(Moniteur belge n°217, du 5 août 1834 et Moniteur belge n°218, du 6 août 1834)
(Moniteur belge n°217, du 5 août 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
A une heure M. le président. occupe le fauteuil, mais la chambre n’est pas encore en nombre.
M. de Brouckere. - Messieurs, déjà depuis 8 ou 10 jours nous n’assistons plus aux séances qu’au nombre de 53 ou de 54 ; les appels nominaux en font foi. Aujourd’hui il est déjà plus d’une heure et nous ne sommes pas encore en nombre suffisant pour délibérer. Il est à remarquer que, parmi les membres qui ont signé la liste de présence, il y en a deux qui sont partis pour se retirer dans leur province et qui ne doivent revenir à Bruxelles que pour la prochaine session.
- Un membre. - Qui ?
M. de Brouckere. - Il est, je crois, inutile de les nommer.
Il paraît que plusieurs honorables membres se proposent de partir demain ou après-demain ; il est hors de doute qu’alors nous ne serons plus en nombre suffisant pour tenir séance. Il serait injuste que des membres qui viennent remplir leurs devoirs fussent dupes en se tenant toujours prêts à siéger, alors que toute séance serait impossible.
Je demande donc qu’il soit procédé à l’appel nominal, et qu’ensuite on envoie chercher les membres se trouvant à Bruxelles qui ne sont pas présents à la séance, afin que la chambre s’étant complétée puisse prendre une détermination. (Appuyé ! Appuyé !)
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
A une heure un quart la chambre est en nombre et la séance est ouverte.
M. Vinchent, secrétaire général du ministère de la justice, et Fernelmont, premier avocat-général à la cour d’appel de Bruxelles, nommés commissaires du Roi par arrêté du 2 août pour défendre le projet de relatif à l’augmentation du personnel des cours et tribunaux et à la tenue des assises, sont présents à la séance.
M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; il est adopté sans réclamation.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur Sohest, militaire pensionné et ex-commis de 4e classe de la douane, demande le paiement de sa pension pour le dernier trimestre de 1833, pendant lequel il n’a pas reçu de traitement. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur J.-T Anciaux, adresse des considérations sur le cadastre. »
- Renvoi à la commission chargée de l’examen des opérations cadastrales.
La cour des comptes a transmis à la chambre ses observations sur le compte général des recettes et dépenses pour 1832.
- La chambre en ordonne l’impression et la distribution.
M. de Roo demande un congé de huit jours.
- Le congé est accordé.
M. le président. - La chambre a décidé qu’elle statuerait aujourd’hui si elle reprendrait la discussion de la loi communale ou si elle voterait la loi relative au personnel des cours et tribunaux.
M. Fernelmont, commissaire du Roi. - Je prie la chambre de considérer combien est urgente la loi relative au personnel de cours et tribunaux, et de vouloir bien lui accorder la priorité.
M. Verdussen. - Je demanderai si MM. les commissaires du Roi sont également nommés pour défendre la loi communale. (Non ! non !)
- La proposition de M. le commissaire du Roi est mise aux voix et adoptée.
M. Liedts, rapporteur. - Votre commission s’est réunie hier ; le résultat de son travail est le projet que vous avez sous les yeux ; il a été dressé dans l’hypothèse que la chambre distrairait les questions de principes pour s’occuper uniquement du personnel des corps judiciaires. Je vous exposerai succinctement les motifs de ce projet.
L’article premier porte : « Le personnel de la cour d’appel de Bruxelles est augmenté d’un président de chambre, de cinq conseillers et d’un avocat-général. »
Cet article n’a pas obtenu dans la commission l’unanimité des suffrages ; deux membres lui ont refusé leur vote ; l’un voulait que le personnel de la cour de Bruxelles ne fût augmenté que de 3 conseillers et d’un avocat-général, l’autre seulement de 3 conseillers. De sorte que l’article premier a été adopté à la majorité de 3 voix contre 2. La minorité de la commission a dit que si le personnel augmenté de 3 conseillers était encore insuffisant aujourd’hui, il serait plus que suffisant lorsqu’une loi définitive aurait réglé la compétence. On a répondu à cela qu’on ne pouvait pas renvoyer les justiciables dont les causes étaient en retard, à une époque vraiment indéfinie, celle où la loi de compétence serait votée.
L’objection que l’on fait contre l’article premier consiste principalement à dire que l’arriéré de la cour de Bruxelles disparaîtrait si l’on pouvait remplir les places qui y sont vacantes. J’avoue que si la cour de Bruxelles, qui en ce moment est réduite à 18 membres, se trouvait au grand complet, l’arriéré des causes serait moindre ; mais on ne peut en conclure que si toutes les chambres étaient complètes, elles suffiraient à l’expédition de toutes les affaires.
Pour se convaincre que trois chambres civiles sont nécessaires à la cour de Bruxelles, il suffit de comparer quelques chiffres. La cour d’appel de Liége reçoit 250 appels civils ; cette cour, qui a deux chambres civiles, a la plus grande peine à expédier ces affaires, tellement qu’elle serait plutôt portée à demander l’augmentation de son personnel qu’à souscrire à une diminution.
La cour de Bruxelles, au contraire, depuis son organisation jusqu’en 1834, a reçu par année 400 causes civiles. Or, je demande, lorsqu’à Liége deux chambres civiles, suffisent à peine à l’expédition de 250 causes, comment on veut qu’à Bruxelles deux chambres puissent expédier 400 causes par année.
Maintenant la cour de Bruxelles reçoit en outre un grand nombre d’affaires du Hainaut ; une chambre est exclusivement occupée de ces affaires ; on lui donne le nom de chambre wallonne. Cette cour a encore toutes les causes relatives à l’administration centrale ; ce sont toujours des affaires longues et difficiles, les autres cours n’ont aucune affaire de ce genre. Enfin il faut ajouter à cela une plus grande quantité de divorces et de séparations de corps, causes qui donnent toujours lieu à de si longs débats.
Il y en a plus dans la capitale que dans tout le reste du royaume. Il n’y a jamais une audience sans qu’il y ait au rôle plusieurs affaires de ce genre. Il est, j’en suis convaincu, absolument impossible que la cour de Bruxelles se tienne au courant de l’expédition de toutes ces causes, si vous ne lui adjoignez pas une troisième chambre civile, Il ne faut pas oublier que le nombre des affaires, portées à la cour d’appel, augmentera encore lorsque le tribunal de première instance de Bruxelles, qui a aussi un arriéré effrayant, aura reçu l’augmentation de personnel qu’il demande.
Si, lorsqu’on votera la loi destinée à régler la compétence générale des tribunaux, on s’aperçoit que le personnel excède les besoins du service, rien ne s’opposera à ce que la loi porte que le personnel excédant les besoins ne sera pas remplacé au fur et à mesure des vacatures.
Une autre remarque à faire, c’est que toutes les affaires sont en souffrance ; les affaires de Mons sont celles qui souffrent le plus. Lorsque la cour de Gand a été séparée de celle de Bruxelles, l’arriéré des causes de Mons était d’une quarantaine de causes ; les causes survenues depuis en ont porté le nombre à 98. Depuis la séparation des deux cours d’appel, sur ces 98 causes la cour de Bruxelles n’a pu en expédier que 14.
Je crois que ce que je viens de dire suffit pour justifier la nécessité de l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles.
J’arrive à la cour d’appel de Gand. La commission vous propose qu’il lui soit adjoint un deuxième avocat-général. Il est impossible qu’un seul suffise au service de cette cour.
Il y a eu division dans la commission sur la question de savoir si le personnel de cette cour serait aussi augmenté de trois conseillers : 5 membres étaient présents ; 2 membres ont résolu la question affirmativement, 2 négativement. Le 5ème membre s’est abstenu de voter.
Le nombre des affaires renvoyées de Bruxelles à Gand était de 88 ; ce nombre est très minime, mais il faut remarquer que le barreau de Bruxelles, à l’approche de la nouvelle organisation judiciaire, a fait vider les appels qui étaient en instance devant la deuxième chambre, parce qu’il voyait arriver le moment où ces appels allaient passer en d’autres mains.
Dès la première année de l’installation de la cour de Gand, les affaires introduites étalent de 260 ; les affaires jugées pendant cette année ont été de 130. Il y a eu ainsi arriéré, et cet arriéré a été en augmentant.
Lors de la nouvelle organisation de 1832, pour tous ceux qui veulent être impartiaux dans ces affaires, on doit avouer qu’il a été commis à l’égard de la cour d’appel de Gand une grande injustice. On a comparé la cour d’appel de Gand à la cour d’appel de Bruxelles ; on aurait dû la comparer aussi à la cour d’appel de Liége. A Liége, il y a trois provinces auxquelles on doit envoyer trois conseillers ; mais remarquez que les assises de la Flandre orientale sont doubles de, celles de Liège ; or, si dans la Flandre orientale six conseillers sont occupés pour les assises pendant un temps double qu’à Liége, cela compense les trois conseillers dont Liège se trouve privée momentanément.
Malgré le plus grand nombre de provinces qui sont du ressort de la cour de Liège, il n’y a pas nécessité de donner un personnel plus nombreux à cette cour. Les affaires civiles qui s’instruisent à Gand excèdent les affaires civiles qui s’instruisent à Liège soit par la population, soit par la plus grande division des propriétés (cause qui amène toujours un plus grand nombre d’affaires civiles), de sorte que, si on considère le nombre des affaires civiles des deux Flandres et le nombre des affaires civiles qui sont dans le ressort de la cour d’appel de Liège, il faut accorder le même personnel à la cour de Gand qu’à la cour de Liége.
La seule objection faite à ces observations consiste à dire que jusqu’ici les plaintes ne sont pas arrivées relativement à la cour de Gand, et que l’arriéré des affaires ne s’est pas tellement accumulé puisqu’il n’a pas excité de plaintes. On peut répondre à cela que depuis deux ans que la cour d’appel existe à Gand, l’arriéré a toujours été en augmentant ; on ne doit pas attendre les plaintes, on doit les prévenir.
Voilà pour ce qui concerne la cour de Gand ; maintenant, pour le tribunal de première instance de Bruxelles, la commission propose une augmentation de trois juges, deux suppléants et un substitut. Pour justifier cette augmentation, peu d’explications sont nécessaires.
La chambre correctionnelle est aussi expéditive que possible ; elle expédie 1,000 à 1,100 affaires correctionnelles par an ; c’est tout ce qu’humainement on doit exiger.
La chambre civile qui s’assemble 4 fois par semaine, les autres jours étant employés pour préparer et examiner les affaires, la chambre civile fait tout ce qu’elle peut pour se tenir au courant des affaires ; mais elle ne peut y parvenir, et l’arriéré s’augmente d’une manière effrayante. L’arriéré des causes devant le tribunal de première instance de Bruxelles est de 800 ; vous voyez qu’il y a nécessité de donner une nouvelle chambre civile au tribunal de première instance de Bruxelles, autrement les affaires civiles ne pourraient être évacuées.
Je crois que votre commission a fait tout ce qui était possible pour concilier l’économie avec les besoins du service, en demandant trois nouveaux juges ; peut-être même le gouvernement voudra-t-il ajouter à ces trois juges un président. Remarquez qu’en donnant trois juges on ne donne que le nombre nécessaire pour siéger, et qu’un membre peut ne pas pouvoir siéger. On donne deux suppléants, il est vrai ; mais les suppléants n’aiment pas à siéger, et souvent ils n’ont pas toute la confiance du barreau.
Je dois rendre compte aussi, messieurs, des dépenses qu’entraîneront les changements que la commission vous propose. Ces changements d’après ses calculs augmenteront les dépenses du ministère de la justice de 56,100 francs ; mais cette dépense n’est que nominale, ou plutôt si le budget du ministère de la justice s’augmente de 56,100 francs, il est vrai de dire que les changements proposés feront rentrer dans le trésor public une somme beaucoup plus forte.
Si on consulte un tableau qui a été dressé à cet égard, les droits que perçoit annuellement le seul tribunal de première instance de Bruxelles montent au-delà de 100,000 francs. En lui adjoignant les 3 juges que propose la commission, la somme sera augmentée d’un tiers.
Je crois donc que les dépenses sont en quelque sorte fictives ; fussent-elles réelles, ce ne serait pas la dépense qui pourrait nous arrêter, lorsqu’il s’agit de faire rendre la justice aux citoyens.
Vous seriez effrayés, messieurs, des conséquences qui résultent des entraves apportées à la marche de la justice. Il est tel père de famille dont l’état de fortune le mettait dans une grande aisance, qui se voit privé de tous ses revenus parce qu’il a plu à un créancier de mettre saisie et arrêt entre les mains de ses fermiers ; malgré tout ce qu’il a pu faire, il n’a pu vider cette affaire, et il se trouve forcé de vivre, lui et sa famille, d’emprunts.
Je pourrai citer d’autres exemples analogues qui prouveraient combien il y a urgence dans les changements qu’on propose.
M. Fernelmont, commissaire du Roi. - Je déclare me rallier à l’ajournement proposé sur le premier projet relatif aux questions de compétence ; cet ajournement simplifiera beaucoup la discussion du second projet auquel je déclare également me rallier, sauf quelques modifications que j’aurai l’honneur de proposer
- La discussion est ouverte sur le projet relatif à l’augmentation du personnel.
M. Helias d’Huddeghem. - Je demanderai si on persiste dans la proposition relative à la cour de Gand.
M. Fernelmont, commissaire du Roi. - C’est à cet égard que je proposerai un amendement.
M. de Behr. - Messieurs, la chambre, en demandant à la commission un nouveau projet sur l’augmentation jugée nécessaire dans le personnel de quelques corps judiciaires, a eu sans doute en vue d’ajourner les questions de principes sur la compétence, qu’elle ne pourrait discuter avec la maturité convenable à la fin de la session. J’avais déjà émis cette opinion dans le sein de la commission, et je pensais que l’état de cette partie de la législation, tout en appelant une révision générale, ne permettait pas néanmoins d’introduire des modifications partielles qui détruiraient l’ensemble du système, sans apporter un remède au mal, qui consiste principalement dans la marché trop lente de la justice en matière civile et criminelle.
La commission avait d’abord partagé ce sentiment, et rejeté à l’unanimité le projet de loi concernant les modifications proposées par le gouvernement dans la composition des cours d’assises ; mais elle est ensuite revenue sur sa décision, en adoptant les propositions qu’elle vous a présentées par le premier projet.
Je crois que le moment n’est pas venu de reproduire ici les considérations qui ont motivé l’avis de la minorité de la commission ; mais je dois répondre à une objection qui a été soulevée dans la commission, et qui pourrait faire impression sur l’esprit de l’assemblée.
On a dit qu’un système complet d’attribution présentait tant de difficultés que l’introduction n’en pourrait avoir lien qu’à une époque fort éloignée ; qu’en attendant il fallait se borner à modifier et améliorer ce qui existe maintenant. Je ne puis, messieurs, partager cette manière de voir.
Il me semble qu’à l’aide de quelques principes, on parviendrait à établir une législation simple et facile sur les attributions des cours et tribunaux, On pourrait par exemple augmenter la compétence des justices de paix en dernier ressort jusqu’à concurrence de 150 fr. de la valeur de l’objet en matière civile, et d’amende en matière correctionnelle ; on leur attribuerait également toutes les affaires de cette catégorie jusqu’à 300 francs, mais à la charge d’appel.
De leur côté les tribunaux de première instance prononceraient en dernier ressort jusqu’à la valeur de 1,500 à 2,000 francs, et jugeraient aussi tous les crimes commis dans leur arrondissement ; l’appel aux cours serait facultatif pour toutes les affaires indistinctement, soit correctionnelles, soit criminelles, mais seulement sur l’application de la peine dans ces dernières affaires : la question de culpabilité étant souverainement décidée par le jury.
Ce mode d’organisation en fait d’attribution introduirait de l’uniformité dans l’instruction et le jugement des causes criminelles et correctionnelles dont l’appel aurait lieu comme pour les affaires civiles ; ce système aurait pour résultat de diminuer considérablement le travail des cours d’appel, d’assurer la promptitude convenable dans le cours de la justice, et aurait en outre l’avantage d’épargner des frais considérables au trésor sur le déplacement des conseillers, le voyage des jurés et des témoins, et la translation des prévenus. La chambre sentira que dans cette disposition d’esprit, j’ai dû me borner à ne voter que l’augmentation strictement nécessaire dans le personnel des cours et tribunaux.
Car je persiste à croire que la révision générale des lois sur la matière peut très bien se faire dans le cours de la prochaine session. En attendant, l’augmentation d’un nombre de trois conseillers dans le personnel de la cour de Bruxelles, de trois juges au tribunal de la même ville et d’un avocat général à Gand, me paraît suffisant pour assurer le service.
M. Helias d’Huddeghem. - Quand il s’agit de l’administration de la justice, le premier besoin de la société, il semble qu’il n’y a pas d’économie plus mal entendue que celle qui a pour effet de priver les citoyens des avantages d’une bonne et prompte exécution des affaires, car la somme qu’on épargne est hors de toute proportion avec le préjudice qu’on cause aux justiciables. Dans un pays bien administré, tous les habitants ont droit à la même répartition des faveurs, et à la même sollicitude de la part de la représentation nationale, puisque tous contribuent également aux charges de l’Etat.
L’augmentation du personnel de quelques corps judiciaires n’est pas demandée, messieurs, dans l’intérêt des magistrats ; les fonctionnaires connaissent le devoir qui pèse sur eux ; ils font tout ce qui est possible pour remplir dignement leur noble mission ; mais si parfois le personnel est tellement restreint qu’il est impossible de compléter le nombre voulu par la loi, alors commence l’arriéré, et les justiciables seuls en souffrent.
C’est un bien mauvais raisonnement que de soutenir que ce ne sera que lorsque l’arriéré augmentera, qu’il faudra songer à réparer la choquante inégalité entre les trois cours d’appel ; car ce système ne tendrait qu’à ralentir le zèle et à décourager les magistrats laborieux.
Il est impossible de concevoir le motif de la différence qui existe entre le nombre du personnel des cours de Bruxelles, de Liège et de la cour d’appel de Gand ; aussi, la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur l’organisation judiciaire était unanimement d’avis qu’il fallait fixer le même nombre de conseillers et de membres du parquet pour les trois cours d’appel ; elle en a fait la proposition formelle à laquelle s’est réuni M. Raikem, ministre de la justice ; si cette proposition n’a pas été accueillie par la chambre, il faut se rappeler que l’opinion contraire n’a été adoptée qu’à une faible majorité d’une ou deux voix.
Au sénat tous les honorables membres témoignèrent hautement leur surprise de ce que la loi d’organisation fixait le nombre des membres des cours d’appel de Bruxelles et de Liège à vingt-un conseillers, tandis que le nombre de la cour de Gand était limité à dix-huit membres et un avocat-général ; M. le comte d’Arschot fit observer qu’il aurait même présenté un amendement pour faire disparaître cette inégalité, s’il n’avait fait céder son opinion au désir de voir promptement la loi d’organisation judiciaire mise à exécution.
Cette inégalité a de plus excité l’étonnement général, et l’on est encore à attendre une réponse à la question : comment il se fait que la cour d’appel de Gand soit composée d’un personnel moins nombreux que les cours d’appel de Bruxelles et de Liége ?
Cette disproportion ne peut être expliquée comme l’a observé la cour d’appel de Gand dans un rapport adressé à M. le ministre de la justice le 7 novembre 1852, et en dernier lieu, dans un mémoire en réponse à une brochure intitulée : « Observations sur l'administration de la justice dans nos cours d’appel », mémoire que la cour d’appel de Gand a eu l’honneur de soumettre à vos méditations.
En effet, la juridiction de la cour d’appel de Gand s’étend sur une population de 1,337,152 habitants, population qui n’est pas beaucoup moindre que celle du ressort de la cour d’appel de Bruxelles, et qui excède de 104,037 âmes celle du ressort actuel de la cour de Liège, ressort qui perdra une grande partie de sa population, si l’on exécute le traité du 15 novembre 1831.
Le ressort de la cour de Gand offre à cause de sa population considérable, de la valeur et de la grande division des propriétés, un aussi grand nombre de procès civils et criminels qu’aucune autre partie du royaume.
Quant aux procédures criminelles pendant l’année judiciaire de 1832 à 1833, d’après des relevés officiels qui se trouvent au ministère, la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, a eu à connaître de cent sept causes, tandis que le nombre des causes soumises à la cour d’appel de Gand, même chambre, a été de cent quarante-trois. La cour d’appel de Gand dans son mémoire précité fait la remarque que les débats beaucoup plus longs depuis l’introduction du jury, et les causes graves renvoyées aux assises qui occupent un grand nombre d’audiences, obligent la cour d’assises de la Flandre orientale de siéger au moins six semaines, et celle de la Flandre occidentale au moins quatre à cinq semaines par trimestre.
En ce qui touche les affaires civiles, la cour supérieure de justice de Bruxelles, dans ses observations sur le projet d’organisation présenté par le gouvernement en 1832, qui se trouvent dans la conférence faite par notre honorable collègue M. Liedts, place les nouveaux ressorts de Bruxelles et de Gand sur la même ligne ; elle réclame pour chacune des deux cours le même personnel.
La cour connaissait par une longue expérience l’importance de toutes les parties de son ressort, et ce n’est qu’en pleine connaissance qu’elle s’est prononcée à ce sujet ; son honorable rapporteur M. Garnier siégeait à la cour de Bruxelles depuis l’année 1811.
Il résulte de trois tableaux joints au mémoire qui vous a été remis de la part de la cour d’appel de Gand sous les lettres A, B, C, tableaux qui ont été dressés sur des pièces officielles, que le nombre des jugements qui sont rendus en matière civile par les tribunaux de première instance du ressort de la cour de Bruxelles est, année commune, de 3,166, tandis que celui des jugements rendus dans le ressort de la cour de Gand est, année commune, de 2,876 : excédant à l’avantage du ressort de Bruxelles : 290. On voit que cet excédant est environ d’un onzième s’il est certain que les causes portées en appel sont en proportion des jugements de première instance ; il est facile de trouver la proportion qui doit exister entre les causes portées en appel devant les cours de Bruxelles et de Gand, elle doit être approximativement de 11 à 10.
D’après un relevé dressé en 1826, ainsi dans un temps non suspect, le nombre des causes civiles portées, année commune, devant la cour supérieure de Bruxelles, a été d’environ 640, et l’excédant des causes appartenant aux provinces du Hainaut, du Brabant et d’Anvers, sur celles arrivées des deux Flandres, a été d’environ 58. Ce relevé a été inséré dans les observations des tribunaux sur la loi d’organisation présentée aux chambres en 1832.
Voyez la conférence, page 26 ; et non seulement il n’a été contredit par personne, mais il a été même confirmé par la cour de Bruxelles dans ses observations qui se trouvent consignées dans la conférence publiée par la chambre. Voyez la conférence, page 25.
Messieurs, il est encore certain que le rapprochement de la cour d’appel de Gand de ses justiciables, l’avantage d’une justice plus prompte et moins coûteuse, diminueront cette différence lorsque les habitants connaîtront bien les avantages que doit leur offrir l’établissement de la cour des Flandres, et lorsqu’ils auront placé toute leur confiance dans le barreau de Gand.
Cette différence même de 58 causes, dût-elle continuer à subsister, est si légère qu’elle ne peut être d’aucune influence sur le personnel respectif des deux cours. A coup sûr, elle n’est pas de nature à justifier l’inégalité choquante qui existe entre le personnel actuel de ces cours.
Il résulte, messieurs, de tout ce qui précède qu’il est constant que deux chambres civiles sont indispensables pour le besoin du service de la cour d’appel de Gand ; c’est ce que la cour supérieure de Bruxelles a démontré dans son rapport susdit, à la page 25 de la conférence des observations sur le projet d’organisation de 1832.
Avec le nombre restreint de 18 membres et un avocat-général, vous comprendrez facilement combien il est difficile de composer deux chambres civiles, celle des appels correctionnels et la chambre des mises en accusation, et alors je ne compte pas les six conseillers qui doivent être désignés chaque trimestre pour la formation de la cour d’assises de Gand et de Bruges.
Les sessions des assises de la Flandre orientale durent régulièrement six semaines, et celles de la Flandre occidentale quatre semaines. Ainsi sur les dix mois de l’année judiciaire, cinq conseillers sont tenus d’assister à la cour d’assises de la Flandre orientale pendant six mois, et un sixième conseiller pendant quatre mois aux assises de la Flandre occidentale.
Il faut ajouter à cela que les six conseillers sont obligés de s’abstenir, quelque temps avant l’ouverture des assises, dans les affaires civiles qui exigent un examen et un délibéré plus ou moins long, vu que le président de la cour d’assises doit avoir le temps de faire l’examen des causes avant l’ouverture de la session, de sorte que la cour est privée de cinq conseillers pendant environ sept mois et d’un sixième pendant cinq mois de l’année judiciaire. Il suit de là qu’en supposant même que jamais un membre de la cour ne soit malade, ou autrement empêché, le nombre de quinze conseillers, de deux substituts et d’un avocat-général est évidemment insuffisant pour suffire au besoin du service de la cour de Gand. Rarement une chambre ne peut siéger sans devoir emprunter un ou plusieurs conseillers aux autres chambres.
L’expérience démontre que rien n’est plus contraire à la prompte expédition des affaires, que rien n’est plus nuisible au bien du service, que de distraire des conseillers d’une chambre pour les faire siéger à une autre ou de prendre dans les diverses chambres un certain nombre de juges : par là les plaidoiries sont à tout moment scindées, les délibérés sont entravés et souvent ajournés. Et il arrive, lorsque les délibérations ne peuvent avoir lieu de suite, que le fruit des plaidoiries est bien souvent perdu. Le magistrat chargé de faire le rapport se trouve obligé de rappeler une foule de circonstances dans lesquelles il n’aurait pas dû entrer si le rapport et la délibération avaient eu lieu lorsque les plaidoiries étaient encore présentes à l’esprit des magistrats ; ceux-ci ne peuvent plus rectifier avec la même facilité les erreurs ou les inexactitudes que le rapporteur le plus impartial peut commettre, et les garanties que la loi a voulu donner aux justiciables se trouvent ainsi considérablement affaiblies.
La cour d’appel de Gand, avec le nombre du personnel actuel, ne peut donc suffire à toutes les parties du service. Et si la cour de Gand réclame le même nombre que celui existant à Bruxelles, elle se fonde sur l’opinion même de la cour supérieure de Bruxelles. Voyez le rapport sur l’organisation de 1832 et l’article du projet d’organisation judiciaire, présenté aux chambres législatives par la même cour de Bruxelles, conçu comme suit : « Chaque cour d’appel est composée d’un président, de trois vice-présidents et de vingt-trois conseillers ; le ministère public près de chaque cour est exercé par un procureur-général, trois avocat-généraux et deux substituts ». Voilà bien une proposition formelle de la part de la cour supérieure de Bruxelles.
Quoi qu’il en soit, vous ne pouvez refuser la proposition du gouvernement, qui n’est qu’une réparation de l’inégalité choquante que la loi de 1832 a établie entre les trois cours d’appel. C’est là le seul moyen de subvenir aux besoins urgents du service de la cour de Gand, savoir : de former deux chambres civiles et une correctionnelle, laquelle pourra en même temps être chargée des causes sommaires ; alors, messieurs, le service des diverses chambres pourra être réglé de telle manière que les conseillers en nombre fixe et suffisant demeureront constamment et exclusivement attachés au service de la même chambre.
Je me bornerai ici, messieurs, à vous répéter les paroles que déjà la cour d’appel de Gand vous a adressées. Vous ne consentirez jamais à ce que les provinces de Flandre soient placées au-dessous des autres parties du royaume, surtout lorsqu’il s’agit d’une bonne administration de la justice, qui est l'un des avantages les plus précieuses de l’état social.
M. Dubus. - Je regrette de n’avoir pas assisté à la séance que la commission a tenue hier ; je croyais que cette séance ne devait avoir lieu qu’aujourd’hui.
Si j’avais été présent, je me serais prononcé en faveur de l’opinion de la minorité de la commission qui estime que, dans l’état actuel des choses, l’augmentation de trois membres est suffisante.
Une remarque qu’on a déjà faite, c’est qu’à l’époque de la réorganisation judiciaire en 1832, le personnel de la cour d’appel de Bruxelles était composé de 40 présidents et conseillers. Sous l’ancienne cour, le personnel était de 39 membres. Il y a aussi cette remarque à faire qu’autrefois la cour jugeait en degré d’appel, et qu’elle se constituait en outre une cour de cassation. Il y a également une observation qui résulte de l’exposé des motifs présenté par M. le ministre de l'intérieur le 10 mars 1834.
C’est qu’à la fin de l’année judiciaire 1833, l’arriéré des causes pour Bruxelles s’était augmenté dans une faible proportion. La différence n’était que de 78 causes civiles ; et quant aux causes criminelles ou correctionnelles, le nombre en était diminué. Jusque-là, il ne paraît pas qu’il y ait lieu a apporter sur-le-champ un remède à un mal qui n’a rien d’extraordinaire.
Les chambres de la cour d’appel de Bruxelles ne donnent audience que trois jours par semaine, tandis que les chambres donnent à Liége quatre jours d’audience par semaine. Si l’on eût fait à Bruxelles comme à Liége, le nombre des causes arriérées n’aurait pas augmenté ; au contraire, il aurait diminué.
Un autre fait, sur lequel j’appellerai l’attention de la chambre, c’est que depuis un an, il y a eu diminution dans le nombre des conseillers à Bruxelles ; 3 places sont vacantes par suite d’accident ; il faut les supposer remplies, et l’on aura une augmentation de 6 conseillers en en créant trois nouveaux.
Pour augmenter le nombre des conseillers, il faut énumérer quel pourrait être le résultat de la solution de différentes questions dont la législature aura à prononcer relativement à la nature des causes qui seront soumises aux cours d’appel dans l’avenir. La législature aura à s’occuper d’une nouvelle organisation de la justice criminelle et correctionnelle ; cette justice n’existe que d’une manière provisoire. Les idées sont partagées sur ces systèmes ; et il y a tel système qui diminuerait de beaucoup la besogne des trois cours d’appel.
Par exemple, il est des personnes qui veulent rétablir les cours criminelle et correctionnelle : si l’on adoptait ce système, quel en serait le résultat ? Le voici pour la cour de Bruxelles : Elle n’aurait plus à fournir cinq conseillers pour tenir les assises de la province du Brabant, assises qui se prolongent assez longtemps pour chaque session criminelle, et elle n’aurait plus à fournir deux conseillers pour présider les assises d’Anvers et du Hainaut.
Ainsi voilà sept conseillers enlevés à leurs fonctions ordinaires et dont la cour de Bruxelles pourrait disposer pendant l’année. Si à ces sept conseillers vous ajoutez trois places vacantes, et trois conseillers dont la minorité de la commission propose la création, il s’ensuivra que la cour de Bruxelles pourrait disposer de trois conseillers de plus pendant une grande partie de l’année. Je demande si cette augmentation n’amène pas une grande différence dans le travail, et si ce ne serait pas trop que de créer six conseillers nouveaux ?
D’autres qui ne veulent pas rétablir les cours criminelles attribuent la justice criminelle aux tribunaux ordinaires pour l’application de la peine, sans délégation de la cour d’appel, même pour la présidence. Dans cette seconde hypothèse les cours ne fourniraient plus ni président pour les assises hors de la province, ni conseillers pour les assises dans la province même : ainsi la différence serait encore la même, cela ferait encore sept conseillers que la cour de Bruxelles n’aurait plus à déléguer pendant une grande partie de l’année ; ces sept conseillers ajoutés aux trois places vacantes et à la création de trois nouveaux conseillers, donneraient une augmentation de treize conseillers.
Il y a une troisième hypothèse, c’est celle qui résulte de la proposition du gouvernement. Le gouvernement propose de ne déléguer que des présidents pour les assises ; il s’ensuivrait que la cour de Bruxelles pourrait être considérée comme augmentée de 10 conseillers.
Il me semble qu’en présence de ces diverses hypothèses nous devons procéder avec circonspection ; que nous ne devons pas créer des dépenses qui dans six mois seront inutiles ; que nous ne devons faire que ce qui est strictement nécessaire, en admettant l’une ou l’autre des trois hypothèses que je viens de parcourir.
Ce que je dis relativement à la cour de Bruxelles s’applique à plus forte raison à la cour de Gand, où l’arriéré n’est pas considérable. La commission motive sa proposition sur les besoins de l’avenir ; mais lorsque, dans un an, nous aurons prononcé sur les questions que j’ai discutées, les cours d’appel pourront disposer d’un grand nombre de membres occupés maintenant aux assises. Je crois qu’il faut s’en tenir à l’avis de la majorité de la commission.
Je sais que la cour de Liége consultée a déclaré que l’augmentation du nombre de ses conseillers n’était pas nécessaire. Les chambres de cette cour donnent quatre audiences par semaine ; elles sont disposées à continuer leur travail. Cependant si elles voyaient augmenter le personnel des autres cours, elles pourraient ne vouloir donner que trois audiences par semaine, jusqu’à ce qu'elles fussent augmentées comme les autres.
(Moniteur belge n°218, du 6 août 1834) M. Fernelmont, commissaire du Roi. - Lorsqu’il s’agit de calculer le nombre de conseillers nécessaire pour composer une cour d’appel, il ne faut pas compter par un, deux ou trois conseillers ; il faut considérer le nombre de chambres qu’elle doit former, et le nombre de ces chambres doit être déterminé par le nombre de causes et surtout par le nombre de causes civiles soumises à la décision de cette cour.
Or, l’établissement d’un personnel suffisant pour former trois chambres civiles à Bruxelles et deux chambres civiles à Gand, est aussi nécessaire que le maintien du personnel actuel de la cour de Liège est indispensable pour la formation de deux chambres chargées d’y juger les affaires civiles.
Je vais d’abord mettre sous les yeux de la chambre les chiffres sur lesquels je base mes raisonnements.
Le nombre de causes civiles arriérées au 15 octobre 1832, date de l’installation des cours d’appel, était :
à Bruxelles de 481 ;
à Liège de 312 ;
à Gand de 86.
Celui des causes civiles introduites depuis cette époque jusqu’au 15 août 1833 a été :
à Bruxelles de 385.
à Liége de 241.
à Gand de 272.
Total :
à Bruxelles, 866.
à Liège, 553
à Gand, 360.
Ainsi, pendant cette première période de dix mois, il a été introduit à Bruxelles 144 causes, et à Gand 31 causes de plus qu’à Liége ; et cependant la cour de Bruxelles se compose, lorsqu’elle est au complet, d’un nombre égal de conseillers à celui de la cour de Liège, et celle de Gand compte trois conseillers de moins que celle de Liége. L’inégalité est choquante. Il est urgent de proportionner le personnel de chaque cour au travail dont elle a à s’occuper, au nombre de causes qui lui sont soumises. On atteindra ce but, si, adoptant les propositions du gouvernement, on porte le nombre de présidents et conseillers, de la cour de Bruxelles à 27, et celui de la cour de Gand à 21, comme celui de la cour de Liége.
On a attribué l’arriéré qui encombre la cour de Bruxelles aux vices de son règlement de service, qui aurait fait une distribution de chambres moins bonne que celle de la cour de Liège, et à ce que les chambres civiles de la cour de Bruxelles ne donnent que trois audiences par semaine, tandis que celles de la cour de Liége en donnent quatre.
Je dois d’abord faire observer à cet égard que si les chambres de la cour de Bruxelles ne donnent que trois audiences par semaine, ces audiences y sont de quatre et quatre heures et demie, qu’en outre chaque chambre consacre une et bien souvent deux séances pour délibérer en chambre du conseil sur les affaires plaidées et pour arrêter la rédaction des arrêts ; que le temps des audiences est exclusivement consacré à entendre les plaidoiries, et que jamais la cour ne l’emploie à délibérer. En ce qui concerne le règlement de service de la cour de Bruxelles, il est facile de juger par le résultat si celui de la cour de Liége doit lui être préféré. Ce sont encore des chiffres qui vont résoudre cette question ; car c’est par le nombre de causes civiles terminées par arrêts définitifs dans chacune des trois cours d’appel que je réponds à tout ce qui a été avancé sur les causes de l’arriéré considérable de la cour de Bruxelles et sur la préférence à accorder à son règlement sur l’autre.
Le nombre de causes civiles portées aux trois cours d’appel pendant l’année judiciaire 1832 et 1833 était, y compris l’arriéré :
à Bruxelles : par arrêts, 262 ; par transaction, désistement, etc., 46 ; ensemble : 308
à Liége : par arrêts, 163 ; par transaction, désistement, etc., 15 ; ensemble : 178
à Gand : par arrêts, 124 ; par transaction, désistement, etc., 16 ; ensemble : 140.
Il restait à juger à l’expiration de cette première année :
à Bruxelles, 558
à Liége, 375
à Gand, 220
Jugez d’après ce résultat si la cour de Bruxelles dont les chambres ne donnent que trois audiences par semaine, n’expédie pas autant de besogne que deux chambres civiles de Liège qui siègent quatre fois par semaine.
Avec un personnel égal à celui de la cour de Liège, la cour de Bruxelles a terminé par arrêts en dix mois 99 causes de plus que celle de Liége. Vous remarquerez, messieurs, que le nombre de causes terminées par transaction, désistement, etc., s’est élevé à Bruxelles à 56 pour l’année 1832 et 1833 ; il a été de 66 pour l’année 1833 et 1834. Le grand nombre de causes terminées de cette nature doit être attribué principalement à ce que beaucoup de plaideurs, fatigués des lenteurs de la justice, préfèrent, quoique convaincus de la légitimité de leurs prétentions, faire un sacrifice plutôt que d’attendre cinq ou six ans pour obtenir un arrêt, ce qui arrive pour toutes les affaires dont l’urgence n’est pas reconnue. Cet état de choses est intolérable, il est urgent de le faire cesser.
Le nombre de causes introduites à la cour de Bruxelles, depuis le 15 août 1833 jusqu’au 1er de ce mois n’a pas diminué : il a été de 40 causes civiles, et malgré un travail opiniâtre, la cour n’a pu en terminer que 240, savoir :
Par arrêts 174.
Par transaction, désistement, etc., 66.
En sorte que l’arriéré s’est encore accru cette année de 163 causes ; il est aujourd’hui de 722 : il n’était que de 481 lors de l’installation de la cour, il s’est donc accru de 241.
Ces chiffres répugnent à toute espèce de raisonnement fait contre l’augmentation proposée par la cour de Bruxelles. On ne peut certes pas reprocher à cette cour d’être restée inactive en présence de grand nombre de causes qui lui sont dévolues ; car, outre qu’elle a rendu 1/3 plus d’arrêts définitifs que la cour de Liége, dont le personnel est égal au sien, elle a porté des arrêts interlocutoires, préparatoires, et sur incidents plus nombreux que les arrêts définitifs.
Il est vrai que cette cour a rendu cette année moins d’arrêts définitifs que l’année dernière : la cause doit en être attribuée à ce que pendant la tenue des assises, la seconde chambre a dû chômer et suspendre ses audiences pendant deux ou trois mois, ce qui n’avait pas eu lieu l’année dernière, alors que le personnel de la cour était au complet : aujourd’hui il se trouve réduit à 18 présidents et conseillers, par suite de décès, démissions et promotions à d’autres fonctions de trois de ses membres, indépendamment de l’absence de deux autres, appelés à concourir aux travaux de cette assemblée.
On objecte que quand on s’occupera d’un nouveau système de compétence en matière civile, correctionnelle et criminelle, le nombre de causes à juger par les cours d’appel sera considérablement diminué ; mais, messieurs, le moment où ces changements, s’ils sont adoptés, pourront être réalisés, est encore bien éloigné. L’arrière actuel est énorme : d’ici là, il sera encore considérablement augmenté.
S’il est vrai que ces changements qui ne font encore l’objet d’aucune proposition, auront pour résultat de restreindre d’une manière le nombre des causes portées devant les cours, rien ne sera plus facile que d’insérer dans les lois qui décréteront ces changements, une disposition portant réduction du personnel des cours : cette réduction s’opérerait par le décès, la retraite ou la promotion à d’autres fonctions des titulaires ; et en attendant qu’elle soit effectuée de cette manière, les conseillers qui se trouveraient en plus concourraient à évacuer l’arriéré.
Je ferai observer à cet égard que l’arriéré, tel qu’il existe aujourd’hui (722 causes civiles), est plus que suffisant pour occuper 2 chambres civiles pendant deux ans.
Si maintenant nous jetons les yeux sur les causes criminelles et correctionnelles jugées aux trois cours d’appel, nous voyons qu’il a été jugé pendant l’année 1832 et 1833 :
1°) A la chambre des mises en accusation.
A Bruxelles, 91 causes.
A Liège, 148.
A Gand, 134.
2°) A la cour d’assises.
A Bruxelles, 56 causes.
A Liége, 58.
A Gand, 92.
3°) A la chambre des appels de police correctionnelle.
A Bruxelles, 120 causes
A Liége, 104.
A Gand, 109.
Il est à remarquer que le nombre des affaires jugées à la chambre des mises en accusation à la cour d’assises et à la chambre des appels de police correctionnelle, a été plus considérable à Bruxelles, pendant l’année 1833 et 1834, qu’il ne l’avait été l’année précédente. Pendant la dernière de ces année, la chambre des mises en accusation a jugé 159 causes ; la cour d’assises 59, et la chambre correctionnelle 145.
On voit par les chiffres qui précèdent que le nombre d’affaires en matière correctionnelle et soumises à la chambre des accusations est à peu près le même dans les cour d’appel de Gand et Liége, et que le nombre de causes soumises aux assises a été presqu’une fois plus considérable à Gand qu’à Liége. Ainsi, soit qu’on s’en rapporte au nombre de causes civiles, soit qu’on ait égard au nombre des causes criminelles et correctionnelles, la cour de Gand doit être mise sur la même ligne que la cour de Liége, et par là se trouve justifiée l’augmentation de trois conseillers proposée pour cette première cour.
On voit d’un autre côté que, si pendant l’année 1832 et 1833 la cour de Bruxelles a été saisie d’un nombre moins considérable de causes en matière de répression que les deux autres causes, elle a eu à en juger un plus grand nombre pendant l’année 1833 et 1834 : dès lors la nécessité d’augmenter son personnel d’une chambre pour juger les affaires civiles qui y sont portées en plus que dans les autres cours, demeure démontrée.
En adoptant la proposition du gouvernement, le nombre des présidents et conseillers de la cour de Bruxelles serait de 27 : 15 seraient exclusivement employés à juger les affaires civiles, et les 12 autres suffiraient à peine pour statuer sur les mises en accusation, les appels de police correctionnelle et les affaires soumises aux assises du Brabant, pour présider les assises à Mons et à Anvers, et pour remplacer dans les chambres civiles les conseillers qui, pour cause de maladie ou d’empêchement légitime, se trouveraient dans l’impossibilité de siéger, ou dont les places seraient devenues vacantes par suite de décès, démissions ou promotions à d’autres fonctions.
On ne peut pas, pour suppléer à l’insuffisance du personnel, faire siéger des conseillers d’une chambre dans une autre. Une longue expérience a démontré que cela ne peut se faire sans les plus graves inconvénients. Si l’on distrait un conseiller d’une chambre civile pour le faire siéger dans une autre, on met la chambre à laquelle il appartient, et celle dans laquelle il est allé siéger extraordinairement, dans l’impossibilité de consacrer aux délibérations les jours où elles ne donnent pas audience : elles sont obligées d’employer du temps des audiences pour délibérer, et la marche des affaires se trouve ainsi considérablement ralentie.
Il est à remarquer que quand une place deviendra vacante dans les cours, il ne pourra pas être pourvus immédiatement au remplacement de celui qui l’aura occupée : il faudra attendre les présentations et de la cour et du conseil provincial ; il est fort douteux que ce conseil s’assemble uniquement pour faire une semblable présentation.
Plusieurs mois s’écouleront avant la nomination d’un nouveau conseiller ; d’un autre côté, les membres composant les cours d’appel, étant généralement investis de la confiance de leurs concitoyens, seront souvent appelés à les représenter dans les chambres législatives. Jusqu’à présent deux et trois membres de la cour d’appel ont siégé dans cette enceinte, et rien ne fait présumer que ce nombre diminuera par la suite. Il faut cependant bien que pendant leur absence les affaires s’expédient, et de là la nécessité de nommer dans chaque cour quelques membres de plus que le nombre nécessaire pour former les chambres dont elles doivent se composer.
M. A. Rodenbach. - Je ne peux donner mon adhésion au projet de loi de la commission : comme l’a dit M. Helias d’Huddeghem, il y a autant de cause à Gand qu’à Bruxelles. M. le commissaire du Roi a également prouvé qu’il fallait autant de conseillers à Gand qu’à Liège. Il serait donc de toute justice que l’augmentation eût lieu à Gand, si elle avait lieu ailleurs.
Je lui demanderai combien il y a de causes arriérées à Liége et à Gand. Il a dit qu’à la cour de Bruxelles, il y en avait 722. J’aurais besoin de détails statistiques à cet égard. Comme il s’agit ici de voter de l’argent, j’aurais besoin de ces détails pour arrêter mon opinion.
Je prierai M. le commissaire du Roi de nous dire à combien s’élève le nombre des causes arriérées des cours de Liège et de Gand et quel en était le nombre avant la révolution.
L’honorable député de Liège vous a parlé d’un nouveau système et de la nécessité de réviser l’organisation judiciaire. Le système qu’il a présenté me paraît économe ; je pense que nous devons attendre que nous puissions l’examiner, et que d’ici là une augmentation de trois membres au personnel de la cour de Bruxelles pourrait suffire.
M. le commissaire du Roi a donné pour motif d’augmentation du personnel des cours les transactions auxquelles se décidaient les plaideurs, parce que les décisions judiciaires se faisaient trop attendre. Je crois que ce ne serait pas là pour moi une cause déterminante, car je suis persuadé que ces transactions ont été plutôt avantageuses que préjudiciables aux plaideurs.
Quant à l’économie proposée par M. le rapporteur, je pense qu’elle pourrait se réaliser pendant les premières années ; mais une fois les causes arriérées épuisées, la mesure qu’il propose aurait un effet contraire à celui qu’il en attend.
Un honorable membre a rappelé que sous le précédent gouvernement la cour de Bruxelles était composée de quarante membres. Mais alors elle jugeait en cassation, tandis qu’aujourd’hui nous avons une cour de cassation qui nous coûte 200 mille fr. Je sais qu’elle a été créée dans l’intérêt public pour une plus prompte expédition des affaires. J’aime une prompte justice, mais j’aime aussi qu’elle ne coûte pas excessivement cher.
Fernelmont, commissaire du Roi. - Je n’ai de documents que depuis l’installation. Dans la première année, on a terminé à Liège 178 affaires, et il en restait 375 arriérées le 15 août 1833.
A Gand, il y avait 84 causes arriérées au 15 octobre 1832. L’année suivante on en a introduit 272. On en a terminé 140. Il en est donc resté en souffrance 220.
M. A. Rodenbach. - Il me paraît que l’arriéré n’est pas considérable. Je suis fâché que M. le commissaire du. Roi n’ait pu me donner les renseignements que je lui avais demandés. J’ai lu dans le rapport de la commission qu’à la cour de Liège il n’est permis qu’à un seul avocat de plaider dans une affaire, tandis qu’à la cour de Bruxelles il en est jusqu’à 6 qui plaident dans la même cause. C’est là un moyen de prolonger inutilement les procès. N’y aurait-il pas moyen de remédier à cet abus, en modifiant le règlement de la cour de Bruxelles ? Je ne taxerai pas de négligence les membres du corps judiciaire à Bruxelles. Mais il me semble que la comparaison du nombre de leurs travaux avec ceux de la cour de Liége n’est pas à leur avantage.
Au surplus, je ne prétends pas imposer mon opinion ; je demande seulement qu’on m’éclaire.
M. Fallon. - Il paraît qu’on est d’accord sur un point, c’est que, dans l’état actuel des attributions judiciaires, le personnel de la cour de Bruxelles est insuffisant pour qu’elle puisse se débarrasser des affaires civiles dont elle est surchargée. Toute la difficulté consiste à savoir s’il n’y a pas d’autre moyen de lui faciliter l’expédition de l’arriéré qu’en grevant le budget et à perpétuité d’un accroissement de dépenses.
Lors de la discussion de la loi d’organisation de la cour de cassation et du personnel des cours et tribunaux, plusieurs propositions ont été faites qui avaient pour but de décharger les cours d’appel des appels correctionnels, du service des assises, et de faire cesser l’ambulance des conseillers au moyen d’une section dans les tribunaux de première instance de chaque chef-lieu de province que l’on convertirait en tribunal criminel.
Alors, messieurs, chose remarquable, nous nous trouvions dans la même position qu’aujourd’hui : nous étions à la fin de la session, il était urgent d’organiser tout au moins la cour de cassation et force fut d’en agir ainsi, sans rien préjuger sur les questions de principes qui ne furent qu’ajourner.
On nous tient aujourd’hui le même langage. Il presse de venir au secours de la cour de Bruxelles, et en conséquence on propose d’ajourner encore les questions de principes et de charger entre-temps le budget d’une augmentation de personnel.
Le premier ajournement des questions de principes ne présentait pas d’inconvénients qui ne fût réparable, parce que l’on ne donnait provisoirement aux cours que le personnel strictement nécessaire.
Le second ajournement que l’on vous demande peut produire un inconvénient irréparable, et voici comment :
Si par suite de la discussion des questions de principes, la chambre adoptait une combinaison telle que les cours d’appel se trouveraient déchargées des appels correctionnels et du service des assises, la cour de Bruxelles pourrait sans doute trouver, dans ses 21 conseillers, le moyen de former trois chambres civiles.
Or, s’il en était ainsi, nous aurions provisoirement et inutilement augmenté le personnel de cette cour, sans pouvoir réduire ensuite le chiffre du budget ; car, il ne faut pas se le dissimuler, dès lors que nous aurons augmenté le personnel, il ne sera plus possible de le diminuer. Ce sera encore là un fait accompli, et l’on sait ce que cela veut dire aujourd’hui dans le langage parlementaire.
Dans cet état de choses et par suite des considérations sur lesquelles l’honorable M. Dubus a déjà appelé votre attention, je ne donnerai mon adhésion à l’augmentation du personnel de la cour de Bruxelles que pour autant qu’il soit démontré que cette augmentation serait indispensable dans le cas même où on la déchargerait des appels correctionnels et du service des assises.
En ce qui regarde le tribunal de première instance de Bruxelles, je ne m’opposerai pas à l’augmentation de personnel qui est proposée, par la raison que ce personnel serait dans tous les cas nécessaire pour la mise à exécution des améliorations que nous attendons dans les attributions et la procédure en matière criminelle et correctionnelle.
M. de Brouckere. - Dans la discussion générale deux questions ont été examinées. J’aurais préféré que chacune d’elles eût été traitée séparément, lorsque la discussion aurait été ouverte sur les articles du projet.
Mais puisque la chambre a adopté cette marche et que déjà plusieurs orateurs ont abordé simultanément les deux demandes d’augmentation de personnel, j’en agirai de même. J’espère seulement que l’on ne renouvellera pas, lors de l’examen de chacun des articles, la discussion sur les questions qui auront déjà été traitées.
Messieurs, parmi les arguments qui ont été opposés au système présenté et par le gouvernement et par la commission chargée de l’examen du projet tendant à ce que le personnel des cours et tribunaux fût augmenté, il y en a qui sont purement hypothétiques ; il y en a d’autres qui sont positifs.
Les arguments hypothétiques sont ceux qu’on fait valoir nos honorables collègues MM. Dubus et de Behr. Ils vous ont dit :
N’augmentez pas le personnel des cours et tribunaux, parce qu’il est possible que la chambre change tout le système de compétence des cours civiles et criminelles, parce que dans ce cas tout le personnel que vous allez créer deviendrait inutile. Je crois qu’il ne suffit pas de se fonder sur de semblables arguments pour s’opposer à ce qui est reconnu nécessaire dans l’état actuel des choses.
Tout en désirant, comme mes honorables collègues, que l’on puisse améliorer nos lois de compétence et de procédure, je ne pense pas que ces améliorations puissent être introduites dans notre législation dans un délai très court. Je ne crois pas exagérer en remettant à 3, 4, et peut-être à 10 ans, l’époque où nous pourrons nous occuper de cette matière.
Il nous reste tant de travaux importants à achever avant d’aborder la loi que je viens de citer, qu’il se passera nécessairement d’ici à cette époque un intervalle de quelques années, et cela avec d’autant plus de probabilité que ces sortes de lois sont très difficiles à élaborer. Voilà tout ce que je me bornerai à répondre à ce que je classe parmi les arguments hypothétiques.
Pour ce qui est des arguments positifs, je commence par poser en fait qu’il est impossible qu’avec le personnel actuel, la cour de Bruxelles puisse jamais terminer les affaires qui leur sont déférées.
Cette assertion est d’autant plus vraie que je la prouve par des chiffres. La cour de Bruxelles a 722 causes arriérées. Dans l’espace d’une année 400 causes nouvelles sont inscrites, et, pendant ce laps de temps, il est impossible que l’on en puisse terminer plus de 262. Ainsi, vous pouvez calculer que si cette cour continuer à travailler comme elle le fait actuellement (et je prouverai tout à l’heure qu’elle travaille plus que tout autre), en supposant qu’elle arrive à ce chiffre de 262 causes achevées en une année, l’arriéré, qui est aujourd’hui de 722 causes, s’augmentera annuellement de 138 affaires, loin que l’on puisse espérer les voir terminées. Je vous laisse à juger s’il est de l’intérêt du pays que la justice soit rendue d’une semblable manière.
Car en résultat c’est une espèce de déni de justice, qui a l’inconvénient de forcer des plaideurs à des transactions ruineuses pour eux, alors qu’ils ont la persuasion intime de leur bon droit. Ils aiment mieux souscrire à toutes les conditions de leurs adversaires que d’attendre un jugement pendant 5, 6, 7 ans ; et je dis 7 ans parce que la cour de Bruxelles vient de juger dernièrement une cause introduite en 1826.
L’honorable M. Dubus a dit (et c’est un des arguments qui auront le plus frappé vos esprits) qu’avant 1830 la cour supérieure de justice de Bruxelles se composait de 40 membres. Il s’est demandé pourquoi les cours de Liége et de Bruxelles, qui se composent de 39 membres, ne pourraient pas terminer autant d’affaires que celle-là. Je répondrai que d’abord la cour supérieure ne tenait pas ses causes au courant, qu’elle avait un arriéré considérable. Ensuite tous ses membres pouvaient vaquer à leurs fonctions, tandis qu’aujourd’hui il en est que leur mandat de représentant oblige à ne pas siéger aussi souvent qu’ils seraient appelés à le faire. Vous voyez donc que cet argument n’est nullement concluant. J’ajouterai que le nombre de procès va croissant d’une singulière manière depuis quelques temps.
Est-ce parce que le pays est plus riche ? Je ne sais, mais le fait est qu’il y a année commune un nombre de procès plus considérable. Un autre argument employé par l’honorable M. Dubus, et je me chargerai d’y répondre parce qu’il relève une espèce de reproche qu’il a adressé à la cour dont j’ai l’honneur de faire partie, c’est que la cour de Bruxelles ne donne que 3 audiences par semaine tandis que la cour de Liége en donne 4.
Pour prouver que ce tribunal ne manque pas plus de zèle que celui de Liège, je dirai que les audiences, au lieu d’être de 3 heures comme l’ordonne la loi, sont de quatre heures, quatre heures et demie. 3 audiences de la cour de Bruxelles valent plus de quatre audiences de toute autre cour. Il faut en outre considérer que le résultat du travail est tout à l’avantage de la cour de Bruxelles, puisqu’elle porte 262 arrêts par an, tandis que celle de Liège n’en a dans le même espace de temps évacué que 162, c’est-à-dire presque la moitié de moins.
Cet argument est une réponse à M. Dubus et une réponse à M. A. Rodenbach ; cet honorable membre a dit qu’il y a probablement vice dans le règlement de la cour de Bruxelles. Comment avec un règlement si plein de vices, cette cour juge-t-elle presque le double des affaires jugées par une autre cour ?
M. A. Rodenbach. - Il y a une chambre de plus.
M. de Brouckere. - Il y a une chambre de plus. Mais le nombre des membres des deux cours est le même. Eh bien, c’est en vertu de son règlement plein de vices que la cour de Bruxelles s’est divisée en trois chambres, tandis que la cour de Liége s’est divisée en deux chambres seulement. Mais c’est, je le répète, avec le même nombre de membres que la cour de Bruxelles s’est divisée en trois chambres, et la cour de Liége en deux chambres.
L’honorable M. A. Rodenbach a signalé encore entre autres vices existant à la cour de Bruxelles, l’usage introduit dans cette cour de laisser deux ou même trois avocats plaider dans une cause pour la même partie, tandis qu’à Liége cela est défendu. Il est possible qu’à Liége la cour ait cru devoir prendre sur elle de ne pas permettre à deux avocats de plaider dans la même cause ; peut-être a-t-elle eu raison, peut-être ne serais-je pas éloigné moi-même d’admettre cet usage. Mais, quant à l’usage existant à Bruxelles, il n’est pas difficile non plus de le défendre.
Ne peut-on pas dire, avec quelque apparence de raison, que ce ne serait pas laisser une entière liberté à la défense que l’empêcher d’employer deux hommes quand elle a mis sa confiance en deux hommes ? Y-a-il une loi qui défende d’avoir deux conseils au lieu d’un, deux orateurs au lieu d’un ? Je ne connais pas cette loi. Une cour croit pouvoir prendre cela sur elle ; alors elle fait fort bien. Une autre cour croit que lorsqu’il se présente deux conseils, il faut les laisser parler l’un et l’autre. Jusqu’à ce qu’une loi ait décidé qu’il ne doit pas en être ainsi, je ne sais si on doit blâmer à cet égard la cour de Bruxelles.
Encore une fois, si la cour de Bruxelles même laisse plaider la même cause à 3 avocats, est-il vrai que néanmoins elle écoule dans une année 260 affaires, tandis qu’avec le même nombre de membres, et en ne laissant jamais plaider qu’un avocat, la cour de Liége n’en écoule que 163 ?
Maintenant, à l’appui de la demande que l’on fait d’une augmentation de personnel pour la cour de Bruxelles, je ferai valoir un argument qui jusqu’ici n’a pas été produit.
C’est devant cette cour que sont portées toutes les affaires du gouvernement, qui sont et nombreuses et toutes singulièrement contestées. C’est particulièrement dans ces affaires qu’il y a toujours plusieurs conseils. Il n’y a pas une affaire du gouvernement où il n’y ait pour le gouvernement, et uniquement pour lui, moins de 3 avocats. Aussi, dans l’année qui vient de s’écouler, 2 affaires du gouvernement ont exigé des audiences de 6 semaines environ. Après cela, peut-on s’étonner si la cour de Bruxelles ne s’écarte pas de l’arriéré, et même si elle ne se tient pas au courant des affaires nouvellement introduites ? Je suppose l’arriéré vidé ; je dis qu’il est impossible à la cour de Bruxelles, avec son personnel actuel, de se tenir au courant des affaires nouvellement introduites, et qu’il y aura toujours au-delà de 100 causes arriérées chaque année.
Je passe à ce qui regarde la cour de Gand ; Je dois dire que l’augmentation de personnel réclamée, je ne dirai pas à l’avantage de cette cour, mais à l’avantage des habitants des Flandres (car ce serait une erreur de croire qu’il y eût là aucun intérêt pour les membres de la cour, que le personnel soit plus ou moins nombreux, ils n’en ont ni plus ni moins d’ouvrage, l’avantage est tout pour les justiciables), que cette augmentation, dis-je, ne me paraît pas moins justifiée que celle réclamée pour la cour de Bruxelles.
J’ai recherché quels pouvaient être les motifs à faire valoir pour soutenir que la cour de Gand avait moins d’occupations que la cour de Liége ; j’avoue que je ne sois pas parvenu à les découvrir.
Il est vrai que dans le moment actuel la cour de Gand a un arriéré moins considérable que la cour de Liége. Mais est-ce bien un motif pour que son personnel soit moins nombreux ? Je ne le pense pas.
Il ne faut pas examiner de combien de causes une cour est arriérée, mais quel nombre de causes est introduit chaque année et si cette cour avec son personnel peut évacuer ce nombre de causes. Eh bien, messieurs, la cour de Gand, avec son personnel actuel, ne peut se tenir au courant des affaires introduites chaque année. La meilleure preuve, c’est que l’arriéré qui, lors de l’organisation de cette cour, n’était que de 88 causes, était, à la fin de l’année judiciaire 1832-1833, de 230 causes ; ainsi il y avait 142 causes de plus arriérées. Eh bien, différez pendant quelques années l’augmentation du personnel de la cour de Gand, et vous verrez l’arriéré de cette cour aussi considérable que celui de la cour de Bruxelles. Lorsqu’il y a 132 causes arriérées par année, il ne faut pas beaucoup d’année pour qu’on arrive au chiffre de 722. On y arrivera d’autant plus vite que d’après les raisons qu’on a fait valoir dans la discussion, il est probable, pour ne pas dire certain, que dans le ressort de la cour de Gand le nombre des affaires ira croissant pendant quelques années.
Maintenant si nous passons aux affaires criminelles, de quel côté croyez-vous que se trouve l’avantage ? Quelle est, des cours de Liège ou de Gand, celle que vous croyez la plus occupée par les assises ? C’est la cour de Gand qu’elles occupent le plus ; et je vais vous le prouver. J’attache d’autant plus d’importance à fournir cette preuve à la chambre que c’est parce qu’elle était d’une opinion contraire, lors de la discussion de la loi d’organisation, qu’elle a donné un personnel plus nombreux à la cour de Liége qu’à celle de Gand.
Le ressort de la cour de Gand est divisé en deux provinces ; le ressort de la cour de Liège est divisé en quatre provinces. En supposant que les deux provinces du ressort de la cour de Gand eussent une population égale, il en résulterait que la moitié des habitants de la cour de Gand aurait droit à être jugée par une cour d’assises de cinq conseillers. je dis la moitié, je me trompe ; plus de la moitié du ressort de cette cour a droit à être jugée par des assises composées de cinq membres de la cour d’appel.
A Liége, le ressort de la cour est divisé en quatre provinces ; et qui suppose la population divisée par quarts ; eh bien, il n’y a qu’un quart qui a droit à être jugé par des assises de 5 conseillers ; les trois autres quarts n’ont droit qu’à un conseiller et quatre juges de première instance.
Maintenant le nombre des causes portées aux assises de Gand est-il aussi considérable que celui des causes portées aux assises de Liège ? A Gand il est plus considérable ; il est même supérieur au nombre des affaires portées devant les assises de la cour de Bruxelles. Pendant l’année judiciaire 1832-1833, la chambre des mises en accusation de la cour de Bruxelles a eu à connaître de 107 causes, la chambre des mises en accusation de la cour de Gand 143 causes. Ainsi la cour de Gand a eu 36 causes de plus que celle de Bruxelles. Pendant le même espace de temps la cour de Liège … Je ne retrouve plus ma note sur le nombre de ses causes criminelles, mais je le crois plus faible que celui des mêmes causes à Gand et Bruxelles.
M. Vinchent, commissaire du Roi. - La chambre des mises en accusation de la cour de Liége a prononcé en 1832-1833 sur 148 affaires.
M. de Brouckere. - Alors je me suis trompé ; je m’empresse de reconnaître mon erreur. Le nombre des affaires sur lesquelles a statué la chambre des mises en accusation est à peu près le même dans les deux cours. Mais il n’y a pas égalité quant aux membres de la cour jugeant aux assises, puisque, je le répète, la moitié du ressort de la cour de Gand a des assises composées de cinq conseillers, tandis que, dans le ressort de la cour de Liége, les trois quarts sont jugés par des assises d’un conseiller et quatre juges de première instance, et un quart seulement par des assises de cinq conseillers.
Je crois avoir établi d’une manière suffisante la nécessité d’augmenter le personnel des cours de Bruxelles et de Gand. Je crois avoir répondu à tous les arguments qu’un honorable orateur a fait valoir contre le projet.
Je ne ferai plus qu’une observation en défendant ce projet tendant à l’augmentation du personnel de deux cours d’appel, ni le gouvernement ni les membres de ces cours n’ont aucun intérêt personnel quel qu’il soit ; le projet est uniquement dans l’intérêt des justiciables, de ceux qui ont des procès ou sont à même d’en avoir.
- Plusieurs membres. - C’est clair.
M. de Brouckere. - Car les travaux des membres d’une cour ne sont ni plus grands, ni plus petits, que vous augmentiez le personnel, ou que vous le laissiez tel qu’il est.
De manière que c’est véritablement une loi d’intérêt général, qui intéresse la totalité des habitants dans le ressort de la cour de Bruxelles, et la totalité des habitants dans le ressort de la cour de Gand.
M. Donny. - Je commencerai par déclarer que dans mon opinion l’un des premiers devoirs de l’Etat envers les citoyens, c’est de donner à l’ordre judiciaire une organisation telle que, dans toutes les parties du royaume, la justice puisse être rendue avec promptitude et facilité.
Ce devoir me paraît d’une nature absolue ; il me semble ne pouvoir être restreint par aucune considération d’économie : que l’Etat soit riche ou qu’il soit pauvre, peu importe. Il faut, dans un cas comme dans l’autre, que les citoyens puissent obtenir prompte et bonne justice dans les différends qui s’élèvent entre eux.
J’en viens à présent au projet en discussion, mais je ne m’en occuperai qu’en ce qui regarde les cours d’appel.
Je prends pour base de mon raisonnement un fait qui n’est contesté par personne, c’est que le personnel de la cour de Liège n’est pas trop nombreux. Partant de là, je compare les deux autres cours à celle de Liége, sous le double rapport et du nombre des conseillers de chacune d’elles, et des travaux dont ces conseillers sont chargés, et cette comparaison me démontre à l’évidence qu’il y a nécessité d’augmenter le personnel des cours de Bruxelles et de Gand.
Pour ce qui concerne la cour de Bruxelles, je me bornerai à la simple énonciation de mon opinion, sans y ajouter aucun développement ; la nécessité d’accorder à cette cour quelques conseillers de plus étant reconnue par le gouvernement et par la commission, et la chambre me paraissant partager leur opinion. D’ailleurs, après tout ce qui a déjà été dit par d’honorables préopinants, je croirais réellement abuser de la complaisance de l’assemblée, si je voulais m’étendre davantage sur ce sujet.
Passons à ce qui est relatif à la cour de Gand, et comparons cette cour avec les deux autres. D’après l’exposé des motifs du gouvernement, le nombre des affaires portées devant les cours depuis le 15 octobre 1832 jusqu’au 15 août 1833 s’élève pour la cour de Liège à 561, pour la cour de Gand à 630 et pour la cour de Bruxelles à 645. Il suit de là que lorsque l’on range les trois cours dans l’ordre indiqué par leurs travaux, celle de Liège doit occuper le dernier rang ; celle de Gand doit se trouver au-dessus d’elle, et celle de Bruxelles au-dessus des deux autres. Si, comme je le pense, le personnel doit être proportionné au travail qui lui est imposé, il serait rationnel de donner à la cour de Gand un personnel plus nombreux qu’à celle de Liége, comme il le serait d’en accorder un plus nombreux encore à la cour de Bruxelles.
Or, messieurs, vous le savez, ce n’est pas ainsi que les cours sont organisées actuellement, puisqu’il y a 18 conseillers à Liége et que la cour de Gand, bien loin d’en avoir un plus grand nombre, n’en a que 15. Aussi y a-t-il disproportion évidente entre ces deux cours. Et si, comme je l’ai admis au commencement de mon discours, le personnel de Liége n’est pas trop nombreux, il est conséquent de dire que celui de Gand doit être insuffisant. Il y a donc réellement nécessité d’augmenter ce personnel, et le moins qu’on puisse faire est de le porter au même nombre qu’à Liège, ainsi que le propose le gouvernement.
Je présenterai une autre considération encore à l’appui de cette augmentation.
Si la proposition du gouvernement n’était pas admise, il me paraît évident que les justiciables de la cour de Gand seraient en droit de se plaindre d’une espèce d’injustice commise à leur égard ; en effet, ils pourraient dire avec fondement que chez eux la justice en degré d’appel s’obtient plus difficilement que dans les autres provinces, et que cependant ils contribuent proportionnellement plus que les autres habitants du royaume dans les frais du personnel des cours d’appel.
Il me sera facile de prouver que cette plainte serait effectivement fondée.
Pour établir que la justice en degré d’appel s'obtient plus difficilement à Gand qu’à Liège et à Bruxelles, il me suffira de faire remarquer que le nombre des arrêts rendus par la cour de Gand dans l’espace de temps écoulé entre le 13 octobre 1832 et le 15 août 1833, ne s’est élevé qu’à 523, tandis que le nombre d’arrêts rendus pendant la même période par la cour de Liège est de 632, et qu’il est de 720 pour la cour de Bruxelles.
Ainsi, faute d’un personnel suffisant, la cour de Gand a rendu dans l’espace de temps indiqué 115 arrêts de moins que la cour de Liège, et 197 de moins que la cour de Bruxelles. Il est donc vrai de dire que la justice s’administre beaucoup plus lentement par la cour de Gand que par les deux autres, et que, par suite, les justiciables de Gand éprouvent plus de difficulté à obtenir la justice en degré d’appel que les justiciables de Liège et de Bruxelles.
Maintenant, pour prouver que les justiciables de la cour de Gand contribuent pour une part plus forte que ceux de Liège et de Bruxelles dans les frais du personnel des cours d’appel, je vais comparer la part qu’ils supportent respectivement dans les charges de l’Etat, avec la part attribuée à chacune des cours dans les sommes que l’Etat consacre à leur personnel.
Les justiciables de Liège supportent environ les 10/45 des charges publiques, et par conséquent aussi du total des frais du personnel des cours d’appel ; pour les justiciables de la cour de Gand, ce chiffre s’élève à 15/45 environ, et pour ceux de Bruxelles, approximativement à 20/45. D’un autre côté, le total des frais du personnel est reparti entre les cours de la manière suivante : Liège reçoit environ 14/45 ; Gand, 13/45, et Bruxelles, 18/45.
Il suit de là que les justiciables de Gand paient non seulement tous les frais du personnel de leur cour, s’élevant à 13/45 du total, mais encore 2/45 de plus qui ces frais, c’est-à-dire 2/13 de plus qu’ils ne paieraient si les traitements du personnel de chaque cour d’appel étaient supportés directement par les justiciables de cette cour.
On prouverait par un raisonnement semblable que les justiciables de Bruxelles, alors que l’augmentation demandée pour cette cour sera votée, paieront 2/18 de plus qu’ils ne paieraient s’ils avaient à supporter directement les frais du personnel de leur cour. Enfin l’on prouverait de même manière que les justiciables de Liége paient actuellement 4/14 de moins qu’ils ne paieraient si le personnel de leur cour était mis à leur charge.
Il résulte de ces calculs que ce sont les justiciables de Gand qui, proportion gardée, supportent la part la plus forte dans les frais du personnel des cours.
D’après toutes ces considérations, je voterai pour la proposition du gouvernement.
M. de Behr. - Je commencerai par déclarer qu’il n’est pas entré dans ma proposition de mettre la question d’assiduité de la cour de Liège.
On a dit que la cour de Liège tenait 4 audiences par semaine, mais il faut savoir qu’avant cela les chambres de cette cour ne tenaient que 3 audiences, et que les audiences se sont croisées. Ensuite, à Liége, toutes les affaires sont entre les mains de quelques avocats, et souvent on a été obligé de lever l’audience d’une chambre, parce que l’avocat qui devait plaider à cette chambre était à plaider dans l’autre ; aussi les audiences ont-elles été blanches dans la proportion d’un tiers. Le barreau de Liège ne se plaignait pas de cet état de choses, bien que l’arriéré fût considérable.
Quand on vous propose une augmentation pour Bruxelles, on se fonde principalement sur l’arriéré ; et quand ensuite on demande une augmentation pour Gand, on fait entrer en considération le nombre des affaires : je dis que si l’on fait une augmentation du personnel à Gand, à raison de l’arriéré, il faut une augmentation du personnel.
M. de Brouckere. - Il n’a été dans l’intention d’aucun des préopinants d’attaquer la cour de Liège ; cette cour ne demande pas d’augmentation, elle n’est pas en cause. Dans les discours qui ont été prononcés, on a fait des comparaisons, et ces comparaisons ont été relevées ; mais je verrais avec grande peine que l’on examinât quelle cour remplit le mieux ses fonctions : les membres de la cour de Bruxelles portent aux membres de la cour de Liége une estime pareille à celle qu’ils se portent entre eux. Chacun de son côté fait de son mieux.
Je demande que l’on ne fasse plus de comparaison entre la manière d’agir des cours : il ne faut pas qu’il s’établisse un esprit de corps ; il serait pernicieux.
L’honorable M. de Behr croit qu’on ne demande une augmentation pour Bruxelles que parce qu’il y a un arriéré ; je dis que quand même à Bruxelles il n’y aurait pas d’arriéré, il faudrait augmenter le personnel de la cour d’appel. Année commune il y a 400 causes nouvelles ; elle n’en a terminé que 262 en une année ; ainsi, il s’établit un arriéré considérable chaque année, ce qu’il faut éviter. Quand je demande l’augmentation du personnel des cours, je me fonde et sur l’arriéré qu’il faut épuiser, et sur les affaires courantes auxquelles il faut satisfaire.
M. Vinchent, commissaire du Roi. - Je n’ajouterai que quelques mots aux observations faites par mon honorable collègue. Ces observations sont rigoureusement fondées sur des chiffres, et je ne connais pas d’arguments plus solides que ceux-là. L’on dira peut-être que les tableaux statistiques ne comprenant qu’une année, l’exemple n’est pas concluant. J’aurai l’honneur de faire remarquer à la chambre qu’on n’a pu donner plus d’étendue à ces tableaux, puisqu’ils comprennent tout le travail des nouvelles cours d’appel depuis leur établissement en 1832. Au reste, en examinant le nombre des causes introduites à Bruxelles depuis la confection de ces tableaux statistiques, il est facile de se convaincre que ce nombre va en croissant au lieu de diminuer. En effet il résulte de ces tableaux officiels que, du 15 octobre 1832 au 15 août 1833, il a été introduit 386 causes civiles, tandis que du 15 août 1833 au 1er août 1834, il en a été introduit 403.
L’on soutient que le nombre réuni des conseillers des cours de Bruxelles et de Gand étant égal à celui des conseillers de l’ancienne cour supérieure de justice, qui comprenait dans son ressort le même nombre de provinces, l’on soutient que ce nombre de conseillers doit suffire aux besoins du service. Mais l’on perd de vue qu’alors le service des assises ne demandait que neuf conseillers ; savoir : 5 pour le Brabant et 1 pour chacune des provinces d’Anvers, du Hainaut et des deux Flandres : en tout 9. Maintenant, depuis que les mêmes cinq provinces forment deux ressorts, il faut dans chacune d’elles, pour le service des assises, 5 conseillers à Bruxelles, 1 à Anvers, 1 à Mons ; 5 conseillers à Gand et 1 à Bruges : en tout 13 ; donc 4 conseillers de plus que lors de l’existence de la cour supérieure. Cette différence compense certainement et au-delà la diminution de besogne opérée dans les cours d’appel par la création de la cour de cassation qui les a déchargées de cette branche du service.
Quant à la cour de Gand, abstraction faite du nombre des affaires qui y sont portées, il semble convenable de donner à cette cour une organisation rationnelle comme on l’a fait pour les deux autres. Ces dernières sont composées chacune de 21 conseillers. y compris un premier président et deux président de chambre ; un procureur-général et deux avocats-généraux sont affectés au service ordinaire des chambres : je ne parle pas des substituts, exclusivement occupés du service de la chambre des mises en accusation et des assises. Cette composition indique que dans l’esprit de la loi de 1832, et cela résulte d’ailleurs de la discussion de cette loi, l’on a voulu que ces cours fussent divisées en trois chambres. A Gand le personnel de la cour est composé de 18 conseillers, y compris un premier président et deux présidents de chambre.
Le parquet se compose d’un procureur-général, d’un avocat-général et de deux substituts. Ces deux derniers magistrats ne peuvent, ainsi que je l’ai dit, s’occuper du service ordinaire des chambres. A en juger d’après le nombre des présidents, a-t-on voulu aussi que cette cour fût divisée en 3 chambres ? Mais alors le nombre des conseillers est évidemment insuffisant, et il manque un avocat-général. N’a-t-on voulu, au contraire, que deux chambres ? Mais alors il y a un président de chambre de trop, et le nombre des conseillers est également excessif. De sorte qu’en résumé il y a trop pour faire deux chambres et pas assez pour en faire trois. Il convient de remédier à cet état de choses, et c’est dans ce but que nous déposerons un amendement, lorsqu’il s’agira de l’article 2 du projet de la commission.
M. Fleussu. - Je pense aussi que l’administration de la justice est une dette de l’Etat ; je ne m’opposerai donc pas à un accroissement de dépense, quand cette dépense me semblera juste.
Je n’élèverai aucune difficulté sur la demande relative à la cour de Bruxelles. Quant à la cour de Gand, tous mes scrupules ne sont pas apaisés, et il est probable que je voterai contre cette augmentation.
Une chose me frappe : c’est que, sous l’ancienne cour, il y avait 40 conseillers à la cour de Bruxelles où ressortissaient les Flandres ; que maintenant il y en a 21 à Bruxelles. Le gouvernement demande l’augmentation de 6 conseillers ; il y en a 18 à Gand, trois qu’on veut ajouter encore, ce qui fera 21 ; total 18. Ainsi il y a 8 conseillers de plus que sous l’ancien ordre de choses, ce qui occasionne une augmentation de dépense.
Il est encore une considération, c’est que les conseillers devaient siéger, sous la cour impériale, au nombre de 7 ; aujourd’hui, ils ne peuvent siéger qu’à 5, de sorte que la différence totale est réellement de 18 conseillers.
Mais, dit l’honorable M. Donny, les Flandres paient non seulement pour l’administration de la justice chez elles, mais encore pour l’administration de la justice dans les autres provinces ; elles doivent avoir autant de conseillers. Si l’on poussait cet argument jusque dans ses conséquences, je demande où l’on irait ? Ce sont là des considérations auxquelles on ne doit pas avoir égard. Il ne s’agit pas ici chiffre, ici ; il s’agit de quelque chose de plus élevé.
Il y a deux ans que le pouvoir judiciaire est réorganisé ; nous n’en sommes qu’à l’essai de la loi que nous avons portée ; et parce qu’à Bruxelles une augmentation est nécessaire, voilà qu’on demande aussi une augmentation pour Gand ! Mais pensez-vous qu’à Liège il ne soit pas également nécessaire d’augmenter le nombre des conseillers ? Les chambres ont suffi aux affaires parce que les conseillers ont montré du zèle et ont cru devoir en montrer ; mais croyez-vous qu’en favorisant les autres cours, vous ne les découragerez pas ? Elle demandera aussi une augmentation de personnel pour alléger son travail.
On a fait grand bruit des renseignements statistiques que l’on a présentés. On a l’expérience d’une année ; que peut-on apprendre en si peu de temps ? Je voudrais que l’on eût l’expérience de plusieurs années.
La cour de Bruxelles qui avait terminé 262 affaires dans une première année, n’en a terminé que 174 dans la seconde ; d’où vient cette différence ? Cette différence dépend de la nature des affaires, il y a certaines affaires qui exigent plusieurs séances, c’est ce qui fait que dans une année, la cour de Bruxelles a expédié plus d’affaires que celle de Liège et que dans une autre elle en a expédié moins. Le nombre du personnel est le même ; et si l’absence de conseillers qui sont membres de la chambre n’a pas nui à l’expédition des affaires, c’est que les autres conseillers se sont gênés pour nous remplacer.
Avant de consentir à une augmentation de dépense. il faudrait qu’on me prouvât que les enregistrements de causes sont chaque année les mêmes, et que chaque année le nombre des affaires expédiées est moindre que les enregistrements. Il est impossible qu’avec une année d’expérience on puisse apporter des modifications à l’organisation judiciaire.
Nous ne savons pas, disait un honorable membre, pourquoi la chambre en 1832 a fixé à 15 conseillers le personnel de la cour de Gand et à 18 celui de Liége. Moi, j’ai le bonheur de me souvenir de la discussion de 1832.
On a fait observer que la cour de Liége avait à prononcer sur les appels de trois chefs-lieux de province, Tongres, Namur et Arlon, tandis qu’à Gand on n’y porte en appel que les affaires jugées à Bruges. Liège doit ensuite députer des conseillers pour présider les assises de trois provinces, tandis que Gand n’en envoie qu’à une seule.
Le dirai-je ensuite, quelles sont les affaires qui occupent le plus la cour de Bruxelles ? Ce sont les affaires du Hainaut dont les mines sont une cause de procès très multipliés, dont les difficultés sont si grandes qu’on ne peut les juger définitivement qu’après une multitude d’incidents. Eh bien, la cour de Liège a à juger une multitude d’affaires de cette nature ; c’est pour cela qu’on lui a donné un personnel plus nombreux que celui de la cour de Gand.
Tant qu’il ne sera pas démontré que le personnel de la cour de Gand est insuffisant, je m’opposerai à son augmentation. Je l’admettrai d’autant moins, que M. Coppieters, président du tribunal de Bruges, m’a dit qu’en 6 mois on pouvait obtenir un arrêt de la cour de Gand, tandis que, prés des cours de Bruxelles et de Liège, il faut attendre 2 et 3 ans pour en avoir un.
Je pense donc qu’il faut, quant à présent, laisser les choses dans leur état actuel, sauf à augmenter le personnel là où l’expérience en a démontré la nécessité.
M. Helias d’Huddeghem. - Messieurs, on a eu l’air de dire que c’était parce que la cour de Bruxelles avait demandé une augmentation de personnel, que la cour de Gand était venue faire la même demande. On oublie ce que j’ai dit au commencement de la session, on oublie que dès son installation la cour de Gand a réclamé auprès du ministre de la justice, qu’au commencement de l’année judiciaire elle a renouvelé sa demande auprès de la chambre.
Quant à ce que vient de dire l’honorable préopinant, qu’on obtenait en 6 mois un arrêt de la cour de Gand, tandis qu’il fallait attendre 2 et 3 ans pour en obtenir des autres cours, je puis assurer qu’il se trompe, car la cour de Gand a beaucoup d’arriéré. Ce ne sont que des arrêts sommaires qu’on a pu obtenir en si peu de temps.
On a parlé aussi du nombre de membres qu’il y avait a l’ancienne cour impériale, qui était de 40, il est vrai. Mais, nonobstant ce nombre de 40 conseillers, vous avez entendu M. le commissaire du Roi vous dire que l’arriéré était très considérable dès 1814 et qu’il était encore considérablement augmenté depuis. Le fait est que les cours de Bruxelles et de Gand, pour bien remplir leurs devoirs, devraient être composées du même nombre de conseillers. Or, au lieu de donner 21 conseillers à la cour de Gand, on ne lui en a attribué que 18. Je ferai remarquer qu’au nombre de 40 conseillers dont se composait la cour impériale, il faudrait ajouter les six membres qui, pendant six mois de l’année, sont occupés à la cour d’assises.
Il faudrait donc 46 membres, encore y aurait-il l’arriéré de 1814. L’insuffisance du personnel se fait aussi remarquer au parquet. La cour de Gand n’a qu’un avocat-général, tandis qu’elle devrait en avoir deux.
Quant aux assises, je dois répéter qu’il n’y a pas de comparaison à faire entre celles de Liège et celles de la Flandre orientale. Les quatre provinces dont se compose le ressort de la cour de Liège ne donnent pas autant d’affaires aux assises que les deux provinces de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale, qui pendant six mois de l’année occupent six membres de la cour de Gand.
M. Fallon. - Pour bien apprécier la nécessité d’une augmentation du personnel dans les cours et nommément dans celle de Bruxelles, devons-nous considérer les besoins dans l’état actuel de choses, ou plutôt ne devons-nous pas prendre égard qu’il sera possible sous peu de décharger ces cours d’une partie de leurs attributions ?
L’honorable M. de Brouckere nous a dit que c’était à l’état actuel des choses qu’il fallait s’arrêter, et pour vous convier à partager cette opinion, il vous a dit que si l’on devait attendre la révision du régime actuel en matière criminelle et correctionnelle, nous devrions attendre encore plusieurs années.
Mais c’est là une erreur, et cette erreur est d’autant plus évidente, que sans la circonstance que nous sommes à la fin de la session nous discuterions actuellement les deux projets du gouvernement, qui soulevaient toutes les questions du principe que nous avions ajournées.
Ces questions ne sont pas d’ailleurs aussi difficiles qu’elles sont urgentes. L’on peut certainement, sans devoir attendre la révision des codes, mettre en harmonie avec nos institutions notre procédure criminelle et correctionnelle.
Il ne faut pas une bien longue discussion pour faire cesser cette anomalie qui fait juger les prévenus dans 3 provinces par 5 conseillers de cour, et dans 7 provinces par des juges de première instance.
Il ne faut pas non plus une bien longue discussion pour faire cesser cette bizarrerie, qui fait juger par la cour les appels correctionnels des tribunaux chefs-lieux de province, et qui fait juger par ces tribunaux les appels correctionnels des autres tribunaux de première instance du même rang.
Sans doute on n’atteindra pas ce but sans se heurter contre des questions plus ou moins susceptibles de controverse.
Mais enfin il faudra aborder ces questions, et c’est ce que nous allions faire si nous ne nous trouvions pas à la veille de devoir nous séparer : nous eussions même abordé ces questions, nonobstant la loi communale, parce qu’en fait il est toujours urgent, lorsqu’il s’agit d’imposer à la nation une nouvelle charge permanente d’une centaine de mille francs, d’examiner avant tout s’il n’y a pas moyen de parer au mal sans recourir à ce remède extrême.
Je pense donc que la chambre ne doit pas s’arrêter à la considération que nous ne pourrions nous occuper de sitôt des améliorations à apporter au régime actuel sur la procédure en matière criminelle et correctionnelle, et qu’entre-temps elle agira prudemment en n’accordant des augmentations de personnel que pour autant que la nécessité en sera démontrée, non pas à raison de l’état actuel des choses, mais bien à raison des améliorations que nous pourrions y apporter prochainement autrement qu’en grevant l’avenir d’une nouvelle charge assez considérable pour n’agir qu’avec discrétion.
M. Dubus. - Je n’ai que peu d’observations à présenter. Je pense, comme l’honorable M. Fleussu, que nous n’avons pas fait une assez longue expérience de notre organisation judiciaire pour pouvoir la modifier utilement. J’applique à la cour de Bruxelles les observations qu’il a faites sur la cour de Gand. J’ajouterai que si l’opinion publique a été frappée de l’idée que le personnel de la cour de Bruxelles était insuffisant et que le service en souffrait, c’est parce qu’une section civile a été à plusieurs reprises obligée de suspendre ses audiences.
Mais à qui devait-on en attribuer la cause ? A cette circonstance qu’il y a trois places vacantes auxquelles on n’a pas pourvu. Si ces places n’avaient pas été vacantes, toutes les sections auraient tenu leurs audiences. L’opinion publique n’aurait pas fait entendre de réclamations, et on ne serait pas venu demander d’augmenter le personnel. Remarquez que les détails statistiques qui vous ont été donnés viennent à l’appui de mes observations.
L’année dernière la cour d’appel de Bruxelles avait terminé 307 affaires par arrêts. Cette année le chiffre des affaires terminées par arrêts ne s’élève qu’à 174.
Si la cour d’appel avait été au complet, telle que l’a formée la loi de 1832, elle aurait terminé 300 affaires au lieu de 174, et l’augmentation de l’arriéré eût été insensible, et on ne viendrait pas parler maintenant d’augmenter le personnel, on attendrait les modifications qu’on doit apporter aux lois qui règlent la compétence des tribunaux criminels et correctionnels, et on ne proposerait que l’augmentation de personnel strictement nécessaire.
La minorité de la commission avait pensé qu’il suffisait d’augmenter de trois conseillers le personnel de la cour de Bruxelles. De cette manière elle serait constituée telle qu’elle l’était l’année dernière. Il y a plus, lorsqu’on aura pourvu au remplacement de conseillers décédés, démissionnaires ou promus à d’autres fonctions, on aura six conseillers de plus que dans l’état actuel. Le remplacement peut être considéré comme prochain, car déjà vous avez voté la loi provinciale. Dès qu’elle aura été votée par l’autre chambre, elle pourra recevoir la sanction royale.
D’après les chiffres qui nous ont été donnés, nous devons considérer le personnel actuel augmenté de trois membres, comme provisoirement suffisant.
Considérez en outre qu’on présente ce projet à la fin de notre session par des motifs d’urgence qui ne permettent pas d’en différer le vote jusqu’à la session prochaine.
M. le commissaire du Roi. - Il y a longtemps que le projet a été présenté.
M. Dubus. - Je parle du projet présenté aujourd’hui par la commission. S’il n’y avait pas eu urgence on aurait renvoyé le tout à la session prochaine. Alors nous examinerons toute l’organisation judiciaire, et les modifications qu’on y apportera seront peut-être telles que le personnel se trouvera suffisant.
Voilà la raison pour laquelle je m’oppose à l’augmentation telle qu’elle est proposée par la commission. Ce ne sera qu’en ajournant la décision à prendre sur cette augmentation, qu’entourés des renseignements qui vous manquent, vous pourrez plus tard juger si cette augmentation est réellement nécessaire.
M. Fernelmont, commissaire du Roi. - La cour de Bruxelles a rendu l’année passée 262 arrêts définitifs. C’est tout ce que peuvent expédier d’affaires deux chambres civiles. Il arrive annuellement 400 causes. Et ceci a été constaté par l’expérience de deux années, puisque, pendant les dix premiers mois qui ont suivi les vacances dernières, 380 causes nouvelles ont déjà été introduites. Pendant les onze mois et demi qui les ont précédées, il y en avait eu 400. En supposant donc que deux chambres civiles puissent siéger constamment, il y aurait toujours plus de 250 causes arriérées.
L’honorable préopinant a dit qu’il peut y avoir urgence d’adjoindre trois conseillers à la cour de Bruxelles. Il y a urgence selon moi de former une chambre civile nouvelle. Trois conseillers de plus ne pourront former une chambre civile nouvelle. (Aux voix ! aux voix !)
M. Helias d’Huddeghem. - Je demande qu’avant tout la chambre décide la question de savoir s’il y aura, oui ou non, augmentation du personnel des cours et tribunaux.
M. Dubus. - Je m’oppose à la motion de M. Helias d’Huddeghem. Elle est inutile d’abord, puisque tout membre aurait le droit d’en demander la division et que la division existe déjà dans le projet de la commission. Eu second lieu, elle aurait cet inconvénient qu’il semble qu’elle aurait pour but de lier les partisans de l’augmentation en faveur de la cour de Bruxelles à ceux qui voteraient en faveur de la cour de Gand et réciproquement. Il y aurait là une tactique condamnable. Remarquez, en outre que si ce principe pour la cour de Gand était accédé négativement, on ne pourrait plus y adjoindre un avocat-général.
M. Helias d’Huddeghem. - Je prie la chambre d’être persuadée que je n’ai pas voulu employer de tactique. Je demandais seulement que l’on votât sur le principe.
M. Fleussu. - Il est impossible d’admettre la motion de l’honorable M. Helias d’Huddeghem. Il y a une augmentation du personnel de la cour de Gand qui n’est contestée par personne. C’est celle d’un avocat-général.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article premier ainsi conçu :
« Le personnel de la cour d’appel de Bruxelles est augmenté d’un président de chambre, de cinq conseillers et d’un avocat-général. »
MM. les commissaires du Roi proposent l’amendement suivant à l’article 2 :
« Le personnel de la cour de Gand est augmenté de 5 conseillers et d’un avocat-général. »
MM. Pollénus et de Behr proposent l’amendement suivant à l’article premier :
« Le personnel de la cour de Bruxelles est augmenté de 5 conseillers. »
M. Coghen. - Je ne puis me rallier à la proposition de MM. de Behr et Pollénus. Les honorables commissaires du Roi ont démontré jusqu’à l’évidence que si l’augmentation demandée par le gouvernement n’était pas admise, il serait impossible de combler l’arriéré des affaires. Il est du devoir de la législature de faire tout ce qui est en elle pour lever tous les obstacles qui s’élèvent contre la marche de la justice dans le pays.
M. Pollénus. - La minorité de la commission a pensé que l’on ne devait prendre en considération que les besoins réclamés impérieusement par les embarras de l’expédition des affaires, et elle n’a cru devoir s’arrêter qu’à des besoins qui offraient un caractère de permanence, Je ne dirai que très peu de mots à l’appui de l’amendement que j’ai présenté conjointement avec M. de Behr. Les développements que nos honorables collègues MM. Dubus et Fallon ont donnés à une opinion qu’ils partagent avec moi, me dispensent de m’étendre longuement sur les avantages de ma proposition.
L’opinion de la minorité de la commission repose, a dit l’honorable M. de Brouckere, sur une hypothèse qui ne se réalisera pas de sitôt. Je crois que la loi sur les compétences est urgente et qu’elle ne peut être retardée. J’espère que la chambre le reconnaîtra comme moi. Indépendamment des questions de cette nature qu’effleurait le projet du gouvernement, il est une autre considération à l’appui de mon opinion ; c’est celle-ci :
L’un des premiers travaux de la chambre dans la session prochaine portera sur la circonscription des justices de paix.
Il est possible que la chambre détermine cette circonscription avant d’avoir fait une loi sur les compétences. Sur quoi fonde-t-on un personnel ? Sur les travaux qui sont attribués aux corps judiciaires. Comment pourrait-on admettre qu’il y aura un canton pour une population de 40 à 60,000 habitants, sans fixer la nature des causes qui seront attribuées aux juges de paix ?
L’honorable M. de Behr a communiqué à la chambre ses vues sur un système nouveau de compétence. Je n’ai pas entendu que des objections sérieuses aient été faites contre ce système. La longue expérience de l’honorable préopinant donne beaucoup de poids à ses arguments. Pour ma part, je suis intimement convaincu que bientôt les tribunaux de première instance ne pourront plus évacuer la besogne qui leur est attribuée par les lois générales et par les lois spéciales que l’on a faites successivement.
Un grand nombre de causes criminelles ont été attribuées aux tribunaux de première instance. Vous êtes saisis en ce moment d’un projet très volumineux que vous a présenté M. le ministre de la justice, d’où il résultera qu’un grand nombre d’affaires, qui sont maintenant attribuées aux cours d’assises, vont être déférées aux tribunaux de première instance, Il faudra nécessairement augmenter la compétence des justices de paix dans la proportion du surcroît d’attributions que l’on veut donner aux tribunaux de première instance ; sans cela ces tribunaux auraient bientôt le même encombrement dont on se plaint aujourd’hui dans les cours d’appel. Sans quoi on ne ferait que déplacer le mal sans y apporter remède.
Cette augmentation d’attributions pour les justices de paix est depuis longtemps réclamée par les besoins des justiciables, et ainsi que vous l’a dit l’honorable M. de Behr, ces modifications introduiraient, de l’avis de tous les hommes pratiques, une économie notable dans les frais de justice qui, en ce qui concerne un grand nombre de poursuites, tombent presque entièrement à charge du trésor public.
Vous voyez donc, messieurs, que ce système de compétence si vivement réclamé aura pour résultat d’augmenter considérablement les travaux des juges de paix :je crois pouvoir prédire qu’en matière de simple police leur besogne devra être triplée, sinon quadruplée ; d’après cela il est évident que la chambre ne pourra s’occuper des propositions sur les circonscriptions des cantons et j’ai ainsi prouvé que la loi des compétences devra précéder et conséquemment qu’elle ne peut se faire longtemps attendre.
En vous proposant d’augmenter la cour d’appel de Bruxelles de trois conseillers, nous avons pensé qu’en portant ainsi le personnel de cette cour à 24 membres il était possible d’avoir trois chambres civiles, et que, pour le moment, il fallait se borner dans cette loi toute temporaire à ce qui était rigoureusement nécessaire. Il est bien vrai qu’il y a encore quelques vacatures, mais auxquelles il pourra être pourvu immédiatement après la mise à exécution de la loi provinciale.
Messieurs, vous voudrez bien remarquer que le projet confie au gouvernement la nomination de ces nouvelles places dont la présentation, aux termes ou du moins d’après le vœu de la constitution, devrait appartenir aux conseils provinciaux. Il faut se montrer circonspect dans ces dérogations aux droits des conseils des provinces.
Et dans quel moment veut-on mettre un si grand nombre d’emplois à la disposition du gouvernement ? En l’absence d’un cabinet, dans un moment où nous ne connaissons pas encore les hommes à qui l’on propose d’attribuer de si importantes nominations. La loi que nous discutons est une loi de confiance, et dans notre situation cette confiance ne peut se justifier que par des considérations d’une urgente nécessité puisées dans les besoins bien entendus de l’administration de la justice.
Je livre cette dernière considération surtout à la prudente appréciation de la chambre.
Sans rentrer dans les motifs qui ont été développés par d’honorables préopinants qui partagent mon avis, je crois en avoir assez dit pour justifier l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous soumettre conjointement avec M. de Behr.
-Plusieurs membres. - La clôture !
M. de Brouckere. - Je me bornerai à dire que si vous vous bornez à augmenter le personnel de trois conseillers, vous voterez une dépense qui ne servira à rien. C’est comme si vous ne faisiez rien.
M. Dubus. - Je dois rectifier le fait avancé par l’honorable préopinant. Il prétend qu’en votant une augmentation de trois conseillers, la chambre ne fera rien ; je dis au contraire que la chambre fera beaucoup. Ainsi la cour sera au complet de ses membres ; immédiatement elle pourra procéder comme l’année dernière et juger 100 affaires de plus. En second lieu, le personnel de la cour, porté par cette augmentation au nombre de 24 membres, pourra former trois chambres civiles dont une ne chômera que lorsqu’il y aura cour d’assises. Ainsi si l’arriéré ne diminue pas tant que la loi de compétence n’aura pas été votée, au moins les causes nouvelles ne s’augmenteront pas dans une trop grande proportion. Je crois donc que, loin de faire une chose inutile, la chambre fera beaucoup en adoptant l’amendement.
M. Liedts, rapporteur. - Dans mon opinion, une augmentation de trois conseillers ne fera pas diminuer l’arriéré de la cour de Bruxelles.
Il est à remarquer qu’alors que nous sommes d’accord sur les chiffres, nous différons sur les conséquences à en tirer. 250 affaires occupent les deux chambres de la cour de Liège ; on convient qu’à la cour de Bruxelles il y a 400 causes, et on ne veut pas lui donner une troisième chambre. Evidemment, ou il y a une chambre de trop à la cour de Liège, ou il faut une troisième chambre civile à la cour de Bruxelles.
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de MM. de Behr et Pollénus, ainsi conçu : « Le personnel de la cour d’appel de Bruxelles est augmenta de trois conseillers. »
- Plusieurs membres. - L’appel nominal !
- La chambre procède à l’appel nominal sur l’amendement. En voici le résultat :
53 membres sont présents.
1 membre s’abstient.
52 prennent part au vote.
31 votent pour l’adoption.
21 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption :
MM. Boucqueau de Villeraie, Dautrebande, de Behr, de Laminne, A. Dellafaille, de Longrée, de Renesse Desmet, de Terbecq, Dewitte, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubus, Fallon, Frison, Lardinois, Morel-Danheel, Pollénus, Quirini, Raikem, A. Rodenbach, Simons, Thienpont, Ullens, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, L. Vuylsteke, Watlet, Zoude.
Ont voté contre :
MM. Bekaert, Berger, Brixhe, Coghen, de Brouckere, H. Dellafaille, de Meer de Moorsel, de Nef, de Sécus, de Stembier, Donny, Dumortier, Duvivier, Helias d’Huddeghem, Jadot, Liedts, Milcamps, Poschet, Vandenhove, C. Vilain XIIII, C. Vuylsteke.
M. le président. - M. Fleussu qui s’est abstenu, est invité à s’expliquer.
M. Fleussu. - Je me suis abstenu parce que d’un côté l’augmentation ne permet pas de donner une chambre de plus, et que d’un autre côté cette augmentation est bonne dans l’intérêt de l’administration de la justice.
M. le président. - « Art. 2 de la commission. Le personnel de la cour de Gand est augmenté d’un avocat-général. »
M. Vinchent, commissaire du Roi, propose l’amendement suivant :
« La cour de Gand est composée de trois conseillers. »
- >Plusieurs voix. - L’appel nominal.
- On procède à l’appel nominal ; en voici le résultat.
54 membres sont présents.
24 ont répondu oui.
28 ont répondu non.
2 membres se sont abstenus.
En conséquence l’amendement n’est pas adopté.
M. F. de Mérode et M. de Laminne déclarent s’être abstenus comme n’ayant pas saisi la discussion.
Ont répondu oui :
MM. Bekaert, Brixhe, Coghen, de Brouckere, H. Dellafaille, de Nef, Desmet, de Terbecq, Dewitte, Donny, Duvivier, Helias d’Huddeghem, Jadot, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Pollénus, Poschet, A. Rodenbach, Thienpont, Vanderbelen, L. Vuylsteke, C. Vuylsteke, Zoude.
Ont répondu non :
MM. Berger, Boucqueau de Villeraie, Dautrebande, de Behr, de Meer de Moorsel, A. Dellafaille, de Longrée, de Renesse, de Sécus, de Stembier, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubus, Dumortier, Fallon, Fleussu, Frison, Lardinois, Quirini, Raikem, Simons, Ullens, Vandenhove, Vanderheyden, Verdussen, C. Vilain XIIII, Watlet.
- L’article 2 de la commission est mis aux voix et adopté.
M. le président. - « Art. 3. L’ordre de présentation aux places de conseillers qui deviennent vacantes, réglé par l’article 37 de la loi du 4 août 1832 (Bulletin officiel, n° 592) est modifié en ce qui concerne la cour d’appel de Bruxelles, comme suit :
« Cour de Bruxelles.
« Le conseil provincial d’Anvers présente à huit places, celui de Brabant à neuf places et celui de Hainaut à dix. »
M. Liedts, rapporteur. - Il faut une autre rédaction de l’article 3 ; il faut dans le second paragraphe que le chiffre de chaque province soit diminué d’une unité.
M. Dubus. - Lorsque le nombre des conseillers était de 21, le Hainaut était lésé. Quand il s’agit d’augmenter le nombre des conseillers, on augmente le chiffre de Bruxelles et d’Anvers, en sorte que le Hainaut serait encore plus lésé.
Cependant, si vous prenez pour base la population des trois provinces, celles d’Anvers aurait son compte avec 6, sur 21 conseillers ; celle du Hainaut devrait en avoir 11. La province d’Anvers est donc extrêmement favorisée. En laissant à Anvers ses 6 conseillers sur 24, il faudrait au moins qu’il y en eût 8 pour le Brabant et 10 pour le Hainaut.
Le nombre et l’importance des affaires doivent aussi servir de base ; or, je demande quelle province envoie des procès plus nombreux et plus compliqués que le Hainaut ? Je demande formellement que la répartition soit ainsi faite : Anvers 6 ; Brabant 8 ; Hainaut, 10.
M. Fernelmont, commissaire du Roi. - Pour décider la question, il faut connaître le nombre des causes qui sont soumises à la cour d’appel et leur origine. Or, depuis l’installation de l’ordre judiciaire, 784 causes ont été soumises à la cour d’appel de Bruxelles ; sur ce nombre le Brabant en a fourni 365, le Hainaut 216, Anvers 172. Il résulte de ces chiffres que la proportion établie par le gouvernement est exacte quand on compare le nombre des conseillers au nombre des affaires.
M. Liedts, rapporteur. - Lors de la discussion de la loi de 1832 sur l’ordre judiciaire, les intérêts de la province du Hainaut ont été bien défendus, comme ils le sont toujours, par les honorables députés de cette province : le Hainaut produit un sixième d’affaires de plus que la province d’Anvers ; ainsi il y aurait disproportion en posant les chiffres 6 et 10. Pour conserver la proportion relativement aux affaires, il faut seulement diminuer de une unité les chiffres proposés par le gouvernement.
M. Dubus. - Messieurs, on a déjà accordé trop à la province d’Anvers, relativement aux autres. D’après sa population, elle ne devrait avoir que 5 places et demie, s’il était possible de donner une demi-place. Ainsi quand vous lui en accordez six, vous lui faites déjà un avantage. Mais, dit M. le commissaire du Roi, c’est le nombre des causes qu’il faut considérer, pour déterminer le personnel d’une cour.
Messieurs, ce n’est pas seulement le nombre des cause, mais leur importance qu’il faut considérer ; c’est même là l’argument principal qu’on a produit pour faire voir combien la cour de Bruxelles était occupée. En effet elle a à juger toutes les causes des mines qui sont très longues et très difficiles.
Je pense donc qu’il n’est pas juste de déterminer le personnel d’une cour d’après le nombre de causes qu’elle a à juger, sans avoir égard à leur importance et à la population du ressort.
- L’amendement de M. Dubus est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
L’article 3 proposé par la commission est adopté.
« Art. 4. Le personnel du tribunal de première instance de Bruxelles est augmenté de trois juges, de deux suppléants et d’un substitut du procureur du Roi.
- Adopté.
« Art. 5 La première nomination aux places de conseillers créées par l’article 1er ci-dessus, sera faite par le Roi. »
- Adopté.
- Plusieurs membres. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
M. le président. - Il y a eu des amendements ; aux termes du règlement on doit attendre 24 heures avant de passer au vote définitif.
M. Fleussu. - Je crains que la chambre ne soit plus en nombre après-demain. Je sais que quand il y a eu des amendements adoptés ou des dispositions rejetées, le règlement veut qu’on attende un jour avant de passer au vote définitif. Mais la chambre s’est déjà écartée de l’article du règlement pour cause d’urgence.
Je crains que si nous remettons le vote définitif de cette loi à après-demain, il ne puisse avoir lieu. Je demande donc que, vu l’urgence, il soit passé immédiatement au vote définitif.
- La chambre consultée décide que, vu l’urgence, par dérogation au règlement, on passera immédiatement à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
53 membres ont répondu à l’appel.
48 ont adopté la loi.
5 l’ont rejetée.
Ont répondu oui :
MM. Bekaert, Berger, Boucqueau de Villeraie, Brixhe, Coghen, Dautrebande, de Behr, de Laminne, A. Dellafaille, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, de Nef, de Renesse, de Sécus, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Witte, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Donny, Dubus, Dumortier, Duvivier, Fallon, Fleussu, Frison, Jadot, Lardinois Milcamps, Morel-Danheel, Pollénus, Quirini, Raikem, A. Rodenbach, Simons, Thienpont, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, C. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Watlet, Zoude.
Ont répondu non :
MM. H. Dellafaille, de Longrée, Helias d’Huddeghem, Liedts, Poschet.
M. le président. - Quel jour la chambre désire-t-elle fixer sa prochaine réunion ?
M. Fallon. - Je propose que nous nous ajournions jusqu’au premier jour de la session prochaine. (Hilarité.)
M. Dumortier. - Décidons que la première convocation sera faite à domicile. C’est ainsi que l’on agit en France chaque fois que la chambre des députés s’ajourne.
M. Dewitte. - Je demande qu’avant tout la loi communale soit mise à l’ordre du jour de la première séance de la session prochaine. (Réclamations.)
M. Dubus. - Il n’y aurait aucun inconvénient à ce que la chambre s’ajournât indéfiniment. Si une réunion était nécessaire, notre président nous convoquerait.
- La proposition de M. Dewitte est retirée.
La proposition de M. Dubus est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - En conséquence la chambre déclare s’ajourner indéfiniment.
M. le président. - MM. les questeurs ayant une proposition à faire à l’assemblée, je pense, conformément au règlement, qu’il y a lieu de nous réunir en comité général.
- La séance publique est levée à 5 heures.
La chambre se constitue en comité général.