avoir produit à l’autorité communale le plan du bâtiment qu’ils veulent élever. Je ne pense pas que par mesure d’alignement on puisse, aux termes de l’article 11 de la constitution, forcer à reculer un propriétaire qui voudrait reconstruire sa maison, et lui rendre ainsi son terrain. Si l’intérêt de la ville réclamait cette mesure, il y aurait lieu de procéder à l’expropriation publique pour cause d’utilité publique.
Voilà les motifs qui ont déterminé la section centrale à proposer la disposition relative aux chemins vicinaux.
Quant à la disposition relative à la grande voirie, c’est une innovation législative parce que dans ce cas l’alignement n’a jamais été, même sous l’administration française, dans les attributions de l’autorité communale.
M. Desmet. - Si, quand un conseil municipal a résolu la suppression d’un chemin vicinal, et que la députation provinciale a approuvé la délibération, la suppression ne peut pas avoir lieu, je ne sais pas à quoi sert la disposition de votre article.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense que si une commune croyait utile de supprimer un chemin vicinal, et que la députation provinciale approuvât la délibération, le chemin pourrait être supprimé sans autorisation ultérieure. Il n est de même pour les changements de direction ; une délibération du conseil municipal, dûment approuvée par l’autorité provinciale, pourrait être exécutée sans autre autorisation. Mais s’il s’agissait d’un chemin de province à province, l’autorisation royale serait nécessaire.
Je reviens à la question des alignements. Il me semble que pour délibérer avec ordre, il faudrait diviser la proposition. Je demanderai que la discussion s’établisse successivement sur chacun des paragraphes de mon amendement. Alors la discussion sera grandement simplifiée. J’attendrai que la division soit admise pour soutenir chacune des parties.
M. Desmet. - Vous avez entendu M. le ministre de l'intérieur qui nous a dit qu’on pourrait supprimer un chemin vicinal, quand une commune l’aurait résolu, et que cette résolution aurait été approuvée par la députation provinciale. Cependant qu’est-ce qu’un chemin vicinal ? Un chemin vicinal n’est pas exclusivement d’intérêt communal. C’est un chemin de traverse, d’une grande route à une autre. De sorte que c’est une chose d’intérêt général. Si vous donnez au conseil communal le droit de fermer un chemin vicinal, il est évident que vous sortez des termes de la constitution.
M. le président. - M. le ministre de l’intérieur a proposé d’établir la discussion sur chacun des paragraphes de son amendement.
M. H. Dellafaille. - Je ne vois pas l’utilité qu’il y a à soumettre à l’approbation de la députation provinciale quelque chose d’aussi minime que des sentiers.
M. Desmanet de Biesme. - Quelquefois des sentiers sont d’une aussi grande importance que des chemins vicinaux. Il est des propriétaires qui achèteraient un sentier cent fois sa valeur.
M. Berger. - Tour le monde convient qu’un sentier est une espèce de chemin vicinal où on passe à pied et quelquefois à cheval. Le sentier est aux chemins ce que les ruelles sont aux rues ; ce sont des diminutifs, mais ce sont des chemins vicinaux. Le mot « chemin vicinal » s’applique à toute communication qui n’est pas propriété privée.
M. H. Dellafaille. - Il est évident que si le conseil voulait supprimer un sentier qui intéressât des particuliers, ces particuliers pourraient réclamer.
M. Desmet. - Il y a deux espèces de sentiers : les uns où on passe à pied, les autres où on peut passer à cheval, et quelquefois ces sentiers vont d’une province à une autre, comme celui de Hal à Gand, qui a 5 lieues.
C’est bien là un chemin public et d’intérêt général. Cependant si les conseils communaux avaient le droit de supprimer les chemins vicinaux, il suffirait que la commune de Hal fermât le sentier doit je viens de parler pour qu’il fût supprimé. Il est évident que cela ne peut pas être.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois inutile d’insister sur le maintien du mot « sentier. » Le doute exprimé ici prouve assez la nécessité de le maintenir. Dans certaines lois on n’en parle pas ; mais il en est d’autres, où il en est fait mention. Je crois qu’il est nécessaire de conserver cette expression pour que la loi ne présente aucun doute.
M. Dubus. - Si on adopte le n°5, il sera utile d’y conserver le mot « sentier, » car des doutes se sont plusieurs fois élevés à cet égard. Je sais que, dans les règlements nouveaux, les dispositions relatives aux chemins vicinaux règlent aussi les sentiers ; mais on ne les entend pas de même partout. Sous ce rapport, je crois utile de faire une mention expresse du mot « sentier » dans l’article. Mais, dans le cas signalé par M. Desmet, il serait dangereux qu’une commune pût décider la suppression d’un sentier. Il faudrait faire une exception pour le cas où un chemin vicinal ou sentier intéresserait deux communes, afin que la commune intéressée à sa conservation pût s’opposer à la suppression et recourir à l’autorité royale.
La différence entre un chemin vicinal et une grande route est que la grande route est pavée, tandis que le chemin vicinal ne l’est pas. Il y a des chemins vicinaux allant d’une province à l’autre, qui sont beaucoup plus utiles et plus fréquentés que la grande route, sur laquelle il ne passe pas assez de voitures pour que le droit de barrière suffise à l’entretien.
Je voudrais que la disposition fût modifiée pour le cas où la conservation d’un chemin vicinal intéresserait plusieurs provinces, afin que la province intéressée pût recourir auprès du gouvernement contre la décision de la députation des états qui aurait approuvé la suppression du chemin.
M. le président. - Présentez-vous un amendement ?
M. Dubus. - D’autres dispositions ont été renvoyées à la section centrale, peut-être conviendrait-il de renvoyer également celle-ci.
M. Trentesaux. - Permettez-moi une observation. L’article 75 ne change rien au droit. Il porte seulement que les délibérations du conseil seront soumises à la députation. Le droit sera le même après la loi qu’il était avant. Je crois qu’on peut être tranquille sur le droit.
M. Milcamps. - Je ne ferai aucune difficulté à voter la suppression du paragraphe relatif à l’ouverture, à la suppression et à la réparation des chemins vicinaux, parce que, si ma mémoire est bonne, cela est réglé par des lois. Il y a dans chaque province un règlement sur les chemins qui contient toutes les dispositions relatives à l’ouverture, la suppression et la réparation des chemins. Ces règlements sont appliqués tous les jours par les tribunaux.
De manière que comme dans ces règlements il pourrait y avoir des cas où l’on dût recourir à l’approbation royale, il serait peut-être dangereux de maintenir la disposition, parce qu’il n’y aurait que deux degrés de juridiction, l’autorité communale et l’autorité provinciale. Sous ce rapport je ne verrais aucune difficulté à ce que l’on supprimât ces dispositions et à ce que l’on adoptât la proposition de l’honorable M. Desmet.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ferai remarquer à la chambre que mon amendement est le même que celui de la section centrale, à l’exception des expressions de rue et de sentier qui y ont été ajoutées.
M. Dubus. - Je rappellerai à la chambre que j’avais demandé le renvoi de ce paragraphe à la section centrale. Cette section pourra présenter une rédaction qui lève le scrupule de beaucoup d’honorables membres de cette assemblée.
- Le renvoi du premier paragraphe du deuxième amendement de M. le ministre de l'intérieur à la section centrale est mis aux voix et adopté.
M. le président. - La discussion est ouverte sur le paragraphe 2 du même amendement ainsi conçu :
« Les plans d’alignement pour la voirie communale dans les communes dont la population s’élève de 1,000 à 20,000 âmes. Dans les communes d’une population plus forte, les plans d’alignement sont soumis à l’approbation du Roi. »
M. Dumortier, rapporteur. - J’aurai d’abord l’honneur de faire remarquer à l’assemblée qu’il y a une erreur dans la rédaction du deuxième paragraphe en discussion. Il y est dit : « Les plans d’alignement pour la voirie communale dans les communes dont la population s’élève de 1,000 à 20,000, etc. » On ne stipule rien à l’égard des communes dont la population ne s’élève pas jusqu’au chiffre de mille habitants.
Il me semble. messieurs, que les plans d’alignement des voies purement communales ne peuvent et ne doivent pas être soumis à l’approbation de la députation des états ou à l’approbation royale.
Comment ! à Bruxelles, par exemple, un particulier voudra faire changer la façade de sa maison. Il s’adresse à cet effet à l’autorité communale, et il faudra que cette autorité en réfère à l’administration supérieure.
Cela me paraît inutile. C’est par un abus singulier que l’autorité supérieure était parvenue à établir son contrôle sur la grande voirie. Aussi, il était résulté d’étranges bizarreries de cet empiétement sur des actes purement communaux. Chaque fois qu’il s’agissait de plans d’alignement relatifs à la grande voirie , c’était dans le ressort du waterstaat que rentrait l’approbation de ces plans. Mais, lorsqu’il ne s’agissait que de la petite voirie communale, c’était à l’administration locale qu’était laissée l’approbation des plans d’alignement.
Pour régulariser la législation à cet égard, et la rendre plus rationnelle, nous avons cru devoir laisser aux communes le droit d’approbation des plans d’alignement relatifs à la grande et à la petite voirie, du moment que le gouvernement aura arrêté et dressé le plan de construction d’une route. Je crois que c’est le système qu’il convient à la chambre d’adopter.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il ne faut pas confondre l’alignement avec le plan d’alignement. Les plans d’alignement ont toujours été soumis à l’approbation du gouvernement. Mais l’alignement qui n’est que l’exécution du plan est confié à l’administration municipale. Sous l’empire, le maire était chargé de cette exécution. Aujourd’hui c’est au collège des bourgmestre et échevins qu’elle est confiée. C’est cette distinction que mon amendement a pour objet d’établir. Les plans d’alignement dans les communes de vingt mille âmes sont soumis à l’approbation de la députation des états.
Lorsque les communes ont plus de 20 000 âmes, l’approbation royale est nécessaire. Quant à l’alignement en lui-même il fait l’objet du 4° paragraphe de mon amendement, ainsi conçu :
« L’alignement sera donné par le collège des bourgmestre et échevins conformément aux plans approuvés. »
On s’est demandé pourquoi ma proposition ne faisait pas mention des communes dont la population est inférieure à mille habitants. J’ai supposé qu’il était inutile (erratum au Moniteur belge n°329, du 25 novembre 1834 :) d’adopter des plans d’alignement pour cette catégorie de communes. Cependant, si l’on désire la comprendre également dans la disposition en discussion, je ne m’y opposerai pas, quoique je n’en voie pas bien la nécessité.
M. Dubus. - L’amendement de M. le ministre de l’intérieur fait une distinction entre la grande et la petite voirie. Quant à la voirie communale, il fait une autre distinction entre les communes dont la population n’atteint pas 20,000 âmes ou dépasse ce chiffre. La section centrale voulait soumettre à l’approbation de la députation permanente seulement les plans de la grande et de la petite voirie. Je crois que c’est par erreur que le mot « communale » s’y trouve ajouté. Dans la proposition de la section centrale je pense que l’on a tout dit, quand on a dit la petite voirie. Elle ajoute que ces dispositions ne sont pas applicables la grande voirie.
Je ferai remarquer que si l’on adoptait l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, les autorités communales n’auraient pas à statuer sur les plans d’alignement des traverses des routes. L’administration d’une ville sillonnée par une grande route ne pourrait rien décider quant au plan d’alignement de toutes les rues, quelquefois très nombreuses, par lesquelles passerait la grande route.
Une pareille législation entraînerait de grands inconvénients ; elle est tout à fait injuste. Remarquez que la totalité des rues par lesquelles passe une grande route n’appartient pas à l’Etat. L’Etat paie une certaine somme destinée à couvrir une partie de leur entretien. Ouvrez le budget : vous y verrez que l’entretien des traverses des routes est calculé pour une largeur de onze mètres. S’il convient à une administration municipale, dans l’intérêt de l’embellissement de la ville de donner à ces rues une largeur plus grande, et notez bien qu’il arrive presque toujours que la largeur de 4 mètres est dépassée, il faudra selon l’amendement de M. le ministre, qu’elle soumette à l’approbation d’une autorise supérieure le plan d’alignement de ces rues.
Je conçois très bien qu’il ne soit pas permis aux communes de donner aux traverses des routes une largeur moindre que la distance légale. Mais lorsque cette largeur est dépassée, lorsque le plan d’alignement n’est plus fait que dans le but d’embellir la localité, il me semble qu’il est injuste de soumettre au contrôle du gouvernement une affaire d’un intérêt purement local. Ce serait à tort que l’on voudrait exiger l’autorisation royale, sous prétexte qu’il s’agirait dans ce cas de grande voirie.
La seconde observation que je ferai portera sur cette distinction entre les grandes et les petites communes. Les plans d’alignement pour les communes de moins de 20,000 âmes seront soumis simplement à la députation des états, tandis que pour les communes d’une population plus élevée l’approbation royale est regardée comme nécessaire. Je ne suis pas convaincu de l’utilité de cette disposition. Je vois dans ce cas une cause de nouvelles dépenses pour l’administration des ponts et chaussées. Je vois bien que le gouvernement enverra sur les lieux un ingénieur qui dépensera beaucoup d’argent pour ne rien faire d’utile. Les seules autorités qui puissent juger de l’utilité d’un plan d’alignement, ce sont les autorités les plus rapprochées ; ce sont d’abord les administrations communales elles-mêmes ; puis en second lieu la députation des états. Le gouvernement ne me paraît pas plus intéressé à l’embellissement d’une grande ville que d’une ville d’une grandeur moindre/
Vous devez supposer que l’administration municipale d’une grande ville portera autant d’intérêt aux embellissements locaux que l’administration d’une ville moyenne. Aussi je suis à me demander pourquoi M. le ministre a établi cette distinction.
M. le ministre dit qu’actuellement, les plans d’alignement doivent être approuvés par le gouvernement. J’ignore s’il en est ainsi. J’ai vainement consulté la législation en vigueur à cet égard...
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La loi qui règle cet objet est celle (erratum au Moniteur belge n°329, du 25 novembre 1834 :) du 16 septembre 1807.
M. Dubus. - M. le ministre me dit que cela résulte de la loi du 7 octobre 1807. Il me semble que c’est plutôt dans le règlement des villes et du plat pays qu’il faut chercher la législation en vigueur, et non pas dans la loi française. Il me semble que toutes les dispositions antérieures à la promulgation de la loi fondamentale de 1815 ont été abrogées et ne peuvent plus être invoquées comme existant encore.
M. Desmet. - Je demande le renvoi de cette autre partie de l’article à la section centrale.
M. Verdussen. - Je demande la parole contre la motion qu’on vient de faire. La proposition du ministre est claire ; tout le monde en comprend la portée ; on voit que le ministre veut asservir les communes et que la section centrale veut le contraire. Il faut passer outre et rejeter la proposition ministérielle.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Après avoir cité plusieurs fois les textes des lois existantes, des lois qui régissent la matière, et quand on peut prouver que l’on reste de beaucoup au-dessous de ces lois, je ne conçois pas comment on peut encore venir dire que le gouvernement veut centraliser de jour en jour davantage l’administration et asservir enfin les communes. (Ici M. le ministre donne lecture du texte de la loi du 16 septembre 1807 déjà cité par M. Milcamps.) Ainsi, ajoute M. le ministre, les alignements des villes étaient soumis à l’avis du conseil d’Etat où à l’empereur.
Cette disposition est encore en vigueur aujourd’hui, et fréquemment le gouvernement approuve des plans pour l’alignement des villes.
Les règlements de 1825 ne font pas mention de la loi de 1807, objecte-t-on : mais c’est par cela même qu’ils n’en font pas mention, qu’ils ne l’abrogent pas et qu’elle est encore en vigueur. Jusqu’à présent il n’est aucune réclamation contre l’usage que le gouvernement a fait de ce pouvoir que la loi du 10 septembre lui attribue.
Je l’ai déjà dit, il serait possible de démontrer que le projet en discussion détruit, en un très grand nombre de points, la centralisation que l’on semble tant redouter : je tiens à attirer l’attention de la chambre sur cette vérité afin qu’on ne se préoccupe pas de l’idée que le gouvernement cherche à augmenter son pouvoir, à augmenter la centralisation ; une telle idée est une erreur manifeste.
M. Dumortier, rapporteur. - Comme l’a très bien dit M. Verdussen, il est complètement inutile de renvoyer cette partie de l’article à la section centrale ; il est par trop clair qu’on veut perpétuer les abus et les vices nés des attributions de l’administration des ponts et chaussées ; mais ce dessein ne doit pas nous toucher et nous devons, malgré les prétentions du waterstaat, laisser les communes libres d’aligner leurs rues. Serait-il convenable en effet d’interdire à la ville de Bruxelles d’arrêter le plus petit plan concernant l’alignement de ses rues, sans consulter l’autorité royale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Cela a existé.
M. Dumortier, rapporteur. - Non, cela n’a pas existé. La loi que vous invoquez est pour vous-même d’une application si peu certaine que vous voulez lui donner vie en l’introduisant dans la loi communale.
Les règlements de 1825 sont la consécration des droits des communes. Comme la loi actuelle est la consécration des droits de ces mêmes communes, eh bien, les règlements ont gardé le silence sur la loi du 16 septembre 1807, et de ce silence il résulte évidemment que cette loi est abrogée. Si elle ne l’était pas, elle le serait par le silence de la loi communale en discussion ; cela vous paraît tellement certain que vous cherchez à en faire mention dans quelque disposition.
Quand on dresse le plan général d’une commune, je comprends qu’il faille le soumettre à l’autorité provinciale ; ce n’est pas à cela que se borne la demande ministérielle M. le ministre veut que l’on soumette à l’autorité provinciale le plus petit plan relatif à un alignement.
Ainsi une grande commune comme Bruxelles, qui a le plus grand intérêt à avoir de beaux alignements, ne pourrait redresser celui de la plus chétive maison dans la rue de la Puterie, ou dans la rue Treurenberg. Laissez donc faire les villes.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Quand on nie de nouveau l’existence de la loi, je ne puis faire autre chose que de la lire. (M. le ministre donne en effet lecture de l’article déjà lu deux fois.) La disposition de la loi est tellement claire, poursuit le ministre, qu’elle a été exécutée dans toutes les villes : non seulement les plans généraux ont été soumis à l’approbation royale, mais encore les plans partiels ; ainsi il demeure évident que de l’existence de la loi est reconnue.
Le règlement de 1825 n’en parle pas : cette objection est sans valeur, car depuis 1825 la loi a été exécutée et personne n’y a mis opposition.
M. Fallon. - Comme il est bon d’éviter les conflits entre le ministère et l’administration des ponts et chaussées, pour ce qui est relatif aux grandes routes et aux routes de traverse, je crois qu’il faut ici faire une distinction…
Quant à la loi du 16 septembre 1807, je disais que Merlin pensait qu’elle était abrogée par la loi de 1810 ; que cette opinion n’a pas été partagée et que depuis on a reconnu que la législation de 1807 était encore en vigueur.. (L’honorable membre cite ici une contestation, d’après laquelle l’existence de la loi de septembre est établie par la jurisprudence. Il termine en faisant remarquer que jamais on n’a révoqué en doute que la loi de 1807 ne fût applicable.)
M. Dubus. - Je prends la parole pour faire une motion d’ordre ; mais je demande la permission d’examiner quelques assertions du ministère.
Je ferai remarquer que la loi de 1807 attribue aux maires le droit de régler les alignements des rues, sauf l’approbation du prince. On ne dira pas que cette attribution des maires ait subsisté malgré les constitutions qui ont été promulguées depuis. Les dispositions de la législation de 1825 évidemment font tomber la loi de 1807 ; c’est sous l’administration du fameux syndicat d’amortissement, dans les attributions de laquelle étaient les ponts et chaussées, qu’on a mis à exécution quelques parties de la loi de 1807.
Pendant longtemps, sous le gouvernement précédent, on n’a pas recouru à l’autorité supérieure pour les alignements en matière de grande voirie, de grandes routes, quand elles traversaient les villes ; c’était exclusivement l’administration communale qui prononçait ; le waterstaat n’avait rien à dire, Il n’a commencé à élever ses prétentions que sous le syndicat d’amortissement comme je viens de le dire.
Nous n’avons d’ailleurs pas à examiner quelle a été la législation antérieure ; nous avons mission d’examiner ce qui convient maintenant au pays. Nous devons résoudre ces questions : Le conseil communal doit-il prononcer en cette matière ? Suffit-il que ses délibérations soient soumises à l’approbation de la députation provinciale ? L’intérêt des communes exige-t-il un autre contrôle ? Si tout cela est suffisant, nous n’avons pas à nous enquérir de ce que Napoléon jugeait à propos de faire dans son empire ; nous ne devons pas invoquer la législation du grand empereur, car avec elle nous aurions la centralisation générale et aucune liberté communale, et c’est ce que nous ne voulons pas.
Depuis la révolution on a cru qu’il fallait détruire en grande partie la centralisation : néanmoins tous les ministres que nous avons eus n’ont cessé d’invoquer la marche du gouvernement de Napoléon dans toutes les parties administratives ; ils ont tous eu la tendance d’établir la centralisation telle qu’elle existait sous ce terrible administrateur. C’est là un mauvais modèle que nous ne voulons pas suivre.
Je demande qu’on signale les inconvénients du système de la section centrale. Sans cela je croirai que c’est celui qu’on doit préférer. Il appartient à la commune de prononcer sur ce qui est d’intérêt communal ; toute autre autorité prononcerait avec moins de connaissance de cause.
Si vous trouve que la question soulève des difficultés et des doutes, je ne m’oppose pas au renvoi à la section centrale. Mais je pense que l’on en a assez dit pour voir qu’il y a lieu de rejeter l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.
M. Fallon. - Relativement au paragraphe 6 tel que le propose la section centrale, il reste un doute. Sur le premier membre de phrase de ce paragraphe, je suis d’accord avec la section centrale : je crois que pour tout ce qui est d’intérêt communal il faut décentraliser. Mais lorsqu’une grande route traverse les villes, elle n’est plus exclusivement de la voirie communale ; elle fait partie de la grande voirie. Vous voyez donc que le paragraphe 5 touche à la grande voirie ; il faudrait s’expliquer à cet égard.
M. Dumortier, rapporteur. - Je crois qu’il est facile de résoudre la difficulté soulevée par l’honorable préopinant. Il suffira de supprimer le mot « communale » et de dire simplement : « La grande et petite voirie. »
- La proposition de M. Desmet tendant à ce que la deuxième partie du n°5 soit renvoyée à la section centrale, est mise aux voix : elle est adoptée ; en conséquence ce renvoi est ordonné.
M. le président. « § 6°. Les projets de construction, de grosses réparations et de démolition des édifices communaux, les réparations à faire aux monuments de l’antiquité, les travaux d’utilité ou d’embellissement à entreprendre aux frais de la commune. »
M. Doignon. - Ce paragraphe comprend « les travaux d’utilité ; » mais tous ces travaux ont leur utilité. Ainsi la commune ne pourrait placer ni déplacer une porte de son hôtel-de-ville sans recourir aux états. Il suit de là que tout ouvrage quelconque, et de quelque valeur qu’il soit, devrait recevoir l’approbation des états députés ; sous ce rapport, le pouvoir communal se réduirait à zéro. On soumet plus haut les projets de construction, et cette disposition paraît suffisante. Dès que le travail à faire n’est pas une construction nouvelle, il tombe dans les actes de pure administration, et dès lors on ne peut assujettir l’administration locale à une approbation.
Pour plus d’exactitude, il conviendrait de dire : « Les projets de construction nouvelle. »
M. Dumortier, rapporteur. - Je ferai remarquer que l’intention de la section centrale a été de soustraire au contrôle de la députation les délibérations relatives aux petites réparations. C’est dans ce but que nous avons modifié le projet du gouvernement et dit : les grosses réparations. D’après le projet du gouvernement, les plus petites réparations communales eussent été contrôlées par la députation. Ainsi le conseil voudrait-il par exemple faire repeindre le cabinet du bourgmestre, il fallait l’approbation de l’autorité provinciale. Nous avons pensé qu’il ne devait pas en être ainsi.
Quant aux mots : « les travaux, d’utilité ou d’embellissement à entreprendre aux frais de la commune » qui terminent le paragraphe, je pense avec mon honorable ami M. Doignon qu’ils doivent être retranchés. Car ici encore le contrôle de la députation est inutile. J’en propose formellement la suppression.
- L’amendement proposé par M. Dumortier, tendant à la suppression du dernier membre de phrase du paragraphe 5, est mis aux voix et adopté.
- Le paragraphe 5 ainsi amendé est également adopté.
M. le président. - « 7°. Les budgets des dépenses communales et les moyens d’y pourvoir. »
M. Doignon. - Messieurs, je ne puis adopter cette disposition telle qu’elle est rédigée. Je demanderai, en effet, au gouvernement et à la section centrale si sa rédaction n’emporte pas cette conséquence que la députation a le droit de réduire et retrancher du budget les dépenses mêmes qui ne sont soumises d’après la loi à aucune approbation. Or, c’est là une inconstitutionnalité contre laquelle je dois protester.
Ce numéro devrait reproduire la discussion qui a eu lieu sur le n°1° de l’article 86 de la loi provinciale, qui soumet également à l’approbation du Roi le budget des dépenses provinciales, numéro que l’on a regretté ensuite d’avoir laissé passer inaperçu et sans aucune discussion.
L’article 108 de la constitution veut que l’approbation ne soit requise que dans les cas que la loi détermine ; par conséquent, il n’y a que les actes de la commune formellement prévus par la législature qui puissent être assujettis à l’approbation, et tous les autres actes du conseil demeurent affranchis de cette formalité.
D’après ce, toute dépense pour laquelle la loi n’exige aucune approbation, doit sans doute être aussi comprise au budget de la commune ; mais ce n’est point et ce ne peut être pour recevoir l’agréation de l’autorité supérieure, puisqu’elle en est positivement dispensée en vertu de la constitution, mais c’est uniquement pour en faire connaître le chiffre, servir à fixer le total des dépenses, et régulariser cette partie du service. Par conséquent, lorsqu’il est question d’une dépense qui n’est point rappelée parmi celles dont l’approbation est formellement requise, les états députés sont sans aucun droit pour la rayer du budget et violeraient la constitution s’ils se permettaient de la désapprouver.
Si, sous le prétexte qu’on doit comprendre au budget toute dépense quelconque, même celle de quelques francs pour achats de papiers, plumes et encre, l’on donnait aux états le droit de le rejeter indistinctement toutes, il s’en suivrait que le pouvoir communal ne serait plus, pour ainsi dire, qu’un vain mot, qu’il aurait les mains tellement liées qu’il ne pourrait plus faire de son chef le moindre acte d’administration, et qu’enfin le droit d’approbation par l’autorité supérieure deviendrait réellement la règle, tandis qu’il ne doit être que l’exception.
Le budget est pour la commune comme pour l’Etat une loi d’exécution. Ainsi, lorsque le conseil a décrété une dépense et qu’il a pu le faire sans nulle approbation, on ne peut davantage le soumettre pour l’exécution à cette formalité ; sinon, son autorité n’est plus qu’une dérision.
Si toute dépense quelconque est sujette à l’approbation, que ce soit dans le budget, ou de toute autre manière, le résultat est le même ; mais dans ce cas il suffirait d’un seul article dans la loi portant que la commune ne peut faire une dépense d’un centime sans l’approbation des états, et il serait superflu de faire déterminer par la loi certains cas où cette agréation est indispensable.
Le résultat est le même au fond, car si les états ont le droit de rejeter la dépense, ils ont par cela même le droit de la juger, et par suite de s’enquérir de son utilité ou nécessité. Mais s’ils ont ainsi le droit de s’immiscer dans les objets les plus minutieux du ménage de la commune, il faut effacer le pouvoir communal de notre constitution, surtout que nos états députés sont présidés par un agent du gouvernement qui y exerce la plus grande influence.
Mais, a-t-on objecté, si l’autorisation provinciale ou le gouvernement a le droit de rejeter du budget aucune des dépenses pour lesquelles l’approbation n’est point exigée par la loi, il arrivera que ces communes pourront multiplier ces sortes de dépenses autant qu’elles le voudront, qu’elles pourront administrer follement sans aucun frein contre leur esprit de prodigalité, qu’elles pourront ainsi ruiner leurs finances sans qu’on puisse les en empêcher.
D’abord nous ferons observer que les actes qui d’après la loi actuelle ne requièrent aucune approbation, sont ceux qui en général tombent dans le domaine de la simple administration ; que le projet a prévu tant de cas où l’agréation est nécessaire, qu’il n’est aucun acte important du conseil communal qui puisse recevoir son exécution sans au moins l’adhésion des états.
Or, l’on ne peut douter qu’à l’égard des actes de pure administration, l’esprit comme le texte de la constitution veulent qu’on ait foi dans la gestion des conseils communaux ; on perd toujours de vue que notre charte a créé un pouvoir communal, que ce pouvoir n’en serait plus un ou serait plus qu’une ombre s’il n’avait une existence distincte et séparée des autres et s’il était subordonné d’une manière absolue à l’un d’eux, si enfin il ne jouissait lui-même d’une indépendance réelle dans la plupart des actes de l’administration ; la constitution l’a voulu ainsi puisqu’en principe elle attribue généralement au conseil tout ce qui est d’intérêt communal, et que la seule modification qu’elle admet ici doit se limiter à certains cas seulement que la loi doit spécifier.
La règle générale et constitutionnelle est donc que le conseil peut agir sans approbation. Or si vous voulez que le pouvoir communal ait une existence réelle, vous ne pouvez lui accorder moins que la libre administration, par rapport à ces actes d’une gestion ordinaire. La constitution a donc rejeté elle-même cette défiance qu’on veut sans cesse faire planer sur la commune pour lui lier les mains jusque dans les affaires les plus simples de la communauté. Mais dès que la constitution a prononcé, il n’y a plus de question pour le législateur.
Mais, dans le fait, l’objection que nous combattons est une pure exagération. Le congrès n’a pas craint, et nous ne devons pas craindre plus que lui, que, pour le plaisir de s’obérer, des communes se montreraient prodigues dans les frais de pure administration, car on doit considérer qu’il ne s’agit pas de ces frais, puisque les autres cas plus sérieux pour la commune sont prévus, et qu’à leur égard les conseils sont suffisamment bridés par la condition de l’approbation des états.
Mais si le législateur doit porter sa sollicitude jusqu’au point de devoir supposer un abus aussi étrange et aussi invraisemblable de la part des communes et surtout de nos villes, abus auquel, dans tous les cas on ne doit remédier par une loi que lorsque la voix de l’expérience le réclame, il y aurait lieu peut-être d’admettre un tempérament qui concilierait les opinions.
Ne pouvait-on faire au moins une distinction entre le cas où les dépenses du budget sont égales ou inférieures aux voies et moyens et celui où elles excéderaient les recettes ? Au premier cas, l’autorité provinciale devrait toujours admettre au budget sans observations les articles qui, d’après la loi, ne sont assujettis à aucune approbation. En effet, le prétexte que la commune pourrait se ruiner en multipliant des dépenses de cette espèce n’existe plus, aussi longtemps que les ressources ordinaires de la commune restent au-dessus de la dépense totale, et qu’on a déjà compris dans celle-ci toutes les charges obligatoires. On doit alors laisser d’autant plus au conseil le libre exercice de son droit, que son budget annuel n’offre réellement aucun déficit.
Mais au deuxième cas, et si, par suite de l’augmentation de semblables dépenses, il y avait déficit dans les finances, dans cette hypothèse les états ne rejetteraient point en particulier les articles dont il s’agit, puisque la constitution s’y oppose en les dispensant de toute approbation ; mais la loi les autoriserait à rejeter le budget en masse avec invitation à la commune de modérer ou ajourner ces mêmes articles. En un mot la commune resterait entièrement libre à leur égard aussi longtemps que ses finances ne présenteraient point de déficit. Ce n’est point précisément à cause de ces mêmes articles que le budget ne serait point approuvé, mais à cause du déficit lui- même.
Les états, s’apercevant qu’ils sont la cause d’un vide sérieux dans la caisse, refuseraient d’autoriser d’autres voies et moyens pour les couvrir. De son côté, la commune, étant avertie qu’elle ne serait point autorisée à se créer de nouvelles ressources pour remplir un pareil déficit, se gardera bien de se trouver dans un cas semblable. Et après tout, admettons qu’il y ait une administration assez folle pour ne point entendre son véritable intérêt ni les conseils de l’autorité supérieure, est-ce là un motif pour mettre les fers à toutes les communes du royaume ? En tout cas, la constitution a tranché cette question, et lorsqu’elle a parlé, nos craintes comme nos raisonnements sont inutiles.
Je rejetterai donc le numéro tel qu’il est rédigé, parce qu’il laisse à la députation la faculté inconstitutionnelle de rayer ou réduire des dépenses qu’elle n’a pas le droit d’approuver ni par conséquent d’improuver ; qu’au moins cette faculté devrait lui être interdite ainsi longtemps que le budget ne présente point de déficit.
M. Dumortier, rapporteur. - Je crois, messieurs, que l’honorable préopinant est dans l’erreur. Suivant lui, le n°7 laisserait à la députation le soin de retrancher ou d’augmenter certaines dépenses du budget communal. Cela est complètement inexact.
Le texte est pur et simple et sans réserves ; il en résulterait, s’il n’y avait aucune autre disposition dans la loi, que l’administration provinciale aurait le droit d’admettre ou de rejeter le budget communal. Mais nous avons tous compris qu’il ne pouvait en être ainsi, et nous y avons pourvu dans l’article 139 dont le premier paragraphe est ainsi conçu : « Les budgets et les comptes doivent, à la diligence des bourgmestres et échevins, être soumis à l’approbation de la députation provinciale qui les arrête définitivement. »
Lorsque viendra cet article, les observations de l’honorable préopinant trouveront leur place dans la discussion. Mais pour le présent elles sont sans effet. Il ne s’agit que d’établir le principe, savoir que les délibérations sur le budget communal seront soumises à la députation provinciale.
Quant au principe il n’est pas en discussion. Et je pense que personne ne veut que la commune règle son budget sans aucun contrôle. Quant à moi je veux la liberté communale, je la veux aussi sincèrement que qui que ce soit ; et néanmoins je ne veux pas que les administrations communales puissent s’obérer par des votes de dépenses qui ne recevraient aucun contrôle.
Je ferai remarquer à l’assemblée que d’après le système qui dérive de la constitution, nous allons avoir périodiquement le renouvellement des magistrats de la commune. Tous les deux ans la moitié de la régence sortira ; tous les quatre ans il y aura renouvellement des bourgmestre et échevins. Or, dans l’administration communale comme partout, il y a de la part des membres qui y sont attachés une tendance à laisser des traces de leur passage dans les petites comme dans les grandes communes ; et cela pour mettre sur un monument « M. un tel en a posé la première pierre, etc. »
Si vous laissez la commune régler son budget sans contrôle, toutes les communes seront obérées. Je crois donc qu’il faut une intervention ; et ce ne peut en être une autre que celle de la députation. Je pense en avoir dit assez pour que la chambre adopte le septième paragraphe.
- Le septième paragraphe est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Le n°8 de la section centrale est le même que le n°9 du gouvernement. Il est ainsi conçu :
« Le compte annuel des recettes et dépenses communales. »
- Adopté.
M. le président. - La section centrale propose la suppression du n°10 du gouvernement.
M. Verdussen propose par amendement un n°9 ainsi conçu : « Les règlements organiques et les comptes annuels des administrations des monts-de-piété. »
M. Verdussen a la parole pour développer son amendement.
M. Verdussen. - Le but que je me propose d’atteindre dans l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous soumettre, messieurs, est triple :
1° Je voudrais ne point rendre tout à fait indépendants les monts-de-piété, pas même ceux qui pourraient se soutenir par leurs propres fonds ;
2° Ne point assimiler ces établissements aux hospices et aux bureaux de bienfaisance ;
Et 3° annuler les effets de l’arrêté malencontreux du 31 octobre 1826.
Dans tout le projet de la loi communale je ne rencontre le nom de monts-de-piété qu’une fois et c’est à l’article 90 où il est dit que le collège des bourgmestre et échevins en aura la surveillance. Bien que cette disposition ne contrarie pas ce que je voudrais établir, elle me paraît insuffisante et ces institutions d’un haut intérêt méritent une mention plus spéciale.
Aux termes de l’article 77 de la section centrale on est tenté de supposer que les établissements qui ne demandent ou ne reçoivent aucun subside de la commune, jouiront d’une indépendance presque totale. Je ne voudrais pas que cette règle s’étendît jusqu’aux monts-de-piété, quand même ceux-ci pourraient subsister sans secours pécuniaires de la commune, parce que les administrations des pauvres, au profit desquelles les lombards sont exploités d’après le décret du 24 messidor an XII, pourraient abuser de cette indépendance, et alléchées par les bénéfices qui leur reviendraient du taux élevé de l’intérêt, elles pourraient exiger du malheureux emprunteur des sacrifices trop pénibles dans la triste nécessité où il se trouve d’avoir recours à ces banques de prêt.
Nous pouvons remarquer dans les propositions de la section centrale que, par esprit de décentralisation, elle a soustrait à la haute surveillance de la députation provinciale les établissements de bienfaisance et de charité établis dans la commune, pour les faire dépendre uniquement de l’autorité communale. Ce principe, que j’approuve en général, ne devrait cependant pas, suivant moi, s’étendre jusqu’aux monts-de-piété, dont les intérêts ne se bornent pas à la commune où ils sont établis, mais dans la bonne administration desquels les populations des communes voisines ont également un grand intérêt, puisque c’est à ces institutions qu’elles doivent recourir dans des moments de détresse.
Sous ce rapport les monts-de-piété ne sont point des établissements purement communaux, et ainsi je pense que les actes les plus importants qui en émanent, tels que les règlements organiques et les comptes annuels, ne doivent pas seulement être soumis à l’autorité communale, mais obtenir également la sanction d’une autorité supérieure, que je borne toutefois à la députation permanente des états provinciaux.
C’est principalement dans cette dernière disposition que je m’écarte le plus de l’arrêté du 31 octobre 1826, qui faisait intervenir le gouvernement dans les points importants de l’administration des maisons de prêt ; c’est cette centralisation odieuse qui a fait le tourment de tous les administrateurs des monts-de-piété, et que par ces motifs je voudrais surtout faire disparaître.
Cependant mon intention n’est point d’empêcher que le gouvernement n’intervienne dans la création d’un nouvel établissement de cette nature ; au contraire je conserve cette disposition du décret impérial du 24 messidor précité puisque, d’après l’esprit de l’article 153 du projet de loi communale toute disposition légale est conservée qui n’est pas contraire aux stipulations nouvelles, et mon amendement ne parle aucunement de l’érection de nouvelles maisons de prêt, mais uniquement de l’organisation et de l’exploitation de celles dont l’existence aura été approuvée par le gouvernement.
Après vous avoir exposé le but de ma proposition, c’est à vous, messieurs, à juger si les termes dans lesquels je l’ai formulée répondent à ce que j’en attends.
M. Donny. - Cette proposition est importante et je me propose de l’examiner, mais je ne crois pas que l’assemblée soit dans la disposition de m’écouter maintenant ; je demande la remise de ce débat à la prochaine séance.
- La séance est levée ; il est près de 5 heures.